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NDDN Rapport du Comité

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Étude sur le Canada, le NORAD et l’état de préparation aérienne dans la région canadienne du NORAD : les recommandations du NPD

C’est avec regret que les néo-démocrates déposent une opinion dissidente sur l’état de préparation aérienne du Canada. Nous espérions que le Comité de la défense réussirait à s’entendre sur des recommandations qui, fortes de l’appui de tous les partis, auraient pu être une contribution substantielle à l’examen de la défense actuellement en cours. Le Comité a entendu des témoignages utiles d’une large gamme de témoins, et nous les remercions de leur participation.

Malheureusement, le rapport final ne représente pas le consensus des membres de tous les partis siégeant au Comité de la défense. En effet, le Comité a adopté le rapport à la dernière minute, sans discuter des recommandations proposées avec tous les partis. Certains membres ont choisi de profiter de leur avantage partisan pour adopter le rapport final en l’absence de tous les membres de l’opposition. S’ils ont pu agir ainsi, c’est uniquement parce qu’un différend a éclaté après qu’un député libéral a violé, à des fins partisanes et de manière apparemment délibérée, la confidentialité du processus de rédaction du rapport. Pire encore, le Comité a approuvé le texte alors qu’il n’avait même pas la version définitive sous les yeux – le désir d’exploiter l’absence des membres de l’opposition a motivé cette précipitation. Et il semble maintenant que le Comité ait procédé de la sorte sous la direction du secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale, ce qui est en contradiction flagrante avec l’indépendance promise aux comités par le premier ministre.

Les néo-démocrates croient que le rapport majoritaire ne rend pas compte avec justesse des témoignages entendus par le Comité de la défense. Il constitue avant tout un effort, de la part des libéraux, de cautionner le programme du gouvernement en matière de défense. Plus précisément, le rapport du Comité fait la part belle aux témoignages qui soutiennent la décision du gouvernement de solliciter un fournisseur unique pour les Super Hornets, sa volonté de repositionner les avions de chasse actuels du Canada, et sa tentative de justifier la participation du pays au programme antimissiles des États-Unis. Les néo‑démocrates estiment au contraire qu’une lecture objective des témoignages amène à trois conclusions différentes : que le Canada a besoin d’un processus d’approvisionnement ouvert et transparent pour ses aéronefs futurs, que les décisions de dépenses d’équipement doivent tenir compte du remplacement nécessaire d’autres aéronefs à moyen terme, dont les avions de ravitaillement et de recherche et sauvetage, et que la participation au programme de défense antimissiles des États-Unis – programme d’ailleurs inefficace – non seulement serait coûteuse financièrement, mais risquerait de catalyser une nouvelle course à l’armement balistique.

Ce qu’ont répété les témoins tout le long de l’étude, c’est que l’Aviation royale du Canada (ARC) a besoin de nouvel équipement pour maintenir l’interopérabilité avec nos alliés et répondre aux exigences nationales et à l’impératif de souveraineté du Canada. Or, les exigences nationales impliquent la capacité de mener des opérations dans l’Arctique, région de plus en plus animée sous l’effet du changement climatique. En effet, le Lgén Stephen Bowes a indiqué qu’on « prévoit que l’activité dans l’Arctique canadien augmentera au cours des prochaines années en raison des progrès réalisés dans des domaines comme l’exploitation des ressources naturelles, les activités d’aventure et la circulation maritime[1] ». Cette hausse de l’activité touristique et commerciale dans l’Arctique canadien se traduira par un rôle accru pour l’ARC : défense de la souveraineté du pays, surveillance environnementale et opérations de recherche et de sauvetage.

Gardant à l’esprit la vaste superficie du Canada et de sa région arctique, le Comité a écouté les témoins se prononcer sur l’opportunité de choisir un appareil à un réacteur ou à deux réacteurs pour remplacer les CF-18. Le contre-amiral Scott Bishop a déclaré que la technologie avait gagné en fiabilité et que les monoréacteurs étaient meilleur marché, mais d’autres témoins ont averti que ces économies potentielles ne faisaient pas le poids au regard des risques de panne de réacteur. Michael Byers, du Département de sciences politiques de la University of British Columbia, a dit que « les avions bimoteurs sont quand même toujours plus fiables que les avions monomoteurs[2] ».

La décision sur l’appareil qui remplacera le CF-18 doit être prise de manière ouverte et transparente. Le processus de sollicitation d’un fournisseur unique choisi par les conservateurs pour l’achat des F-35 s’est avéré coûteux et inefficace, et on ne sait toujours pas combien coûteraient ces avions, qui n’ont d’ailleurs toujours pas fait leurs preuves en matière de performance et de fiabilité mécanique. Le F-35 est un avion monomoteur et, selon plusieurs témoins, il ne semble tout simplement pas répondre aux besoins nationaux du Canada, vu la vaste étendue de notre pays. Mais si on opte pour un processus d’approvisionnement ouvert et transparent, on pourra trouver, au meilleur coût, l’avion adéquat pour le Canada. Nous ne disposons toujours pas d’énoncé clair des capacités dont nous avons besoin vu la géographie complexe de notre pays et l’impératif d’interopérabilité avec nos alliés. En outre, le processus d’approvisionnement devra prévoir la livraison des nouveaux appareils dans des délais assez rapprochés pour éviter toute interruption des opérations.

Cela dit, la préparation aérienne du Canada n’est pas seulement une question d’avions de chasse. Michael Byers a donné une longue liste des acquisitions qu’il faudrait faire pour atteindre cet état de préparation; au nombre de ces achats figure la mise à niveau des aéronefs de recherche et sauvetage à voilure fixe, qui sont vieux de presque 50 ans. Le témoin a ajouté que l’ARC n’a que 14 hélicoptères de recherche et sauvetage à long rayon d’action, alors qu’elle a « déclaré publiquement qu’il en fallait au moins 18 pour bien accomplir ce travail[3] ».

M. Byers a aussi affirmé que l’ARC devait accroître ses capacités dans l’Arctique. Signalant que 14 avions de patrouille maritime Aurora subissent actuellement un processus majeur de modernisation, il a fait valoir que la totalité des 18 appareils ont en fait besoin de cette mise à niveau. De plus, « Transports Canada a deux Dash-8 et un Dash-7. Ils survolent tous les bâtiments étrangers qui visitent l’Arctique canadien[4] ». Il faudrait augmenter le nombre de ces appareils pour rehausser considérablement la capacité de surveillance de l’Arctique canadien. RADARSAT-2 est le meilleur satellite de surveillance arctique, mais les trois premiers satellites de la Constellation RADARSAT sont prometteurs, et il serait possible d’en augmenter le nombre à six, comme le voulait la proposition d’origine. L’énumération faite par M. Byers montre qu’il faudra prendre la décision sur le remplacement des CF‑18 en gardant à l’esprit toutes les autres dépenses d’équipement dont a besoin l’ARC.

L’étude du Comité n’a pas considéré la recherche et le sauvetage comme partie intégrante de la préparation aérienne, mais c’est pourtant un aspect qui mérite une place importante dans la discussion. Conformément à la recommandation 7.100 du rapport de 2013 du vérificateur général, un cadre national officiel de recherche et sauvetage devrait être mis en œuvre. La Défense nationale, en consultation avec Pêches et Océans Canada, Transports Canada, d’autres ministères fédéraux et les provinces et les territoires, devrait prendre des mesures pour améliorer la structure de gouvernance, entre autres définir des objectifs et des indicateurs de rendement, et présenter des rapports qui contribueraient à améliorer les services de recherche et sauvetage et les activités de coordination connexes.

Dans les paramètres de leur examen de la défense, les libéraux ont rouvert la question de la participation du Canada au programme de missiles balistiques des États-Unis. Le Canada a pris la décision il y a une décennie de ne pas participer à la défense antimissiles balistiques (BMD), mais il faut réitérer maintenant les raisons de ne pas revenir sur ce choix. Peggy Mason, ancienne ambassadrice au désarmement du Canada auprès des Nations Unies, ancienne conseillère en sécurité internationale auprès de Joe Clark lorsque ce dernier était ministre des Affaires étrangères sous Mulroney, et présidente actuelle de l’Institut Rideau, travaille dans le domaine de la non-prolifération depuis de nombreuses années. Elle soutient que les systèmes de BMD stratégiques n’offrent pas une défense adéquate contre les attaques balistiques et qu’ils ne peuvent jamais soutenir le rythme de l’évolution des technologies offensives : « Il est infiniment moins cher de construire des systèmes offensifs[5]. » Aujourd’hui, dix ans plus tard, le programme de BMD des États-Unis n’a un taux de succès que de 50 % dans des conditions contrôlées, et malgré les dizaines de milliards de dollars engloutis, le nombre d’intercepteurs est encore trop faible pour contrer efficacement une éventuelle attaque russe ou chinoise.

Les Américains ne cessent d’insister auprès des pays comme la Chine et la Russie qu’ils ne doivent pas se sentir visés par leur système antimissile, mais selon Mme Mason, « la défense antimissile balistique stratégique ne fait qu’inciter la Russie et la Chine à construire des systèmes offensifs de plus en plus nombreux et efficaces pour combattre ces défenses si elles étaient dirigées contre eux un jour[6] ». En plus d’encourager la construction de missiles toujours plus poussés, la BMD catalyse la modernisation des armes nucléaires. La décision des États-Unis, sous George W. Bush, de se retirer du Traité sur les missiles antimissiles balistiques au profit de la BMD, alors qu’elle a été prise au nom de la sécurité, a en fait empiré la déstabilisation mondiale.

Certains témoins du gouvernement ont avancé que, s’il acceptait de participer maintenant à la BMD, le Canada gagnerait l’accès à des débouchés commerciaux, obtiendrait une place parmi les décideurs, et n’aurait de toute façon rien à payer pour se joindre au programme. Or, plusieurs témoins ont fait valoir que ces espoirs seraient probablement tous déçus. Mme Mason a signalé qu’il « est très peu probable que la participation du Canada à la défense antimissile lui donnerait le siège tant convoité à la table de la BMD[7] ». En effet, la défense antimissiles balistiques relève du NORTHCOM américain, et non du NORAD, ce qui signifie qu’il n’y a « aucune garantie que le Canada jouerait un rôle opérationnel significatif dans la BMD pas plus qu’une garantie que les villes canadiennes seraient défendues[8] ».

De son côté, M. Byers doutait que le Canada puisse se joindre à la BMD gratuitement :

Nous savons combien d’argent les États-Unis ont versé dans leur système d’interception à mi-parcours ici en Amérique du Nord : 40 milliards de dollars américains. Nous savons aussi combien ils dépensent chaque année pour entretenir et développer ce système : 1 milliard de dollars américains. Vous pouvez imaginer que les États-Unis laisseront le Canada se joindre à eux gratuitement, et vous pouvez leur poser la question. Je doute que la réponse soit oui. Ils pourraient vouloir que nous payions rétroactivement notre part du coût de construction du système; comme la population canadienne correspond à un dixième de celle des États-Unis, le montant serait de 4 milliards de dollars[9].

Un témoin du gouvernement favorable à la participation du Canada à la BMD, M. James Fergusson, a même admis que les retombées économiques pour les entreprises canadiennes seraient probablement nulles :

Pour ce qui est des technologies et des possibilités en matière de défense antimissile, nous avons manqué le bateau il y a deux décennies. Le Canada a décidé de ne pas adhérer au programme. Le programme de recherche et de développement des États-Unis va bon train sur le plan de la défense antimissile. Il est très peu probable qu’il y ait des possibilités pour les entreprises canadiennes ou la technologie canadienne[10].

Enfin, beaucoup de témoins ont convenu que la BMD n’est pas au nombre des enjeux que l’ARC doit prioriser. Adam Lajeunesse, à l’instar de M. Byers et de Peggy Mason, a dit que les Forces armées avaient tout simplement des dépenses d’acquisition et de mise à niveau plus urgentes que la BMD :

Étant donné que le Canada fait face à la recapitalisation de son équipement, à la fois pour la marine et l’aviation, je suis d’accord avec M. Byers, il faudra établir des priorités, et la défense antimissiles — dépendamment du coût, que nous ignorons — figurera probablement au bas de la liste[11].

Nous prions instamment le nouveau gouvernement libéral de ne pas se laisser influencer par les manchettes sur la défense antimissiles balistiques et de se concentrer plutôt sur la tâche majeure qu’est la modernisation de l’Aviation royale du Canada. Les faits sont clairs : la BMD ne fonctionne pas efficacement, les États-Unis garderaient fort probablement le commandement du système et refuseraient de l’intégrer au NORAD, et le coût d’une participation aussi tardive au programme serait astronomique, surtout quand on considère les autres besoins de mise à niveau du Canada. De plus, les néo-démocrates recommandent au Canada d’œuvrer à la non-prolifération des missiles, au lieu de se joindre à un système qui risque de déclencher une nouvelle course à l’armement balistique.

Malgré toutes nos réserves énumérées ci-dessus, les néo-démocrates peuvent adhérer à certaines des recommandations adoptées par le Comité de la défense. Ainsi, nous appuyons la deuxième recommandation, qui exige que la sécurité des pilotes soit au nombre des critères décisifs du remplacement des CF-18. La recommandation 4, qui reconnaît l’importance d’acquérir de nouveaux appareils de ravitaillement en vol, est elle aussi conforme aux témoignages entendus, et elle traduit la prise en compte nécessaire de la totalité des besoins de mise à niveau de l’ARC.

La recommandation 12 vise la modernisation du Système d’alerte du Nord, réclamée par plusieurs témoins clés. Les néo-démocrates sont eux aussi d’avis que ce système doit être modernisé ou remplacé, et ils approuvent de même la recommandation 13, qui demande que l’examen de la défense se penche sur la protection contre les cyber-attaques, enjeu clé du 21e siècle.

Cela étant dit, les néo-démocrates déplorent que le Comité de la défense ait approuvé le rapport final sans avoir la version définitive du texte sous les yeux. Il en a résulté que nous avons dû rédiger notre opinion dissidente sans avoir accès au texte final. Enfin, nous regrettons que les membres libéraux aient abandonné les efforts qui auraient permis de faire consensus sur ce rapport important.


[1] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016 (lieutenant-général Stephen Bowes.

[2] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016 (Michael Byers).

[3] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016 (Michael Byers).

[4] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016 (Michael Byers).

[5] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Peggy Mason).

[6] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Peggy Mason).

[7] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Peggy Mason).

[8] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Peggy Mason).

[9] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016 (Michael Byers).

[10] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016 (James Fergusson).

[11] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016 (Adam Lajeunesse).