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LANG Rapport du Comité

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INTRODUCTION

Alors que l’enseignement dans la langue de la minorité jouit d’une protection constitutionnelle grâce à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, l’apprentissage de la langue seconde n’est pas protégé par un tel statut.

En vertu du paragraphe 41(1) de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement du Canada s’est engagé à « favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne[1] ».

Cet engagement envers les langues officielles se concrétise, entre autres, par l’octroi d’un financement complémentaire aux ministères de l’Éducation des provinces et des territoires pour favoriser l’enseignement de la langue seconde. Un protocole d’entente conclu entre le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) (CMEC) et le gouvernement du Canada régit ces paiements de transfert.

En février et mars 2018, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (ci-après, le Comité) s’est rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), à Edmonton (Alberta) et à Winnipeg (Manitoba) pour faire le point sur l’accès aux programmes de français langue seconde (FLS) et d’immersion française. Dès lors, le Comité a constaté que des problèmes liés à l’accès et à la qualité des programmes de FLS et d’immersion française perdurent[2], notamment :

  • un accès limité aux programmes de FLS et d’immersion française;
  • une pénurie d’enseignants et d’enseignantes qualifiés;
  • la rareté du matériel pédagogique qui soit actualisé et adapté à la réalité canadienne.

Le Comité souhaite ardemment que les constats et les recommandations du présent rapport permettront au gouvernement du Canada de trouver des pistes de solutions pour améliorer l’offre et la qualité des programmes de FLS et d’immersion française dans les provinces de l’Ouest comme ailleurs au pays.

La première section du rapport porte sur les différences dans l’offre des programmes de FLS et d’immersion française dans les provinces de l’Ouest. Dans la deuxième section, il est question du soutien financier que le gouvernement du Canada apporte à l’apprentissage du FSL. Dans la troisième section, le rapport met en lumière les principaux enjeux soulignés par les témoins lors des réunions publiques du Comité en ce qui a trait au recrutement d’enseignants de FLS et d’immersion française. Enfin, la quatrième section porte sur l’expérience des étudiants et des étudiantes.

1. COMPRENDRE L’OFFRE DES PROGRAMMES DE FRANÇAIS LANGUE SECONDE ET D’IMMERSION FRANÇAISE DANS LES PROVINCES DE L’OUEST

De manière générale, trois options de programmes s’offrent aux élèves anglophones des écoles primaires et secondaires publiques qui souhaitent apprendre le français :

  • les programmes réguliers de FLS, français de base;
  • les programmes intensifs;
  • les programmes d’immersion française.

Les provinces et les territoires ne sont pas obligés d’offrir des cours de FLS ou d’immersion française et la décision d’offrir de tels programmes revient aux conseils scolaires. Ainsi, chaque province de l’Ouest présente un profil distinct en matière d’accès aux programmes de FLS et d’immersion française.

1.1. La Colombie-Britannique

Le chapitre de Canadian Parents for French (CPF) de la Colombie-Britannique et du Yukon a expliqué que « le français de base est offert à grande échelle [en Colombie-Britannique][3] ». C’est, en fait un cours obligatoire de la 5e à la 8e année. CPF estime que près du tiers des étudiants de la province y sont inscrits[4].

Cela étant dit, il appert que la Colombie-Britannique n’a pas « de programme standardisé de l’enseignement du français de base[5] ». Gino LeBlanc, directeur du Bureau des affaires francophones et francophiles de l’Université Simon-Fraser, a expliqué au Comité que d’une « école à l’autre et d’un conseil scolaire à l’autre, il y a des variantes énormes[6] ». Par ailleurs, le programme de français de base produit rarement des étudiants bilingues. Il faut à l’étudiant « des années d’étude additionnelles pour qu’il devienne bilingue[7] ».

Quant au programme de français intensif, CPF Colombie-Britannique et Yukon a affirmé qu’« il n’est offert que dans une poignée de districts[8] ». En ce qui a trait aux programmes d’immersion française, ils sont offerts à plusieurs endroits dans la province, mais il appert que l’accès à ces derniers est limité de manière volontaire par les autorités scolaires :

les inscriptions sont contrôlées de près; les conseils scolaires dressent des obstacles artificiels pour accéder à ces programmes, comme des plafonds d’inscriptions, des tirages au sort et des attentes en ligne prolongées. Ils réussissent ainsi à empêcher certains enfants d’accéder au programme. Ces obstacles sont une insulte aux parents, mais, dans les faits, ils permettent aux districts de garder un contrôle très serré sur les inscriptions[9].

1.2. L’Alberta

Comme l’a expliqué Victoria Wishart, présidente de CPF — Alberta, « aucune disposition législative provinciale n’impose aux districts scolaires d’offrir l’enseignement d’une langue seconde[10] ». L’enseignement du français langue seconde n’est pas obligatoire et le choix d’offrir des programmes de FLS et d’immersion française revient aux conseils scolaires.

Selon le chapitre albertain de CPF, « les parents se retrouvent donc dans une situation tout à fait particulière qui les contraint à faire pression, communauté par communauté, pour obtenir un programme permettant aux jeunes Albertains de devenir compétents dans les deux langues officielles[11] ».

Michael Tryon, directeur général de CPF — Alberta a affirmé qu’« il y a 62 ou 63 conseils scolaires dans la province. De ceux-ci, 42 offrent des cours de français, en plus des conseils scolaires francophones[12]. »

En ce qui a trait au cours de français intensif, « seulement trois ou quatre conseils scolaires de la province offrent [ce] cours […] et ils ne l’offrent qu’à partir de la cinquième ou de la sixième année[13] ».

L’immersion française est offerte, mais les témoins n’ont pas apporté de précision au sujet de ce programme.

1.3. Le Manitoba

Le Manitoba présente un tout autre profil : de manière générale, les divisions scolaires offrent des cours de français. Parmi les 37 divisions scolaires, 23 d’entre elles offrent de l’immersion en français et des cours de FLS[14]. Normalement, les cours de FLS sont obligatoires de la quatrième à la huitième année et certaines divisions scolaires offrent des cours de français de la maternelle à la troisième année[15]. Il importe de noter que les cours de FLS sont optionnels au niveau secondaire[16].

En ce qui a trait à l’immersion française, Sandra Drzystek, agente de liaison pour le FLS au ministère de l’Éducation et de la Formation du Manitoba, a affirmé que « dans 23 divisions scolaires manitobaines, tous les élèves qui s’intéressent au programme d’immersion en français peuvent s’y inscrire. Nous disposons des places nécessaires[17]. » Ron Cadez, directeur de l’École Howden (Division scolaire Louis-Riel) a renchéri en disant que « tous les élèves peuvent s’inscrire au programme d’immersion de l’école de leur quartier s’il y est offert. Il n’y a pas de loterie de la sorte ici[18]. »

Selon Derrek Bentley, la province fait activement la promotion des programmes de FLS :

On promeut le français comme langue vivante auprès de tout le monde. On le fait non seulement auprès des jeunes qui ont appris le français à la maison, mais aussi auprès des jeunes qui l’apprennent à l’école. À mon avis, c’est la raison pour laquelle il y a une augmentation de la demande et des inscriptions aux programmes d’immersion[19].

2. COMPRENDRE L’APPUI DU GOUVERNEMENT DU CANADA POUR L’APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS LANGUE SECONDE

Comme mentionné précédemment, le gouvernement du Canada contribue à l’apprentissage de la langue seconde par l’entremise des Programmes d’appui aux langues officielles (PALO) de Patrimoine canadien. Les dépenses du ministère pour les PALO sont réparties en deux grands secteurs : le programme Développement des communautés de langue officielle qui, comme son nom l’indique, a pour objectif de soutenir et d’appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM), et le programme Mise en valeur des langues officielles dont l’objectif est de promouvoir l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. Force est de constater que ces deux programmes correspondent aux objectifs du paragraphe 41(1) de la Loi sur les langues officielles.

Dans le cadre du présent rapport, nous nous intéresserons uniquement au programme Mise en valeur des langues officielles. Ce dernier comprend trois volets : Apprentissage de la langue seconde; Promotion de la dualité linguistique; Appui aux droits linguistiques[20].

2.1. Le volet « Apprentissage de la langue seconde »

Le volet « Apprentissage de la langue seconde » comporte deux sous-volets : la « collaboration intergouvernementale » et les « programmes nationaux ».

La figure 1 ci-dessous démontre que, depuis 2005–2006, le financement accordé au volet « Apprentissage de la langue seconde » est resté stable. Les dépenses du gouvernement fédéral ont atteint un maximum de 115,8 millions de dollars en 2007‑2008, soit la dernière année du premier Plan d’action pour les langues officielles, 2003‑2008.

Figure 1 — Dépenses du gouvernement du Canada, Patrimoine canadien, Programmes d’appui aux langues officielles (PALO), Programme Mise en valeur des langues officielles, volet Apprentissage de la langue seconde, collaboration intergouvernementale et programmes nationaux, 2003‑2004 à 2015‑2016, en dollars courants

Source : Figure préparée à partir de données tirées des rapports annuels sur les langues officielles de Patrimoine canadien, de 2003–2004 à 2015–2016.

2.2. La collaboration intergouvernementale

Comme mentionné précédemment, les investissements du volet « Apprentissage de la langue seconde » sont répartis en deux sous-volets : la collaboration intergouvernementale et les programmes nationaux. Nous nous attarderons d’abord au sous-volet collaboration intergouvernementale.

Nous avons déjà établi que les investissements du gouvernement du Canada en matière d’apprentissage de la langue seconde sont régis par le Protocole d’entente relatif à l’enseignement de la langue de la minorité et l’apprentissage de la langue seconde ainsi que par les ententes bilatérales qui en découlent. Chaque entente comprend :

  • un cadre stratégique qui décrit, pour chacun desobjectifs linguistiques (enseignement de la langue de la minorité et apprentissage de la langue seconde), les axes d’intervention du gouvernement duCanada;
  • un plan d’action provincial/territorial établiten fonction des priorités des autorités provinciales/territoriales au regard des deux objectifs linguistiques.

Les ententes déterminent aussi les contributions financières des deux paliers de gouvernement. Il importe de souligner que la contribution du gouvernement fédéral dépend largement du plan d’action provincial/territorial.

La figure 2 ci-dessous démontre que les dépenses du gouvernement fédéral pour l’apprentissage de la langue seconde dans le cadre des ententes intergouvernementales sont restées relativement stables. Dans l’ensemble, les dépenses des provinces et des territoires ont chuté en 2009–2010 et, par la suite, sont restées au même niveau.

Figure 2 — Dépenses, fonds fédéraux et fonds provinciaux, Programmes d’appui aux langues officielles (PALO), Mise en valeur des langues officielles, volet « Apprentissage de la langue seconde », sous-volet « collaboration intergouvernementale », 2005-2006 à 2015-2016, en dollars courants

Note : * données manquantes

Source : Figure préparée à partir de données tirées des rapports annuels sur les langues officielles de Patrimoine canadien, de 2005–2006 à 2015–2016.

Les dépenses effectuées dans le cadre du volet « Apprentissage de la langue seconde », sous-volet « collaboration intergouvernementale » tombent dans six axes d’interventions :

  • Primaire et secondaire
    • 1) participation des élèves : « Recrutement et rétention d’élèves dans les programmes d’apprentissage de la langue seconde, jusqu’à la fin du secondaire[21]. »
    • 2) offre des programmes : « Maintien, développement, enrichissement et/ou évaluation de programmes et d’approches pédagogiques novatrices pour l’apprentissage de la langue seconde[22]. »
    • 3) rendement des élèves : « Acquisition chez les élèves de compétences linguistiques mesurables en langue seconde[23]. »
    • 4) milieux scolaires enrichis : « Enrichissement de l’apprentissage de la langue seconde par des initiatives scolaires et parascolaires[24]. »
  • Postsecondaire
    • 5) accès à l’enseignement postsecondaire : « Maintien, développement et/ou enrichissement de programmes ou offre de cours au niveau postsecondaire dans la langue seconde ou appuyant l’apprentissage de la langue seconde; Amélioration de l’accès aux programmes postsecondaires dans la langue seconde auprès d’une clientèle étudiante et adulte (ex. : technologies, mise à niveau linguistique, partenariats entre institutions, incitatifs financiers et bourses d’études)[25]. »
  • Primaire, secondaire et postsecondaire
    • 6) appui au personnel éducatif et recherche : « Élaboration, prestation et évaluation de programmes de formation (initiale et continue) et de perfectionnement du personnel œuvrant au niveau de l’apprentissage de la langue seconde; Recrutement et rétention de personnel qualifié; Recherche ayant des retombées sur l’enseignement des langues secondes et diffusion du savoir[26]. »

Le gouvernement du Canada se réserve aussi le droit d’approuver des contributions complémentaires en plus de celles qui sont prévues dans le protocole. La priorité est accordée à des projets qui reflètent les besoins des gouvernements provinciaux/territoriaux et les deux paliers de gouvernement contribuent financièrement à la réalisation de projets approuvés. Dans le domaine de l’apprentissage de la langue seconde, les contributions complémentaires peuvent viser, entre autres :

  • l’approche intensive d’enseignement et d’apprentissage de la langue seconde;
  • la participation des jeunes à des expériences authentiques en matière d’apprentissage de la langue seconde;
  • la mesure de compétences linguistiques dans le domaine de l’apprentissage de la langue seconde[27].

Figure 3 — Dépenses du gouvernement du Canada, Patrimoine canadien, Programmes d’appui aux langues officielles (PALO), Mise en valeur des langues officielles, volet « Apprentissage de la langue seconde », sous-volet « collaboration intergouvernementale », selon les axes d’intervention, 2011‑2012 à 2015‑2016, en dollars courants

Notes : La figure présente uniquement les dépenses du gouvernement du Canada qui découlent du volet « Apprentissage de la langue seconde » et le sous-volet « collaboration intergouvernementale ». Ce n’est pas clair si les données financières contenues dans les rapports annuels de Patrimoine canadien tiennent compte des contributions complémentaires.

Source : Figure préparée à partir de données tirées des rapports annuels sur les langues officielles de Patrimoine canadien, de 2011–2012 à 2015–2016.

Comme le démontre la figure 3 ci-dessus, une part importante du financement fédéral pour l’apprentissage de la langue seconde est accordée à l’axe « offre des programmes » (40,3 % du budget total du volet « apprentissage de la langue seconde » en 2015–2016).

2.3. Les programmes nationaux

Comme mentionné précédemment, le volet « Apprentissage de la langue seconde » comporte un deuxième sous-volet, soit les « programmes nationaux ». Les investissements sont déclinés de la manière suivante :

  • 1) Appui complémentaire à l’apprentissage linguistique :
    • Explore : un programme de bourse d’immersion intensif;
    • Odyssée : une expérience de travail bilingue et rémunérée qui offre la possibilité à des étudiants de niveau postsecondaire de voyager dans une autre province ou un autre territoire.
  • 2) Collaboration avec le secteur non gouvernemental — appui à l’enseignement.
  • 3) Jeunesse Canada au travail : Patrimoine finance le volet Jeunesse Canada au travail dans les deux langues officielles (expérience de travail au pays) et le volet Jeunesse Canada au travail pour une carrière en français et en anglais (expérience de travail à l’étranger).

Il importe de mentionner que les provinces et les territoires ne contribuent pas financièrement aux programmes nationaux susmentionnés.

Comme le démontre la figure 4 ci-dessous, le financement pour les programmes nationaux est demeuré sensiblement le même au cours des dernières années.

Figure 4 — Dépenses du gouvernement du Canada, Patrimoine canadien, Programmes d’appui aux langues officielles (PALO), Mise en valeur des langues officielles, volet « Apprentissage de la langue seconde », sous-volet « programmes nationaux », 2011–2012 à 2015–2016, en dollars courants

Note : Sauf dans le cas du programme Jeunesse Canada au travail, la figure présente uniquement les dépenses qui découlent du volet Mise en valeur des langues officielles.

Source : Figure préparée à partir de données tirées des rapports annuels sur les langues officielles de Patrimoine canadien, de 2011–2012 à 2015–2016.

Conséquemment, l’offre de places dans ces programmes est aussi demeurée stable.

Tableau 1 — Patrimoine canadien, Programmes d’appui aux langues officielles (PALO), Mise en valeur des langues officielles, volet « Apprentissage de la langue seconde », sous-volet « Programmes nationaux », Offres par programmes 2013-2014 à 2015-2016, en dollars courants

Programme

2013–2014

2014–2015

2015–2016

Total

Offres par programme

Programme de bourses Explore (langue seconde)

7 625

7 625

7 425

22 675

Programme de moniteurs Odyssée (langue seconde seulement)

209

213

237

659

Jeunesse Canada au travail dans les deux langues officielles

714

692

772

2 178

Jeunesse Canada au travail pour une carrière en français et en anglais

17

16

16

49

Source : Figure préparée à partir de données tirées de Patrimoine canadien, Direction des services d’évaluation, Évaluation des Programmes d’appui aux langues officielles, 16 mai 2017 ; données fournies par Patrimoine canadien.

2.4. Le Plan d’action pour les langues officielles 2018–2023 : investir dans notre avenir

Peu de temps après la visite du Comité dans trois provinces de l’Ouest, le gouvernement du Canada a dévoilé le Plan d’action pour les langues officielles 2018–2023 : investir dans notre avenir, sa plus récente stratégie d’investissements en matière de langues officielles.

Sur le plan du bilinguisme, le gouvernement s’est doté d’une cible : il veut faire passer le taux national de bilinguisme « de 17,9 % à 20 % d’ici 2036[28] ». Notons que cet objectif est réalisable si le « taux de bilinguisme des anglophones à l’extérieur du Québec [augmente] de 6,8 % à 9 %[29] ».

Pour atteindre 20 % de bilinguisme national d’ici 2036, le gouvernement du Canada a pris diverses mesures. D’abord, il a maintenu toutes les initiatives qui existaient sous la précédente Feuille de route pour les langues officielles.

Ensuite, le Plan d’action laisse entrevoir que les ententes fédérales-provinciales/territoriales pour l’apprentissage de la langue seconde seront bonifiées; le Plan d’action leur attribue 448 millions de dollars sur cinq ans alors que le protocole de 2013–2018 prévoyait un peu plus de 434 millions de dollars sur cinq ans. Le Comité attend impatiemment la sortie du nouveau protocole d’entente pour contrevérifier ces informations.

De plus, le gouvernement du Canada a bonifié son soutien à l’apprentissage de la langue seconde en attribuant un total de 100 millions de dollars additionnels (sur cinq ans) à des initiatives et des programmes dont l’objectif est de promouvoir un Canada bilingue :

  • Créer et lancer une application mobile et Web gratuite d’apprentissage de la langue seconde (16,50 millions de dollars);
  • Investir dans les stratégies de recrutement d’enseignants en immersion en français et de FLS (31,29 millions de dollars);
  • Augmenter les possibilités d’échanges linguistiques et culturels pour les jeunes : programmes Explore et Odyssée (38,51 millions de dollars);
  • Inciter les étudiants anglophones à poursuivre des études postsecondaires en français avec l’offre de bourses (12,60 millions de dollars);
  • Réinvestir dans le programme Jeunesse Canada au travail dans les deux langues officielles (1,20 million de dollars annoncés en 2017 pour l’année 2018-2019)[30].

Le Plan d’action mentionne également une hausse du financement de base accordé aux organismes de promotion et de soutien de l’apprentissage du français langue seconde[31].

3. LES ENJEUX PRIORITAIRES EN MATIÈRE D’APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS LANGUE SECONDE

L’acquisition du français langue seconde est une perspective qui, chaque année, intéresse un nombre croissant de familles de l’Ouest, mais comme l’a expliqué Kate Peters, membre du Conseil d’administration national de CPF, « à l’heure actuelle, l’accès au programme de FLS ne permet pas à tous les Canadiens d’atteindre leurs objectifs d’apprentissage linguistique, que ce soit à cause du nombre insuffisant de places dans les programmes d’immersion, de cours de base en français ou de programmes linguistiques au niveau postsecondaire[32] ».

Lors des réunions publiques du Comité, les témoins ont mis en lumière les principaux obstacles à l’offre de programme de FLS et d’immersion française, notamment la capacité de former et de retenir des enseignants et enseignantes qualifiés.

3.1. Améliorer les capacités des institutions postsecondaires à former des enseignants de français langue seconde

L’offre de programmes de FLS et d’immersion française dépend, entre autres, d’un bassin d’enseignants et d’enseignantes qualifiés pour livrer lesdits programmes. Or, comme l’a expliqué Martine Cavanagh, professeure au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, le Canada souffre d’une « pénurie grave d’enseignants qualifiés pour œuvrer dans ces deux contextes éducatifs, surtout dans les provinces de l’Ouest[33] ». Mme Wishart, de CPF — Alberta, a renchéri en affirmant que « la pénurie d’enseignants est maintenant la première cause de l’incapacité des districts scolaires [en Alberta] à élargir les programmes d’immersion en français ou à en créer de nouveaux[34] ».

Cette pénurie résulte du fait que les facultés d’éducation des institutions postsecondaires canadiennes ne parviennent pas à former un nombre suffisant d’enseignants et d’enseignantes pour combler les besoins des conseils scolaires[35]. La Werklund School of Education de l’Université de Calgary, par exemple, diplôme environ 20 étudiants par année et 90 % de ces derniers obtiennent immédiatement un poste auprès des conseils scolaires anglophones de la région de même qu’auprès du Conseil scolaire FrancoSud[36]. Quant au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, il en diplôme environ 75 par ans. Selon Sarah Fedoration, directrice adjointe de l’École Grandin à Edmonton, c’est insuffisant pour pourvoir tous les postes, même à Edmonton[37].

Les conseils scolaires se tournent donc « vers les provinces de l’Est et, tout récemment, vers l’étranger, vers des pays comme la France, pour trouver des enseignants qualifiés[38] ».

3.2. Former des enseignants ayant les compétences langagières requises

On ne s’improvise pas professeur de FLS ni d’immersion française. C’est un constat qu’ont fait plusieurs témoins en soulignant l’importance d’assurer que les enseignants et enseignantes aient les compétences pédagogiques et langagières pour assurer un enseignement de qualité.

Steven Urquhart, directeur du Département des langues modernes à l’Université de Lethbridge, s’est dit « inquiet du niveau de compétence des enseignants qui n’ont pas le français comme langue maternelle et qui enseignent le français au FLC [French Language Centre] et dans les programmes d’immersion[39] ». Il a dit avoir « le sentiment qu’ils communiquent des erreurs de toutes sortes aux élèves du primaire et du secondaire[40] ».

Mme Fedoration a reconnu que, « à cause du manque flagrant d’enseignants de français langue seconde, la qualité de la langue est souvent sacrifiée rien que pour s’assurer qu’il y a un enseignant dans chaque salle de classe[41] ».

Il appert que les communautés rurales sont le plus souvent désavantagées. Jeff Anderson, directeur de l’École Guyot au Manitoba, a expliqué que les conseils scolaires sont « parfois dans l’obligation d’embaucher d’autres gens dont le français est peut-être un peu rouillé. Cela arrive plus souvent à la campagne[42]… » Patrick Witwicki, directeur général de l’Association des francophones et francophiles du Nord-Ouest (Colombie-Britannique), est d’avis que « les conseils scolaires des communautés rurales devraient recevoir du soutien supplémentaire pour trouver des professeurs qui parlent français pour donner des cours de français langue seconde[43] ».

Mme Cavanagh a souligné une des causes sous-jacentes à la pénurie d’enseignants et d’enseignantes qualifiés. Au département d’éducation du Campus Saint-Jean, de plus en plus d’étudiants au baccalauréat en éducation proviennent des programmes d’immersion et de la diaspora africaine francophone. Ainsi donc, en « plus du défi de la formation qui se pose évidemment à toute faculté d’éducation[44] », le Campus Saint-Jean doit également élaborer des mesures pour « garantir la compétence linguistique de nos étudiants issus des programmes d’immersion et de français langue seconde[45] » ainsi que « garantir la compétence culturelle [des] immigrants d’Afrique[46] ». La Faculté sait qu’elle doit adapter ses programmes de formation pour tenir compte de ces réalités, mais la mise en œuvre de telles mesures nécessite évidemment des ressources financières. Selon les représentants du Campus Saint-Jean, les ressources diminuent constamment malgré l’accroissement des défis :

À titre d’exemple, le budget du service de la pratique, qui gère les placements de nos étudiants stagiaires, est passé de 600 000 $ en 2012 à 200 000 $ en 2017. Cette baisse signifie qu’on ne peut pas aller de l’avant avec le programme passerelle, les programmes d’encadrement, ce qui brime tout particulièrement les femmes issues de l’immigration, qui voient leurs chances d’accès à un emploi d’éducatrice diminuer[47].

Comme l’a exprimé Mme Fedoration, « si nous voulons continuer de rendre les programmes d’immersion accessibles à tous, il est essentiel que les institutions postsecondaires reçoivent le soutien financier et l’engagement à long terme nécessaires pour former un plus grand nombre de futurs enseignants de langue seconde[48] ».

L’allocation des ressources financières doit permettre aux facultés d’éducation de diplômer chaque année un plus grand nombre de professeurs qualifiés. Cela implique, entre autres, des fonds pour mettre en œuvre des programmes de formation qui reflètent la réalité et les besoins de la clientèle étudiante.

3.3. Donner aux enseignants et enseignantes l’accès à des formations linguistiques continues

Les témoins ont aussi souligné que les enseignants et enseignantes doivent avoir la possibilité d’améliorer leurs compétences linguistiques tout au long de leur carrière.

Pour Mme Fedoration, la « qualité et la continuité » des programmes « dépendent de l’importance que les enseignants accordent à leur formation continue de la langue française[49] ». Elle estime qu’« offrir plus de possibilités aux enseignants, tel que des échanges, des programmes d’été et la création de programmes qui tissent des liens plus intentionnels entre les communautés francophones et les écoles d’immersion […] pourrait permettre aux enseignants de continuer leur développement langagier[50] ».

Diane Tijman, présidente de Canadian Parents for French — Colombie-Britannique et Yukon, est aussi du même avis :

Il conviendrait aussi d'augmenter la formation spécialisée pour les enseignants et les aides-enseignants afin de soutenir l'inclusion et l'aide à l'apprentissage en français. Il faudrait également offrir des programmes de mentorat à l'intention des enseignants débutants et de perfectionnement professionnel continu en français, dont des programmes d'immersion intensive en milieu francophone et d'acquisition du français de base. Enfin, il faudrait bonifier les fonds consacrés au perfectionnement professionnel afin de permettre aux enseignants de développer leurs compétences linguistiques sur le plan pédagogique ainsi que leur compréhension de la culture[51].

3.4. Les investissements prévus

Comme mentionné ci-dessus, le Plan d’action pour les langues officielles 2018–2023 : investir dans notre avenir prévoit un investissement de plus de 30 millions de dollars à compter de 2019–2020 « pour élaborer des stratégies de recrutement d’enseignants en français langue seconde et en immersion[52] ». Patrimoine canadien a affirmé qu’il entrera « en discussion avec des partenaires possibles comme les provinces, les territoires et les intervenants en éducation pour l’allocation de ces ressources supplémentaires[53] ».

Dans le Protocole d’entente pour l’enseignement dans la langue de la minorité et l’apprentissage de la langue seconde de 2013–2018, « l’appui au personnel éducatif et recherche » était un des six axes d’intervention parmi lesquels le gouvernement du Canada pouvait investir. Il comprenait, entre autres, « l’élaboration, prestation et évaluation de programmes de formation (initiale et continue) et de perfectionnement du personnel œuvrant au niveau de l’apprentissage de la langue seconde; Recrutement et rétention de personnel qualifié; Recherche ayant des retombées sur l’enseignement des langues secondes et diffusion du savoir[54] ». M.  Anderson a affirmé que le gouvernement du Canada contribuait à des programmes comme le programme French Immersion for Teachers (FIT) à l’Université de Saint-Boniface[55].

Puisque le gouvernement n’a pas dévoilé le nouveau Protocole d’entente, il est impossible, à l’heure actuelle, de savoir si la formation linguistique des enseignants et enseignantes continuera d’être financée.

À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada s’assure que les prochaines ententes fédérales-provinciales/territoriales pour l’apprentissage de la langue seconde soutiennent financièrement des programmes de perfectionnement linguistique pour les enseignants et enseignantes, et ce, de manière continue en tenant compte de la croissance de la demande.

4. AMELIORER L’EXPERIENCE DES ETUDIANTS ET ETUDIANTES

Il existe toujours un problème dans l’offre de programmes de FLS et d’immersion française. Mais, qu’en est-il du parcours des étudiants et étudiantes qui sont admis à ces programmes ? Le Comité constate que certains facteurs peuvent avoir un impact négatif sur la rétention des étudiants dans les programmes de FLS et d’immersion française.

4.1. Le coût du transport scolaire

Certains témoins ont souligné que le coût du transport scolaire est un facteur qui peut avoir une incidence sur la possibilité pour un étudiant ou une étudiante d’entreprendre et même de poursuivre son apprentissage du français langue seconde.

Katherine Mueller, instructrice à la Werklund School of Education de l’Université de Calgary, a expliqué les conséquences d’une récente décision prise par le Calgary Board of Education d’annuler le financement pour le transport scolaire des étudiants et étudiantes des programmes d’immersion française :

Les administrateurs et les éducateurs des programmes d’immersion à Calgary ont appris dernièrement une nouvelle angoissante : le Calgary Board of Education vient de désigner les programmes d’immersion et d’autres programmes comme programmes optionnels en raison du coût élevé du transport des élèves qui choisissent un programme qui se donne à l’extérieur de leur quartier.
Ainsi, les élèves en immersion française de ce conseil scolaire n’ont pas accès au transport en autobus, et les parents doivent avoir recours au transport public ou à d’autres modes de transport s’ils veulent que leurs enfants participent à un programme d’immersion française. Je sais que le programme d’immersion française du Calgary Board of Education a connu quelques départs à la suite de cette décision. Il est pénible de voir des contraintes financières pousser les écoles à considérer les programmes d’immersion comme des programmes optionnels ou les éliminer complètement [56].

4.2. Améliorer les cours de français de base

Sur le plan de la qualité, la majorité des témoins s’entend qu’il y a urgence d’améliorer les programmes, tout particulièrement les cours de français de base.

Selon Mme Peters de CPF, la qualité des programmes de FLS se mesure, entre autres, par le taux de rétention des étudiants dans ces programmes[57]. Si tel est le cas, il appert que les programmes réguliers de FLS (ou français de base) n’ont pas la cote auprès des jeunes. De fait, la figure 5 ci-dessous démontre que le total des élèves inscrits dans un programme de FLS autre que l’immersion française a diminué progressivement entre 2003–2004 et 2015–2016.

Figure 5 — Étudiants de langue anglaise dans les systèmes publics de la majorité apprenant le français comme langue seconde (FLS) (Canada moins le Québec), primaire et secondaire, 2001–2002 à 2015–2016

Source : Figure préparée à partir de données tirées des rapports annuels sur les langues officielles de Patrimoine canadien, 2003–2004 à 2015–2016 et Statistique Canada, Statistique Canada, Tableau 37-10-0009-01 Effectifs dans les programmes de langues officielles offerts dans les écoles publiques primaires et secondaires, selon le type de programme, l’année d’études et le sexe.

Dans l’Ouest du pays, seuls le Manitoba et la Colombie-Britannique ont enregistré une augmentation des effectifs inscrits dans les programmes réguliers de FLS entre 2014‑2015 et 2015‑2016 en plus de connaître une augmentation des effectifs des programmes d’immersion française.

Tableau 2 — Effectifs dans les programmes de langues officielles offerts dans les écoles publiques primaires et secondaires, selon le type de programme, provinces de l’Ouest, 2013-2014 à 2015-2016

Géographie

Type de programme

2013–2014

2014–2015

2015–2016

Manitoba

Programmes réguliers de langue seconde (ou programmes de base)

58 917

58 005

58 014

Programmes d’immersion en français

22 107

22 725

23 547

 

Sous-total Manitoba

81 024

80 730

81 561

Saskatchewan

Programmes réguliers de langue seconde (ou programmes de base)

37 518

36 285

34 821

Programmes d’immersion en français

12 447

13 008

13 869

 

Sous-total Saskatchewan

49 965

49 293

48 690

Alberta

Programmes réguliers de langue seconde (ou programmes seconde de base)

142 971

144 792

142 893

Programmes d’immersion en français

38 496

40 461

41 631

 

Sous-total Alberta

181 467

185 253

184 524

Colombie-Britannique

Programmes réguliers de langue seconde (ou programmes de base)

175 371

171 750

173 013

Programmes d’immersion en français

49 446

50 301

52 536

 

Sous-total Colombie-Britannique

224 817

222 051

225 549

Source : Tableau préparé à partir des données de Statistique Canada, Tableau 37-10-0009-01 Effectifs dans les programmes de langues officielles offerts dans les écoles publiques primaires et secondaires, selon le type de programme, l’année d’études et le sexe.

Selon Mme Drzystek, les programmes de français de base battent de l’aile, car ils ne répondent pas aux attentes des jeunes, soit d’atteindre un certain niveau de bilinguisme à la fin de leurs études primaires. Elle a dit voir observé « une énorme réduction du nombre d’inscriptions dans les écoles secondaires[58] ».

Pour Glyn Lewis, directeur général de CPF Colombie-Britannique et Yukon, la faiblesse du programme de français de base est une situation préoccupante. Il a souligné les quatre raisons principales qui, à son avis, expliquent le déclin de ce programme :

Les problèmes majeurs qui causent la baisse que vous observez dans la ligne ont trait à la qualité de l’instruction, à la confiance des enseignants en leur capacité d’enseigner la langue et de contribuer à inciter ces jeunes à rester en classe et à toutes les activités parascolaires qui pourraient compléter ce programme[59]

4.2.1. L’offre d’activités parascolaires : un élément clé de l’apprentissage du français langue seconde

Tous les témoins ont affirmé que les étudiants des programmes d’immersion française et de FLS, particulièrement ceux inscrits dans les programmes de français de base, n’ont pas assez d’occasions de parler en français à l’extérieur de la salle de classe. Cette lacune peut avoir une incidence sur la volonté des apprenants à poursuivre leur apprentissage de la langue française. Comme l’a expliqué Mme Peters, bon nombre d’étudiants et d’étudiantes « se découragent et perdent intérêt en constatant qu’ils ont peu d’occasions de communiquer dans un environnement linguistique réel[60] ».

Pour plusieurs témoins, dont Mme Fedoration, il est essentiel que les étudiants et étudiantes, tout comme le personnel enseignant, puissent découvrir « la richesse du français et de la culture francophone au moyen de plusieurs autres expériences qui leur permettraient de voir le monde par le biais de cette nouvelle langue[61] ». Elle croit que ce genre d’expériences « pourrait amener plus de jeunes à […] utiliser le français non seulement comme outil de communication, mais aussi à en faire une langue vivante au cœur de leur quotidien[62] ».

Ainsi, plusieurs témoins souhaitent que le gouvernement du Canada contribue davantage à l’offre d’expériences authentiques, c’est-à-dire des activités culturelles qui permettraient aux apprenants d’entrer en contact avec la langue et la culture française. Selon le professeur Urquhart, ces expériences peuvent prendre diverses formes :

Il serait formidable d’avoir pour les étudiants et les universités des séjours d’immersion payés, des jumelages d’écoles ou de villes, des voyages, des échanges ou des activités de correspondance avec des écoles au Québec ou ailleurs, notamment en Acadie. Il est indispensable, à mon avis, de créer des liens de cette nature pour assurer la survie, la prospérité et la qualité du français dans le sud de l’Alberta[63].

Le professeur Urquhart a également affirmé qu’« Il faut aussi créer des postes pour établir ces liens. Ce ne sont pas des tâches que l’on peut confier aux enseignants, qui en ont déjà de lourdes tâches d’enseignement. Il nous faut des gens pour le faire[64]. »

À Winnipeg, comme dans certaines autres capitales provinciales, les chances de vivre une expérience enrichissante en français sont relativement faciles en raison du nombre et de la proximité des institutions culturelles. Ce n’est pas le cas en région. Comme l’a expliqué M.  Anderson, « les enfants inscrits à des programmes d’immersion à Brandon, à Dauphin et à Thompson n’ont pas accès à autant de ressources[65] ». Il croit que « le gouvernement fédéral pourrait améliorer la situation simplement en continuant à subventionner l’élaboration de tels programmes, mais aussi en subventionnant les coûts de déplacement pour aider les enfants de régions plus éloignées à se rendre à Winnipeg pour profiter de ces programmes[66] ». Une telle suggestion peut, bien évidemment, s’appliquer à toutes les provinces.

La majorité des témoins a affirmé que le succès des programmes parascolaires dépend, en grande partie, d’une bonne collaboration entre les conseils scolaires — responsables des programmes de FLS et d’immersion française — et les communautés francophones. Comme l’a souligné M. LeBlanc, du Bureau des affaires francophones et francophiles de l’Université Simon Fraser, « cela présuppose qu’il y a des communautés francophones vivantes en Colombie-Britannique, dans l’Ouest canadien, en Acadie et ailleurs[67] ».

Il appert que d’intéressants partenariats se sont déjà formés. Par exemple, l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) « a conclu une entente avec Canadian Parents for French de l’Alberta afin de développer des liens plus étroits et de promouvoir la langue française et les avantages du bilinguisme officiel[68] ». Par ailleurs, le professeur Urquhart a souligné que les écoles et les organismes francophones collaborent davantage à des projets destinés aux apprenants du français langue seconde. Il a aussi mentionné que les fonds fédéraux versés au French Language Centre de l’Université de Lethbridge « ont permis de promouvoir le français sur le campus, d’attirer de nouveaux étudiants, et de rallier les intéressés au français dans la ville et la région immédiate[69] ». Cependant, il est d’avis « qu’il manque encore de communications entre l’université, la communauté francophone et les conseils scolaires[70] ». Suivant une des suggestions de M. Urquhart, des administrateurs pourraient faciliter ce type de relation avec les communautés francophones.

4.2.1.1. Les investissements prévus

Le gouvernement du Canada finance déjà divers programmes visant à offrir des expériences linguistiques et culturelles authentiques aux jeunes. Nous avons déjà mentionné l’existence des programmes nationaux Explore et Odyssée. Dans le nouveau Plan d’action pour les langues officielles, ces derniers bénéficieront d’une bonification de 38,51 millions de dollars. De plus, Jeunesse Canada au travail sera bonifié de 1,20 million de dollars en 2018–2019.

L’ancien Protocole permettait aussi au gouvernement du Canada de contribuer à « l’enrichissement de l’apprentissage de la langue seconde par des initiatives scolaires et parascolaires » de même que la « participation des jeunes à des expériences authentiques en matière d’apprentissage de la langue seconde ». Pour l’instant, nous ne savons pas si ces axes d’intervention figureront dans le prochain Protocole.

Le Comité croit que le gouvernement du Canada doit aussi s’attarder aux expériences offertes aux enfants du niveau primaire, car ces derniers ne sont pas admissibles aux programmes nationaux Explore, Odyssée et Jeunesse Canada au travail.

Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande :

Recommandation 2 

Que le gouvernement du Canada s’assure que les prochaines ententes fédérales-provinciales/territoriales pour l’apprentissage de la langue seconde soutiennent les apprenants dans l’ensemble du continuum en éducation par une offre bonifiée d’expérience linguistique et culturelle dans leur langue seconde.

4.3. Améliorer le matériel pédagogique

Il appert que la disponibilité et la qualité du matériel pédagogique destiné à l’enseignement et à l’apprentissage du français langue seconde pose problème. Tammie Beattie, coordonnatrice du programme de français, au Edmonton Public School Board, a expliqué au Comité ce qui suit :

le matériel pédagogique en français coûte souvent plus cher — le double — que celui en anglais. De plus, le matériel pédagogique est souvent une traduction et non pas une adaptation, ce qui a son importance pour les apprenants d’une langue seconde[71]. 

Selon Mme Mueller, les enseignants et enseignantes sont « nombreux à créer leurs propres ressources et à utiliser les ressources créées pour les francophones[72] ». Sur le plan pédagogique, elle juge cette situation inacceptable :

Il est indispensable de reconnaître que les approches pédagogiques en FLS et en immersion française diffèrent grandement de celles du français langue maternelle, et il est important que les enseignants en français langue seconde et en immersion française puissent avoir accès à du matériel et des ressources spécialisées pour les aider[73].

Mme Mueller a également souligné qu’il faut « assurer que le matériel pédagogique [soit] adapté au contexte canadien[74] ».

À première vue, le Plan d’action pour les langues officielles 2018–2023 ne semble pas proposer de programme ou d’initiative visant à améliorer la disponibilité et la qualité du matériel pédagogique pour les programmes de français langue seconde et d’immersion française. Par ailleurs, il faudra attendre la parution du prochain protocole d’entente pour l’apprentissage de la langue seconde pour savoir si un axe visant la création du matériel pédagogique sera intégré. À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande :

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada s’assure que les prochaines ententes fédérales-provinciales/territoriales pour l’apprentissage de la langue seconde comportent des initiatives ou programmes visant la création ou l’adaptation de matériel pédagogique destiné aux programmes d’immersion et d’enseignement de la langue seconde qui soit adapté à la réalité canadienne.

4.4. Offrir aux jeunes ayant des difficultés d’apprentissage un accès équitable aux programmes d’immersion française

Il appert que le mythe selon lequel les programmes d’immersion française sont réservés aux étudiants les plus performants au plan académique persiste. Par le passé, certaines écoles conseillaient « aux élèves qui éprouvaient des difficultés de quitter le programme[75] ». Certains parents en sont venus à croire que si leur enfant avait des difficultés d’apprentissage, il ne pouvait pas être admis en immersion. Mais, comme l’a expliqué M.  Anderson, il s’agit d’une fausse perception : « la recherche démontre que, lorsqu’ils peuvent recevoir un appui adéquat, les enfants ayant des difficultés d’apprentissage peuvent bien réussir dans le programme d’immersion[76] ». Pour Marie Commance-Shulko, consultante en immersion française à l’Edmonton Public School Board, il faut reconnaître que « nos élèves ont tous leur façon d’apprendre, et nous devons trouver la meilleure façon et les meilleures ressources pour les accompagner dans leur apprentissage[77] ».

Selon CPF, les conseils scolaires ne sont pas tous en mesure de fournir « un accès équitable à un soutien pédagogique adéquat, en particulier aux élèves qui ont des difficultés et aux nouveaux arrivants[78] ». Pour améliorer l’accessibilité des programmes, CPF propose aux deux niveaux de gouvernement de bonifier « le financement accordé au soutien en classe, ou en fournissant des occasions de perfectionnement professionnel en formation initiale ou en cours d’emploi[79] ».

À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande :

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada s’assure que les prochaines ententes fédérales-provinciales/territoriales pour l’apprentissage de la langue seconde comportent des initiatives ou programmes visant l’intégration et le soutien des étudiants et étudiantes ayant des difficultés d’apprentissage dans les programmes d’immersion française.

CONCLUSION

Le nouveau Plan d’action pour les langues officielles comporte des initiatives et programmes qui visent à améliorer l’accès aux programmes d’apprentissage du français langue seconde. À première vue, il semble répondre à plusieurs des besoins et défis soulignés par les témoins. Le Comité suivra de près la mise en œuvre du Plan d’action et attend avec impatience la sortie du nouveau Protocole d’entente afin d’obtenir des précisions sur les investissements du gouvernement du Canada pour l’enseignement de la langue seconde.

Comme nous l’avons précisé en introduction, l’apprentissage d’une langue seconde ne jouit d’aucune garantie au Canada. À l’heure actuelle, les programmes de FLS et d’immersion française sont généralement optionnels et ne sont offerts qu’à la discrétion des districts scolaires. Cette situation est non seulement injuste pour les jeunes qui souhaitent apprendre la langue française, elle est aussi contraire à l’atteinte d’un des objectifs inscrits à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, soit la promotion de la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.

Plusieurs témoins souhaitent que les programmes d’apprentissage du FLS soient considérés comme des programmes distincts et inclusifs et, surtout, qu’ils soient reconnus officiellement par les provinces, les territoires et le gouvernement du Canada. L’apport inestimable des francophiles à la dualité linguistique canadienne mérite d’être reconnu. La modernisation de la Loi sur les langues officielles, exercice récemment confié à la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, pourrait mener à un dialogue sur la possibilité d’enchâsser le droit à l’apprentissage d’une seconde langue officielle.


[1]              Loi sur les langues officielles (L.R.C. [1985], ch. 31 [4e suppl.]).

[2]              Le Comité avait noté ces problèmes dans son rapport de 2014 intitulé Les programmes d’enseignement du français langue seconde au Canada.

[3]              Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (LANG), Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 février 2018, 1045 (Diane Tijman, présidente, Canadian Parents for French — Colombie-Britannique et Yukon).

[4]              LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 février 2018, 1055 (Glyn Lewis, directeur général, Canadian Parents for French - British Columbia & Yukon).

[5]              LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 février 2018, 1130 (Gino LeBlanc, directeur, Bureau des affaires francophones et francophiles, Université Simon-Fraser).

[6]              Ibid.

[7]              LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 février 2018, 1045 (Diane Tijman).

[8]              Ibid.

[9]              Ibid.

[10]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1440 (Victoria Wishart, présidente, Canadian Parents for French— Alberta).

[11]            Ibid.

[12]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1530 (Michael Tryon, directeur général, Canadian Parents for French - Alberta).

[13]            Ibid., 1510.

[14]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mars 2018, 1110 (Sandra Drzystek, agente de liaison, français langue seconde, ministère de l’Éducation et de la Formation du Manitoba).

[15]            Ibid.

[16]            Ibid.

[17]            Ibid.

[18]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mars 2018, 1110 (Ron Cadez, directeur, École Howden, Division scolaire Louis-Riel).

[19]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mars 2018, 1115 (Derrek Bentley, à titre personnel).

[20]            Patrimoine canadien, Rapport annuel sur les langues officielles 2015–2016.

[21]            Protocole d’entente relatif à l’enseignement de la langue de la minorité et l’apprentissage de la langue seconde 20132014 à 20172018 entre le Gouvernement du Canada et le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada), p. 5.

[22]            Ibid., p. 6.

[23]            Ibid.

[24]            Ibid.

[25]            Ibid.

[26]            Ibid.

[27]            Ibid., p. 11.

[28]            Gouvernement du Canada, Plan d’action pour les langues officielles 2018–2013 : investir dans notre avenir, Ottawa, 2018, p. 41.

[29]            Ibid.

[30]            Ibid., p. 50.

[31]            Ibid., p. 44.

[32]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1435 (Kate Peters, membre du Conseil d’administration national, Canadian Parents for French).

[33]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1410 (Martine Cavanagh, professeure, Campus Saint-Jean, Université de l’Alberta, à titre personnel).

[34]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1440 (Victoria Wishart).

[35]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1410 (Martine Cavanagh).

[36]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1415 (Katherine Mueller, instructrice, Werklund School of Education, Université de Calgary).

[37]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1445 (Sarah Fedoration, directrice adjointe, École Grandin, Edmonton Catholic Schools).

[38]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1410 (Martine Cavanagh).

[39]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1420 (Steven Urquhart, professeur agrégé de français et directeur du Département des langues modernes, Université de Lethbridge, à titre personnel).

[40]            Ibid.

[41]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1445 (Sarah Fedoration).

[42]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mars 2018, 1110 (Jeff Anderson, directeur, École Guyot, Division scolaire Louis-Riel).

[43]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 février 2018, 1045 (Patrick Witwicki, directeur général, Association des francophones et francophiles du Nord-Ouest).

[44]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1410 (Martine Cavanagh).

[45]            Ibid.

[46]            Ibid.

[47]            Ibid., 1415.

[48]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1445 (Sarah Fedoration).

[49]            Ibid.

[50]            Ibid.

[51]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 février 2018, 1045 (Diane Tijman).

[52]            Gouvernement du Canada, Plan d’action pour les langues officielles 2018–2013 : investir dans notre avenir, Ottawa, 2018, p. 44.

[53]            Ibid.

[54]            Protocole d’entente relatif à l’enseignement de la langue de la minorité et l’apprentissage de la langue seconde 20132014 à 20172018 entre le Gouvernement du Canada et le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada), p. 5.

[55]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mars 2018, 1125 (Jeff Anderson).

[56]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1415 (Katherine Mueller).

[57]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1435 (Kate Peters).

[58]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mars 2018, 1045 (Sandra Drzystek).

[59]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 février 2018, 1125 (Glyn Lewis).

[60]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1435 (Kate Peters).

[61]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1450 (Sarah Fedoration).

[62]            Ibid.

[63]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1420 (Steven Urquhart).

[64]            Ibid.

[65]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mars 2018, 1125 (Jeff Anderson).

[66]            Ibid.

[67]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 février 2018, 1100 (Gino LeBlanc).

[68]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1430 (Albert Nolette, vice-président, Association canadienne-française de l’Alberta).

[69]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1420 (Steven Urquhart).

[70]            Ibid.

[71]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er mars 2018, 1520 (Tamie Beattie, coordonnatrice du programme de français, Edmonton Public School Board).

[72]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1415 (Katherine Mueller).

[73]            Ibid.

[74]            Ibid.

[75]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 0925 (Marie Commance-Shulko, consultante en immersion française, Edmonton Public School Board).

[76]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mars 2018, 1100 (Jeff Anderson).

[77]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 0925 (Marie Commance-Shulko).

[78]            LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1 mars 2018, 1435 (Kate Peters).

[79]            Ibid.