Passer au contenu

OGGO Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

Introduction

[L]e mandat du ministre [des Services publics et de l’approvisionnement] […] vise à accroître la diversité des soumissionnaires — y compris les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles — et à prendre des mesures pour accroître l’accessibilité au système d’approvisionnement à des membres de tels groupes, tout en s’efforçant d’accroître la capacité de ces groupes à participer au sein du système.

Arianne Reza, Sous-ministre adjointe, Approvisionnement, Services publics et Approvisionnement Canada

Le gouvernement fédéral dépense quelque 23 milliards de dollars annuellement en biens et services[1]. Pour citer Kathleen Owens, contrôleuse générale adjointe, Secteur des services acquis et des actifs, Bureau du contrôleur général, Secrétariat du Conseil du Trésor : « L’approvisionnement est un mécanisme clé que les organisations fédérales utilisent afin de répondre aux besoins opérationnels et produire des résultats pour les Canadiens. »

Le 24 octobre 2017, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes (le Comité) a adopté deux motions touchant l’approvisionnement : entreprendre une étude sur la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones du gouvernement fédéral, et une autre sur les petites et moyennes entreprises (PME) participant aux marchés publics fédéraux.

Entre le 31 octobre 2017 et le 30 avril 2018, le Comité a tenu 16 réunions et entendu 70 témoins, notamment : des fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor, de Services publics et Approvisionnement Canada, d’Affaires mondiales Canada, du Tribunal canadien du commerce extérieur et d’Affaires autochtones et du Nord Canada; l’ombudsman de l’approvisionnement par intérim; des représentants de PME et d’associations commerciales; des représentants de collectivités et d’organisations autochtones; des propriétaires d’entreprises autochtones; des représentants de chambres de commerce; des représentants de pétrolières et de gazières; des représentants de la Ville de Toronto; des représentants des gouvernements des États‑Unis et du Royaume-Uni; des chercheurs universitaires et des consultants. Le Comité a également reçu 13 mémoires. La liste complète des témoins se trouve aux annexes A et B, tandis que la liste des mémoires, aux annexes C et D.

Le rapport sur les conclusions du Comité comporte six chapitres. Le premier chapitre décrit les règles contraignantes du cadre d’approvisionnement du gouvernement fédéral, y compris les politiques et les directives, les ententes sur les revendications territoriales, les accords commerciaux internationaux et l’exception relative à la sécurité nationale. Ce chapitre présente aussi les rôles et responsabilités des divers ministères et organismes prenant part aux marchés publics fédéraux. Le chapitre 2 examine les moyens dont dispose le gouvernement pour moderniser les marchés publics fédéraux, notamment les méthodes d’approvisionnement agiles et axées sur les résultats. Le chapitre 3 fait état des problèmes soulevés par les PME et des suggestions pour améliorer leur accès aux contrats fédéraux. Le chapitre 4 traite d’innovation et du Programme d’innovation Construire au Canada. Le chapitre 5 présente les défis auxquels sont confrontées les entreprises appartenant à des femmes et les possibilités d’accroître la participation des femmes. Enfin, le chapitre 6 est consacré aux entreprises autochtones, plus particulièrement à la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, initiative fédérale mise de l’avant pour aider les entreprises autochtones à participer aux marchés publics fédéraux et à en bénéficier. Ce chapitre fait aussi état des ententes conclues entre des pétrolières et gazières et des collectivités autochtones qui ont porté leurs fruits, ainsi que des programmes que d’autres instances ont mis en place en vue d’aider les entreprises autochtones.

[N]ous reconnaissons que l’ensemble du système vise à ce que le gouvernement fédéral obtienne la meilleure valeur possible en contrepartie des deniers publics et que les petites et moyennes entreprises jouent un rôle important dans le maintien de l’intégrité d’un système d’approvisionnement concurrentiel.

Eric Wildhaber, Avocat principal, Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur

Dans son témoignage, Mme Owens a expliqué que les ministères et les organismes « doivent appliquer un ensemble de règles d’approvisionnement assez complexe » pour se procurer des biens et des services. Elle a ajouté que les marchés publics fédéraux sont « régi[s] par un ensemble d’exigences législatives, réglementaires et stratégiques, y compris les engagements du Canada en vertu de traités modernes avec les peuples autochtones et les gouvernements provinciaux et territoriaux, en plus de 11 accords commerciaux nationaux et internationaux ».

Le cadre stratégique et juridique entourant les marchés publics fédéraux comprend un processus de contestation par le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement et le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE). Selon le gouvernement fédéral, ces exigences juridiques, réglementaires et stratégiques font en sorte que les contrats sont attribués « de façon ouverte, équitable et transparente[2] ». Les principes d’ouverture, d’équité et de transparence pour ce qui est de l’approvisionnement du gouvernement sont appliqués par l’État en conformité avec la Loi sur la gestion des finances publiques, le Règlement sur les marchés de l’État et des accords commerciaux nationaux et internationaux du Canada. Mme Owens a précisé que l’ouverture est appuyée par le Règlement sur les marchés de l’État, qui exige le lancement d’un appel d’offres avant l’attribution d’un contrat. Il existe toutefois quatre exceptions à cette règle : si la valeur du contrat est inférieure à 25 000 $, si le contrat vise à répondre à une situation urgente, s’il n’est pas dans l’intérêt public de lancer un appel d’offres, et si un seul fournisseur peut fournir le bien ou le service. Elle a ajouté que la majorité des marchés publics fédéraux sont d’une valeur inférieure à 25 000 $.

1.1 Les politiques et les directives

Les politiques et directives du gouvernement fédéral en matière d’approvisionnement sont très exhaustives. Le Guide des approvisionnements de de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) fournit des directives sur les diverses exigences applicables à certains marchés publics fédéraux, y compris celles sur le recours aux surveillants de l’équité, la Stratégie en matière d'achats écologiques, les exceptions relatives à la sécurité nationale, la passation de marchés avec d’anciens fonctionnaires, les dispositions relatives à l’intégrité, l’équité en matière d’emploi et les retombées régionales.

La Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, qui s’applique à 98 organismes fédéraux, énumérés aux annexes I, I.1 et II de la Loi sur la gestion des finances publiques, définit la façon de mener à bien les marchés publics fédéraux. Les sociétés d’État et l’Agence du revenu du Canada ont leurs propres politiques et procédures internes en matière d’approvisionnement.

Aux termes de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor : « l’objectif des marchés publics est de permettre l’acquisition de biens et de services et l’exécution de travaux de construction, d’une manière qui contribue à accroître l’accès, la concurrence et l’équité, qui soit la plus rentable ou, le cas échéant, la plus conforme aux intérêts du Canada et du peuple canadien. » Toujours selon cette même politique, les marchés publics doivent :

  • Passer l’épreuve de l’examen du public en ce qui concerne la prudence et l’honnêteté, faciliter l’accès, encourager la concurrence et refléter l’équité dans l’engagement de fonds publics.
  • Assurer le respect de l’importance des besoins opérationnels.
  • Favoriser le développement industriel et régional à long terme et les autres objectifs nationaux pertinents, y compris les objectifs de développement économique autochtones.
  • Être conformes aux obligations du gouvernement en vertu de [l’Accord de libre-échange nord-américain], de [l’Accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce], de [l’Accord économique et commercial global], de [l’Accord de libre-échange canadien] et de [l’Accord sur le commerce intérieur].

La Politique sur l’examen des acquisitions énonce les exigences à respecter afin que l’utilisation des marchés publics appuie le développement industriel et régional ainsi que d’autres objectifs nationaux. Conformément à la Politique sur les marchés, la Politique sur l’examen des acquisitions fixe les objectifs suivants en ce qui concerne les marchés publics fédéraux :

  • accorder la prééminence aux besoins opérationnels, à la concurrence, à l’équité et à l’accessibilité, qui sont les pierres angulaires du processus fédéral d’approvisionnement;
  • favoriser le développement industriel et régional à long terme;
  • poursuivre d’autres objectifs nationaux.

Selon les exigences présentées dans la Politique : « Toutes les acquisitions de l’État dont le coût dépasse 2 millions de dollars doivent faire l’objet d’un examen afin de déterminer si elles pourraient éventuellement appuyer le développement industriel et régional ainsi que d’autres objectifs nationaux (ex : la protection de l’environnement, l’équité en matière d’emploi). » D’autres politiques du Conseil du Trésor ont une incidence sur les marchés publics fédéraux, notamment la Politique d’achats écologiques, qui exige l’intégration d’objectifs environnementaux dans les décisions contractuelles.

Matthew Sreter, directeur exécutif, Direction de l’élaboration et de l’intégration de la politique stratégique, à SPAC, a expliqué que certaines initiatives, comme la Politique sur le contenu canadien, accordent une préférence aux entreprises canadiennes, car elles favorisent le développement industriel en exigeant du contenu canadien dans les marchés publics non visés par les accords commerciaux (p. ex. l’approvisionnement en matière de défense). Arianne Reza, sous-ministre adjointe, Approvisionnement, à SPAC, a expliqué qu’il existe deux secteurs pour les marchés publics — le secteur de la défense et le reste — et que, même si les politiques et directives du Conseil du Trésor s’appliquent aux deux, les obligations commerciales limitent le recours à la Politique relative au contenu canadien par l’État.

1.2 Les accords commerciaux

L’objectif premier de la négociation des accords de libre-échange, y compris les engagements en matière de marchés publics, est d’offrir aux entreprises canadiennes, y compris aux petites et moyennes entreprises, plus d’occasions d’accéder aux marchés publics d’autres pays.

Ana Renart, Directrice générale, Accès aux marchés Affaires mondiales Canada

Les accords commerciaux nationaux et internationaux suivants comportent des obligations en matière d’approvisionnement :

Lorsque plus d’un accord commercial est en jeu, les dispositions les plus restrictives s’appliquent.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor tient une liste des seuils pour les marchés publics assujettis par les divers accords commerciaux. Comme on l’explique dans le Guide des approvisionnements de SPAC, « [p]our déterminer le champ d’application des différents accords commerciaux, on doit tenir compte de la valeur estimative de l’achat (y compris le montant estimatif de la taxe sur les produits et services [TPS] ou de la taxe de vente harmonisée [TVH]), du client, du type de bien ou de service (y compris les travaux de construction), et de toutes les exceptions ou exclusions ».

Le tableau 1 présente les seuils en vigueur du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019 pour les marchés publics assujettis aux divers accords commerciaux.

Tableau 1 – Seuils pour les marchés publics assujettis aux divers accords commerciaux, 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019, dollars canadiens

 

Entités (Ministères et organismes)

Sociétés d'État / Entreprises du gouvernement

ALÉ

Biens

Services

Construction

Biens

Services

Construction

Ordre

ALEC

25 300

25 300

101 100

505 400

505 400

5 053 900

Affaires internationales

Chili1

106 000

106 000

9 100 000

530 000

530 000

16 900 000

Colombie1

106 000

106 000

9 100 000

530 000

530 000

16 900 000

AECG

237 700

237 700

9 100 000

Section A

649 100

Section A

649 100

9 100 000

Section B

731 400

Section B

731 400

Honduras

106 000

106 000

9 100 000

530 000

530 000

16 900 000

Corée

100 000

100 000

9 100 000

-

-

-

ALENA

Canada/États-Unis

32 900

106 000

13 700 000

530 000

530 000

16 900 000

Canada/Mexique

106 000

106 000

13 700 000

530 000

530 000

16 900 000

Panama

106 000

106 000

9 100 000

530 000

530 000

16 900 000

Pérou

173 700

173 700

9 100 000

530 000

530 000

16 900 000

Ukraine

237 700

237 700

9 100 000

649 100

649 100

9 100 000

OMC-AMP

237 700

237 700

9 100 000

649 100

649 100

9 100 000

1.  Aux termes de l’accord entre le Canada et le Chili et de l‘accord entre le Canada et la Colombie et de l’accord entre le Canada et a Ukraine, il y a une « transparence prolongée » des engagements à fournir des fournisseurs avec des renseignements concernant les approvisionnements dans le cadre desquels (1) ils ne sont pas autorisés à soumissionner, mais où processus d'appel d'offres ouvert est utilisé et (2) la valeur de l’approvisionnement excède 124 000 $ CAN pour le Chili et 150 000 $ CAN pour la Colombie.

Source :    Tableau reproduit à partir du Gouvernement du Canada, Accords commerciaux : Mise à jour des seuils, 21 décembre 2017.

Par ailleurs, Ana Renart, Directrice générale, Accès aux marchés, à Affaires mondiales Canada, a expliqué que l’approche du Canada pour les marchés publics dans les accords commerciaux repose sur les quatre grands principes suivants :

  • le principe de non-discrimination, qui veille à ce que les fournisseurs étrangers se voient accorder un traitement non moins favorable que celui accordé aux fournisseurs locaux;
  • le principe de transparence, qui exige la publication de certaines lois et politiques et de certains règlements, ainsi que d’information sur les avis de passation de marchés, la documentation relative aux appels d’offres et les avis d’adjudication;
  • le principe d’impartialité, qui veille à ce que tous les participants soient traités équitablement;
  • le principe de responsabilisation, qui garantit aux participants un accès aux mécanismes de contestation des offres s’il y a conflit.

De son côté, Mme Reza a expliqué que, conformément aux accords commerciaux, « [l]a période minimale pendant laquelle une soumission doit être affichée afin de satisfaire aux obligations commerciales est énoncée dans les accords commerciaux et elle est souvent prolongée à la demande des fournisseurs ». De plus, M. Sreter a précisé que bon nombre des accords commerciaux du Canada renferment des obligations concernant les activités d’approvisionnement fédérales menées par SPAC. Parmi ces obligations, il a cité celles d’assurer la non‑discrimination et le traitement national, qui « exigent essentiellement que [SPAC] traite les biens, les services et les fournisseurs d’une autre partie non moins favorablement que les biens, les services et les fournisseurs canadiens ».

Selon M. Sreter, « les règles et les engagements en matière d’accès aux marchés compris dans les accords commerciaux limitent la façon dont les marchés de l’État peuvent être utilisés. Par exemple, les accords sur le commerce international limitent la capacité d’utiliser les marchés publics pour promouvoir les industries canadiennes et interdisent en outre les exigences de contenu canadien pour les marchés auxquels s’appliquent les accords commerciaux ». Toutefois, il a souligné qu’il est possible de soustraire les approvisionnements fédéraux assujettis aux accords commerciaux à leur application dans certaines situations, en recourant, par exemple, à l’exception relative à la sécurité nationale et aux marchés réservés. Par ailleurs, Mme Renart a ajouté que certains secteurs — la santé et d’autres services publics, la recherche et le développement, la construction navale et la culture — sont exclus des obligations du Canada en matière de marchés publics internationaux.

Mme Renart a expliqué que le Canada est l’un des membres fondateurs de l’Accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce (AMP-OMC), entré en vigueur en 1981. Cet accord compte maintenant 47 membres de l’OMC, y compris de grandes économies comme les États‑Unis, l’Union européenne, le Japon et la Corée. Selon Mme Renart, « [l]es règles établies dans le cadre de l’AMP constituent la base des engagements relatifs aux marchés publics pris dans les accords de libre-échange régionaux et bilatéraux ». Elle a informé le Comité qu’en vertu de l’AMP-OMC, les entreprises canadiennes jouissent d’un accès préférentiel aux marchés d’une valeur d’environ 2,2 mille milliards de dollars annuellement. Les PME peuvent ainsi tirer parti des possibilités de marché public dans les autres juridictions membres de l’AMP-OMC.

En réponse à une question d’un membre du Comité, Pierre Marier, directeur, Marchés publics, commerce et environnement, à Affaires mondiales Canada, a expliqué qu’en tant que participant à l’AMP-OMC, le Canada peut, la plupart du temps, soustraire les petites entreprises et les entreprises appartenant à des minorités aux obligations en matière de marchés publics de l’OMC, ce qui lui donne « beaucoup de souplesse ». Il a ajouté qu’un comité de l’AMP travaille à un programme consacré aux politiques applicables aux PME, sans compter les divers programmes réservés dont disposent les membres de l’OMC.

1.2.1 L’équité et la transparence

En ce qui concerne l’équité et la transparence, M. Sreter a expliqué que la plupart des accords commerciaux « comprennent des dispositions en matière de transparence qui obligent les gouvernements à fournir aux entreprises canadiennes et étrangères l’information relative aux lois, règlements, politiques et procédures administratives ». Parmi ces dispositions, il a souligné l’obligation de fournir des « avis et de la documentation relativement aux transactions commerciales, des avis d’adjudication à l’intention des fournisseurs participants, y compris des explications à l’appui des décisions qui sont prises, ainsi que l’obligation que le marché soit conclu de façon juste, impartiale et en conformité avec les accords ».

De plus, M. Sreter a expliqué que d’autres règles procédurales ont été mises en place pour améliorer la transparence et l’équité « en fournissant un ensemble de règles claires que les parties doivent respecter », à savoir les modalités de participation des fournisseurs; les règles s’appliquant aux avis; le contenu de la documentation à l’intention des soumissionnaires; les règles sur la qualification des fournisseurs et leur participation; les procédures pour le traitement des documents d’appel d’offres, ainsi que l’évaluation et l’adjudication des contrats; les circonstances de l’utilisation des appels d’offres restreints; les périodes où elle s’applique et la publication de l’information sur l’adjudication des contrats.

1.2.2  Les exceptions relatives à la sécurité nationale

Le gouvernement fédéral peut, pour protéger ses intérêts en matière de sécurité nationale, invoquer l’exception relative à la sécurité nationale(ESN)[4] et soustraire ainsi un marché public à une partie ou à l’ensemble des obligations imposées par les accords commerciaux applicables[5]. Selon M. Sreter, le fait d’invoquer une ESN « ne vise aucunement à limiter la concurrence ». D’ailleurs, au cours des trois derniers exercices, 65 % des contrats attribués par SPAC en vertu d’une ESN étaient concurrentiels, ce qui représente 86 % de la valeur totale de tous les contrats attribués en vertu de l’ESN.

Le Guide des approvisionnements de SPAC précise que :

Les activités d’approvisionnement dans le cadre desquelles on invoque l’ESN demeurent assujetties aux autres règlements et aux autres politiques ministérielles et gouvernementales pertinentes; cela peut comprendre l’affichage d’un avis de projet de marché ou d’un préavis d’adjudication de contrat dans le Service électronique d’appels d’offres du gouvernement, le cas échéant, bien que les exigences relatives à la sécurité peuvent y faire obstacle à l’occasion.

Cependant, l’ESN de l’Accord révisé sur les marchés publics de l’OMC est formulée comme suit :

Rien dans le présent accord ne sera interprété comme empêchant une Partie quelconque d’entreprendre une action ou de ne pas divulguer des renseignements si elle l’estime nécessaire à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité, se rapportant aux marchés d’armes, de munitions ou de matériel de guerre, ou aux marchés indispensables à la sécurité nationale ou aux fins de la défense nationale.

1.2.3  Les marchés réservés

Dans son témoignage, M. Sreter a indiqué que tous les accords commerciaux, sauf l’AECG, autorisent les marchés réservés aux petites entreprises et aux entreprises appartenant à des minorités, y compris les entreprises autochtones. De son côté, Mme Renart a souligné que « [t]ous les accords commerciaux internationaux du Canada qui contiennent des engagements liés aux marchés prévoient des dispositions permettant de réserver des marchés nationaux aux entreprises autochtones ». Toutefois, l’AECG autorise uniquement les marchés réservés aux entreprises autochtones; il s’agit du seul accord commercial à ne pas inclure une exception pour les marchés réservés aux PME canadiennes. Mme Reza a expliqué que dans l’AECG, le seuil de couverture de l’approvisionnement est nettement supérieur à ce que prévoient les autres accords de libre-échange, et qu’il n’y a aucune limite pour les marchés réservés aux entreprises autochtones. M. Sreter a précisé que lorsque la disposition sur les marchés réservés est invoquée, le marché est soustrait aux obligations de l’accord commercial.

Par ailleurs, M. Sreter a expliqué qu’avant juillet 2017, le gouvernement canadien était restreint dans le recours aux marchés réservés aux PME, étant donné que l’Accord sur le commerce intérieur ne les autorisait pas. Toutefois, il a dit au Comité que, depuis l’entrée en vigueur de l’ALEC, le 1er juillet 2017, « les marchés réservés aux petites entreprises sont maintenant autorisés, à condition qu’ils fassent partie d'un programme de marchés réservés aux petites entreprises et qu'ils soient équitables, ouverts et transparents ». Il a ajouté que le gouvernement fédéral envisage des options pour utiliser les marchés réservés aux petites entreprises, y compris dans le cadre des programmes déjà en place, comme le Programme d’innovation Construire au Canada et Solutions innovatrices Canada.

Selon Peter Burn, membre du TCCE, les programmes de marchés réservés aux petites entreprises ne doivent pas établir de « discrimination fondée sur l’origine des produits, services ou fournisseurs, ou sur leur emplacement à l’intérieur du Canada ». Il a ajouté que les accords commerciaux ont des dispositions claires et larges pour les marchés réservés aux entreprises autochtones et que le TCCE n’a pas compétence à cet égard et qu’il ne mènera pas d’enquête si de telles dispositions sont invoquées. Selon le Guide des approvisionnements de SPAC, toute contestation par des fournisseurs en vertu de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones « doit être traitée selon les procédures établies pour les plaintes formulées par les fournisseurs relativement aux contrats non assujettis aux accords commerciaux[6] ».

En réponse à une question d’un membre du Comité, M. Sreter a expliqué qu’il n’existe aucun seuil dans les accords commerciaux pour les marchés réservés. Il revient à chaque partie (pays) d’établir des seuils et la définition de PME. Il a ajouté que le Canada s’interroge sur la définition de PME et l’établissement possible d’un programme de marchés réservés aux PME.

1.3 Les ententes sur les revendications territoriales

Dans son témoignage, Mme Reza a expliqué que « [d]es obligations particulières et juridiquement contraignantes en matière d’approvisionnement découlent des Ententes sur les revendications territoriales globales, également connues sous le nom de traités modernes ». Le Canada a signé 25 traités modernes avec des groupes autochtones et les provinces et territoires, dont 20 comportent des obligations fédérales particulières en matière de marchés publics. Toutefois, ces obligations ne sont pas en vigueur dans tout le Canada; elles sont applicables dans de vastes secteurs du Yukon, de la Colombie-Britannique, des Territoires du Nord‑Ouest, du Nunavut, du nord du Québec et du nord du Labrador. Elle a ajouté que tous les marchés publics sont d’abord examinés en fonction des traités modernes avant que d’autres considérations, comme la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, soient appliquées.

De plus, Mme Reza a expliqué que les obligations juridiquement contraignantes « visent toutes à améliorer les possibilités économiques pour les groupes autochtones qui bénéficient de cette entente dans les zones touchées par les revendications. En 2016-2017, on a compté au total 365 marchés fédéraux attribués à des entreprises autochtones dans les zones touchées par les traités modernes, ce qui représente environ 31 millions de dollars ».

1.4 Les responsabilités

1.4.1  Le Conseil du Trésor et le Secrétariat du Conseil du Trésor

Le Conseil du Trésor établit la politique et la stratégie pangouvernementales en matière d’approvisionnement. Le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) examine les stratégies d’approvisionnement nécessitant l’approbation du Cabinet ou du Conseil du Trésor et veille à ce qu’elles soient conformes aux exigences stratégiques. Ces responsabilités du Conseil du Trésor et du SCT découlent des pouvoirs que leur confèrent la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux.

Par ailleurs, selon Mme Owens, le SCT « surveille le rendement à l’échelle du gouvernement dans le cadre de la gestion des initiatives d’approvisionnement et peut formuler des recommandations au Conseil du Trésor sur des modifications stratégiques et sur des transactions précises des ministères ».

1.4.2  Services publics et Approvisionnement Canada

Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) est l’acheteur central du gouvernement fédéral. À titre de fournisseur de services communs, il aide les ministères et organismes à naviguer dans le processus d’approvisionnement et supervise l’application d’un certain nombre de politiques relatives aux marchés publics. Comme l’a expliqué Mme Reza, SPAC achète annuellement, pour le compte des ministères et organismes clients, des biens et des services d’une valeur d’environ 18 milliards de dollars, ce qui représente près de 80 % des dépenses annuelles en approvisionnement du gouvernement.

Comme l’indique la Politique sur les services communs, SPAC offre des services communs facultatifs et obligatoires aux ministères et organismes du gouvernement. La Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux confère au ministre la responsabilité exclusive de l’acquisition de tous les biens décrits dans la Loi. Par conséquent, les autres ministères et organismes peuvent acheter des biens seulement si leur propre législation les y autorise expressément ou si le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement délègue son pouvoir en bonne et due forme. Mme Reza a expliqué que la ministre a délégué à d’autres ministères et organismes le pouvoir d’acquérir des biens d’une valeur inférieure à 25 000 $. Elle a, par ailleurs, ajouté que SPAC a la responsabilité exclusive de l’acquisition de certains services, comme les services d’impression et de traduction.

Le Code de conduite pour l’approvisionnement s’applique à toutes les transactions effectuées par SPAC pour ses propres achats ou pour le compte d’un ministère client. Le Guide des approvisionnements de SPAC s’adresse principalement aux représentants de SPAC puisque ce ministère est un fournisseur de services communs. Il renferme les politiques et procédures ainsi que les références aux lois et conditions pertinentes pour l’achat de biens, de services et de services en construction.

Le Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat est un document complémentaire au Guide des approvisionnements de SPAC. Le guide fournit une liste de clauses et de conditions générales d’approvisionnement ainsi que des directives sur la manière de les utiliser.

La Politique de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada sur l’approvisionnement s’applique à tous les employés de SPAC qui prennent part aux activités ministérielles d’approvisionnement. Elle ne vise pas les activités d’approvisionnement réalisées pour le compte d’autres organismes fédéraux par SPAC dans sa capacité d’organisme de services communs.

En réponse aux questions des membres du Comité, les fonctionnaires ont expliqué qu’Emploi et Développement social Canada (EDSC) consultent différents groupes d’intervenants au Canada pour élaborer, avec l’appui de SPAC, une politique d’équité salariale modernisée[7]. M. Sreter a ajouté que « [d]ans le cadre de cet effort de modernisation, une des options de SPAC est l’approvisionnement éthique. [SPAC] envisag[e] de revoir [son] code de conduite sur l’approvisionnement et d’examiner comment [il pourrait] y intégrer une politique de rémunération équitable, ce qui, à cette étape, s’appliquerait à tous les marchés publics de SPAC ». Mme Reza a souligné que SPAC examinera la façon dont il gère les contrats une fois qu’EDSC aura établi la politique d’équité salariale modernisée et que, pour le moment, SPAC respecte les lois provinciales sur l’équité salariale lorsqu’il réalise des activités d’approvisionnement de biens et de services dans diverses administrations.

De plus, Mme Reza a expliqué qu’une fois que le ministère ou l’organisme client a déterminé ses besoins, SPAC travaille avec le ministère ou l’organisme pour choisir la meilleure stratégie d’approvisionnement et pour déterminer les leviers socioéconomiques pouvant être mis à profit, comme la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones. Elle a ajouté qu’il incombe à SPAC de « gérer les contrats, de surveiller l’exécution des obligations de l’entrepreneur et d’atténuer les risques comme un retard dans la production ou la livraison d’un bien ».

Pour ce qui est des accords commerciaux, M. Sreter a indiqué que « SPAC doit se conformer aux procédures particulières de chacun des accords commerciaux au moment de conclure certains marchés ». Par conséquent, il a ajouté que SPAC doit déterminer si le marché est assujetti ou non à un accord en particulier ou à une combinaison d’accords commerciaux et s’assurer qu’il les respecte.

En ce qui concerne les ententes sur les revendications territoriales, Mme Reza a dit que SPAC évalue chaque marché fédéral afin de déterminer si des obligations juridiquement contraignantes en matière de revendication s’appliquent et, le cas échéant, de quelle façon elles influeront sur la stratégie d’approvisionnement.

Mme Reza a indiqué que SPAC retient les services d’un surveillant de l’équité indépendant[8] pour certains marchés complexes ou de grande valeur. Le rôle du surveillant consiste « à formuler une opinion neutre et impartiale concernant l’équité du processus ». Selon le Rapport sur les résultats ministériels 2016-2017 de SPAC, SPAC a publié 24 rapports finaux sur la surveillance de l’équité et lancé 26 missions de surveillance de l’équité, en plus des 80 missions en cours. De plus, « les leçons apprises des missions de surveillance de l’équité précédentes ont été transmises à divers agents des achats tout au long de l’exercice ».

Enfin, SPAC gère le Bureau des petites et moyennes entreprises, dont l’objectif est d’accroître l’accès des PME aux marchés publics fédéraux, de réduire les obstacles, de simplifier le processus de passation des marchés et de fournir des outils aux fournisseurs qui souhaitent faire affaire avec le gouvernement fédéral, a expliqué Mme Reza.

1.4.3  Services partagés Canada

Dans son témoignage, Mme Owens a expliqué que Services partagés Canada est un fournisseur de services communs pour les ministères et organismes et qu’il a des mandats exclusifs liés à des biens et à certains services de technologie de l’information.

1.4.4  Affaires autochtones et du Nord Canada

Sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, à Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC), Sheilagh Murphy, a expliqué que son ministère est responsable de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones et qu’il conseille et guide les ministères et organismes fédéraux dans l’application de la Stratégie. Pour ce faire, le ministère a mis sur pied un réseau national de coordonnateurs comptant plus de 100 membres. De plus, AANC inscrit les entreprises autochtones qualifiées dans un registre en ligne — le Répertoire des entreprises autochtones — et vérifie l’admissibilité des sociétés en faisant des vérifications avant et après l’attribution du contrat. Le ministère offre des subventions et des contributions « pour permettre aux organismes autochtones de se développer et de tenter des stratégies d’exploitation commune avec le secteur privé ou des organismes relevant d’autres gouvernements » et prépare les entreprises autochtones à être concurrentielles grâce au financement par subventions et contributions.

Selon Mme Murphy, les représentants de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones travaillent en collaboration avec les « représentants des ententes de règlement des revendications globales et d’autres ministères pour s’assurer que les obligations découlant d’ententes de règlement soient respectées et que la participation autochtone soit maximisée ». De plus, AANC s’assure que les engagements du Canada pris dans les accords commerciaux internationaux sont respectés.

1.4.5  Les ministères et organismes

Selon le Cadre de politique sur la gestion des actifs et services acquis, les administrateurs généraux des ministères et organismes sont responsables, devant leur ministre et devant le Conseil du Trésor, de veiller à ce que la gestion des actifs et des services acquis favorise l’optimisation des ressources et montre une saine gérance dans le cadre de la prestation des programmes.

Dans son témoignage, Mme Owens a indiqué que tous les ministères et organismes peuvent, dans les limites des seuils financiers délégués à leur ministre, se procurer des biens et des services. Toutefois, les ministres du Conseil du Trésor peuvent exercer leur rôle de surveillance relativement à certaines transactions. En effet, le Conseil du Trésor peut approuver des exceptions à ces limites, « ce qui exige des ministères qu'ils obtiennent auprès du [Conseil du Trésor] des pouvoirs en cas d'urgence ou d'autres exigences propres aux différents ministères en matière de passation de marchés, comme l'achat de carburant en gros ou des dispositions spécialisées dans le domaine de la construction. » Selon Mme Reza, au-delà d’un seuil de 2 millions de dollars, les ministères et organismes peuvent choisir d’avoir recours aux services de SPAC ou d’obtenir un pouvoir de passation de marchés directement auprès du Conseil du Trésor.

Par ailleurs, Mme Owens a ajouté que les ministères et organismes doivent s’assurer que « les besoins opérationnels ont préséance, que la concurrence est la norme, lorsque cela est possible, que d’autres objectifs nationaux, y compris des priorités liées aux Autochtones ou en matière de développement socioéconomique, peuvent être soutenus et que les ministères [et les organismes] respectent les obligations contenues dans les accords commerciaux du gouvernement ».

1.4.6  L’ombudsman de l’approvisionnement

En avril 2006, le gouvernement fédéral a présenté la Loi fédérale sur la responsabilité et le plan d’action connexe, qui prévoyait la nomination d’un ombudsman de l’approvisionnement. Le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA) a été mis sur pied en même temps par la modification de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Le BOA est devenu pleinement opérationnel en mai 2008, à l’adoption du Règlement concernant l’ombudsman de l’approvisionnement (2008), qui décrit les principaux moyens pour l’ombudsman de l’approvisionnement d’exercer son pouvoir.

Le BOA exerce ses fonctions sans aucun lien de dépendance avec SPAC ni tout autre ministère et organisme fédéral. Le mandat de l’ombudsman de l’approvisionnement est à l’échelle de l’administration fédérale et consiste à :

  • examiner toute plainte relative à l’attribution d’un contrat d’acquisition de biens dont la valeur est inférieure à 25 300 $ et de services dont la valeur est inférieure à 101 100 $;
  • examiner toute plainte relative à l’administration de tout marché de l’État, peu importe la valeur du marché;
  • examiner les pratiques d’acquisition de biens et de services des ministères pour en évaluer l’équité, l’ouverture et la transparence, et présenter des recommandations en vue de les améliorer;
  • veiller à donner l’accès à un mécanisme de règlement des différends lorsque les deux parties concernées conviennent d’y participer[9].

Lorenzo Ieraci, ombudsman de l’approvisionnement par intérim au BOA, a expliqué que le BOA a été mis sur pied pour régler les problèmes rencontrés par les petites entreprises ayant des contrats de faible valeur pécuniaire. Le BOA dispose de 10 jours ouvrables après la réception d’une plainte pour décider s’il doit l’examiner. Tout d’abord, le BOA tente de trouver une solution au problème et, si ce n’est pas possible, l’ombudsman de l’approvisionnement examine la plainte pour déterminer si le contrat respecte toutes les exigences de la réglementation. Par la suite, le BOA prépare un rapport et l’envoie au ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, au plaignant et au ministre du ministère ou de l’organisme responsable du marché. Si la plainte ne respecte pas les critères réglementaires, l’ombudsman informe le ministère ou l’organisme à l’origine du marché et lui fournit une copie de la plainte.

De plus, M. Ieraci a dit au Comité que l’ombudsman de l’approvisionnement doit également s’assurer qu’un processus ou service de règlement des différends est offert au fournisseur et au ministère ou organisme fédéral. Il a ajouté que les deux parties peuvent demander l’enclenchement de ce processus. Le 17 avril 2018, le Comité a examiné la nomination par décret d’Alexander Adrian Jeglic au poste d’ombudsman de l’approvisionnement. Au cours de cette réunion, M. Jeglic a expliqué que, même si le BOA « a connu du succès dans la prestation de services de règlement et de médiation des différends », il aimerait qu’un plus grand nombre d’organismes et de fournisseurs fédéraux tirent parti de ces services. Il a ajouté que, par le passé, le processus de règlement extrajudiciaire des différends a donné des résultats positifs dans 23 des 25 cas. Toutefois, selon lui, le BOA prépare un plan pour rendre ces services accessibles à un plus grand nombre d’intervenants, d’abord par l’augmentation du volume, puis par la création d’une unité spécialisée dans ces services.

En réponse à une question d’un membre du Comité, M. Ieraci a expliqué que les seuils monétaires du BOA (moins de 25 300 $ pour les biens et moins de 101 100 $ pour les services) pour les enquêtes sur des contrats d’achat de biens et de services ont été fixés de façon à ce que le BOA puisse aider là où le TCCE ne peut le faire. Il s’est dit à l’aise avec ces seuils. Il a poursuivi en expliquant que la différence entre le BOA et le TCCE réside dans le fait que le BOA examine uniquement les contrats une fois qu’ils ont été attribués, tandis que le TCCE évalue le processus d’approvisionnement au moment de l’attribution du contrat.

Comme le prévoit la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, l’ombudsman de l’approvisionnement prépare à chaque fin d’exercice un rapport sur ses activités. Dans son plus récent rapport, il énonce que les cinq problèmes[10] les plus courants soulevés par les fournisseurs sont les suivants :

  • les préoccupations liées à la méthode utilisée par les organismes fédéraux pour choisir la soumission gagnante, y compris des critères d’évaluation restrictifs ou non équitables;
  • les préoccupations ayant trait à l’étape de l’appel d’offres du processus d’approvisionnement;
  • les préoccupations sur la façon dont les soumissions ont été évaluées;
  • les préoccupations sur la façon dont des fournisseurs ou des fonctionnaires fédéraux exécutent leurs rôles ou s’acquittent de leurs responsabilités en matière de passation de marchés[11];
  • les préoccupations concernant la qualité et le contenu des énoncés des travaux produits par les organismes fédéraux.

1.4.7  Le Tribunal canadien du commerce extérieur

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) est un tribunal quasi judiciaire qui a les pouvoirs d’une cour supérieure et qui rend des comptes au Parlement par l’entremise du ministre des Finances. Il est responsable de protéger l’intégrité des processus de passation des marchés publics du gouvernement du Canada et incarne le mécanisme par lequel le Canada assure la mise en œuvre des obligations prévues dans les accords commerciaux à propos des marchés.

Le Guide du mécanisme d’examen des marchés publics précise que « [l]e Tribunal examine les plaintes portant sur les appels d’offres et l’adjudication effective ou proposée de contrats spécifiques ». Dans le cadre d’enquêtes sur les marchés publics, le Tribunal évalue « certaines questions telles que celle de savoir si une soumission quelconque a été évaluée équitablement et en application des modalités précises régissant le processus de marché public en question. Le Tribunal peut proposer des mesures correctives et adjuger les frais ».

Dans son témoignage, M. Burn a expliqué au Comité que le TCCE est composé de sept membres qui peuvent compter sur une cinquantaine de personnes, notamment des avocats, des économistes, des analystes financiers et des responsables du greffe et de l’édition. Eric Wildhaber, avocat principal au Secrétariat du TCCE, a précisé que, malgré le mot « extérieur » dans son nom, le TCCE est un tribunal national interne. M. Burn a expliqué que le mandat du TCCE est d’agir dans les cinq domaines suivants :

  • Enquêter et prendre des décisions sur la « possibilité que des importations faisant l’objet de dumping ou de subventionnement aient causé ou menacent de causer des dommages matériels à une industrie canadienne ».
  • Enquêter « pour déterminer si les conditions d’importation de certains biens au Canada ou les quantités importées pourraient constituer la cause principale d’un préjudice ou d’une menace grave pour les producteurs canadiens de biens similaires ».
  • Enquêter sur des questions économiques et tarifaires, qui sont soumises par le gouverneur en conseil ou le ministre des Finances.
  • Entendre et trancher des appels de décisions rendues par l’Agence des services frontaliers du Canada en vertu de la Loi sur les douanes ou de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, ainsi que par le ministre du Revenu national, en vertu de la Loi sur la taxe d’accise.
  • Assurer « le rôle comme responsable désigné de l’examen de certains marchés publics, en vertu des divers accords commerciaux ». Ses pouvoirs sur les marchés du gouvernement fédéral se limitent à ceux qui se qualifient comme « marchés désignés », c’est-à-dire ceux qui sont supérieurs à une certaine valeur, qui émanent d’une entité déterminée du gouvernement fédéral et qui portent sur des biens ou des services en particulier.

Par ailleurs, M. Ieraci a expliqué que les fournisseurs peuvent adresser une plainte au TCCE si la valeur du contrat contesté est supérieure ou égale à 101 100 $ et si des accords commerciaux s’appliquent. De son côté, M. Burn a indiqué que le TCCE « re[çoit] des plaintes d’entreprises et de particuliers qui transigent avec le gouvernement fédéral et qui croient avoir été traités de façon inappropriée ou injuste dans le cadre d’un processus d’approvisionnement ». Il a ajouté qu’environ 70 plaintes concernant les marchés publics sont reçues au TCCE chaque année et que le Tribunal se charge d’assurer un examen rapide, économique, juste et transparent pour des fournisseurs canadiens et étrangers — dont un grand nombre sont des PME. D’ailleurs, M. Wildhaber a précisé que, des 70 plaintes reçues par le Tribunal l’an dernier, 45 provenaient de PME.

Pour ce qui est du nombre de cas impliquant SPAC, M. Sreter a informé le Comité que 0,3 % des contrats de SPAC ont été soumis au TCCE. Il a ajouté qu’au cours des trois dernières années, le Tribunal a reçu 130 plaintes liées à des contrats de SPAC et qu’un très petit nombre de ces plaintes ont été jugées valides.

Par ailleurs, M. Burn a expliqué que, lorsque le Tribunal détermine qu’une plainte est recevable, il recommande au gouvernement un des nombreux redressements et il peut aussi fournir à l’administrateur général des commentaires et des observations concernant le processus. Il a ajouté que, conformément à la loi, les recommandations doivent être mises en œuvre dans la plus large mesure possible.

Enfin, M. Burn a commenté que, dans le cas des petites entreprises et des entreprises autochtones, « une annexe de l’ALENA énonce de façon explicite que le chapitre sur les marchés publics ne s’applique pas "aux marchés réservés aux petites entreprises et aux entreprises minoritaires ". Ces pratiques ont commencé aux États-Unis bien avant l’ALENA, soit dans les années 1950, dans le cas des marchés réservés aux petites entreprises, et aux termes des dispositions législatives modifiées dans les années 1970, pour le programme pour les entreprises appartenant à des minorités, soit des Afro‑américains et des Autochtones américains ».

1.5 Les données sur les marchés publics fédéraux

Dans son témoignage, Mme Owens a raconté au Comité que les renseignements sur les marchés d’approvisionnement du gouvernement se trouvent au moyen de plusieurs sources, comme le portail du gouvernement ouvert, ainsi que dans le rapport sur les acquisitions et celui sur la divulgation des contrats de plus de 10 000 $. À ce sujet, Mme Reza a expliqué que la « demande de soumissions est lancée et publiée sur [le] site Web [de SPAC] achatsetventes.gc.ca, ce qui fait en sorte que les occasions d’approvisionnement actives et fermées de SPAC sont rendues accessibles au public ». M. Sreter a dit que « SPAC veille à ce que ses politiques et ses clauses contractuelles types, y compris l’information relative aux marchés proprement dits, ainsi qu’aux avis d’adjudication et aux statistiques, so[ie]nt [sic] mises à la disposition du public dans son site Web ».

Pour ce qui est des données sur les marchés étrangers, Mme Renart a expliqué que, malheureusement, la plupart des gouvernements ne produisent pas de rapports sur les marchés étrangers, et que le Canada n’assure pas le suivi de ses exportations. Elle a ajouté qu’il serait difficile de faire le suivi des marchés étrangers.

Enfin, M. Wildhaber a dit au Comité que le TCCE ne fait pas le suivi de ses activités auprès des PME, mais il propose que le Tribunal commence à le faire.

1.6 Les observations du Comité

Les membres du Comité reconnaissent que le processus d’approvisionnement fédéral est très complexe et peut être difficile à naviguer pour la plupart des propriétaires d’entreprises canadiennes, en particulier les propriétaires de PME et d’entreprises autochtones. Ils encouragent l’ombudsman de l’approvisionnement et le Tribunal canadien du commerce extérieur à poursuivre leurs activités de sensibilisation et à travailler en collaboration pour améliorer l’approvisionnement fédéral.

Les membres du Comité encouragent les PME à tirer parti des possibilités de marchés publics au sein du gouvernement fédéral en consultant fréquemment le site achatsetventes.gc.ca pour les appels d'offres et en utilisant les ressources du Bureau des petites et moyennes entreprises. De plus, les PME devraient considérer les occasions d'approvisionnement dans les autres pays où le Canada a signé des accords commerciaux internationaux comme l’Accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce. La plupart des accords commerciaux comprennent des dispositions en matière de transparence qui fournissent aux PME des informations quant aux opportunités d'approvisionnement et des détails quant à l'attribution d'un contrat, comme les critères d'évaluation et les règles de qualification des fournisseurs.

Par ailleurs, les membres du Comité estiment qu’il est important que tous les Canadiens, y compris les propriétaires d’entreprises et les fournisseurs, aient facilement accès à des données fiables sur les marchés publics fédéraux en temps opportun. Par conséquent, les membres du Comité encouragent le gouvernement à continuer de publier les données pertinentes sur les sites Web fédéraux, comme le portail du gouvernement ouvert.

Il n’y a pas de méthode d’approvisionnement universelle. De nombreux modèles différents existent, mais, au bout du compte, le but commun doit de nouveau être ciblé sur des approvisionnements ouverts, équitables et transparents qui entraînent le meilleur produit à un coût acceptable.

André Leduc, Vice-président, Relations gouvernementales et politiques, Association canadienne de la technologie de l’information

2.1 La méthode « agile »

La méthode agile renvoie généralement à une méthode de gestion de projets qui suppose une méthode itérative ou répétitive de planification et de développement d’un projet. Il s’agit de diviser de gros projets en portions ou itérations plus petites et plus faciles à gérer pouvant être examinées et critiquées facilement. Les conclusions de l’examen et de la critique permettent d’aviser l’équipe des prochaines étapes à exécuter. Grâce à cette méthode, l’équipe de projet peut réagir rapidement aussitôt que les problèmes surviennent. Ainsi, on économise des ressources et on diminue les risques de non‑respect du budget et de l’échéance.

Selon Andy Akrouche, associé directeur, Strategic Relationships Solutions Inc., la méthode agile « n’est pas la même chose que l’ancienne approche en cascade. Il s’agit réellement d’une série de petites cascades, en quelque sorte, qui permet aux gens de s’appuyer sur ce qui a déjà été fait en revenant en arrière pour retravailler un élément ou apporter des rajustements, au besoin ».

Un des éléments essentiels de la méthode agile est de « décrire très clairement les résultats attendus, ainsi que le problème », a expliqué Dan Murphy, président d’AdaptiveOrg Inc., qui a témoigné à titre personnel. Selon lui, « il est parfois difficile [pour les dirigeants] de réussir à le faire du premier coup. On nomme ce concept l’"intention stratégique" : on commence par établir ce qu’on appelle l’intention stratégique, le résultat escompté. On mobilise ensuite cette équipe de haut calibre pour voir si on peut l’atteindre ». Enfin, il a ajouté qu’il est important d’avoir « une formule de rétroaction rapide. Il faut quelque chose de petit qui assure une rétroaction rapide pour réussir à obtenir des résultats ».

Selon André Leduc, vice-président, Relations gouvernementales et politiques, l’Association canadienne de la technologie de l’information (ACTI), « la raison pour laquelle le secteur privé insiste tant sur la méthode agile, c’est parce qu’elle lui a permis de connaître beaucoup de succès ». Il a ajouté que « [n]os banques, par exemple, qui sont de très grandes entreprises, ont constaté que l’adoption de processus agiles avait eu un effet direct sur la capacité d’économiser beaucoup d’argent ». Certains participants au Programme d’innovation Construire au Canada sont favorables au recours à la méthode agile par le gouvernement fédéral[12].

2.1.1  L’approvisionnement agile

Dans le contexte des marchés publics fédéraux, la méthode agile signifie que le gouvernement peut avoir une vision à long terme pour les marchés importants et complexes, mais qu’il réalise cet objectif au moyen de petits marchés à court terme. Le tout peut améliorer l’accès aux PME.

Plusieurs témoins ont donné des exemples de marchés qui seraient attribués selon la méthode agile. M. Murphy a expliqué qu’il faudrait « une petite équipe lorsqu’il s’agit d’un contrat de très faible valeur, de 50 000 $, par exemple, pour une période de 6 à 12 mois ». Dans le cadre du processus, le petit fournisseur doit fournir de la rétroaction à l’équipe, que celle-ci peut utiliser pour déterminer comment rédiger le document et trouver des moyens d’alléger le processus. De son côté, M. Leduc a raconté que le projet pilote du gouvernement pour tester la méthode agile pour un marché ouvert par défaut a duré environ trois mois, du début à la fin. Il a expliqué que le processus consistait à rassembler les éléments clés des différentes unités au début du processus, notamment l’unité fonctionnelle qui utilisera la technologie, l’unité des technologies de l’information (TI), l’unité des approvisionnements et l’unité juridique. Cette méthode d’approvisionnement agile a été annoncée en janvier 2018[13].

2.1.2  L’équipe d’approvisionnement agile

Pour obtenir un résultat positif, un autre élément essentiel à cette méthode est l’équipe multifonctionnelle, « l’équipe d’intervention », a expliqué M. Murphy. Il a ajouté que « l’équipe doit compter des gens de différents domaines : une personne de l’approvisionnement; un spécialiste du juridique et des politiques, un propriétaire d’entreprise — parce qu’il doit définir le problème — et potentiellement une personne du domaine des TI, s’il s’agit d’une solution technologique ».

À propos de l’équipe multidisciplinaire, M. Leduc a expliqué que « [s]i on réunit, dès le début, toute l’équipe dans une salle pour prendre une décision, on évite des problèmes qui pourraient survenir éventuellement. L’idée est de réunir tous les membres de l’équipe, soit les avocats, les ingénieurs, les responsables de l’approvisionnement, et ainsi de suite, pour une demi-journée afin de déterminer nos objectifs et les besoins en approvisionnement ». Selon lui, voici le problème de la méthode actuelle :

« Au gouvernement, par exemple, lorsqu’une unité opérationnelle a besoin de quelque chose, elle présente une demande au groupe des technologies, qui s’adresse alors aux responsables de l’approvisionnement. Ces derniers se tournent vers les avocats pour vérifier s’ils ont le droit de procéder à l’approvisionnement de cette façon. Si les avocats concluent que cela pose un problème, la demande retourne au groupe des technologies, puis à l’unité opérationnelle. Le processus recommence ensuite à partir du début. Il n’y a pas eu de réunion regroupant toute l’équipe dans une salle en même temps et, en conséquence, on se retrouve avec de nouveaux délais lorsque, par exemple, les avocats reviennent dire trois mois plus tard qu’il y a un petit problème et qu’il est donc impossible de procéder de cette manière. Si cela était dit lors d’une réunion dès le début du processus, la situation pourrait être très différente. »

Enfin, M. Murphy a indiqué qu’il faut que ces équipes bénéficient d’une direction et d’une vision claires de la part des hauts dirigeants pour leur « dégager la voie » et les sortir de l’isolement.

2.1.3  La participation des fournisseurs tôt dans le processus

Le recours à la collaboration pour définir le problème ou le besoin afin de déterminer les exigences ou les résultats escomptés est un autre élément important de la méthode agile. « Lorsque nous utilisons [la méthode agile], nous essayons tout d’abord de comprendre le problème », a expliqué M. Murphy. De nombreux témoins ont abordé cet aspect de la méthode agile en même temps que la méthode d’approvisionnement axée sur les résultats.

Dans son témoignage, Mme Reza a expliqué que la méthode agile peut raccourcir le processus d’approvisionnement. Selon elle, « [d]ans le cadre d’un processus d’approvisionnement agile, [le gouvernement fédéral peut] travaille[r] avec les PME, avec le secteur, pour cerner le problème ». De plus, cette méthode permet aux gouvernements de consulter l’industrie pour tenter de régler le problème ou de répondre au besoin, ce qui raccourcit le processus laborieux de décrire en détail ce dont le gouvernement a besoin. Selon M. Murphy, il faut des PME dans l’équipe d’approvisionnement afin de savoir rapidement ce qui fonctionne. Selon M. Leduc, la méthode agile repose sur le « principe agile de la gestion allégée : on réunit tout le monde dans la pièce et on se concentre sur le résultat. Il faut se concentrer non pas sur ce que l’on pense être la bonne technologie pour fournir le service, mais plutôt sur le résultat ». Selon lui, cette méthode permettrait « d’ouvrir la porte à de plus en plus de soumissionnaires ».

Plusieurs témoins ont convenu qu’il fallait solliciter le secteur privé tôt dans le processus d’approvisionnement du gouvernement fédéral. D’ailleurs, M. Leduc a noté que « [l]’ACTI fait également appel au gouvernement afin de mieux mobiliser le milieu des [technologies de l’information et des communications (TIC)] plus tôt dans le processus d’approvisionnement, dès le début des discussions à ce sujet, pas plus tard, quand les décisions concernant ce qu’il faut acheter et quelles [TI] [sic] se procurer ont déjà été prises ». Il a expliqué que l’industrie peut « fournir et échanger ses connaissances et son expertise, lesquelles s’étendent à un rythme toujours croissant, à mesure que de nouvelles technologies et solutions sont fréquemment élaborées et employées ».

Par exemple, M. Leduc a raconté que « [p]arfois, avant même le début du processus d’approvisionnement, [le gouvernement a] choisi ce qu’[il] allait [se] procurer; cette technologie peut déjà être désuète, sans compter qu’il [pourrait] falloir trois ans [avant que le gouvernement] commenc[e] à mettre en œuvre la technologie ». Il a ajouté qu’il serait difficile d’établir un marché pour un produit novateur sans s’engager d’abord auprès de l’industrie qui fournit ce produit. En faisant participer l’industrie plus tôt dans le processus, « elle sera en mesure de dire ce qu’elle fait aujourd’hui et ce qu’elle sera en mesure de fournir au cours de la prochaine génération en matière d’application ou de solution ».

Selon Nevin French, vice-président, Politiques, ACTI, « [p]our les PME, particulièrement dans les secteurs qui évoluent très rapidement, comme la cybersécurité, il faut garder ces paramètres ouverts et ne pas être trop normatif afin de permettre à plus de gens de présenter une demande, et le gouvernement pourrait ensuite envisager une deuxième étape […] pour restreindre le nombre de soumissionnaires ».

En revanche, selon Andrew Kendrick, vice-président, Opérations, Vard Marine Inc., la participation des PME tôt dans le processus risque de faire grimper le coût de faire des affaires avec les PME puisqu’elles n’ont pas « les moyens d’envoyer des gens à l’autre bout du pays assister à des séances de consultation ». Il a expliqué que le « gouvernement sollicite de plus en plus les commentaires de l’industrie par le biais de demandes de renseignements, de consultations et d’ébauches de demandes de propositions ». Selon lui, il est louable « de s’assurer que la version finale de ses demandes de propositions sera de la plus haute qualité. En tant que PME, nous pensons toutefois que cela revient à de la consultation gratuite. C’est une perte de temps et d’argent. » De plus, il a indiqué que « ce processus fausse le résultat en faveur des grandes entreprises qui disposent de lobbyistes ayant les moyens d’[assister aux consultations] ». Toujours selon lui, le tout ne fait qu’ajouter à la complexité du système d’approvisionnement. M. Akrouche, qui abonde dans le même sens, indique qu’« [i]l est vraiment important de préciser que les PME ne disposent pas des mécanismes nécessaires pour participer à ce très long processus et tenter de l’influencer ».

Par ailleurs, M. Kendrick a fait remarquer que le gouvernement a de plus en plus recours aux arrangements en matière d’approvisionnement et aux offres à commandes afin de simplifier les choses, mais que ces mécanismes ne sont pas toujours bien gérés.

2.1.4  Le dialogue constant

Selon Mme Reza, l’un des principes fondamentaux de la méthode agile est la capacité d’avoir un dialogue, une communication plus interactive. À ce sujet, Kirsten Tisdale, associée directrice, Gouvernement et secteur public, Ernst and Young LLP, encourage le gouvernement fédéral à « faire en sorte qu’il soit possible de collaborer à la conception et de communiquer avec les fournisseurs tout au long du processus d’approvisionnement ». Selon elle, qu’ils « soient petits ou non, il faut favoriser une plus grande ouverture et des échanges [avec les fournisseurs] ». Elle a raconté son expérience d’un récent appel d’offres fédéral, selon la méthode actuelle, et a fait remarquer qu’il s’est écoulé 18 mois entre le moment où on leur a dit qu’ils étaient le fournisseur principal et la discussion subséquente. Elle a expliqué que, pendant ces 18 mois, ce que l’État tentait d’acheter au départ était « presque méconnaissable » par rapport aux besoins actuels. Elle a souligné que s’il « avait été possible de communiquer avec des gens au cours du processus [de 18 mois], nous aurions pu continuer à faire évoluer notre solution de sorte qu’elle reste à jour ».

Selon Mme Tisdale, « il faut prévoir, lorsqu’on établit une relation axée sur les solutions avec un fournisseur, que la technologie évoluera, que les besoins opérationnels changeront et que la situation démographique changera aussi. Les choses changeront, et il faut donc prévoir des points de contrôle réguliers au cours du processus afin d’être en mesure d’apporter les modifications nécessaires pour offrir une valeur des deux côtés ».

2.2 Les marchés axés sur les résultats

Comme l’a souligné M. Akrouche : « Il n’y a pas d’approche universelle. Parfois, le gouvernement doit être normatif; d’autres fois, il doit être axé sur les résultats. » Il a ajouté que « [d]ans chaque approvisionnement, il devrait y avoir des choses prescrites parce qu’on en a besoin maintenant et qu’on les comprend entièrement ». Toutefois :

S’il y a un degré élevé de certitude relativement à ces aspects, on devrait les prescrire. Lorsque ce n’est pas le cas, on ne devrait pas se cacher derrière des suppositions […] à ce moment-là, il faut se concentrer sur les résultats. Pour qu’une approche axée sur les résultats soit efficace, on a besoin d’un cadre de gestion des relations, un cadre de gestion des intervenants, parce qu’on a besoin de travailler ensemble pour résoudre ces aspects inconnus et acquérir de la certitude au fil du temps afin de pouvoir faire ce qui doit être fait.

Elyse Allan, présidente et directrice générale, GE Canada, et membre du Conseil canado-américain pour l’avancement des femmes entrepreneures et chefs d’entreprises, a proposé que le gouvernement envisage les marchés axés sur les résultats, dans lesquels on précise le résultat escompté, plutôt que les détails concernant les services et l’équipement devant être achetés. Le tout a été souligné dans le rapport de février 2017 du Conseil consultatif en matière de croissance économique, Libérer l’innovation pour stimuler la mise à l’échelle et la croissance. De plus, selon Pierre-Yves Boivin, vice-président, Stratégie et affaires économiques, Fédération des chambres de commerce du Québec, le gouvernement fédéral devrait adopter la méthode axée sur les résultats pour les marchés publics fédéraux. M. Boivin a expliqué qu’ « [u]n bon nombre de gouvernements un peu partout dans le monde font évoluer leurs politiques d’achat vers ce qu’on appelle l’approvisionnement gouvernemental stratégique [ou les marchés axés sur les résultats]. Plutôt que de vouloir acquérir un bien ou un service particulier et de demander aux gens de remplir un cahier des charges très précis, on procède par appel de propositions en vue de résoudre un problème Cela permet à diverses entreprises de s’associer, de mettre en valeur des solutions novatrices, voire des produits novateurs qui ne sont pas utilisés de façon standard, pour répondre à un besoin en particulier. En fonctionnant par projet ou par problème à résoudre, on peut être en mesure de favoriser ce genre de solution et ainsi permettre à de nouvelles entreprises d’avoir accès aux contrats publics ».

Dans la méthode d’approvisionnement axée sur les résultats adoptée au sein du gouvernement fédéral, selon M. Murphy, le gouvernement fédéral devrait retravailler certains mécanismes. Il a noté, par exemple, que SPAC dispose d’un mécanisme d’approvisionnement pour les services professionnels en informatique centrés sur les solutions, qui est, essentiellement, un mécanisme axé sur les solutions, sur les résultats. À son avis, il y a un problème sur le plan de la capacité, parce qu’au gouvernement, on ne sait pas comment rédiger un document concernant l’énoncé d’un problème.

2.2.1  Assouplir les exigences

Dans la méthode actuelle, selon M. Leduc, « le fait d’être hautement normatif au sujet de ce que recherche le gouvernement, tout en tentant de réduire les coûts, peut avoir une incidence négative à long terme en aval de la chaîne d’approvisionnement, ce qui atténue les conséquences socioéconomiques positives et nuit à l’accès à l’innovation ». Il a ajouté qu’en étant hautement normatif, on réduit le nombre de soumissionnaires.

Toujours selon M. Leduc, en étant trop normatif, il faut parfois jusqu’à un an au gouvernement juste pour évaluer les soumissions en réponse à une longue demande de propositions, puisque chaque soumission compte des centaines de pages. Il a expliqué que les évaluateurs continuent « de voir des [demandes de propositions] qui contiennent 300 et 400 spécifications et exigences relatives à la TI ». Il a ajouté que les « PME ne peuvent pas se permettre de mettre tout le temps qu’il faut pour investir dans un processus d’approvisionnement et pour parcourir et examiner toutes les exigences. Ce qui devrait leur prendre de trois à quatre mois s’étire sur une période qui dépasse de loin une année, parfois deux ans, voire même [sic] trois ans ».

Par ailleurs, toujours selon lui, dans la méthode actuelle, « [l]’incitatif pour les agents d’approvisionnement, c’est qu’ils ne veulent pas avoir à lire 20 soumissions de 200 pages. Ils ne disposent pas des ressources nécessaires pour entreprendre cette tâche ». Par conséquent, « [i]ls créent un environnement qui réduit le nombre de soumissionnaires à un, deux ou trois » afin que le processus soit plus simple à gérer. De plus, Marc LeClair, coordonnateur bilatéral, Ralliement national des Métis, a proposé que SPAC « essaie d’utiliser le processus de préqualification pour limiter le nombre de soumissionnaires […] pour rendre [le] système plus efficace ». Toutefois, selon M. Leduc, si le gouvernement passe « à un processus de [demande de propositions] assorti d’un maximum de 10 ou 15 pages, les soumissions reçues contiendront de 20 à 25 pages, et [les agents d’approvisionnement] pourr[ont] désormais examiner de 20 à 30 soumissions ».

Au sujet de la flexibilité des contrats, Mme Tisdale a expliqué que, dans le cadre de la méthode d’approvisionnement actuelle du gouvernement fédéral, il est difficile pour les participants de proposer des solutions différentes et créatives, et rien ne les incite à le faire. Selon elle, cela s’explique par le fait qu’on ne peut coter ces éléments et que « lorsque des gens proposent une solution créative à valeur élevée, ils sont disqualifiés, car le gouvernement ne sait pas comment l’utiliser ». M. Leduc convient également qu’en raison de la méthode d’approvisionnement actuelle, le gouvernement passe à côté de solutions novatrices parce qu’il est trop normatif.

2.2.2  Obtenir de meilleurs résultats

Selon M. Kendrick, l’impression générale concernant les marchés publics fédéraux, c’est qu’il vise à appliquer de solides principes d’équité, d’ouverture et de transparence. Toutefois, il a ajouté qu’« en raison de problèmes internes, ce système produit souvent des résultats médiocres et, trop souvent, aucun résultat ».

En ce qui concerne les résultats, selon Mme Tisdale, le « gouvernement n’a pas l’exclusivité des bonnes idées ». Il devrait plutôt définir les résultats escomptés et accorder au secteur privé la latitude pour proposer des idées créatives et innovatrices. À son avis, la méthode actuelle est beaucoup trop rigide et empêche les fournisseurs d’offrir de la valeur pour le gouvernement, d’autant plus que le gouvernement fédéral a « réduit cela au plus petit dénominateur commun, du point de vue de l’aversion au risque ». Par conséquent, « les intervenants du secteur privé ne dirigent pas le processus ». David Long, directeur général, SageTea Software, et participant au Programme d’innovation Construire au Canada, a expliqué au Comité que si le gouvernement fédéral lançait des demandes de propositions axées sur les résultats, il verrait des entreprises canadiennes sortir de l’ombre pour offrir une formidable valeur ajoutée. Selon lui, cette méthode serait très avantageuse.

Dans son témoignage, M. Murphy a parlé de la demande de propositions concernant le deuxième siège social d’Amazon. Il a souligné que, pour un investissement si important du point de vue d’Amazon, dans les milliards de dollars, la demande de propositions ne fait que huit pages. Il a expliqué que la demande de propositions « ne contient pas beaucoup de détails […]; on dit seulement qu’Amazon veut un nouveau siège social et qu’elle veut faire cet investissement. […] On y explique son problème et on présente clairement les possibilités offertes aux soumissionnaires ».

M. Murphy a expliqué que le gouvernement fédéral, tout comme l’exemple d’Amazon, offre aussi ce type de possibilités assorties d’énormes avantages économiques. Selon lui, le gouvernement fédéral attirerait les meilleurs s’il exposait ses besoins et les exigences légales, en laissant de côté les politiques. « Si l’industrie présente une réponse très détaillée, elle montre alors quelles sont ses capacités, ce qui devrait faire partie des critères d’évaluation. » De plus, cette façon de faire « atténuerait énormément les risques concernant les approvisionnements [du gouvernement]». M. Leduc partage ce point de vue et a souligné que si Amazon peut produire une demande de propositions brève pour de gros projets, rien n’empêche le gouvernement fédéral de faire de même. Selon lui, le gouvernement devrait « se concentrer sur le résultat et dire : "Nous avons besoin de tel produit afin de pouvoir faire ceci. Il doit répondre à ces huit ou neuf exigences." »

M. Akrouche a expliqué que quand vient le temps d’attribuer le contrat, « le vendeur qui réalisera le meilleur travail est le vendeur dont la stratégie d’entreprise, les capacités, les ressources, les actifs, les compétences générales et la préférence en matière de gestion correspondent beaucoup mieux à [l’]objectif déclaré que ceux des autres vendeurs. L’idée est de comparer ces éléments à votre résultat stratégique ». Dans son mémoire au Comité, Thinking Big, PME de Charlottetown, recommande au gouvernement fédéral de « privilégier l’achat de solution et de services professionnels axés sur les résultats ».

2.2.3  Le processus d’approvisionnement conjoint

Le processus d’approvisionnement conjoint « ne s’applique pas à chaque projet, mais aux grands projets complexes », selon Mme Tisdale. « Dans le cas de Phénix, par exemple, [le gouvernement tente] d’atteindre un certain résultat avec le processus électronique d’approvisionnement et la stratégie numérique ». Dans des marchés conjoints, le gouvernement définirait le résultat escompté et les contraintes opérationnelles, puis laisserait les fournisseurs trouver des solutions. Comme elle l’a dit : « C’est un processus très concurrentiel et très transparent. Il suit toutes les règles. » Toutefois, elle a expliqué qu’il « faut une très bonne équipe gouvernementale pour gérer le processus, mais à la fin, on obtient une solution élaborée conjointement qui, idéalement, répond à tous [les] besoins. Ce projet a été bien établi et il fonctionne extrêmement bien, [sauf qu’il faut] disposer des talents nécessaires au sein du gouvernement pour réussir ce type d’initiative ». M. Akrouche a expliqué au Comité que le processus d’approvisionnement conjoint est très collaboratif et « se résume à un processus très concurrentiel entre les deux derniers fournisseurs ».

De son côté, Mme Tisdale a parlé des réussites de la Colombie-Britannique avec le processus d’approvisionnement conjoint, notamment d’un projet de système de perception des revenus, la modernisation des prestations de santé et un projet visant à relier toutes les collectivités autochtones, les écoles, les hôpitaux, les villes et les bibliothèques de la province à un réseau haute vitesse.

Pour réussir, Mme Tisdale a expliqué que « les premiers à se rallier [au projet] étaient le Cabinet et le Conseil du Trésor ». Elle a ajouté que « [l]e leadership devait être garanti et appuyé à ce niveau-là parce que l’apprentissage était au rendez-vous ». Ensuite, elle a précisé que « chacun des sous-ministres [concernées] avait mis en place des mesures de rendement liées à la réussite de ce groupe ». Elle a expliqué qu’elle « aurait eu beaucoup de mal à faire [son] travail sans l’appui politique et sans la présence de personnes motivées et encouragées ». Par la suite, il s’agissait de viser des domaines où ils pensaient avoir des chances de réussir. Elle a ajouté : « Nous avons donc trié sur le volet les quatre ou cinq premiers projets ou programmes que nous allions mener, et nous avons travaillé sans relâche pour ne pas manquer notre coup ». Grâce à ces quelques victoires, ils ont gagné l’appui de la population, ce qui leur a facilité la tâche par la suite.

2.3 La gestion des relations

Dans son témoignage, M. Akrouche a expliqué que la majorité des ententes commerciales complexes ne répondent pas aux attentes des parties intéressées à long terme et que cet échec est attribuable à deux choses. Selon lui, la première, c’est que ces ententes sont structurées comme des transactions rigides qui ne s’adaptent pas adéquatement aux changements, et la deuxième, ce sont des modèles de surveillance « descendants, axés sur le commandement et le contrôle et fondés sur la conformité », qui nuisent à la collaboration.

Toujours selon M. Akrouche, le gouvernement a déjà utilisé des éléments de la méthode agile auparavant, notamment les marchés axés sur les résultats, le processus commun d’achats, l’approvisionnement conjoint, les marchés axés sur le rendement, l’approvisionnement éclairé et les commandes. Toutefois, il a souligné que si le gouvernement n’arrive pas à obtenir les résultats escomptés de ses marchés, c’est qu’il n’accorde pas assez d’importance à la gestion des relations. Il a ajouté que « [p]our réussir, il faut réellement se concentrer sur les relations, car c’est dans ce contexte que se produisent l’approvisionnement et la gestion des contrats. En reconnaissant le rôle essentiel joué par les relations, nous devons en quelque sorte choisir des relations plutôt que des ententes ou des transactions commerciales ».

Dans la même veine, Mme Tisdale a fait remarquer que, pour les contrats à long terme, « tout le monde exulte [à la signature du contrat], mais la valeur a tendance à s’éroder au cours des 3, 5, ou 10 années suivantes ». Selon elle, il faut donc « mettre autant d’énergie, de concentration et de talent dans la gestion de cette relation à long terme ». Elle a souligné l’importance de disposer des talents, des incitatifs et de la capacité nécessaires pour assurer la gestion pendant toute la durée du contrat.

Par ailleurs, M. Akrouche a informé le Comité qu’en 2014, SPAC et le ministère de la Défense nationale ont lancé un nouveau régime d’approvisionnement — le modèle relationnel de passation de marchés — qui reconnaît que le contrat est incomplet au moment de sa signature et qu’il doit être influencé par les relations entre les parties signataires.

Au sujet de la méthode qu’il propose, M. Akrouche a expliqué qu’elle repose sur certains éléments. Le premier élément porte sur la sélection des fournisseurs au moyen d’une « évaluation de la concordance stratégique », qui consiste à « évaluer objectivement si les résultats et les facteurs de création d’avantages [visés] correspondent réellement aux capacités, aux stratégies et aux structures de gestion d’[un] fournisseur ». Le deuxième élément consiste à évaluer les processus et les systèmes internes des organisations et leur capacité à collaborer. Il a ajouté que, dans une méthode axée sur les relations, c’est la relation elle-même qui régit le contrat et son évolution, tandis que, dans le modèle de passation des marchés habituel, c’est le contrat qui régit la relation entre les parties.

Enfin, selon M. Akrouche, une bonne entente commerciale comporte un cadre de gestion des relations qui énonce clairement les indicateurs pour mesurer le rendement de la relation entre les parties. Toujours selon lui, un des problèmes des contrats axés sur le rendement, c’est que la suite du contrat dépend du respect de certains indicateurs de rendement qui peuvent devenir désuets au cours du contrat. Il a donc insisté sur l’importance d’être en mesure de rajuster les cibles de rendement dans le cadre de la gestion des relations.

2.4 Les autres méthodes utilisées par le gouvernement fédéral et d’autres gouvernements

Selon M. Leduc, les municipalités appliquent avec succès la méthode agile et d’autres méthodes pour les marchés des TI, en partie parce qu’elles sont petites et qu’elles se fient davantage aux données et aux commentaires des fournisseurs. L’Estonie et le Royaume-Uni ont également adopté avec succès d’autres méthodes d’approvisionnement et changé leur façon de faire des affaires avec le secteur des TI. En ce qui concerne le Royaume-Uni, il a expliqué que le gouvernement a abandonné la méthode axée sur les règles et est passé à un « modèle axé sur les résultats, à des délais d’approvisionnement plus courts, à plus de projets pilotes et à davantage d’expérimentation ».

Selon Cass Chideock, directrice adjointe, Équipe chargée de la politique des petites entreprises, Crown Commercial Service (CCS) du Royaume-Uni, le CCS du Royaume-Uni se concentre sur les contrats‑cadres. Elle a expliqué que ces contrats fonctionnent comme des catalogues où les organismes du secteur public peuvent faire leurs achats par des « mini-concours » ou par des contrats directs. Mme Chideock a souligné que 25 % des contrats du gouvernement central passent par des ententes‑cadres établies par le CCS. Selon elle, le CCS s’efforce « d’agréger la demande de carburant ou de fournitures de bureau, ou les dépenses de marketing et de communication, mais lorsque cela devient plus spécialisé, ce genre de processus d’approvisionnement est typiquement l’affaire du ministère ».

Toujours selon Mme Chideock, le Royaume-Uni mène un projet pilote sur une plateforme d’achat qu’on appelle « le marché de la Couronne », un peu comme le GSA Advantage Program des États-Unis. Elle décrit la plateforme d’achat comme s’apparentant à Amazon pour le gouvernement. À l’heure actuelle, la majorité des produits offerts sont surtout liés à la technologie. Le GSA Advantage Program des États‑Unis, aussi appelé le programme de classification fédéral des approvisionnements ou le programme de calendrier d’attribution multiple, offre aux organismes fédéraux un processus simplifié pour obtenir des services et des fournitures commerciales à des prix associés à l’achat en gros.

2.5 Les obstacles à la mise en oeuvre d’autres méthodes pour les marchés publics fédéraux

2.5.1  Les talents

Selon Mme Tisdale, le gouvernement fédéral ne dispose probablement pas des talents nécessaires pour mettre en œuvre d’autres méthodes d’approvisionnement qui reposeraient sur une plus grande participation du secteur privé. Toujours selon elle, le gouvernement fédéral doit considérer un certain nombre de facteurs relativement à la gestion des talents, y compris les compétences nécessaires, et à la façon dont les agents d’approvisionnement sont recrutés, formés et rémunérés. Elle a ajouté qu’il faudrait procéder à une évaluation à savoir si le marché devrait relever du gouvernement fédéral ou plutôt d’autres organisations. Même s’il n’est pas contre la proposition de recruter de nouveaux talents, M. Leduc est d’avis que la fonction publique regorge déjà d’un grand bassin de personnes talentueuses. D’ailleurs, il a fait remarquer que plus de 60 % des fonctionnaires détiennent un diplôme universitaire ou collégial.

Dans son témoignage, Mme Tisdale a fait deux propositions pour permettre au gouvernement fédéral de s’assurer d’avoir les talents requis pour recourir efficacement à d’autres méthodes d’approvisionnement. D’une part, elle a proposé la création d’un « très petit groupe trié sur le volet, formé des meilleurs candidats […] [du] secteur privé », ayant de l’expérience, entre autres, dans le domaine juridique, les ressources humaines, la main-d’œuvre, les finances et la gestion des relations. Cette équipe pourrait s’occuper d’un certain nombre de marchés en utilisant d’autres méthodes, afin de modeler la méthode et se doter des capacités nécessaires. Elle a ajouté qu’un programme de formation pour la fonction publique pourrait être créé pour s’assurer que ces modèles sont utilisés dans l’ensemble du gouvernement fédéral. D’autre part, elle a proposé l’élaboration d’un cadre des ressources humaines pour le développement, le maintien et la rétention des agents d’approvisionnement de l’avenir. Elle a souligné que le Conseil du Trésor avait déjà envisagé l’élaboration d’un tel cadre, mais qu’il avait abandonné l’idée. M. Akrouche et elle sont d’avis qu’il faudra du temps pour mettre en œuvre ces changements, qu’ils ne se feront pas du jour au lendemain.

2.5.2  La culture organisationnelle

Dans son témoignage, M. Sreter a expliqué que même si la méthode agile et les méthodes axées sur les résultats ne sont pas nouvelles, elles sont relativement nouvelles pour le gouvernement fédéral. Selon lui, le recours plus fréquent à ces méthodes représente un changement de culture, et les employés de SPAC et d’autres ministères devront suivre une formation. Lui, M. Leduc et Mme Owens ont indiqué que des projets pilotes ont été réalisés afin de déterminer la façon de maximiser ces méthodes. Selon Hugh Ralph, directeurs des ventes directes, Division des solutions d’affaires, Sharp Électronique du Canada Ltée, la méthode agile est bien comprise aux échelons les plus élevés du gouvernement fédéral, mais cette compréhension « ne se rend pas aux organisations qui font effectivement les achats ».

Plusieurs témoins sont d’avis que la culture de l’aversion pour le risque dans le secteur public crée des obstacles à l’adoption d’autres méthodes d’approvisionnement. Selon M. Leduc, cette culture d’aversion pour le risque « n’a jamais été aussi élevée ». De son côté, M. Murphy estime que la nature des appels d’offres de l’État, comme la combinaison de gros contrats et l’obligation de rendre des comptes (des exigences plus détaillées pour les demandes de propositions) renforcent la culture déjà très présente de l’aversion pour le risque. En parlant de ses propres expériences au gouvernement, M. Leduc a expliqué au Comité que cette culture se manifeste également dans l’interprétation des politiques et des procédures. Par exemple, s’il présente une proposition, « 19 des 20 personnes autour de la table […] vont [lui donner] des raisons qui [l]’empêchent de [la] faire, plutôt que de [lui] dire comment procéder ». M. Leduc et M. Murphy ont tous deux évoqué le modèle de surveillance axé sur le « commandement et le contrôle » comme un important facteur qui contribue à maintenir le statu quo. Selon M. Leduc : « Tant que l’aversion du risque, d’une part, et le commandement et le contrôle, d’autre part, prévaudront, on ne pourra pas régler ce problème culturel. »

Afin de surmonter cette culture de l’aversion pour le risque, M. Leduc propose qu’on lance quelques projets pilotes pour mettre en œuvre graduellement les nouvelles méthodes. Il a expliqué que « [s]ept d’entre eux fonctionneront peut-être, et trois se solderont peut-être par une catastrophe complète, mais il s’agit de petits projets pilotes », ce qui réduit le risque qu’ils représentent. Il a ajouté qu’avec le temps, et suffisamment de leadership, le gouvernement et le secteur privé seront portés à collaborer et à partager davantage les risques, ainsi qu’à établir une relation s’apparentant davantage à un partenariat. De plus, M. Leduc a insisté sur la nécessité d’avoir « une conversation honnête sur la façon dont nous pouvons résoudre le problème culturel de la relation classique que le fournisseur-client entretient avec le gouvernement ». Selon lui, « [l]e gouvernement est obsédé par l’idée de l’indépendance et du plus bas prix possible ». Dans la même veine, M. Murphy a expliqué que, « [p]our y arriver, il faut qu’il y ait un leadership uniforme, que les résultats soient clairs, puis qu’on procède à de petites mises en œuvre non prescriptives ». Enfin, M. Leduc a évoqué la possibilité d’autoriser l’attribution du contrat au fournisseur ayant pris part à un projet pilote réussi afin de gagner du temps. Toutefois, il a souligné que le gouvernement fédéral devra alors être « transparent et honnête à cet égard ».

De son côté, Mme Tisdale a dit que la fonction publique n’incite pas à prendre des risques, puisqu’on « ne risque rien si on prend des décisions blindées [et qu’il] n’y a aucun avantage à expérimenter ». Elle a ajouté qu’« il faut donner aux gens la capacité d’expérimenter et les motiver à le faire pour qu’ils puissent un jour le faire à une plus grande échelle ». De plus, elle convient que pour pouvoir récompenser les comportements désirés, il faut établir des cibles et mesures du rendement en conséquence.

2.6 Les observations et recommandations du Comité

Il n’existe aucune méthode « universelle » pour les marchés publics fédéraux. Les membres du Comité estiment que d'autres améliorations pourraient être apportées au processus d’approvisionnement. Les avantages possibles, notamment un meilleur accès aux talents et aux idées novatrices du secteur privé, justifient amplement les efforts.

Le Comité a observé que l'approche du gouvernement fédéral en matière d'approvisionnement est centrée sur le gouvernement avec des processus qui ne sont pas orientés vers les founisseurs et ne tiennent pas compte des besoins des PME. Les membres du Comité sont d'avis que les marchés publics fédéraux devraient être faciles à naviguer et axés sur les fournisseurs. De plus, les documents en lien avec l’approvisionnement devraient être rédigés en langage clair et les versions anglaise et française devraient être les mêmes.

Des témoins ont dit au Comité que le gouvernement devrait avoir recours à la méthode agile et à des méthodes axées sur les résultats. Les membres du Comité encouragent le gouvernement fédéral à explorer la façon dont ces méthodes pourraient avantager les PME. Les membres du Comité suggèrent que le gouvernement assouplisse les exigences incluses dans les contrats d'achat et se concentre sur les résultats afin de réduire les obstacles pour les PME.

Des témoins ont dit au Comité que les marchés axés sur les résultats s’inscriraient très bien dans le cadre d’approvisionnement actuel, s’il y a une orientation claire et une mise en œuvre graduelle. Il faudrait aussi un changement de culture et de la formation pour le personnel. Cependant, les membres du Comité reconnaissent que le gouvernement fédéral est peu enclin au risque et peut manquer de motivation afin de promouvoir le changement.

Par conséquent, le Comité formule les recommandations suivantes :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada établisse au sein de Services publics et Approvisionnement Canada un centre d’expertise sur les méthodes d’approvisionnement agile et axées sur les résultats, et adopte les principes afférents, ce qui comprend des équipes de projets d’approvisionnement pluridisciplinaires et des appels d’offres assortis d'un processus de rétroaction itératif, afin d’obtenir les résultats escomptés.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada utilise davantage des méthodes d’approvisionnement axées sur les résultats, selon le cas.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada donne de la formation aux employés responsables de l’approvisionnement pour qu’ils puissent accroître leurs compétences en matière de marchés publics fédéraux et acquérir une expertise relative aux méthodes d’approvisionnement agile et axées sur les résultats.

3.1 Les petites et moyennes entreprises au Canada

[L]a chose la plus importante que le gouvernement puisse faire est de comprendre les petites entreprises et de faire affaire avec elles d’une façon avantageuse pour elles. Sachez ce dont elles ont besoin pour réussir et prospérer, et veillez à adapter les politiques, les programmes, les règles et les procédures du gouvernement à leur nature bien particulière.

Iain Christie, Vice-président exécutif,  Association des industries aérospatiales du Canada

Selon les plus récentes statistiques du gouvernement fédéral, 99,7 % des entreprises canadiennes sont des PME[14]. Pour le gouvernement fédéral, une entreprise est petite si elle compte de 1 et 99 employés, et elle est de taille moyenne si elle compte de 100 et 499 employés[15].

« Pour la période allant de 2013 à 2016, [les PME] ont participé à des achats pour une valeur de 5,5 milliards de dollars, soit environ 35 % de la valeur totale des contrats d’approvisionnement du gouvernement », a rapporté M. Boivin. De même selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 40 % de la valeur des marchés publics canadiens vont aux PME[16]. Selon Barbara Orser, professeure titulaire et professeure Deloitte en gestion des entreprises de croissance, École de gestion Telfer, Université d’Ottawa, ces données « témoigne[nt] du volume et de la valeur des contrats, mais ne dis[ent] rien sur le nombre d’entreprises ». À son avis, « [s]i [le] gouvernement souhaite faire participer plus de PME, plutôt que d’accorder un pourcentage élevé de contrats aux mêmes PME, […] il [serait] utile d’examiner les deux chiffres ».

À l’échelle fédérale, Mme Reza a expliqué que SPAC gère des contrats actifs avec environ 7 900 fournisseurs, dont 80 % sont des PME canadiennes. Par ailleurs, elle a précisé que 80 % des transactions contractuelles font intervenir des PME, tandis que 35 % de la valeur des contrats revient aux PME. En ce qui concerne les autres ministères et organismes, M. Gray a expliqué que « la majorité des activités d’approvisionnement de faible valeur — dont une bonne partie revient à des petites entreprises —, relèvent des autres ministères, parce que ceux-ci peuvent acheter eux-mêmes des marchandises dans le cadre de contrats pouvant aller jusqu’à 25 000 $ ».

Les PME qui obtiennent des marchés publics fédéraux partagent souvent le même profil. Selon Louis‑Martin Parent, directeur, Bureau du président, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), « les petites entreprises sont intégrées dans chaque type d’achats effectués par le gouvernement. Elles fournissent des biens et des services en tant qu’entrepreneurs principaux ou sous‑traitants. » Il a ajouté que, « [p]eu importe depuis quand elles vendent au gouvernement, les entreprises qui sont dans les marchés publics fédéraux sont habituellement des entreprises plus vieilles et plus solidement établies, qui ont pu se développer avant de commencer à vendre au gouvernement ».

Une étude sur le profil des PME canadiennes en tant que fournisseurs du gouvernement fédéral a récemment été réalisée par Mme Orser en collaboration avec la Direction des services en analytique d’affaires de SPAC[17]. Mme Orser a conclu « que les PME fournisseurs sont en moyenne des entreprises plus grandes et plus vieilles, et qu’elles se concentrent de manière disproportionnée dans les secteurs axés sur les connaissances et sur la technologie, ainsi que dans le secteur de la construction ». M. Boivin a aussi parlé de cette étude, qui a conclu que les PME qui participent aux marchés publics fédéraux misent sur la croissance, ce qui se traduit en développement des marchés et en exportations.

Iain Christie, vice-président exécutif, Association des industries aérospatiales du Canada, a expliqué que les « petite[s] entreprise[s] ne [sont] pas sans expérience et ne manque[nt] pas de raffinement ». De plus, il a souligné que les petites entreprises « ne se payent pas de luxe et sont articulées sur la clientèle », et qu’elles « savent comment tirer le parti maximal de leurs ressources limitées ».

3.2 Les retombées économiques

L’amélioration des marchés publics fédéraux est une priorité pour la santé économique du Canada, a fait remarquer M. Kendrick. Bon nombre de témoins ont convenu que les marchés publics créent des emplois et des occasions de croissance pour les entreprises canadiennes. D’ailleurs, M. Boivin a souligné que, « [s]elon l’[OCDE], l’ensemble des dépenses de tous les paliers de gouvernement au Canada représente environ 13,3 % du produit intérieur brut du Canada ». Il a ajouté que « [l]es contrats publics permettent aux gouvernements et aux instances municipales d’avoir accès à la grande capacité de production, à l’expertise et à l’innovation du secteur privé ».

La participation des PME aux marchés publics est importante. Selon un rapport de l’OCDE, les « PME représentent 60 % de l’ensemble des emplois, et le Canada fait bonne figure pour bien des mesures de l’innovation, de la croissance et de la production des petites entreprises[18] » [traduction]. Comme le montre la figure 1, les PME représentent 90 % des emplois dans le secteur privé au Canada. M. Parent a expliqué que l’étude réalisée conjointement par l’Université d’Ottawa et SPAC « énonce en termes clairs que le gouvernement doit encourager la participation des PME aux marchés publics fédéraux parce que "la croissance des PME représente une part disproportionnée de la création d’emplois de l’innovation et de la prospérité économique connexe" ». À son avis, il est dans l’intérêt du pays de veiller à ce que les PME puissent se présenter à la table et se mettre correctement en valeur, en se heurtant au moins d’obstacles possible. Par ailleurs, selon M. Leduc, « [i]l faut contribuer à la croissance et à l’expansion de[s] […] PME [du Canada], et les marchés publics fédéraux sont un moyen qui peut être mis à profit afin d’appuyer cette croissance ». Il a ensuite ajouté que « [l]es marchés publics peuvent permettre aux PME de croître, et peut-être même de passer d’une petite taille à une taille moyenne et de prendre une envergure qui les ferait sortir de la catégorie des PME ».

Figure 1 – Proportion d’employés dans le secteur privé selon la taille de l’entreprise, 2015

La figure 1 est un diagramme à secteurs qui montre le nombre d’employés des petites, moyennes et grandes entreprises au Canada en 2015. Les petites entreprises comptent entre 1 et 99 employés, les moyennes entreprises, entre 100 et 499 employés, et les grandes entreprises, 500 employés et plus. Les petites et moyennes entreprises représentent 90 % des emplois dans le secteur privé au Canada, tandis que les grandes entreprises représentent 10 % de ces emplois.

Source :    Figure préparée à partir de données obtenues auprès du Gouvernement du Canada, « Tableau 2.1-1 : Nombre d'emplois total dans le secteur privé selon la province et la taille de l'entreprise, 2015 », Principales statistiques relatives aux petites entreprises – Juin 2016.

Au cours de son étude, le Comité a reçu le témoignage de différents acteurs de l’industrie. BGIS, entreprise de services de gestion immobilière, est un exemple de réussite. Selon Gordon Hicks, directeur général de BGIS, l’entreprise était au départ une petite entreprise, et elle est maintenant une joueuse sur la scène mondiale. Il a expliqué que « [c]’est le gouvernement canadien qui nous a accordé notre premier contrat, qui nous a permis de nous établir solidement, puis de prendre de l’expansion et d’acquérir les compétences pour croître et faire concurrence à l’échelle mondiale ». Grâce à deux gros contrats fédéraux en immobilier, BGIS fait maintenant appel à divers sous-traitants, dont des PME. Selon M. Hicks, BGIS estime que plus de 90 % « de [sa] base de fournisseurs utilisée pour appuyer l’exécution des contrats immobiliers sont des PME, soit au total 75 % du montant annuel des dépenses récurrentes ». Vard Marine, autre exemple du secteur privé, a expliqué que les marchés publics sont un tremplin vers le succès en exportation. M. Kendrick a expliqué que « [70 %] de nos activités sont exportées et c’est en grande partie grâce aux contrats initiaux que nous avons obtenus du gouvernement fédéral. C’était un sceau de qualité, un sceau d’approbation, qui nous suivait partout dans le monde ».

Il y a aussi des exemples de réussite au sein du gouvernement fédéral. Rob Wright, sous-ministre adjoint à la Direction générale de la Cité parlementaire de SPAC, a fait remarquer que pour les « projets de construction majeurs [de la Cité parlementaire], plus de 90 % de la valeur revient à [des PME] dans le cadre de travaux que le directeur de la construction fait exécuter en sous-traitance par voie concurrentielle ». À titre d’exemple, il a cité le projet de l’édifice de l’Ouest, dans le cadre duquel environ un millier d’employés de plus de 40 entreprises différentes participent aux travaux sur le chantier. Il a ajouté que, « [m]ême si les travaux sont réalisés ici, à l’échelon local, sur le chantier de construction, leur empreinte économique s’étend à une échelle bien plus grande, à l’échelon national ».

En ce qui concerne la création d’emplois, Allan Riding, professeur titulaire et professeur Deloitte en gestion des entreprises de croissance, École de gestion Telfer, Université d’Ottawa, a signalé que « les petites entreprises créent une part disproportionnée des emplois au Canada et qu’elles contribuent de plus en plus à l’innovation et aux exportations ». Il a reconnu qu'il « est effectivement contraignant pour le gouvernement de laisser les contrats à toute une série de petites entreprises plutôt qu’à une seule grande. C’est moins efficient. » Toutefois, il est d’avis que « la croissance attribuable aux petites entreprises et la stimulation de la croissance que procurent les marchés publics font largement contrepoids » au manque d’efficacité. De plus, M. Riding a reconnu que l’ajout des exigences concernant la diversité des fournisseurs « entraînerait des pertes économiques ». Il a déclaré que « l’idée serait que la création d’emploi et l’innovation généralisée chez les gens qui obtiennent les contrats feraient contrepoids à ces pertes ». Abondant dans le même sens, M. Boivin a expliqué qu’à son avis, « il est important de considérer les marchés publics comme une forme tangible de contribution au développement économique. À cette fin, il pourrait être avantageux de créer des alliances entre le secteur privé et le gouvernement du Canada, de façon à favoriser le développement et l’exportation de nos technologies canadiennes ainsi que de notre savoir-faire. »

Dans la même veine, Mme Chideock a reconnu qu’il « y a une tension au sein du gouvernement du Royaume-Uni entre l’obtention de gains d’efficience par le regroupement du besoin de biens et de services communs et le dégroupement pour créer des petits contrats et des occasions qui pourraient être plus accessibles aux petites entreprises ». Le Comité de l'administration publique et des affaires constitutionnelles du Royaume-Uni a récemment lancé une enquête sur l'approvisionnement des services publics qui met l'accent sur les leçons tirées de l'effondrement de Carillion. Selon un document d'information de la Bibliothèque de la Chambre des communes du Royaume-Uni, l'enquête examine comment le gouvernement et le secteur public prennent des décisions sur la façon d’approvisionner les services publics, y compris les risques d’octroyer un grand nombre de contrats à un petit groupe de grandes entreprises[19].

Le but de l’Agence américaine pour les petites entreprises — la U.S. Small Business Administration — n’est pas de créer des petites entreprises, mais plutôt de créer des emplois, distinction soulignée par Eugene Cornelius, administrateur associé adjoint, Bureau du commerce international, U.S. Small Business Administration. Par exemple, l’organisation s’est dotée d’un programme d’approvisionnement, appelé HUBZones, conçu pour promouvoir le développement économique pour les zones commerciales historiquement sous-utilisées. M. Cornelius a expliqué que « les communautés minoritaires ne sont pas les seules à être mal desservies et à être touchées par le ralentissement économique, il y a aussi [les] régions rurales ». Selon lui, lorsque ces régions tombent sous le seuil de la pauvreté, elles deviennent historiquement sous-utilisées. Il estime que « les gens aiment embaucher des travailleurs locaux, des personnes qui ont leur apparence, leur comportement et leur démarche, et que les collectivités aiment embaucher des personnes originaires du même endroit ». Par conséquent, l’organisation tente de convaincre de petites entreprises de déménager dans des secteurs sous-utilisés des zones commerciales, « et non seulement à y établir leur siège social, mais aussi y embaucher un tiers de leur main‑d’œuvre ». Comme mesure incitative, il a expliqué que l’organisation autorise une différence de prix de 10 %, quand vient le temps d’attribuer des marchés fédéraux ou financés par l’État. Selon M. Cornelius, il s’agit d’un programme très utilisé; l’objectif de 3 % de la valeur totale des marchés publics fédéraux est atteint chaque année.

3.3 La participation aux marchés publics fédéraux

Certaines PME ne pensent tout simplement pas à l’État comme étant un client potentiel. Mme Orser a souligné que « [l]e pourcentage d’entreprises qui ne voient pas le gouvernement fédéral comme une source de marchés est beaucoup plus important que le pourcentage d’entreprises qui se préoccupent du processus d’approvisionnement actuel ». Selon l’étude de Mme Orser sur la participation des PME aux marchés publics fédéraux[20], « la majorité des PME canadiennes — 82 % — ne voyaient tout simplement pas le gouvernement fédéral comme un client potentiel ». Certaines PME pensent que l’effort ne vaut pas les gains possibles.

Plusieurs témoins ont soulevé ce problème. Par exemple, M. Boivin a expliqué qu’« [i]l y a une perception d’inaccessibilité selon laquelle une entreprise de petite taille ne va pas nécessairement gagner le concours, alors on se dit que cela ne vaut pas la peine d’y participer ». De plus, il a noté « que ce ne sont pas toutes les entreprises qui sont nécessairement intéressées à faire affaire avec le gouvernement, compte tenu du secteur dans laquelle elles travaillent ».

De son côté, M. Parent a expliqué que « les jeunes entreprises considèrent rarement les marchés fédéraux comme une cible de choix, quelle que soit l’ampleur des contrats promis ». Il a aussi expliqué que « [s]i le processus qui consiste à mettre un pied dans la porte semble trop compliqué, les PME chercheront des débouchés ailleurs ». Dans la même veine, M. Leduc a fait remarquer que certaines « PME […] choisissent de ne prendre part à aucun marché public fédéral en raison de la complexité et des investissements requis ». Selon lui, « [c]ette situation limite la capacité du gouvernement canadien d’acquérir la meilleure solution possible ou la plus novatrice et de miser sur ses marchés publics pour appuyer ses buts socioéconomiques ».

Selon les résultats de sa récente étude sur la participation des PME aux marchés publics fédéraux, Mme Orser a signalé que bon nombre de PME ont précisé la méconnaissance des possibilités de marché comme raison pour ne pas vendre au gouvernement fédéral. De plus, elle a conclu que, parmi les PME fournisseurs, les entreprises ayant des contrats avec le gouvernement fédéral, les principaux obstacles étaient liés, encore là, à la complexité du processus de passation des marchés, 43 %; aux difficultés à trouver les possibilités de contrats, 26 %; et aux coûts élevés associés à la passation des marchés, 27 %. Les autres obstacles étaient entre autres les retards importants dans la réception des paiements et la difficulté à répondre à toutes les exigences contractuelles.

De plus, des représentants de Canon Canada Inc. et de Sharp Électronique du Canada Ltée ont dit craindre que la centralisation des achats du gouvernement fédéral limite le nombre de fournisseurs pour certains biens et crée ainsi des oligopoles. Selon eux, ces oligopoles entraîneraient une hausse des prix et une diminution de la qualité des services et auraient une incidence négative sur les PME, les entreprises appartenant à des femmes et les entreprises autochtones qui dépendent des marchés publics fédéraux. M. Ralph, de Sharp Élctronique du Canada Ltée, a indiqué que Services partagés Canada (SPC) « est au cœur d’un plan visant à consolider la façon dont le gouvernement fédéral se procure ses imprimantes et ses photocopieurs », par son programme Achat d’appareils technologiques en milieu de travail. Dave Montuoro, directeur national des ventes, Comptes-clients du gouvernement fédéral, Canon Canada Inc., a ajouté que cela nuira au prix et aux niveaux de service. M. Ralph a aussi fait remarquer que le plan de SPC « privera le gouvernement des nouvelles technologies novatrices ».

M. Boivin recommande que le gouvernement évite la centralisation excessive des achats, étant donné que cette pratique favorise les grandes entreprises des grandes villes. Dans un mémoire envoyé au Comité, Canon Canada Inc. et Sharp Électronique du Canada Ltée ont demandé au gouvernement fédéral d’« annule[r] le processus d’acquisition des produits d’impression pour les appareils technologiques en milieu de travail de Services partagés Canada » et d’« oriente[r] les acquisitions futures de Services partagés Canada afin d’atteindre l’efficacité et de réaliser des économies sans réduire la concurrence ni nuire aux petites et moyennes entreprises. »

3.4 La simplification du processus

Pour de nombreuses PME, le processus associé aux marchés publics fédéraux est complexe, et cette complexité les retient de faire affaire avec le gouvernement fédéral. Dans son Rapport annuel 2016-2017, le BOA signale que les marchés publics fédéraux devraient être simplifiés et être exhaustifs et complets. Dans ce rapport, on peut aussi lire qu’en simplifiant le processus, on pourrait « s’assurer que les fournisseurs qui soumissionnent au palier fédéral comprennent bien ce qu’on attend d’eux tant pour la soumission à produire que pour les travaux devant suivre l’adjudication du contrat ». M. Jeglic, nouvel ombudsman de l’approvisionnement, a expliqué ceci au Comité :

L’approvisionnement proprement dit est, par sa nature même, très complexe. Les fournisseurs doivent être clairement informés de ce que l’acheteur recherche, de la façon dont leurs propositions seront évaluées et de la façon dont l’offre retenue sera sélectionnée. Cela peut être très détaillé, mais c’est souvent nécessaire afin d’assurer l’équité, l’ouverture et la transparence. Je crois fermement que les organisations fédérales doivent profiter de toutes les occasions de simplifier l’approvisionnement.

À propos de la grande complexité du processus d’approvisionnement fédéral, Mme Owens a fait remarquer que la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor remonte à la fin des années 1980 et que, malgré des ajouts et des mises à jour ponctuelles, elle n’a pas fait l’objet d’une refonte depuis plusieurs décennies. Selon elle, la politique est devenue un « ensemble complexe de plus de 300 exigences, dont certaines sont des règles très normatives et axées sur les processus ». Elle a indiqué que le SCT examine la Politique sur les marchés dans le but de refléter une approche plus moderne à la fonction de contrôleur. D’ailleurs, le SCT consulte les ministères et les organismes pour élaborer une politique qui permet « des stratégies d’approvisionnement plus flexibles et plus innovatrices, et qui simplifient les exigences politiques ». Elle a informé le Comité qu’en revoyant la politique, le SCT avait réussi à réduire grandement le nombre de pages. Mme Reza a, quant à elle, dit que SPAC travaille actuellement en collaboration avec le SCT, un ensemble de ministères, le Comité consultatif national des fournisseurs et différents fournisseurs « pour trouver des façons d’améliorer et de moderniser [les méthodes du gouvernement fédéral] en matière de prestation des services d’approvisionnement ». Par ailleurs, Mme Owens a expliqué qu’il n’y avait aucune disposition précise pour les PME « au-delà d’encourager l’équité et l’ouverture pour tous les participants du processus d’approvisionnement ».

Certaines modalités des contrats fédéraux se fondent sur le Règlement sur les marchés de l’État du SCT et s’appliquent à tous les contrats, comme l’a expliqué Mme Owens. Elle a ajouté que, outre ces modalités, ce n’est pas le Conseil du Trésor qui établit les modalités d’un contrat. À cela, Mme Reza a ajouté que certaines modalités des marchés d’approvisionnement fédéraux « n’ont pas été modifiées depuis des années et doivent être mises à jour et harmonisées avec les politiques les plus récentes en matière de contrôle ».

Paula Sheppard, directrice générale, Newfoundland and Labrador Organization of Women Entrepreneurs (NLOWE), estime que la « complexité des formalités d’appel d’offres et de passation des contrats, combinée à une méconnaissance de ces formalités, constitue un obstacle énorme pour les PME ». De son côté, Mme Orser a ajouté que, dans le cadre de son étude sur la participation des PME, la perception selon laquelle le processus de demande est trop compliqué ou laborieux a souvent été citée comme raison de ne pas vendre au gouvernement fédéral. M. Parent a souligné qu’une enquête réalisée auprès des membres de la FCEI a relevé que les « trois aspects qui ont reçu les plus faibles évaluations sont la simplicité des formulaires, la clarté des étapes nécessaires pour vendre au gouvernement fédéral, et la notification des possibilités de contrats et l’accès à ces possibilités ». Il a ajouté que « [p]rès de 50 % des membres ont coté chacun de ces aspects comme médiocre, à cause de la paperasse dans tous les cas ».

Selon Scott MacGregor, président de SageTea Software et participant au Programme d’innovation Construire au Canada, la complexité des demandes de propositions peut être un obstacle pour les innovateurs. Selon lui, « [l]es innovateurs ne comprennent pas nécessairement la procédure entourant la présentation d’une soumission. Si le gouvernement parvient à trouver une façon d’aider vraiment les gens dans toutes ces démarches, beaucoup d’innovateurs en profiteraient grandement ».

En ce qui concerne les exigences, M. Akrouche estime que le processus d’approvisionnement du gouvernement fédéral est « complexe et orienté vers les moyennes ou grandes entreprises ». Dans le même ordre d’idées, M. Leduc a fait remarquer que le gouvernement fédéral — le plus grand agent contractuel de services et de consultants professionnels — demande constamment de 15 à 20 ans d’expérience. À son avis, il n’y a pas beaucoup de « jeunes consultants en TI qui viennent travailler pour le gouvernement parce que celui-ci demande constamment de 15 à 20 ans d’expérience ». Par conséquent, le gouvernement n’obtient pas ce qu’il veut, c’est-à-dire les meilleurs talents pour ce genre de travail. De plus, M. Card a fait remarquer que beaucoup de marchés fédéraux exigent de l’expérience auprès du gouvernement. John Gamble, président et chef de la direction de l’Association des firmes de génie-conseil (AFGC), a expliqué que, même si l’expérience est un bon indicateur, elle devrait être relative et pertinente, et ne devrait pas exclure une forme de possibilité ou de programme pour faciliter l’arrivée de nouveaux venus.

Dans son mémoire au Comité, Thinking Big recommande au gouvernement fédéral de s’assurer que les seuils et les paramètres qui font partie des critères d’évaluation n’empêchent pas inutilement les PME de soumissionner à titre d’entrepreneur principal. De plus, l’organisme encourage le gouvernement fédéral à réaliser un examen rigoureux des exigences en matière de services professionnels et autres exigences connexes, de façon à permettre à un fournisseur de travailler à partir de n’importe quelle région géographique du Canada, au lieu de restreindre les contrats à la région de la capitale nationale.

Par ailleurs, M. Kendrick a dit que Vard Marine avait « récemment été invité[e] à soumissionner pour un projet qui avait déjà fait l’objet de deux appels d’offres qui n’avaient donné aucun résultat parce que les exigences demandées n’existent simplement pas dans l’industrie canadienne ». M. Christie a expliqué que lorsque des entreprises de l’aérospatiale se plaignent « de la paperasserie, c’est qu’[elle]s ne savent pas ce qu’[elle]s doivent faire pour remporter les contrats. De plus, il semble que de nouvelles exigences apparaissent une fois le processus entamé. Pour être franc, certaines exigences semblent arbitraires et sujettes aux caprices du responsable de l’approvisionnement, alors qu’elles devraient être déterminées par un processus cohérent ».

En ce qui concerne le moment où l’on exige les qualifications ou l’assurance, Mme Chideock a expliqué qu’au Royaume-Uni, « [p]ar le passé, [on demandait] aux soumissionnaires de démontrer leurs qualifications ou de devenir membres d’un groupe ou de s’assurer, dès le départ, ce qui a été un obstacle de taille à la participation des PME dans différents marchés ». Elle a poursuivi en précisant qu’aujourd’hui, on a « tendance à le leur demander dès le départ, au moment où ils commencent à fournir le service ou juste après ».

La taille des marchés publics fédéraux est parfois un obstacle pour les PME. Selon Mary Anderson, présidente, Women Business Enterprises Canada Council (WBE Canada), « l’administration fédérale conçoit certains aspects de ses appels d’offres en fonction des grandes entreprises qui ont déjà de l’expérience dans le domaine, qui détiennent les autorisations de sécurité, et ainsi de suite ». M. Akrouche a expliqué qu’il peut être difficile pour les PME de participer aux offres à commandes et aux arrangements en matière d’approvisionnement à cause des exigences relatives à la taille de l’entreprise ou à la durée d’exploitation de l’entreprise. Par exemple, « [p]arfois, il y a des critères, comme le fait d’avoir une valeur de 10 millions de dollars ». Il estime que « [c]es obstacles artificiels empêchent les petites et moyennes entreprises de soumissionner dans le cadre d’un processus gouvernemental ».

Toutefois, selon l’étude de Mme Orser sur la participation des PME, « seulement 14 % des PME fournisseurs ont cité la difficulté à fournir tous les services requis dans le contrat ». La plupart des fournisseurs ont la capacité ou l’expertise nécessaire pour fournir des services au gouvernement fédéral.

Dans son mémoire, la BC Tech Association dit que les pratiques d’approvisionnement du gouvernement sont axées sur les grands fournisseurs. En particulier, « [l]es processus d’approvisionnement gouvernemental exigent habituellement de grandes capacités de la part des soumissionnaires. […] Et il est d’autant plus difficile pour les PME de participer aux processus que ceux-ci tendent à favoriser les marchés de grande ampleur pour réaliser des économies d’échelle. » Aussi, « [d]ans bien des cas, il est plus aisé de renouveler ou de prolonger les ententes avec les fournisseurs que de lancer un nouveau processus concurrentiel. […] Les fournisseurs actuels sont clairement avantagés lorsque de nouveaux processus sont lancés puisqu’ils connaissent bien les besoins et les exigences du gouvernement et sont donc mieux placés pour influencer les critères qui favorisent leur candidature. » Ainsi, dans son mémoire, BC Tech Association recommande que le gouvernement limite la capacité de modifier ou d’élargir les ententes en cours avant de lancer un nouveau processus concurrentiel. De même, dans son mémoire, Thinking Big recommande au gouvernement fédéral de se demander si le regroupement est vraiment nécessaire, puis de laisser une marge de manœuvre aux demandes de propositions pour que de petits regroupements puissent être octroyés aux PME. Par exemple, on pourrait regrouper des appels d’offres par région géographique ou segment d’activité distinct, plutôt que de permettre à un soumissionnaire de remporter la totalité des offres groupées.

Selon Mme Owens, certains contrats peuvent être très flous et il existe « une véritable industrie juridique pour les contrats ». Mme Orser a dit que : « Le système actuel est axé sur la conformité, et il comporte un lourd jargon juridique. [Les] agents d’approvisionnement [du gouvernement fédéral] doivent satisfaire les modalités de cette obligation. » Selon elle, « il est possible d’examiner l’innovation au sein du système, et [de] l’alléger en rendant le libellé et le processus moins juridiques ». Elle a toutefois noté que le test bêta devrait se faire avec une petite enveloppe.

Certains témoins estiment qu’une partie du problème avec les modalités excessives est le recyclage des appels d’offres. Selon M. Leduc, lorsqu’il rédige un nouvel appel d’offres, l’agent d’approvisionnement se fie souvent à un appel d’offres semblable et en copie les modalités. Toutefois, ces exigences ne conviennent pas nécessairement au nouvel appel d’offres. M. French qui a déjà travaillé dans la fonction publique fédérale et provinciale, a expliqué qu’« [u]ne partie du copier-coller est seulement pour aller plus rapidement. […] [S]i vous connaissez la personne que vous voulez, qu’elle possède l’expérience, que vous voulez seulement aller de l’avant et faire quelque chose, […] vous devez tout de même suivre un certain processus. » Dans certains cas, a-t-il dit, « il y a apparence d’un processus de soumission général ouvert, mais […] le contrat est déjà attribué à quelqu’un dans 90 % du temps. On a donc suivi un très long processus, et les personnes qui décrochent le contrat sont celles qu’on aurait pu prédire dès le début. Toutes ces situations absolument déplorables se produisent. »

Vu la complexité, plusieurs témoins suggèrent de simplifier le processus d’approvisionnement du gouvernement fédéral pour accroître la participation des PME. Selon M. Parent, « le gouvernement peut s’organiser pour aider les PME, d’abord à reconnaître les occasions qui font partie de leur domaine d’expertise et dont la portée est réaliste et, ensuite, à se mettre en valeur et à soumissionner à ces possibilités sans maux de tête ». Mme Sheppard encourage le gouvernement à « [s]implifier les formalités d’appels d’offres et de passation des contrats ». Par ailleurs, selon Mme Anderson, les entreprises appartenant à des femmes aimeraient une meilleure transparence dans l’attribution des contrats, une simplification des formalités et une simplification des conditions d’admission aux appels d’offres. De son côté, M. Boivin estime que les processus doivent être simplifiés et « qu’au cours des dernières années, des exigences réglementaires se sont ajoutées sans nécessairement être harmonisées ». Yvon Boudreau, consultant à la Fédération des chambres de commerce du Québec, a souligné, toutefois, que pour un gouvernement, « la simplification est une opération très complexe ». Selon lui, la simplification a ses limites. Il a fait remarquer que « quand on ajoute des critères, par exemple les retombées économiques dans les communautés, on a besoin de plus d’information pour justifier l’application de ces critères ». M. Christie abonde dans le même sens, à savoir que dans l’élaboration des politiques et des processus, le gouvernement fédéral devrait tenir compte des besoins des PME et réduire la complexité des contrats et des processus de passation des marchés.

Certains témoins, dont M. Kendrick, recommandent que le gouvernement fédéral impose une limite de pages pour les appels d’offres afin de réduire le fardeau imposé à l’industrie. Il a expliqué que c’est ainsi aux États-Unis, en Australie et en Afrique du Sud. À son avis, « [o]n peut même réduire des concepts assez complexes à leur essence dans une quantité relativement petite de matériel », et c’est ce que l’équipe d’approvisionnement devrait viser. Bon nombre de fournisseurs, a-t-il dit, ont vécu l’expérience de se faire disqualifier pour ne pas avoir repris exactement un tableau de la demande de propositions. M. Leduc est lui aussi d’avis que la simplification passe par la réduction de la longueur des demandes de propositions.

Plusieurs témoins ont proposé un processus d’approvisionnement simplifié pour les PME. M. Akrouche recommande que le gouvernement assouplisse la réglementation pour les PME voulant faire affaire avec le gouvernement directement, en dehors des arrangements en matière d’approvisionnement. Pour ce qui est du seuil pour les marchés simplifiés, M. Leduc a dit que la plupart des soumissions des PME qui sont membres de l’ACTI sont inférieures à 50 000 $. Selon Max Skudra, directeur de la recherche et des relations gouvernementales au Conseil canadien pour le commerce autochtone (CCCA), un seuil de 100 000 $ pour appel d’offres destiné directement aux petites entreprises serait avantageux. Dans son mémoire au Comité, Thinking Big recommande au gouvernement fédéral d’augmenter le seuil des marchés en source unique pour le faire passer de 25 000 $ à 50 000 $.

En ce qui concerne la taille des marchés, M. Murphy a expliqué qu’« une entreprise ayant un effectif de 10 personnes ou moins […] ne veut pas soumissionner pour un projet de 2 millions de dollars — 100 000 $, c’est bien. Tout projet dont la valeur est inférieure à la limite prévue par l’ALENA serait très bien pour une telle entreprise ». Selon lui, « les PME obtiennent une assez bonne part du gâteau », et si le gouvernement veut accroître la participation des microentreprises, de 10 personnes ou moins, il voudra des marchés ultralégers. Toujours selon lui, il s’agit peut-être d’examiner les outils actuels et de les « rénover » pour y arriver.

Un processus d’approvisionnement simplifié pour certains achats fait partie des méthodes utilisées par la Small Business Administration des États-Unis. Selon M. Cornelius, aux États‑Unis, tous les processus d’approvisionnement qui ne dépassent pas 150 000 dollars américains sont assujettis à un processus d’acquisition simplifié. Il a expliqué que cela fait partie des outils de base visant à s’assurer que les petites entreprises obtiennent des marchés publics. Il a fait aussi remarquer qu’« [i]l s’agit d’une façon d’ouvrir le contrat et de simplifier le processus pour ceux qui n’ont aucune expérience à traiter avec le gouvernement et qui souhaitent présenter une soumission ». Selon lui, on s’assure ainsi que les contrats ne sont pas toujours attribués aux mêmes entreprises. Il a ajouté qu’au-delà du seuil d’acquisition simplifié, précisé plus tôt, le règlement fédéral sur les acquisitions s’applique, et que ce règlement peut être très strict et détaillé.

Le gouvernement central du Royaume-Uni a procédé à de nombreuses réformes pour simplifier le processus d’approvisionnement public et donner les mêmes chances aux entreprises de toutes tailles. Selon Mme Chideock, le Royaume-Uni a interdit les questionnaires de préqualification, qui tombent sous le seuil du JOUE, le Journal officiel de l’Union européenne[21], et au-delà de ce seuil, on a créé un questionnaire normalisé « pour permettre aux petites entreprises de tirer parti de leurs expériences antérieures ».

À l’instar des activités de l’ombudsman de l’approvisionnement, au Royaume-Uni, il y a le « service du client mystère ». Mme Chideock a expliqué que les fournisseurs, grâce au service du client mystère, peuvent signaler de façon anonyme tout problème concernant un processus d’approvisionnement ou un contrat. Ce système permet de cerner les obstacles pour les PME. Elle a ajouté qu’au Royaume-Uni, les organismes publics sont obligés par la loi de répondre aux préoccupations soulevées au moyen du service du client mystère. Elle a souligné que beaucoup de signalements portent sur le paiement rapide, sur le temps alloué pour soumissionner et sur la question de « savoir si les seuils financiers, les exigences en matière d’assurance ou les exigences relatives à un type particulier d’accréditation sont raisonnables et équitables ».

En ce qui concerne d’autres moyens de simplifier le processus, M. Parent a expliqué au Comité que « [l]e gouvernement a mené récemment un projet pilote pour la présentation de soumissions par le service Postel de Postes Canada, qui est essentiellement une autre façon de présenter des soumissions par courriel ». Selon lui, « [l]’initiative est très bien reçue et a déjà donné des résultats positifs pour les fournisseurs et le gouvernement ». Il recommande que le gouvernement fédéral mette en œuvre une solide plateforme d’approvisionnement en ligne qui fixe un processus clair pour tirer parti des possibilités, dans un français et un anglais clair. Selon lui, ce serait un excellent moyen d’écarter les obstacles qui empêchent les PME de soumissionner avec succès pour les marchés. Dans son mémoire au Comité, Thinking Big recommande aussi au gouvernement fédéral de déployer un processus de soumission en ligne, qui soit simplifié et qui inclut des demandes de propositions et des contrats en langage clair et simple.

Semblable au concept du site achatsetventes.gc.ca, le « Contracts Finder » du gouvernement du Royaume-Uni est un portail où sont publiés les appels d’offres publics. Le Contracts Finder [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT], géré par le CCS, « vise à améliorer la transparence dans l’attribution des marchés et à offrir plus d’occasions pour les PME de fournir des biens et des services au secteur public » [traduction]. De plus, dans Contrats Finder, « les données et les documents sont publiés à toutes les étapes du processus. Ainsi, une plus grande variété d’utilisateurs peut analyser en profondeur les données sur les contrats » [traduction]. Selon Mme Chideock, pour le gouvernement central, tout contrat de plus de 10 000 livres devrait passer par le Contracts Finder.

3.5 Les capacités des ressources humaines

En ce qui concerne la capacité des ressources humaines du gouvernement dans le domaine de l’approvisionnement, on peut lire dans le Rapport annuel 2016-2017 du BOA que les « organismes fédéraux n’avaient pas suffisamment de préposés aux achats ou disposaient d’un personnel n’ayant ni l’expérience ni les connaissances voulues pour prendre en charge la quantité et la complexité des approvisionnements fédéraux en toute équité, ouverture et transparence ». Selon le rapport, ce manque de personnel « provoque des retards à diverses étapes du processus et fait craindre qu’on doive de plus en plus s’appuyer sur des non-spécialistes pour réaliser certains approvisionnements ». Le rapport souligne également que la situation pourrait même empirer, car un grand nombre d’agents d’approvisionnement seront admissibles à la retraite d’ici cinq ans. M. Ieraci a indiqué que les capacités sont limitées, en particulier en ce qui concerne les cadres intermédiaires ou supérieurs dans le domaine des approvisionnements au gouvernement fédéral. D’ailleurs, dans son rapport, le BOA suggère au gouvernement fédéral d’élaborer une méthode de recrutement coordonnée, y compris le perfectionnement de spécialistes de l’approvisionnement dans l’ensemble des organismes fédéraux pour régler le problème.

Par ailleurs, Mme Reza a expliqué qu’il y a environ 1 300 spécialistes de l’approvisionnement à SPAC, tandis qu’il y en a environ 3 100 dans l’ensemble de la fonction publique. De plus, les employés de SPAC suivent une formation sur le code de conduite pour l’approvisionnement, de même que de la formation sur les comportements souhaités et attendus. Mme Owens a expliqué que 12 ministères participent à un processus de dotation collectif afin de recruter des agents d’approvisionnement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la fonction publique.

Un témoin, M. Kendrick a expliqué au Comité que « [l]’expertise gouvernementale en matière d’approvisionnement est trop mince ». Il a précisé que cette situation a été « remarqué[e] dans les déclarations de divers responsables et notre propre expérience le confirme. » Il a souligné que « [s]i, pour l’approvisionnement, vos gens ne sont pas vraiment sûrs de ce qu’ils font, ils auront tendance à s’en tenir à cocher des cases. […] Cela ne favorise pas l’innovation. » Selon lui, il y « a un grand nombre de nouveaux fonctionnaires peu expérimentés qui ne comprennent pas comment fonctionne l’industrie; ils essaient de prendre des décisions, mais ils manquent d’expérience. Nous en voyons les conséquences dans la qualité plutôt médiocre de certains documents diffusés en matière d’approvisionnement ». Toujours selon lui, du côté du gouvernement, « l’assurance de la qualité adéquate des documents qui sont publiés laisse à désirer [et c]ertains de ces documents sont vraiment minables ». Par contre, il a précisé que, du côté du secteur privé, « répondre aux demandes de propositions est ce que nous faisons de plus important. Si nous ne décrochons pas de contrats, c’est que nous ne serons plus longtemps en affaires. La tâche de préparer les propositions en réponse aux [demandes de propositions] est donc confiée à des personnes très expérimentées. »

Dans son mémoire, la BC Tech Association affirme qu’il faut donner plus de formation aux responsables de l’approvisionnement. Plus précisément, l’Association recommande « d’investir davantage dans la formation et le perfectionnement des fonctionnaires en ce qui concerne l’évaluation des propositions de valeur, la communication avec le secteur des technologies et les occasions de collaboration pangouvernementale ».

3.6 Le coût et la longueur du processus de passation des marchés

Selon plusieurs témoins, le coût et la longueur du processus de passation des marchés peuvent être des obstacles pour les PME. « Je pense que si l’on devait formuler une critique concernant les marchés publics, ce serait qu’ils coûtent si cher, a dit M. Gamble. Ce qui exaspère les promoteurs, c’est le fait que, s’ils rédigent un document de 500 pages, environ 450 de ces pages sont les mêmes d’un promoteur à l’autre. Cela est très coûteux. » Selon Mme Anderson, « [c]ela coûte très cher et prend beaucoup de temps de répondre à un appel d’offres fédéral; on y pense donc à deux fois avant de s’engager dans cette démarche ». Mme Sheppard a fait remarquer que, « [s]ouvent, les petites entreprises n’ont ni la capacité ni les connaissances requises pour remplir les formulaires exigés ».

Selon M. Parent : « Les délais [au sein du gouvernement] sont beaucoup plus longs que dans le secteur privé. » M. Leduc a quant à lui expliqué que « si un processus doit suivre un cycle de 18 ou de 24 mois ou un cycle de près de trois ans, seuls les très grands fournisseurs peuvent participer ». Il a fait remarquer qu’« [a]ucune PME au pays ne peut se permettre de dépenser 600 000 $ ou 700 000 $ en ressources afin de participer à l’un de ces processus d’approvisionnement complexes qui dure plus d’une année ». Parallèlement, Sam Damm, président de FoxWise Technologies Inc., a lui aussi parlé de la longueur du processus et a expliqué que répondre à ces importants appels d’offres est un exercice très cher et laborieux.

Les PME ont souvent des ressources limitées. M. Akrouche a expliqué que « [m]ême les moyennes et grandes entreprises retiennent les services de consultants externes afin qu’ils les aident à s’y retrouver dans ce labyrinthe [qu’est le processus d’approvisionnement fédéral] ». Il a toutefois fait remarquer que « [l]es petites et moyennes entreprises n’ont pas cette capacité. Elles n’ont ni l’argent ni les ressources nécessaires pour s’y retrouver ». Selon M. Riding, « une très grande proportion des petites entreprises sont vraiment modestes et comptent moins de cinq employés. C’est un problème pour remporter des appels d’offres à maintes reprises, et même des offres à commandes. Ces procédures accaparent une bonne partie des ressources des entreprises qui pourraient être plus avantageuses ailleurs. » M. Christie a convenu que les petites entreprises « n’ont pas beaucoup de personnel spécialisé ».

Par ailleurs, selon M. Gray, le gouvernement utilise certains moyens pour accélérer le processus d’approvisionnement. Il a indiqué que les contrats préétablis, soit des offres à commandes et des arrangements en matière d’approvisionnement, permettent aux ministères d’avoir accès immédiatement aux fournisseurs. « Cela accélère vraiment tout le processus. Aussi, ce sont habituellement des processus concurrentiels, alors les fournisseurs ont l’occasion de présenter des soumissions. Ils offrent leurs services et peuvent se voir attribuer des contrats. Pour beaucoup de petites entreprises, les offres à commandes et les arrangements en matière d’approvisionnement sont essentiels et génèrent une bonne partie de leurs activités. »

Toutefois, dans son Rapport annuel 2016-2017, le BOA a signalé qu’il n’y avait pas de garantie de revenu pour les fournisseurs même après qu’ils se soient qualifiés aux fins des offres à commandes et que les fournisseurs doivent se qualifier pour des instruments multiples et aussi pour plusieurs organismes fédéraux pour offrir essentiellement les mêmes biens et services. John Derouard, président de K-Sports Marine Inc. et membre de la Nation métisse indépendante Red Sky, a exprimé sa frustration à propos du fait que son entreprise a décroché de nombreuses offres à commandes qui n’ont jamais été utilisées.

Dans le rapport du BOA, on explique que les offres à commandes comportent un risque élevé pour les fournisseurs du fait qu’ils investissent temps et énergie pour produire des propositions et se qualifier, sans toutefois avoir la certitude d’obtenir des contrats. Sauf pour les produits de base obligatoires, rien n’oblige le gouvernement fédéral à honorer les offres à commandes et, même si le gouvernement fédéral utilise les offres à commandes, rien ne garantit que le fournisseur décroche un contrat. Néanmoins, les fournisseurs doivent être prêts à fournir les biens et services dans un délai très court s’ils veulent le contrat. M. Damm a expliqué que les entreprises investissent beaucoup de ressources pour répondre à des demandes de propositions colossales. Parfois, l’entreprise remporte un arrangement en matière d’approvisionnement par une offre à commandes pour des marchés réservés, mais n’obtient aucun travail.

Dans son rapport, le BOA propose de créer à l’échelle de l’administration publique un dépôt centralisé des offres à commandes des organismes fédéraux, ce qui pourrait réduire le double emploi entre les ministères et organismes. On pourrait ainsi évaluer les offres à commandes pour mieux comprendre si les avantages attendus se matérialisent vraiment.

Selon Mme Sheppard, « [l]e coût de la participation aux appels d’offres est souvent disproportionné par rapport à la valeur des contrats ». Pour les PME, si on doit « fournir une caution ou une garantie d’exécution, ou […] se doter d’une assurance offrant une protection supérieure, on […] coupe [directement] dans les profits. Il serait souvent possible d’assouplir ces conditions, dans la mesure où elles sont basées sur des contrats et des appels d’offres antérieurs et non sur le marché en cause. »

Aux États-Unis, le gouvernement tente d’aider les petites entreprises à participer aux gros contrats. Selon M. Cornelius, « [l]es petites entreprises n’ont pas nécessairement les ressources voulues pour répondre aux appels d’offres, surtout s’il s’agit de contrats de 4 millions de dollars [américains] ou plus. Il leur faut un fonds de roulement important pour tenir un inventaire suffisant ou employer la main-d’œuvre voulue afin de respecter leurs obligations de paiement de 30 ou 90 jours, par exemple. » Il a ajouté que le programme d’accès au capital leur permet d’accéder à un fonds de roulement, à des lignes de crédit et à toutes sortes d’instruments pour faire l’achat de matériel ou autre. De plus, il a expliqué que la Small Business Administration des États-Unis n’accorde pas les prêts, mais qu’elle a conclu des partenariats avec plus de 7 500 institutions bancaires pour leur « fourni[r] une garantie si elles accordent un prêt à une petite entreprise ». Toujours selon M. Cornelius, l’Agence peut garantir des emprunts d’un maximum de 5 millions de dollars américains, et la garantie couvre de 75 à 80 % de l’emprunt. « Il reste donc une marge pour laquelle les banques peuvent se montrer très accommodantes, car elles sont responsables de 20 à 25 % de ce prêt et qu’elles doivent prévoir les pertes en conséquence. » James Parker, directeur par intérim du programme d’expansion du commerce avec les États, au Bureau du commerce international de l’Agence américaine pour les petites entreprises, a confirmé que le taux de non-remboursement de ces prêts est d’environ 8 %.

3.7 Les délais de paiement des fournisseurs

Selon plusieurs témoins, les délais de paiement par le gouvernement fédéral représentent aussi un problème pour les PME. M. Christie a expliqué que, souvent, les petites entreprises sont axées « sur le flux de trésorerie plutôt que sur le bilan […] pour investir dans leur croissance future, elles doivent commencer par s’occuper de leurs risques à court terme. » De son côté, Mme Sheppard a expliqué que « [l]’État espace souvent ses paiements sur une longue période après l’attribution du contrat. […] La plupart des petites entreprises ont des liquidités limitées. Rares sont celles qui peuvent attendre longtemps avant de se faire payer. » Par ailleurs, selon M. Parent, « [l]a petite entreprise qui est payée deux, voire trois, mois après la livraison d’un produit ou la prestation d’un service, sera presque certainement dissuadée de refaire affaire avec le gouvernement. Elle risque aussi de parler de son expérience aux autres entreprises. » Plusieurs témoins, dont M. Parent, M. Christie et Mme Sheppard, ainsi que Thinking Big, dans son mémoire, recommandent au gouvernement fédéral de réduire les délais de paiement le plus possible. Pour M. Christie, le paiement à temps des fournisseurs devrait être une priorité absolue pour tous les agents d’approvisionnement du gouvernement fédéral. Mme Sheppard a expliqué qu’en diminuant les délais de paiement, on faciliterait l’accès des PME aux marchés. À son avis, on intéressera beaucoup plus les PME à soumissionner si on leur offre des conditions de paiement rapide.

Dans son témoignage, Mme Owens a expliqué que le gouvernement fédéral avait « modifié la Politique de gestion financière pour s’assurer que le gouvernement peut payer ses factures en 30 jours ou moins ». Auparavant, a-t-elle dit, la politique exigeait une période d’attente de 30 jours, mais les ministères peuvent dorénavant payer en avance. Selon Mme Reza, « 80 % des contrats de moins de 1 million de dollars sont attribués à des PME, alors il est vraiment essentiel que les paiements soient rapides ». Toujours selon elle, on essaie « de rajuster les échéances, maintenant que le processus sur 30 jours a été accéléré, afin de pouvoir déterminer de quelle façon accélérer les processus et le paiement des factures pour que les paiements soient plus rapides ».

À titre de comparaison, M. Cornelius a expliqué qu’aux États‑Unis, on dispose de 15 jours pour payer les petites entreprises, ce qui est très strict. Mme Chideock, de son côté, a expliqué que le gouvernement central du Royaume-Uni s’est donné pour cible de régler 80 % des factures dans les 5 jours et 100 % dans les 30 jours. Elle a ajouté que cette pratique est prescrite par la loi. Le gouvernement central du Royaume-Uni avise également ses principaux fournisseurs qu’ils doivent payer leur chaîne d’approvisionnement dans les 30 jours. De plus, le gouvernement du Royaume-Uni consulte les entreprises à savoir s’il faut inclure le délai de paiement dans les critères d’attribution des contrats.

Selon SPAC, « [l]e gouvernement fédéral paie 96 % de ses entrepreneurs principaux en temps opportun. Cependant, certains sous-traitants qui travaillent pour ces entrepreneurs principaux ne sont pas payés en temps voulu ou dans les délais prescrits ». Par conséquent, le gouvernement fédéral souhaite obtenir des recommandations sur une législation fédérale à l’égard des paiements sans délai pour les entrepreneurs et les sous-traitants dans le domaine de la construction[22].

3.8 Le partage des risques

Dans les marchés publics, le gouvernement cherche à réduire le plus possible les risques qu’il encourt. Toutefois, selon M. Leduc, le gouvernement tente de transférer tous les risques juridiques potentiels au secteur privé en exigeant une responsabilité illimitée. Par exemple, dans le cas d’un contrat de 75 000 $, l’exigence concernant la responsabilité illimitée fait en sorte que s’il y a des problèmes avec le marché, toute la PME « pourrait être saisie par le gouvernement ». Il a souligné que « les tentatives faites par le gouvernement pour atténuer les risques juridiques liés à la sécurité dans le cadre de la passation des contrats découragent de nombreuses PME de présenter des soumissions ». Selon lui, ces mesures limitent le nombre de soumissionnaires prêts à participer aux marchés publics.

Dans son témoignage, M. Murphy a signalé que, « [d]ans le secteur privé, le risque est l’affaire de l’actuaire, qui y accole un montant en dollars ». Toutefois, au gouvernement, le risque est très difficile à quantifier. Selon M. Parent, « le gouvernement cherche un peu trop jalousement à protéger la Couronne ». Il a ajouté que les responsables de l’approvisionnement « craignent trop souvent d’outrepasser les limites ». Selon M. Kendrick, « [c]e sur quoi le gouvernement doit vraiment travailler, c’est de déterminer où devrait se situer le risque. Les risques ne devraient pas être assumés en totalité par l’entrepreneur. Le gouvernement devrait en assumer une partie ». Aux États-Unis, par exemple, M. Cornelius a expliqué que la responsabilité dépend des produits ou services que le gouvernement achète. Selon M. Leduc, les membres de l’ACTI « recherchent en priorité un partage des risques responsable, au lieu de voir le gouvernement transférer tous les risques au secteur privé en lui imposant des responsabilités illimitées, des conditions excessivement normatives et des exigences strictes en matière de sécurité ». Par exemple, il recommande que la responsabilité soit limitée à la valeur du contrat. Dans son mémoire, Thinking Big encourage le gouvernement à simplifier les modalités des contrats et de les harmoniser davantage aux pratiques commerciales.

Par ailleurs, selon M. Leduc, le gouvernement devrait « embaucher des agents de gestion des risques et affecter une personne à l’évaluation de l’incidence qu’a l’inclusion de conditions gouvernementales strictes et d’exigences prescrites sur le nombre de soumissionnaires ». Toujours selon lui, trop d’exigences et des modalités trop normatives, comme la responsabilité illimitée, diminueront le nombre de soumissionnaires, même s’il y a un créneau de fournisseurs. Par conséquent, ces mesures pourraient réduire grandement le nombre de soumissionnaires, ce qui serait contraire à l’objectif du gouvernement d’attirer un nombre important de soumissionnaires pour un même marché. Il a expliqué que le rôle de l’agent principal de la gestion des risques est de faire des évaluations globales, puisque le gouvernement fonctionne souvent en vase clos, c’est‑à-dire que les juristes, les responsables de la sécurité et les technologues n’examinent la situation que de leur point de vue respectif.

3.9 Le rapport qualité-prix

Les témoins s’inquiètent également de la tendance du gouvernement fédéral à choisir le fournisseur le moins disant. Toutefois, Mme Owens a souligné que pour obtenir « la valeur optimale », au sens de la Politique sur les marchés, il faut « tenir compte du prix, du mérite technique et de la qualité ou, le cas échéant, miser sur le meilleur équilibre des avantages généraux pour l’État et les Canadiens ». Surtout, la meilleure valeur n’équivaut pas nécessairement au prix le plus bas.

Quand on se concentre surtout sur le prix, on n’obtient pas nécessairement la meilleure valeur ou le prix le plus bas pour toute la durée du contrat. Selon Mme Tisdale, « l’accent est mis sur le prix le plus bas » dans le cadre du processus d’approvisionnement du gouvernement. Le gouvernement devrait se concentrer sur la valeur et les résultats, puisque souvent, a-t‑elle dit, « le prix le plus bas devient le prix le plus élevé pendant la durée d’un contrat ». De son côté, M. Gamble a expliqué que « [d]ès qu’ils supposent que le prix le plus bas est présumé le meilleur, les promoteurs minimisent l’étendue des travaux pour être plus compétitifs. Cela veut dire qu’ils n’envisagent pas de solutions de rechange, qu’ils ne cherchent pas à trouver une valeur ajoutée ». Il a poursuivi en disant que « [c]elui qui propose d’innover est pénalisé. Il est également pénalisé s’il entrevoit des difficultés susceptibles de survenir dans les phases ultérieures de la construction ou même dans la phase d’exploitation. Cela étant, l’acheteur renonce à d’importantes économies appliquées à tout le cycle de vie, pour réaliser des économies à court terme. » Selon lui, « le prix le plus bas n’équivaut pas au meilleur prix qui soit. Le bon prix est le meilleur prix ». Il n’est pas rare, dans les marchés publics, que l’on confonde valeur et bas prix. À son avis, un bon système d’approvisionnement récompense les propositions qui visent à ajouter de la valeur et à innover, en plus de « [tenir] compte du cycle de vie du projet et [de mettre] l’accent sur le meilleur rapport qualité-prix, plutôt que sur le prix le plus bas ».

Selon M. Parent, les « PME voient leurs meilleurs points forts [comme étant] […] liés au savoir, à la réputation et à l’expérience de leur entreprise. […] Un grand nombre considèrent que la rentabilité est un point fort, mais pas autant que les trois premiers ». Il a fait remarquer qu’en misant surtout sur le prix, le gouvernement « désavantage implicitement la plupart des PME. C’est vraiment une question de prix et de qualité ». De la même manière, Mme Anderson a expliqué que les dirigeantes d’entreprises à qui elle a parlé estiment que « [l]’administration fédérale semble accorder plus d’importance au prix qu’à la valeur ». Par ailleurs, selon M. Kendrick, « [c]e qui est encore pire, ce sont les bas tarifs souvent pratiqués dans les arrangements en matière d’approvisionnement [du gouvernement fédéral] ». Il a précisé que « [s]i le gouvernement est vraiment intéressé à trouver un ingénieur qui facturera le tarif horaire le plus bas, tant pis pour lui : il ne trouvera probablement pas les ingénieurs qu’il cherche. »

En revanche, M. Boudreau a expliqué que « [l]es moyennes entreprises sont assez satisfaites du système d’octroi de contrats et d’appel d’offres du gouvernement canadien, surtout parce que, depuis les dernières années, un accent particulier est mis sur la qualité de la firme, sur son expérience, sur son innovation et sur ses compétences ». Il a ajouté que « [d]ans certains contrats, par exemple, 90 % des points sont attribués à ces aspects plus qualitatifs et seulement 10 % des points sont attribués au prix ». De plus, dans son mémoire, la BC Tech Association, a indiqué qu’en raison de « récents changements dans l’approvisionnement en matière de défense, on semble adopter de nouvelles politiques qui tiennent compte des retombées économiques globales pour le Canada. En appliquant ces politiques à davantage de processus d’approvisionnement, le Canada pourrait mieux différencier les fournisseurs situés uniquement à l’étranger par rapport à ceux qui ont une présence marquée ici au pays. » Par conséquent, la BC Tech Association recommande que le gouvernement fédéral exige une proposition de valeur dans tous les marchés technologiques. « Il est possible d’élaborer des processus d’approvisionnement axés sur la valeur conformes aux ententes commerciales actuelles. Le gouvernement peut aussi modifier la pondération de la proposition de valeur par rapport à celles d’autres critères comme le coût et le rendement et l’adapter à chaque processus. »

De son côté, M. Parent recommande que le gouvernement fédéral mette en œuvre des stratégies visant à dissuader les responsables de l’approvisionnement de privilégier seulement ou surtout le prix. De même, M. Boivin estime que le gouvernement devrait élaborer des marchés stratégiques en ne tenant pas seulement compte du prix ni du soumissionnaire le moins disant. Dans le même ordre d’idées, dans son mémoire, Thinking Big recommande au gouvernement de « s’assurer que la pondération du prix permet d’obtenir des ressources et des solutions de haute qualité ».

Un système d’évaluation du rendement des fournisseurs pourrait être un moyen d’accorder de l’importance à la qualité dans les pratiques d’approvisionnement du gouvernement fédéral. « Lorsqu’on fait des affaires avec le gouvernement fédéral, les contrats doivent toujours être renouvelés. On perd alors l’avantage de la relation et du capital social qui se bâtit entre un fournisseur et son client », a expliqué Mme Orser. Selon M. Leduc, le problème avec le système actuel, c’est que le « vendeur n’est pas évalué. La même entreprise peut donc soutirer six ou sept fois plus d’argent au gouvernement et tout de même avoir la possibilité de soumissionner la prochaine demande de propositions. Si elle est la plus basse soumissionnaire, elle remportera la demande de propositions. » M. Christie recommande au gouvernement fédéral d’établir un système permettant d’évaluer le rendement des fournisseurs, ce qui est interdit pour le moment, afin de récompenser « les bons rendements en donnant la possibilité de faire plus d’affaires avec le gouvernement ». Il a expliqué que l’idée n’est pas d’éliminer les mauvais fournisseurs, mais surtout d’encourager « les bons rendements des fournisseurs et […] les récompenser ». Il a ajouté que « le système de gestion du rendement doit être un incitatif non seulement pour les entreprises, mais aussi pour améliorer le rendement des fonctionnaires chargés de la gestion des projets. Vous obtiendrez ainsi des agents d’approvisionnement qui voudront faire appel aux fournisseurs les mieux cotés. Il ira de leur fierté d’avoir les meilleurs et ils travailleront donc avec ces entreprises pour les encourager à s’améliorer avant leur cotation. »

Plusieurs témoins, notamment M. Boudreau, M. Parent et M. Kendrick, sont d’avis que le rendement antérieur devrait être évalué au moyen d’un système d’évaluation. Selon M. Boudreau, « il faut que les critères soient connus et transparents, et puis cette information devrait servir par la suite ». Selon M. Cornelius, le gouvernement américain évalue le rendement antérieur des fournisseurs, et l’exercice comprend un mécanisme de médiation.

Selon Mme Orser, un système d’évaluation du rendement des fournisseurs serait « raisonnable sur le plan des affaires. Le système récompense vos fournisseurs fidèles. Il offre la possibilité d’ajouter de nouveaux fournisseurs au bassin, et permet de se tourner vers des fournisseurs pour améliorer la compétitivité et la qualité des produits livrables. » Elle a expliqué qu’on pourrait utiliser une fiche de rendement, qui engloberait l’expérience et des preuves de diversité, qui seraient notées, mais qu’il faudrait aussi s’assurer de façon globale qu’il y a place aux nouveaux fournisseurs ayant peu d’expérience. Elle a ajouté que les nouveaux fournisseurs pourraient devenir des fournisseurs de marque s’il y a un agent d’approvisionnement qui travaille avec eux de façon proactive afin de faire progresser leurs contrats légitimes dans le processus. De plus, M. Kendrick propose que le gouvernement note le rendement antérieur par catégories, mais donne aux nouveaux venus une note de passage automatique et examine plutôt leur soumission en fonction des autres éléments de leur proposition.

L’amélioration de la qualité des marchés publics fédéraux pourrait aussi passer par une sélection des fournisseurs fondée sur les qualifications. M. Gamble a expliqué au Comité que l’AFGC recommande au gouvernement de recourir à une méthode de sélection fondée sur les qualifications pour les services de génie et d’architecture. Il a expliqué que, même s’il s’agit d’un faible pourcentage de l’ensemble du projet, « le 1 % qui est investi dans l’ingénierie et l’architecture est ressenti pendant toute la durée de vie du projet. C’est à la faveur de cet investissement initial plutôt modeste qu’il est possible d’innover, d’envisager de nouveaux matériaux, de nouvelles méthodes et de nouvelles façons de faire les choses. » Il a ajouté qu’étant donné que le gouvernement fédéral devra vivre avec les conséquences de ces décisions pendant des décennies, il est préférable de voir cela comme un investissement plutôt qu’une dépense.

Dans un mécanisme de sélection fondée sur les qualifications, le gouvernement fédéral exigerait un certain nombre de qualifications des consultants afin d’évaluer et de classer les soumissionnaires. Par la suite, le gouvernement fédéral demanderait aux premiers apparaissant sur la liste de faire des propositions, a expliqué M. Gamble. Dans la plupart des cas, le gouvernement retiendrait les consultants les mieux classés à la faveur d’une entrevue et choisirait le consultant s’étant classé en tête. Les agents d’approvisionnement rencontreraient le consultant s’étant classé en tête pour s’assurer que tous sont d’accord sur la portée du projet et les résultats visés. À cette étape, on pourra attribuer le contrat.

Selon M. Gamble, « [l]a sélection fondée sur les qualifications est recommandée non seulement par l’AFGC, mais aussi par l’Institut royal d’architecture du Canada, par Ingénieurs Canada, par la Fédération internationale des ingénieurs-conseils, par l’American Public Works Association et par des organismes du monde entier ». De plus, toujours selon M. Gamble, la Ville de Calgary a recours à cette méthode depuis plusieurs décennies avec beaucoup de succès. De plus, il a signalé qu’aux États-Unis, « il est inscrit dans la loi que si le gouvernement fédéral doit acheter des services d’ingénierie ou d’architecture, il doit appliquer le mécanisme de sélection fondée sur les qualifications ». Il a expliqué aussi qu’aux États-Unis, « [a]u bout de 40 ans, une étude approfondie de 200 projets a été effectuée. Les analystes ont constaté que le recours à la sélection fondée sur les qualifications, assortie de la négociation des honoraires avec les ingénieurs et les architectes après coup, avait permis de réduire les dépassements des coûts de construction de 70 %. Les dépassements des délais ont été réduits de 20 %[23]. » Selon lui, en résumé, « cette formule permet d’obtenir de bons résultats, de travailler avec la bonne équipe, selon des échéanciers et des budgets réalistes, moyennant moins de modifications et de différends à la clé, ainsi qu’une meilleure relation d’affaires. Au final, le contribuable bénéficie d’un meilleur service, d’une meilleure qualité et d’un meilleur rapport qualité-prix. » Cette idée a été « validée il y a 10 ans dans l’InfraGuide, une publication de la fonction publique qui s’adresse à la fonction publique ». M. Gamble a ajouté que l’AFGC était en pourparlers avec SPAC au sujet de la tenue d’un projet pilote sur la sélection fondée sur les qualifications.

3.10 La collecte de données et l’établissement de cibles

Plusieurs témoins ont soulevé la possibilité d’établir des cibles pour les marchés destinés aux PME. Mme Orser recommande au gouvernement fédéral d’envisager un objectif d’approvisionnement de biens et de services auprès des PME de 25 %. Selon elle, la solution passe par cet objectif qui « démontrerait [l’]engagement [de l’État] à inciter proactivement les PME à participer ». Toujours selon elle, » nous pourrions apprendre de l’expérience des États-Unis ».

À certains endroits, les cibles sont établies en fonction d’un pourcentage des contrats attribués aux PME, par exemple, un pourcentage de la valeur monétaire ou un pourcentage du volume.

Les États-Unis se sont donné un certain nombre d’objectifs concernant les marchés publics, notamment qu’au moins 23 % de la valeur de tous les marchés publics fédéraux devraient être attribués aux petites entreprises et que, de ce pourcentage, 5 % soient accordés à des entreprises appartenant à des femmes, 5 % à des petites entreprises défavorisées, 3 % à des petites entreprises appartenant à des anciens combattants handicapés et 3 % à des entreprises situées dans des zones industrielles historiquement sous‑utilisées[24]. Selon M. Cornelius, les États-Unis ont atteint ces objectifs dans les trois dernières années.

Comme au Canada, la plupart des entreprises aux États-Unis sont considérées comme petites, a expliqué M. Cornelius. Toutefois, la Small Business Administration des États-Unis a une définition différente de la petite entreprise. Aux États-Unis, les entreprises sont classées en fonction du code d’indexage national de leurs opérations, a précisé M. Cornelius. « Il y a plusieurs façons de définir des petites entreprises, et elles reposent sur des comparaisons industrielles et des comparaisons de revenus pour chaque industrie. » M. Parker a ajouté qu’« [e]n ce qui concerne le nombre d’employés, vous pouvez en avoir aussi peu qu’environ 100 ou autant que 1 250 et être toujours considéré comme une petite entreprise. Puis, sur le plan des revenus, vous pouvez toucher aussi peu que 750 000 $ ou autant que 20 milliards de dollars, et être toujours considéré comme une petite entreprise ».

Aux États-Unis, le gouvernement fédéral a créé plusieurs programmes de marchés réservés à certains types de petites entreprises. Les achats fédéraux qui dépassent le seuil d’approvisionnement simplifié de 150 000 dollars américains sont réservés exclusivement aux petites entreprises. De plus, il doit y avoir au moins deux (règle de deux) petites entreprises potentielles qui sont concurrentielles en termes de prix, de qualité et de livraison pour que le marché soit automatiquement réservé. Les marchés publics fédéraux supérieurs au seuil d’approvisionnement simplifié de 150 000 dollars américains sont aussi réservés si la « règle de deux » est respectée, c’est-à-dire qu’il existe au moins deux entreprises concurrentielles[25].

M. Burn a expliqué que, contrairement aux États-Unis, le Canada n’a pas de « programme général d’approvisionnement fédéral ». Il a ajouté qu’« [a]ux États-Unis, la Small Business Act prévoit que les petites entreprises reçoivent une "proportion équitable" des marchés fédéraux, et que les petites entreprises et les petites entreprises appartenant à des minorités aient le maximum de possibilités, ce qui fait que la portée est large ».

Selon M. Sreter, comme les États-Unis n’ont aucune restriction sur leur commerce intérieur, ils peuvent réserver des marchés pour les PME. Les marchés publics fédéraux de moins de 150 000 dollars américains sont réservés aux petites entreprises en général. De plus, au sens du programme d’innovation pour les petites entreprises (SBIR), l’interprétation du terme « innovation » pour les besoins des marchés réservés aux petites entreprises est très large. Par exemple, le programme ne concerne pas uniquement la recherche et le développement, mais aussi des ventes ultérieures (les premières ventes), qui vont ensuite aux ministères et organismes du gouvernement américain.

Le programme des marchés réservés aux petites entreprises comprend une règle pour les entreprises non manufacturières, à savoir que si le fournisseur principal d’une petite entreprise ne fabrique pas lui-même les produits ou le matériel qu’il fournit au gouvernement dans le cadre d’un marché réservé, il doit fournir les produits d’une petite entreprise[26].

Par ailleurs, les marchés publics fédéraux supérieurs à 650 000 dollars américains, à l’exception des marchés de construction, pour lesquels le seuil est augmenté à 1,5 million de dollars américains, doivent avoir un plan de sous-traitance à de petites entreprises qui fixe des objectifs de sous-traitance à de petites entreprises, à des entreprises situées dans des zones industrielles historiquement sous-utilisées ou à des petites entreprises appartenant à des groupes défavorisés, des anciens combattants, des anciens combattants handicapés ou des femmes[27].

Les limites concernant la sous-traitance s’appliquent aux contrats de plus de 150 000 dollars américains. Aux fins du programme des marchés réservés, une petite entreprise qui agit comme fournisseur principal doit :

  • fournir au moins 50 % du coût du contrat pour le personnel relativement aux contrats de services;
  • exécuter le travail pour au moins 50 % du coût de la fabrication des fournitures, sans compter le coût du matériel, à moins qu’il s’agisse d’une entreprise non manufacturière, relativement à des contrats d’approvisionnement;
  • exécuter au moins 15 % du coût du contrat avec ses propres employés, sans compter le coût du matériel, relativement aux contrats de construction généraux;
  • exécuter au moins 25 % du coût du contrat avec ses propres employés, sans compter le coût du matériel, relativement à des contrats de construction spécialisés[28].

Par ailleurs, le Royaume-Uni s’est fixé l’objectif ambitieux de faire bénéficier les PME du tiers (ou 33 %) des dépenses concernant les marchés du gouvernement central d’ici 2022, directement ou indirectement par la chaîne d’approvisionnement[29]. Le Royaume-Uni utilise la même définition de PME que l’OCDE, c’est-à-dire une entreprise qui compte moins de 250 employés et un roulement maximum de 50 millions d’euros ou un bilan total maximum de 43 millions d’euros. Mme Chideock a expliqué que le secteur public du Royaume‑Uni fait ses achats selon les règles des marchés publics de l’Union européenne et que, par conséquent, il serait illégal de mettre l’accent sur des quotas et des marchés réservés précis.

Selon Mme Chideock, le gouvernement avait fixé une première cible de 25 % des marchés publics aux PME pour 2015, qui a été atteinte au cours de l’exercice 2014-2015. Toutefois, elle a ajouté que, selon de récentes statistiques, les dépenses directes et indirectes auprès des PME en 2015-2016 étaient de 24 %. De plus, elle a souligné que pour les contrats majeurs, le Royaume-Uni exige des entreprises qu’elles fournissent les données concernant les dépenses liées à leur chaîne d’approvisionnement.

Dans son témoignage, Mme Chideock a expliqué que le CCS travaille auprès des ministères pour leur rappeler l’objectif du gouvernement de consacrer le tiers de ses dépenses en approvisionnement aux PME d’ici 2022 et pour leur faire adopter cibles secondaires. Elle a insisté sur l’importance des communications à l’interne et à l’externe dans l’atteinte de cet objectif. Au Royaume-Uni, il y a un représentant de la Couronne pour les petites entreprises, qui met le gouvernement « sur la sellette lorsqu’il traite avec les petites entreprises ».

Selon M. Parent, la « FCEI a toujours été réticente à l’égard des marchés réservés. Une étude de l’Université d’Ottawa a analysé le modèle américain et montré que le programme des marchés réservés n’avait pas donné des résultats particulièrement palpables ou positifs. »

Il est difficile d’établir de nouvelles exigences ou cibles pour les marchés sans d’abord comprendre d’où part le gouvernement en termes de proportion et de valeur des marchés accordés aux PME, aux entreprises autochtones, aux entreprises appartenant à des femmes et à d’autres entreprises diversifiées, et déterminer les secteurs visés par ces marchés.

Selon M. Leduc, « [o]n a besoin de meilleures données de suivi pour comprendre la situation actuelle des marchés publics ». D’ailleurs, selon M. Riding, « nous sommes aux prises avec un manque de données à un point tel que nous ne savons pas par où commencer ». De même, Mme Sheppard a expliqué qu’« [i]l est difficile d’étudier le rendement du régime pour ce qui est de la diversification des fournisseurs, car il fait l’objet d’une surveillance et d’une reddition de comptes limitées ». Elle a souligné que « [l]a surveillance est pourtant essentielle. Quand on ne mesure pas les résultats, il est impossible de savoir quel effet ont les changements apportés. »

Par ailleurs, Mme Orser a suggéré que l’on établisse des critères pour les résultats des marchés relativement à l’innovation et à la diversité. Selon elle, ces résultats pourraient être précisés par le gouvernement selon ce qui importe à ce moment-là. Toutefois, M. Leduc estime que, « [c]omme on fixe des quotas pour les PME, les sociétés dirigées par des minorités ou des Autochtones n’obtiendront pas les retombées socioéconomiques qu’elles recherchent, sauf si nous éliminons certains obstacles actuels à la passation de marchés avec des PME ».

3.11 La sensibilisation et la communication

M. Gray a expliqué que le Bureau des petites et moyennes entreprises (BPME) mène des activités d’engagement auprès du milieu des fournisseurs à l’échelle du pays. « Nous réalisons de 1 100 à 1 200 événements à l’intention des milieux des fournisseurs, des rencontres individuelles, pour leur expliquer de quelle façon [obtenir des marchés publics fédéraux]. » De plus, le BPME leur montre comment avoir accès aux appels d’offres sur le site achatsetventes.gc.ca, par exemple, par avis automatique par courriel lorsqu’un appel d’offres est lancé dans leur secteur d’activités. Il a ajouté que « [Le BPME a] réalisé des activités de [sensibilisation] partout au Canada, y compris dans des collectivités éloignées ».

Par ailleurs, M. Christie a expliqué que « le BPME sait très bien comprendre les besoins de la petite entreprise et défendre ses intérêts dans le système d’approvisionnement ». De même, Mme Sheppard a fait remarquer que son organisme, NLOWE, estime le BPME très utile en matière de sensibilisation. Toutefois, à son avis, les propriétaires d’entreprise, les associations commerciales et le BPME pourraient jouer un rôle encore plus important et il faudrait prendre des mesures à cet égard. M. Boudreau, lui, a souligné qu’étant donné que de nombreuses PME perçoivent les marchés publics fédéraux comme étant trop compliqués, « il faut qu’il y ait une démarche d’information ». Selon Mme Orser, même si le BPME fait de l’excellent travail, il y a un problème de communication avec les PME et il faut aller beaucoup plus loin.

Selon Mme Orser, les conclusions de l’étude sur la participation des PME aux marchés publics fédéraux « donnent à croire que pour obtenir une plus forte participation des PME aux marchés du gouvernement fédéral, il faut faire savoir aux PME que le gouvernement fédéral est ouvert aux affaires dans tous les secteurs ». Toujours selon elle, « les écosystèmes d’entrepreneuriat efficaces se caractérisent par la participation des entrepreneurs ». Elle encourage le gouvernement fédéral à aller au-devant des petites entreprises de tous les secteurs pour apprendre à connaître les fournisseurs et leurs compétences en matière d’innovation et de livraison des produits. Dans son mémoire au Comité, Thinking Big recommande au gouvernement fédéral de « publier [en début d’exercice] plus d’information sur ce que le gouvernement compte acheter ».

« Il faut consulter une diversité d’entrepreneurs canadiens tenant compte de tous les secteurs, de tous les modèles opérationnels et de toutes les étapes d’approvisionnement au sujet de la conception du programme, de son exécution et de sa surveillance. Une telle participation contribuera à démentir l’assertion de longue date qui veut que les divers ordres de gouvernement au Canada soient léthargiques quand il s’agit d’utiliser l’approvisionnement comme moyen de soutenir les petites et moyennes entreprises canadiennes », a expliqué Mme Orser. « Au moyen d’efforts proactifs de communication déployés par le gouvernement fédéral et d’une très solide campagne de communication, vous verriez un plus grand nombre d’entrepreneurs frapper à votre porte. Vous pourriez ainsi accroître la qualité de vos fournisseurs », a-t-elle ajouté.

Dans son témoignage, Mme Chideock a souligné que les efforts du Royaume-Uni pour simplifier le processus d’approvisionnement et améliorer la transparence s’inscrivent dans un programme de changement qui amène le CCS à influencer les décideurs en matière d’approvisionnement. Selon elle, « c’est transmettre le message et combiner carottes et bâtons pour changer les mentalités ». Elle a souligné qu’ils se servent des médias sociaux et d’ateliers en ligne gratuits pour rejoindre les petites entreprises.

Selon M. Cornelius, la Small Business Administration des États-Unis offre des conseils et de l’aide technique pour s’assurer que les petites entreprises sont au courant des marchés publics fédéraux et les aider à décrocher ces contrats. Le personnel sur le terrain et dans les centres d’expertise en approvisionnement ainsi que les représentants en marketing commercial conseillent les propriétaires de petites entreprises, et les aident à développer chacun des éléments des phases du marché de façon à ce qu’ils aient accès au processus et qu’ils sachent ce qu’ils font. Il a ajouté que, les représentants des centres d’expertise en approvisionnement et les représentants du marketing commercial aident les petites entreprises en s’assurant qu’elles comprennent les règles, les règlements et les façons de procéder dans ce milieu. Ils agissent comme des conseillers professionnels sur la façon de présenter leurs soumissions. De plus, il a expliqué que la Small Business Administration des États-Unis fournit des subventions à des universités et à des collèges pour les aider à créer des centres de développement des petites entreprises qui offrent des services d’expertise-conseil pour aider les petites entreprises à développer le sens des affaires et qui abordent les plans d’affaires, les questions en matière de ressources humaines et les questions juridiques.

La relation entre un fournisseur et un acheteur n’est pas la même dans les marchés publics que dans le secteur privé. M. Parent a expliqué que, souvent, les soumissionnaires ne peuvent parler au futur acheteur ou utilisateur du produit ou des services. Selon M. Boivin, le gouvernement fédéral devrait organiser des « journées de l’industrie » avec des PME et des grandes entreprises. Il a admis qu’il peut être difficile pour une PME d’avoir accès directement aux marchés publics, mais qu’il lui serait peut-être plus facile d’agir comme sous-traitant d’une plus grande entreprise.

Les commentaires seraient une autre façon de tendre la main aux PME. Selon Mme Sheppard, le gouvernement fédéral devrait « [e]xpliquer aux soumissionnaires rejetés les raisons de leur échec. Ces entreprises doivent recevoir une critique constructive, pour augmenter leurs chances de décrocher un prochain marché ». Dans son mémoire, la BC Tech Association a recommandé que le gouvernement fédéral fasse connaître les résultats du processus d’approvisionnement, plus particulièrement de faire connaître le classement de toutes les candidatures dans l’avis aux soumissionnaires dont la proposition est rejetée. « Tout en respectant la confidentialité des renseignements commerciaux, la communication des pointages et des soumissionnaires aiderait les petites entreprises à cibler les alliances qu’elles pourraient forger avec les grandes entreprises. »

3.12 Rendre le processus d’approvisionnement plus inclusif

Le secteur privé est favorable à la création d’un programme de diversification des fournisseurs au gouvernement fédéral. Selon Mme Orser, « les PME canadiennes profiteraient d’un programme bien conçu, réglementé et surveillé de diversification des fournisseurs du gouvernement fédéral ». Elle a ajouté que « le secteur privé a montré l’exemple par des programmes de diversification des fournisseurs – des programmes qui créent des écosystèmes d’entrepreneuriat plus robustes ». Selon M. Riding, il est important de « cerner les éléments qui donne[nt] [sic] lieu à de la diversité, qui font en sorte que les gens différents sont désavantagés ». Selon lui, « il est très louable d’être inclusif et diversifié. » Par exemple, Mme Orser a expliqué au Comité qu’une augmentation de la diversité des fournisseurs améliore la compétitivité. De plus, elle a fait remarquer que la diversité des PME favorise l’innovation. Selon elle, la « quantité favorise l’innovation et la représentation. Je pense donc que cette perspective fermée limiterait l’innovation et la valeur pour notre gouvernement ».

À propos de l’expérience du Royaume-Uni, Mme Chideock a expliqué qu’à son avis, « l’accent mis sur la diversité est bon pour le monde des affaires au Royaume-Uni. Cela stimule la concurrence. Cela signifie que nous achetons à partir d’un marché plus vaste, ce qui est avantageux pour le contribuable, les entreprises et la société. »

Par ailleurs, M. Gray a expliqué que le gouvernement « analys[e] la quantité de fournisseurs en tant que telle pour voir combien de fournisseurs reviennent et combien sont nouveaux ». Il a ajouté que le gouvernement veut « favoriser une diversité de fournisseurs et l’arrivée de nouveaux fournisseurs, parce que la notion de valeur consiste entre autres à s’assurer que nous élargissons et étendons notre base de fournisseurs. C’est ainsi qu’on accroît la compétitivité et qu’on utilise mieux l’argent des Canadiens. » Toujours selon M. Gray, le BPME cible « des groupes socioéconomiques pour [s’]assurer que tout le monde peut profiter des occasions d’affaires ». Par exemple, il a fait remarquer que le BPME organise « des événements précis pour les technologies vertes et propres, des collectivités autochtones, des entreprises appartenant à des femmes, des communautés multiculturelles, des groupes minoritaires de langue officielle et les jeunes ». Il a expliqué que le BPME a une stratégie de diversité très solide et qu’il en mesure les effets en regardant les fournisseurs qui participent aux appels d’offres fédéraux.

Mme Anderson a encouragé le gouvernement fédéral à accroître la participation des PME et d’améliorer la diversité des fournisseurs en intégrant des pratiques exemplaires des autres ordres de gouvernement, d’autres pays et du secteur privé. Elle a proposé au gouvernement fédéral de s’inspirer des grandes institutions financières du Canada qui ont un programme de diversification des fournisseurs. Des programmes semblables existent déjà dans divers secteurs, notamment le secteur de l’automobile (Toyota Canada Inc. et General Motors du Canada), le secteur des télécommunications (Bell Canada et TELUS Corporation), et à la Ville de Toronto. De son côté. Mme Allan a souligné que « plus de 95 % des entreprises Fortune 500 […] ont leurs propres programmes de fournisseurs ciblés ». Dans son mémoire, Thinking Big recommande au gouvernement fédéral de s’assurer que la diversité au sein de la haute direction permette d’obtenir des points supplémentaires dans l’évaluation des soumissions.

Le Comité a entendu le témoignage du directeur général de la BGIS, entreprise qui fournit des services de gestion immobilière et qui a acquis une très vaste expérience des marchés publics et de la sous‑traitance. Selon M. Hicks, pour accroître la participation des PME, on peut offrir des contrats en région et avoir des équipes d’approvisionnement régionales qui comprennent les nuances des régions locales. De plus, il a précisé l’importance des initiatives de sensibilisation et a souligné la participation de son entreprise à plusieurs associations de l’industrie, comme le Conseil des fournisseurs autochtones et de minorités visibles, les entreprises appartenant à des femmes et la Chambre de commerce gaie et lesbienne du Canada.

En ce qui concerne les pratiques exemplaires, Mme Orser a dit que « la Ville de Toronto est vraiment en train de devenir une chef de file mondiale en matière d’approvisionnement sensible à la diversité ». En s’en inspirant, le gouvernement fédéral pourrait être plus novateur dans l’intégration des critères de qualité et de prix dans ses exigences contractuelles. Mme Orser a expliqué que la Ville de Toronto fait preuve d’un peu plus de souplesse quant à qui peut se qualifier pour les contrats municipaux. Elle a dit : « Je crois que Terre-Neuve-et-Labrador est l’une des premières provinces à avoir intégré l’approvisionnement sensible à la diversité dans l’extraction d’hydrocarbures en mer. » Elle a aussi souligné que la Colombie-Britannique avait pris un engagement concernant la diversité des fournisseurs pour les Jeux Olympiques d'hiver de 2010. Toutefois, comme elle l’a dit, le fait de ne pouvoir nommer que quelques exemples de pratiques relatives à la diversité des fournisseurs prouve qu’elles sont peu répandues.

Mike Pacholok, directeur principal des achats, Division des achats et de la gestion du matériel, Ville de Toronto, a décrit le programme d’approvisionnement social de la Ville comme étant « la pratique qui consiste à utiliser [le] pouvoir d’approvisionnement [de la Ville] pour créer des résultats sociaux et économiques positifs. L’idée derrière l’approvisionnement social est que l’argent que nous dépensons a un double objectif : il sert, d’une part, pour nos activités et, d’autre part, pour les retombées sociales visant à atteindre deux objectifs. L’approvisionnement social vise à mettre à profit une petite portion de nos dépenses en approvisionnement afin de créer des possibilités économiques pour les gens qui sont désavantagés sur le plan économique, qui sont victimes de discrimination systémique et qui sont confrontés à des obstacles à l’égalité d’accès. » Il a dit que ce programme existe à Toronto depuis 2017.

Selon Mme Anderson, la Ville de Toronto « reconna[ît] les organismes d’accréditation et invit[e] divers fournisseurs à être membres de groupes soumissionnaires ». Elle a expliqué que la Ville travaille avec une base de données de fournisseurs diversifiés développée par WBE Canada et mise à jour tous les mois. M. Pacholok a souligné que le programme vise entre autres à diversifier la chaîne d’approvisionnement de la Ville en créant un climat favorable qui permet aux entreprises appartenant à certains groupes, comme les personnes racialisées et autochtones, les personnes issues de minorités, les femmes ou les personnes ayant des handicaps, et aux entreprises sociales de « soumissionner en vue d’obtenir des contrats de la ville par [elles-mêmes] ou dans le cadre d’un partenariat avec des entreprises de plus grande taille ». Il a expliqué que, pour les contrats de moins de 100 000 $, qui ne vont pas sur le marché ouvert, le programme exige que le personnel de la Ville communique avec au moins un fournisseur diversifié certifié pour lui permettre de soumissionner. La certification des fournisseurs diversifiés se fait par des conseils de fournisseurs indépendants. Pour les contrats de 100 000 $ et plus, qui vont sur le marché ouvert, les entreprises et fournisseurs diversifiés certifiés ayant leur propre politique relative à la chaîne d’approvisionnement se voient accorder des points supplémentaires. Il a dit au Comité qu’en 2017, la Ville avait dépensé 550 000 $ pour 42 contrats de moins de 100 000 $ accordés à des fournisseurs diversifiés certifiés.

Par ailleurs, M. Pacholok a indiqué que le programme vise également à « créer des formations, des stages d’apprentissage et des occasions d’emploi pour les résid[e]nts [sic] marginalisés sur le plan économique ». Il a expliqué que, pour ce faire, la Ville demande à des fournisseurs « de présenter une proposition sur le perfectionnement de la main-d’œuvre qu’ils envisagent de faire durant le contrat », ou elle énonce quelques-unes de ses attentes dans le cadre des contrats. Par la suite, la Ville aide les fournisseurs retenus à accéder à des candidats potentiels et surveille les progrès et les résultats.

3.13 Les partenariats et la sous-traitance

Les coentreprises permettent « aux PME de se regrouper, de collaborer et de chercher à obtenir de plus gros contrats », a expliqué Mme Reza. Étant donné que la majorité des fournisseurs du gouvernement sont des PME, on s’assure d’établir des critères et des limites réalistes pour les PME. M. Gray a ajouté que le BPME vise à aider les PME à faire partie de la chaîne d’approvisionnement. « Elles peuvent être autre chose qu’un fournisseur principal; elles peuvent être un très efficace fournisseur de deuxième ou de troisième niveaux. La clé, c’est d’établir un partenariat. »

Le gouvernement fédéral encourage les partenariats notamment par des exigences relatives à la sous‑traitance qui comprennent des marchés réservés aux PME dans les contrats complexes, conformément à la Politique des retombées industrielles et technologiques (RIT)[30]. Toutefois, certains témoins doutent de l’efficacité de cette méthode. M. Akrouche a expliqué qu’avec la création du BPME, le gouvernement fédéral « voul[ait] que les petites et moyennes entreprises travaillent en partenariat avec les grandes sociétés afin qu’elles puissent leur offrir du soutien et les aider à être novatrices et à fournir les produits ou services pour lesquels elles sont vraiment douées ». Malheureusement, dans le cas de la Politique sur les RIT, on n’a pas vraiment réussi selon lui. En effet, les grandes entreprises ont tendance à conserver toute la propriété intellectuelle et la recherche à l’interne et à décider du type de travail envoyé aux PME. Pour créer les conditions nécessaires pour que des PME forment une équipe, il recommande au gouvernement fédéral de retirer quelques conditions, comme le nombre d’années d’exploitation requise pour qu’un soumissionnaire se qualifie pour les marchés publics fédéraux.

De plus, M. Christie a souligné que les RIT représentent un processus complexe et qu’il faut beaucoup de temps pour que ces approvisionnements soient traités dans le système. Toutefois, il estime que cette méthode peut encourager les grands fournisseurs à s’associer à de petites entreprises. Selon lui, le gouvernement a besoin que les grands fournisseurs consultent « les petits soumissionnaires avant de présenter leur soumission, sachant que la participation de ces petites entreprises est essentielle à l’obtention du contrat ». Il a précisé que « [c]ela donnera à nos petites entreprises l’effet de levier dont elles ont besoin pour mener les négociations qui les avantagent pour participer au processus d’approvisionnement de la façon qu’elles jugent la plus avantageuse pour elles-mêmes ». M. Boudreau convient qu’« il y a aussi une façon indirecte d'aider les PME à participer aux achats, […] en aidant les grandes entreprises qui ont décroché des contrats majeurs à établir des contacts avec les PME ».

Plusieurs témoins conviennent que le gouvernement fédéral pourrait aider les petites entreprises à se jumeler à de grandes entreprises. « Souvent, une petite entreprise a besoin d’un partenaire de plus grande envergure pour faire affaire avec le gouvernement », a expliqué M. Long. Selon lui, « [l]es petites entreprises réussissent mieux dans le domaine de l’innovation. […] Quant aux grandes entreprises, elles sont mieux placées pour démontrer leurs capacités financières et suivre les procédures. […] En les associant, je crois que beaucoup de petites entreprises pourront alors faire affaire avec le gouvernement. Elles ont besoin de ce grand partenaire. » Par exemple, il a dit au Comité qu’« [a]vec MNP comme demandeur principal représentant SageTea, [ils avaient] même pu obtenir, le mois dernier, un Arrangement en matière d’approvisionnement portant sur l’achat de licences de logiciels ou AAALL pour l’ensemble de [leurs] produits mis à l’essai dans le cadre du [Programme d’innovation Construire au Canada] ». Dans la même veine, Mme Sue Abu-Hakima, cofondatrice et directrice générale, Amika Mobile Corporation, a recommandé au gouvernement fédéral d’exiger que les grandes entreprises fassent affaire en sous‑traitance avec des petites entreprises. M. Boivin a formulé une recommandation semblable; il a proposé « d’associer les PME aux grandes entreprises qui réalisent des projets majeurs pour le gouvernement du Canada ».

Dans son mémoire, la BC Tech Association a proposé que le gouvernement élargisse l’accès aux soumissions conjointes dans les appels d’offres. Plus particulièrement, l’association recommande « d’élargir l’accès des entreprises de technologies aux soumissions conjointes pour les petits marchés ».

La Small Business Administration des États-Unis facilite les accords de coentreprise pour les PME. Selon M. Cornelius, l’Agence américaine « organis[e] des activités facilitant le jumelage de gens aux vécus ou aux industries semblables. Il s’agit de voir si l’intégration se fait bien et s’ils peuvent créer une coentreprise afin de participer à un appel d’offres. Sans ce partenariat, l’obtention d’un marché serait impossible. »

Selon Mme Chideock, « les PME profiteront de la chaîne d’approvisionnement. Souvent, d’ailleurs, pour certaines entreprises, c’est un bon moyen de commencer à faire affaire avec le gouvernement. » Elle a expliqué que le CCS demande « aux ministères qui établissent des contrats principaux au départ de travailler avec l’entrepreneur principal pour annoncer les occasions de sous-traitance ».

3.14 Les observations et recommandations du Comité

Les membres du Comité reconnaissent que la complexité du processus d’approvisionnement fédéral pose des obstacles aux PME. Le Comité trouve préoccupant le fait que la majorité des PME au Canada ne considèrent pas le gouvernement fédéral comme un client potentiel et que celles qui le font sont souvent découragées par le processus. Ainsi, le processus pourrait être grandement amélioré pour les PME. Plusieurs témoins ont dit au Comité qu’une base de fournisseurs diversifiés composée de PME favoriserait l’innovation et profiterait au gouvernement fédéral. Étant donné que la majorité des entreprises au Canada sont des PME, qui contribuent grandement à la création d’emplois, les membres du Comité reconnaissent que l’ajout de PME à la base de fournisseurs de l’État aurait des retombées positives sur l’économie canadienne.

Au cours de l’étude, le Comité a entendu divers points de vue, que ce soit d’associations commerciales, de chercheurs universitaires et de consultants à propos de la participation des PME aux marchés publics fédéraux. Les suggestions des témoins portaient sur la simplification du processus en général, mais aussi pour les PME en particulier. Parmi les solutions proposées par les témoins, notons les suivantes :

  • éliminer ou atténuer certains obstacles qui nuisent à la participation, comme le coût et la longueur du processus de passation des marchés, ainsi que les conditions excessivement complexes et les exigences onéreuses des contrats fédéraux;
  • ajouter de nouveaux outils, comme un système d’évaluation du rendement des fournisseurs;
  • établir des cibles et des marchés réservés pour les PME;
  • accroître les initiatives de sensibilisation et de communication.

Le gouvernement devrait tenir compte de ces suggestions dans sa volonté de simplifier le processus d’approvisionnement. De plus, les membres du Comité encouragent SPAC à collaborer davantage avec le ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme dans l’intérêt des PME.

Les membres du Comité sont d’accord avec les constatations de l’ombudsman de l’approvisionnement à propos de la nécessité de simplifier et de clarifier le processus d’approvisionnement. Ils reconnaissent le besoin du gouvernement fédéral de revoir les politiques et les procédures, notamment la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, afin de simplifier le processus d’approvisionnement et de réduire les exigences contractuelles. Selon le Plan ministériel 2018–2019 de SPAC, des changements seront apportés au processus d'approvisionnement pour les achats de complexité faible, y compris les outils d'approvisionnement eXpress, les contrats simples et la stratégie de gestion des données des contrats pangouvernementale, ainsi que le projet pilote sur un régime de gestion du rendement des fournisseurs. De plus, le gouvernement fédéral s’est engagé dans le budget fédéral de 2018 à établir une nouvelle plateforme pour l’approvisionnement en ligne afin d’aider les PME et les fournisseurs diversifiés à pouvoir plus facilement répondre aux appels d’offres fédéraux.

Toutefois, les membres du Comité estiment qu’il y a encore des améliorations à apporter pour accroître la participation des PME aux marchés publics fédéraux. D’ailleurs, ils encouragent le gouvernement fédéral à envisager la mise en œuvre d’un processus d’approvisionnement simplifié spécifiquement pour les PME ou les contrats sous un seuil en particulier.

Par ailleurs, des témoins ont dit au Comité que l’établissement de cibles pour la participation des PME dans le processus d’approvisionnement, y compris des cibles pour les entreprises appartenant à des femmes, les entreprises autochtones et les autres entreprises défavorisées, aiderait le gouvernement à diversifier sa chaîne d’approvisionnement et, par conséquent, à obtenir des avantages collectifs généraux. Pour atteindre ces cibles, des témoins ont encouragé le gouvernement fédéral à envisager la possibilité de désigner une partie des contrats (marchés réservés) pour les PME et d’autres groupes désignés. Les membres du Comité reconnaissent que, pour établir ces cibles, la collecte et l’analyse des données constituent une étape importante. Il faut évaluer la proportion des marchés qui sont attribués aux différents types de PME et recueillir des données sexospécifiques et ventilées par secteur d’activité. Certains témoins ont dit au Comité qu’il est essentiel de transmettre ces objectifs aux agents d’approvisionnement et aux fournisseurs potentiels.

Le gouvernement fédéral a indiqué qu’une des priorités pour la modernisation du processus d’approvisionnement consiste à « élaborer des initiatives visant à accroître la diversité des soumissionnaires sur les contrats du gouvernement, notamment les entreprises détenues ou dirigées par des Canadiens de groupes sous-représentés, comme les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées, les minorités visibles; et prendre des mesures pour accroître leur accès au système d’approvisionnement tout en les aidant à développer leur capacité à participer au système[31] ».

Par conséquent, le Comité formule les recommandations suivantes :

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada, en particulier le Secrétariat du Conseil du Trésor et Services publics et Approvisionnement Canada, modernise ses politiques et procédures de passation des marchés, notamment en simplifiant les exigences et en mettant à jour les modalités, et ce, en tenant compte des constatations du Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada, en particulier le Secrétariat du Conseil du Trésor, harmonise les politiques, les processus, les procédures et les pratiques d'approvisionnement afin de les rendre simples et cohérents pour les fournisseurs dans l'ensemble des ministères et organismes fédéraux.

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada, en particulier le Secrétariat du Conseil du Trésor, utilise l'expertise de Services publics et Approvisionnement Canada et en tire des enseignements en vue d'élaborer une politique d'approvisionnement qui s'appliquera à l'échelle du gouvernement.

Recommandation 7

Que le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et le président du Conseil du Trésor travaillent en étroite collaboration avec le ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme afin de réduire le fardeau administratif des petites et moyennes entreprises dans le processus d'approvisionnement.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada élabore des stratégies d’approvisionnement qui appuieront les petites et moyennes entreprises et amélioreront leur participation aux marchés, au moyen de consultations menées auprès de celles-ci et de spécialistes compétents.

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada mette en œuvre, à l'échelle du gouvernement, un processus simplifié et cohérent pour les marchés publics dont la valeur se situe sous les seuils prévus par les accords commerciaux, le cas échéant, et en réduise la complexité pour les petites et moyennes entreprises, en s’inspirant des pratiques exemplaires d'acquisition simplifiée en vigueur aux États-Unis, comme le programme GSA Advantage.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada demande à tous les ministères et organismes responsables de l'approvisionnement d’examiner, dès le début de la conception des projets de marchés, la façon dont il sera tenu compte des petites et moyennes entreprises, des entreprises autochtones et des entreprises appartenant à des femmes dans le processus.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada crée un dépôt centralisé des offres à commandes des organismes fédéraux pour réduire le double emploi et évaluer l’efficacité de celles-ci.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada simplifie son processus de facturation pour les petites et moyennes entreprises et raccourcisse davantage les délais de paiement en instaurant une obligation de payer les petites et moyennes entreprises dans un délai de moins de 30 jours.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada mette en œuvre une loi sur les paiements rapides qui prévoit des calendriers de paiements pour les entrepreneurs et les sous-traitants, en s’inspirant de la loi ontarienne sur les paiements rapides lorsque applicable.

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada adopte des mesures pour assurer un partage approprié des risques dans les marchés publics fédéraux, et détermine les modalités qui conviennent en fonction de la taille, de la nature et de la complexité du marché public, de façon à ne pas désavantager injustement les petites et moyennes entreprises, et que les politiques du Conseil du Trésor sur la prise de décisions concernant la limitation de la responsabilité des entrepreneurs et sur la passation de marchés soient mises à jour et clarifiées pour assurer l'application des mesures en question.

Recommandation 15

Que le gouvernement du Canada adopte des stratégies pour encourager les responsables de l’approvisionnement et les fournisseurs à mettre davantage l'accent sur le meilleur rapport qualité-prix pour les Canadiens, notamment au moyen de propositions de valeur où les qualifications et la qualité sont davantage privilégiées en premier lieu plutôt que le coût.

Recommandation 16

Que le gouvernement du Canada mette en œuvre un système de notation du rendement des fournisseurs afin d’évaluer leur rendement et en faire le suivi, en incluant un volet propre aux nouveaux fournisseurs.

Recommandation 17

Que le gouvernement du Canada recueille et analyse des données sur les marchés en ce qui a trait à la proportion de marchés attribués à différents types de petites et moyennes entreprises, y compris des données sexospécifiques et ventilées par secteur d’activité.

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada recueille et analyse des données sur les marchés relatifs aux arrangements en matière d'approvisionnement et aux offres à commandes afin de mieux comprendre la fréquence à laquelle on fait appel aux services des entreprises participant à ces mécanismes de passation de marchés.

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada établisse des cibles en ce qui concerne la valeur et le nombre de marchés d’approvisionnement fédéraux qu’il octroie aux petites et moyennes entreprises.

Recommandation 20

Que le gouvernement du Canada examine la possibilité d’établir des marchés réservés aux petites et moyennes entreprises, y compris des marchés réservés aux entreprises appartenant à des femmes, et ce, en conformité avec les accords commerciaux du Canada.

Recommandation 21

Que le gouvernement du Canada accroisse le recrutement, la formation et le perfectionnement des spécialistes en approvisionnement dans l’ensemble des organismes fédéraux et s'appuie sur des programmes de formation efficaces, comme le programme de perfectionnement des agents d'approvisionnement stagiaires.

Recommandation 22

Que le Bureau des petites et moyennes entreprises intensifie ses activités de sensibilisation et d’information afin de mobiliser activement les petites et moyennes entreprises, d’évaluer leurs besoins et de leur offrir de la formation pour les rendre mieux en mesure d'accéder aux marchés publics et leur permettre de voir leurs offres retenues en plus grand nombre et d'obtenir davantage de marchés.

Recommandation 23

Que le gouvernement du Canada rende les marchés publics plus transparents en donnant de la rétroaction aux fournisseurs non retenus et en divulguant de l’information sur les résultats des appels d’offres.

Recommandation 24

Que le gouvernement du Canada conçoive les projets de marchés de façon à faciliter le recours à différentes formes de partenariats, comme les coentreprises, entre les petites et moyennes entreprises et avec des grandes entreprises, en s'assurant que les politiques et les pratiques sont cohérentes pour permettre et encourager une telle approche.

Nous avons eu des rapports extrêmement positifs avec le [Programme d’innovation Construire au Canada] et le Bureau des petites et moyennes entreprises.

David Long, Directeur général, SageTea Software

Dans son rapport de février 2017, Libérer l’innovation pour stimuler la mise à l’échelle et la croissance, le Conseil consultatif en matière de croissance économique a souligné que le gouvernement pouvait adopter une stratégie d’approvisionnement qui stimulerait l’innovation et la croissance. Mme Allan propose que le Comité examine les recommandations formulées dans ce rapport, notamment celles sur l’approvisionnement par la pression de l’offre et la stimulation de la demande. Elle a expliqué que l’approvisionnement par la pression de l’offre ouvre le processus à des offres non sollicitées, exposant le gouvernement à des options et à des idées novatrices dont les fonctionnaires ne soupçonnent peut-être même pas l’existence. Elle a ajouté qu’il ne s’agit pas que d’ouvrir la porte aux propositions, mais aussi d’avoir des organisations en mesure de répondre. De plus, elle a souligné que, dans un programme de stimulation de la demande, les organisations créent intentionnellement de la demande pour des technologies nouvelles ou naissantes.

L’État fédéral favorise l’innovation de diverses manières. Mme Abu-Hakima a indiqué que son entreprise a bénéficié de programmes gouvernementaux tels que le Programme d’encouragements fiscaux de recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE)[32], le Programme d’aide à la recherche industrielle (PARI)[33], le Programme d’innovation Construire au Canada (PICC) et celui de la Fondation Canada-Israël pour la recherche et le développement industriels (FCIRDI). Elle a aussi dit que l’entreprise Amika Mobile a appuyé, notamment en nouant avec eux des partenariats, plusieurs universités et collèges dans le cadre d’activités de recherche concertée financées par les Centres d’excellence de l’Ontario, PRECARN (centre d’excellence auparavant subventionné) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie « afin d’aider à former les étudiants et à rendre la recherche professionnelle plus pertinente ». Toutefois, Annette Verschuren, présidente et directrice générale, NRStor Inc. et membre du Conseil canado-américain pour l’avancement des femmes entrepreneures et chefs d’entreprises, a souligné que le Canada investit 40 % de moins dans les TIC que les petites entreprises américaines et 30 % de moins dans la machinerie et l’équipement.

Selon M. Christie, Solutions innovatrices Canada est un autre programme fédéral qui, bien qu’encore à ses débuts, semble très prometteur. « Il s’inspire du programme Small Business Innovation Research, ou SBIR, qui connaît beaucoup de succès aux États-Unis, et qui vise à tirer parti des marchés publics pour financer et acheter aux petites entreprises de nouveaux produits et services innovateurs, en leur fournissant le précieux soutien en tant que premier acheteur qu’ils nous disent tous essentiel, surtout dans les genres d’approvisionnement auquel nos entreprises participent », a-t-il expliqué. M. Christie est d’avis que le gouvernement devrait continuer de fortifier ce programme. Paul Lem, directeur général, Spartan Bioscience Inc., une entreprise participant au PICC, a dit avoir remarqué, dans les secteurs des soins de santé, des sciences de la vie et de la biotechnologie, que bon nombre de ses concurrents des dix dernières années ont touché des subventions du programme SBIR aux États-Unis[34].

Selon Mme Orser, l’étude qu’elle a réalisée sur la participation des PME a révélé qu’« [u]ne comparaison entre les PME fournisseurs et l’ensemble des PME nous a permis de constater que les PME fournisseurs avaient de meilleures possibilités de signaler des innovations de toutes sortes, y compris sur le plan de la commercialisation des produits, de l’organisation et des procédés [et que le] type d’innovations le plus vraisemblable était lié aux produits ».

En outre, M. Kendrick est d’avis que le gouvernement fédéral peut promouvoir davantage l’innovation. Il recommande que le gouvernement instaure des mécanismes pour encourager les nouvelles idées, l’innovation et les nouveaux venus sur le marché, comme un programme des propositions spontanées et le PICC, dont il estime qu’il pourrait être enrichi. Pour sa part, M. Boivin suggère au gouvernement fédéral d’« utiliser les marchés publics comme vitrine pour l’exportation de certaines innovations ». Il a expliqué que « [s]i, durant cette phase de démarrage qui est vraiment critique, une entreprise innovante peut démontrer que le gouvernement du Canada a utilisé son produit, elle accélère alors de façon considérable son entrée sur les marchés ». Il estime que « le gouvernement canadien devrait être ouvertement un genre de vitrine technologique pour les entreprises innovantes et consacrer une partie des achats à l’acquisition de technologies émergentes ou de produits novateurs ». Il a en outre déclaré : « [J]e pense qu’il est important de considérer les marchés publics comme une forme tangible de contribution au développement économique. À cette fin, il pourrait être avantageux de créer des alliances entre le secteur privé et le gouvernement du Canada, de façon à favoriser le développement et l’exportation de nos technologies canadiennes ainsi que de notre savoir-faire. »

Si le gouvernement fédéral veut mettre sur pied un programme pour inciter les fournisseurs à être plus novateurs, a dit M. Riding, il faut mesurer le degré d’innovation aujourd’hui et le comparer à celui de demain pour contrôler la conformité. « Nous devons trouver un moyen de recueillir les données qui nous permettra de répondre à ces questions », a‑t‑il souligné.

4.1 Le Programme d’innovation Construire au Canada

Le BPME administre le Programme d’innovation Construire au Canada (PICC) en collaboration avec le Conseil national de recherche, qui évalue les propositions dans le domaine de l’innovation. Le PICC aide les entreprises canadiennes à mettre à l’essai leurs produits ou services novateurs avant de les commercialiser. « Étant donné que le [PICC] concerne les services de recherche et développement, il n’est pas assujetti aux obligations des accords commerciaux », a précisé M. Sreter.

Le PICC a initialement été annoncé dans le budget fédéral de 2010 sous la forme d’un programme pilote appelé Programme canadien de commercialisation des innovations (PCCI). Dans le budget fédéral de 2012, le gouvernement s’était engagé à rendre ce programme permanent et à le doter d’un volet d’approvisionnement militaire, qui serait mis en œuvre graduellement[35]. Le budget fédéral de 2018 « propose d’intégrer le Programme d’innovation Construire au Canada existant, un autre programme d’approvisionnement fédéral axé sur l’approvisionnement en biens et services novateurs arrivés à un stade plus avancé, à Solutions innovatrices Canada ».

Plus de 285 contrats ont été accordés à ce jour dans le cadre du PICC dont la valeur totale dépasse 126 millions de dollars. D’après SPAC, 80 % des entreprises ayant participé au programme ont commercialisé leurs produits avec succès, et 50 innovations différentes ont été exportées vers 44 pays[36]. Le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement a affirmé que le PICC « a permis en outre de créer 1 684 nouveaux emplois à temps plein un peu partout au pays, et il a généré d’importantes retombées économiques[37] ».

Les participants du PICC étaient unanimes : le programme est un excellent moyen d’amener des technologies innovatrices à l’administration fédérale. M. Long a synthétisé ainsi la chose : « Le but du [PICC] est d’aider les entreprises canadiennes à faire passer leurs produits et services de pointe du laboratoire au marché en permettant à l’entreprise de réaliser la première grande vente de référence ». M. Long a ajouté : « Nous avons eu des rapports extrêmement positifs avec le […] PICC et le Bureau des petites et moyennes entreprises. Le [PICC] est un programme formidable ».

Les participants du PICC ont relaté leurs expériences positives au Comité. Amika Mobile Corporation a d’abord présenté une demande dans le cadre du précurseur du PICC, le PCCI, pour son projet de système de sécurité et de communication d’urgence. Mme Abu-Hakima a dit qu’après la période d’essai, le Centre de recherches sur les communications a acheté les produits et continue de payer son entreprise depuis 2011. La compagnie a ensuite participé au PICC avec un organisme fédéral différent. « [L’Agence des services frontaliers du Canada] est notre client depuis 2014 à cause du PICC, et non à cause des réponses que nous avons données aux demandes de propositions », a expliqué Mme Abu-Hakima. Enfin, Amika a développé son produit pour intégrer la détection des coups de feu et, maintenant, « la GRC le met à l’essai dans le cadre du PICC ». Pour Amika, la participation au PICC a permis une première vente majeure. Mme Abu-Hakima a indiqué que, grâce aux débouchés offerts par le PICC au Canada, son entreprise compte maintenant des clients au sein de l’administration américaine.

Toujours selon Mme Abu-Hakima, beaucoup de gens trouvent des idées incroyables, mais « se heurtent à un mur pour les vendre au gouvernement fédéral ». Elle a dit au Comité qu’après 17 ans de tentatives vaines pour vendre à l’administration fédérale, « [l]e PICC a été le seul moyen [pour son entreprise] d’apporter [sa] technologie innovatrice dans de nombreux ministères ». Même après avoir suivi la formation du BPME, son entreprise n’arrive toujours pas à décrocher de contrat. Elle en conclut que « quelque chose ne tourne pas rond quelque part».

Un autre cas de croissance liée au PICC a été rapporté par M. Long. Il a dit : « À ce jour, [les] ventes [de SageTea Software] au gouvernement se chiffrent à environ 1,25 million de dollars. Quand on pense que l’entreprise a vu le jour il y a un peu plus de cinq ans et que tout a commencé dans le sous-sol de ma conjointe, je pense que pour la plupart d’entre vous, il s’agit de tout un exploit. » Son entreprise s’est prévalue du programme de ventes additionnelles du PICC pour tester le logiciel Text-to-Software au ministère des Pêches et des Océans. Les applications sont maintenant disponibles au ministère ainsi que dans l’ensemble de l’administration fédérale par l’entremise de l’AAALL.

Le PICC met un budget distinct à la disposition des ministères. Selon M. Lem, SPAC voulait depuis plusieurs années subventionner une étude sur l’ADN de la bactérie Legionella, mais ne disposait pas du budget nécessaire. C’est le PICC qui a rendu cette étude possible. « Un financement de 500 000 $ a donc permis de tester, sur une période de 12 semaines, 51 tours de refroidissement à Ottawa, Toronto et Montréal », a-t-il expliqué, avant de conclure : « Le PICC a été un énorme succès pour nous. S’il n’existait pas, nous n’aurions pas eu ce débouché de plusieurs milliards de dollars dont nous serons probablement le chef de file mondial. »

Il reste à savoir si le ministère sera disposé ou apte à investir des fonds au mi-exercice pour l’achat de technologies innovatrices. À ce sujet, M. Long et son entreprise SageTea Software ont constaté « qu’il est relativement facile de convaincre un ministère d’être un ministère d’essai lorsque les dépenses sont couvertes par les fonds du PICC ». Cependant, si le ministère veut acheter les produits ou services innovateurs après la phase d’essai, il doit bâiller lui-même les fonds nécessaires. Dans certains cas, des ministères peuvent dire avoir déjà dressé leur plan de dépenses pour l’exercice.

Faisant écho aux autres participants du PICC, M. Parent a affirmé : « [Le PICC] est une initiative fructueuse, qui encourage les PME à proposer des solutions et des produits innovateurs au gouvernement. Il montre également que la communication entre les fournisseurs et les utilisateurs finals peut être productive, mais il en faut plus. » De même, M. Christie a convenu que le PICC est considéré dans les milieux de la petite entreprise comme un véritable succès, ajoutant qu’il est « une excellente occasion pour les petites entreprises d’avoir accès aux possibilités d’approvisionnement au Canada ».

Plusieurs participants du PICC ont évoqué les obstacles à l’innovation. Par exemple, M. Long a rapporté que le site Web d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada indique que : « Entre 2011 et 2013, 27 % des dépenses totales au titre de la recherche-développement, soit 13,0 milliards de dollars, étaient attribuables aux petites entreprises […] Étant donné l’insuffisance d’antécédents en matière de crédit et de bien à offrir en garantie pour obtenir un prêt, plus de 80 % des propriétaires d’entreprises en démarrage ont utilisé des fonds personnels pour financer leur nouvelle entreprise. » Il a ajouté : « Partout au Canada, le risque que courent les entrepreneurs est assumé, à mon avis, en grande partie par les Canadiens et leurs familles. » Selon lui, ce risque freine l’innovation et le gouvernement devrait récompenser ceux qui prennent des risques dans ses propres rangs.

Néanmoins, les ressources financières et le temps nécessaires pour présenter une demande dans le cadre du PICC peuvent être prohibitifs. Comme l’a affirmé M. Long : « Même si les récents changements ont permis d’améliorer le processus, encore aujourd’hui, il peut s’écouler plus d’un an entre le début du processus de demande et l’attribution du contrat. Les petites entreprises peuvent facilement se lancer en affaires et fermer leurs portes si elles ne parviennent pas à garantir des objectifs de vente après avoir investi pour profiter de ces possibilités. C’est un exemple du risque et de la façon dont il intervient pour déterminer si une entreprise peut même survivre au processus d’achat du PICC. »

Une autre participante du PICC, Mme Abu-Hakima, a suggéré de mieux promouvoir le programme. Quant à M. Long, il a prôné l’organisation de conférences réunissant les participants du PICC pour donner l’occasion aux clients et aux fournisseurs de discuter « sans se préoccuper des procédures d’approvisionnement et des appels de propositions ».

Toujours selon M. Long, le gouvernement fédéral devrait, pour stimuler l’innovation à l’intérieur de ses rangs, faire en sorte que les lauréats du PICC puissent évaluer et recommander les ministères d’essai sur une liste officielle. « Si le gouvernement adoptait alors une politique pour reconnaître et récompenser les meilleurs ministères d’essai novateurs, il est probable que le rythme de l’innovation au sein du gouvernement s’accélérerait », a-t-il expliqué.

Des participants du PICC jugent qu’il pourrait être salutaire que le gouvernement fédéral continue de soutenir les entrepreneurs après le programme. Sur ce point, M. Long a suggéré la création d’un « incubateur gouvernemental interne » pour les bons produits, de sorte que les entreprises participantes seraient automatiquement jumelées à la demande. Selon lui, ce serait un moyen efficace d’accélérer l’innovation. À l’heure actuelle, a-t-il précisé, « les lauréats du PICC sont toujours tenus de dénicher leur prochain client ». M. MacGregor a émis une opinion semblable. « En général, [le gouvernement fédéral] vous ferme la porte parce qu’il n’a pas le temps de s’intéresser à l’innovation », a-t-il affirmé. Selon lui, un accélérateur gouvernemental permettrait de « vraiment donner la priorité à l’innovation et [de] chercher des moyens d’apporter quelque chose de valeur au gouvernement et aux Canadiens ».

Une autre suggestion consiste à autoriser un plus grand nombre de contrats à fournisseur unique dans la cadre du PICC. Selon M. MacGregor, il pourrait être avantageux de permettre aux lauréats du PICC de conclure de plus nombreux contrats à fournisseur unique avec des ministères et organismes gouvernementaux, et ce, pendant une plus longue période. Dans le mémoire qu’il a présenté au Comité, Wayne Coulson, propriétaire de Coulson Group of Companies, une PME canadienne, a suggéré au gouvernement d’adopter une plateforme de rayonnement où les innovations financées par le gouvernement sont examinées par une équipe chargée de déterminer si des économies peuvent être réalisées au sein de l’administration publique. Selon lui, ce concept permettrait de boucler la boucle de l’aide financière offerte aux PME et de générer des économies pour l’État grâce à des innovations canadiennes.

Dans le même ordre d’idées, M. Lem a recommandé que le gouvernement fédéral facilite la transition des entreprises qui ont passé par le PICC en les aidant à accéder au système d’approvisionnement des provinces et municipalités canadiennes et à percer ailleurs dans le monde.

« Quant aux efforts pour amener les femmes à participer au programme relatif aux possibilités de marchés courantes, a dit Mme Orser, au meilleur de mes connaissances, les programmes comme le PICC n’ont fait l’objet d’aucun rapport ». À son avis, il serait encore possible d’analyser le PICC sous l’angle des problématiques hommes-femmes vu le petit nombre d’entreprises – approximativement 200. À l’heure actuelle, il n’y a ni rapport ni suivi qui puisse nous renseigner sur le profil des entreprises participant à des programmes comme le PICC et il est donc impossible, selon elle, de savoir ce qui se passe.

Plusieurs témoins ont incité le gouvernement fédéral à augmenter le financement du PICC, actuellement chiffré à 40 millions de dollars. Or selon Mme Abu-Hakima, ce financement devrait être porté à 250 millions de dollars, comme pour le PARI. De plus, M. Christie a indiqué que le gouvernement fédéral doit trouver de plus amples moyens de travailler directement avec les petites entreprises et qu’une option consisterait à enrichir le PICC.

4.2 Les observations et recommandations du Comité

Des témoins ont encouragé le gouvernement fédéral à élaborer de nouveaux programmes à l’avenir ou d’enrichir les programmes actuels comme le PICC. Les membres du Comité reconnaissent que le gouvernement fédéral doit recueillir des données sur le cheminement des innovations afin qu’il puisse en évaluer le point de départ et en mesurer le succès. De plus, certains témoins ont suggéré que ces données soient recueillies de façon à exposer les différences entre les hommes et les femmes. Ainsi pourront être élaborées des politiques qui faciliteront la participation des entrepreneures et des entreprises appartenant à des femmes aux programmes d’innovation.

Le Comité a entendu des comptes rendus positifs des participants du PICC. Plusieurs témoins ont réclamé d’autres mesures pour soutenir les entreprises une fois passés les débouchés offerts par le PICC. Les membres du Comité invitent le gouvernement à analyser la possibilité d’accroître le nombre ou la durée des contrats à fournisseur unique ou de réserver une partie des commandes aux participants du PICC dont les innovations donnent de bons résultats.

Par conséquent, le Comité formule les recommandations suivantes :

Recommandation 25

Que le gouvernement du Canada continue d'exécuter le Programme d'innovation Construire au Canada dans le cadre de Solutions innovatrices Canada, et qu'Innovation, Sciences et Développement économique Canada utilise et mette à profit l'expertise de Services publics et Approvisionnement Canada pour continuer à mettre en œuvre ce programme.

Recommandation 26

Que le gouvernement du Canada élargisse le Programme d’innovation Construire au Canada afin d’augmenter le nombre de participants, qu’il en fasse davantage la promotion et qu’il définisse des critères pour mesurer les résultats en matière d’innovation.

Recommandation 27

Que le gouvernement du Canada prévoie à l'intention des entreprises ayant réussi le Programme d’innovation Construire au Canada des moyens de favoriser par la suite leurs ventes auprès du gouvernement durant une période déterminée après l'achèvement du programme.

« [L]’envergure du marché indique clairement que le fédéral n’est pas intéressé à traiter avec des petites entreprises et des entreprises appartenant à des femmes; il préfère traiter avec de grosses entreprises ».

Mary Anderson, présidente, Women Business Enterprises Canada Council

5.1 Les entreprises appartenant à des femmes au Canada

Les dernières statistiques gouvernementales, présentées dans la figure 2, montrent que seulement 15,7 % des PME canadiennes sont détenues à majorité par des femmes et que 19,7 % appartiennent à parts égales à des hommes et à des femmes. Par comparaison, 64,7 % des PME sont détenues à majorité par des hommes[38]. Qui plus est, 92,7 % des PME à participation majoritaire féminine comptent moins de 20 employés[39]. De plus, comme l’a indiqué Mme Sheppard, « au Canada […], 47 % des petites et moyennes entreprises sont détenues en tout ou en partie par des femmes ». Selon Mme Verschuren, même si les femmes lancent près de la moitié de toutes les nouvelles entreprises, moins de 15 % des entreprises de plus de 100 employés au Canada et aux États-Unis appartiennent à des femmes.

Figure 2 – Répartition des propriétaires de petites et moyennes entreprises selon le sexe

La figure 2 est un diagramme à secteurs qui montre la répartition des propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME) au Canada. Les petites entreprises comptent entre 1 et 99 employés, et les moyennes entreprises, entre 100 et 499 employés. La proportion des PME canadiennes détenues majoritairement par des femmes s’élève à 15,7 %, celle des PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes, à 19,7 %, et celle des PME détenues majoritairement par des hommes, à 64,7 %.

Note :         PME détenues majoritairement par des femmes : Une ou plusieurs femmes détiennent entre 51 et 100 % de l’entreprise. PME détenues majoritairement par des hommes : Un ou plusieurs hommes détiennent entre 51 et 100 % de l’entreprise. PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes : L’entreprise appartient à parts égales à des hommes et des femmes, ce qui peut comprendre les couples mariés.

Source :    Figure préparée à partir des données de Statistique Canada, Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2014; Industrie Canada, Petites et moyenne entreprises détenues majoritairement par des femmes, Édition spéciale des Principales statistiques relatives aux petites entreprises - mai 2015, 2015; et Affaires mondiales Canada, Bureau de l’économiste en chef, PME exportatrices détenues majoritairement par des femmes au Canada, 2016.

Mme Sheppard a expliqué que même si les femmes sont nombreuses dans le milieu des affaires, les entreprises leur appartenant « représentent moins de 5 % des fournisseurs canadiens et étrangers faisant affaire avec les grandes entreprises et avec l’État ». D’après une vidéo de la NLOWE [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT], les entreprises à participation majoritairement féminine apportent chaque année 148 millions de dollars à l’économie canadienne. Sur ce point, Mme Sheppard a affirmé : « [L]a mise en valeur du potentiel de développement des entreprises dirigées par des femmes est un impératif économique; voilà pourquoi il nous semble si important qu’elles prennent leur place dans les filières d’approvisionnement de l’État. » Elle a ensuite expliqué : « Selon le Groupe de travail pour la croissance des entreprises appartenant à des femmes, on injecterait 2 milliards de dollars de plus par an dans l’économie canadienne en augmentant de 20 % le chiffre d’affaires des entreprises dont le capital est détenu en majorité par des femmes. » Ce qu’il faut en conclure, toujours selon Mme Sheppard, c’est qu’« [e]n excluant les [entreprises majoritairement détenues par des femmes], l’État se prive d’une source d’innovation et de valeur, et bloque du même coup la croissance des petites entreprises ».

Selon Mme Verschuren, membre du Conseil canado-américain pour l’avancement des femmes entrepreneures et chefs d’entreprises, « [d]es recherches approfondies démontrent que la présence du leadership féminin sur le marché du travail est économiquement avantageuse ». Elle a souligné que, selon des recherches, « les entreprises enregistrent 15 % de profits supplémentaires lorsque la proportion de femmes occupant des postes de direction passe de zéro à 30 % ». « [L]es entreprises ayant au moins une fondatrice surpassent de 63 % toutes les équipes fondées par des hommes. » De plus, « [p]lusieurs études, dont celles de [la Banque Royale du Canada] et du Center for Women’s Business Research, ont révélé que l’augmentation du nombre de petites entreprises appartenant à des femmes au Canada pourrait ajouter 198 milliards de dollars au PIB canadien ».

Dans son rapport, Soutenir les entreprises appartenant à des femmes et favoriser leur croissance, le Conseil canado-américain pour l’avancement des femmes entrepreneures et chefs d’entreprises cerne un certain nombre d’obstacles pour les femmes chefs d’entreprises. Selon Mme Verschuren, ces obstacles sont notamment : « l’accès au capital de croissance, le manque d’accès aux talents, aux réseaux et à l’expertise, la pression liée à l’obligation de choisir entre les obligations familiales et entrepreneuriales, et les préjugés psychologiques et sociaux persistants ». Mme Verschuren et Mme Allan conviennent toutes deux que les programmes fédéraux d’approvisionnement peuvent servir à abattre certains de ces obstacles.

L’accès au capital financier est souvent un obstacle pour les entrepreneures et les entreprises appartenant à des femmes au Canada. Pour citer Mme Abu-Hakima : « [L]e marché du capital de risque dans ce pays brille toujours par son absence, spécialement pour les entreprises détenues par des femmes ». Elle a fait remarquer que « seulement 4 % de l’ensemble des entreprises et, malheureusement, seulement 0,1 % des entreprises qui appartiennent à des femmes obtiennent du capital de risque, ce qui est très triste et infime ». Elle a cité un rapport selon lequel huit femmes sur dix se voient refuser la demande de financement qu’elles ont faite auprès d’une banque, même si les femmes dirigent quelque 46 % des PME au Canada. À ce sujet, Mme Sheppard a dit que les femmes en affaires « doivent surmonter le handicap considérable que représente la sous-capitalisation de leurs entreprises par rapport à celles de leurs homologues masculins ». Mme Verschuren a expliqué que, « [t]ant au Canada qu’aux États‑Unis, les entreprises ayant au moins une fondatrice ont reçu moins de 16 % de tout le capital de risque ». Elle a souligné qu’aider les entrepreneurs à prendre de l’expansion est une façon pour les marchés publics fédéraux d’aider à atténuer cet obstacle. Mme Allan a expliqué qu’un contrat d’approvisionnement à long terme avec le gouvernement fédéral ou une grande entreprise peut aider les PME à obtenir du financement auprès des banques.

En ce qui concerne le réseautage, Mme Sheppard a dit que « [p]eu de femmes chefs d’entreprises ont accès aux réseaux et aux contacts qui sont la clé du succès en affaires ». Elle a ajouté que « [l]es statistiques confirment qu’un entrepreneur masculin échouera au moins trois fois, alors que les femmes abandonneront parfois leurs entreprises si elles échouent une fois ». Par ailleurs, Mme Verschuren a souligné que « [l]es femmes ont un plus petit bassin de collègues entrepreneurs, d’experts techniques et de conseillers informels sur lesquels elles peuvent compter lorsqu’elles lancent une entreprise et qu’elles prennent de l’expansion. Il est donc plus difficile pour les femmes de se familiariser avec des clients, des partenaires et des investisseurs potentiels et, par conséquent, de développer leurs entreprises. » Elle a ajouté que « les femmes en affaires aujourd’hui sont si peu nombreuses qu’il est difficile de trouver quelque part cette capacité de réseautage ».

Plus particulièrement, Mme Verschuren et Mme Allan ont souligné l’importance du mentorat et du parrainage. Selon Mme Allan, dans ses recommandations, le Conseil encourage les femmes à bâtir des réseaux dans un environnement sécuritaire composé aussi d’hommes. Ainsi, elles pourront se faire un réseau et avoir accès à un plus grand nombre d’entreprises. Mme Verschuren a ajouté que l’engagement des hommes est extrêmement important dans cette discussion pour accroître la présence des femmes dans le monde des affaires.

5.2 La participation aux marchés publics fédéraux

Lors de son témoignage, Mme Orser a révélé les résultats d’une étude menée conjointement par l’Université d’Ottawa et SPAC sur la participation des PME au marché de l’approvisionnement fédéral : « [L]es entreprises appartenant à des femmes étaient moins nombreuses que les entreprises appartenant à des hommes à obtenir des contrats du gouvernement fédéral ». Elle a ajouté que « [p]armi les PME fournisseurs, 10 % seulement appartenaient principalement à des femmes ». Selon Mme Sheppard, « le régime actuel d’approvisionnement n’est pas inclusif, parce que le processus d’appel d’offres n’est pas adapté aux PME. Les démarches sont longues et complexes; les cahiers de charges ciblent souvent les fournisseurs en place; les marchés sont souvent de grande envergure et portent sur des travaux dont les PME pourraient s’acquitter en partie, mais pas en totalité. »

L’idée que les entreprises appartenant à des femmes sont souvent de taille modeste et qu’elles n’ont pas ce qu’il faut pour participer au processus d’approvisionnement fédéral est parfois difficile à surmonter. Sur ce point, M. Riding a évoqué une étude réalisée par Rosa et Sylla chez Statistique Canada, qui a révélé que « les entreprises appartenant à des femmes sont systématiquement plus petites », ce dont il faut déduire « qu’elles ont moins d’occasions à saisir ». Selon Mme Sheppard, « on a souvent l’impression que les PME [appartenant à des femmes] n’ont pas la capacité, les compétences ou l’expérience voulues; par conséquent, elles représenteraient un choix plus risqué ».

À l’instar des PME, de nombreuses entreprises appartenant à des femmes trouvent le marché de l’approvisionnement fédéral difficile à percer. Mme Anderson a relaté au Comité les réponses données par des entreprises appartenant à des femmes lorsqu’elles ont été interrogées par WBE Canada au sujet de leur expérience. Elle a expliqué que certaines d’entre elles ont consulté le site où sont annoncés les appels d’offres du gouvernement fédéral, mais qu’elles ont trouvé peu d’offres qui les concernent. « Il n’y a pas beaucoup d’appels d’offres, et ils sont difficiles à trouver », a-t-elle fait remarquer.

Des témoins ont évoqué la faible représentation des entreprises appartenant à des femmes dans la chaîne d’approvisionnement, surtout parmi les sous-traitants. Pour citer Mme Orser : « Nous savons que les femmes ne s’en tirent pas bien. Souvent, elles obtiennent des contrats de sous-traitance dans le cadre de la [demande de propositions], puis elles sont rayées de la liste lorsque le travail est terminé. Je pense que c’est le genre de surveillance que nous devons effectuer pour nous assurer de respecter le mandat de tout programme qui verra le jour ».

De plus, Mme Sheppard a demandé au gouvernement fédéral de diversifier sa chaîne d’approvisionnement pour qu’elle comprenne un plus grand nombre d’entreprises appartenant à des femmes. Elle a dit qu’« [e]n modifiant le régime d’approvisionnement en vigueur, on permettrait à des entreprises dirigées par des femmes de soumissionner peut-être pour la première fois ». Sur ce point, Mme Anderson a ajouté que les fonctionnaires fédéraux devraient « diviser les marchés, de manière à favoriser la participation des petites entreprises, qui pourraient jouer un rôle complémentaire à celui des grands entrepreneurs ». En outre, Mme Sheppard a incité le gouvernement à « veiller à ce que la culture et les stratégies de l’État en matière d’approvisionnement s’adaptent à la diversité croissante de la petite entreprise et favorisent l’établissement d’un climat économique sain ».

Pour aider les entreprises appartenant à des femmes à développer leurs capacités économiques, Mme Sheppard recommande au gouvernement fédéral d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie de diversification des fournisseurs assortie de procédures et d’objectifs ainsi que de mécanismes de formation et de surveillance. Le gouvernement fédéral pourrait aussi élaborer des politiques et des procédures d’approvisionnement favorisant la diversité et précisant par exemple que, si l’on sollicite trois offres, au moins une de ce ces offres doit provenir d’une entreprise appartenant à une femme. Partageant cet avis, Mme Anderson a dit que le gouvernement fédéral peut facilement adopter une initiative pour former les soumissionnaires.

Dans son témoignage, Mme Allan a expliqué que les programmes d’approvisionnement ciblés sont un moyen très important pour les entreprises axées sur la croissance d’accéder aux capitaux. En effet, les gros contrats offerts notamment par le gouvernement peuvent aussi servir de garantie, permettant ainsi aux entrepreneurs d’obtenir des prêts. De plus, selon elle, un programme d’accompagnement ou un programme qui aiderait à regrouper des entreprises dans un marché public fédéral pourrait aider les femmes chefs d’entreprises.

5.3 La certification

WBE Canada « homologu[e] les entreprises qui sont détenues à 51 % et qui sont dirigées et contrôlées par une femme » a expliqué Mme Anderson. « Une fois agréées, ces entreprises sont aiguillées vers des donneurs d’ouvrage publics et privés qui souhaitent diversifier leurs fournisseurs et qui cherchent des produits et services novateurs. Au-delà de l’homologation, [WBE Canada] travaill[e] aussi dans les domaines de la sensibilisation, de la formation et de renforcement des capacités, mais toujours dans l’optique des approvisionnements. »

Plusieurs témoins ont prôné la certification des entreprises détenues majoritairement par des femmes. Selon Mme Anderson, la certification ouvre aussi des portes dans les marchés étrangers, notamment aux États-Unis, où elle est reconnue. Mme Abu-Hakima a dit au Comité : « Cette année, nous avons été certifiés en tant qu’entreprise internationale appartenant à des femmes. » Elle a ajouté que la certification lui donnera accès à de plus grandes entreprises telles Walmart, Pfizer, la Banque Royale du Canada et la Banque Toronto-Dominion qui, comme de nombreuses autres, réservent une part de 20 à 30 % de leurs contrats à des entreprises appartenant à des femmes.

En ce qui concerne la valeur de la certification, Mme Orser a affirmé que les organisations de certification comme WBE Canada connaissent bien les entreprises et qu’elles « font un examen approfondi des entreprises, et la possibilité de maquiller le profil est très faible ». Toutefois, si le gouvernement fédéral se fie dorénavant à la certification pour cibler les entreprises détenues en majorité par des femmes aux fins d’attribution des marchés, les demandes de certification augmenteront considérablement. De plus, Mme Orser a dit que la participation des chambres de commerce ou d’un réseau quelconque d’organismes pourrait devenir nécessaire pour pallier une hausse éventuelle de la demande. Selon elle, « ce type de processus de certification devrait être ouvert à des organisations comme la FCEI, dont le volet de la vente au détail est important et qui serait probablement admissible aux contrats ». Elle a en outre recommandé qu’il y ait un plus grand nombre d’organismes de certification.

Dans les programmes d’approvisionnement aux États-Unis, on considère comme des entreprises appartenant à des femmes celles qui sont majoritairement détenues par des femmes, et on exige que le projet soumissionné soit géré par une femme. Pour citer M. Cornelius : « Quand il est question de marchés, non seulement 51 % des parts de l’entreprise doivent être détenues par une femme, mais le gestionnaire de projet pour le marché en question doit aussi être une femme. » Même si le système américain repose sur l’autocertification, certaines vérifications sont quand même effectuées. « [L]’agent de passation des marchés doit procéder à une inspection des sites et évaluer la petite entreprise à laquelle il a adjugé le marché et, s’il soutient que l’entreprise appartient à une femme, il doit certifier qu’il a examiné les états financiers de l’entreprise, ses déclarations de revenus et tout le reste », a ajouté M. Cornelius.

Quant à Mme Orser, elle a indiqué que son étude sur l’efficacité du programme américain de marchés réservés aux petites entreprises appartenant à des femmes « a révélé que si nous tenions compte de la taille et du secteur, afin de comparer des pommes avec des pommes, le programme d’attestation américain n’avait aucun effet sur la fréquence des soumissions ou le succès des soumissions ». Elle a ajouté : « C’est une conclusion importante. Elle donne à croire que reproduire le programme américain au Canada ne répondrait pas aux intérêts supérieurs des propriétaires d’entreprises ou des contribuables canadiens. »

Elle a ensuite donné l’explication suivante : « Le programme de marchés réservés des États-Unis montre que la conception et la réalisation d’un tel programme exigent de la rigueur dans les protocoles de certification, le suivi et la reddition de comptes. Par exemple, il a fallu 20 ans à la Small Business Administration pour atteindre la cible de 5 % des marchés pour les entreprises appartenant à des femmes — cette cible n’a été atteinte qu’en 2016, sous l’administration Obama. Il ressort de l’expérience américaine que pour améliorer les possibilités de marché qui s’offrent aux petites entreprises avec le gouvernement canadien, il faut que les hauts dirigeants de SPAC soient tenus responsables et qu’ils rendent des comptes sur les conséquences que subissent les agences n’atteignant pas les cibles établies. »

En revanche, en ce qui concerne les paramètres pris en compte et le profil des entreprises, Mme Orser a déclaré : « [I]l est simpliste de cocher la case “appartient en majorité à des femmes”. Chose certaine, je crois que le pourcentage de femmes dans des postes de direction pourrait être envisagé. » Toujours selon Mme Orser, l’idée de la participation majoritaire féminine « devient problématique lorsque la propriétaire dilue une partie de sa propriété et ajoute des capitaux propres à l’entreprise. Cela, a-t-elle expliqué, pourrait « punir les femmes axées sur la croissance qui ne possèdent plus 51 % de l’organisation »; c’est pourquoi elle pense que « le recours à plusieurs mesures est logique ». Elle a ajouté : « Si nous créons un nouveau produit fait au Canada, nous n’avons pas à reproduire cela. Il y a des possibilités de reconnaître que des femmes diluent leur propriété et ajoutent des capitaux propres à leur entreprise et sont axées sur sa croissance et que nous y perdrions si nous perdions ces entreprises dans le processus d’approvisionnement. Je recommanderais l’utilisation de deux ou trois indicateurs plutôt que du simple critère de 51 %. »

Pour sa part, M. Kendrick a exprimé un point de vue différent : « Actuellement, c’est une femme qui assure la gestion de notre plus gros projet. Récemment, une ingénieure de mon bureau d’Ottawa a été désignée parmi les ingénieurs les plus remarquables de l’Ontario par Professional Engineers Ontario. Je ne vois pas quel serait l’avantage pour elles si le gouvernement attribuait ses marchés à des entreprises dirigées par des femmes au lieu de nous les attribuer à nous. »

Autre suggestion faite au Comité : créer une proposition de valeur ou un barème de pondération. Selon Mme Sheppard, toutes choses étant par ailleurs égales, le gouvernement fédéral devrait attribuer des points supplémentaires aux entreprises appartenant à des femmes lorsqu’il évalue les soumissions. Dans le même ordre d’idées, Stéphanie Fontaine, vice-présidente de WBE Canada, a ajouté que les points ainsi ajoutés pourraient servir à « encourager […] les fournisseurs et les sociétés qui s’occupent des programmes de diversité des fournisseurs ». Cette idée a été reprise par Mme Anderson, qui a déclaré : « Nous devons sensibiliser ceux qui font déjà affaire avec le gouvernement à cet objectif de diversifier leur chaîne d’approvisionnement. Nous devons leur permettre de savoir comment entamer le processus et le mettre en œuvre, puis les récompenser de le faire en bonifiant leurs points dans leur dossier d’acquisition. » Les entrepreneures qu’elle a interrogées ont dit qu’elles « veulent […] que leurs entreprises bénéficient de points supplémentaires parce qu’elles appartiennent à une femme ». Elles veulent aussi que des points supplémentaires soient attribués aux « partenaires des entreprises qui font déjà affaire avec des femmes ».

5.4 Les marchés réservés et l’établissement de cibles et objectifs

Pour ce qui est de réserver une part des marchés aux entreprises détenues majoritairement par des femmes, Mme Sheppard a indiqué que l’idée de réserver 5 % des marchés publics jouit d’un certain appui. Cependant, d’autres témoins comme la NLOWE, WBE Canada et Mme Orser ont dit qu’il fallait d’abord évaluer la situation et la capacité des fournisseurs pour que l’objectif fixé soit réaliste. Comme l’a expliqué Mme Sheppard : « Si seulement 1 % des entreprises peuvent répondre à des appels d’offres et que 5 % des marchés sont réservés, le projet risque d’échouer. » Elle a aussi affirmé que, dans certains cas, les PME doivent pouvoir s’allier entre elles pour accroître leur capacité.

Plusieurs témoins ont fait remarquer qu’il est difficile d’élaborer une politique d’approvisionnement en l’absence de données sexospécifiques. Selon Mme Orser, Statistique Canada a parmi les meilleures mesures dans le monde, concernant le profil des entreprises appartenant à des femmes, mais cela n’est compté dans aucun type de contrat. Elle a fait remarquer que « Statistique Canada se fonde sur la participation majoritaire ou la participation à parts égales, alors nous avons de bonnes mesures que d’autres nations copient pour établir le profil du fondateur ». D’après Mme Anderson et Mme Orser, le gouvernement fédéral n’a pas de données sexospécifiques sur les contrats. Quant à Mme Sheppard, elle a incité le gouvernement fédéral à recueillir de telles données. Enfin, Mme Orser a dit qu’elle « travaill[e] avec SPAC à fouiller les données afin de pouvoir mener une analyse axée sur le genre qui est plus robuste et qui tient compte de la taille, du secteur et de l’âge de l’entreprise, car ce sont des indicateurs importants de la viabilité d’une entreprise ».

Dans le même ordre d’idées, Mme Allan a insisté sur le fait que le gouvernement fédéral doit « créer une solide base de données sur les marchés publics décrochés par des femmes entrepreneures, laquelle serait idéalement ventilée par secteur industriel et par ministère émetteur ». De plus, cette base de données pourrait permettre de suivre l’évaluation des initiatives.

La Small Business Administration des États-Unis est chargée de la mise en œuvre et de l’administration du Women-Owned Small Business Federal Contracting Program [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT], le programme d’approvisionnement de l’administration fédérale auprès des PME appartenant à des femmes, aux termes de l’article 8(m) de la Small Business Act, qui est entrée en vigueur le 4 février 2011. En vertu de ce programme, des marchés sont réservés aux PME appartenant à des femmes dans les secteurs où elles sont sous-représentées ou considérablement sous-représentées [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]. Les groupes sectoriels désignés pour les PME appartenant à des femmes et les PME économiquement défavorisées appartenant à des femmes sont au nombre de 112 et de 21 respectivement[40]. Il est à noter que la valeur des marchés réservés n’est assujettie à aucune limite dans le cadre du programme.

Les entreprises participant au programme WOSB se déclarent elles-mêmes comme étant soit une PME appartenant à des femmes, soit une PME économiquement défavorisée appartenant à des femmes. Elles peuvent également être certifiées par l’un des quatre organismes compétents, dont la Chambre de commerce des femmes d’affaires des États-Unis (U.S. Women’s Chamber of Commerce) et le Conseil national d’entrepreneuriat féminin (Women’s Business Enterprise National Council)[41].

Pour être considérée comme une PME appartenant à des femmes, l’entreprise doit satisfaire les critères d’une PME;

  • être détenue et contrôlée à au moins 51 % par une ou plusieurs femmes citoyennes des États-Unis qui sont inconditionnellement et directement propriétaires;
  • être administrée au jour le jour par des femmes;
  • avoir une femme à sa tête, cette femme doit travailler dans l’entreprise à plein temps durant les heures de travail normales;
  • les femmes doivent prendre les décisions d’affaires à long terme pour l’entreprise;
  • il n’y a aucune exigence quant à l’âge de l’entreprise[42].

Pour être admissible en tant que PME économiquement défavorisée appartenant à des femmes, l’entreprise doit satisfaire les critères susmentionnés, mais en plus, son propriétaire doit afficher un avoir net personnel inférieur à 750 000 dollars américains (sauf exception) et un revenu brut moyen à 350 000 dollars américains ou moins. En outre, la juste valeur marchande de l’entreprise ne peut dépasser 6 millions de dollars américains (sauf exception)[43].

En ce qui concerne les cibles et les marchés réservés aux États-Unis, M. Riding a indiqué que « l’engagement public du gouvernement américain ayant trait aux 23 % et aux 5 % des dépenses […] est une source de motivation très puissante ». Il a toutefois émis une réserve : « Ce que nous avons constaté, tout comme le Bureau de reddition de comptes du gouvernement des États-Unis, c’est que le processus n’était pas surveillé […] Les gens déclaraient que leurs entreprises appartiennent à des femmes, alors que ce n’était pas vrai, puisque le gouvernement n’a pas mis en place un mécanisme de vérification. En réalité, l’objectif de 5 % a été atteint principalement grâce à des contrats attribués en dehors des marchés réservés. Notre constatation selon laquelle les marchés réservés n’étaient pas efficaces a été reprise dans deux ou trois autres documents, mais la question n’est pas de réserver ou non des marchés, mais aussi de savoir comment les marchés réservés sont organisés et surveillés. » Sur la question de savoir s’il faudrait ou non imiter le modèle américain des marchés réservés, Mme Orser a aussi mis le Comité en garde contre le risque qui accompagne les programmes basés sur l’autocertification. En revanche, elle a dit que « les contribuables canadiens et les propriétaires de petites entreprises aimeraient avoir un programme de marchés réservés plus rigoureux qui serait surveillé et qui tiendrait [SPAC] responsable de l’atteinte [des] objectifs ».

Une solution de rechange aux programmes habituels de marchés réservés pourrait consister à réserver non pas un pourcentage des marchés fédéraux à certaines entreprises, mais plutôt certaines catégories ou domaines. Comme l’a expliqué Mme Fontaine, au lieu de recourir à un pourcentage, on pourrait utiliser des catégories ou des domaines qui seraient plus appropriés pour les entreprises appartenues majoritairement par des femmes. Elle précisé que c’est peut-être dans ces secteurs que les entreprises appartenant à des femmes fonctionnent déjà. Par exemple, plus de femmes exploitent des entreprises liées au service ou au commerce de détail. Dans le même ordre d’idées, Mme Orser a suggéré que le gouvernement fédéral se tourne vers les secteurs où les femmes propriétaires d’entreprise sont bien représentées, comme celui des services professionnels. Cela pourrait se faire à l’échelle régionale, pour maintenir les risques au minimum, et pourrait constituer l’occasion pour les petits et moyens fournisseurs de discuter des résultats recherchés. « Je n’ai pas entendu parler de démarches visant à ce que la discussion porte également sur les paramètres [ou résultats] qui devraient être retenus », a-t-elle conclu.

Dans son rapport, Soutenir les entreprises appartenant à des femmes et favoriser leur croissance, le Conseil canado-américain pour l’avancement des femmes entrepreneures et chefs d’entreprises recommande que, dans les 12 prochains mois, le Canada mette en œuvre un programme d’approvisionnement ciblé pour les femmes, semblable au programme d’approvisionnement de l’administration fédérale américaine auprès des PME appartenant à des femmes, avec une cible de 5 % de tous les marchés publics fédéraux accordés à de petites entreprises appartenant à des femmes. Il recommande également que les programmes des deux pays soient ouverts aux femmes de l’un ou l’autre des pays dès que le programme canadien sera lancé. De plus, le Conseil recommande qu’au moins un des deux gouvernements s’engage à affecter des fonds en faveur d’un examen indépendant pour regrouper les données de référence sur les organisations existantes et la participation des entreprises appartenant à des femmes. Mme Allan a précisé que le recours à des marchés réservés avait aussi été précisé dans le rapport de février 2017 du Conseil consultatif en matière de croissance économique, Libérer l’innovation pour stimuler la mise à l’échelle et la croissance.

Par ailleurs, Mme Allan a souligné l’engagement du gouvernement fédéral dans le budget fédéral de 2018 visant à se fixer « pour objectif d’augmenter la participation des petites et moyennes entreprises appartenant à des femmes aux marchés d’approvisionnement fédéraux pour qu’elles forment au moins 15 % des [PME] qui approvisionnent le gouvernement du Canada ». Selon elle, il y a toute une différence entre attribuer 15 % du total des contrats nominaux aux PME et accorder 15 % du total des fonds disponibles. À son avis, le moyen le plus efficace d’apporter des changements serait de créer une réserve pour les femmes entrepreneures en fonction d’un pourcentage du total des fonds disponibles pour l’approvisionnement. Elle a également souligné que le gouvernement fédéral pourrait s’efforcer dans l’exécution et la mise en œuvre d’un programme de marchés réservés de réduire la complexité du processus d’approvisionnement.

5.5 Les activités de formation et de communication

Des programmes de mentorat et de communication seraient utiles pour aider les entrepreneures et les entreprises appartenant à des femmes. Selon Mme Sheppard, « il est important d’avoir cette accessibilité à une séance de questions et réponses et de la formation, parce que ce qui retient beaucoup de gens, c’est que [le processus d’approvisionnement] les effraie ». En ce qui concerne la formation, elle a dit que les webinaires sont un bon moyen d’entrer en contact avec les entreprises détenues majoritairement par des femmes, et en particulier avec les microentreprises. Le mieux, à son avis, serait que le gouvernement collabore avec des organismes comme la NLOWE et WBE Canada.

Selon Mme Orser, « les agences qui certifient les entreprises appartenant à un groupe minoritaire ou les entreprises appartenant à des femmes jouent un rôle crucial dans le développement des capacités en présentant des conférences, en créant des réseaux et en favorisant les relations entre les entreprises ». D’après M. Riding, WBE Canada et les autres organismes du genre mobilisent réellement les femmes. « Ils offrent aux femmes de l’aide financière au démarrage, mais surtout, ils les renseignent et les encouragent et parfois, lorsque c’est nécessaire, leur déconseillent de créer leur entreprise. » Ces organismes financés par le gouvernement fédéral seraient à son avis « un moyen très efficace de favoriser davantage le développement des compétences des femmes entrepreneures ». De même, Mme Sheppard a incité le gouvernement à « établir des relations stratégiques avec des associations de fournisseurs comme la [NLOWE], afin que les entreprises issues de la diversité viennent grossir et consolider le bassin de fournisseurs ». Elle a ajouté : « Ces associations peuvent faire circuler les appels d’offres et mettre l’État en contact avec d’éventuels fournisseurs ».

Plusieurs témoins ont évoqué l’importance d’un bon programme de communication. Par exemple, Mme Orser a recommandé que des « efforts proactifs de communication » soient déployés par le gouvernement fédéral et qu’une « très solide campagne de communication » ait lieu pour attirer un plus grand nombre d’entrepreneurs. Elle espère qu’ainsi, le gouvernement fédéral accroîtra la qualité de ses fournisseurs. Mme Verschuren est un peu du même avis, à savoir que le gouvernement devrait utiliser les médias sociaux, des interventions directes et des discussions avec les chambres de commerce pour faire connaître tout futur programme visant les entreprises appartenant à des femmes.

De son côté, Mme Allan a expliqué que des entreprises comme Accenture et General Motors offrent des possibilités de mentorat dans leurs programmes d’approvisionnement afin d’aider les petites entreprises à prendre de l’expansion, ce qui est un aspect important d’une chaîne d’approvisionnement saine.

Au sujet des activités de communication, Mme Anderson a dit au Comité que la ville de Toronto « a organisé une foire sur la diversité […] où ses acheteurs sont venus rencontrer divers fournisseurs, y compris des entreprises féminines ». L’objectif, a-t-elle expliqué, était de « créer la confiance que les entreprises sont compétentes sur le plan de l’approvisionnement et [de] réfuter le concept d’inéligibilité ». Elle estime que « [l]e gouvernement fédéral devrait faire la même chose ». Pour sa part, Mme Sheppard a encouragé le gouvernement, d’une part, à « [o]ffrir des programmes de formation et de mentorat afin de soutenir les fournisseurs de la diversité, de les aider à améliorer leur fonctionnement, leurs produits et leurs services, et de renforcer leur capacité à participer aux marchés publics » et, d’autre part, à « sensibiliser les services d’approvisionnement et les chefs de services d’achat à l’importance de la diversité chez les fournisseurs ».

5.6 Les observations et recommandations du Comité

Les entreprises appartenant à des femmes peuvent apporter encore beaucoup plus à l’économie canadienne. Des témoins ont dit au Comité qu’une participation accrue des entrepreneures et des entreprises appartenant à des femmes aux marchés publics fédéraux s’accompagnerait d’importantes retombées socioéconomiques, d’une hausse de l’innovation, et qu’elle améliorerait le rapport qualité-prix des marchés publics fédéraux.

Le gouvernement fédéral s’est engagé dans son budget de 2018 à faire passer de 10 à 15 % le taux de participation des entreprises appartenant à des femmes aux activités d’approvisionnement de l’État fédéral, afin qu’il reflète la proportion actuelle de PME qui sont détenues majoritairement par des femmes. Les membres du Comité incitent le gouvernement à envisager aussi d’autres stratégies pour aider les PME appartenant à des femmes à mieux réussir et à accroître leur représentation.

En outre, des témoins ont dit que le gouvernement devra recueillir des données sexospécifiques sur les soumissionnaires retenus et en faire l’analyse et le suivi. Ces données devront ensuite servir à élaborer des programmes et à établir des objectifs de représentation pour les entreprises appartenant à des femmes.

Par conséquent, le Comité formule les recommandations suivantes :

Recommandation 28

Que le gouvernement du Canada recueille et analyse, pour tous les marchés d’approvisionnement fédéraux, des données relatives aux groupes socialement défavorisés, sexospécifiques et ventilées par facteur de diversité, et qu’il en suive l'évolution.

Recommandation 29

Que le gouvernement du Canada élabore des stratégies d’approvisionnement, notamment en simplifiant ses processus, au bénéfice des entrepreneures et des entreprises appartenant à des femmes, à la lumière de consultations menées auprès de ces groupes.

Recommandation 30

Que le gouvernement du Canada étudie la possibilité de recourir à un système de pondération pour attribuer des points aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises appartenant à des femmes lorsqu’il octroie des marchés fédéraux.

Recommandation 31

Que le gouvernement du Canada examine l'expérience des fournisseurs dans le cadre de la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones ainsi que les pratiques qui ont fait leurs preuves aux États-Unis, et en tire les leçons nécessaires, et qu'il mène des  consultations auprès des entreprises appartenant à des femmes avant de statuer sur le mode de certification de ces entreprises.

Le développement économique autochtone est indispensable pour la réussite socioéconomique et l’autodétermination des peuples autochtones. La stratégie d’approvisionnement est une partie d’une série de programmes fédéraux qui prévoient un certain nombre d’initiatives visant à aider les peuples autochtones à participer davantage à l’économie canadienne.

Sheilagh Murphy, Sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien

La Politique sur les marchés du Conseil du Trésor contient de nombreuses exigences relatives à la passation de marchés avec des entreprises autochtones, à la manière de celles prévues dans les traités modernes et la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones (SAEA). Selon Mme Murphy, les marchés publics fédéraux aident les entreprises autochtones à percer de nouveaux marchés et à élargir leur gamme de produits et de services.

D’après ce que Mme Reza a dit au Comité, entre 2009 et 2015, SPAC aurait attribué à des entreprises autochtones 1 265 marchés dans le cadre de la SAEA dont la valeur totale s’élèverait à environ 500 millions de dollars. Elle a précisé que les marchés ayant la valeur la plus élevée font habituellement partie des groupes suivants : services de santé, construction, hébergement, fournitures de bureau, équipement de Tl et logiciels, et services professionnels en informatique. Elle a ajouté qu’au cours de l’exercice 2014-2015, les marchés attribués par SPAC à des entreprises autochtones dans le cadre de la SAEA totalisaient environ 178 millions de dollars, alors que ceux attribués à l’extérieur de la SAEA se chiffraient à plus de 25 millions de dollars. Elle a fait savoir en outre que la valeur totale des contrats attribués à des entreprises autochtones croît de façon constante chaque année. En revanche, Sean Willy, président-directeur général de Des Nedhe Development, a dit regretter qu’un si faible pourcentage du total des marchés fédéraux — 0,46 % d’après ses calculs — ait été attribué à des entreprises autochtones au cours des dix dernières années.

6.1 Les entreprises autochtones au Canada

Il est important que le gouvernement fédéral s’efforce d’accroître le nombre d’entreprises autochtones participant au processus d’approvisionnement, y compris celles détenues et exploitées par des femmes autochtones. 

Patrick Cheechoo, Directeur des opérations, Association des femmes autochtones du Canada

M. Skudra a évoqué une étude menée par son organisation en collaboration avec la Banque TD, qui a permis d’établir à 43 000 le nombre d’entreprises autochtones au Canada. Ces dernières, a-t-il ajouté, connaissent un essor considérable depuis cinq ans, qui s’est traduit par une hausse de 15 % du nombre d’entreprises autochtones rentables à la grandeur du pays. Selon lui, l’activité économique des Autochtones se chiffre à quelque 30 milliards de dollars, ce qui comprend une part de 12 milliards de dollars attribuable exclusivement au secteur commercial, composé à la fois d’entreprises privées et de coopératives. De plus, M. Damm a affirmé que la population des Premières Nations est celle qui croît le plus vite au Canada et que plus de 50 % de la population autochtone a moins de 25 ans.

La figure 3 montre la répartition régionale des travailleurs indépendants autochtones d’après le recensement de 2011. Ils habitent pour la plupart en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta. Dans son rapport intitulé Promise and Prosperity : The 2016 Aboriginal Business Survey, le CCCA a indiqué que, par rapport à la population autochtone provinciale, les travailleurs indépendants autochtones sont surreprésentés en Colombie-Britannique et en Alberta et sous-représentés au Manitoba et en Saskatchewan[44].

Figure 3 – Répartition régionale des travailleurs indépendants autochtones au Canada, 2011

La figure 3 est un diagramme à barres empilées qui montre la répartition des travailleurs indépendants autochtones par province et territoire en pourcentage du total. Vingt-quatre pour cent (24 %) des travailleurs indépendants autochtones habitent en Ontario, 22 % en Colombie Britannique, 18 % en Alberta, 12 % au Québec, 10 % au Manitoba, 7 % en Saskatchewan, 5 % dans l’une des provinces de l’Atlantique et 2 % dans l’un des territoires.

Source :    Figure préparée à partir des données obtenues auprès du Conseil canadien pour le commerce autochtone, Promise and Prosperity : The 2016 Aboriginal Business Survey, p. 12 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

La figure 4 compare le nombre de travailleurs indépendants autochtones et canadiens, exprimé en pourcentage de la population autochtone totale et de la population canadienne totale respectivement, dans les divers secteurs de l’économie. Selon la figure, la proportion de travailleurs indépendants autochtones est inférieure dans les secteurs professionnel, scientifique, scolaire, sanitaire et social, et légèrement supérieure dans le secteur de la construction.

Figure 4 – Comparaison des ratios de travailleurs indépendants autochtones et non‑autochtones dans certains secteurs de l’économie, 2011

La figure 4 est un diagramme à barres qui compare les ratios de travailleurs indépendants autochtones et non-autochtones dans les secteurs industriels canadiens suivants : arts, divertissement, hébergement, restauration et culture; construction; manufacturier, transport et entreposage; primaire; professionnel, scientifique, scolaire, santé et services sociaux; commerce de gros et détail; autres. Le plus grand écart dans les ratios de travailleurs indépendants autochtones et non-autochtones se trouve dans le secteur professionnel, scientifique, scolaire, santé et services sociaux, ainsi que dans celui de la construction. Même si les travailleurs indépendants autochtones sont sous représentés dans le secteur professionnel, scientifique, scolaire, santé et services sociaux, soit 34 % contre 41 % de travailleurs indépendants non-autochtones, ils ont une représentation plus élevée que ces derniers dans le secteur de la construction, soit 19 % contre 14 %.

Source :    Figure préparée à partir des données obtenues auprès du Conseil canadien pour le commerce autochtone, Promise and Prosperity : The 2016 Aboriginal Business Survey, p. 13 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

Le tableau 2 présente les réponses données à la question suivante, extraite d’un sondage du CCCA : « Dans quelle mesure les éléments ci-après seront-ils un obstacle à la croissance de votre entreprise pour les deux prochaines années? Veuillez utiliser une échelle de 1 à 5, où 1 signifie “pas du tout » et 5 “ considérablement ” ».

Les entrepreneurs autochtones ont répondu qu’attirer des employés possédant les bonnes compétences et qualifications était leur principal obstacle à la croissance à court terme, suivi de la conjoncture économique. Environ trois entrepreneurs autochtones sur cinq ont donné comme obstacles l’accès aux capitaux, les politiques gouvernementales et la réglementation et l’accès au financement.

Tableau 2 – Obstacles à la croissance selon les entrepreneurs autochtones du Canada, 2015

Obstacles

Pourcentage des répondants

Attirer des employés possédant les compétences et qualifications requisesa

39 %

Conjoncture économique

35 %

Accès aux capitaux

31 %

Politiques gouvernementales et réglementation

31 %

Rétention des employés importantsa

30 %

Accès au financement

29 %

Concurrence

27 %

Frais d’exploitation (p. ex. coût des intrants)

24 %

Fiabilité de l’accès à Internet, au téléphone et aux autres technologies de TI

21 %

Accès à des mesures d’aide pour la formation des employés et le développement de leurs compétencesa

21 %

Autres infrastructures (p. ex. électricité, aqueduc, routes)

19 %

Note :         a. Cette question n’a été posée qu’aux entreprises ayant des employés.

Source :    Tableau établi à partir des données obtenues auprès du Conseil canadien pour le commerce autochtone, Promise and Prosperity : The 2016 Aboriginal Business Survey, p. 31 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

6.2 La Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones

L’objectif de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones est d’aider celles-ci à acquérir de l’expérience, à présenter des soumissions et à travailler en partenariat avec le gouvernement du Canada. Elle vise aussi à accroître le nombre de marchés octroyés à des entreprises autochtones pour que celles-ci puissent obtenir une plus grande part des marchés du gouvernement fédéral.

Sheilagh Murphy, Sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien

Selon Mme Renart, la SAEA « vise à favoriser le développement des entreprises autochtones au moyen des marchés publics fédéraux, tout en respectant ses engagements commerciaux internationaux ». Cette stratégie, qui est entrée en vigueur en 1996, est le résultat d’un partenariat conclu entre AANC et SPAC afin de remédier à la sous‑représentation des entreprises autochtones parmi les soumissionnaires et adjudicataires de marchés publics fédéraux. En juin 2009, le gouvernement fédéral a adopté le Cadre fédéral pour le développement économique des Autochtones et un plan d’action en vue de sa mise en œuvre, qui comprenait entre autres la SAEA[45].

La SAEA a pour objectif d’accroître la participation des entreprises autochtones aux marchés publics fédéraux en permettant aux ministères et organismes fédéraux de leur réserver des marchés. La SAEA se décline en quatre volets :

  • Marchés réservés obligatoires : Ce volet s’applique à tous les marchés fédéraux de plus de 5 000 $ prévoyant la prestation de biens ou de services à une population principalement autochtone.
  • Marchés réservés facultatifs : Les ministères et organismes fédéraux peuvent, de leur propre initiative, réserver des marchés aux entreprises autochtones.
  • Coentreprises et partenariats : La SAEA fournit un cadre aux entreprises autochtones qui souhaitent former des coentreprises ou des partenariats avec d’autres entreprises autochtones ou non autochtones en vue de soumissionner des marchés réservés.
  • Utilisation de critères relatifs aux Autochtones : Lorsqu’ils établissent et attribuent des marchés principaux, les ministères et organismes fédéraux sont incités à obtenir des plans de sous‑traitance auprès d’entreprises autochtones, soit comme condition obligatoire soit comme critère d’évaluation coté, et ce, afin de garantir qu’une part suffisante des travaux sera effectuée par des fournisseurs autochtones[46].

Toutes les sociétés autochtones – que ce soit des entreprises individuelles, des sociétés à responsabilité limitée, des coopératives, des partenariats ou des organismes à but non lucratif – peuvent participer à la SAEA, pourvu que :

  • au moins 51 % de la société est la propriété des Autochtones et sous leur contrôle; et
  • au moins le tiers des employés de la société (si elle compte six employés à plein temps ou plus) sont des Autochtones[47].

Dans son rapport intitulé Promise and Prosperity : The 2016 Aboriginal Business Survey, le CCCA indique qu’un entrepreneur autochtone sur cinq a déjà soumissionné ou envisagé de soumissionner un marché réservé dans le cadre de la SAEA, et trois entrepreneurs sur dix ont déjà soumissionné un marché public fédéral. Il s’agit d’une hausse par rapport aux résultats du sondage de 2010, où 20 % des entrepreneurs autochtones avaient fait une telle déclaration[48].

Cependant, plusieurs entrepreneurs et autres représentants autochtones ont dit au Comité que la SAEA ne répond pas à leurs besoins. M. Derouard a affirmé que la SAEA n’accomplit pas son objectif de venir en aide aux entreprises autochtones. M. Damm a dit que la SAEA et les marchés réservés ne fonctionnent pas bien. Selon M. LeClair, la SAEA a une portée insuffisante et il est très difficile de soumissionner au moyen du système actuel.

Dans le premier mémoire qu’elle a présenté au Comité, la Tribal Wi-Chi-Way-Win Capital Corporation (TWCC) a recommandé que la SAEA ne vise pas seulement les communautés composées à au moins 80 % d’Autochtones. Dans son second mémoire, elle a recommandé l’« [i]nclusion des avantages pour les Autochtones comme élément évalué et coté de toutes les demandes de propositions du gouvernement du Canada », et a réclamé la « [m]ise en place d’un système de préqualification/vérification des compagnies appartenant à des intérêts autochtones, afin de garantir l’intégrité du processus de demande de propositions et des avantages économiques pour les groupes économiques cibles ».

Quant au CCCA, il a suggéré dans son mémoire que le gouvernement fédéral accorde des points aux soumissionnaires certifiés par son programme « Relations progressives avec les Autochtones », dans le cadre duquel un jury indépendant formé de professionnels autochtones « évalue les compagnies en fonction des relations qu’elles entretiennent avec les entreprises et les collectivités autochtones dans leurs activités quotidiennes ». D’après le CCCA, une telle mesure inciterait les entreprises à démontrer une collaboration positive avec les Autochtones dans leur chaîne d’approvisionnement.

6.2.1  La gouvernance et l’interprétation de la Stratégie autochtone

Bien que tous les ministères et organismes fédéraux participent à la SAEA, cette initiative est administrée par AANC en conformité avec les avis sur la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor[49]. Le 28 août 2017, le gouvernement fédéral a annoncé le fractionnement d’AANC et la création de deux nouveaux ministères : le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et le ministère des Services aux Autochtones[50].

Selon les explications de Mme Murphy, AANC et SPAC collaborent à l’application de la SAEA. « Il va sans dire qu’[AANC] assure la gestion d’une partie de la SAEA et qu’elle possède l’expertise nécessaire pour traiter avec les entreprises autochtones et les ministères fédéraux, mais cela se fait en partenariat avec [SPAC] », a-t-elle dit, avant d’ajouter que les deux ministères offrent des séances d’information conjointes sur la SAEA aux ministères et organismes fédéraux. Malgré le fractionnement d’AANC, a indiqué Mme Murphy, la SAEA demeure inchangée, tout comme l’orientation du ministère en ce qui la concerne.

À une question posée par un membre du Comité, M. LeClair a répondu qu’il ne savait pas du tout si la SAEA devait relever d’AANC. Il a prôné un plus grand engagement de la part de SPAC et du Conseil du Trésor et une démarche axée sur la collaboration entre divers groupes pour l’administration de la SAEA. Selon M. Skudra, qui s’est déclaré du même avis, une telle démarche ferait en sorte que les différents intervenants puissent être entendus. M. Willy a noté que le fait d’attribuer la SAEA à AANC met l’accent sur les entreprises autochtones, mais il a toutefois indiqué qu’il serait préférable de confier entièrement l’approvisionnement à SPAC dans l’optique d’une plus grande transparence. En outre, M. Derouard a fait valoir que si la SAEA relevait de SPAC, tous les services d’approvisionnement de l’administration fédérale sauraient qu’ils doivent utiliser la Stratégie. Selon lui, le peu d’égard que vouent les responsables des achats à la SAEA est la cause du blocage. Bernd Christmas, directeur général et avocat général de Gitpo Storms Corporation, témoignant à titre personnel, a souscrit aux observations de M. Derouard. M. LeClair a proposé l’ajout d’un mécanisme de reddition de comptes à la SAEA.

Selon M. Derouard, il y a une différence considérable entre ce que les fonctionnaires disent aux entreprises autochtones au sujet de la SAEA et l’exécution de la Stratégie. Il a dit :

[Depuis huit ans], nous avons constaté une réticence à utiliser le programme selon ce que stipule la politique de la SAEA. Ce problème s’est manifesté dès le départ; il n’est pas nouveau. Tous les ministères acheteurs croient avoir la liberté d’éparpiller l’approvisionnement. Ce n’est pas ce que précise la politique de la SAEA. Ils sont tenus de l’utiliser dans les collectivités où [...] le taux de population [autochtone] est de 80 % ou plus.

Pour Virginia Flood, vice-présidente, Relations gouvernementales, Suncor Énergie inc., la passation des marchés comprend aussi la mobilisation des communautés et la collaboration avec elles pour mieux comprendre ce qui se passe, mieux saisir les compétences et mieux savoir comment les développer. Elle a suggéré d’adopter une démarche s’adressant à l’ensemble de l’administration fédérale pour la passation de marchés avec les entreprises autochtones plutôt que de laisser la SAEA à un seul ministère. En effet, à son avis, chaque ministère ou organisme fédéral entretient une certaine relation avec les collectivités autochtones. Elle a aussi conseillé au gouvernement de ne pas adopter une méthode universelle, soulignant qu’il est essentiel de comprendre la culture des collectivités autochtones pour nouer avec elles des relations et des partenariats. Elle a en outre suggéré que le gouvernement fédéral privilégie davantage les interactions en personne avec les entrepreneurs autochtones. Dans le même ordre d’idées, M. Christmas a indiqué que les fonctionnaires doivent se rendre dans les collectivités autochtones s’ils espèrent tisser des liens avec elles.

Dans son premier mémoire, la TWCC a demandé aux ministères et organismes fédéraux de « rendre compte au Parlement de leurs volumes respectifs de transactions réservées [obligatoires] afin que des mesures stratégiques publiques fondées sur des preuves puissent être instituées ».

Plusieurs témoins, en particulier des entrepreneurs et des représentants autochtones, ont exprimé des réserves quant à la manière dont les fonctionnaires interprètent la SAEA. L’une des grandes difficultés de la SAEA, a fait valoir M. Derouard, tient au fait que les fonctionnaires chargés de la mettre en œuvre « ont leur propre interprétation de la façon de l’appliquer ». La SAEA ne devrait pas être sujette à interprétation, a-t-il noté. Pour Colin Salter, conseiller juridique, Gouvernement Tlicho, et Bertha Rabesca Zoe, conseillère juridique, Gouvernement Tlicho, la SAEA est une bonne idée, mais son application laisse à désirer. Ils ont expliqué que la région de Tlicho a très peu profité des occasions offertes par la SAEA et ont émis des doutes sur les règles entourant les exigences obligatoires et l’interprétation qu’en donnent les fonctionnaires. Selon eux, le gouvernement fédéral devrait faire en sorte que l’application de la SAEA ne soit pas dictée par l’interprétation du ministère, ce sur quoi M. Skudra s’est déclaré d’accord.

Enfin, M. Cheechoo s’est interrogé sur la fréquence à laquelle les entreprises autochtones obtiennent des marchés fédéraux dans les processus ouverts également aux entreprises non autochtones, et a dit craindre que l’interprétation des politiques relatives aux marchés réservés sur une base facultative soit laissée à la discrétion des fonctionnaires.

6.2.2  Promouvoir la Stratégie autochtone

Les représentants ministériels ont expliqué que le gouvernement fédéral a engagé d’importantes ressources pour faire connaître la SAEA aux entreprises autochtones. Ainsi, il a tenu des activités de communication, a jumelé des entreprises avec d’autres entreprises canadiennes et a dialogué directement avec elles[51]. Selon ce qu’a indiqué Mme Murphy, AANC a mené un sondage auprès du CCCA pour cerner les besoins et les lacunes en matière de formation qui empêchent les entreprises de participer à la SAEA. Elle a expliqué que, depuis quelques années, il y a une augmentation du nombre d’entreprises autochtones inscrites au répertoire de l’administration fédérale, et celles-ci s’intéressent davantage aux occasions d’affaires que représentent les marchés publics fédéraux.

Selon M. Gray, le BPME et AANC travaillent ensemble pour coordonner leurs activités. Le BPME, avec ses six bureaux régionaux, établit ses propres cibles pour ce qui est de mobiliser les collectivités autochtones canadiennes, et il s’est doté d’une stratégie en la matière. « Le BPME […] joue un rôle essentiel dans le cadre des efforts de mobilisation pour renforcer le potentiel des entreprises autochtones et pour dispenser de l’information et les outils nécessaires sur la façon de tirer profit des possibilités d’approvisionnement du fédéral, avec pour objectif d’attirer davantage d’entreprises autochtones dans la chaîne d’approvisionnement », a pour sa part affirmé Mme Reza. Elle a ajouté que des activités s’adressant en particulier aux entrepreneurs autochtones sont organisées pour jumeler les entreprises qui souhaitent s’associer, précisant que le BPME a participé l’an dernier à plus de 120 activités de ce type, qui lui ont permis de rejoindre 2 300 personnes ou PME. En outre, le BPME fait équipe avec des organisations autochtones. Par exemple, il s’est joint au CCCA pour la prestation d’un webinaire national sur le fonctionnement du processus d’approvisionnement fédéral.

En ce qui concerne les femmes autochtones en affaires, M. Cheechoo a évoqué l’importance d’une formation ciblée pour les aider à structurer leurs soumissions dans le cadre de la SAEA, dont il estime qu’elle devrait faire l’objet d’une plus grande promotion auprès des femmes autochtones. Il a ajouté que son organisation est disposée à collaborer avec le gouvernement fédéral à la tenue d’activités de sensibilisation. Enfin, M. Damm a prôné l’instauration d’un volet plus actif de sensibilisation et d’information au sein du programme des marchés réservés.

Dans son témoignage, M. Card a proposé la création d’un portail autochtone afin de faire connaître la SAEA et les occasions d’affaires à la population autochtone, ainsi que d’un centre de dépannage qui répondrait aux questions des fournisseurs et les aiderait à cheminer dans le processus des marchés publics fédéraux.

6.2.3  Contrer les entreprises de façade

Selon Mme Murphy, le statut d’Autochtone n’est pas requis pour que les entreprises autochtones soient reconnues comme telles étant donné que cette désignation est attribuée en fonction de l’auto-identification. Elle a admis toutefois que cette façon de procéder est imparfaite, même si AANC vérifie les renseignements fournis par les entreprises. Mohan Denetto, directeur général, Opportunités économiques et commerciales, Terres et développement économique, à AANC, a indiqué que seulement quatre entreprises ont été disqualifiées à ce jour à la suite d’une vérification et qu’il s’agit d’un phénomène plutôt rare.

En réponse à une demande de suivi du Comité, AANC a expliqué que la vérification de conformité de la SAEA permet de confirmer « que les entreprises, les coentreprises et les sociétés en nom collectif autochtones qui sont inscrites au Répertoire des entreprises autochtones en vertu de la [SAEA] satisfont aux critères de propriété, de contrôle, d’emploi des autochtones et de contenu autochtone, le cas échéant[52] ». Une vérification préalable à l’adjudication est obligatoire pour les marchés réservés évalués à 2 millions de dollars ou plus, bien qu’une telle vérification puisse être faite pour des marchés de moindre valeur si elle est jugée nécessaire. De plus, une vérification postérieure à l’adjudication peut avoir lieu sur une base aléatoire pour vérifier que l’entreprise autochtone satisfait aux critères de propriété, de contrôle et d’emploi des autochtones, et de contenu autochtone. Enfin, lorsqu’une entreprise échoue à une vérification, AANC communique avec elle pour lui en expliquer les raisons et, dans la mesure du possible, il élabore un plan pour la rendre conforme. L’entreprise qui échoue à une vérification et qui refuse de collaborer avec AANC en vue de satisfaire les critères d’admissibilité est rayée du Répertoire des entreprises autochtones.

Dans son rapport intitulé Promise and Prosperity : The 2016 Aboriginal Business Survey, le CCCA a écrit que l’une des faiblesses de la SAEA tient au fait que des partenariats se forment parfois dans l’unique but de satisfaire les critères d’admissibilité aux marchés réservés et de tirer avantage du statut d’entreprise autochtone. Néanmoins, 72 % des entrepreneurs autochtones qui connaissent bien la SAEA conviennent que « les critères sont un moyen raisonnable de prouver qu’une entreprise est autochtone[53] » [TRADUCTION]. Toujours d’après le rapport, lorsque les entrepreneurs autochtones ont été invités à donner leur opinion sur les critères d’admissibilité, « 41 % de ceux qui en étaient insatisfaits ont recommandé une meilleure surveillance pour garantir que les critères relatifs aux propriétaires et aux employés soient véritablement satisfaits, qu’ils ne soient pas uniquement le fait d’un associé passif ou que le marché ne soit pas sous-traité si l’entreprise est retenue[54] » [TRADUCTION].

Des représentants autochtones ont soulevé la question des entreprises qui ne satisfont pas les critères de propriété autochtones. Selon M. LeClair, à l’entrée en vigueur de la SAEA « il y avait beaucoup de sociétés fictives à 51 % qui n’étaient autochtones que de nom ». À ce sujet, M. Willy a expliqué que certains partenariats avec des Autochtones sont formés expressément pour l’exécution d’un marché public, puis dissous ensuite. « La création de ces entreprises de façade profite de possibilités liées aux marchés réservés, mais ne permet pas de renforcer une grande capacité, la formation ou des entreprises durables pour le promoteur autochtone », a-t-il fait remarquer. Malgré cela, M. Damm a affirmé qu’il n’y a plus autant d’entreprises qui tentent de déjouer les règles depuis qu’AANC a institué le répertoire des entreprises autochtones et des Premières Nations.

En réponse à une question d’un membre du Comité, M. Cornelius a expliqué que, pour être certifiée en tant qu’entreprise appartenant à des femmes par le programme 8(a) aux États‑Unis (discuté à la section 5.4), l’entreprise doit être détenue à 51% par des femmes et la gestion de la durée de vie du projet concerné doit être assurée par une femme. Toutefois, si l’entreprise décide de sous-traiter les travaux à une entreprise appartenant à des hommes ou d’embaucher un gestionnaire de sexe masculin, l’État américain ne joue pas au « policier ». Il a ajouté que le risque d’avoir affaire à une entreprise qui se représente faussement est assez faible, mais qu’advenant un tel cas, le marché est annulé et les fautifs sont signalés au ministère de la Justice. En outre, M. Parker a dit que, d’après son expérience, il n’est pas rare que les cas de fraudes soient signalés à l’agent de passation des marchés par d’autres petites entreprises.

Des entrepreneurs et représentants autochtones ont suggéré de modifier les modalités d’attribution du statut d’entreprise autochtone. Selon M. Christmas, un agent de la SAEA devrait attester le statut des entreprises et les classer selon leur type d’activité. De son côté, Mme Rabesca Zoe a réclamé des règles plus rigoureuses en ce qui a trait au contenu autochtone dans les demandes de propositions. Quant à M. Willy, il a suggéré d’empêcher l’usurpation du statut d’Autochtone en demandant à Conseils et vérification Canada de procéder à des vérifications de conformité à intervalles réguliers pendant l’exécution du contrat, une idée à laquelle M. Christmas a souscrit sans réserve. Le CCCA a proposé dans son mémoire que le gouvernement fédéral ne reconnaisse et ne récompense par des points supplémentaires que les entreprises certifiées autochtones par des ONG indépendantes comme le CCCA. Josh Riley, directeur, Innovation et entrepreneuriat, CCCA, a affirmé qu’une telle certification serait un moyen pour le gouvernement fédéral de gérer le risque et qu’elle aiderait les entreprises autochtones à se mettre en valeur dans le processus d’approvisionnement.

Enfin, en réponse à une question d’un membre du Comité, M. Cheechoo et Howard McIntyre, vice‑président, Chaîne d’approvisionnement et logistique, Suncor Énergie Inc., ont tous deux affirmé qu’il était aussi important d’aider les entreprises autochtones à employer des travailleurs non autochtones que d’aider les entreprises non autochtones à employer des travailleurs autochtones. Selon M. McIntyre, il arrive souvent que des collectivités autochtones obtiennent des contrats de sous-traitance de grandes sociétés avant de mettre à profit l’expérience ainsi acquise pour démarrer leurs propres entreprises.

6.2.4  Soutenir les petites et moyennes entreprises autochtones et celles appartenant à des femmes autochtones

[D]e l’excellent travail a été fait pour aider les entreprises autochtones. On peut voir, en une seule année, 60, 80 ou 100 millions de dollars de contrats fédéraux accordés aux entreprises autochtones […] [L]'achat de produits et de services aux entreprises autochtones est bénéfique pour des propriétaires de PME de partout au pays.

Max Skudra, Directeur, Recherche et relations gouvernementales, Conseil canadien pour le commerce autochtone

Selon Mme Murphy, AANC a constaté en analysant ses données que les grandes entreprises autochtones étaient plus susceptibles que les PME de participer à la SAEA. Elle a assuré au Comité que son ministère a pris bonne note de la situation et qu’il travaille maintenant avec les communautés et ses partenaires pour y remédier. SPAC, a expliqué Mme Reza, « travaill[e] en étroite collaboration avec les ministères clients pour examiner [sa] stratégie d’approvisionnement et pour chercher activement des occasions d’atteindre les objectifs socioéconomiques en matière d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones ».

À une question d’un membre du comité, Mme Murphy a répondu qu’AANC effectue des analyses comparatives entre les sexes dans les entreprises autochtones, « notamment pour savoir comment elles se comparent en termes de main-d’œuvre et d’activités ». À son avis, de plus en plus de femmes se lancent en affaires. Cependant, elle a dit qu’AANC n’a pas encore fait d’analyse comparative entre les sexes pour savoir si la SAEA se répercute différemment sur les entreprises autochtones selon qu’elles appartiennent à des femmes ou à des hommes.

« En tant qu’entreprises des Premières Nations, a dit M. Damm, nous sommes surveillés davantage parce que l’on croit que nous ne sommes pas assez matures pour faire le travail ». Pour sa part, M. Willy a proposé la création de mécanismes grâce auxquels les entreprises autochtones pourront croître et devenir concurrentielles dans les marchés ouverts, suggestion à laquelle a souscrit M. Christmas.

M. LeClair et M. Card militent pour l’inclusion d’une exigence minimale de participation autochtone dans les demandes de propositions de l’État, dans la cadre d’une stratégie garantissant des avantages aux Autochtones. Selon eux, cette exigence mènerait à des marchés ciblés, à des occasions d’affaires et d’emplois ainsi qu’à l’atteinte des objectifs généraux de développement social pour les collectivités autochtones[55]. Ils proposent également que SPAC diffuse en avance les appels d’offres et permette aux entreprises autochtones de présenter une proposition conforme[56].

En outre, M. Cheechoo a affirmé que, grâce à ses recherches, à ses partenariats et à ses contacts, son association a fait le constat suivant : « [L]es entrepreneures autochtones sont confrontées à d’importantes barrières en ce qui a trait au développement et à l’expansion. Ces mêmes barrières existent pour celles qui souhaitent conclure des marchés d’approvisionnement avec les ministères. » Il a précisé que l’une de ces barrières est la difficulté à obtenir du financement. Et parce que certains ministères et organismes n’acceptent que les soumissions électroniques, les petites entreprises en région éloignée qui n’ont pas de service Internet à haute capacité ne peuvent pas participer. Sur ce point, M. McIntyre a dit au Comité que Suncor adapte la manière dont elle traite les soumissions en fonction de la communauté ciblée, même si cela signifie qu’elle doit accepter des soumissions sur support papier. Quant à M. Cheechoo, il a demandé au gouvernement fédéral d’adopter une stratégie plus vaste pour aider les femmes autochtones à se lancer en affaires, du stade de la conception à celui du démarrage, et pour garantir à ces entrepreneures l’accès aux avantages offerts par la SAEA.

Lorsqu’interrogé par un membre du Comité à ce sujet, M. McIntyre a répondu que les femmes autochtones ne sont pas assez nombreuses en affaires et que seule une très faible proportion des entreprises avec lesquelles Suncor noue des partenariats sont détenues ou administrées par des femmes autochtones.

Enfin, M. Denetto a indiqué que la SAEA n’est que l’un des outils pouvant servir à promouvoir et à soutenir les entreprises autochtones, et a assuré au Comité qu’AANC travaille également à d’autres initiatives ayant pour vocation d’aider ces entreprises à devenir plus concurrentielles et à soumissionner les marchés publics.

6.2.5  Les marchés réservés et l’établissement de cibles et objectifs

[L]es marchés réservés sont importants, parce qu’ils peuvent contribuer à ouvrir des portes. Ils peuvent accélérer les délais de traitement en matière d’approvisionnement. Ils fournissent à des entreprises autochtones l’occasion de soumissionner sur de grands contrats d’approvisionnement auxquels [elles] ne ser[aient] habituellement pas exposé[e]s. Cela encourage des entreprises autochtones et non autochtones à s’associer.

Sam Damm, Président de FoxWise Technologies inc.

D’après les explications de Mme Reza, seules les entreprises inscrites au Répertoire des entreprises autochtones d’AANC peuvent soumissionner les marchés réservés aux entreprises autochtones dans le cadre de la SAEA. La décision d’utiliser la SAEA, s’il y a lieu, incombe au ministère client. Le rôle de SPAC est d’aider ce dernier à cerner, dans ses exigences opérationnelles et son mandat, les possibilités pouvant être offertes aux Autochtones.

Les représentants ministériels ont présenté des données sur les marchés réservés aux entreprises autochtones. Ainsi, Mme Reza a dit qu’à l’exercice 2016-2017, les marchés réservés gérés par SPAC totalisaient environ 112 millions de dollars. D’après les données fournies par Mme Murphy, la valeur des marchés réservés a atteint 227 millions de dollars en 2014, soit une hausse de 300 % par rapport à 2009. Elle a attribué cette hausse au fait qu’AANC a établi des cibles et collaboré avec d’autres ministères concernés tels SPAC et Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Elle a ajouté que, depuis la création de la SAEA en 1996, l’État fédéral a octroyé aux entreprises autochtones des marchés réservés totalisant plus d’un milliard de dollars. Entre 2012 et 2014, le nombre d’entreprises autochtones ayant obtenu des marchés non réservés est passé de 153 à 347. Elle a signalé en outre que les marchés réservés ne représentent qu’un faible pourcentage de l’ensemble des marchés attribués par l’État fédéral.

Des représentants et entrepreneurs autochtones sont intervenus au sujet des marchés réservés dans le cadre de la SAEA. Les marchés réservés ne sont pas obligatoires au Canada comme ils le sont aux États-Unis, a fait remarquer M. Damm. Quant à M. Cheechoo, il a indiqué que les ministères et organismes fédéraux n’ont pas suffisamment recours aux marchés réservés facultatifs. Dans le même ordre d’idées, M. LeClair a dit qu’il faudrait faire la promotion des marchés réservés facultatifs afin que les organismes fédéraux y aient plus souvent recours.

De plus, M. Damm a dit regretter que le programme des marchés réservés aux entreprises autochtones ait perdu de sa vigueur et qu’il n’occupe désormais plus qu’une place secondaire, tandis qu’il y a dix ans, chaque ministère et organisme fédéral avait un coordonnateur de la SAEA et le gouvernement fédéral était très présent dans les salons professionnels et les activités de sensibilisation. Il a mis en doute l’exactitude des rapports vantant les réussites des marchés réservés en avançant qu’ils sont peut-être fondés sur les offres à commandes et les arrangements en matière d’approvisionnement qui ont été accordés ou encore sur le montant des revenus générés par les marchés. Il a également réclamé une augmentation du nombre de marchés réservés et suggéré que le gouvernement fédéral établisse un seuil en deçà duquel la priorité doit être accordée à ces marchés. En outre, M. Skudra a indiqué que le programme des marchés réservés est appliqué de manière « un peu trop timide » et que ces marchés pourraient être plus nombreux.

En réponse à une question concernant les cibles établies pour les marchés réservés, Susan Targett, vice-présidente exécutive, Entreprise, Seven Generations Energy LTD, a indiqué que les cibles doivent admettre une certaine souplesse, car elles dépendent des niveaux d’activité. « Si les chiffres ne tiennent pas compte d’autres facteurs économiques, les entreprises pourraient avoir de la difficulté à s’adapter », a-t-elle ajouté.

Selon M. Willy, chaque ministère et organisme devrait avoir un seuil obligatoire à respecter pour les marchés réservés aux entreprises autochtones, et ce seuil devrait augmenter chaque année pour suivre la croissance de la population autochtone. Il a ajouté que le non‑respect du seuil devrait s’accompagner de conséquences pour les ministères et organismes. Il a proposé, pour les marchés réservés, de viser 10 % du total des marchés publics fédéraux d’ici 2023, suggestion appuyée sans réserve par M. Christmas.

Pour sa part, M. Cheechoo a suggéré de réserver des marchés aux entreprises appartenant à des femmes autochtones et de convenir avec elles des ententes prévoyant l’achat de leurs biens ou services pendant plusieurs années. Dans son second mémoire, la TWCC a recommandé d’établir « de[s] volumes obligatoires dans le cadre de la SAEA, en pourcentage du nombre total de marchés fédéraux ou de la valeur monétaire globale de l’activité d’approvisionnement du gouvernement fédéral ».

6.2.5.1  Les politiques et les cibles adoptées par d’autres juridictions en matière d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones

Comme nous l’avons vu plus haut, les États-Unis se sont fixé des objectifs pour l’attribution des marchés principaux. Dans ce pays, au moins 23 % de la valeur totale des marchés publics fédéraux doit revenir à de petites entreprises, dont au moins 5 % doivent être défavorisées.

Une petite entreprise défavorisée, a précisé M. Cornelius, peut appartenir à des personnes en situation de minorité ou être désavantagée sur le plan économique. Quoi qu’il en soit, cette entreprise « n’a pas les moyens, les compétences, la notoriété ou les recettes nécessaires pour jouer selon les mêmes règles que les petites entreprises les plus en vue ».

La Small Business Administration des États-Unis [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] a créé le programme de développement des entreprises 8(a) (du nom de la disposition figurant dans la Small Business Act des États‑Unis) dans le but d’aider les petites entreprises défavorisées à se tailler une place sur le marché. Ces petites entreprises, détenues ou contrôlées à au moins 51 % par des Américains socialement ou économiquement défavorisés nés aux États‑Unis ou naturalisés, peuvent se prévaloir du programme pendant neuf ans en tout, soit pendant une phase de développement de quatre ans et une phase de transition de cinq ans.

Pour être admissible à ce programme, il faut être une personne socialement ou économiquement défavorisée. Par « personnes socialement défavorisées », on entend les Amérindiens, les Noirs américains, les Hispano‑Américains, les Américains originaires de l’Asie et du Pacifique et les Américains issus du sous‑continent asiatique; et par « personnes économiquement défavorisées », on entend celles dont les avoirs ne dépassent pas les 4 millions de dollars américains, dont le revenu personnel moyenné sur trois ans est d’au plus 250 000 dollars américains, et dont la valeur nette ajustée est inférieure à 250 000 dollars américains. Le programme vient en aide aussi bien aux petites entreprises qu’aux entreprises autochtones, selon la classification qui en est faite dans le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord.

Le programme de développement des entreprises 8(a) comporte plusieurs volets :

  • les marchés à fournisseur unique, d’une valeur maximale par participant de 4 millions de dollars américains pour les biens et les services et de 7 millions de dollars américains pour la fabrication. De plus, la limite par participant pour les marchés à fournisseur unique est fixée à 100 millions de dollars américains;
  • les coentreprises – le but étant de permettre aux sociétés admissibles de constituer des coentreprises et des équipes pour répondre à des appels d’offres fédéraux;
  • un programme de mentor-protégé qui permet d’apprendre auprès d’entreprises plus expérimentées;
  • la formation spécialisée pour les entreprises, le counseling, l’aide à la commercialisation et le perfectionnement des cadres;
  • l’accès à des biens et à des fournitures excédentaires du gouvernement, à des prêts garantis par l’Agence pour les petites entreprises et une aide au réseautage pour les participants du programme.

M. Cornelius a expliqué que le programme 8(a) vise à « utilis[er] les marchés du gouvernement fédéral pour attirer les petites entreprises [défavorisées] et les aider à se développer grâce au partage ». Il a ajouté que beaucoup des entreprises ayant participé au programme s’en sont affranchies rapidement, puisque leur valeur nette a dépassé la limite d’admissibilité et qu’elles ont cessé d’être considérées comme étant socialement ou économiquement défavorisées.

M. Riley a fait remarquer que l’Australie s’est dotée en 2015 d’une politique d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, qui prévoit qu’un nombre prédéterminé de marchés doivent être attribués à ces entreprises. Pour l’exercice 2019-2020, cette cible a été fixée à 3 % des marchés publics destinés aux entreprises du pays. La politique oblige également les ministères à chercher en premier lieu des entreprises autochtones lorsqu’ils ont besoin d’attribuer des contrats dans les régions éloignées ou des contrats d’une valeur de 80 000 dollars australiens à 200 000 dollars australiens, quel que soit l’endroit au pays. Enfin, pour les marchés d’une valeur supérieure à 7,5 millions de dollars australiens, une certaine participation autochtone est exigée – soit cette exigence est liée au contrat, auquel cas 4 % des employés et des fournisseurs participant au contrat doivent être autochtones; soit elle est liée à l’entreprise, auquel cas 3 % des employés et fournisseurs de l’entreprise doivent être autochtones. Selon M. Willy, la politique de l’Australie donne d’excellents résultats et a surpassé tous ses objectifs, parce que les dépenses consacrées à des entreprises autochtones sont passées de 6,2 millions de dollars australiens à 284 millions de dollars australiens. Il n’a toutefois pas précisé en combien de temps cette augmentation s’est produite.

En outre, M. Salter a suggéré que le gouvernement fédéral fixe relativement à la SAEA des objectifs mesurables similaires à ceux établis par le gouvernement australien pour sa politique d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones. Cette suggestion a été entièrement appuyée par M. Skudra.

Par ailleurs, M. Willy a donné l’exemple de la SaskPower, société d’État saskatchewanaise, qui s’est dotée d’une politique assortie d’objectifs pour la passation de marchés avec des entreprises autochtones. Il a dit que non seulement ces objectifs ont été surpassés, mais ils ont par surcroît été majorés chaque année. En 2015, l’objectif annuel consistait à consacrer 1,5 % des dépenses d’approvisionnement à des entreprises autochtones; l’année suivante, en 2016, cet objectif a été porté à 5,9 %.

Enfin, M. LeClair a expliqué l’importance d’imposer une exigence minimale de participation autochtone dans les contrats avec les fournisseurs. Il a donné l’exemple de Manitoba Hydro, qui a imposé une exigence minimale de participation autochtone de 15 % de sorte que les fournisseurs devaient réserver 15 % de la valeur globale aux Autochtones, soit par des emplois, soit au moyen de la sous-traitance. De plus, Manitoba Hydro devait imposer des pénalités si les fournisseurs ne respectaient pas cette exigence.

6.2.6  Les partenariats et les coentreprises

Lorsque le principal fournisseur n’est pas une entreprise autochtone, a expliqué Mme Reza, la SAEA admet l’intégration d’éléments relatifs à la participation autochtone dans les marchés. Par exemple, le ministère ou l’organisme client peut réserver une partie des contrats de sous-traitance à des entreprises autochtones ou accorder des points d’évaluation supplémentaires aux soumissionnaires qui s’engagent à recourir aux services de fournisseurs et de sous-traitants autochtones.

Les représentants ministériels ont dit que SPAC et AANC incitent les entreprises autochtones à former des coentreprises avec des partenaires autochtones ou non autochtones pour soumissionner des marchés publics fédéraux[57]. Cependant, pour être admissible à la SAEA, la coentreprise doit être détenue et contrôlée à au moins 51 % par une ou plusieurs entreprises autochtones et il faut démontrer que celles-ci effectueront une part des travaux correspondant à au moins 33 % de la valeur du marché.

Les représentants autochtones ont suggéré des moyens d’améliorer les coentreprises. Par exemple, M. Skudra a dit que l’État fédéral pourrait offrir des incitatifs pour faire croître le nombre de partenariats entre les entreprises autochtones et d’autres entreprises privées. En ce qui concerne les femmes autochtones, M. Cheechoo a avancé l’idée d’améliorer le processus d’évaluation des soumissions en récompensant les coentreprises auxquelles participent des femmes autochtones en tant employées ou entrepreneures.

En outre, M. Christmas a signalé au Comité l’existence, aux États-Unis, du plan d’approvisionnement du National Minority Supplier Development Council. « Essentiellement, [ce plan] dit que toute entité qui obtient du financement du gouvernement doit créer une occasion privilégiée pour les fournisseurs minoritaires autochtones américains », a-t-il expliqué. Il a suggéré que le gouvernement fédéral élabore un programme semblable.

6.2.6.1  Les leçons tirées des sociétés pétrolières et gazières

[J]e peux vous dire que les entreprises autochtones représentent une occasion majeure partout au pays — pour nous, pour vous et pour d’autres sociétés. Elles fournissent un large éventail de produits et de services d’excellente qualité, le font à de très bons prix et efficacement, et ont de bons dossiers de sécurité. Suncor ne connaîtrait pas le succès qu’elle a sans ces relations commerciales cruciales […]

Howard McIntyre Vice-président, Chaîne d’approvisionnement et logistique, Suncor Énergie inc.

Seven Generations Energy Ltd, a expliqué Mme Targett, assure une présence très active dans les communautés où elle exerce des activités, notamment en formant des partenariats et en enrichissant ses relations, y compris avec les Premières Nations. Mme Targett a dit que sa société aide les entreprises autochtones à s’élever à un niveau supérieur. Par exemple, elle a aidé une entreprise forestière autochtone qui n’arrivait pas à décrocher de contrat à développer sa capacité et à améliorer sa réputation. Elle a indiqué que depuis trois ans, Seven Generations Energy octroie à 15 entreprises autochtones de cinq Premières Nations des contrats totalisant en moyenne 32 millions de dollars par année. Depuis plus de neuf ans, son entreprise organise dans les collectivités des Premières Nations des activités d’apprentissage, de formation et de mentorat. Enfin, Mme Targett a incité le gouvernement fédéral à consentir aux entreprises autochtones des prêts à des taux d’intérêt avantageux.

De plus, M. Skudra a affirmé que trois sociétés pétrolières et gazières accordent chaque année à des entreprises autochtones des contrats dont la valeur totale frôle le milliard de dollars. Il s’agit de l’Impériale ltée (220 millions de dollars), de Syncrude Canada Ltd. (300 millions de dollars) et de Suncor Énergie inc. (400 millions de dollars). À son avis, cela dépasse largement les résultats obtenus par la SAEA à l’échelle du pays, malgré le fait que personne d’autre au Canada n’achète autant de biens et de service que le gouvernement fédéral. M. LeClair a ajouté que les trois sociétés ont créé un programme de relations progressistes avec les Autochtones, qui vise à établir avec eux des liens et des partenariats à l’échelle des collectivités et des entreprises.

Dans le même ordre d’idées, Mme Flood a indiqué que le premier objectif social lancé par son entreprise, en 2016, a été de « suiv[re] une nouvelle voie qui met l’accent sur le renforcement des relations, afin que les peuples autochtones puissent jouer un rôle plus grand dans la manière dont l’énergie est mise en valeur, de la conception du projet jusqu’à la remise en état ». Selon M. McIntyre, en 2017, Suncor Énergie a dépensé 521 millions de dollars pour l’acquisition de biens et de services auprès de 197 entreprises et fournisseurs autochtones; depuis 1999, il leur a consacré plus de 4 milliards de dollars. M. McIntyre a ajouté que son entreprise veut miser sur ces relations fructueuses. « Nous voulons appliquer ce que nous avons appris dans notre enveloppe économique de façon plus systématique à l’ensemble de nos secteurs d’activité pour que plus d’entrepreneurs et de collectivités autochtones aient l’occasion de participer à nos activités et d’en profiter », a-t-il renchéri. Il a ensuite énuméré les six enseignements que son entreprise a tirés de son expérience et qu’elle applique désormais pour consolider ses relations avec les entreprises autochtones :

  • Elle intègre le commerce autochtone dans la culture de l’entreprise et sensibilise les employés aux réalités et à la culture autochtones en élaborant des processus, des principes et des paramètres pour se responsabiliser et mesurer ses résultats.
  • Elle dresse des plans conjoints de développement des affaires axés sur le long terme qui aideront les collectivités autochtones à orienter leurs efforts et à saisir de nouvelles occasions d’affaires.
  • Elle diversifie l’approvisionnement autochtone en trouvant dans chaque catégorie de la chaîne d’approvisionnement des occasions qui conviennent naturellement aux entreprises autochtones.
  • Elle investit des ressources dans le développement des domaines d’activité. Par exemple, Suncor Énergie a récemment ajouté de nouvelles ressources pour analyser ses activités en aval et ainsi déceler de plus amples possibilités de collaboration avec des entreprises autochtones.
  • Elle bâtit une chaîne d’approvisionnement fiable en travaillant avec les entrepreneurs et les fournisseurs en vue d’accroître la participation autochtone au sein des entreprises autochtones et non autochtones.
  • Elle travaille avec les associations industrielles comme l’Association canadienne des producteurs pétroliers, l’Association minière du Canada et la Chambre de commerce canadienne pour les inciter à nouer des relations et des partenariats semblables avec les collectivités autochtones.

Selon M. McIntyre, le gouvernement fédéral devrait s’inspirer des réussites d’autrui et tenter de les reproduire. Il devrait aussi faire montre d’honnêteté et de transparence lorsqu’il explique à une entreprise pourquoi elle n’a pas été retenue, de sorte qu’elle puisse apprendre de son expérience et s’améliorer.

Par ailleurs, M. LeClair a indiqué qu’Enbridge fait partie de 15 coentreprises avec des Premières Nations et des Métis, et que les Métis au Manitoba ont signé une entente de 8 ans avec Enbridge.

Toutefois, M. Christmas a précisé que les partenariats entre les collectivités autochtones et les sociétés pétrolières et gazières tirent leur origine d’une contestation judiciaire. « Notre collectivité s’est tournée vers l’Office national de l’énergie, qui a ordonné à l’entreprise responsable du gazoduc à l’île de Sable et dans les Maritimes de changer ses pratiques », a‑t‑il rappelé à titre d’exemple. À ce sujet, M. Willy a fait remarquer que les grandes sociétés s’allient d’abord à des entreprises autochtones parce qu’elles en ont reçu l’ordre des tribunaux, puis elles se rendent compte qu’elles renvoient ainsi l’image d’une société responsable.

6.2.7  L’évaluation de la Stratégie autochtone et les données sur les entreprises autochtones

Selon Mme Murphy, AANC a procédé en 2014 à une évaluation interne de la SAEA, qui lui a permis de conclure que la stratégie « concordait avec les priorités du gouvernement, qu’elle était pertinente et efficace et qu’elle offrait un bon rendement économique ». En revanche, l’évaluation a également fait ressortir plusieurs problèmes à résoudre.

En juin 2014, AANC a publié un rapport sur l’évaluation de la SAEA, intitulé Évaluation de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones – Numéro de projet : 1570-7/13 057. Ce rapport, qui concerne la période allant de 2007-2008 à 2012-2013, contient quatre recommandations à l’intention d’AANC, que nous avons reproduites ci‑dessous :

  • Élabore[r] une approche améliorée pour la SAEA, adaptée aux besoins différents des divers types d’entreprises, notamment en mettant un accent renforcé sur la prestation de formations directes et à l’échelle régionale pour aider les sociétés autochtones nouvelles et plus petites à s’y retrouver dans l’environnement de plus en plus complexe et concurrentiel de l’approvisionnement;
  • Collabore[r] avec Travaux publics et Services gouvernementaux Canada pour s’assurer que des données sur le rendement compilées sur une base continue permettent de dresser le profil complet des entreprises qui remportent des marchés d’approvisionnement selon la valeur et le type tant pour les marchés réservés que pour les marchés indirects;
  • Mett[r]e au point de meilleurs mécanismes de responsabilisation pour déterminer plus précisément si les soumissionnaires se qualifient ou non en tant qu’Autochtones;
  • Dans le cadre de la promotion de la SAEA, collabore[r] avec les autorités contractantes pour accroître les chances de réussite des entreprises autochtones, y compris en encourageant une utilisation plus judicieuse de l’option d’affichage pour une période de 25 jours.

L’évaluation de la SAEA, a dit Mme Murphy, a révélé que la Stratégie profitait dans l’ensemble surtout aux grandes entreprises déjà établies. Il a donc été recommandé de l’adapter davantage aux besoins de toutes les entreprises autochtones en offrant de la formation à l’échelle régionale et en travaillant directement avec les plus petites entreprises. « [AANC] va continuer à traiter les résultats de cette évaluation dans le cadre du programme de modernisation de l’approvisionnement actuel du gouvernement », a déclaré Mme Murphy. Elle a ajouté : « [L]e ministère des Services aux Autochtones entreprend son propre examen de la [SAEA] afin de donner plus de mordant aux politiques, lignes directrices et mécanismes et les améliorer en vue de maximiser la participation des Autochtones et de leurs entreprises et communautés aux programmes, dépenses et investissements fédéraux pour qu’ils en tirent tous les bénéfices possibles. » Enfin, elle a dit que dès le début de 2018, AANC procédera à l’examen de la SAEA en collaboration avec d’autres ministères et organismes fédéraux ainsi qu’avec des intervenants externes et qu’il présentera au printemps un document énonçant les options à étudier en vue de l’adoption de politiques.

Selon M. LeClair, il faudrait que la SAEA fasse l’objet d’une vérification indépendante par une organisation externe, plutôt que par le ministère qui en est responsable.

En ce qui concerne les données sur les entreprises autochtones, Mme Murphy a dit au Comité qu’AANC détient certaines données concernant le nombre d’entreprises autochtones qui obtiennent des marchés non réservés dans le cadre de la SAEA, mais que ces données ne sont pas complètes. « Grâce aux projets de modernisation de la stratégie et à l’engagement du gouvernement à assurer des données ouvertes, la qualité et la quantité des données disponibles sur [la SAEA] s’amélioreront. », a-t-elle précisé. Elle a ajouté qu’AANC entend améliorer ses mesures de rendement afin de mieux surveiller et mesurer l’incidence des initiatives fédérales d’approvisionnement autochtone. Elle a fait remarquer que certaines difficultés tiennent au fait que les entreprises ne s’inscrivent pas toujours sous le même nom, ce qui complique le suivi de leurs activités. C’est pourquoi le ministère entend répertorier les entreprises par un numéro à l’avenir. En outre, elle a expliqué que les projets de modernisation du ministère comprennent des mesures pour améliorer la collecte de données.

M. Wright a indiqué que son ministère travaille avec ses partenaires d’EDSC et de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord en vue d’élaborer « un cadre intégré de participation des Autochtones qui est harmonisé avec l’examen continu de la SAEA et de la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi destinée aux Autochtones et qui appuie le vaste programme de modernisation de l’approvisionnement du gouvernement ». Les ministères prévoient de consulter des organisations autochtones comme le CCCA dans le cadre de cet exercice.

En réponse à une demande de suivi, AANC a expliqué qu’il procède actuellement à une étude d’impact économique en partenariat avec Statistique Canada

en vue d’évaluer les répercussions économiques générales découlant de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones. L’étude sera réalisée à l’aide du modèle d’entrées-sorties canadien, qui mesure en détail les répercussions industrielles d’une entrée, comme les marchés réservés dans le cadre de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, sur des sorties telles que le produit intérieur brut, l’emploi, la production industrielle, la production de biens et les emplois préservés. On s’attend à ce que l’étude d’impact économique fournisse un bon aperçu des bénéfices et de la valeur ajoutée de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones pour les collectivités autochtones. Il convient de noter qu’une étude pilote réalisée en 2013 a utilisé ce même modèle, mais n’a pas enregistré les impacts économiques dans toutes les zones[58].

Dans sa lettre de suivi, AANC a aussi indiqué que les résultats de l’étude d’impact économique seraient communiqués au Comité dès son achèvement, prévu pour le 31 mars 2018. Au moment d’écrire ces lignes, le Comité n’a toujours pas reçu les résultats.

En réponse à une question d’un membre du Comité, M. Denetto a dit qu’AANC ne fait pas le suivi systématique des données sur les retombées économiques des marchés, « mais il est certain qu’[il doit] en tenir compte pour améliorer [ses] données, notamment pour évaluer l’incidence [de la SAEA] ». Il a ajouté qu’AANC détient néanmoins certaines données sur les retombées directes de la SAEA, notamment sur les cibles d’embauche à l’échelle locale.

En outre, M. Cheechoo a indiqué que le gouvernement fédéral doit mettre en place un processus d’évaluation pour surveiller et mesurer les succès des entreprises appartenant à des femmes autochtones dans le processus d’approvisionnement fédéral. Ce processus d’évaluation pourrait aussi permettre de connaître le taux de succès des entreprises appartenant à des femmes autochtones qui soumissionnent des marchés fédéraux.

6.3 Les grands projets d’approvisionnement

Aujourd’hui, une des initiatives de développement économique les plus importantes et réussies au Canada exclut la population autochtone du pays. Cet investissement [dans le secteur de la défense] et ce réoutillage du système d’approvisionnement du Canada présentent un énorme avantage pour le Canada et les Autochtones, s’ils sont bien faits. Il est essentiel que nous fassions bien les choses, puisque cela procurera une valeur ajoutée aux Canadiens d’un océan à l’autre.

Sean Willy, Président-directeur général, Des Nedhe Development

En ce qui concerne les grands projets d’approvisionnement, Mme Murphy a expliqué qu’AANC a réussi à augmenter le nombre de débouchés offerts aux entreprises autochtones, notamment dans les domaines de la défense et des soins de santé. Elle a fait savoir que la plupart des entreprises autochtones n’ont pas une capacité suffisante pour obtenir de grands marchés. Cependant, elle a ajouté que l’État fédéral exige des entrepreneurs principaux qu’ils sous-traitent auprès d’entreprises autochtones ou embauchent des Autochtones. Ainsi, a-t-elle expliqué, ceux-ci bénéficient de partenariats avec des chefs de file dans leur domaine.

De plus, Mme Murphy a dit au Comité que la Stratégie nationale de construction navale montre bien comment les grands marchés peuvent profiter également aux entreprises autochtones. Dans le cadre de cette stratégie, AANC travaille avec les deux premiers constructeurs navals — Irving et Seaspan — à la promotion des entreprises autochtones, ce qui a permis à un certain nombre d’entre elles d’accéder à la chaîne d’approvisionnement des chantiers navals. Elle a expliqué qu’un groupe de travail formé d’organisations autochtones a été mis sur pied pour repérer et saisir les débouchés à long terme que peuvent offrir les grands marchés. EDSC participe également à ce groupe pour garantir que les travailleurs reçoivent la formation et le perfectionnement dont ils ont besoin pour tirer avantage de ces occasions. Mme Reza a ajouté que les chantiers navals du Canada ont formé environ 1 500 Autochtones aux métiers de fondeur et de transformateur de tôle.

En outre, Mme Reza a donné plusieurs exemples de grands projets d’approvisionnement auxquels participent des entreprises autochtones :

  • Le projet de restauration de l’édifice du Centre, dans le cadre duquel deux contrats de services professionnels ont été attribués à des entreprises autochtones en mars 2016 – 750 000 $ à Mobile Resource Group pour la fourniture de services de soutien à la gestion de biens immobiliers et 345 000 $ à Naut'sa mawt Resources Group pour la prestation de services de développement du leadership.
  • À l’exercice 2016-2017, SPAC a conclu plusieurs ententes totalisant quelque 10 millions de dollars avec des compagnies aériennes appartenant à des Autochtones, notamment First Air, Canadian North, Wasaya Airways et Yukon Air North.
  • L’entrepreneur principal choisi pour le Programme canadien de prêts aux étudiants a conclu, dans le cadre d’un marché réservé facultatif, une entente avec la TWCC pour la gestion des centres de contact avec la clientèle.
  • Le projet d’assainissement de la cale sèche d’Esquimalt, dont la valeur est estimée à 28 millions de dollars, a donné lieu à un partenariat entre l’entreprise autochtone Malahat Nation et l’entreprise non autochtone Quantum Murray.

Des témoins ont dit trouver dommage que les contrats de construction navale attribués au Canada ne contiennent aucune condition relative à la participation des Autochtones. Par exemple, M. Christmas s’est dit frustré que cette condition ne figure pas dans les contrats à valeur élevée. Quant à M. Skudra, il a affirmé l’importance de faire participer les entreprises autochtones aux grands projets, ce que fait le constructeur naval Seaspan en stipulant l’obligation de favoriser les entreprises autochtones dans la chaîne d’approvisionnement. Il a cependant admis que la majorité des entreprises autochtones sont de taille relativement modeste et qu’il serait irréaliste de penser que l’État fédéral pourrait leur attribuer directement des contrats majeurs de plusieurs millions de dollars. À son avis, l’État doit plutôt mettre l’accent sur la chaîne d’approvisionnement et exiger des entreprises non autochtones choisies pour les projets d’envergure qu’elles fassent affaire avec des entreprises autochtones.

Selon M. LeClair, SPAC doit assortir les grands marchés publics fédéraux de nouveaux instruments d’appels d’offres. Il a déploré le fait que de nombreux marchés fédéraux profitent à peine aux Autochtones et a dit trouver regrettable que la restauration de la Cité parlementaire ne s’accompagne d’aucune exigence relative à la participation des Autochtones. Il a exprimé une frustration semblable en ce qui a trait aux projets d’envergure liés à des subventions fédérales pour l’infrastructure. Il a recommandé que le gouvernement fédéral applique des exigences minimales relativement à la participation des Autochtones aux grands projets d’approvisionnement.

De l’avis de M. Willy, une grande portion de la population autochtone ne peut participer aux marchés d’approvisionnement dans le secteur de la défense parce que les politiques n’obligent ni n’incitent les ministères à faire affaire avec des entreprises autochtones et qu’il n’existe aucun mécanisme assurant la conformité à cet égard. Entre 2007 et 2016, a-t-il ajouté, le ministère de la Défense nationale était premier au chapitre des dépenses d’approvisionnement, ses dépenses se chiffrant à plus 66 milliards de dollars. Selon M. Willy, il y a eu des politiques fédérales pour inciter les entrepreneurs principaux à investir dans le secteur privé, mais elles n’ont pas réussi à orienter les dépenses vers des fournisseurs autochtones. En conséquence, depuis une dizaine d’années, seulement 37 millions de dollars, ou 0,06 % de la valeur totale des marchés dans le secteur de la défense, ont profité aux entreprises autochtones. M. Willy a suggéré que l’État fédéral intègre un « multiplicateur autochtone » à la Politique sur les RIT de la Stratégie d’approvisionnement en matière de défense afin d’inciter les entrepreneurs principaux à faire participer davantage les fournisseurs autochtones à leur chaîne d’approvisionnement – une suggestion à laquelle M. Christmas a souscrit sans réserve.

Enfin, la TWCC a recommandé dans son premier mémoire d’éliminer le plafond de 2 millions de dollars pour les marchés réservés afin que les entreprises autochtones matures puissent participer aux grands projets d’approvisionnement fédéraux.

6.3.1  La Cité parlementaire

À l’automne 2017, a dit M. LeClair, SPAC a publié, durant trois semaines seulement, un appel d’offres à l’intention des chargés de projet pour une partie des travaux de restauration de la Cité parlementaire. L’une des exigences de l’appel d’offres était que les entreprises admissibles devaient acquérir leurs ressources dans un rayon de 50 kilomètres d’Ottawa, ce qui, selon lui, excluait d’emblée les Métis. À ce sujet, M. Wright a reconnu que la Direction générale de la Cité parlementaire de SPAC avait fixé une limite de 50 km parce que le contrat en question concernait la prestation sur place de services de soutien à la gestion de projets, et que les chantiers concernés sont dans le centre-ville d’Ottawa. « Une limite de 50 km a été utilisée à titre indicatif afin que le titulaire du contrat puisse fournir les services sur place et appuyer l’exécution efficiente et efficace des travaux. Le but était non pas de limiter la possibilité de soumissionner, mais d’indiquer qu’il faudrait fournir les services sur place », a-t-il expliqué. Il a admis que le libellé de l’appel d’offres avait pu être interprété comme étant limitatif, et a énuméré les mesures prises par la direction générale lorsque ce problème a été porté à son attention :

  • La clause des 50 km a été supprimée de la demande de propositions.
  • Le délai de soumission a été prolongé de 20 à 30 jours.
  • L’édifice situé au 100, rue Wellington a été exclu du contrat pour permettre le recours à un marché réservé et favoriser ainsi la participation des Autochtones et des entreprises autochtones.

Grâce aux marchés réservés dans le cadre de la SAEA, a indiqué M. Wright, la Direction générale de la Cité parlementaire de SPAC a attribué depuis l’exercice 2014-2015 des contrats totalisant plus de 15 millions de dollars à des entreprises autochtones pour la réalisation de travaux. Il a ajouté que, en 2016–2017, les contrats conclus avec des entreprises autochtones représentaient un peu plus de 2 % des dépenses dans les projets majeurs. De plus, il a indiqué que SPAC s’est engagé dans son rapport annuel de 2016-2017 à travailler avec ses partenaires des Acquisitions en vue d’exiger des soumissionnaires des grands projets comprenant des marchés réservés qu’ils établissent des stratégies relatives à la sous-traitance autochtone, à la participation des Autochtones et à l’offre de stages ou de formation en apprentissage aux Autochtones – ce qu’ils devront faire pour 100 % des projets d’envergure. En outre, la Direction générale de la Cité parlementaire s’est fixé comme objectif de confier en sous-traitance à des entreprises autochtones au moins 5 % des travaux dans les chantiers majeurs. Selon M. Wright, les 2,1 % ont été atteints par la Direction générale et celle-ci collabore avec ses partenaires des Acquisitions à la mise en place d’incitatifs pour encourager les grands entrepreneurs à sous-traiter avec des entreprises autochtones.

Toutefois, selon M. LeClair et M. Card, les contrats de gestion actuels manquent d’articles visant à encourager les entreprises de gestion de la construction à contribuer précisément au recours à des entreprises autochtones[59].

6.4 Les observations et recommandations du Comité

Les entreprises et entrepreneurs autochtones, y compris les femmes, ont beaucoup à apporter à la croissance et à la prospérité du pays. L’État fédéral, en tant que grand acheteur de biens et de services, peut stimuler considérablement l’entrepreneuriat autochtone. Plusieurs témoins ont dit au Comité qu’une approche indifférenciée n’est pas propice au développement de partenariats solides entre l’État fédéral et les collectivités autochtones. En revanche, une bonne connaissance de la culture autochtone et des interactions en personne permettront de bâtir et de consolider d’importantes relations qui déboucheront sur de meilleurs résultats pour tous les intéressés.

Bien entendu, beaucoup de ministères et organismes fédéraux passent des marchés publics. SPAC est l’acheteur central des ministères et organismes fédéraux, alors qu’AANC dirige la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones (SAEA). Le Comité a recueilli des avis divergents sur la SAEA. Plusieurs témoins ont indiqué qu’un nombre insuffisant de marchés publics fédéraux sont réservés aux entreprises autochtones lorsque cette mesure est facultative. SPAC et AANC partagent la responsabilité de promouvoir l’utilisation des marchés réservés facultatifs aux entreprises autochtones auprès des autres ministères et organismes fédéraux. Des témoins ont dit au Comité que la mobilisation de ces autres ministères et organismes pourrait se répercuter positivement sur la SAEA et donner lieu à une augmentation du nombre de marchés réservés aux entreprises autochtones.

Une analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) n’a pas été faite relativement à la SAEA; elle aurait pu aider le ministère à améliorer la Stratégie et à vérifier que les bons outils sont mis à la disposition des entreprises autochtones.

Le gouvernement fédéral a annoncé dans son budget de 2018 une nouvelle plateforme électronique pour les appels d’offres et les soumissions. Bon nombre de collectivités autochtones sont situées dans des régions éloignées où il est difficile d’obtenir de tels services. C’est pourquoi les membres du Comité incitent le gouvernement fédéral à faire preuve de souplesse relativement aux modalités de présentation et de transmission des soumissions qu’il reçoit et à veiller à ce que cette nouvelle plateforme ne limite pas la participation des entreprises qui n’ont pas un accès fiable à des services Internet haute capacité.

Les membres du Comité estiment que les PME autochtones peuvent tirer de nombreux avantages des coentreprises et partenariats formés avec d’autres entreprises plus grandes et plus expérimentées. Par conséquent, ils sont d’avis que le gouvernement fédéral doit promouvoir et appuyer plus activement les PME autochtones tout au long du processus d’évaluation des soumissions.

Bien qu’AANC travaille à l’amélioration de la cueillette des données relatives à la SAEA, les membres du Comité encouragent le ministère à mieux suivre, mesurer et évaluer l’incidence de la SAEA sur les collectivités autochtones. Il sera essentiel, pour perfectionner la SAEA, d’améliorer la cueillette des données et de procéder à de plus amples analyses.

Enfin, les membres du Comité reconnaissent qu’il incombe au gouvernement fédéral de promouvoir la diversité dans sa chaîne d’approvisionnement et c’est pourquoi ils encouragent SPAC, y compris la Direction générale de la Cité parlementaire, à exiger des entreprises choisies pour les marchés publics d’envergure qu’elles sous-traitent notamment avec des entreprises appartenant à des Autochtones ou à des femmes.

Par conséquent, le Comité formule les recommandations suivantes :

Recommandation 32

Que le gouvernement du Canada accroisse la participation des entreprises autochtones dans les marchés d’approvisionnement fédéraux, en tenant compte de la culture des collectivités autochtones et en établissant des relations et des partenariats solides grâce à un plus grand nombre d’interactions entre les personnes.

Recommandation 33

Que le gouvernement du Canada adopte une approche pluriministérielle relativement à l’administration de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, y compris en conférant à Services publics et Approvisionnement Canada un plus grand rôle et des responsabilités accrues dans l'élaboration et la mise en œuvre de la politique et en chargeant le Secrétariat du Conseil du Trésor d'exercer une surveillance et de faire rapport sur l'utilisation et le respect de la politique par les ministères et d'assurer l'application de celle-ci.

Recommandation 34

Que le gouvernement du Canada veille à ce que tous les ministères et organismes chargés des approvisionnements interprètent de façon uniforme la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones et se prévalent de l’option facultative de réserver des marchés aux entreprises autochtones.

Recommandation 35

Que le gouvernement du Canada publie annuellement un rapport centralisé sur le nombre et la valeur des marchés attribués aux termes de la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones.

Recommandation 36

Que le gouvernement du Canada procède à une analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) relativement à l’incidence de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones afin de repérer les obstacles pouvant nuire aux différents groupes d’entrepreneurs autochtones.

Recommandation 37

Que le gouvernement du Canada améliore les marchés réservés aux enpreprises autochtones en vue d'accroître leur utilisation et de promouvoir l'attribution de contrats aux entreprises autochtones afin de respecter les exigences de la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones et des marchés réservés.

Recommandation 38

Que le gouvernement du Canada améliore sa collecte de données sur les activités des entreprises autochtones pour mesurer et évaluer correctement l’incidence de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, dans l’objectif d’en relever les lacunes, d’assurer une plus grande reddition de comptes et d'améliorer la Stratégie s'il y a lieu.

Recommandation 39

Que le gouvernement du Canada exige que les grands entrepreneurs et fournisseurs fassent rapport sur la mesure dans laquelle ils ont recours à des sous-traitants issus de la diversité, y compris les entreprises appartenant à des Autochtones ou à des femmes.

Recommandation 40

Que le gouvernement du Canada introduise progressivement des exigences visant à ce que les grands entrepreneurs annoncent les offres de sous-traitance pour les petites et moyennes entreprises sur le site Web d'approvisionnement du gouvernement, achatsetventes.gc.ca.

Le gouvernement fédéral, dont les dépenses annuelles d’approvisionnement sont d’environ 23 milliards de dollars, est l’acheteur de biens et de services du secteur public le plus important au Canada. Le Comité reconnaît donc que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour soutenir les PME canadiennes, y compris les entreprises appartenant à des Autochtones ou à des femmes. En mettant sur pied des initiatives et des stratégies judicieuses en matière d’approvisionnement, le gouvernement du Canada peut exercer une incidence considérable sur les PME et l’économie du pays. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada facilite l’accès et accroisse la participation des PME ainsi que des entreprises appartenant à des Autochtones et à des femmes à son processus d’approvisionnement, étant donné qu’elles créent de nombreux emplois.

Le Comité reconnaît que le processus d’approvisionnement fédéral est très complexe et peut être difficile à naviguer pour la plupart des propriétaires d’entreprises canadiennes, en particulier les propriétaires de PME et d’entreprises autochtones. Il trouve préoccupant le fait que la majorité des PME au Canada ne considèrent pas le gouvernement fédéral comme un client potentiel et que celles qui le font sont souvent découragées par le processus. Ainsi, le processus pourrait être grandement amélioré pour les PME. Le Comité reconnaît que le processus d’approvisionnement fédéral doit être simplifié pour les PME en réduisant le fardeau administratif, en veillant à ce que les exigences soient adaptées aux possibilités d'approvisionnement et en raccourcissant la durée du processus.

Dans le cadre de son étude, le Comité a observé que le processus d’approvisionnement fédéral est décousu et bénéficierait d'une meilleure coordination entre les ministères et organismes fédéraux. Il a aussi remarqué que l'approche du gouvernement fédéral en matière d'approvisionnement est centrée sur le gouvernement avec des processus qui ne sont pas orientés vers les fournisseurs et ne tiennent pas compte des besoins des PME. Les marchés publics fédéraux devraient être faciles à naviguer et axés sur les fournisseurs. De plus, les documents en lien avec l’approvisionnement devraient être rédigés en langage clair et les versions anglaise et française devraient être les mêmes. Le Comité encourage le Bureau des petites et moyennes entreprises, l’ombudsman de l’approvisionnement et le Tribunal canadien du commerce extérieur à poursuivre leurs activités de sensibilisation et à travailler en collaboration pour améliorer l’approvisionnement fédéral.

Le Comité reconnaît que la collecte et l’analyse des données constituent une étape importante pour l'évaluation des marchés publics fédéraux et pour la mise en relief des possibilités d'amélioration. Il faut évaluer la proportion des marchés qui sont attribués aux différents types de PME et recueillir des données sexospécifiques et ventilées par secteur d’activité. Il est aussi important que tous les Canadiens, y compris les entrepreneurs et les fournisseurs, aient facilement accès à des données fiables sur les marchés publics fédéraux en temps opportun.

Le Comité est convaincu, qu’avec la mise en œuvre des 40 recommandations du présent rapport, les obstacles auxquels font face les PME et les entreprises appartenant à des Autochtones ou à des femmes seront réduits, quand vient le moment d’exécuter le processus d’approvisionnement du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral doit améliorer son processus d’approvisionnement. À cette fin, il devra :

  • simplifier le processus d’approvisionnement actuel;
  • moderniser ses politiques et procédures de passation des marchés, notamment en simplifiant les exigences et en mettant à jour les modalités, tout en tenant compte des constatations du Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement;
  • adapter sa démarche d’approvisionnement au cas par cas;
  • adopter des stratégies pour encourager les responsables de l’approvisionnement et les fournisseurs à mettre davantage l'accent sur le meilleur rapport qualité-prix pour les Canadiens, notamment au moyen de propositions de valeur où les qualifications et la qualité sont davantage privilégiées en premier lieu plutôt que le coût;
  • fixer des cibles pour la valeur monétaire et le nombre de marchés d’approvisionnement fédéraux que le gouvernement fédéral octroie aux PME;
  • améliorer la collecte de données pour suivre et mesurer l’incidence de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones sur les activités menées par les entreprises autochtones afin d’assurer une plus grande imputabilité.

[1]              Services publics et Approvisionnement Canada [SPAC], Plan ministériel de 2018–2019, p. 10.

[2]              SPAC, « Foire aux questions », Code de conduite pour l’approvisionnement.

[3]              Le Canada est signataire de l’Accord de libre‑échange canadien (ALEC) avec les provinces et les territoires. L’ALEC a remplacé l’Accord sur le commerce intérieur (ACI) le 1er juillet 2017; l’ACI s’applique toutefois aux marchés lancés avant cette date.

[4]              SPAC, « 3 105. Exception relative à la sécurité nationale », Guide des approvisionnements.

[5]              La Loi sur investissement Canada prévoit aussi des exceptions visant à prévenir les investissements étrangers susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada. Voir Mathieu Frigon, Le processus d’examen des investissements étrangers au Canada, publication n2011-42-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 21 juillet 2014.

[6]              SPAC, « 9.40.55 Contestation des soumissions », Guide des approvisionnements.

[7]              Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes [OGGO], Témoignages, 1re session, 42e législature, 104e réunion, 31 octobre 2017, 1142 (Arianne Reza, sous-ministre adjointe, Approvisionnement, SPAC); et Témoignages, 1re session, 42législature, 105e réunion, 2 novembre 2017, 1235 (Matthew Sreter, directeur exécutif, Direction de l’élaboration et de l’intégration de la politique stratégique, SPAC).

[8]              Le Programme de surveillance de l'équité « fournit aux ministères clients, aux fournisseurs du gouvernement, au Parlement et à tous les Canadiens, une assurance indépendante que [SPAC] réalise ses activités de manière équitable, ouverte et transparente ».

[9]              Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement [BOA], « Notre mandat », Le Bureau.

[10]            BOA, Rapport annuel 2016-2017, p. 30.

[11]            Dans le rapport, le BOA a ajouté qu’il « est intéressant de noter que cette catégorie est l’une de celles à l’égard desquelles des fonctionnaires fédéraux ont directement communiqué avec le Bureau pour soulever des questions et des préoccupations à l’égard de fournisseurs : défaillant au contrat en raison d’un rendement faible ou insuffisant, incapables d’achever les travaux énoncés dans le contrat, ou non-respect des échéances ». Voir Ibid.

[12]            OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 113e réunion, 7 décembre 2017, 1245 (David Long, directeur général, SageTea Software, et Suhayya Abu-Hakima, cofondatrice et directrice générale, Amika Mobile Corporation).

[13]            Secrétariat du Conseil du Trésor, « Le gouvernement du Canada annonce une nouvelle opportunité d’approvisionnement agile », Communiqué, 4 janvier 2018.

[14]            Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Principales statistiques relatives aux petites entreprises – Juin 2016, 2016.

[15]            Ibid.

[16]            Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE], SME and Entrepreneurship Policy in Canada, 25 juillet 2017 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[17]            Diane Liao et al., Canadian Federal Procurement as a Policy Lever  to Support Innovation and SME Growth, Telfer School of Management, Université d’Ottawa, Ottawa, 2017 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[18]            OCDE, SME and Entrepreneurship Policy in Canada, 25 juillet 2017 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[19]            Frederico Mor et al., The collapse of Carillion, Briefing Paper Number 8206, Bibliothèque de la Chambre des communes du Royaume-Uni, 14 mars 2018 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[20]            Diane Liao et al., Canadian Federal Procurement as a Policy Lever  to Support Innovation and SME Growth, Telfer School of Management, Université d’Ottawa, Ottawa, 2017 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]. Selon le document, les résultats de l'étude sont fondés sur des tableaux de données publics tirés de l'Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises de 2014, menée par Innovation, Sciences et Développement économique Canada et Statistique Canada. Les tableaux reflètent les réponses de 10 397 propriétaires de petites et moyennes entreprises qui employaient entre 1 et 499 employés et qui ont généré des revenus bruts annuels de 30 000 $ ou plus en 2014.

[21]            Le seuil du Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) pour les contrats de biens et de services du gouvernement central est de 144 000 €.

[23]            Paul S. Chinowsky et Gordon A. Kingsley, An Analysis of Issues Pertaining to Qualifications-Based Selection, 2009 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[24]            United States Small Business Administration, « About Office of Government Contracting » [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[25]            United States Small Business Administration, «Types of Contracts», Contracting Guide [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[26]            United States Small Business Administration, «Governing rules and responsibilities», Contracting guide [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[27]            United States Small Business Administration, Au sujet du Bureau des marchés publics, 2 février 2018, [document de reference soumis à OGGO, 2 février 2018].

[28]            United States Small Business Administration, «Governing rules and responsibilities», Contracting guide [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[29]            Gouvernement du Royaume-Uni, Government is open for business [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[30]            La Politique des retombées industrielles et technologies (RIT) « s’applique aux approvisionnements admissibles en matière de défense et de la Garde côtière canadienne de plus de 100 millions de dollars qui sont exemptés des accords commerciaux internationaux. Les approvisionnements dont la valeur se situe entre 20 et 100 millions de dollars font également l’objet d’un examen pour l’application de la Politique des RIT ». Selon la Politique sur les RIT, les sociétés qui soumissionnent à la suite d’un appel d’offres en matière de défense sont cotées et pondérées en fonction des retombées industrielles et technologiques de leur investissement dans l’économie canadienne (la proposition de valeur). La proposition de valeur d’un soumissionnaire est évaluée et notée au regard de quatre principaux critères, à savoir les investissements dans le secteur canadien de la défense, le recours à des fournisseurs canadiens, la réalisation de travaux de recherche et de développement au Canada et la promotion des exportations canadiennes. Voir Martin Auger, L’évolution de l’approvisionnement en matière de défense au Canada,publication no 2016-09-F, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 4 février 2016, p. 9.

[32]            Le programme d’encouragements fiscaux Recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE) offre des incitatifs fiscaux pour la recherche pure, la recherche appliquée et le développement expérimental.

[33]            Le Programme d’aide à la recherche industrielle (PARI) du Conseil national de recherches du Canada fournit une aide financière aux petites et moyennes entreprises admissibles du Canada qui désirent mettre au point des technologies.

[34]            Aux États-Unis, les programmes Small Business Innovation Research (SBIR) et Small Business Technology Transfer (STTR) [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] encouragent les petites entreprises à faire des travaux de recherche et développement (R-D) subventionnés par le gouvernement fédéral qui ont un potentiel de commercialisation. Le programme STTR exige que les petites entreprises participantes soient affiliées à un établissement de recherche. Les deux programmes encouragent en outre les petites entreprises socialement et économiquement défavorisées et celles appartenant à des femmes à s’identifier comme telles au moment de faire leur demande d’aide financière. Le gouvernement fédéral utilise ces renseignements pour mieux cibler ses activités de rayonnement.

[35]            OGGO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 9e réunion, 10 décembre 2013, 1530 (Pablo Sobrino, sous-ministre adjoint délégué, Direction générale des approvisionnements, ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux).

[38]            Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Principales statistiques relatives aux petites entreprises – juin 2016, 2016.

[40]            Gouvernement des États-Unis, Federal Register : Notices, vol. 82, no 195, 11 octobre 2017, p. 472278 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[41]            United States Small Business Administration, Women-Owned Small Business Federal Contracting program [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[42]            Ibid.

[43]            Ibid.

[44]            Conseil canadien pour le commerce autochtone, Promise and Prosperity : The 2016 Aboriginal Business Survey, p. 12 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[45]            Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Évaluation de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones – Numéro du projet : 1570‑7/13057, Rapport final, juin 2014, p. 2.

[46]            Ibid., p. 4.

[47]            Affaires autochtones et du Nord Canada [AANC], Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones – Brochure.

[48]            Conseil canadien pour le commerce autochtone, Promise and Prosperity : The 2016 Aboriginal Business Survey, p. 43 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[50]            Justin Trudeau, Premier ministre du Canada, De nouveaux ministres appuieront la relation renouvelée avec les peuples autochtones, communiqué de presse, 28 août 2017.

[51]            OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 106e réunion, 7 novembre 2017, 1132 (Sheilagh Murphy, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, AANC) et 1232 (Mme Reza).

[52]            AANC, Réponses aux demandes de suivi du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, 7 novembre 2017, p. 1-2 [Lettre reçue par OGGO, 14 février 2018].

[53]            Conseil canadien pour le commerce autochtone, Promise and Prosperity : The 2016 Aboriginal Business Survey, p. 44 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[54]            Ibid., p. 45.

[55]            OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 avril 2018, (Marc LeClair, conseiller spécial, Ralliement national des Métis, et Brian Card, coordonnateur bilatéral, Ralliement national des Métis).

[56]            Ibid.

[57]            OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 106e réunion, 7 novembre 2017, 1111 (Mme Reza) et 1129 (Mme Murphy).

[58]            AANC, Réponses aux demandes de suivi du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires (OGGO) – 7 novembre 2017, pp. 1-2. [Lettre reçue par OGGO, 14 février 2018]

[59]            OGGO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 128e réunion, 26 avril 2018, (M. LeClair et M. Card).