OGGO Rapport du Comité
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Rapport dissident des conservateursPréambule et sommaire Le Comité des opérations gouvernementales (OGGO) a entrepris son étude de la Société canadienne des postes (SCP) à l’automne 2016, après la publication du rapport du Groupe de travail chargé de l’examen de Postes Canada. L’objet de l’étude du Comité OGGO était de tenir une discussion, fondée sur le document de travail du Groupe de travail, qui permettrait de présenter clairement les faits et les options viables concernant l’avenir de Postes Canada[1]. Le mandat du Comité, dans le cadre de cette étude, était de consulter la population et les autres intervenants et de présenter des recommandations au gouvernement du Canada d’ici la fin de 2016. Les membres conservateurs du Comité OGGO ont produit le présent rapport dissident parce qu’ils estiment que le rapport majoritaire ne présente pas adéquatement les faits et les options viables : au lieu de proposer des solutions tangibles aux problèmes de Postes Canada, le rapport majoritaire offre une liste de souhaits détachés du concret. Les recommandations qui y sont formulées laissent de côté des mesures concrètes et tangibles qui permettraient à la SCP de se doter d’un modèle d’entreprise viable et adapté à l’évolution de la demande. Or, le Comité doit rendre compte de ce qu’il a entendu pendant les consultations, et il a la responsabilité fiduciaire, conformément au mandat de l’étude, de présenter les faits et des options d’avenir viables pour la SCP. Les témoignages entendus sont formels : les Canadiens tiennent à Postes Canada comme institution postale. Ils veulent que la SCP continue de distribuer le courrier, mais croient qu’elle doit agir pour s’assurer un avenir viable[2]. Par contre, les Canadiens ont clairement signalé qu’ils ne veulent pas que le gouvernement se serve des fonds publics ou augmente les impôts pour subventionner Postes Canada; ils ne veulent pas non plus que la SCP cherche des revenus supplémentaires dans des activités qui ne correspondent pas au mandat d’une société postale[3]. Or, le rapport majoritaire dédaigne des mesures chiffrées et réelles qui renforceraient la position financière de Postes Canada; il est évident du rapport majoritaire, est fondé sur les promesses électorales mal avisées – de passer sous silence les pratiques chiffrées que Postes Canada utilise ou a commencé à mettre en œuvre. Les membres conservateurs du Comité se sentent donc obligés d'offrir les recommandations suivantes pour aider à assurer l'avenir d'une institution appréciée par la vaste majorité des Canadiens. Les consultations sur Postes Canada : des chiffres À l’automne 2016, le Comité a entendu 190 témoins, dont 50 étaient des femmes, moins de 10 étaient des Autochtones, et près de 65 représentaient le milieu syndical[4]. Il ne faut pas conclure de ces chiffres que les témoignages entendus ne sont pas valides, mais plutôt qu’ils n’offrent pas nécessairement une représentation équilibrée de tous les intervenants, ni un portrait proportionnel des Canadiens qui bénéficieraient de la réussite de la SCP. Par comparaison, on peut lire ce qui suit sur le sondage réalisé par le Groupe de travail : Les points de vue des Canadiens qui vivent en milieu urbain et en banlieue ainsi que dans les collectivités rurales ou plus éloignées ont été recueillis au moyen d’un sondage téléphonique national mené auprès de 2 246 personnes sélectionnées aléatoirement. Un suréchantillonnage a été effectué auprès des personnes âgées autonomes, des utilisateurs de téléphonie cellulaire uniquement, des jeunes âgés de 18 à 34 ans, des personnes à mobilité réduite, des Canadiens des régions rurales et des Canadiens qui vivent dans le Nord. Dans l’ensemble, les résultats du sondage sont considérés comme exacts selon une marge d’erreur de ± 2 %, l’intervalle de confiance étant de 95 %. Les points de vue d’Autochtones habitant à l’intérieur et à l’extérieur des réserves ont été recueillis au moyen d’un sondage téléphonique national réalisé auprès d’un échantillon aléatoire de 401 Autochtones. La marge d’erreur de l’échantillon total est de ± 4,9 %, et celle des échantillons prélevés à l’intérieur et à l’extérieur des réserves est de ± 6,9 %. L’intervalle de confiance est de 95 % pour les deux valeurs. Finalement, les points de vue et opinions de petites, moyennes et grandes entreprises et organisations des secteurs privé et public et d’organisations à but non lucratif de partout au Canada ont été recueillis au moyen d’un sondage téléphonique national mené auprès de 1 202 entités choisies au hasard. Dans l’ensemble, les résultats du sondage sont considérés comme exacts selon une marge d’erreur de ± 2,8 %, l’intervalle de confiance étant de 95 %[5]. Les recommandations du Comité doivent donc être placées dans ce contexte – celui du large échantillon qu’a prélevé le Groupe de travail auprès des 35 millions de Canadiens, versus les témoignages plus ciblés qu’a entendus le Comité – si on veut dégager des recommandations complètes sur l’avenir de Postes Canada. Aperçu général Les Canadiens sont très satisfaits du rendement de Postes Canada, mais la plupart reconnaissent qu’ils utilisent beaucoup moins souvent le courrier ordinaire que par le passé, l’accès au courrier électronique étant de plus en plus facile. Les Canadiens reconnaissent aussi que Postes Canada subit des pressions financières importantes qui compromettent sa viabilité à long terme, et que des changements opérationnels s’imposent[6]. Le sondage du Groupe de travail tout comme les témoignages livrés au Comité révèlent un consensus clair : Postes Canada doit être ouverte à l’adaptation de ses services, de ses heures de travail et de ses coûts, surtout si cette adaptabilité permet le maintien des services de base de Postes Canada sans augmentation de l’impôt ni hausse du prix des timbres[7]. C’est ce qui ressort avec évidence des opinions suivantes, partagées respectivement par 67, 73 et 65 % des personnes sondées par le Groupe de travail : tous les habitants des régions urbaines et suburbaines devraient utiliser les boîtes postales communautaires; la distribution du courrier pourrait ne se faire qu’un jour sur deux; et Postes Canada pourrait ajouter un jour ou deux au délai de livraison des lettres. Aucune de ces mesures n’imposerait de coût aux contribuables, et les Canadiens préfèrent la solution de l’adaptabilité à celle des hausses d’impôts. Du point de vue financier, Postes Canada se trouvera d’ici quelques années dans une situation grave si elle ne remanie pas en profondeur sa structure actuelle. Lors de leur comparution à la fin du mois d’octobre dernier, des représentants d’Ernst & Young – le cabinet choisit de procéder à la vérification de Postes Canada et faire des projections sur 10 ans – ont dit ce qui suit : À plus long terme, les projections financières jusqu'en 2026 laissent entrevoir une situation insoutenable, avec des pertes annuelles de l'ordre de plus de 700 millions de dollars. Les facteurs de ces résultats négatifs sont multiples, mais comprennent l'érosion soutenue du courrier postal en raison de l'usage répandu des communications électroniques; la pression inflationniste sur les coûts; l'agrandissement du réseau lié à la croissance démographique au Canada; la concurrence, notamment la venue de nouveaux fournisseurs de services, des fournisseurs de services à moindre coût et l'avènement de technologies perturbatrices; et les besoins de financement du régime de retraite. Notre analyse nous porte à croire que le montant des pertes projetées par Postes Canada se situe à la limite optimiste de la fourchette des pertes estimatives raisonnables. Il pourrait être plus élevé[8]. Les chiffres précis étudiés par Ernst & Young sont confidentiels, mais il suffit d’en lire le sommaire pour voir que les perspectives de la SCP sont négatives. Tant l’analyse produite par le Groupe de travail que les projections internes de Postes Canada décrivent la même situation[9]. Pourtant, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes voit les choses d’un tout autre œil : arguant que Postes Canada a généré des profits pendant 17 des 20 derniers exercices, il en conclut qu’elle ne connaîtra jamais de difficultés financières. Si tous ne s’entendent pas sur la situation financière à court terme de Postes Canada, le Comité en général et ses membres conservateurs en particulier croient que la SCP encourra des déficits majeurs si elle ne réduit pas ses dépenses opérationnelles. Vu la chute de la demande pour les lettres (un produit à forte marge de profit), le modèle actuel n’est en effet viable ni à court ni à long terme. Le rapport majoritaire Nous ne souscrivons pas à l’opinion majoritaire du Comité OGGO au terme de cette étude. En effet, cette opinion majoritaire ne tient pas compte du grave manque à gagner qui menace Postes Canada, et elle néglige la responsabilité fiduciaire qu’implique l’étude demandée au Comité. Elle rejette plusieurs initiatives qui amélioreraient la situation financière de Postes Canada, et contient des affirmations qui sont tantôt irréconciliables avec des recommandations pourtant judicieuses, tantôt largement redondantes, ou encore sans lien aucun avec la recommandation subséquente. Nous ne pouvons donc pas ajouter nos signatures à un document qui est si déconnecté de la réalité de Postes Canada. Nous approuvons en effet les deux recommandations suivantes : Recommandation 1 : Postes Canada demeure un service public accessible à tous les Canadiens et veille à l’autofinancement de son exploitation tout en réinvestissant les profits générés dans la Société. Recommandation 2 : Postes Canada cherche d’abord et avant tout à protéger son mandat de base, soit celui d’offrir à tous les Canadiens des services de livraison du courrier et de colis abordables et d’excellente qualité d’une manière innovante et adaptée au 21e siècle. Le Groupe de travail a évalué les options à l’aune de trois critères : le potentiel d’accroissement du bénéfice d’exploitation, la dynamique du marché et la concordance avec les capacités actuelles de Postes Canada[10]. Nous avons ajouté deux critères aux fins du présent rapport dissident : le potentiel d’accroissement des économies, et l’appui qu’obtient l’option dans la population. Parmi toutes les recommandations qu’énumère le rapport majoritaire, celles qui sont énoncées ci-dessus sont les seules qui répondent à nos critères d’évaluation. Il y a d’autres énoncés de valeurs que nous faisons nôtres dans le texte de l’opinion majoritaire, mais comme ils désignent des pratiques actuelles de la SCP et ne forment pas des recommandations substantielles, nous ne jugeons pas nécessaire de les reprendre ici. La plupart des recommandations de la majorité passent outre aux projections chiffrées qui ont été établies, et elles ne sont guère à même d’aider à stabiliser la situation financière de Postes Canada. L’analyse du rapport du Groupe de travail, Ernst & Young et l’opinion publique abondent dans le même sens : Postes Canada devrait mettre fin au moratoire sur les boîtes postales communautaires. Or, c’est le contraire de ce que recommande l’opinion majoritaire, qui semble s’imaginer que ses autres recommandations compenseront facilement les économies considérables que les boîtes postales communautaires auraient permis de réaliser. Le maintien du moratoire est justifié, dans le préambule des recommandations 20 et 24, par une analyse douteuse qui voit dans la « restauration de la distribution à domicile » un moyen possible d’assurer l’avenir de Postes Canada, de préserver sa part du marché et de compenser les recettes perdues. Or, outre que le Comité n’a entendu aucun témoignage crédible soutenant que la fin de la distribution à domicile s’accompagnait pour Postes Canada d’une perte de revenus, les affirmations de la majorité traduisent une indifférence aveugle aux réalités financières. Ensuite, la majorité recommande que le réseau de Postes Canada serve à fournir des services d’accès Internet à large bande et de téléphonie cellulaire dans les régions rurales ou éloignées. De prime abord, cette utilisation du vaste réseau de bureaux de poste de la SCP n’est pas objectivement irresponsable. Le problème est que le Comité n’a pas entendu de témoignages substantiels indiquant que c’est là un désir répandu dans la population, ou que ce mode de prestation est financièrement viable, ou même réalisable du point de vue technique. Il s’agit donc d’un autre exemple d’une belle idée qui n’a jamais été mise à l’épreuve, n’est pas chiffrée et n’est pas justifiée par des renseignements clairs. La dernière recommandation contestable que nous voulons mentionner concerne le régime de retraite de Postes Canada, lequel connaît un fort manque de fonds. La majorité recommande l’élimination de l’exigence de solvabilité et l’incorporation du régime de retraite de la SCP au Régime de pension de retraite de la fonction publique. Or, outre que ce serait conférer un avantage concurrentiel injuste à Postes Canada que de l’exempter – mais non ses compétiteurs du secteur privé – de l’obligation de capitalisation, ni l’une ni l’autre de ces recommandations ne prévoient la viabilité du fonds. L’intention de la majorité semble être d’inciter la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, qui supervise Postes Canada, à profiter de cette consultation pour restructurer l’administration et le mandat de la Société. Mais ce n’est pas le mandat du Comité, dans le cadre de cette étude, que de recommander ou conseiller des changements structurels à la ministre; si la ministre ou le gouvernement souhaite restructurer Postes Canada ou en redéfinir le mandat, ils n’ont qu’à le faire. Le Comité n’a pas pour rôle de légitimer, par ses recommandations, des décisions qui n’ont même pas l’appui des Canadiens dans leur ensemble. Recommandations Contexte des recommandations 1 et 2 Les Canadiens se sont exprimés clairement : un service des postes (lettres et colis) est encore nécessaire aujourd’hui, mais Postes Canada doit spécifiquement s’assurer de la viabilité financière de ses services de base avant de se lancer dans d’autres activités extérieures à son mandat. C’est donc dire que la SCP devrait concentrer ses efforts sur la protection de ses services traditionnels, et reconnaître l’importance des bureaux de poste ruraux dans les petites villes et communautés. De fait, les témoins que nous avons entendus en milieu rural se sont dits favorables au maintien des services postaux traditionnels. Cela dit, il existe un écart entre les désirs des Canadiens urbains et des Canadiens ruraux en ce qui concerne l’avenir de Postes Canada : les habitants des villes sont à proximité de centaines de comptoirs postaux ou services franchisés, alors que les Canadiens ruraux doivent régulièrement se déplacer assez loin pour aller au seul bureau de poste de la région. Le présent rapport dissident réitère donc que Postes Canada doit protéger et maintenir sa position dans les régions rurales et éloignées du Canada. La Société représente parfois le seul lien avec ces communautés; il est donc essentiel que les mesures prises pour assurer son avenir se focalisent sur la protection de la distribution postale dans les régions rurales. Fait important, Postes Canada est une société d’État indépendante depuis 1981 (elle était jusque-là un ministère). Or, l’un des principes de base des sociétés d’État est qu’elles sont pleinement indépendantes : elles ne sont pas soumises aux caprices du gouvernement et sont libres de prendre les décisions qui sont dans leur intérêt, plutôt que de servir les intérêts politiques du parti au pouvoir. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, nous sommes préoccupés par l’orientation que le gouvernement actuel tente d’imprimer à Postes Canada, et nous préférons fortement que la Société reste indépendante. Recommandation 1 : Le gouvernement et le Comité reconnaissent que Postes Canada est une société d’État indépendante, dotée d’un conseil d’administration indépendant, alors le gouvernement du Canada devrait s'abstenir de limiter son autonomie dans ses affaires et la direction qu'elle choisit. Recommandation 2 : Postes Canada devrait se concentrer sur son mandat de base traditionnel, qui est d’offrir des services de livraison du courrier et de distribution postale abordables et d’excellente qualité à tous les Canadiens Contexte de la recommandation 3 La SCP a longuement parlé au Comité de ses initiatives de production de recettes. Comme beaucoup d’entre elles viennent des employés de la Société, nous appuyons les recommandations visant à simplifier les discussions sur l’innovation entre le personnel et les employeurs. Cependant, les témoins qui ont comparu devant le Comité ne s’entendaient pas tous sur l’opportunité de certaines innovations. Ainsi, plusieurs voulaient qu’on envisage d’offrir des services bancaires postaux, puisque d’autres pays ayant un régime postal national le font. Mais d’autres témoins, y compris les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, des associations bancaires nationales et de diverses coopératives de crédit, se sont dits sceptiques à l’égard de cette idée et ont recommandé que Postes Canada se concentre plutôt sur son modèle d’affaires de base[11]. La SCP a fourni des services bancaires postaux de 1869 jusqu’à ce qu’ils soient abolis en 1968, sous le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau. Or, la législation adoptée depuis 1968 interdit le rétablissement d’une banque postale, qui serait contraire à la Loi sur les banques, à la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et à la Loi sur la gestion des finances publiques. Il est vrai que Postes Canada a envisagé des options qui seraient conformes à la législation, comme la conclusion d’un partenariat exclusif avec un établissement financier, ou la prestation de services pour un ensemble de banques. Les témoignages entendus montrent qu’il y a eu une tentative de tisser des liens entre la SCP et les institutions financières en 2010, mais le secteur bancaire n’a pas fait montre alors d’enthousiasme. C’est ce même sentiment qu’ont clairement exprimé les témoins de l’industrie des banques qui ont comparu devant le Comité. Comme les études de la SCP sur les services bancaires postaux contiennent des renseignements commercialement sensibles, elles ne peuvent pas être reproduites dans le présent rapport. Il faut toutefois noter que le concept de banque postale ne recueille qu’un faible appui, les personnes sondées ne souhaitant pas que Postes Canada se lance dans un secteur complètement différent de celui des postes. Après avoir pris connaissance des études approfondies réalisées par Postes Canada à la fin des années 2000, des résultats de plusieurs projets pilotes et des travaux d’Oliver Wyman à ce sujet, nous estimons que Postes Canada a à sa disposition toute l’information pertinente pour juger de l’opportunité de rétablir une banque postale. Le présent rapport dissident souscrit aux conclusions de la SCP et du Groupe de travail : les services bancaires postaux ne sont pas une panacée qui sauvera Postes Canada et assurera son avenir pendant des décennies; bien au contraire, c’est une idée utopique qui au mieux fera ses frais si elle est structurée correctement, mais risque beaucoup plus d’être un gouffre financier pour les contribuables. Le Comité OGGO a aussi entendu des témoignages sur l’incorporation de divers services gouvernementaux aux activités courantes de la SCP, question d’utiliser son vaste réseau de points de service. De fait, ce réseau à grande échelle est souvent présenté comme le grand avantage de Postes Canada (après son image de marque), et beaucoup des innovations proposées impliquaient l’utilisation de ses nombreux points de service. Cela dit, on n’observe pas que les Canadiens soient nombreux à vouloir recevoir des services gouvernementaux à leur bureau de poste, puisqu’ils ne veulent pas que Postes Canada s’éparpille au-delà de son cadre d’affaires traditionnel[12]. Il faut toutefois noter que le présent rapport ne s’oppose pas à ce que des ressources de base, comme des ordinateurs ou des imprimantes, soient disponibles dans les bureaux de poste ruraux ou éloignés, afin d’aider les habitants locaux à accéder aux services en ligne du gouvernement. Mais le Comité a sondé tous les organismes du gouvernement, et à une exception près, aucun ne s’est dit intéressé à fournir ses services dans les bureaux de Postes Canada. La Société a bien tenté, à titre de projet pilote, d’offrir un service de passeport, mais elle a finalement décidé d’abandonner ce programme par manque de demande : il était plus facile et moins coûteux aux Canadiens d’obtenir ce service en ligne. De plus, des employés ont dit au Comité que la prestation de services supplémentaires au nom d’autres organismes gouvernementaux impliquerait d’embaucher des préposés et de donner de la formation, et ce, malgré l’utilisation relativement sporadique de ces services. On se demande pourquoi la majorité s’attend à ce que ces services s’avèrent populaires alors que les tentatives précédentes ont fait long feu, à ce qu’ils génèrent des recettes significatives sans entraîner de coûts, ou à ce que les organismes gouvernementaux acceptent de payer un loyer à Postes Canada pour l’utilisation de ses locaux. Cette idée ne produira pas de revenus. Par conséquent, étant donné le sens de l’innovation dont Postes Canada fait montre et la réticence des Canadiens à l’endroit des initiatives qui redéfinissent en profondeur – voire contredisent – les activités traditionnelles de la Société, la troisième recommandation suivante est formulée. Recommandation 3 : Postes Canada devrait trouver des façons novatrices et fiables de maintenir sa viabilité sans trahir son mandat de base traditionnel. Contexte de la recommandation 4 Plusieurs témoins – des experts internes ou extérieurs à la Société, dont les représentants d’Ernst & Young déjà mentionnés – ont parlé du trou budgétaire de plus en plus profond qui attend Postes Canada au cours des 10 prochaines années. On trouve dans le rapport du Groupe de travail plusieurs propositions qui ont été étudiées sérieusement, offrent des solutions tangibles et ont été chiffrées, auditées et vérifiées adéquatement. Cela dit, le Groupe de travail admet clairement que ces propositions, si elles constituent un bon début, ne sauraient pallier entièrement au manque à gagner projeté. Le Groupe de travail signale dans son rapport que la transition aux boîtes postales communautaires (BPC) permettra des économies annuelles révisées de 400 à 450 millions de dollars lorsque la stabilité sera rétablie une fois éliminée la distribution à domicile[13]. La SCP a dû « revoir » cette estimation en raison des réactions imprévues qu’a suscitées la première vague de conversions. Selon Ernst & Young, la cible revue est raisonnable. Dans son rapport, le Groupe de travail affirme formellement que l’interruption de la transition aux BPC obligerait la SCP à trouver ailleurs des économies projetées de 370 millions de dollars, puisque les conversions réalisées à ce jour ont permis des économies de 90 millions de dollars en 2014-2015[14]. Il est vrai que certains témoins se sont prononcés contre les BPC ou ont appelé de leurs vœux le rétablissement de la distribution à domicile. Mais leur position contraste avec l’opinion publique, qui est à un degré plus ou moins élevé favorable à la poursuite de la transition aux BPC : le Groupe de travail signale que deux tiers des Canadiens veulent que l’on continue les conversions, surtout si elles ont un impact positif sur l’avenir financier de Postes Canada[15]. Or, la majorité recommande de maintenir le moratoire, ce qu’on peine à concilier avec les analyses entendues par le Comité, qui démontrent clairement l’espace budgétaire que crée la transition aux BPC. Nous reconnaissons toutefois que l’accès aux BPC est impossible à certains Canadiens; Postes Canada devrait donc continuer d’offrir la distribution à domicile aux personnes âgées ou handicapées et à celles qui ne peuvent pas se rendre à leur BPC. La Société devrait aussi mieux communiquer les possibilités d’accommodements offertes, des témoins ayant donné à entendre qu’elle n’a pas adéquatement fait connaître les options mises à la disposition des personnes qui ne peuvent accéder facilement à leur BPC. Par ailleurs, le Groupe de travail recommande dans son rapport de poursuivre, dans certaines régions, la conversion des bureaux de poste en franchises. Le Comité OGGO a pu lire dans les analyses financières qu’on lui a remises que les bureaux de poste sont inutilement coûteux, surtout lorsque les mêmes services peuvent être fournis par un comptoir franchisé[16]. Certes, les Canadiens sondés se disent légèrement moins satisfaits du service franchisé que du service aux bureaux de poste, mais l’écart est trop modeste pour qu’on rejette simplement le franchisage. En fait, les sondages de Postes Canada révèlent que les clients urbains sont aussi satisfaits des comptoirs franchisés que des bureaux de poste, et qu’ils apprécient particulièrement leurs longues heures d’ouverture. Dans le même ordre d’idées, le Groupe de travail et les témoins de la SCP ont proposé de rationaliser les centres de tri de la Société afin d’en rendre les activités plus efficientes et de les adapter à la croissance continue (et nécessaire) de la livraison de colis. Enfin, et c’est le point le plus important, le Groupe de travail a mené de vastes consultations représentant toute la diversité de la population, alors que l’étude du Comité OGGO n’a permis de sonder qu’un segment plus étroit de la population, soit les personnes qu’intéresse particulièrement le sort de la SCP. Il en résulte que les recommandations du Groupe de travail reflètent plus exactement les opinions des Canadiens, et que leurs analyses rendent davantage compte de ce que la population veut. Par conséquent, nous formulons la quatrième recommandation suivante : Recommandation 4 : Postes Canada devrait envisager de mettre en œuvre les mesures de viabilité des opérations proposées dans le rapport du Groupe de travail. Contexte de la recommandation 5 Les témoins ont dit au Comité que le principal secteur de croissance de Postes Canada était la livraison de colis, mais que la concurrence y était féroce et croissante, et les marges beaucoup plus minces que pour la distribution du courrier[17]. Postes Canada, pour rester compétitive, doit continuellement éliminer le gaspillage et trouver des économies d’efficience; elle ne doit pas s’attendre à vivre des subsides du gouvernement. Ce message a été martelé : les Canadiens ne veulent pas payer plus d’impôt – ou payer beaucoup plus cher le timbre – pour subventionner la SCP. Les profits devraient être réinvestis dans la SCP elle-même (modernisation des actifs, gains d’efficience), et s’il y a des profits, l’envoi d’une lettre devrait rester abordable. Par ailleurs, Postes Canada doit agir face au problème que représentera bientôt son régime de retraite. Les experts – ceux de la SCP comme ceux de l’extérieur – ont signalé que le déficit de solvabilité continue de grever la position financière de la Société[18]. Des mesures sont donc nécessaires pour atténuer le risque. Certains témoins ont fait valoir que la SCP ne devrait pas se soucier de son déficit d’insolvabilité puisque celui-ci ne poserait problème que s’il fallait acquitter d’un seul coup toutes les obligations relatives aux pensions. Les membres de l’opposition rejettent ce point de vue. En effet, cette permissivité n’étant pas accordée uniformément à ses compétiteurs du secteur privé, la SCP en retirerait un avantage injuste quant au coût de la main‑d’œuvre. De plus, on peut lire à la recommandation 13 du rapport majoritaire que le régime de retraite de Postes Canada devrait être incorporé au Régime de pension de retraite de la fonction publique. Cette recommandation est particulièrement mal avisée : on compte actuellement quelque 50 sociétés d’État fédérales et des dizaines de filiales, et chacune a son régime de pension particulier. L’intégration de celui de Postes Canada au Régime de pension de retraite de la fonction publique créerait un précédent dangereux et coûteux et ouvrirait la porte à une incorporation similaire de tous les régimes de retraite des sociétés d’État. Or, les sociétés d’État sont censées – c’est fondamental – fonctionner de façon indépendante du gouvernement. La recommandation de la majorité est donc bien mal choisie. Cependant, Postes Canada pourrait envisager de stabiliser son régime de retraite au moyen d’un modèle à risques partagés ou d’un régime à cotisations déterminées pour les nouveaux employés. Recommandation 5 : Postes Canada devrait s’assurer que toutes les mesures qu’elle prend pour moderniser ses opérations soient sans incidence sur les recettes, par égard pour les contribuables. Conclusion Le Comité a entendu moins de deux cents témoins au cours de consultations qui ont duré plusieurs semaines. Nous avons visité quinze circonscriptions libérales, cinq circonscriptions conservatrices et deux circonscriptions néodémocrates. Nous avons tenu une audience en Colombie-Britannique et une en Alberta – où vivent près de neuf millions de Canadiens –, contre deux en Nouvelle-Écosse, deux à Terre-Neuve et une à l’Île‑du‑Prince‑Édouard – trois provinces qui comptent moins de deux millions d’habitants. Les interventions entendues sont certes précieuses, et nous sommes reconnaissants de leurs efforts au Comité et aux témoins, mais ces témoignages ne doivent pas être considérés comme entièrement représentatifs de ce que les Canadiens pensent et veulent au sujet de Postes Canada. Il faut donc analyser les conclusions du Comité de concert avec celles du Groupe de travail, qui a contacté et sondé un bien plus vaste échantillon de Canadiens. Il y a une grande divergence entre, d’une part, les idées des témoins – et des Canadiens sondés – quant à l’avenir de Postes Canada et, d’autre part, la réalité financière de la Société. Après avoir entendu et étudié les témoignages, nous, membres minoritaires du Comité, avons confiance dans les analyses financières réalisées pour le Groupe de travail et par Postes Canada elle‑même dans le cadre de sa réflexion sur son avenir. Or, ces analyses ne prédisent pas un avenir stable et financièrement viable à la Société, à moins que des changements n’aient lieu. les recommandations sensées du présent rapport, combinées aux quelques recommandations du rapport majoritaire que nous approuvons et à l’analyse approfondie contenue dans le rapport du Groupe de travail, constituent un point de départ acceptable; sur ce fondement, Postes Canada pourra continuer sa recherche de solutions novatrices pour renforcer sa situation financière. nous n’avons pas constaté qu’un vaste segment de la population souhaite que Postes Canada se réinvente, change son mandat traditionnel ou fournisse des services sans lien avec la distribution postale. De plus, nous n’avons ni le mandat ni le droit de dicter à Postes Canada des changements opérationnels précis. La responsabilité du comité est de fournir au gouvernement de la rétroaction sur ce que souhaitent les Canadiens, et nous croyons que le présent rapport rend compte des opinons les plus fréquemment exprimées par l’ensemble de nos compatriotes. Nous croyons que c’est en prenant des décisions judicieuses, à la lumière des faits, que Postes Canada pourra renforcer ses finances et continuer à fournir des services postaux de haute qualité d’un bout à l’autre du pays. [1] Gouvernement du Canada, Au sujet de l’Examen de Postes Canada. [2] Françoise Bertrand, présidente, Groupe de travail sur la Société canadienne des postes, Témoignages, 1re session, 42e législature, réunion no 26, 20 septembre 2016. [3] Ibid. [4] Pour la liste de toutes les consultations publiques tenues, voir l’annexe A du rapport complet du Comité. [5] Bertrand, Francoise, Ksystyna T. Hoeg, Jim Hopson, et Marena McLaughlin, Postes Canada à l’ère du numérique, document de travail, 2016. [6] Ibid. [7] Ibid. [8] Pierre Lanctôt, associé, Services consultatifs, Ernst & Young; Charles-Antoine St-Jean, associé, Services consultatifs, Ernst & Young; et Uros Karadzic, associé, Services consultatifs, Ernst & Young, Témoignages, 1re session, 42e législature, réunion no 53, 31 octobre 2016. [9] Bertrand, Françoise, Ksystyna T. Hoeg, Jim Hopson, et Marena McLaughlin, Postes Canada à l’ère du numérique, document de travail, 2016. [10] Ibid. [11] Krystyna Hoeg, membre, Groupe de travail sur la Société canadienne des postes, Témoignages, 1re session, 42e législature, réunion no 26, 20 septembre 2016. [12] Bertrand, Françoise, Ksystyna T. Hoeg, Jim Hopson, et Marena McLaughlin, Postes Canada à l’ère du numérique, document de travail, 2016. [13] Bertrand, Françoise, Ksystyna T. Hoeg, Jim Hopson, et Marena McLaughlin, Postes Canada à l’ère du numérique, document de travail, 2016. [14] Ibid. [15] Ibid. [16] Ibid. [17] Pierre Lanctôt, associé, Services consultatifs, Ernst & Young; Charles-Antoine St-Jean, associé, Services consultatifs, Ernst & Young; et Uros Karadzic, associé, Services consultatifs, Ernst & Young, Témoignages, 1re session, 42e législature, réunion no 53, 31 octobre 2016. [18] Ibid. |