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TRAN Rapport du Comité

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INTRODUCTION

Le 7 février 2018, le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités (le Comité) a entendu les témoignages de M. Patrick White (Projet Distinction Navale) et du vice-amiral à la retraite Denis Rouleau au sujet de la campagne menée par le capitaine Paul Bender pour assurer la protection juridique des sépultures de guerre marines du Canada. Les membres du Comité, convaincus par le discours poignant des témoins, ont convenu à l’unanimité de se pencher sur la question.

Le projet du capitaine Bender vise à assurer aux sépultures de guerre marines des matelots et marins canadiens la même reconnaissance et la même protection que celles accordées aux cimetières terrestres des soldats et des aviateurs. Comme l’a expliqué le capitaine Bender aux membres du Comité, contrairement aux soldats des autres services des Forces canadiennes, les nombreux matelots et marins marchands qui ont perdu la vie pendant la Première Guerre et la Seconde Guerre mondiales n’ont pas droit à des gerbes de fleurs « parsemées de lot en lot[1] ».

Lancé en 2013, le projet du capitaine Bender a pour objectif de corriger ce déséquilibre et de faire preuve de « respect et de gratitude » envers les « jeunes marins canadiens qui ont perdu la vie alors qu’ils servaient leur pays ». Le Comité appuie les démarches du capitaine Bender et le félicite pour tout le travail qu’il a accompli dans ce dossier.

LES SÉPULTURES DE GUERRE MARINES

Bien qu’un certain nombre de monuments commémoratifs de guerre honorent la mémoire des matelots et des marins marchands ayant perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions[2], le capitaine Bender remet en question la pratique selon laquelle ces monuments font référence à des tombes inconnues. Par exemple, le Monument commémoratif de Halifax[3], qui a été construit pour honorer ceux qui ont péri en mer pendant la Première Guerre et la Seconde Guerre mondiales, porte l’inscription suivante :

À la mémoire des hommes et des femmes de la marine de guerre, de l’armée et de la marine marchande du Canada dont les noms sont inscrits ici.
Leurs tombes sont inconnues mais leur souvenir vivra.

Le capitaine Bender conteste cette formulation et affirme que nombre de ces hommes et femmes ont une sépulture connue[4]. En effet, le vice-amiral Denis Rouleau et M. White[5] ont expliqué au Comité que le projet du capitaine Bender était né de la volonté de corriger cette mauvaise compréhension.

Aucun texte législatif ou réglementaire du Canada n’utilise ni ne définit l’expression « sépulture de guerre marine. » Dans un mémoire présenté au Comité, M. White a fourni la définition suivante :

Des épaves immatriculées de la marine marchande et des navires de la Marine royale canadienne (MRC) coulés par l’action ennemie, qui contiennent les restes de marins (y compris leurs vêtements et effets personnels) associés à ces navires[6].

Bien qu’un grand nombre d’observateurs utilisent l’expression pour décrire les navires coulés au cours des conflits du XXe siècle, M. Marc-André Bernier (gestionnaire, Archéologie subaquatique, Agence Parcs Canada) a indiqué dans son témoignage qu’un certain nombre d’épaves militaires se trouvant dans les eaux canadiennes remontent « jusqu’à l’époque des colonies. » Cela porte à croire que ce ne sont pas tous les intervenants qui considèrent que l’expression « sépulture de guerre marine » s’applique exclusivement aux navires coulés au XXe siècle au cours d’un conflit.

Les témoignages ont également révélé un certain degré d’incertitude quant au nombre exact de sépultures  marines qui se trouvent dans les eaux canadiennes. M. Bernier a estimé que les Grands Lacs, le Saint‑Laurent et les côtes du Canada comptaient de 30 000 à 40 000 épaves. Il n’a toutefois pas précisé combien de vies ont été perdues à bord de ces navires, ou combien de ces épaves ont coulé au cours de conflits. Mme Ellen Bertrand (directrice, Stratégies en patrimoine culturel, Agence Parcs Canada) a déclaré que les épaves militaires représentent une « faible proportion des épaves historiques du Canada, mais elles demeurent importantes. » Elle a ajouté qu’en plus des épaves de navires et d’avions appartenant aux Forces canadiennes, au moins 50 épaves militaires appartenant à des gouvernements étrangers ont été repérées en eaux canadiennes. La majeure partie de ces épaves appartiennent au Royaume‑Uni, à la France et aux États‑Unis.

Le Comité a pu obtenir un portrait un peu plus clair en ce qui concerne les sépultures de guerre marines du XXe siècle qui se trouvent dans les eaux territoriales canadiennes et étrangères grâce aux données fournies par le vice-amiral Rouleau :

Rien qu’au Canada, nous avons 9 navires de guerre dans les eaux territoriales canadiennes et 10 navires marchands qui ont été coulés par l’ennemi. Tous ces bâtiments sont connus. Leur emplacement est connu. Le nombre de personnes qui étaient à bord est connu.[7]

Dans les mémoires qu’ils ont présentés au Comité, le capitaine Bender et M. White ont tous les deux indiqué que 19 épaves situées dans les eaux canadiennes constituaient le dernier lieu de repos de 480 marins. Le mémoire de M. White estime que le nombre de marins canadiens reposant dans des sépultures de guerre marines pourrait atteindre 1 200 si l’on tient compte des navires canadiens qui ont été coulés dans les eaux territoriales étrangères. Selon le capitaine Bender, trois navires canadiens ont sombré dans les eaux territoriales du Royaume‑Uni, et deux autres se trouvent dans les eaux territoriales de la France. En outre, comme l’indiquent les cartes présentées en annexe A, on trouve des épaves de navires de guerre canadiens dans l’océan Atlantique et dans la mer Méditerranée.

La campagne visant à faire reconnaître sur le plan juridique la notion de sépultures de guerre marines a une portée à la fois symbolique et concrète. D’un point de vue symbolique, une telle protection placerait les trois branches des Forces armées canadiennes sur un pied d’égalité. De façon plus concrète, il est nécessaire d’assurer une protection juridique des sépultures de guerre marines afin d’apaiser les inquiétudes croissantes à propos du pillage et de la profanation de ces sépultures. Devant les membres du Comité, M. White a déclaré ce qui suit : « on a trouvé sur les côtes d’Irlande des hamacs de toile tachés de sang qui avaient servi aux soldats canadiens embarqués sur le navire de ligne RMS Hesperian, ce qui indique que ce cimetière sous‑marin a été récemment violé[8]. »

LE PATRIMOINE CULTUREL SUBAQUATIQUE

Dans une certaine mesure, l’objectif du capitaine Bender rejoint celui de la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique de 2001 (ou Convention de 2001) établie par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). La Convention de 2001, qui est entrée en vigueur en 2009, constitue « la réponse de la communauté internationale au pillage croissant et à la destruction du patrimoine culturel subaquatique. »

Le Canada n’a pas encore ratifié la Convention de 2001, et Mme Bertrand a précisé qu’avant de pouvoir le faire, « le Canada doit prouver qu’il a pris les mesures nécessaires pour protéger le patrimoine culturel subaquatique, y compris les épaves à valeur patrimoniale. »

La Convention de 2001 offre la définition suivante de la notion de patrimoine culturel subaquatique : « toutes les traces d’existence humaine présentant un caractère culturel, historique ou archéologique qui sont immergées, partiellement ou totalement, périodiquement ou en permanence, depuis 100 ans au moins[9]. » Par conséquent, les sépultures de guerre marines peuvent être considérées comme un type de patrimoine culturel subaquatique[10].

Même si les témoins se sont dits préoccupés à l’idée que la distinction entre sépultures de guerre marines et patrimoine culturel subaquatique ne soit pas faite correctement, le capitaine Bender a néanmoins affirmé qu’il ne devrait pas y avoir « une trop grande séparation entre une épave à valeur patrimoniale et une sépulture de guerre marine, car, à certains égards, les deux sont synonymes. » Il a toutefois ajouté que les sépultures de guerre marines « ont été complètement oubliées, contrairement aux biens à valeur patrimoniale. »

Dans le cadre des activités de commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale qui ont lieu de 2014 à 2018, la communauté internationale s’est penchée sur les mesures pouvant être prises pour préserver le patrimoine culturel subaquatique de cette guerre. Dans un document publié en 2014, l’UNESCO a indiqué que  le patrimoine culturel subaquatique de la Première Guerre mondiale a été considérablement endommagé au cours des cent dernières années à la suite de pillages, d’opérations de récupération et d’activités industrielles et que la protection juridique de ce patrimoine est insuffisante[11].» L’UNESCO espère que la Convention de 2001 s’avérera très utile à la lutte visant à assurer la protection des épaves.

LES MESURES MISES EN PLACE À L’ÉCHELLE FÉDÉRALE

Dans un mémoire présenté par l’Agence Parcs Canada, Mme Joëlle Montminy (vice‑présidente, Affaires autochtones et Patrimoine culturel, Agence Parcs Canada) a indiqué ce qui suit : « [i]l n’existe présentement aucun processus fédéral spécifique pour la désignation des sépultures de guerre en mer. » Néanmoins, dans le cadre de l’étude effectuée par le Comité, les témoins ont fait mention de trois lois en vigueur qui offrent – ou pourraient offrir – un certain niveau de protection ou de reconnaissance des épaves de navires. À l’instar de la Convention de 2001, ces mesures nationales concernent le patrimoine culturel en général plutôt que les sépultures de guerre marines en particulier.

A. La Loi sur les lieux et monuments historiques

La Loi sur les lieux et monuments historiques autorise la ministre responsable de l’Agence Parcs Canada à prendre un éventail de mesures afin de commémorer les lieux historiques. La ministre est conseillé dans l’exercice de ses pouvoirs au titre de la Loi par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada (la Commission). À la suite d’un processus d’évaluation approfondie et d’une recommandation favorable de la Commission, la ministre désigne les sujets comme lieu, événement ou personnage d’importance historique nationale.

Dans son mémoire, Mme Montminy explique que la « désignation comme lieu historique national n’accorde en soi aucune protection légale, mais a pour but de mobiliser l’attention du public et de commémorer l’importance historique du lieu. » L’Agence Parcs Canada a ajouté, dans un document soumis par la suite, qu’aucun des navires des Forces canadiennes échoués dans les eaux canadiennes ne s’est vu accorder la désignation de lieu historique national jusqu’à présent[12].

La nature « cérémoniale » d’une telle désignation est une source de préoccupation pour M. White, qui a affirmé qu’il était nécessaire d’accorder une protection juridique concrète. Il a également insisté sur l’importance de faire la distinction entre le fait d’honorer les épaves « qui font partie de notre histoire » et le fait de protéger des sépultures de guerre marines qui sont, en réalité, les tombes de soldats disparus.

B. La Loi sur les parcs nationaux du Canada

L’alinéa 42(1)a) de la Loi sur les parcs nationaux du Canada permet au Cabinet de réserver des terres afin de les ériger en « lieu historique national du Canada […] afin de soit commémorer un événement historique d’importance nationale, soit conserver un lieu historique[13]. » L’annexe du Décret sur les lieux historiques nationaux du Canada (le Décret) énumère les lieux historiques nationaux du Canada. La zone géographique entourant et englobant les épaves du NSM Erebus et du NSM Terror apparaissent dans la liste, sous la dénomination Lieu historique national du Canada des Épaves HMS Erebus et HMS Terror[14].

Lors de sa comparution devant le Comité, M. Bernier a affirmé que, pour diverses raisons légales et opérationnelles, cette mesure pourrait difficilement être appliquée à d’autres épaves[15].

C. La Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada

Le paragraphe 163(2) de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada prévoit que le Cabinet peut, par règlement, et sur recommandation conjointe du ministre des Transports et du ministre responsable de l’Agence Parcs Canada, régir les épaves ou les catégories d’épaves qui ont une valeur patrimoniale. Mme Montminy a indiqué au Comité que le projet de loi C‑64, Loi concernant les épaves, les bâtiments délabrés, abandonnés ou dangereux et les opérations de récupération, « transférerait ces autorités » à l’article 131 de la nouvelle loi.

Le Comité a été étonné d’apprendre que, bien que ce pouvoir réglementaire existe depuis 2017 et qu’un certain travail préparatoire a été effectué entre 2004 et 2011, aucune mesure réglementaire visant à protéger les épaves patrimoniales du Canada n’a été adoptée. Cela dit, Mme Bertrand a affirmé que « le gouvernement du Canada est d’avis que la mise en œuvre d’un tel règlement serait une solution efficace pour la protection de toutes les épaves à valeur patrimoniale relevant du Canada, y compris celles qui peuvent être considérées comme des sépultures militaires en mer. » À cet effet, Mme Bertrand a expliqué que les travaux de préparation réglementaire ont de nouveau été lancés :

Je dirais que la machine est déjà en marche, parce que nous avons fait le dépoussiérage qui s’imposait et que nous avons commencé à parler à nos collègues des autres gouvernements; nous avons commencé à interagir avec nos collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux de la culture et du patrimoine.

LES MESURES EN PLACE À L’ÉCHELLE PROVINCIALE

Bien que la navigation et les épaves soient de compétence fédérale, il a été établi que la protection du patrimoine et des biens culturels incombe aux provinces[16].

À plusieurs reprises, les témoins des ministères ont fait référence au rôle des provinces en matière de protection du patrimoine culturel subaquatique. Par exemple, M. Bernier a indiqué que les provinces ont « des lois s’appliquant au patrimoine archéologique du fond marin. » En outre, Mme Bertrand a mentionné que la Colombie-Britannique a « des mesures de protection du patrimoine culturel sous-marin très solides. » Elle a fait référence à la Heritage Conservation Act, qui vise à protéger les épaves patrimoniales, et a précisé que la province exige des chercheurs qu’ils obtiennent un permis avant d’effectuer tout type de recherches dans ces épaves.

Mme Bertrand a ensuite expliqué que la province de Québec a adopté « des mesures juridiques extraordinaires » pour protéger l’épave du RMS Empress of Ireland « après des années de pillage de ce paquebot. » Le RMS Empress of Ireland a sombré dans l’estuaire du Saint‑Laurent en 1914 : plus d’un millier de passagers et de membres d’équipage ont perdu la vie lors de cette tragédie, qui constitue le pire désastre maritime en temps de paix de l’histoire du Canada. Malgré le fait que le Québec ait réussi à protéger cette épave historique, Mme Bertrand a fait remarquer que « très peu d’épaves ont été désignées par les provinces et territoires. »

LES MESURES EN PLACE DANS D’AUTRES PAYS

Le Canada n’est pas le seul pays préoccupé par la vulnérabilité croissante des sépultures de guerre marines. Au cours des dernières années, plusieurs pays ont adopté des lois visant à mieux protéger la dernière demeure de ceux qui sont morts en protégeant leur pays. Les témoins se sont principalement attardés aux mesures mises en place aux États‑Unis, au Royaume‑Uni et en France.

A. Le Royaume‑Uni

La Protection of Military Remains Act 1986 (PMRA) a été adoptée suite à des préoccupations soulevées au sujet de la protection inadéquate des épaves militaires[17]. M. Bernier a fait observer que le Royaume‑Uni et les États‑Unis (examinés plus loin) ont adopté des mesures législatives qui ne s’appliquent pas qu’aux sépultures de guerre, mais bien aux épaves militaires de façon générale.

La PMRA s’applique autant aux navires qui ont coulé qu’aux aéronefs qui se sont écrasés en service militaire[18]. La PMRA interdit aux « usagers de la mer » de se livrer à un certain nombre d’activités dans les sites contrôlés et les navires désignés[19]. Le non‑respect de certaines des interdictions prévues par la Loi constitue un acte criminel[20]. Néanmoins, cette loi prévoit également un système d’attribution de permis afin d’autoriser, dans certaines circonstances, la plongée et d’autres activités dans les sites contrôlés ou les lieux protégés[21].

La Loi peut avoir cours au Royaume‑Uni, dans les eaux territoriales du Royaume‑Uni ou dans les eaux internationales[22]. Elle ne peut cependant pas s’appliquer dans les eaux territoriales d’un autre État[23]. En outre, dans les eaux internationales, seule une personne se trouvant à bord d’un navire sous contrôle britannique ou un citoyen britannique peut être tenu responsable d’une infraction[24].

L’annexe 1 de la Protection of Military Remains Act 1986 (Designation of Vessels and Controlled Sites) Order 2017 dresse la liste de 79 « navires désignés » et de 12 « sites contrôlés. » Certains navires allemands figurent sur la liste de la PMRA[25]. Selon le capitaine Bender, le gouvernement du Royaume‑Uni est prêt à protéger trois navires de guerre canadiens qui gisent dans les eaux territoriales britanniques. M. Bernier a précisé que le gouvernement canadien doit se montrer proactif avec le gouvernement britannique pour obtenir ce qu’il souhaite dans ce dossier.

Dans les témoignages qu’ils ont présentés au Comité, le vice-amiral Rouleau et M. White ont recommandé que le Canada adopte une mesure législative semblable à la PMRA. M. White a ajouté que le projet de loi devrait être « intitulé de façon informelle « Loi du capitaine Paul Bender » en l’honneur de l’homme et de l’ancien combattant qui a fièrement porté le flambeau dans ce dossier important. »

B. Les États-Unis

En 2004, les États‑Unis ont adopté la Sunken Military Craft Act (SMCA), qui vise à protéger les épaves de navires et d’aéronefs militaires, ainsi que les restes de leur équipage, contre toute atteinte non autorisée[26]. Comme l’a indiqué M. Bernier, la SMCA ne s’applique pas seulement aux épaves militaires historiques des États‑Unis, mais aussi à des bâtiments d’autres pays. Tout comme la loi britannique, la SMCA prévoit un processus d’autorisation pour certaines activités normalement interdites[27].

C. La France

À la différence du Royaume‑Uni et des États‑Unis, la France n’a pas édicté de loi particulière afin de protéger les navires militaires submergés[28]. La France a néanmoins pris des mesures afin de protéger le repos des restes humains. M. Bernier a en effet expliqué qu’une telle protection pouvait être assurée au moyen de « lois qui protègent l’archéologie dans son ensemble. »

Le capitaine Bender a fait l’éloge du système français et a mentionné qu’il avait lui-même mené à bien, en seulement cinq mois, des négociations avec la France afin d’assurer la protection du NCSM Athabascan et du NCSM Guysborough, deux épaves canadiennes qui reposent dans la zone économique exclusive de la France. Mme Bertrand a confirmé que le cadre législatif de la France protège automatiquement les épaves ayant une valeur patrimoniale.

LA SOUVERAINETÉ DES NAVIRES ET LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

Le capitaine Bender souhaite protéger les sépultures de guerre marines canadiennes qui reposent dans les eaux du pays et dans les eaux étrangères. Voilà qui soulève des questions juridiques complexes en ce qui concerne la propriété des navires et la souveraineté des États par rapport aux eaux territoriales. D’un côté, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) confère une immunité souveraine à tous les navires appartenant à un État ou exploité par celui‑ci à des fins de service public non commerciales; de l’autre, la UNCLOS protège aussi la souveraineté des États côtiers dans leurs eaux territoriales[29].

Mme Montminy a expliqué le lien entre ces deux notions juridiques de la façon suivante :

Le droit maritime international protège l’immunité souveraine des navires militaires et se tourne vers les autorités de l’État qui possède la juridiction sur les eaux territoriales pour protéger les épaves qui s’y trouvent.

Elle a ajouté que, dans certains cas, l’Agence Parcs Canada a été identifiée « par un gouvernement étranger pour agir en son nom afin que les mesures appropriées soient prises pour la gestion de ces épaves [qui sont la propriété de gouvernements étrangers]. » Elle a aussi donné au Comité des exemples de collaboration entre le Canada et des gouvernements étrangers. Par exemple, elle a indiqué au Comité que le Canada et le Royaume-Uni ont conclu un protocole d’entente « concernant la gestion des épaves du HMS Erebus et du HMS Terror au Nunavut. »

De son côté, Mme Bertrand a discuté des efforts de collaboration entre le Canada, le Royaume‑Uni, les États‑Unis et la France qui ont mené à la rédaction d’une entente visant à protéger l’épave du RMS Titanic, qui repose à la limite du plateau continental du Canada, au‑delà de sa zone économique exclusive.

D’autres témoins ont également discuté de l’importance de la diplomatie pour assurer la protection des épaves qui reposent à l’étranger. M. Bernier a donné l’exemple suivant :

En 2009, on a trouvé un aéronef PBY[30] américain contenant des restes humains dans le Saint‑Laurent. À l’époque, comme nous savions au moment de trouver l’avion qu’il contenait des restes humains, nous avons tout arrêté, pris contact avec les États‑Unis par l’intermédiaire de l’ancien ministère des Affaires étrangères, et collaboré avec eux pour les aider à récupérer les restes humains qu’ils souhaitaient rapatrier.

Lors de sa comparution devant le Comité, le vice-amiral Denis Rouleau a fait état des problèmes qui peuvent survenir lorsque la coopération internationale est nécessaire. Il a expliqué que le capitaine Bender avait demandé au Royaume‑Uni de placer trois corvettes canadiennes qui ont coulé dans les eaux territoriales britanniques sous la protection de la PMRA. Selon le vice‑amiral, le Royaume‑Uni a répondu qu’il lui fallait obtenir l’autorisation des autorités canadiennes pour accorder une telle protection à des navires canadiens. M. Bernier a ajouté qu’il y a un contraste important entre l’approche britannique et celle des Français. En effet, ces derniers commencent par protéger les biens patrimoniaux étrangers avant de « [prendre] contact avec le pays, [qui a] ensuite l’option d’accepter ou de refuser. »

LA PROTECTION DES SÉPULTURES DE GUERRE MARINES : ET LA SUITE?

Dans son étude, le Comité a constaté que deux possibilités s’offraient au gouvernement fédéral afin d’assurer la protection des sépultures de guerre marines : la création d’un règlement, ou l’adoption d’une loi distincte.

A. Les arguments en faveur de l’approche réglementaire

Les fonctionnaires de l’Agence Parcs Canada ont fortement recommandé la création d’un règlement. Leurs arguments peuvent être regroupés selon cinq grands thèmes.

La nécessité d’agir rapidement

Parmi les nombreux arguments soulevés par Parcs Canada pour défendre l’adoption de l’approche réglementaire, Mme Bertrand a insisté sur le fait que la création d’un règlement pourrait se faire assez rapidement :

Il y a bien sûr un processus réglementaire qui doit être suivi. Il faudra procéder à des consultations et laisser du temps pour permettre au public de commenter la chose. Avec l’élan et les capacités voulus, nous croyons qu’il serait possible d’instaurer ces règlements d’ici la fin de 2019 ou au début de 2020.

La collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux

Mme Bertrand a affirmé que la création d’un règlement pourrait corriger les contradictions qui existent entre les lois des provinces ou des territoires et celles du gouvernement fédéral. À titre d’exemple, elle a indiqué que la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada « récompense activement » les gens qui effectuent des travaux de récupération, alors que les lois de certaines provinces empêchent la tenue de travaux de cette nature[31]. Mme Bertrand a aussi ajouté que les provinces se sont montrées favorables à la mise en place d’un règlement qui éliminerait les incohérences entre la loi fédérale et les lois provinciales.

Mme Bertrand estime qu’un règlement rendrait les choses plus claires « pour toutes les parties concernées » :

Nous sommes d’avis que le règlement fournira la clarté et la protection qui nous font cruellement défaut. À l’heure actuelle, il faut composer avec les différences qui existent entre les lois provinciales et les lois territoriales. Du reste, il n’y a présentement aucune espèce de protection pour quoi que ce soit qui se trouverait dans les eaux sous responsabilité fédérale.

Le champ d’application

M. Bernier a insisté sur le fait qu’un règlement présenterait un avantage important puisqu’il protégerait aussi les épaves qui ne sont pas des sépultures de guerre marines :

De notre point de vue, il y a cette classe de naufrages qui ont causé des morts, mais il y en a d’autres. Il y a beaucoup d’autres sortes de décès. C’est pourquoi nous croyons que ces dispositions législatives – dans l’optique de la façon dont elles ont été pensées et préparées, et du travail que nous leur avons consacré – nous permettraient d’englober tout, dont les bâtiments non militaires, comme ceux de la marine marchande.

Mme Bertrand a fait valoir des arguments semblables en indiquant que l’on trouve parfois des restes humains à bord des épaves de navires non militaires. Elle a affirmé que la mise en œuvre d’un règlement « serait une solution efficace pour la protection de toutes les épaves à valeur patrimoniale relevant du Canada, y compris celles qui peuvent être considérées comme des sépultures militaires en mer. »

Les préoccupations environnementales

Bien que l’Agence Parcs Canada ne soit pas au courant de l’existence « d’épave militaire qui constituerait un danger à l’environnement ou à la navigation », Mme Montminy a précisé que « [t]outes les opérations pour atténuer des risques à la navigation, à l’environnement ou à la sécurité publique pourraient être tenues en considération dans un règlement sur les épaves patrimoniales à venir. »

La coopération internationale

Mme Bertrand a affirmé qu’un règlement sur les épaves à valeur patrimoniale « aiderait également Parcs Canada à ratifier des accords internationaux visant à protéger les épaves à l’échelle internationale, y compris celles où l’on trouve des restes humains. »

Mme Montminy a aussi mentionné la coopération internationale et a expliqué qu’un éventuel règlement permettrait au Canada d’assurer la protection des épaves de navires militaires étrangers.

Quelle forme prendrait le règlement?

Dans le cadre de ses efforts visant à faire valoir la pertinence d’adopter un règlement, l’Agence Parcs Canada a présenté un aperçu des principales caractéristiques du règlement proposé. Selon les fonctionnaires qui ont témoigné, le règlement :

  • ferait de toute épave de plus de 50 ans une « épave patrimoniale désignée »;
  • exclurait les épaves patrimoniales des dispositions qui portent sur la récupération. D’après Mme Bertrand, cela éliminerait « l’incitatif de faire la chasse aux épaves pour en rapporter les artefacts »;
  • exigerait l’obtention d’un permis pour quiconque souhaite explorer une épave;
  • établirait des zones de protection temporaires afin de « protéger la zone autour [d’une épave] où pourrait se trouver un champ de débris »;
  • fixerait des exigences de déclaration obligatoire et viserait la création d’une base de données sur les épaves;
  • assurerait la coordination avec les provinces et les territoires afin d’éviter le dédoublement.

B. Les arguments en faveur de l’adoption d’une loi distincte

En revanche, d’autres témoins ont exprimé des réserves quant à l’adoption d’un règlement. Leurs arguments étaient axés sur les trois points suivants :

Le symbolisme

Les témoins qui s’opposaient à la création d’un règlement – et qui, donc, prônaient l’adoption d’une loi distincte – ont principalement insisté sur le fait que les sépultures de guerre doivent être considérées comme une catégorie unique de site protégé et sur l’importance d’établir une distinction entre elles et les autres sépultures marines.

M. White a soulevé ce point avec vigueur et a affirmé qu’un règlement ne permettait pas, sur le plan symbolique, de refléter toute l’importance des sépultures de guerre marines. Il a affirmé qu’en ajoutant simplement les sépultures de guerre marines à d’autres biens patrimoniaux, le gouvernement ne respecterait pas « l’esprit de ce que constitue réellement une sépulture de guerre marine. »

L’applicabilité du règlement en ce qui concerne les navires de guerre

Le capitaine Bender a également déploré le fait qu’un règlement ne protégerait pas les navires de guerre puisque, selon le paragraphe 7(1) de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, les navires qui se trouvent sous le contrôle ou la direction des Forces canadiennes sont exclus du champ d’application de la Loi. En raison de ces préoccupations d’ordre administratif, le capitaine Bender privilégierait une mesure législative distincte qui s’appliquerait aux navires de l’État.

En réponse aux préoccupations soulevées par le capitaine Bender, Parcs Canada a fourni les renseignements suivants[32] :

L’exclusion des navires militaires prévue à l’article 7 vise à éviter que les navires militaires en service soient contraints de se conformer aux exigences de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. L’analyse préliminaire porte à croire que cette exclusion n’empêcherait pas de recourir au règlement relatif aux épaves patrimoniales proposé pour contrôler l’accès à la zone entourant une épave militaire ainsi que les activités de tierces parties visant à protéger les épaves patrimoniales effectuées dans cette zone. Une analyse juridique plus approfondie devra être effectuée afin de confirmer et de préciser l’objectif et la portée de cette exclusion.
Parcs Canada travaille présentement en collaboration avec la Défense nationale et Transports Canada dans le but d’examiner différentes avenues afin d’assurer la protection juridique des navires militaires au titre du règlement relatif aux épaves patrimoniales proposé ainsi que de fournir des éclaircissements sur le plan juridique dans ce dossier.

La flexibilité

M. White s’est dit préoccupé parce que les règlements relatifs au patrimoine sont tournés vers le passé et protègent les épaves qui ont sombré avant une date précise. Il a présenté un argument selon lequel une loi distincte permettrait au gouvernement d’assurer la protection de futures épaves dès qu’il y a perte de vie :

[…] si nous sommes forcés d’attendre 50 ans avant que quelque chose soit désigné comme un bien patrimonial, l’autre avantage que nous tirerions d’une mesure législative semblable à celle du Royaume‑Uni serait la prévoyance dont nous ferions preuve. Que Dieu nous préserve de tout accident qui pourrait survenir dans les années à venir, mais la Marine prend effectivement des risques. Je le sais, car j’ai également été déployé. Si nous disposions d’une mesure législative distincte qui ne classe pas les épaves navales ou les bâtiments de ce genre uniquement dans la catégorie des biens patrimoniaux, ces bâtiments, ou même un aéronef qui s’écrase, seraient protégés immédiatement. Je pense qu’un problème de ce genre est survenu au cours des dernières semaines lorsqu’un avion de l’United States Air Force s’est écrasé avec un pilote à son bord.

Quelle forme prendrait la loi?

Le vice-amiral Rouleau et M. White ont tous les deux recommandé au Canada l’adoption d’une loi semblable à la PMRA en vigueur au Royaume-Uni. Ils ont plus particulièrement insisté sur l’importance de prévoir des sanctions adéquates et de définir soigneusement les critères d’application de la loi.

Les sanctions

Le capitaine Bender et M. White ont tous les deux insisté sur l’importance de veiller à ce que les sanctions prévues par le texte de loi soient proportionnelles à la gravité des offenses commises. Plus précisément, M. White a recommandé au Comité d’imposer des sanctions comparables à celles prévues « pour la profanation des sépultures de guerre terrestres » pour protéger les sépultures de guerre marines.

À l’échelle fédérale, l’alinéa 182b) du Code criminel se lit comme suit : « Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque […] commet tout outrage, indécence ou indignité envers un cadavre humain ou des restes humains, inhumés ou non. »

Les lois provinciales comportent aussi des interdictions en ce qui concerne la profanation de lieux de sépulture. Par exemple, le paragraphe 101(1) de la Loi de 2002 sur les services funéraires et les services d'enterrement et de crémation prévoit que « [n]ul ne doit modifier ni déplacer les restes ou le repère de la sépulture d’un ancien combattant des forces armées canadiennes ou alliées ou d’une sépulture de guerre du Commonwealth sans l’accord du ministre fédéral des Anciens Combattants, de la commission appelée Commonwealth War Graves Commission ou des autres personnes et associations prescrites. » L’article 94 indique aussi que nul ne doit déranger « un lieu de sépulture ou des artefacts liés à des restes humains » sauf s’il dispose d’une autorisation à cet égard.

À l’heure actuelle, il serait possible de prendre un règlement sur les épaves patrimoniales au titre de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. Le paragraphe 164(1) de la Loi de 2001 sur la marine marchande indique que toute personne qui contrevient à un règlement pris en vertu de l’article 163 commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 100 000 $ et un emprisonnement maximal d’un an, ou l’une de ces peines. Au titre du projet de loi C‑64, quiconque commet une infraction à l’une des dispositions du règlement est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende d’au moins 5 000 $ et d’au plus 300 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines.

Les navires marchands

M. Bernier a indiqué au Comité que près de 72 navires de la marine marchande ont sombré au cours de la Seconde Guerre mondiale, ce qui a entraîné la perte de plus de 1 500 hommes. Le capitaine Bender a quant à lui expliqué que la PMRA du Royaume‑Uni a été invoquée pour assurer la protection d’au moins un navire marchand, le SS Storaa.

Le SS Storaa s’est vu accorder cette protection par la PMRA à la suite d’une décision de la High Court, en 2005. Comme la PMRA s’applique aux navires qui étaient en service militaire, la décision visait à déterminer si le navire était au service des forces armées au moment du naufrage[33]. La professeure Dromgoole a résumé la décision du tribunal en ces termes : « le juge Newman a conclu que le Storaa et l’escorte militaire qui accompagnait le convoi avaient un objectif commun : par conséquent, on peut considérer que le Storaa était en service, tout comme le navire militaire qui était à ses côtés[34]. »

Le capitaine Bender considère qu’il faut conserver la distinction entre navires marchands et navires de guerre, et a indiqué que « les navires marchands ne devraient bénéficier d’aucune protection spéciale, sauf s’il a été établi que leur activité appuyait indéniablement les forces armées. »

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

Le Comité reconnaît que l’Agence Parcs Canada s’est déjà livrée à des travaux préparatoires exhaustifs en ce qui concerne l’adoption d’un règlement régissant les épaves patrimoniales. Par contre, le Comité estime que les arguments avancés par M. White pour l’adoption d’une loi distincte sont très convaincants. De plus, le Comité est d’avis qu’un certain nombre d’arguments avancés par l’Agence Parcs Canada en faveur de la création d’un règlement pourraient également être invoqués afin d’appuyer l’adoption d’une loi distincte. À titre d’exemple, bien que le Comité soit d’accord avec l’argument de Mme Montminy selon lequel un éventuel règlement permettrait de protéger les épaves militaires étrangères qui ont sombré dans les eaux canadiennes, il semble que d’autres administrations, y compris le Royaume-Uni, ont atteint cet objectif en adoptant une loi distincte.

Plus particulièrement, le Comité considère que les sépultures de guerre marines devraient être traitées de façon différente des autres éléments du patrimoine culturel subaquatique. Évidemment, le Comité appuie la protection de tous les biens faisant partie du patrimoine culturel subaquatique et estime également que tous les restes humains devraient être traités avec le plus grand respect. Néanmoins, le Comité est d’avis que le sacrifice unique de ceux qui ont perdu la vie au service de leur pays doit faire l’objet d’une forme de reconnaissance et de commémoration particulière. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada rédige une nouvelle législation similaire à la Protection of Military Remains Act du Royaume-Uni afin de protéger les sépultures de guerre marines du Canada.

Cependant, comme le Comité estime que les marins et leurs proches ont porté trop longtemps sur leurs épaules le fardeau associé à la protection de la mémoire de ceux qui ont péri au combat, le Comité fait aussi la recommandation suivante :

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada explore l’ensemble des options offertes pour utiliser les pouvoirs législatifs et réglementaires en vigueur afin d’offrir une protection juridique immédiate aux sépultures de guerre marines, à titre provisoire jusqu’à l’adoption du nouveau projet de loi.

Dans le cadre de l’élaboration d’une loi, ainsi que de tout règlement utilisé pendant la période de transition, le Comité est d’avis que le gouvernement devrait également évaluer des facteurs tout aussi importants que ceux exposés par l’Agence Parcs Canada. Plus précisément, il devrait se pencher sur la question des sanctions ainsi que sur la protection des navires marchands et des sépultures de guerre marines qui pourraient découler de conflits futurs. Par conséquent, le Comité présente les recommandations suivantes :

Recommandation 3 

Que le gouvernement du Canada veille à ce que toute loi et tout règlement régissant les sépultures de guerre marines prévoient des sanctions semblables à celles qui sont imposées dans le cas de la profanation de sépultures de guerre terrestres.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada veille à ce que la définition de sépulture de guerre marine utilisée dans une nouvelle loi ou dans un éventuel règlement traite adéquatement de la question des navires marchands pour s’assurer que ceux qui ont sombré en service militaire soient également protégés au titre de la définition.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada veille à ce que la définition de sépulture de guerre marine utilisée dans une nouvelle loi ou dans un éventuel règlement s’applique immédiatement aux sépultures de guerre marines découlant de conflits futurs.

Enfin, le Comité constate que la diplomatie joue un rôle de premier plan dans la protection des navires de guerre canadiens qui se trouvent dans les eaux territoriales d’outre-mer. Il encourage donc le gouvernement à poursuivre ses efforts auprès de ses homologues internationaux afin de s’assurer que ceux qui ont perdu la vie loin des côtes canadiennes soient traités avec dignité et respect. Il recommande plus particulièrement :

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada adopte une pratique consistant à demander officiellement, par la voie diplomatique, que toute sépulture de guerre marine canadienne gisant sous les eaux étrangères reçoive toute la protection permise en vertu des lois du pays dont les eaux en question sont du ressort.

CONCLUSION

Le Comité remercie le capitaine Bender d’avoir mené cette importante campagne au cours des cinq dernières années. Ses efforts n’ont pas été vains. Son appel à l’action a été entendu et le Comité suivra attentivement l’évolution de ce dossier important.

Quand viendra l’heure du crépuscule et celle de l’aurore, souvenons-nous de ceux qui reposent au champ d’honneur et de ceux qui gisent à cinq brasses sous les eaux[35], submergés dans leurs sépultures marines à jamais.


[1]              Tout au long de son témoignage ainsi que dans son mémoire, le capitaine Bender a cité à de nombreuses reprises le poème classique de John McCrae qui porte sur la guerre intitulé Au champ d’honneur, dont les premiers vers sont :

                                Au champ d’honneur, les coquelicots                 Sont parsemés de lot en lot...

[2]              Au Canada, le Monument commémoratif de Halifax est le principal monument à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie en mer. Le Monument commémoratif de Victoria est un autre exemple de monument de guerre canadien : il comporte un cimetière et, dans un lot distinct, le Monument commémoratif de la Marine, qui porte les noms de 39 officiers et marins disparus en mer. Le Monument commémoratif de guerre du Canada, à Ottawa, ainsi que le Mémorial virtuel de guerre du Canada honorent aussi les marins.

[3]              Selon Anciens Combattants Canada, le Monument commémoratif de Halifax rend hommage aux 3 267 marins et soldats canadiens et terre‑neuviens qui ont perdu la vie au cours de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale.

[4]              Cette information a été fournie au Comité par le capitaine Paul Bender au moyen d’un document de référence intitulé Les sépultures de guerre marines.

[5]              Projet Distinction Navale, Projet des sépultures de guerre marines : Rapport de situation au 16 août 2016.

[6]              Projet Distinction Navale, Protéger les sépultures océaniques de guerre du Canada, 7 février 2018.

[7]              Voir l’annexe B.

[8]              Le mémoire de Projet Distinction Navale fait également référence à une découverte récente de « trois navires hollandais de la Deuxième Guerre mondiale, considérés comme des sépultures, qui reposaient dans la mer de Java [et qui] se sont révélés avoir été entièrement profanées. »

[9]              UNESCO, Patrimoine culturel subaquatique : Texte de la Convention de 2001, article 1.

[10]            Toutefois, même si l’expression « patrimoine culturel subaquatique » peut désigner les sépultures de guerre marines, les épaves de la Seconde Guerre mondiale ne correspondent pas encore à la définition adoptée par l’UNESCO au titre de la Convention de 2001. 

[11]                  UNESCO, Underwater Cultural Heritage from World War I, compte rendu de la Conférence scientifique à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, Belgique, juin 2014, p. 5 [traduction].

[12]            Information fournie au personnel du Comité.

[13]            Parcs Canada, « Le HMS Terror est ajouté au lieu historique national des Épaves du HMS Erebus et du HMS Terror », Communiqué de presse, 15 décembre 2017.

[14]                  Pour obtenir plus de détails sur le HMS Erebus et le HMS Terror, consulter : Parcs Canada, « Le HMS Terror est ajouté au lieu historique national des Épaves du HMS Erebus et du HMS Terror », Communiqué de presse, 15 décembre 2017.

[15]            Une analyse détaillée de ces raisons a par la suite été présentée au personnel du Comité.

[16]            Voir la discussion dans Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, volume 1, 5e édition, par. 21.11c).

[17]            Selon la spécialiste du droit Sarah Dromgoole, le catalyseur a été la frustration ressentie par le ministre de la Défense face à son impuissance à empêcher un consortium allemand d’explorer l’épave du HMS Hampshire, qui a coulé au large des îles Orcades (Écosse) pendant la Première Guerre mondiale. Malgré qu’on lui ait refusé la permission de plonger sur le site, le consortium a continué de le faire et a retiré un certain nombre d’objets de l’épave, y compris des effets personnels. (Sarah Dromgoole, « United Kingdom » dans Sarah Dromgoole (dir.), The protection of the underwater cultural heritage: national perspectives in light of the UNESCO Convention 2001, Martinus Nijhoff Publishers, 2006, 2e édition, p. 329.)

[18]            Protection of Military Remains Act (PMRA), article 1. Cependant, alors que la PMRA s’applique automatiquement aux aéronefs, le secrétaire d’État à la Défense doit prendre un décret pour accorder à un navire la désignation de lieu protégé (Dromgoole (2016), p. 329.

[20]            Ibid, p. 9 et.11. Pour plus de détails sur les interdictions prévues par la PMRA, voir Dromgoole (2006), p. 330.

[21]                  Pour plus de détails, consulter la discussion rapportée par Dromgoole (2006), p. 330.

[22]                  PMRA, par. 1(6) et al. 1(2)b).

[23]            Dromgoole (2006), p. 329.

[24]                  PMRA, par. 3(1).

[25]            Sarah Dromgoole, Underwater Cultural Heritage and International Law, Cambridge University Press (2013), p. 139

[26]                  National Oceanic and Atmospheric Administration [NOAA], Sunken Military Craft Act, p. 1.

[27]            Ole Varmer, « United States of America », dans Sarah Dromgoole (dir.), The protection of the underwater cultural heritage: national perspectives in light of the UNESCO Convention 2001, Martinus Nijhoff Publishers, 2006, 2e édition, p. 369.

[28]                  Gwénaelle Le Gurun, « France », dans Sarah Dromgoole (dir.), The protection of the underwater cultural heritage: national perspectives in light of the UNESCO Convention 2001, Martinus Nijhoff Publishers, 2006 (2e édition), p. 67.

[29]            Les articles 95 et 96 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer prévoient que les navires de guerre et autres navires « appartenant à un État ou exploités par lui et utilisés exclusivement pour un service non commercial » sont protégés par le principe de l’immunité souveraine. Ce principe s’étend, avec certaines réserves, aux navires qui se trouvent dans la zone économique exclusive et dans la mer territoriale d’un autre État (Dromgoole (2013), p. 136). Toutefois, l’article 2 de la UNCLOS précise que la souveraineté de l’État côtier s’étend au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures, ce qui crée une tension évidente entre le principe de la souveraineté de l’État côtier par rapport à sa mer territoriale et le principe selon lequel les épaves bénéficient d’une immunité souveraine et se trouvent, par conséquent, sous la compétence exclusive de l’État du pavillon (Dromgoole (2013), p. 139).

[30]            La notion de PBY renvoie à un type de « bateaux volants » qui avait été conçu à l’origine pour répondre à des besoins militaires.

[31]            Voir, par exemple, l’Heritage Conservation Act de la Colombie-Britannique, alinéa 13(2)(e).

[32]            Renseignements fournis au personnel du Comité par courriel.

[33]            Dromgoole (2006), p. 334.

[34]            Dromgoole (2006), p. 335 [traduction].

[35]            William Shakespeare, The Tempest, (acte 1, scène II), vers tiré de la chanson qu’Ariel chante à Ferdinand le naufragé, intitulée « À cinq brasses sous les eaux ton père est gisant » [traduction].