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RNNR Rapport du Comité

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Opinion dissidente de l’Opposition officielle

À titre de députés de l’Opposition officielle, nous tenons à remercier les témoins qui ont comparu devant le Comité pour contribuer à l’étude sur l’avenir de l’industrie minière canadienne.

Bien que l’importance de l’industrie minière pour l’économie ait fait l’objet d’un consensus au sein du Comité, les recommandations présentées dans le rapport majoritaire ne tiennent pas compte des préoccupations exprimées par de nombreux témoins. Au contraire, nombre de recommandations ne sont pas fondées sur les témoignages entendus et semblent avoir été rédigées de manière à être conformes à la politique gouvernementale existante. Par exemple, aucun témoin n’a parlé de « stratégie pancanadienne », mais ce terme a été utilisé dans une recommandation sur la tarification du carbone dans le rapport majoritaire.

Nous soumettons le présent rapport dissident par respect pour les témoins qui ont comparu devant le Comité et pour les milliers de familles de la classe moyenne dont le gagne‑pain dépend de la prospérité de notre secteur minier.

Nous exhortons le gouvernement fédéral à tenir compte des recommandations qui suivent :

1 – Le gouvernement du Canada devrait effectuer une évaluation détaillée des répercussions économiques d’une taxe fédérale sur le carbone et rendre celle‑ci publique avant d’imposer la taxe à cette industrie tributaire du commerce qui produit des émissions élevées.

De nombreux témoins et intervenants ont fait part au Comité des ressources naturelles de points de vue variés à propos de la taxe fédérale sur le carbone. Certains témoins étaient favorables à l’idée de cette taxe, mais de nombreux autres ont exprimé des inquiétudes. Plusieurs témoins ont déclaré que la nouvelle taxe sur le carbone pourrait avoir un effet néfaste sur l’industrie et devenir un facteur déterminant quant à la réalisation ou non de certains projets.  Cette mesure pourrait faire un tort considérable au développement économique canadien et causer la perte de nombreux emplois bien rémunérés.  La mise en œuvre d’une taxe sur le carbone pourrait nuire à la compétitivité d’industries canadiennes – en particulier le secteur des ressources naturelles – sur la scène mondiale, ce qui signifie que les investissements et les emplois pourraient aller ailleurs.

Par exemple, Pamela Schwann, de la Saskatchewan Mining Association, a déclaré ceci : « En tant qu’industrie, surtout avec la potasse et l’uranium, nous ne sommes pas en mesure de refiler aux marchés des taxes sur le carbone.  C’est tout simplement impossible, alors nous avons besoin d’une certaine protection des secteurs tributaires du commerce, comme c’est le cas avec la Saskatchewan. »[1]

Mike McDougall, de la Klondike Placer Miners’ Association, a renchéri sur le sujet : « Nous ne pouvons pas répercuter notre taxe parce que nous vendons une denrée sur les marchés internationaux. Notre or est vendu en fonction d’un cours international et nous ne pouvons pas répercuter nos coûts. Tous les coûts que nous subissons ont un effet direct sur la marge bénéficiaire. »[2]

Les témoignages que nous avons entendus démontrent clairement que le gouvernement fédéral doit effectuer une évaluation détaillée des répercussions économiques d’une taxe fédérale sur le carbone sur le secteur minier et qu’il doit rendre publics les résultats de cette évaluation avant d’imposer la taxe à cette industrie tributaire du commerce qui produit des émissions élevées. Si le gouvernement entend vraiment prendre des décisions qui reposent sur des fondements scientifiques, il doit accepter cette recommandation, qui repose sur les témoignages d’experts que nous avons entendus au cours de l’étude.

Si le gouvernement refuse d’entreprendre une telle évaluation, c’est qu’il sait déjà quelles seront les répercussions économiques et qu’il les tient secrètes ou bien qu’il ignore de quelle sera leur  nature et met en péril une activité économique qui génère des milliards de dollars ainsi que des dizaines de milliers d’emplois. 

Si le gouvernement sait déjà quelles sont ces répercussions économiques, ces données doivent être rendues publiques. Dans le cas contraire, s’il refuse de procéder à une évaluation, il manque alors à sa promesse de prendre des décisions fondées sur des données probantes. Cette décision serait irresponsable et des milliards de dollars pourraient être investis dans d’autres pays si le Canada ne peut plus affronter la concurrence. Une telle situation nuirait aux familles, aux communautés autochtones et aux autres collectivités qui dépendent de la prospérité du secteur minier.

En réponse à une question à propos de la taxe fédérale sur le carbone, Iain Angus, vice-président de la Northwestern Ontario Municipal Association, a fait remarquer ceci : « […] certains des projets miniers que nous espérons voir se concrétiser sont vraiment en difficulté. […] Les dépenses courantes attribuables aux coûts d’exploitation contribueront bel et bien à déterminer si un projet sera lancé ou non. »[3]

2 – Le gouvernement du Canada devrait effectuer une analyse pour déterminer comment l’industrie minière canadienne peut demeurer concurrentielle sur le marché mondial, surtout si une taxe fédérale sur le carbone est imposée.

Selon Ross Beaty, de la Pan American Silver Corporation : « Pour les industries exportatrices du Canada comme les sociétés minières, il devrait y avoir une compensation pour une taxe sur le carbone qui rend les produits plus concurrentiels à l’échelle internationale dans des endroits où il n’y a pas de taxe sur le carbone. »[4]

À la suite de l’annonce de la mise en œuvre d’une taxe sur le carbone par le gouvernement fédéral, Sarah Fedorchuk, directrice principale des relations publiques de Mosaic, a quant à elle déclaré : « Notre plus grand souci à l’heure actuelle est la compétitivité. En raison de la faiblesse de leur devise, les Russes peuvent produire de la potasse à bien meilleur marché. […] tout ce qui peut donner aux producteurs canadiens un avantage concurrentiel est bienvenu. […] mais la compétitivité de la potasse canadienne nous inquiète. »[5]

L’exploitation minière est une industrie qui exige de très importants investissements. Les capitaux nécessaires au financement des grands projets sont fluides et ils seront investis dans les pays qui offrent une certaine stabilité. Les projets n’iront de l’avant que si les coûts sont prévisibles et concurrentiels.

Le président américain Donald Trump a promis de réduire l’impôt des sociétés, d’éliminer les lourdeurs administratives et la réglementation dans le secteur énergétique, et de ne pas imposer de taxe fédérale sur le carbone. Le Canada doit veiller à ce que la lourdeur de ses processus d’approbation et la hausse des coûts causée par la tarification du carbone ne découragent pas les investissements majeurs.

Nous recommandons que le gouvernement fédéral effectue une analyse pour déterminer comment les sociétés minières canadiennes peuvent demeurer concurrentielles sur le marché mondial.  

3 – Le gouvernement du Canada devrait rendre le crédit d’impôt pour l’exploration minière (CIEM) et le financement par actions accréditives permanents dès maintenant.

L’exploration et la prospection continuent de représenter un investissement très risqué, mais la demande mondiale en minerais continuera de croître de façon exponentielle dans les années à venir.[6]  Les décideurs canadiens et les spécialistes du secteur minier doivent s’efforcer de découvrir de nouvelles ressources pour la viabilité, la sécurité et la croissance mondiales du secteur. 

Ce sont souvent les jeunes explorateurs – des milliers de petites entreprises d’un peu partout au Canada – qui prennent les risques les plus élevés. Les données montrent que les petites sociétés minières se taillent aussi la part du lion en matière de découvertes et que la valeur par dollar dépensé est presque 30 % supérieure à celle des grandes sociétés minières. 

L’industrie canadienne des minéraux a connu une baisse continue des investissements dans l’exploration au cours des 10 dernières années. Faute d’investissements, le secteur est dans l’impossibilité de continuer à générer des retombées, dont les 375 000 emplois créés un peu partout au Canada et une contribution de près de 3,5 % au PIB national. Les tendances mondiales indiquent que le financement de l’exploitation et de l’exploration minières diminue. De 2007 à 2015, le financement de l’exploitation minière a baissé de 40 %, tandis que celui de l’exploration minière a chuté de plus de 90 %. 

Au cours de la dernière décennie, les actions accréditives ont représenté plus des deux tiers de tout le financement axé sur l’exploration des bourses canadiennes.[7] Finances Canada a déjà estimé que le mécanisme de financement par actions accréditives engendrait trois dollars de dépenses dans l’exploration pour chaque dollar en recettes fiscales perdues.[8] C’est en facilitant le financement par actions accréditives et le crédit d’impôt pour l’exploration minière (CIEM) que nous pourrons garder les investissements au Canada. Supprimer ces importantes incitations fiscales alors que l’industrie peine à se remettre de son pire cycle de ralentissement depuis des décennies pourrait paralyser la reprise. 

Le Canada a la possibilité de tirer des enseignements des initiatives fructueuses réalisées partout sur la planète. En 2016, l’Australie a adopté le programme de CIEM et l’a intégré à son régime d’actions accréditives.[9] Elle est devenue un chef de file mondial de l’exploration. Historiquement, le financement par actions accréditives a joué un rôle essentiel dans la découverte de dépôts d’envergure, comme la mine de diamants d’Ekati. Le CIEM et le financement par actions accréditives combinés permettront au secteur minier canadien de poursuivre ses activités et de rester diversifié.

Le CIEM joue un rôle important pour les petites et moyennes sociétés minières du Canada. L’industrie a besoin de conditions réglementaires et fiscales stables afin de faire des plans à long terme.

Le gouvernement devrait baisser les impôts, au lieu de les augmenter, pour stimuler davantage le développement. C’est pourquoi les membres conservateurs du Comité recommandent au gouvernement de rendre le financement par actions accréditives et le CIEM permanents dès maintenant.

4 – le gouvernement du Canada devrait veiller à ce que les sociétés d’exploration minière et de prospection continuent d’avoir un accès raisonnable au territoire, surtout dans le nord du Canada.

De récentes décisions des tribunaux et mesures du gouvernement pourraient restreindre considérablement la capacité des petites sociétés minières et des prospecteurs de découvrir des minéraux de valeur qui assureraient des revenus et créeraient des milliers d’emplois pour les travailleurs canadiens. Le gouvernement devrait veiller à ce que les sociétés d’exploration minière et de prospection continuent d’avoir un accès raisonnable au territoire, surtout dans le nord du Canada.

Si le Canada souhaite créer les conditions propices à l’exploration, les sociétés doivent avoir un accès équitable au territoire et jouir du droit au maintien dans les lieux. Non seulement les activités d’exploration génèrent une activité économique et créent de l’emploi, mais, en outre, elles ont une faible incidence sur l’environnement et sont temporaires. L’incidence sur l’environnement des activités minières pratiquées à l’heure actuelle varie de 0,005 % à 0,03 % du territoire national, ce qui est peu par rapport au nombre d’emplois et aux recettes qu’elles génèrent, ainsi qu’aux matières premières nécessaires qu’elles permettent d’extraire. Les activités d’exploration sont de courte durée et n’ont qu’une faible incidence sur l’environnement.[10][11]

Le gouvernement doit éliminer les obstacles à l’investissement mondial dans l’exploration au Canada, par exemple garantir le régime foncier et l’accessibilité en réduisant le territoire exclu à l’exploration.

5 – Le gouvernement du Canada devrait tenir compte de l’effet cumulatif des activités humaines et des autres activités industrielles dans une région donnée au lieu de n’évaluer que de gros projets clairement définis comme les mines.  Il devrait aussi réduire les chevauchements des processus provinciaux et l’intrusion fédérale dans les compétences provinciales.

Selon M. Pierre Gratton, président et chef de la direction de l’Association minière du Canada, en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), les projets miniers sont souvent les seuls projets qui relèvent des compétences fédérales et la seule occasion qu’a le gouvernement fédéral d’évaluer l’impact environnemental de projets de développement sur une région. Ces projets font donc l’objet d’une surveillance plus importante que d’autres projets dans d’autres secteurs. 

Par exemple, M. Gratton a donné le projet de mine Sisson comme exemple d’une décision « du gouvernement fédéral qui conclut que ce projet aurait des effets négatifs importants dans la région, même si, de notre point de vue, il s’agit d’une goutte d’eau dans l’océan. Beaucoup d’autres activités s’y rattachent. Les activités d’exploration gazière ou l’exploitation forestière, par exemple, ont des répercussions beaucoup plus graves sur le territoire […] Il se peut qu’un projet de mine ne soit pas lancé, mais vous ne pouvez pas regarder seulement l’activité minière, vous devez examiner les enjeux plus vastes. C’est le problème auquel nous faisons face avec les changements apportés en 2012 à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, qui est une loi très importante. »[12] 

Selon plusieurs témoins, s’il y a une chose à laquelle l’industrie minière attache la plus grande importance, c’est bien le cadre réglementaire. Or, ce gouvernement crée un climat d’incertitude à cet égard. En effet, l’examen constant de la législation en matière d’environnement pose problème pour le secteur.[13]  Des témoins ont parlé au Comité des conséquences de cette incertitude sur leurs projets. Ils ont fait état de projets qui ne comportaient aucun impact environnemental, mais pour lesquels Environnement Canada a décidé qu’ils pourraient y en avoir un jour. En conséquence, le ministère n’a pas voulu rendre de décision qui aurait permis aux sociétés minières d’aller de l’avant[14] et ce, parce que certains problèmes « pourraient » émaner de recherches qui pourraient être réalisées dans l’avenir.  Le Comité a entendu parler d’un projet qui avait été approuvé sous condition par Environnement Canada, mais pour lequel le ministère se réservait le droit de revenir sur sa décision des années plus tard à la lumière de nouvelles données probantes et d’imposer des conditions d’exploitation sur le site minier. Évidemment, compte tenu des responsabilités des entreprises privées à l’égard de leurs investisseurs et de leurs actionnaires, ce type d’incertitude mine la confiance et la capacité de réaliser des projets.

L’incertitude qui caractérise le processus d’approbation pose un problème de plus en plus grand pour les projets d’exploration et d’exploitation minières au Canada. Le gouvernement fédéral n’a jamais surveillé d’aussi près l’industrie minière, il empiète davantage sur les compétences des provinces, la réglementation des deux ordres de gouvernement se chevauche toujours, et la coordination des évaluations environnementales avec les provinces s’est détériorée.

Conclusion

Le Comité a entendu un certain nombre de témoins qui se sont dits inquiets des pressions concurrentielles internationales auxquelles est confronté le secteur minier canadien. Nous prions donc le gouvernement fédéral de mettre en œuvre les recommandations sensées présentées dans le présent rapport dissident pour assurer la capacité concurrentielle à long terme du secteur minier canadien.


[1] RNNR, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 septembre  2016 (Pamela Schwann, présidente, Saskatchewan Mining Association)

[2] RNNR, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2016 (Mike McDougall, président, Klondike Placer Miners’ Association)

[3] RNNR, Témoignages, 1re session, 42e législature, 20 octobre 2016 (Iain Angus, vice-président, Northwestern Ontario Municipal Association)

[4] RNNR, Témoignages, 1re session, 42e législature, 29 septembre  (Ross Beaty, président, Pan-American Silver Corporation)

[5] RNNR, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 octobre 2016 (Sarah Fedorchuk, directrice principale, relations publiques, Mosaic)

[6] RNNR, Témoignages, 1re session 42e législature, 25 octobre 2016  (Gavin Dirum, président et chef de la direction,  Association for Mineral Exploration British Columbia)

[7] RNNR, Témoignages (Dirum, Association for Mineral Exploration British Columbia)

[8] Ministère des Finances, Les actions accréditives : Rapport d’évaluation, octobre 1994

[9] RNNR, Témoignages, 1re session 42e législature, 20 octobre 2016  (John Mason, administrateur de projet, services miniers, Thunder Bay Community Economic Development Commission)

[10] RNNR, Témoignages (Dirum, Association for Mineral Exploration British Columbia)

[11] RNNR, Témoignages, 1re session 42e législature, 22 septembre 2016  (Joe Campbell, directeur, Chambre des mines des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut)

[12] RNNR, Témoignages, 1re session 42e législature, 22 septembre 2016 (M. Pierre Gratton, président et chef de la direction, Association minière du Canada)

[13] RNNR, Témoignages, 1re session 42e législature, 22 septembre 2016 (Pierre Gratton, président et chef de la direction, Association minière du Canada)

[14] RNNR, Témoignages (M. Dirom, Association for Mineral Exploration British Columbia)