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LANG Rapport du Comité

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LES MÉDIAS À L’ÈRE NUMÉRIQUE : ARRIMER LES NOUVELLES TENDANCES AUX RESPONSABILITÉS FÉDÉRALES ENVERS LES COMMUNAUTÉS DE LANGUE OFFICIELLE EN SITUATION MINORITAIRE

INTRODUCTION

À l’hiver 2018, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (ci-après « le Comité ») a entrepris une étude sur les programmes d’appui fédéraux aux médias des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM).

Mme Marie Hélène Eddie, doctorante en sociologie spécialisée dans les médias, a expliqué au Comité que « c’est dans une période de grands changements que subsistent les médias d’aujourd’hui. Qu’ils soient francophones ou anglophones, ils font tous face à des défis[1]. » À vrai dire, tous les médias traditionnels — la télévision, la radio et la presse écrite — doivent désormais composer avec une perte importante de revenu. Pour plusieurs témoins, dont M. Richard Tardif, directeur général de l’Association des journaux régionaux du Québec, ces changements sont attribuables à l’utilisation accrue de l’Internet comme support médiatique pour l’achat publicitaire :

Au cours des dernières années, nous avons observé des changements dans les médias. Le personnel a été réduit du tiers depuis 2000. La valeur des actions des grandes entreprises médiatiques a chuté au cours de cette même période. Personne ne peut le nier. Selon bien des gens, la principale cause est attribuable au fait qu’Internet a fait en sorte de réduire les revenus publicitaires des organes de presse[2].

Les médias desservant les CLOSM, c’est-à-dire les journaux et les radios de langue française établis à l’extérieur du Québec et ceux de langue anglaise établis au Québec - sans égard à leur structure corporative -, font face «aux mêmes défis que tous les autres médias [...] [3]», mais elles sont aux prises avec « des défis supplémentaires[4] ». De fait, ils doivent composer :

  • avec des lectorats et des auditoires qui sont à la fois plus petits et dispersés sur un plus vaste territoire[5];
  • « moins de moyens et de ressources que d’autres médias[6] »; et
  • avec le fait que « les communautés qu’ils tentent d’appuyer ont-elles‑mêmes grandement besoin d’appui pour assurer leur vitalité et leur épanouissement[7] ».

Le gouvernement du Canada aurait pris un virage numérique en matière d’achats publicitaires, sans prévoir un soutien accru pour les médias desservant les CLOSM. De surcroit, au cours des dernières années, le gouvernement du Canada s’est désengagé de ses responsabilités envers les médias des CLOSM en diminuant considérablement la part des achats publicitaires achetée auprès d’eux.

Le présent rapport a pour objectif de recommander au gouvernement du Canada des mesures positives qui lui permettront de revoir son approche en matière de soutien aux médias desservant les CLOSM de sorte à atteindre les objectifs de la Loi sur les langues officielles et à mettre en œuvre le principe d’égalité réelle.

1.   Les médias des communautés de langue officielle en situation minoritaire : piliers communautaires

M. Pierre-Paul Noreau, président-éditeur du journal Le Droit et représentant de la Coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec, a expliqué sa vision des médias de la manière suivante :

Un média, c’est un miroir. Un média, c’est une agora pour se connaître, se rencontrer et échanger. Un média, c’est un carrefour. C’est dans les médias qu’on discute de nos succès et des défis auxquels nous sommes confrontés[8].

C’est pour ainsi dire que les médias de langue officielle en situation minoritaire remplient trois fonctions essentielles à la vitalité de la communauté : la représentation; l’unification et l’information[9].

1.1.  La représentation

Comme l’a expliqué Mme Eddie, les médias de langue officielle permettent aux CLOSM « de se voir, de se rappeler qu’elles existent, qu’elles vivent en français et que le français est réel[10] ».

Pour Martin Théberge, le président de la Fédération culturelle canadienne-française, « le fait d’avoir accès à un contenu radio produit et diffusé localement agit directement sur la fierté d’être ce que nous sommes et nous pousse à exprimer, à partager et à faire rayonner cette fierté autour de nous[11] ».

La capacité des médias desservant les CLOSM à refléter la réalité des CLOSM provient du fait qu’ils font partie intégrante du réseau associatif et institutionnel de ces dernières :

Les médias locaux sont enracinés dans nos communautés. Ils nous comprennent et nous connaissent parce qu’ils évoluent avec nous, dans nos milieux. Ils sont des partenaires stratégiques de nos organismes, car ils nous aident à tisser des liens avec notre communauté, qu’il s’agisse d’information, d’engagement ou de participation. Ils servent de tremplin à nos actions et à nos activités. Les statistiques en font foi : le taux de pénétration des foyers des médias communautaires varie entre 54 % et 83 %, selon les régions[12].

Aux dires de Mme Melanie Scott, éditrice du Low Down to Hull & Back News, cette proximité à la communauté assure à son journal un lectorat fidèle :

Notre journal n’est pas comme un grand quotidien. Les journaux quotidiens ont perdu leur lectorat, mais ce n’est pas notre cas. Nous connaissons nos communautés mieux que quiconque, car nous y vivons et y travaillons. Notre quotidien est lu d’une couverture à l’autre chaque semaine[13].

Comme l’explique Mme Sharon McCully, éditrice du journal The Sherbrooke Record, le problème des anglophones du Québec en région n’est pas tellement d’avoir accès à des médias de langue anglaise; c’est d’avoir accès à des médias qui relatent des informations locales qui les touchent directement :

Bien que comparativement à la situation des minorités francophones hors Québec, l'accès à des médias anglophones ne soit pas un problème pour les Québécois anglophones, le contenu des médias anglophones concerne rarement les anglophones qui ne vivent pas sur l'île de Montréal. C'est pourquoi l'existence de journaux communautaires est essentielle, surtout dans les régions éloignées, où le journal local est la principale source de nouvelles. Nous sommes heureux que la ministre Joly dise que le journalisme local est un facteur qu'elle examine[14].

Soulignons également le fait que les médias desservant les CLOSM investissent dans les activités de leurs partenaires en offrant des commandites en espace publicitaire pour les organismes des CLOSM ainsi que de l’espace rédactionnel pour couvrir l’actualité et les initiatives locales[15].

1.2.  L’unification

Les médias desservant les CLOSM jouent aussi un rôle rassembleur : « ils unissent des individus qui, dans bien des cas, sont éloignés géographiquement, mais qui sont conscients de faire partie d’une communauté grâce à leurs médias[16]. » À titre d’exemple, les médias des CLOSM sont parmi les seuls à couvrir les informations en milieu rural[17].

De manière plus large, la Fédération culturelle canadienne-française a affirmé que « les médias communautaires influent sur la cohésion sociale[18] ». Ils servent à tisser de liens entre la majorité et la communauté minoritaire[19]. Ils ont également un rôle à jouer dans l’accueil des nouveaux arrivants[20]. Mme Maggy Razafimbahiny, directrice générale de la Fédération culturelle canadienne-française, a puisé dans son expérience personnelle pour illustrer ce dernier point :

Notre société est en train de se transformer avec la venue de plusieurs nouveaux arrivants. Ayant moi-même été une nouvelle arrivante, il y a une vingtaine d’années, je peux dire que le rôle des médias locaux est absolument fondamental pour faciliter cette transition vers une nouvelle société à laquelle ces gens adhèrent, mais aussi pour aller développer ce sens d’identité commune que nous voulons avoir avec les autres francophones d’ici. Il n’y a que les médias communautaires qui peuvent vraiment nous aider en ce sens[21].

1.3. L’information

Comme l’a expliqué Mme Eddie, « la démocratie s’appuie sur trois pouvoirs formels, soit l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Rappelons-le, les médias forment le quatrième pouvoir[22]. » En milieu minoritaire francophone, « ce quatrième pouvoir se concentre beaucoup sur le fait français. Ces médias sont le chien de garde des droits des francophones[23]. » De fait, dans bien des cas, les médias locaux servent d’organes aux CLOSM :

Les médias en milieu minoritaire sont donc un instrument de combat pour ces groupes. Pour utiliser une image ou une métaphore, disons qu’ils sont à la fois les oreilles et la voix de la communauté. Je dis qu’ils sont leurs oreilles parce que c’est en lisant le journal ou en écoutant la radio que les minorités apprennent que leurs droits ont été bafoués. Ils sont leur voix, parce que lorsque les minorités décident de s’organiser et de se mobiliser, c’est en passant par les médias qu’elles le font. Elles font circuler l’information au sein de la communauté par l’entremise de la radio et du journal. C’est encore une fois en passant par leurs médias que les minorités s’adressent au gouvernement, attirent l’attention des politiciens et dialoguent avec les représentants du pouvoir. Si ces médias ne sont pas forts, la capacité de mobilisation de la communauté n’est pas forte[24].

Mme Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef du journal La Liberté au Manitoba, a donné plusieurs exemples qui illustrent comment la Liberté assume pleinement son rôle d’organe des Franco-Manitobains :

Au Manitoba, il y a quelques semaines, La Liberté a découvert, par l’entremise de quelques sources, que le Bureau de l’éducation française allait être démantelé par le gouvernement provincial. Eh bien, non seulement nous avons couvert in extenso le démantèlement du Bureau de l’éducation française, mais nous avons publié, dans les journaux que je vous distribue, des dizaines de lettres à la rédaction.
Les gens réagissent dans leur journal. C’est leur moyen de contester. Ils ne peuvent pas prendre le micro de Radio-Canada pour raconter ce qu’ils ont envie de raconter. Le seul endroit où ils peuvent le faire, c’est dans leur journal. Ils peuvent le faire sur Facebook s’ils y sont abonnés; ils peuvent le faire sur Twitter s’ils y sont abonnés. Or il n’est pas nécessaire d’être abonné à La Liberté pour lancer un cri d’alarme, un cri du cœur pour dire que l’on tient au Bureau de l’éducation française.
Pour ce qui est de la clinique express francophone, c’est la même chose. Elle a été verrouillée, démantelée. C’est fini, il n’y en a plus. La Liberté était là pour couvrir l’événement. Sinon, ce serait passé complètement inaperçu.
En 2012, un bureau de Service Canada était en train de fermer ses portes tranquillement, sans que personne ne s’en rende compte. La Liberté a réussi à démanteler les rumeurs et à montrer que le gouvernement était effectivement en train de nous fermer sous le nez son bureau de Service Canada en plein cœur de Saint-Boniface, le bastion de la langue française dans l’Ouest canadien. C’est aussi à cela que sert un journal communautaire[25].

Il importe aussi de noter que « dans certaines régions, ces médias sont parmi les derniers médias indépendants à subsister dans un contexte où la concentration médiatique est de plus en plus forte et commune[26]. » C’est le cas du journal anglophone indépendant Low Down to Hull & Back News (Wakefield, Québec):

Il constitue la seule source anglophone fiable de nouvelles et d’informations dans notre région. Il n’existe aucune autre source vers laquelle les gens peuvent se tourner pour obtenir des articles objectifs ayant fait l’objet de recherches exhaustives[27].

1.4. Facteur de développement économique

Enfin, on ne peut passer sous silence le fait que, à titre d’employeurs, les médias desservant les CLOSM participent à la croissance économique :

Les médias francophones communautaires privés et sans but lucratif contribuent grandement à élargir l’espace francophone, et ce, partout au pays. Ils participent à la vitalité économique de notre pays en employant 550 professionnels d’un océan à l’autre. Ce chiffre ne représente que les emplois directs. Il ne tient pas compte des emplois de pigistes, d’imprimeurs et de vendeurs générés par ces médias[28].

De plus, en partenariat avec les institutions postsecondaires, les médias desservant les CLOSM offrent des stages pour les étudiants et étudiantes qui songent à faire carrière dans le domaine du journalisme.

La Fédération culturelle canadienne-française est donc d’avis qu’il faut encourager « le potentiel de création d’emploi et d’apprentissage expérientiel qu’offrent les médias locaux dans nos milieux et en misant sur ce potentiel[29] ».

Pour M. George Guzmas, co-éditeur du journal The North Shore News et Newsfirst Multimedia, l’appui aux journaux des CLOSM c’est aussi un investissement dans l’économie et plusieurs autres secteurs :

En terminant, je dirais qu'en soutenant la viabilité des journaux de langue officielle, on maintiendra des milliers d'emplois pour les Canadiens de la classe moyenne. On permettra à la salle de rédaction de survivre et on protégera le journalisme canadien. On favorisera le maintien des emplois de nos employés de classe moyenne qui travaillent pour nos journaux; des imprimeurs et de leurs employés; des employés du secteur de la fabrication de papier, qui produisent le papier que nous imprimons; et de l'industrie forestière d'où vient le papier. Comme vous pouvez le constater, soutenir les journaux de langue officielle a des répercussions positives sur l'emploi dans bien d'autres secteurs. C'est la situation réelle[30].

Dans le nouveau Plan d’action pour les langues officielles — 2018-2023 : investir dans notre avenir, le gouvernement du Canada a annoncé un investissement de 4,5 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans dans le programme Jeunesse Canada au travail. Cet investissement « permettra de créer 35 stages à des stations de radio et chez des éditeurs de journaux des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire » pour des étudiants et des jeunes récemment diplômés[31].

2.  Le financement des médias desservant les communautés de langue officielle en situation minoritaire : les achats publicitaires

Comme les abonnements, les achats publicitaires représentent une des principales sources de financement des journaux et des radios communautaires[32]. Or, au cours des dernières années, le volume d’achat publicitaire, comme le taux d’abonnements, a diminué.

2.1.  Les partenaires locaux

Certains représentants des medias desservant les CLOSM ont affirmé que, chaque année, la part des achats publicitaires de leurs partenaires locaux diminue de 10 %[33]. Cette diminution s’explique en partie par le fait que, jusqu’à tout récemment, le soutien financier accordé par le gouvernement du Canada aux organismes des CLOSM n’avait pas été indexé depuis plusieurs années[34]. Les réseaux associatifs et institutionnels n’avaient donc plus les moyens de soutenir leurs propres médias.

2.2.  Les compagnies privées

Selon M. Noreau du journal Le Droit, l’achat de publicité par les compagnies privées d’envergure nationale diminue de 25 % par année[35]. Cette tendance est attribuable, en partie, au fait que les entreprises ont davantage recours à Internet et aux médias sociaux comme supports publicitaires. M. Noreau a affirmé que Google et Facebook « accaparent plus de 70 % de l'assiette publicitaire au Canada… »[36] en raison de la visibilité qu’ils offrent ainsi qu’au coût abordable de leur espace publicitaire[37]. Google, à titre d’exemple, vend sa publicité 3 $ du coût par mille impressions[38]. Pour être rentable, le journal Le Droit doit la vendre 70 $ du coût par mille impressions[39]. Le déséquilibre est flagrant.

À l’heure actuelle, le gouvernement du Canada ne semble pas avoir d’initiatives en place pour inciter les entrepreneurs à acheter de la publicité auprès des médias canadiens. En fait, au moment d’écrire ces lignes, la Loi de l’impôt sur le revenu permet « de déduire les frais de publicité sur toutes les plateformes numériques », même s’il s’agit d’un fournisseur étranger[40].

2.2.1.  Inciter les entrepreneurs grâce à de nouvelles mesures fiscales

Pour inciter les entrepreneurs à favoriser les médias canadiens, certains témoins ont recommandé au gouvernement du Canada d’implanter de nouvelles mesures fiscales, plus précisément l’attribution de nouveaux crédits d’impôt pour l’achat de publicités dans les médias canadiens.

Dans un rapport intitulé : Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation (juin 2017), le Comité permanent du patrimoine canadien a recommandé au gouvernement du Canada « de modifier les paragraphes 19 (journaux), 19.01 (périodiques) et 19.1 (radiodiffuseurs) de la Loi de l’impôt sur le revenu afin d’autoriser la déduction de la publicité numérique sur les plateformes appartenant à des intérêts canadiens[41] ». Il a également recommandé que le gouvernement « … uniformise les règles du jeu… en s’assurant que les agrégateurs de nouvelles étrangers qui publient des nouvelles canadiennes et vendent des publicités destinées aux Canadiens soient assujettis aux mêmes obligations fiscales et les fournisseurs canadiens ».

Dans sa réponse au rapport du Comité du patrimoine canadien, le gouvernement du Canada a confirmé qu’il « tient compte de la recommandation… visant à modifier les articles 19, 19.01 et 19.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu[42] ». Il affirme aussi tenir « compte de la recommandation visant à assujettir les agrégateurs de nouvelles étrangers aux mêmes obligations fiscales que les fournisseurs canadiens » et que « le ministère des Finances étudie la question[43] ».

2.3.  Le gouvernement du Canada

2.3.1.  Comprendre les achats publicitaires du gouvernement du Canada

Les achats publicitaires du gouvernement du Canada sont régis par la Politique sur les communications et l’image de marque. Cette dernière stipule que « les Canadiens utilisent de plus en plus la technologie pour communiquer dans leur vie quotidienne et s’attendent à interagir avec le gouvernement de la même façon[44] ». Cela étant dit, elle n’exclut pas l’usage des médias traditionnels :

L’utilisation de nouvelles approches en matière de communications qui découlent de l’émergence des technologies numériques, conjointement avec les modes de communication traditionnels, permet au gouvernement du Canada de joindre et de mobiliser les Canadiens de façon efficace et efficiente, dans la langue officielle de leur choix, peu importe leur lieu de résidence[45] [notre emphase].

Elle précise également que les institutions doivent « utiliser une variété de médias et de plateformes pour maximiser la portée des communications, y compris chercher des moyens novateurs d’utiliser la technologie[46] ».

En décembre 2017, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a déposé un rapport intitulé : Atteindre les Canadiens au moyen de publicités gouvernementales efficaces[47]. La réponse du gouvernement, déposée le 16 avril 2018, indique clairement que « les ministères sont obligés d'équilibrer l'utilisation de méthodes traditionnelles de communication avec des technologies liées aux communications numériques afin de satisfaire aux besoins variés du public en matière d'information et s'assurer qu'ils atteignent les Canadiens et sollicitent la participation de ces derniers de manière efficace, et ce, dans la langue de leur choix[48] ».

Le point 6.3.3 de la Politique stipule que les administrateurs généraux doivent « faciliter les communications avec le public au sujet des politiques, des programmes, des services et des initiatives » en s’assurant que leur ministère tienne « compte des besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada[49] ».

La Directive sur la gestion des communications, un instrument de politique connexe à la Politique sur les communications et l’image de marque, attribue des responsabilités aux institutions fédérales suivantes : le Bureau du Conseil privé; Services publics et Approvisionnement Canada; Service Canada; Affaires mondiales Canada et Bibliothèque et Archives Canada.

C’est à Services publics et Approvisionnement Canada qu’incombe la responsabilité d’« élaborer des pratiques exemplaires et des outils, y compris des outils de planification médiatique pour joindre des auditoires, y compris les communautés autochtones et ethnoculturelles, et les communautés de langue officielle en situation minoritaire[50] ». Plus précisément, c’est la Direction de la coordination de la publicité et Partenariats de Services publics et Approvisionnement Canada qui est responsable de vérifier la conformité des publicités avec la Loi sur les langues officielles:

Le chargé de programme autorise formellement les placements média par l’émission d’un numéro (numéro PUB) par suite d’un examen de conformité avec la Loi sur les langues officielles et avec le Programme de coordination de l’image de marque. Il coordonne également les activités de l’Agence de coordination pour tous les placements média[51].

Services publics et Approvisionnement Canada confie la gestion des publicités gouvernementales d’une valeur de 25 000$ et plus à l’Agence de coordination du gouvernement du Canada. L’Agence n’est pas une institution fédérale en soit, mais une partie contractante — le Groupe Cossette Communication. En matière de langues officielles, l’Agence de coordination est responsable d’« établir des systèmes et des processus permettant la mise en œuvre, la gestion et la coordination en temps opportun des activités de publicité du GC [gouvernement du Canada], conformément aux lois, politiques, procédures et normes du gouvernement[52] ». Cela inclut, bien évidemment, la Loi sur les langues officielles.

La Loi sur les langues officielles comporte des éléments liés directement au sujet qui nous intéresse. L’article 11 stipule ce qui suit :

les textes — notamment les avis et annonces — que les institutions fédérales doivent ou peuvent […] publier, ou faire publier, et qui sont principalement destinés au public doivent, là où cela est possible, paraître dans des publications qui sont largement diffusées dans chacune des régions visées, la version française dans au moins une publication d’expression principalement française et son pendant anglais dans au moins une publication d’expression principalement anglaise. En l’absence de telles publications, ils doivent paraître dans les deux langues officielles dans au moins une publication qui est largement diffusée dans la région[53].

Par ailleurs, l’article 30 de la Loi stipule que les institutions fédérales « sont tenues d’utiliser les médias qui leur permettent d’assurer, en conformité avec les objectifs de la présente loi, une communication efficace avec chacun dans la langue officielle de son choix[54] ».

Quant à la partie VII de la Loi, le gouvernement du Canada doit prendre des mesures positives pour « favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne[55] ».

2.3.2.  L’achat publicitaire dans les médias desservant les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’ère numérique

Malgré les dispositions de la Loi sur les langues officielles et l’engagement à l’égard des CLOSM dans la Politique sur les communications et l’image de marque, une analyse des rapports annuels sur les activités de publicité du gouvernement du Canada de 2010-2011 à 2016-2017 démontre que le gouvernement du Canada achète de moins en moins de publicité dans les médias des CLOSM[56].

Figure 1 — Placements effectués par l’Agence de coordination dans les médias de langue officielle en situation minoritaire, 2010-2011 à 2016-2017

Années

Presse écrite[57]

Radio

Télévision[58]

Total

2010-2011

1 064 969 $

441 803 $

251 447 $

1 758 219 $

2011-2012

901 388 $

1 494 390 $

123 601 $

2 519 379 $

2012-2013

732 451 $

161 687 $

330 548 $

1 224 686 $

2013-2014

432 388 $

622 363 $

80 918 $

1 135 669 $

2014-2015

422 269 $

193 313 $

79 514 $

695 096 $

2015-2016

285 969 $

174 096 $

460 065 $

2016-2017

250 717 $

254 925 $

505 642 $

Source :    Services publics et Approvisionnement Canada, Rapport annuel sur les activités de publicité du gouvernement du Canada : 2010-2011, 2011-2012, 2012‑2013, 2013-2014, 2014-2015, 2015‑2016, 2016-2017.

En 2016-2017, le gouvernement du Canada a dépensé au total 36,1 millions de dollars en publicité, dont 33,3 millions de dollars (92,2 %) ont été achetés par l’intermédiaire de l’Agence de coordination du gouvernement. Les médias des CLOSM ont obtenu un peu plus de 0,5 million de dollars en publicité gouvernementale.

Les données présentées à la Figure 1 ne reflètent que les achats effectués par l’Agence de coordination du gouvernement du Canada dans les médias de langue officielle. Elles ne tiennent pas compte des publicités achetées directement par les différentes institutions fédérales. En vertu de la Politique sur les communications et l’image de marque, les institutions fédérales peuvent acheter de la publicité d’une valeur de moins de 25 000 $ directement auprès des organes de presse sans faire appel à l’Agence de coordination du gouvernement[59].  En 2016-2017, 7,8 % des publicités (2,8 millions de dollars) ont été achetées directement par les institutions fédérales[60]. Nous ne connaissons pas la part qui a été attribuée aux médias des CLOSM.

Selon certains témoins, dont Marie-France Kenny, le gouvernement du Canada doit réparer les torts causés aux médias des CLOSM en raison de la diminution progressive des achats publicitaires au cours des dernières années. Mme Kenny est d’avis qu’un investissement de 1,5 million de dollars par année en achats publicitaires permettrait de ramener les médias des CLOSM au niveau de financement de 2013[61]. Pour des journaux communautaires comme L’Eau Vive, un investissement de cette envergure représenterait un revenu annuel de 50 000 $[62].

L’achat publicitaire par le gouvernement du Canada représente une source de revenu pour les médias desservant les CLOSM. Pour le gouvernement du Canada, il s’agit d’un moyen – en plus des programmes de soutien dont il sera question à la section 3 du rapport– de contribuer à la pérennisation des médias desservant les CLOSM. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le Conseil du trésor s’assure que les fonds du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : investir dans notre avenir qui sont déterminés pour les médias desservant les communautés de langue officielle en situation minoritaire soient disponibles dès la première année du Plan, et que les programmes d’appuis soient mis en œuvre dans les meilleurs délais.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada, à partir des fonds déjà approuvés au budget en cours et destinés aux médias pour de la publicité nationale, dégage immédiatement un fonds spécial d’urgence de deux millions de dollars, dans le but de le répartir, dans les plus brefs délais, en contrats de publicités nationales destinés aux médias desservant les communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au pays.

2.3.3.  Critiques des communautés concernant le virage numérique

Que signifie prendre le virage numérique? Pour un journal, cela pourrait exiger que, en plus de rédiger et d’imprimer sa copie papier, il alimente quotidiennement (parfois même d’heure en heure) le contenu d’un site Web; gère une page Facebook et un compte Twitter (entre autres médias sociaux); et rende ses produits disponibles sur diverses plateformes de diffusion numérique.

Dans le cas des radios communautaires, le virage numérique s’exprime différemment :

Le modèle numérique, pour nous, est une rediffusion de notre signal la majorité du temps. Notre site Web contient des nouvelles de la communauté. Il permet de s'informer, notamment sur les concours, et ainsi de suite. Cela sert un peu plus à promouvoir la station.
Par contre, notre signal disponible sur Internet nous aide à rejoindre des gens que nous ne pouvions pas rejoindre auparavant. Par exemple, des gens qui travaillent à Fort McMurray mais qui demeurent en Nouvelle-Écosse peuvent écouter leur radio de Chéticamp. Le fait de donner accès à cela est important pour nous, mais cela nous coûte de l'argent et pratiquement aucune publicité n'est disponible[63].

Le Consortium des médias des communautés de langue officielle — l’Association de la presse francophone, l’Alliance des radios communautaires et la Québec Community Newspapers Association — a précisé qu’il comprend très bien et accepte « la tendance vers la présence numérique[64] ». Par ailleurs, le « virage fait partie intégrante du plan d’action harmonisé[65] » qu’il propose.

Le problème décrié par la majorité des témoins est que le virage numérique s’est fait au détriment des CLOSM. Le gouvernement du Canada aurait favorisé l’achat de publicité sur Internet sans pour autant mettre en place des mesures pouvant répondre aux besoins et défis propres aux médias des CLOSM. Si certaines radios et certains journaux de langue officielle n’ont pas pu suivre la tendance numérique, faute de financement, d’autres, privés d’achat publicitaire du gouvernement du Canada, ont été contraints de mettre fin à leurs activités. Mme Marie-France Kenny, la présidente de la Coopérative des publications fransaskoises, explique le problème de la manière suivante :

Je ne vois aucun problème à donner la priorité à la publicité sur Internet, mais qu’on le fasse sans d’abord consulter les communautés et sans tenir compte des habitudes de nos abonnés, de la population — vieillissante dans notre cas — en Saskatchewan et du fait que plusieurs francophones en situation minoritaire n’ont pas accès à Internet haute vitesse et n’auront donc pas accès à la publicité du gouvernement fédéral, contrevient, à mon avis et de l’avis du ou de la commissaire aux langues officielles qui était en poste à ce moment-là, à la Loi sur les langues officielles. Encore, si on avait pu continuer à acheter de la publicité sur nos sites Web et dans notre journal, on aurait pu continuer à rejoindre ce lectorat[66].

Mme Kenny, à l’instar d’autres témoins, dénonce certaines méthodes employées pour déterminer quels sites Web obtiendraient des placements publicitaires :

Là où le bât blesse, c’est que le gouvernement fédéral a décidé, avec ce virage sur Internet, d’annoncer ou non sur des sites Internet en se basant sur l’achalandage des sites. Comprenez que le journal en est un de la Saskatchewan qui compte 650 abonnés. Je ne ferai donc jamais compétition à Google, à Facebook, au Journal de Montréal ou même à d’autres journaux francophones d’autres provinces et territoires. Plus le nombre de gens qui fréquentent le site est élevé, plus il y aura de publicités. La publicité fédérale a donc disparu de nos médias francophones. C’est ce qui s’est produit[67].

Comme nous l’avons mentionné auparavant, la majorité des journaux desservant les CLOSM n’a pas la capacité de développer du contenu numérique, d’alimenter des médias sociaux sur une base quotidienne, encore moins de financer la création de plateformes de diffusion électronique. La situation du journal L’Eau Vive illustre bien la réalité des petits journaux desservant les CLOSM:

Nous avons l’équivalent d’un employé et demi. Étant donné que les gens sont plutôt abonnés à la version papier, la version numérique n’est pas ce qui est le plus rapide chez nous.
e sais qu’on prévoit investir dans le numérique […] Or, pour y arriver, nous avons besoin de ressources. Nous avons un portail que nous peinons à mettre à jour parce que nous n’avons pas les ressources nécessaires[68].

Faute d’avoir une présence numérique et un vaste auditoire, ces médias sont dépourvus de revenu généré par l’achat de publicité gouvernementale alors qu’ils en ont grandement besoin.

Quant aux journaux desservant les CLOSM qui ont réussi le virage numérique, ils ont attesté du fait que ce dernier génère plus de dépenses que d’économies[69]. Comme l’explique Mme Mélanie Scott, « on nous rappelle constamment qu’il faut être en ligne pour survivre, les services en ligne ne permettent pas de payer les factures. Nous sommes obligés d’adopter un médium qui est plus susceptible de nous acculer à la faillite que d’assurer notre survie[70]. »

Sophie Gaulin, la directrice et rédactrice en chef du journal La Liberté au Manitoba, a expliqué l’impact négatif qu’a eu le virage numérique sur la viabilité de son journal :

La solution du Web n’est pas une solution. En fait, c’est un problème pour les journaux. Voici pourquoi : à l’hebdomadaire La Liberté, nous avions un ou deux journalistes, un rédacteur en chef et une graphiste. Cependant, quand un hebdomadaire devient un quotidien parce qu’il est obligé d’alimenter son site Internet tous les jours, à raison d’une ou de deux fois par jour, il a besoin de plus de journalistes, de plus de correcteurs, de plus de gens qui vérifient les faits, de plus de sorties, de plus de photographes, de plus de monteurs vidéo, de plus de logiciels et de plus d’ordinateurs puissants. Tout cela se fait avec combien d’argent? Est-ce avec le même montant d’argent qu’avant? Non, c’est avec la moitié de ce montant[71].

Et de conclure, M. Francis Sonier, président de l’Association de la presse francophone a affirmé que :

les réalités des communautés de langue officielle en situation minoritaire ne peuvent être comparées à celles des autres communautés. Il est impensable que, dans les années à venir, les médias communautaires puissent générer assez de revenus issus d’une plateforme numérique pour être en mesure de poursuivre leurs opérations et de continuer à desservir leurs communautés[72].
2.3.4.  L’enquête de la commissaire aux langues officielles par intérim

En juin 2017, Mme Ghislaine Saikaley, la commissaire aux langues officielles par intérim, a produit un rapport final d’enquête en réponse à des plaintes concernant la diminution de l’achat publicitaire du gouvernement du Canada dans les médias traditionnels des CLOSM au profit d’Internet[73]. L’enquête a révélé ce qui suit :

les institutions fédérales ont nettement adopté le virage Internet pour leur publicité et que ce virage s’est amplifié depuis quelques années, ce qui a eu pour effet de réduire considérablement la part de l’assiette publicitaire des journaux et des radios communautaires à travers le pays. Toutefois, ce virage n’est pas la résultante d’une directive particulière… il découle plutôt de profonds changements dans l’environnement médiatique.

La commissaire intérimaire a également affirmé que, « dans ce virage Internet, les exigences de la Loi [Loi sur les langues officielles] demeurent et les institutions fédérales doivent continuer de veiller au respect de ses dispositions, notamment celles de l’article 11, de l’article 30 et celles de la partie VII […][74] ».

2.3.5.  Réviser les mécanismes de vérification pour favoriser les médias des communautés de langue officielle en situation minoritaire en matière d’achat publicitaire

L’achat de publicités dans les médias de langue officielle est une mesure qui favorise la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles. Or, la commissaire intérimaire a révélé que, au moment de son enquête, les mécanismes de vérification n’étaient pas efficaces pour assurer que les achats publicitaires du gouvernement du Canada respectent les articles 11 et 30 ainsi que la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Comme l’explique la commissaire intérimaire, « une très grande majorité des annonces et des avis publics relevant de l’article 11 [de la Loi sur les langues officielles] sont placés directement par chacune des institutions fédérales, sans faire partie d’un plan média soumis à l’examen de TPSGC [Services publics et Approvisionnement Canada] ». Conséquemment, Services publics et Approvisionnement Canada « ne peut confirmer cette conformité, car le Ministère ne voit que très peu de ces annonces dans les plans média[75] ».

En ce qui a trait à l’article 30, Services publics et Approvisionnement Canada affirme « procéder à une vérification de la conformité[76] ». Par contre, la commissaire intérimaire a argué que l’institution ne « peut pas confirmer le degré d’efficacité du placement média lorsque les institutions fédérales ont recours à Internet[77] ».

Quant à la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, la commissaire intérimaire a jugé que le Bureau du Conseil privé, le Secrétariat du Conseil du trésor, Services publics et Approvisionnement Canada ainsi que Patrimoine canadien, n’ont pas « fait preuve de leadership en ne réagissant pas à une situation manifestement connue de tous et qui pouvait nuire aux outils de développement et d’épanouissement que sont les journaux et les radios communautaires[78] ». Cela étant dit, elle confirme que seulement Services publics et Approvisionnement Canada et Patrimoine canadien ont manqué à leurs obligations en ce qui a trait à la partie VII[79].

Selon la commissaire intérimaire, Services publics et Approvisionnement Canada « n’a pas procédé à une analyse de la partie VII […] afin de cerner les conséquences du virage Internet […] et de tenter de trouver des solutions pour remédier aux répercussions négatives, ou, tout au moins, pour les atténuer[80] ». Ensuite, la commissaire intérimaire a rejeté l’argument de Services publics et Approvisionnement Canada selon lequel il ne peut y avoir manquement à la Loi sur les langues officielles compte tenu du fait que le ministère « ne peut absolument pas modifier, ni même influencer les plans média des institutions fédérales[81] ». Pour la commissaire, cette position est difficilement réconciliable avec le fait que Services publics et Approvisionnement Canada « s’assure de la conformité de ces plans média à la Loi, dont la conformité à sa partie VII[82] ».

Quant à Patrimoine canadien, la commissaire intérimaire a jugé qu’il « s’est montré plutôt passif[83] ». Le Ministère a procédé à une analyse « non pas en fonction des médias communautaires et de ce que ces derniers pourraient apporter en matière de développement et d’épanouissement, mais plutôt en fonction du fait que la publicité se fait maintenant par Internet, de là, la nécessité des médias, dont les médias communautaires, de s’adapter[84] ». La commissaire intérimaire a ajouté que Patrimoine canadien « n’a pas procédé à aucune analyse d’incidence relativement aux difficultés que posait le virage Internet sur les radios et les journaux des CLOSM, de même que les conséquences de ce virage sur les CLOSM et n’a pris aucune mesure positive[85] ».

Conséquemment, la commissaire intérimaire a recommandé à Services publics et Approvisionnement Canada de réviser « ses mécanismes de contrôle et de vérification de conformité afin que les exigences de la partie VII [de la Loi sur les langues officielles] soient mieux comprises des institutions fédérales, que ces exigences soient respectées dans leurs plans média et que l’exercice de conformité de ces plans soit adéquat[86] ». Elle a également recommandé à Services publics et Approvisionnement Canada ainsi qu’à Patrimoine canadien de procéder à une analyse d’incidence sur les médias des CLOSM de la réorientation de la publicité du gouvernement du Canada vers l’Internet et, qu’en fonction de l’analyse d’incidence, les deux ministères prennent des mesures positives en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles[87].

2.3.6.  La mise en œuvre des recommandations de la commissaire intérimaire

Le Consortium des médias des communautés de langue officielle a informé le Comité qu’il « a fait face à des défis de taille afin d’engager toutes les instances gouvernementales ciblées dans la mise en œuvre du plan d’action harmonisé répondant aux recommandations du rapport et aux besoins urgents des médias communautaires de langue officielle[88] ».

Dès l’automne 2017, le Consortium dit avoir « amorcé une série de rencontres avec plusieurs représentants gouvernementaux pour faire avancer le dossier[89] ». Comme mentionné précédemment, il aurait alors proposé « un plan d’action harmonisé qui engagerait plusieurs ministères en lien avec l’approche interministérielle[90] ». Les représentants du Consortium disent avoir « perçu une certaine ouverture au ministère du Patrimoine canadien et amorcé un certain travail avec lui[91] ». Or, en ce qui a trait à Services publics et Approvisionnement Canada, ils ont dit s’être « butés à un mur [92]» : « Les responsables n’ont reconnu aucune responsabilité et ont renvoyé la balle au Secrétariat du Conseil du Trésor et au Bureau du Conseil privé[93]. »

Par ailleurs, en décembre 2017, Services publics et Approvisionnement Canada a publié une étude sur les habitudes médiatiques des Canadiens de langue minoritaire. Cette étude aurait été commandée immédiatement après le dépôt du rapport préliminaire de la commissaire intérimaire, en septembre 2016. Selon le Consortium, cette « étude a été décriée par de nombreux organismes de langue officielle en situation minoritaire francophones et anglophones en raison d’une méthodologie douteuse, de données sans aucune valeur ou non valides, qui aura coûté 200 000 $ aux contribuables canadiens[94] ».

Sophie Gaulin a expliqué qu’une partie dudit rapport était en fait une analyse des résultats d’un sondage mené par la firme EKOS [95]. Elle est d’avis qu’il « s’agissait d’un sondage complètement truqué, une catastrophe[96] ». Concernant la méthodologie suivie dans le cadre de ladite étude, Mme Gaulin a souligné les faits suivants :

Tenez-vous bien : la méthodologie consistait à interroger plus de 2 000 Canadiens de 18 ans et plus. Entre 18 ans et 70 ans, il y a une tranche d’âge assez large. Combien de répondants ont 18 ans, combien en ont 40 ou en ont 60? Il s’agit d’une méthodologie un peu douteuse.
Nous avons écrit à ce sujet au directeur, Marc Saint-Pierre. Nous nous sommes fait entendre, mais nous attendons toujours une réponse honnête[97].

Marie-France Kenny a ajouté les faits suivants concernant l’échantillonnage sélectionné pour ce sondage :

[…] si mes souvenirs sont exacts, 42 % des répondants n’étaient pas en situation minoritaire. Je peux vous dire aussi qu’on n’avait aucune donnée sur l’âge et la provenance des répondants.
Viennent-ils de Zenon Park, en Saskatchewan, où Internet à haute vitesse n’est pas encore accessible?
Ont-ils 72 ans ou ont-ils plutôt 16 ans et sont déjà des usagers aguerris des médias sociaux?
On ne peut pas le savoir[98].

Le Consortium des médias des communautés de langue officielle a affirmé avoir été mis au courant de cette étude en septembre 2017. Dès lors, il aurait « intimé l’ordre aux responsables du ministère de ne pas la publier et de se conformer à la Loi sur les langues officielles en la reprenant, cette fois en consultant les membres de notre consortium[99] ». Or, les « responsables n’ont pas jugé bon d’acquiescer à notre demande et ont rendu leur étude publique, comme prévu, en décembre 2017[100] ».

Les recommandations formulées par la commissaire intérimaire dans son rapport d’enquête final visent à corriger des problèmes procéduraux qui sont à l’origine de la diminution des achats publicitaires dans les médias traditionnels des CLOSM au profit des médias sociaux et Internet. Le Comité appuie les recommandations de la commissaire intérimaire. Il est aussi d’avis que certaines modifications doivent être apportées aux politiques qui régissent les achats publicitaires du gouvernement du Canada. Comme nous l’avons souligné précédemment, l’achat publicitaire est un moyen par lequel le gouvernement du Canada peut, en partie, financer les médias desservant les CLOSM. Mais soulignons qu’il s’agit d’un exercice différent des programmes d’appui dont il sera question à la section 3.

En ce qui concerne les règles qui entourent les achats publicitaires du gouvernement du Canada, le Comité recommande :

Recommandation 3

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor modifie le paragraphe 6.3.3 de la Politique sur les communications et l’image de marque en remplaçant « Tenir compte des besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada » par « Atteindre les objectifs de la Loi sur les langues officielles, tels que décrits aux articles 11, 30 ainsi qu’aux paragraphes 41 (1) et 41 (2) de la Loi ».

Recommandation 4

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor émette une directive selon laquelle l’Agence de coordination du Canada doit obligatoirement acheter des placements publicitaires dans les médias traditionnels et numériques desservant les communautés de langue officielle en situation minoritaire dans le cadre de campagnes publicitaires nationales.

3.  Les programmes d’appui au développement des médias des communautés de langue officielle en situation minoritaire

Outre l’achat de publicités, le gouvernement du Canada soutient les journaux communautaires par l’entremise du Fonds du Canada pour les périodiques.

Dans son rapport intitulé : Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, le Comité permanent du patrimoine canadien a recommandé « que les institutions fédérales diffusent davantage d’information dans les communautés ethniques, autochtones et de langues officielles[101] ». Dans sa réponse, le gouvernement a affirmé que, bien qu’il soit « déterminé à entrer en contact avec les collectivités ethnoculturelles, autochtones et de langue officielle, le Fonds du Canada pour les périodiques est un moyen plus direct et personnalisé de soutenir les journaux communautaires[102] ».

Le Comité permanent des langues officielles n’est pas entièrement satisfait de la réponse du gouvernement. D’abord, elle fait abstraction aux obligations qui découlent de la Loi sur les langues officielles et à la disposition de la Politique sur les communications et l’image de marque qui concerne les CLOSM. Ensuite, comme nous le verrons dans la section 3.1, le Fonds du Canada pour les périodiques requiert un certain nombre de modifications avant qu’il devienne un appui de choix pour les médias des CLOSM.

a. Le Fonds du Canada pour les périodiques

Le Fonds du Canada pour les périodiques (FCP) est un programme géré par la Direction générale des industries culturelles de Patrimoine canadien. Il a été créé en 2010‑2011 « pour remplacer deux programmes précédents de soutien du secteur des périodiques : le Fonds du Canada pour les magazines et le Programme d’aide aux publications[103] ».

En 2015-2016, le FCP a accordé environ 73 millions de dollars en subventions et contributions[104] pour la mise en œuvre des trois volets suivants :

  • Aide aux éditeurs : ce volet offre de l’aide financière en vue de la création de contenu, de la production, de la distribution, des activités en ligne ou de l’expansion commerciale[105];
  • Innovation commerciale : ce volet encourage l’innovation pour l’adaptation au marché changeant et contribue à la diversité de contenu recherchée par les lecteurs canadiens[106];
  • Initiatives collectives : ce volet soutient  des plans de commercialisation globaux, de la recherche sur de nouvelles technologies, et des projets visant à résoudre des problèmes systémiques qui touchent l’industrie[107].

Les témoins ont critiqué divers aspects du FCP. Dans un premier temps, il appert que seulement 7 millions de dollars ont été attribués aux CLOSM en 2015-2016, soit environ 9 % du budget total du FCP[108].

Dans un deuxième temps, les paramètres du FCP ne semblent pas être arrimés aux réalités des CLOSM ni à celles de leurs médias. Le FCP finance à la fois les imprimés à contenu journalistique et les imprimés axés sur le divertissement qui, vraisemblablement, n’ont pas les mêmes défis que les journaux communautaires. Mme Gaulin explique la situation de la manière suivante :

Cette somme de 75 millions de dollars a été partagée avec beaucoup de gens qui me faisaient concurrence, mais qui ne faisaient pas face aux mêmes défis que moi. Cette enveloppe n’a jamais été révisée. On peut dire qu’une enveloppe de 75 millions de dollars, ce n’est pas mal, mais le pire, c’est que cela fait des années que, sur cette somme, seulement 7 millions de dollars vont aux journaux de langue officielle en situation minoritaire.
[…]
Le reste va à ces publications. The Hockey News, qui est très important pour la démocratie, reçoit 1,3 million de dollars. TV Hebdo, qui est aussi très important pour la démocratie, reçoit 1,5 million de dollars. L’année dernière, TV Week, très important aussi, a reçu 1 million de dollars. Allô Vedettes, qui fait des articles vedettes sur Céline Dion, reçoit 218 000 $. Good Times, un magazine pour retraités, reçoit 588 000 $. Le magazine Flare touche 408 000 $, et Châtelaine, 1,5 million de dollars.
Peut-on s’entendre sur le fait qu’il faudra, à un moment donné, remettre cet argent aux journaux d’information générale?[109]

Mme Scott a aussi affirmé que le FCP ne répond plus aux besoins des journaux desservant les CLOSM. À son avis, il « faut effectuer un examen du fonds pour veiller à ce que les publications anglophones et francophones qui sont essentielles pour les communautés qu’ils servent et qui sont vraiment dans le besoin aient une chance de survie. Les gestionnaires du fonds doivent examiner plus attentivement ce qu’il se passe dans le monde réel de l’édition[110]. »

En troisième lieu, il a été question de l’appui pour les envois postaux qui était jadis offert aux journaux desservant les CLOSM. Avant la création du FPC en 2010, le gouvernement du Canada subventionnait les coûts d’envoi postaux de certaines publications périodiques. Cet appui était offert par le truchement du Programme d’aide aux publications et par l’intermédiaire de Postes Canada. Comme l’explique Mme Gaulin, « cet argent n’allait pas dans nos poches, mais directement à Postes Canada. Cela représentait une diminution de 50 % des coûts d’envoi[111] ». En d’autres mots, les tarifs postaux préférentiels du Programme étaient des subventions directes gérées par l’établissement de comptes distincts à Postes Canada pour chacun des titres enregistrés.

En 2010, le soutient pour les envois postaux a été transféré dans le volet « aide aux éditeurs » qui, rappelons-le, offre de l’aide financière en vue de la création de contenu, de la production, de la distribution, des activités en ligne ou de l’expansion commerciale.

Ce remaniement aurait eu pour effet de soutirer un appui important aux journaux desservant les CLOSM qui, de par la spécificité des communautés qu’ils desservent, doivent conserver leur format papier. Certaines régions éloignées n’ont pas accès à des services Internet adéquats pour avoir accès aux plateformes Web des journaux[112]. Comme l’a souligné Marie-France Kenny, « la Saskatchewan est grande. Plusieurs de nos communautés sont situées dans de petites régions rurales éloignées et n’ont pas accès à Internet haute vitesse[113]. » C’est aussi le cas de certaines municipalités à prédominance anglophone au Québec : « la municipalité de La Pêche, n’a pas accès à Internet haute vitesse. Les journaux locaux sont essentiels pour les communautés qu’ils servent, car ils permettent de connecter les gens et de fournir des renseignements primordiaux que personne d’autre ne diffuse[114]. »

Dans certaines provinces et dans certains territoires, il n’y a qu’un seul journal francophone et son lectorat est souvent éparpillé. Par exemple, en Saskatchewan, « il y a 13 communautés [francophones] qui sont éloignées, et il faut huit heures pour se rendre de la plus éloignée à l’autre bout[115] ». Il n’est pas question de se fier sur des camelots ! Comme l’a confirmé Mme Gaulin, au Manitoba, « à part les ours polaires, il n'y a que la poste qui va leur livrer [aux francophones] leurs journaux[116] ». Pour tout dire, seul le service postal peut assurer la livraison de certains journaux de langue officielle[117]. Mais, puisque le coût des envois postaux a augmenté de 0,62 $ à 1,00 $ la copie[118] et que le soutien à cet égard a diminué, les journaux communautaires se demandent si Patrimoine canadien a tenu compte de leurs besoins lorsqu’il a procédé à la refonte de ses programmes d’appui en 2010.

Indiscutablement, les programmes gouvernementaux doivent respecter les spécificités des CLOSM. Qui plus est, le principe de l’égalité réelle doit être mis en œuvre. Comme l’a expliqué Mme Eddie, « il ne faut pas non plus mettre sur un même pied les médias s’adressant aux communautés en situation minoritaire et tous les autres. Ils remplissent des rôles très précis au sein de ces communautés afin de répondre à des besoins particuliers. Encore une fois, l’idée est d’offrir une aide — qui peut être asymétrique — pour faire en sorte que ces médias survivent et de contribuer ainsi à l’épanouissement des communautés en situation minoritaire[119]. »

Dans son rapport sur le paysage médiatique canadien, le Comité permanent du patrimoine canadien a recommandé d’apporter certaines modifications au FCP, notamment d’« offrir un meilleur soutien aux médias écrits autochtones, ethnoculturels et de langue officielle en situation minoritaire[120] ».

Le gouvernement a répondu que les éditeurs des journaux communautaires, notamment ceux desservant les CLOSM, « bénéficient d’une plus grande aide financière et de critères d’admissibilité particuliers accroissant leur accès aux programmes ». La réponse du gouvernement souligne également qu’il « existe […] un complément au soutien du FCP pour les périodiques des minorités de langue officielle, soit le volet Vie communautaire du programme Développement des communautés de langue officielle. Ce dernier est administré par la Direction générale des langues officielles et appuie financièrement les médias de langue officielle, y compris les journaux communautaires, afin de favoriser la vitalité des communautés[121]. » En 2015-2016, les Programmes d’appui aux langues officielles de Patrimoine canadien ont contribué 1 899 660 $ aux médias de langues officielles (1 171 020 $ aux radios communautaires et 728 640 $ à la presse communautaire) et 1 359 439 en 2016-2017 (696 402 $ aux radios communautaires et 663 037 $ à la presse communautaire).

Selon le rapport ministériel sur le rendement 2015-2016 de Patrimoine canadien - Renseignements sur les programmes de paiements de transfert de 5 millions de dollars ou plus –  une évaluation du FCP couvrant la période 2010-2011 à 2014–2015 a recommandé au ministère de prendre les mesures suivantes :

 de revoir certains aspects du programme particulièrement les critères d’admissibilité et l’approche de financement par formule, en tenant compte de l’aspect numérique, ainsi que les processus pour accroître l’efficacité administrative. Le programme devrait aussi améliorer la concertation avec les intervenants afin de continuer à répondre aux besoins changeants de l’industrie[122].

La prochaine évaluation est prévue pour être complétée en 2020-2021[123].

Dans le Plan d’action pour les langues officielles — 2018-2023 : investir dans notre avenir, le gouvernement du Canada affirme qu’il continuera « d’apporter un soutien aux publications communautaires de langue officielle en situation minoritaire au moyen du Fonds du Canada pour les périodiques[124] ».

À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande :

Recommandation 5

Que Patrimoine canadien ajoute au Fonds du Canada pour les périodiques un volet spécifique pour les publications desservant les communautés de langue officielle en situation minoritaire en tenant compte de leurs réalités et défis financiers, notamment par l’octroi de financement de base, le soutien aux envois postaux, le développement numérique, etc.

b. De nouvelles mesures fiscales

Pour venir en aide aux médias desservant les CLOSM, particulièrement les journaux, certains témoins ont proposé l’offre d’un nouveau crédit d’impôt dont l’objectif serait de favoriser les médias qui produisent de l’information originale canadienne[125]. Plus spécifiquement, le crédit d’impôt porterait sur la main-d’œuvre dans les journaux quotidiens et hebdomadaires d’information générale canadienne et inclurait une majoration pour les journaux de langue officielle en situation minoritaire[126].

M. Noreau explique de la manière suivante l’utilité d’un tel crédit d’impôt :

Le crédit d’impôt, qui s’applique uniquement à l’information et qui exclut le divertissement, fonctionne à un taux d’environ 30 %. Dans notre salle de rédaction, il y a 25 journalistes. Cela représente le tiers de notre personnel, qui totalise 78 personnes. Cela dit, leurs salaires sont les plus importants. En effet, dans les autres sections, les salaires sont souvent moins élevés. Cela constitue une soupape. Le gouvernement associe une valeur au fait de produire de l’information. Sinon, comme le disait M. Généreux, cela peut être un peu n’importe quoi. Or, il ne faut pas soutenir n’importe quoi[127].

Selon Mme Gaulin, il s’agit d’une solution « gagnante-gagnante » :

Si le gouvernement mise sur les salaires des journalistes, s’il a à accorder des crédits d’impôt sur la masse salariale que représente la production d’un journal de contenu original canadien, il va être content, parce qu’il va avoir des informations de qualité : les journalistes vont avoir fait des recherches parce qu’ils vont avoir eu le temps d’en faire. Lorsqu’un journaliste fait de la recherche, il y en a trois autres qui sont en train d’écrire.
La solution est aussi gagnante-gagnante, parce que les lecteurs sont, eux aussi, gagnants. Pour les journaux, la dépense la plus importante est celle liée aux salaires et non pas à l’imprimerie. En tout cas, c’est le cas au journal La Liberté. La version numérique, il faut tout de même l’alimenter[128].

Le Comité croit qu’une mesure fiscale visant à pérenniser le contenu original canadien serait avantageuse. Par conséquent, il recommande :

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada offre des incitatifs fiscaux en appui à la main-d’œuvre des médias desservant les communautés de langue officielle en situation minoritaire, notamment les journalistes, graphistes et pigistes.

Afin de compenser les coûts associés au virage numérique (équipement, formation du personnel, etc.)[129], les témoins ont proposé un certain nombre d’options, notamment la création d’un programme d’aide financière rétroactive ou encore « un financement d’appoint équivalent à un salaire à mi-temps pour tous les médias communautaires, privés et sans but lucratif, afin qu’ils puissent offrir un contenu numérique constamment mis à jour et enrichi[130] ».

Le Comité permanent du patrimoine canadien a recommandé que « le gouvernement du Canada offre un crédit d’impôt qui rembourserait une partie des investissements en capital et main-d’œuvre effectués en médias numériques par les entreprises de la presse écrite. Il s’agirait d’une mesure temporaire de cinq ans[131]. » Le gouvernement a répondu qu’il tient compte de cette recommandation[132].

4.  Le Plan d’action pour les langues officielles — 2018-2023 : investir dans notre avenir

En plus des 4,5 millions de dollars sur cinq ans pour la création de stages à des stations de radio et chez des éditeurs de journaux desservant les CLOSM, le Plan d’action pour les langues officielles — 2018-2023 : investir dans notre avenir prévoit, la création d’un fonds d’appui stratégique aux médias desservant les CLOSM. Dotés de 10 millions de dollars sur cinq ans, il « permettra d’apporter au cours des cinq prochaines années une aide financière aux projets qui contribuent au maintien des radios et des journaux de langue officielle en situation minoritaire[133] ». À l’heure actuelle, nous n’avons pas beaucoup d’information au sujet de ce nouveau fonds d’appui hormis le fait qu’il est destiné à des projets de collaboration.

Au-delà du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023, il y a lieu de se pencher sur des solutions aux problèmes structuraux ayant trait à l’achat publicitaire - mis en lumière dans la section 2.3. du présent rapport - pour lesquels le Comité a formulé les recommandations 3 et 4.

5.   Conclusion

Le dossier de l’appui aux médias desservant les CLOSM démontre que le succès du Programme des langues officielles du Canada repose en grande partie sur le leadership des institutions fédérales, notamment celles qui ont des obligations de coordination horizontale en matière de langues officielles.

Plusieurs instruments et outils — loi, politiques et directives, procédures de vérification à la conformité — étaient en place pour protéger, peut-être même favoriser le développement des médias des CLOSM au cours du « virage numérique » qui s’est effectué sur le plan publicitaire. Or, le non-respect de la Loi sur les langues officielles, l’incompréhension quant au rôle que doivent assumer certaines institutions fédérales en matière de coordination horizontale dans le dossier des langues officielles et l’inapplication du principe d’égalité réelle ont fragilisé un secteur d’importance vital pour les CLOSM.

Le Comité enjoint au gouvernement du Canada d’agir rapidement afin d’arrimer les nouvelles tendances médiatiques à ses responsabilités envers les CLOSM.


[1]            Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (LANG), Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2018, 1540 (Marie Hélène Eddie, doctorante en sociologie, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[2]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 21 mars 2018, 1635 (Richard Tardif, directeur exécutif, Association des journaux régionaux du Québec).

[3]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2018, 1540 (Marie Hélène Eddie, doctorante en sociologie, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[4]            Ibid.

[5]            Ibid.

[6]            Ibid.

[7]            Ibid.

[8]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1640 (Pierre-Paul Noreau, président-éditeur, Le Droit, Coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec).

[9]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2018, 1540 (Marie Hélène Eddie, doctorante en sociologie, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[10]            Ibid.

[11]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1635 (Martin Théberge, président, Fédération culturelle canadienne-française.

[12]            Ibid.

[13]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1655 (Melanie Scott, éditrice, Low Down to Hull & Back News).

[14]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 26 mars 2018, 1545 (Sharon McCully, éditrice, the Sherbrooke Record).

[15]            La Liberté, « Présentation au Comité permanent des langues officielles par Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef depuis 2009 », 5 février 2018, p. 20.

[16]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2018, 1540 (Marie Hélène Eddie, doctorante en sociologie, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[17]            La Liberté, « Présentation au Comité permanent des langues officielles par Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef depuis 2009 », 5 février 2018, p. 20.

[18]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1635 (Martin Théberge, président, Fédération culturelle canadienne-française).

[19]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 26 mars 2018, 1550 (Sharon McCully, éditrice, the Sherbrooke Record).

[20]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1635 (Martin Théberge, président, Fédération culturelle canadienne-française).

[21]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1725 (Maggy Razafimbahiny, directrice générale, Fédération culturelle canadienne-française).

[22]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2018, 1540 (Marie Hélène Eddie, doctorante en sociologie, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[23]            Ibid.

[24]            Ibid.

[25]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1645 (Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef, La Liberté).

[26]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2018, 1540 (Marie Hélène Eddie, doctorante en sociologie, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[27]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1655 (Melanie Scott, éditrice, Low Down to Hull & Back News).

[28]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2018, 1535 (Carol Jolin, président, Assemblée de la francophonie de l’Ontario).

[29]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1635 (Martin Théberge, président, Fédération culturelle canadienne-française.

[30]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 26 mars 2018, 1600 (George Guzmas, co-éditeur, The North Shore News, Newsfirst Multimedia).

[31]            Gouvernement du Canada, Plan d’action pour les langues officielles – 2018-2023 : investir dans notre avenir, Ottawa, mars 2018.

[32]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1635 (Pierre-Paul Noreau, président-éditeur, Le Droit, Coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec).

[33]            Ibid., 1640.

[34]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1655 (Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef, La Liberté).

[35]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1640 (Pierre-Paul Noreau, président-éditeur, Le Droit, Coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec).

[36]            Ibid.

[37]            Ibid.

[38]            Ibid., 1700.

[39]            Ibid.

[40]            Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement du Canada au sixième rapport du Comité permanent du patrimoine canadien intitulé Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, octobre 2017, p. 6.

[41]            Chambre des communes, Comité permanent du Patrimoine canadien (PHPC), 42e législature, 1re session, Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, juin 2017, p. 83.

[42]            Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement du Canada au sixième rapport du Comité permanent du patrimoine canadien intitulé Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, octobre 2017, p. 5.

[43]            Ibid., p. 6.

[44]            Conseil du Trésor, Politique sur les communications et l’image de marque.

[45]            Ibid.

[46]            Ibid.

[47]            Comité permanent permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, 42e législature, 1re session, Atteindre les Canadiens au moyen de publicités gouvernementales efficaces, décembre 2017.

[48]            Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement au rapport du Comité permanent permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires Atteindre les Canadiens au moyen de publicités gouvernementales efficaces, 16 avril 2018, p. 4.

[49]            Conseil du Trésor, Politique sur les communications et l’image de marque.

[50]            Conseil du Trésor, Directive sur la gestion des communications.

[51]            Services publics et Approvisionnement Canada, contrat EP361-151112/001/CZ attribué à Cossette Communication Inc. [traduction]

[52]            Ibid.

[53]            Loi sur les langues officielles (L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.)).

[54]            Ibid.

[55]            Ibid.

[56]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1655 (Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef, La Liberté).

[57]            Certaines années, le rapport précise que les données pour la presse écrite excluent les dépenses faites dans les magazines.

[58]            La télévision de langue officielle comprend seulement les dépenses faites dans les médias choisis et non les dépenses faites dans les réseaux nationaux qui atteignent le grand public en plus des CLOSM.

[59]            Services publics et Approvisionnement Canada, Rapport annuel sur les activités de publicité du gouvernement du Canada 2016-2017, Ottawa, 2018, p. 6.

[60]            Ibid., p. 7.

[61]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1705 (Marie-France Kenny, présidente, Coopérative des publications fransaskoises).

[62]            Ibid., 1650.

[63]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 21 mars 2018, 1700 (François Côté, directeur général, Alliance des radios communautaires du Canada).

[64]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 21 mars 2018, 1645 (Francis Sonier, président, Association de la presse francophone).

[65]            Ibid.

[66]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1645 (Marie-France Kenny, présidente, Coopérative des publications fransaskoises).

[67]            Ibid.

[68]            Ibid., 1650.

[69]            Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Le livre blanc sur les médias francophones en Ontario, septembre 2017, p. 13.

[70]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1655 (Melanie Scott, éditrice, Low Down to Hull & Back News).

[71]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1655 (Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef, La Liberté).

[72]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 21 mars 2018, 1645 (Francis Sonier, président, Association de la presse francophone).

[73]            Commissariat aux langues officielles, Rapport final d’enquête de la commissaire aux langues officielles par intérim. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Secrétariat de Conseil du Trésor du Canada, Bureau du Conseil privé, Patrimoine canadien, Ottawa, juin 2017.

[74]            Ibid., p. 33.

[75]            Ibid., p. 34.

[76]            Ibid.

[77]            Ibid.

[78]            Ibid.

[79]            Ibid.

[80]            Ibid.

[81]            Ibid.

[82]            Ibid.

[83]            Ibid., p. 35.

[84]            Ibid.

[85]            Ibid.

[86]            Ibid.

[87]            Ibid.

[88]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 21 mars 2018, 1635 (François Côté, directeur général, Alliance des radios communautaires du Canada).

[89]            Ibid.

[90]            Ibid.

[91]            Ibid.

[92]            Ibid.

[93]            Ibid.

[94]            Ibid.

[95]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1710 (Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef, La Liberté).

[96]            Ibid.

[97]            Ibid.

[98]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1715 (Marie-France Kenny, présidente, Coopérative des publications fransaskoises).

[99]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 21 mars 2018, 1635 (François Côté, directeur général, Alliance des radios communautaires du Canada).

[100]          Ibid.

[101]          PHPC, 42e législature, 1re session, Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, juin 2017, p. 85.

[102]          Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement du Canada au sixième rapport du Comité permanent du patrimoine canadien intitulé Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, octobre 2017, p. 9.

[103]          Patrimoine canadien, Direction des services d’évaluation, Évaluation du Fonds du Canada pour les périodiques (FCP) pour la période de 2010-2011 à 2014-2015, 2015, p. 2.

[104]          Patrimoine canadien, Publications, Plans et rapports, Rapport ministériel sur le rendement (RMR), 2015‑2016, du ministère du Patrimoine canadien, Renseignements sur les programmes de paiements de transfert de 5 millions de dollars ou plus.

[105]          Patrimoine canadien, Aide aux éditeurs - Fonds du Canada pour les périodiques.

[106]          Patrimoine canadien, Innovation commerciale - Fonds du Canada pour les périodiques.

[107]          Patrimoine canadien, Initiatives collectives - Fonds du Canada pour les périodiques.

[108]          La commissaire aux langues officielles par intérim mentionne que « certains plaignants ont soutenu que les journaux des CLOSM francophones et anglophones ne reçoivent que 808 485 $ des 68 837 598 $ prévus, ce qui ne représente que 1,2 % du total ». Source : Commissariat aux langues officielles, Rapport final d’enquête de la commissaire aux langues officielles par intérim. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Secrétariat de Conseil du Trésor du Canada, Bureau du Conseil privé, Patrimoine canadien, Ottawa, juin 2017, p. 10.

[109]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1715 (Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef, La Liberté).

[110]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1655 (Melanie Scott, éditrice, Low Down to Hull & Back News).

[111]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1715 (Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef, La Liberté).

[112]          Sur ce point, le Comité permanent du patrimoine canadien a même recommandé que le gouvernement poursuive ses efforts pour « améliorer l’accès et l’abordabilité aux services Internet à large bande au Canada, en portant une attention particulière au Nord du Canada ainsi qu’aux régions rurales et éloignées ». Source : PHPC, 42e législature, 1re session, Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, juin 2017, p. 83.

[113]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1645 (Marie-France Kenny, présidente, Coopérative des publications fransaskoises).

[114]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1655 (Melanie Scott, éditrice, Low Down to Hull & Back News).

[115]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 19 mars 2018, 1645 (Marie-France Kenny, présidente, Coopérative des publications fransaskoises).

[116]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1715 (Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef, La Liberté).

[117]          Ibid., 1655.

[118]          Ibid.

[119]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2018, 1610 (Marie Hélène Eddie, doctorante en sociologie, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[120]          PHPC, 42e législature, 1re session, Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, juin 2017, p. 84.

[121]          Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement du Canada au sixième rapport du Comité permanent du patrimoine canadien intitulé Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, octobre 2017, p. 3.

[122]          Patrimoine canadien rapport ministériel sur le rendement 2015-2016 - Renseignements sur les programmes de paiements de transfert de 5 millions de dollars ou plus.

[123]          Ibid.

[124]          Gouvernement du Canada, Plan d’action pour les langues officielles – 2018-2023 : investir dans notre avenir, Ottawa, mars 2018.

[125]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1705 (Pierre-Paul Noreau, président-éditeur, Le Droit, Coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec).

[126]          La Liberté, « Présentation au Comité permanent des langues officielles par Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef depuis 2009 », 5 février 2018, p. 23.

[127]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1705 (Pierre-Paul Noreau, président-éditeur, Le Droit, Coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec).

[128]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1725 (Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef, La Liberté).

[129]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 5 février 2018, 1645 (Pierre-Paul Noreau, président-éditeur, Le Droit, Coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec); La Liberté, « Présentation au Comité permanent des langues officielles par Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef depuis 2009 », 5 février 2018, p. 23.

[130]          LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2018, 1535 (Carol Jolin, président, Assemblée de la francophonie de l’Ontario).

[131]          PHPC, 42e législature, 1re session, Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, juin 2017, p. 83.

[132]          Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement du Canada au sixième rapport du Comité permanent du patrimoine canadien intitulé Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation, octobre 2017, p. 6.

[133]          Gouvernement du Canada, Plan d’action pour les langues officielles – 2018-2023 : investir dans notre avenir, Ottawa, mars 2018.