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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 031 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 novembre 2016

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

     Je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) et à la motion adoptée le 29 septembre, le comité reprend son étude sur la santé mentale et la prévention du suicide chez les vétérans.
    Aujourd’hui, nous accueillons trois nouveaux témoins : de l’Université du Manitoba, Dr Sareen, professeur de psychiatrie; de l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, Mmes Cramm et Bélanger, qui sont toutes deux co-directrices scientifiques intérimaires.
    Nous commencerons par entendre les témoins qui disposeront de 10 minutes chacun puis nous passerons aux questions.
    Commençons par l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans.
    Bonjour. Je vous accorderai à tour de rôle 10 minutes.
    Nous sommes ici pour expliquer ce que notre institut de recherche peut faire en ce qui concerne la recherche pour les anciens combattants. Je commencerai par faire un bref historique puis Mme Cramm viendra nous donner quelques exemples précis.
    L’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans a été créé en 2010 et compte maintenant 42 universités membres, dont environ 1 000 chercheurs actifs dans la recherche sur les militaires, les anciens combattants et la santé de la famille. Notre objectif est de rassembler les efforts de tous les chercheurs afin d’éclairer les politiques et les pratiques. Nous sommes ici aujourd’hui pour parler de ce que font nos chercheurs, des résultats de leurs recherches et de ce qu’ils ont publié pour mieux guider les politiques et les pratiques plutôt que pour présenter nos propres projets de recherche.
    Il est primordial pour notre institut de transférer les connaissances des produits de recherche, c’est-à-dire de publier ces résultats pour que la recherche soit le plus rapidement possible convertie en pratiques. Il est donc très important pour nous de participer à des comités parlementaires comme celui-ci.
    Le principal sujet aujourd’hui est la transition. Nous disposons de beaucoup de recherches sur la transition de la vie de militaire à la vie d’ancien combattant, soit à la vie civile, même si notre institut est pluridisciplinaire. Il s’agit d’une priorité pour nombre de chercheurs universitaires ainsi que pour le gouvernement. Nous avons la chance d’avoir des conseillers gouvernementaux qui expliquent leurs besoins à nos chercheurs et ce qu’ils souhaitent savoir au sujet de la transition. Ainsi, les chercheurs peuvent produire de façon indépendante les données factuelles et axées sur l’information requises.
    D’ailleurs, l’an dernier, nous avons réalisé trois projets de recherche dans le cadre d’un contrat avec Travaux publics pour le ministère de la Défense nationale du Canada et Anciens Combattants Canada. Nous avons ainsi pu constituer une base de connaissances sur les caractéristiques d’une bonne transition ou d’une transition réussie, sur les questions de santé mentale pendant la transition, sur le type de programmes et de soutiens offerts pendant cette période. Tous ces renseignements ont été publiés. Tout est sur notre site Web.
    En ce moment, nous travaillons sur un autre projet qui permettra de bonifier la base de connaissances sur la transition. C’est un travail en évolution. Mme Cramm pourra vous donner plus de détails à ce sujet.
    Le projet actuel est une étude sur le bien-être et la transition de la vie militaire à la vie civile. Je suis l’une des chercheuses principales pour ce projet conjointement avec M. David Blackburn et Mme Maya Eichler de l’Université du Québec en Outaouais et de l’Université Mount Saint Vincent à Halifax. Il s’agit d’une étude approfondie qualitative et longitudinale. Elle nous permettra de dresser un premier portrait de la situation au Canada lorsqu’un militaire actif passe à la vie civile.
    Nous souhaitons recruter une centaine de militaires six mois avant leur date de libération et pouvoir les suivre dans les deux années et demi suivantes. Cette étude deviendra un maillon indispensable qui nous aidera à comprendre un peu mieux les tendances et les facteurs qui peuvent favoriser la réussite de la transition. Nous savons déjà qu’une bonne santé mentale et le bien-être sont des éléments d’une transition réussie.
    Toutefois, à l’heure actuelle, nous ne savons pas exactement, au Canada, ce qui pourrait créer ou ne pas créer les conditions favorables à une bonne transition. Parfois, nous nous attendons à ce que tout se passe bien pour certaines personnes qui quittent le service militaire, mais après un certain temps elles éprouvent de véritables difficultés. Elles commencent à souffrir de troubles de santé mentale après la libération. Peut-être aussi que le problème n’avait pas été diagnostiqué avant la libération et qu’il est apparu après. Certains de ces problèmes peuvent également être tributaires de la réalité puisqu’il s’agit d’un changement important d’identité, de sentiment d’attachement et d’appartenance. La vie est très différente lorsqu’on enlève l’uniforme et que l’on doit tenter de retrouver ce même sens d’appartenance et la même structure en tant que civil. Il se peut également que ces problèmes soient physiologiques et qu’ils n’aient rien à voir avec le service militaire. Nos connaissances longitudinales ne sont pas suffisantes en ce moment. Cette étude sera donc très importante pour l’avenir.
    Nous allons bientôt passer à l’étape de l’examen déontologique pour cette étude. Nous devrions la lancer au printemps et commencer le recrutement de façon intensive.
    L’un des plus grands défis au Canada lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins de santé des anciens combattants est notre incapacité à reconnaître les anciens combattants dans les systèmes de santé. Lorsqu’un militaire quitte l’armée, ses soins de santé passent du système fédéral au système civil provincial. Il y a des anciens combattants partout au pays, dans toutes les provinces et sur tous les territoires, dans les milieux urbains et dans les régions rurales. On serait porté à croire qu’un tel éventail de services est offert avec tous les niveaux de soins offerts au Canada. Or, le Canada n’est pas en mesure actuellement d’établir systématiquement où habitent les anciens combattants; comment ils utilisent les soins de santé; et quels sont leurs besoins de santé par rapport à ceux des civils; et de comprendre, par conséquent, leurs besoins afin de leur offrir le soutien et les programmes dont ils ont besoin au bon moment et au bon endroit.
     L’an dernier, dans le Journal of Military, Veteran and Family Health, des chercheurs du réseau de l’ICRSMV ont trouvé en collaboration avec l’Institut de recherche en services de santé — l’IRSS — un moyen d’étudier la santé et l’utilisation des services de santé des anciens combattants qui sont revenus dans le système public de soins de santé en Ontario de 1990 à 2014. Bien que nous sachions que les anciens combattants reviennent vers les systèmes de santé partout au Canada, nous savons également que près du tiers des anciens combattants semblent migrer vers l’Ontario après leur libération grâce à des travaux d’Anciens Combattants Canada. Il s’agit là d’un bon échantillon qui nous permettra d’amorcer ces travaux d’envergure.
    Grâce à cette étude, ce groupe de chercheurs poursuivra son analyse et pourra nous fournir plus de renseignements qui pourront servir de base à l’établissement des tendances en matière de diagnostic et de traitement en santé mentale. De plus, ces travaux de recherche permettront de faire des comparaisons avec la santé des anciens combattants et celle des civils. Selon d’autres recherches publiées dans le Journal of Military, Veteran and Family Health, la majorité des anciens combattants dont la libération est récente s’adapteraient bien, mais il semble également que certaines maladies chroniques seraient plus fréquentes chez les anciens combattants.
(1540)
    Le Dr Jim Thompson et ses collègues ont publié une revue des études démographiques sur la santé mentale chez les anciens combattants des Forces armées canadiennes. Ils ont conclu que le taux de troubles de santé mentale est plus élevé chez les anciens combattants dont la libération est récente que dans la population canadienne en générale ainsi que chez les anciens combattants appartenant à d’autres époques ou ayant participé à des conflits antérieurs. Il semble qu’un phénomène important et différent touche cette cohorte d’anciens combattants au fur et à mesure qu’ils sont libérés.
     Il est important de noter que nous ne sommes pas le seul pays qui a du mal à comprendre cette transition. Nous collaborons avec d’autres pays pour tenter de comprendre les expériences et les résultats relatifs à la transition de la vie militaire à la vie civile. Nous souhaitons ainsi pouvoir faire des comparaisons entre les pays et tirer profit de leurs enseignements pour mieux dynamiser l’ensemble de la structure et y parvenir plus rapidement. Le Royaume-Uni, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et l’Australie sont parmi les pays avec qui nous collaborons.
    Merci.
(1545)
    Merci.
    Docteur Sareen.
    Je tiens à vous remercier de m’avoir invité à venir témoigner devant ce comité. Je remercie également Mme Bélanger pour son témoignage ainsi que l’ICRSMV. Je crois que nombre des éléments dont je souhaite parler sont similaires à ce qui a déjà été abordé. Je souhaite y apporter une partie de mon expérience.
    En ce mois de novembre, je tiens également à remercier les Forces canadiennes et les anciens combattants qui ont servi notre pays ainsi que leur famille.
    Pour permettre au comité de mieux comprendre, j’aimerais parler un peu de mon expérience et de mon travail. Je suis professeur et directeur de la faculté de psychiatrie à l’Université du Manitoba. Notre université collabore également avec l’ICRSMV. J’ai également travaillé à la clinique des blessures de stress opérationnel d’Anciens Combattants Canada à Winnipeg au cours des sept dernières années. J’ai réalisé des recherches principalement dans le domaine de la santé mentale des militaires au cours des dix dernières années et j’ai travaillé à la prévention du suicide dans les Premières Nations.
    Je vous parlerai tout d’abord de certains des troubles de santé mentale et des comportements suicidaires; du nombre de cas chez les militaires et les anciens combattants; de certains des facteurs communs aux troubles de santé mentale dans la population en général; et de certains facteurs précis qu’il est important de comprendre dans l’univers des militaires et des anciens combattants. Je parlerai ensuite des forces du Canada et enfin des aspects qui pourraient être améliorés.
    Comme la majorité ou chacun d’entre vous le sait, les troubles de santé mentale et de dépendance sont très fréquents. Chaque année, un militaire ou ancien combattant sur quatre souffre de dépression, de trouble de stress post-traumatique ou de problème de consommation d’alcool. Ce taux est extrêmement élevé; on parle de 25 % de la population. Arrêtez-vous et pensez aux conséquences du point de vue des familles. Les conséquences sont très grandes. Il est très important de tenir compte de cet aspect et des interventions précoces.
    Environ 4 % de la population des Forces canadiennes a des idées suicidaires. Ainsi, environ quatre militaires actifs sur 100 penseraient sérieusement au suicide. Le taux de tentative est de moins de 1 % par année. Comme les autres témoins l’ont mentionné, les anciens combattants affichent un taux légèrement plus élevé d’idées suicidaires, particulièrement pendant la première et la seconde année après leur libération. Le Dr Thompson a étudié plus de 3 000 anciens combattants canadiens et a montré que le taux était d’environ 6 %.
    Je répète que ce qu’il faut retenir est qu’il s’agit d’un problème fréquent. Pourquoi est-ce que les militaires souffrent de troubles de santé mentale et de comportements suicidaires? Je pense qu’il est très important de se rappeler que les facteurs de risque les plus importants pour les troubles de santé mentale et le suicide sont les événements stressants de la vie vécus pendant l’enfance ou à l’âge adulte. Ces facteurs sont très présents chez les militaires. Les militaires peuvent vivre des événements indésirables, des événements stressants de la vie, de la violence physique ainsi que des décès. Parmi les autres facteurs communs figurent les antécédents familiaux de troubles de santé mentale. Les lésions corporelles et les problèmes de santé physique sont également importants. Plus particulièrement, il a été prouvé que les difficultés financières et les problèmes juridiques augmentent le risque de troubles de santé mentale et de comportement suicidaire. Ces problèmes sont également très fréquents.
    Les facteurs qui protègent des troubles de santé mentale et qui agissent sur la prévention du suicide sont le soutien dans la collectivité, les programmes de santé mentale en milieu de travail, le leadership dans les unités et les structures organisationnelles. Le soutien social et le soutien par les pairs sont primordiaux comme le sont, bien évidemment, les familles et la capacité de la famille à comprendre ce que le militaire vit.
(1550)
    Pour ce qui est des facteurs touchant les militaires et les anciens combattants, une controverse entoure le déploiement. Le déploiement à proprement parler n’augmente pas le risque de trouble de santé mentale ni de comportement suicidaire. Par contre, si pendant le déploiement, le militaire est exposé à un haut niveau de traumatisme, le risque de stress post-traumatique, de dépression et de suicide augmente. Je pense qu’il est essentiel de prendre du recul. Pour le suicide, je donnerais comme exemple une personne souffrant d’asthme. L’asthme seul n’est pas mortel. Toutefois, si vous souffrez d’asthme en plus de beaucoup d’autres problèmes de santé physique, ces affections prises ensemble peuvent entraîner la mort.
    De la même façon, lorsque nous étudions le suicide, nous devons comprendre qu’il n’y a pas un seul facteur qui cause le suicide. Il s’agit d’une combinaison de différents facteurs, comme un événement stressant de la vie, de la dépression, la consommation d’alcool, les difficultés dans l’armée et pendant la transition et des problèmes juridiques éventuels. Tous ces facteurs regroupés font augmenter le risque de tentative de suicide ou de suicide.
    Au Canada, nous avons obtenu de bons résultats dans le cadre des initiatives de lutte contre la stigmatisation et d’amélioration des soins de santé mentale pour les militaires et les anciens combattants. Je pense que beaucoup d’efforts ont été déployés pour accroître la sensibilisation. Des investissements ont également été réalisés dans le soutien par les pairs. De plus, j’ajouterais qu’il est très important d’avoir des organismes comme l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans qui agissent comme organisme scientifique indépendant et qui permettent à des professeurs et des chercheurs de mener des travaux impartiaux et indépendants pour mieux comprendre les troubles de santé mentale et les affections physiques et pour déterminer comment les améliorer.
     Je souhaite insister sur deux points. Le premier est l’étude que nous avons réalisée récemment et qui a été publiée dans le Canadian Medical Association Journal. Cette étude a permis de comparer un échantillon représentatif à l’échelle nationale de militaires canadiens et un échantillon représentatif de civils. Nous nous sommes posé la question suivante : le taux de militaires canadiens actifs qui ont des idées suicidaires et qui vont chercher de l’aide est-il le même que celui dans population civile? Nous avons ainsi pu établir que les militaires ont davantage accès à des services de santé mentale s’ils ont des comportements suicidaires que la population civile.
    Une amélioration est toutefois possible. C’est ce que je vous expliquerai tout à l’heure. Par contre, je crois qu’il est très important de comprendre que le système fédéral de prestation de soins aux militaires et aux anciens combattants qui souffrent de blessures de stress opérationnel a rendu un fier service lorsqu’il a amélioré l’accès aux soins fondés sur des données probantes.
    Si nous nous arrêtons et cherchons comment nous pouvons mieux faire les choses, et ce, non seulement pour les militaires et les anciens combattants, mais également pour la population en général, nous constaterons que nous n’avons pas été en mesure de réduire le taux de suicide au Canada en général. Aux États-Unis, le taux de suicide augmente chez les militaires tandis qu’au Canada le taux est demeuré relativement stable. Nous tentons déjà de discuter et de réfléchir aux façons de prévenir le suicide tant chez les militaires que dans la population en général.
    Permettez-moi de vous parler des travaux réalisés à ce jour dans le domaine. Le traitement du comportement suicidaire jusqu’à maintenant consistait à traiter le trouble de santé mentale sous-jacent ou la toxicomanie. Or, selon les nouvelles données, nous devons nous attaquer beaucoup plus directement aux idées suicidaires et aux tentatives de suicide.
(1555)
    Certaines interventions psychologiques peuvent être efficaces, comme la thérapie cognitivo-comportementale qui est axée spécifiquement sur le comportement suicidaire et un autre type de thérapie appelée la thérapie comportementale dialectique qui s’est aussi révélée efficace pour aider les gens qui avaient fait de multiples tentatives de suicide à apprendre comment gérer ces symptômes. Les systèmes de soins aux militaires et aux anciens combattants devraient se pencher sur ces deux thérapies qui visent particulièrement le suicide et élaborer comment les appliquer.
    Le second volet est qu’il est très difficile de faire une bonne évaluation du risque suicidaire. Lorsque vous avez quelque qu’un devant vous, il est très difficile de prédire si cette personne a atteint un niveau qui la poussera à commettre une tentative de suicide. Lequel de ces instruments devrait être utilisé? Il y a une immense controverse dans le domaine à ce sujet. La plupart des instruments mis à l’essai jusqu’à maintenant ne permettent pas de prévoir et n’aident pas les cliniciens sur le plan individuel. C’est un comportement très difficile à prévoir, comme vous le savez tous. Il est donc difficile de choisir un instrument en particulier.
    Néanmoins, si une personne a des idées suicidaires, les formations précises sur la planification de la sécurité, la réduction de l’accès aux moyens létaux — comme les armes ou les grandes quantités de médicaments — peuvent être véritablement utiles.
    Je pourrais continuer pendant des heures, mais je vais m’arrêter ici et répondre à vos questions.
    Merci, docteur Sareen.
    Passons maintenant à la première ronde d’interventions de six minutes.
    Monsieur Kitchen.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous trois d’être venus aujourd’hui. Nous vous sommes reconnaissants de vos observations et de votre travail. Nous reconnaissons l’importance du travail de nos chercheurs qui fournissent des services et trouvent des solutions qui nous permettent d’améliorer la vie de nos anciens combattants et nos soldats.
    Je vais tout d’abord faire appel à votre esprit de chercheur, parce que certaines personnes ne savent peut-être pas comment fonctionne la recherche et quelles sont les étapes à franchir pour constituer un projet de recherche. Vous avez une idée et quelqu’un établit une hypothèse nulle; vous proposez une conceptualisation des éléments sur lesquels portera votre recherche; le chercheur propose une idée et la présente à l’université ou au comité d’éthique. Pourriez-vous nous expliquer en général, sans entrer dans les détails, les étapes que doit franchir un chercheur pour un tel projet?
    D'après moi, le fait que la recherche vient des gens est l'un des éléments clés qui est vraiment important. Les autres présentateurs ont parlé du travail qualificatif auprès des gens. Les idées viennent vraiment de moi, en tant que clinicien, après m'être assis avec les patients et les familles et après avoir compris ce qu'ils vivaient. À partir de là, nous formulons une idée, puis nous rédigeons une proposition.
    Dans notre laboratoire, nous utilisons les données de Statistique Canada qui ont une représentativité nationale. Essentiellement, nous nous présentons chez Statistique Canada, nous obtenons l'autorisation d'analyser de façon anonyme un important échantillon afin de pouvoir comprendre, chez 8 000 militaires, le risque d'idées suicidaires et les facteurs. Nous obtenons l'autorisation, nous effectuons l'analyse des données de Statistique Canada, puis nous les publions dans des revues.
    Je pense que l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans est également très important. Nous faisons des exposés dans le cadre de conférences, nous apprenons l'un de l'autre, nous développons des réseaux, nous essayons de mobiliser les patients et les familles et nous nous assurons que les questions sont pertinentes pour les Canadiens.
(1600)
    Merci.
    Madame Cramm, je vais en rajouter un peu et vous demander peut-être d'élaborer davantage. D'après ce que je peux comprendre, pendant que Dr Sareen réalise plus d'études épidémiologiques, vous traiteriez avec des sujets réels. Lorsque vous êtes avec des sujets, et que vous examinez des enjeux tels que le consentement, et le consentement éclairé, et les étapes que vous devez suivre pour vous assurer que le projet est terminé, je me demande si vous pourriez nous expliquer quelles sortes de renseignements il faut pour ce consentement éclairé et la documentation dont vous auriez besoin pour l'étayer.
    Bien sûr. Merci.
    Il est bien évident que Dr Sareen procède à une analyse de mégadonnées dans certaines de ces études épidémiologiques axées sur la population, et cette recherche est très différente étant donné que pour une recherche qualitative, nous n'avons pas de laboratoire. Dès que nous avons une proposition et que nous avons le financement pour effectuer l'étude, nous allons de l'avant. Une partie de l'opérationnalisation d'un projet comporte une autorisation sur le plan éthique. Votre conception doit être rigoureusement scientifique, et elle doit être approuvée au niveau de l'université concernant toute préoccupation éthique éventuelle. Si plusieurs chercheurs universitaires participent à un projet donné, nous devons effectivement consulter plusieurs comités d'éthique de la recherche universitaire.
    Dans le cas de l'étude que j'ai mentionnée, nous avons dû consulter trois comités différents d'éthique de la recherche universitaire. Une partie de l'évaluation au niveau du comité de révision déontologique concerne l'examen d'une lettre d'information afin que les gens aient un consentement éclairé. Ils apprennent ce sur quoi porte l'étude, comment leurs renseignements seront utilisés, qui aura accès à l'information qu'ils fournissent, comment elle sera consignée et s'ils ont le droit de mettre fin à leur participation s'ils ne se sentent pas à l'aise. Tous ces aspects sont mentionnés. Les lignes directrices des trois conseils sur l'éthique doivent être respectées par tous les chercheurs universitaires de sorte que les comités de révision déontologique procèdent à un examen extrêmement détaillé de tous les documents, y compris les questions que nous comptons poser, quels sont les échantillons, s'il y a un fardeau indu sur l'échantillon, ou si nous exposons quelqu'un à un risque plus élevé. Tous ces éléments sont pris en considération au niveau de l'université, et souvent par des sites multiples. Tout cela avant que nous puissions même commencer le processus de recrutement.
    Qu'arriverait-il si l'on déterminait que tout au long de cette étude ces étapes n'ont pas été respectées?
    Les protocoles sont en place pour faire en sorte que nous savons qu'il existe bel et bien un plan. S'il y a un événement indésirable et quelque chose se produit, les universités ont une structure détaillée de rapports. Bien souvent, ces choses existent pour les événements en laboratoire. Par contre, d'un point de vue qualitatif, pour l'essentiel, c'est plus... et quand je dis en laboratoire, j'entends par là davantage des événements indésirables en laboratoire de sciences biologiques, pour signaler une structure de cette façon s'il y a un rapport d'événement indésirable. Il existe par ailleurs des processus ainsi que des freins et contrepoids en matière d'éthique et tous les chercheurs sont au courant des lignes directrices en matière d'éthique et de leur obligation de signaler quoi que ce soit qui dévie du protocole convenu.
    Parfait.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Poissant, qui partagera son temps avec M. Eyolfson.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour leur exposé. C'est très intéressant.
    Tout à l'heure, j'ai remarqué que, dans votre étude, vous mentionnez que le taux de suicide des vétérans est plus élevé aux États-Unis qu'au Canada.
    Ma question est la suivante : avez-vous comparé la situation avec d'autres pays? Si ces pays font certaines choses mieux que nous pour aider les vétérans, comment pourrions-nous en tirer profit?
(1605)

[Traduction]

    Je peux répondre. Je n'ai pas vérifié dernièrement quels étaient les taux de suicide ailleurs. Je sais qu'aux États-Unis, ces taux sont à la hausse chez les militaires et qu'on s'en inquiète passablement, mais je n'ai pas de réponse pour vous en ce qui concerne d'autres pays. Je peux par contre vérifier.

[Français]

    Merci.
    Dans votre étude, un suivi a-t-il été fait auprès des familles qui ont perdu un proche à cause du suicide? On sait que cela a des répercussions assez énormes sur elles.

[Traduction]

    Nous n'avons pas fait de telles études. C'est un aspect très important, et si je reviens à la question précédente au sujet de l'éthique et de l'incidence sur les familles, c'est énorme. Nous n'avons pas examiné cet aspect. Je ne peux pas dire si d'autres chercheurs l'ont fait.
    Ce point est très important. Je pense qu'il est vraiment important d'examiner les tentatives de suicide et les suicides pour bien comprendre ce qui s'est passé, et quelles sont les leçons tirées pour améliorer la qualité et essayer d'améliorer le système.

[Français]

     Merci.
    Ce sera tout pour moi.

[Traduction]

    Monsieur Eyolfson.
    Jitender, je suis heureux de vous revoir.
    Pour vous situer, nous avons fait nos études de médecine ensemble.
    Une voix: Tout comme pour chaque témoin.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Doug Eyolfson: Eh bien, beaucoup d'entre eux, effectivement.
    Jitender, à notre dernière réunion, nous avons accueilli un témoin avec qui j'avais aussi fait mes études de médecine.
    Votre salle de classe devait être immense.
    Effectivement, elle était grande.
    Une voix: Avez-vous obtenu votre diplôme?
    Des voix: Oh, oh!
    D'accord, votre temps de parole est écoulé...
    Merci.
    Nous avons parlé de la façon dont ACC dispose de systèmes pour identifier les anciens combattants itinérants et ceux qui sont à risque, et nous savons que même s'il existe une grande interaction entre l'itinérance et la maladie mentale, elles ne vont pas toujours de pair. Ce ne sont pas toutes les personnes aux prises avec une maladie mentale qui deviennent des sans-abri, mais il y en a qui sont particulièrement à risque de le devenir.
    Je vous pose la question à tous les deux, auriez-vous des suggestions qui permettraient à ACC d'identifier les anciens combattants à risque de devenir itinérants en raison de problèmes de santé mentale ou financiers que l'on pourrait régler avant d'en arriver à ce point?
    Madame Cramm.
    De façon générale, je pense que la recherche sur l'itinérance a démontré que cette prédiction est aussi complexe. Pouvoir identifier qui est le plus à risque n'est pas un processus simple. Des indicateurs de certains aspects liés à un emploi précaire et à l'insécurité du logement peuvent précipiter les choses, mais il y a aussi une question parallèle reliée à un sentiment de désengagement et de désillusion de sorte que certaines personnes peuvent en fait choisir de poursuivre un état d'itinérance plutôt que de devenir des itinérants. Il ne s'agit pas d'un groupe homogène.
    Je suis d'accord. La période de transition est vraiment, comme l'ont dit les intervenants, la phase importante pour le militaire pour comprendre son identité. Ces gens viennent du milieu militaire où ils ont accès à un éventail de services. Il est vraiment important d'essayer de combler ce fossé autour de l'identité, du stress financier ainsi que du stress dans leurs relations. Un des militaires que j'ai rencontrés avait des idées suicidaires parce qu'il craignait de devenir itinérant en raison des pertes financières subies pendant un divorce. Nous avons passé énormément de temps ensemble à essayer de l'aider à débrouiller sa situation financière, parce que sa préoccupation était qu'il allait devenir un sans-abri. Il s'agit d'un militaire que je voyais à une clinique pour BSO. Nous savons que le stress financier met les gens à risque de dépression et de comportement suicidaire, et l'itinérance est bien entendu un enjeu très important.
    L'autre point que je dois rappeler aux membres du Comité, c'est le projet « Logement d'abord » sous les auspices de la Commission de la santé mentale du Canada. Dans le cadre de ce projet, les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale et l'itinérance étaient choisis au hasard pour obtenir d'abord un logement, puis le soutien. Ce projet a connu passablement de succès, et il y avait des anciens combattants itinérants dans cet échantillon. Nous avons examiné ces données; je peux vous les fournir.
    Il y a une période de transition lorsqu'il existe des problèmes d'identité et des problèmes financiers, et potentiellement des problèmes de relations, qui peuvent mettre la personne à risque. Il est difficile de prédire qui sera à risque, mais le fait de savoir qu'il s'agit d'une période vulnérable, il pourrait être important que dans le cadre d'une démarche de santé publique on examine cet aspect pour se demander comment nous pouvons réduire la détresse au cours de cette période.
(1610)
    Merci.
    Madame Mathyssen.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins. Nous vous sommes sincèrement reconnaissants de votre expertise et nous comptons sur les renseignements que nous recevons pour formuler une solution qui soit importante et qui permette vraiment de desservir nos anciens combattants et leur famille.
    Madame Cramm, vous avez dit que vous participez à des recherches, et que vous travaillez avec des sujets qui, six mois avant de quitter, feront l'objet d'un suivi minutieux pendant deux ans et demi après leur départ. En fonction de quels critères choisissez-vous les personnes? Est-ce aléatoire, ou tenez-vous compte de l'état de leur santé mentale? Qu'est-ce qui motive ce choix?
    Pour l'étude en question, nous essayons de comprendre un éventail d'expériences. Nous voulons pouvoir avoir un recrutement ouvert afin de déterminer, au cours d'une certaine période, qui sera libéré. À ce moment-là, les gens peuvent choisir de se joindre à l'étude, reconnaissant qu'il s'agit d'un engagement pour deux ans et demi comportant trois points d'entrevue. Nous chercherons à avoir des représentants dans les différentes catégories, dont la composante militaire. En ce moment, notre plan consiste à pouvoir recruter la majorité des militaires qui viendront de l'armée étant donné que ce serait représentatif de la population. Le deuxième groupe en importance serait la marine et la force aérienne. Nous nous assurerons également de tenir compte de l'expérience des réservistes.
    Nous voulons pouvoir comprendre une multitude d'expériences, et ce, dans le cadre de l'étude. Nous aurons une certaine catégorisation, notamment la région du pays au moment de la libération. Nous devons nous assurer que différentes expériences de nature linguistique sont représentées pour ce qui est du français ou de l'anglais. Nous devons nous assurer que les militaires de sexe masculin et de sexe féminin sont aussi représentés. Tout dépendra du militaire qui est libéré au cours d'une période donnée, parce que si vous avez une étude sur trois ans, vous pouvez vous attendre à ce que seulement un nombre donné de personnes soient libérées au cours d'une période donnée. L'étude comportera une centaine de militaires, tout en prévoyant bien entendu que certains pourraient nous quitter au cours de l'étude. Il est difficile de maintenir un engagement continu dans le cadre d'études longitudinales.
(1615)
    Merci.
    Docteur Sareen, vous avez dit que certaines personnes ont une prédisposition à des problèmes de santé mentale, en fonction de certains de leurs stress et de leurs expériences dans leur vie. L'une des choses que nous avons entendues du général Hugh MacKay, c'est qu'il n'existe aucune présélection des nouvelles recrues concernant la santé mentale. Je me demande si c'est même possible. Existe-t-il un test ou une mesure fiable pour faire cette présélection, ou est-ce même à conseiller?
    Nous en avons beaucoup discuté. En ce moment, on dit qu'il n'existe aucune mesure fiable ou aucun processus de sélection. Encore une fois, c'est tellement courant... les problèmes de santé mentale, si vous prenez 25 % de la population et commencez à rejeter des candidats à la sélection, il n'en restera pas suffisamment pour les militaires.
    Je pense que cet aspect est important, peut-être d'examiner plus en profondeur au moment du recrutement pour vraiment bien comprendre à la fois les vulnérabilités et la formation sur la santé mentale. Je pense que les militaires ont le programme RVPM, et il existe une multitude de façons de bâtir la résilience, mais je pense qu'il est important d'avoir l'évaluation indépendante de cette formation et aussi d'examiner les deux moments dans le temps, la phase du recrutement et la transition après le service militaire. Il serait important d'étudier la documentation relativement à ces deux aspects et de trouver des pratiques exemplaires en plus d'examiner des interventions potentielles. Je sais que...
    J'allais poser une autre question, mais je vous en prie, terminez.
    Je pense qu'il n'existe pas en ce moment dans le monde de processus de sélection suggéré, du moins que je sache, pour dire que des personnes ne sont pas admissibles à la vie militaire, à moins que ces personnes soient aux prises avec une maladie psychotique très grave; c'est le seul point qui à mon avis constituerait un problème.
    Merci.
    Je ne sais pas si vous ou Mme Cramm pouvez répondre à ma prochaine question. Est-ce que les services actuellement offerts par le MDN et ACC répondent vraiment aux besoins en santé mentale des membres des FC et des anciens combattants? Est-ce que les services actuels fonctionnent? Sont-ils adéquats?
    Madame Cramm, vous pouvez commencer, mais votre temps sera limité. Nous en sommes aux dernières secondes prévues pour cette question. Veuillez faire preuve de concision.
    Je peux vous dire que l'an dernier, l'une des études de recherche attribuées à contrat consistait en une analyse environnementale de tous les programmes offerts, au sein des FAC, du ministère des Anciens Combattants et aussi de la collectivité. On a fait une analyse de haut niveau ainsi que dans divers pays pour voir si on pouvait les comparer. Cette étude visait non pas à déterminer l'efficacité, mais davantage à représenter le domaine et à examiner pourquoi ces choses existent, comment elles sont représentées et qui elles ciblent.
    Merci.
    Monsieur Bratina.
    Madame Cramm, je suis heureux de vous revoir. Nous avons eu une excellente conversation avec les ergothérapeutes dans le cadre de leur exposé, et je sais que vous avez travaillé à la transition à la vie civile. À ce sujet, pourriez-vous décrire les enjeux mentaux ou émotifs d'une personne qui quitte l'entraînement et la perspective d'emploi ou le service d'un militaire actif par rapport à la grande inconnue de ce qui l'attend après son service militaire?
    Bien sûr. Merci, et ma formation d'ergothérapeute en santé mentale éclaire aussi très bien ce point de vue. Nous savons que lorsqu'une personne est chez les militaires, il y a toute une structure qui accompagne ce mode de vie particulier. Beaucoup de décisions sont prises à votre place quant à l'heure à laquelle vous vous levez, où vous allez, ce que vous faites, où vous vivez. Si l'on vous dit que votre prochain lieu de résidence est à tel endroit, vous savez que vous avez trois mois pour le faire.
    Vous passez donc d'une période pendant laquelle beaucoup de choses sont structurées de l'extérieur pour vous à cette grande inconnue, où l'emploi du temps peut en réalité constituer tout un défi pour des gens au niveau de leur santé mentale et de leur bien-être. Vous pensez avoir tout ce temps à votre disposition et, n'est-ce pas merveilleux, mais en réalité, cela peut être passablement préjudiciable à une santé mentale positive. Si vous avez trop de temps libre, vous risquez d'avoir beaucoup de difficulté à l'utiliser de manière significative. Donc, si vous combinez cela, sur le plan de l'utilisation du temps, pour ce qui est de son sens et de sa finalité...
    Des gens s'enrôlent dans l'armée parce qu'ils croient en quelque chose. Ils ont une identité qui est reconnaissable. Les gens peuvent vous voir en uniforme, et cela a une signification pour eux quant à qui vous êtes et à ce que vous devez endurer jour après jour. Mais si vous êtes uniquement en tenue civile, vous pouvez occuper différents emplois ou contribuer de façon différente à la société. Vous n'avez pas la même reconnaissance quant à votre identité. Votre sentiment quant à votre signification, votre identité et votre raison d'être est peut-être compromis. Vous pouvez avoir de la difficulté à structurer votre temps, et votre sentiment d'appartenance est aussi passablement perturbé. Vous avez cette famille très unie d'autres militaires, et cela vaut également pour les familles de militaires. Il existe une identité pour un militaire ou une famille de militaire. Nous ne pouvons pas en dire autant de la famille des anciens combattants, ou pour un ancien combattant. C'est même loin d'être la même chose, et de nombreux anciens combattants — nous le voyons dans l'exemple du Royaume-Uni — ne s'identifient même pas comme des anciens combattants parce qu'ils ne se voient pas comme des anciens combattants : ils se voient comme des anciens militaires. Pour eux, les anciens combattants sont ceux qui ont combattu pendant la Deuxième Guerre mondiale ou pendant la Guerre de Corée.
    Ce sentiment d'identité est donc un réel problème. Nous savons que si nous pouvons soutenir les gens au cours de la transition pour qu'ils continuent de vivre une vie qui vaut la peine d'être vécue, comme nous le disons en ergothérapie, alors cela peut vraiment soutenir la transition en santé mentale des gens et la qualité de vie générale.
(1620)
    Au sujet du recrutement de la cohorte, j'aimerais savoir si un ancien combattant de Bienfait, en Saskatchewan, aurait des problèmes semblables ou différents dans un grand centre urbain comme Vancouver ou Montréal. Incluriez-vous cette forme de diversité dans votre cohorte?
    Il s'agit là de l'un des défis du processus de recrutement. Lorsque nous recrutons des gens, lorsqu'ils font toujours partie des forces armées, nous ne savons pas encore à quel endroit ils seront affectés. Ils sont peut-être à Meaford en ce moment, mais ils pourraient retourner à Grand Falls, à Terre-Neuve. Nous ne savons pas où les gens vont s'établir.
    Beaucoup vont essayer de faire en sorte que leur dernière affectation soit près du lieu où ils veulent prendre leur retraite, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Nous n'avons donc pas nécessairement une façon de le prédire. Parfois, les gens eux-mêmes ne le savent pas parce que, au cours des six derniers mois de leur carrière militaire, ils essaient eux aussi de déterminer ce qu'ils vont faire : à savoir s'ils vont entreprendre une autre carrière, et les répercussions de cette décision sur la carrière du conjoint ou de la conjointe.
    Cette question n'est pas simple, mais nous nous attendons à pouvoir déterminer certaines des tendances ou trajectoires au cours de cette période.
    Me reste-t-il du temps?
    Vous avez une minute et 20 secondes.
    Docteur Sareen, pour ce qui est du suicide, est-ce qu'un suicide ou une tentative de suicide survient habituellement longtemps après une sorte de continuum de comportement, ou est-ce que cela se produit souvent soudainement? Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?
    Je pense qu'il y a habituellement eu une tentative de suicide. Il y a souvent une période de souffrances avant qu'une personne fasse une tentative. Parfois, si l'alcool est en cause, il peut y avoir des événements impulsifs. Les preuves les plus solides concernant la prévention du suicide consistent à limiter les moyens létaux — l'accès à des armes à feu comme des fusils de chasse, et l'accès à d'importantes quantités de médicaments. Franchement, ce sont là deux éléments que l'on retrouve passablement souvent.
    Je pense que la plupart des gens souffrent pendant longtemps, mais si l'alcool est en cause, ce geste est parfois impulsif.
(1625)
    Bref, il serait juste de dire qu'il existe une possibilité d'intervention, de cerner un problème, si nous y mettons les efforts.
    Je suis entièrement d'accord avec vous.
    Merci.
    Madame Lockhart, vous avez la parole.
    Merci beaucoup de votre présence en tant que chercheurs, parce que nous avons entendu beaucoup de renseignements anecdotiques.
    En fait, j'ai quelques études avec moi, dont une de vous, docteur Sareen, « Combat and peacekeeping operations in relation to prevalence of mental disorders and perceived need for mental health care ». Je me demande si l'on pourrait inclure cette étude au rapport du Comité.
    Bien sûr. J'allais vous poser la question. Nous avons quelques études récentes que nous avons réalisées et quelques-unes des plus récentes sur la prévention du suicide que j'aimerais remettre au Comité, mais je n'ai pas eu l'occasion de le faire avant notre comparution.
    Cela vous convient-il que je remette quelques-uns des principaux documents?
    Excellent. S'il y a des documents ou des questions que vous voulez développer davantage, l'un ou l'autre, n'hésitez pas à les faire parvenir au greffier et il nous les remettra.
    J'ai tout dernièrement eu la possibilité d'en consulter quelques-unes. Je pense que les renseignements qui s'y trouvent seront très utiles pour notre étude. Je vous en remercie donc.
    Dans votre témoignage, docteur Sareen, vous avez mentionné que le taux de suicide chez les militaires s'est stabilisé. Avons-nous des données sur le taux de suicide chez les anciens combattants?
    Oui. Je n'ai pas consulté les dernières statistiques, mais je pense qu'il y a eu une légère augmentation du taux de suicide tant dans l'armée que chez les anciens combattants. Je vais devoir vérifier.
    L'important, c'est que le nombre de suicides est relativement faible. Il est donc difficile d'avoir un changement important, mais je sais qu'il y a eu une faible augmentation.
    Est-il facile pour vous d'obtenir ces statistiques?
    Je vais voir ce qu'il en est et je vous reviendrai là-dessus.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Vous avez également mentionné que l'on devrait examiner d'autres méthodes de traitement. Sont-elles propres à l'ESPT ou portent-elles sur tout ce qui est lié à la santé mentale? Pourriez-vous nous en dire un peu plus?
    Oui. Je pense que l'aspect à l'égard duquel les cliniques qui se spécialisent dans les blessures de stress opérationnel ont fait un excellent travail a été d'accroître la disponibilité de traitements liés à l'ESPT ainsi que d'autres techniques de stabilisation des émotions. Plus récemment, ces dernières années, on a mis l'accent sur la thérapie comportementale cognitive dans le cas du suicide. Dans des échantillons de militaires américains, il a été démontré que cette thérapie réduisait effectivement les tentatives futures de suicide. Si une personne a tenté de se suicider, il a été démontré dans le cadre d'un essai randomisé que le fait de cibler les facteurs de risque et de protection dans une intervention psychologique réduisait les tentatives futures de suicide. Nous pensons qu'il est important que nos cliniques pour militaires et anciens combattants jettent un coup d'œil à ces nouveaux traitements.
    La planification de la sécurité constitue le deuxième élément. Pour la plupart des cliniciens, et cela ne s'adresse pas uniquement aux vétérans militaires mais à nous tous, lorsque nous voyons une personne qui songe au suicide, il existe de nouvelles façons qui vous permettent d'essayer d'effectuer une évaluation et de réduire le risque à ce moment précis. Encore une fois, je peux remettre une partie de ces renseignements, mais c'est la planification de la sécurité et l'intervention liée au suicide, ce qui comprend aider la personne à parler des choses qui l'aideraient à vivre, et vraiment se concentrer sur l'élimination des moyens létaux, le cas échéant, et de parler du soutien social. Ces interventions précises correspondent à ce que nous devrions mettre en œuvre à l'échelle du système et qui constituent les toutes dernières méthodes de prévention du suicide.
(1630)
    Avez-vous dit que l'on utilise déjà ces méthodes aux États-Unis, mais qu'elles ne constituent pas encore des pratiques exemplaires au Canada? Est-ce bien cela?
    Elles ne sont pas utilisées non plus aux États-Unis. Elles sont ce qu'il y a de plus nouveau. Un nouvel essai randomisé réalisé il y a deux ans a démontré que cette intervention précise avait effectivement donné lieu à des réductions. Par contre, la pratique clinique n'a pas encore changé et, d'après moi, il est vraiment important de s'employer à le faire.
    D'accord.
    Encore une fois, d'après vos recherches, vous avez dit que vous avez étudié 8 441 militaires en service actif. Vous avez dit qu'une estimation prudente serait qu'environ 15 % de l'échantillon aurait besoin de services en santé mentale.
    Avez-vous une estimation « non » prudente?
    Une voix: Libérale.
    Mme Alaina Lockhart: Oui : une estimation libérale, peut-être...
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Alaina Lockhart: Désolée, je n'ai pas pu m'en empêcher.
    Dans cette étude, qui remonte à 2002, l'estimation libérale était de 31 %. Cela comprenait les diagnostics, les personnes diagnostiquées dans le cadre d'une entrevue structurée, ainsi que les personnes qui recevaient des services, sans oublier les personnes qui pensaient avoir besoin de soins. Lorsque nous avons pris l'ensemble des personnes, depuis celles qui pensaient avoir besoin de soins, en passant par celles qui demandaient des soins et celles qui avaient été diagnostiquées, nous sommes parvenus à 31 %.
    Merci.
    Madame Wagantall.
    Merci beaucoup d'être venus et de votre expertise. Bien entendu, je n'ai pas beaucoup d'antécédents dans tout ce domaine de la recherche, et il est tellement crucial que nous comprenions, même en tant que comité, quelle est la meilleure façon de formuler des recommandations et de préconiser des modifications à nos systèmes au Canada.
    Madame Cramm, dans le cadre de vos recherches sur la transition à la vie civile, vous avez parlé des conseillers du gouvernement. Je n'ai pas lu vos rapports. Quel rôle jouaient ces conseillers? Quels étaient les paramètres et qu'ont-ils fait de façon précise pour mettre sur pied ces essais?
    Cette étude fait partie d'un financement que nous avons à l'Institut canadien sur la santé des militaires et des vétérans, que le gouvernement peut en réalité définir à l'interne; donc, la Direction de la recherche d'Anciens Combattants Canada examine ses priorités stratégiques et ses besoins en recherches, puis elle détermine ce qu'elle peut et ne peut pas gérer à l'interne. Ces recherches peuvent être données en sous-traitance par l'entremise d'un contrat que nous fournissons. Essentiellement, elles sont octroyées sur appels d'offres.
    Au lieu que ce soit tout simplement un appel d'offres, c'est en réalité un processus d'examen par les pairs. Des équipes de recherches présenteront une demande pour un contrat donné, puis notre collège d'examinateurs pairs de l'Institut procède à son examen. Ensuite, la meilleure étude proposée, qui comporte la conception la plus rigoureuse et la meilleure combinaison d'expertise, obtiendra un contrat donné. On dispose déjà d'une assez bonne définition de ce que l'étude doit examiner, en l'occurrence répondre à certains besoins stratégiques au sein de la Direction scientifique d'Anciens Combattants.
    Merci.
    Ce que je crois entendre aussi, c'est qu'il est beaucoup plus difficile de retracer nos vétérans, de toute évidence, que pour les forces armées, où la situation est très structurée et où on compte de très nombreuses variables de contrôle. Si vous prenez la base de données des Forces armées canadiennes, qui existe assurément, puis celle d'ACC, nous constatons qu'il est nécessaire de pouvoir avoir davantage une transition de cette information avec les vétérans.
    Est-ce que ce serait utile? Je pense aux 600 000 vétérans, dont 100 000 ont besoin de l'aide d'ACC. Viennent ensuite les cas plus graves, qui sont vraiment ceux avec lesquels nous devons composer, qui nécessitent un gestionnaire de cas et qui ont des problèmes vraiment sérieux. Ne serait-il pas utile de disposer de cette information même sous la forme d'une vue d'ensemble, puis de pouvoir attraper ces vétérans, pour ainsi dire, à mesure qu'ils quittent la vie militaire, de découvrir leurs points communs et là où ils pourraient se retrouver avec ces problèmes plus que d'autres?
(1635)
    Votre question comporte deux volets. Premièrement, les Forces armées canadiennes et Anciens Combattants Canada déploient énormément d'efforts pour que la transition se fasse sans heurt, pour améliorer ce transfert, pour donner cette chaleureuse poignée de main. Il s'agit d'une initiative très active, au succès de laquelle de nombreuses parties concernées au sein du gouvernement travaillent très fort. Je ne dis pas que c'est déjà fait, mais de nombreux efforts sont déployés.
    Par ailleurs, lorsque vous avez des gens qui quittent la vie militaire parce qu'ils ont déjà un problème connu de santé mentale, et qu'ils sont libérés pour des raisons médicales à cause de ce problème de santé mentale, nous savons souvent où ils se trouvent au cours des deux premières années. Ils sont reliés directement au ministère des Anciens Combattants, aux unités interarmées de soutien au personnel. Nous savons où ils se retrouvent.
    De fait, les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, qui sont identifiées avant de quitter le service militaire, ne sont pas nécessairement celles pour lesquelles nous nous inquiétons le plus. Il se peut qu'il s'agisse des personnes qui obtiennent leur libération parce qu'elles ont un problème de santé mentale qui n'a pas encore été recensé, et ces personnes ne sont pas prêtes à y faire face. Elles peuvent décider de quitter le service et d'essayer de gérer le problème d'elles-mêmes, et elles décompensent au cours de cette période de libération des deux premières années. Elles peuvent se retrouver dans le vide. Elles ne sont pas tenues de s'inscrire auprès d'Anciens Combattants Canada de sorte qu'elles n'ont peut-être aucun lien par lequel Anciens Combattants peut même leur offrir des services, et les services ne sont peut-être pas reliés à leur service militaire, leurs problèmes.
    C'est compliqué sous ce rapport. Cela nous préoccupe que plusieurs personnes nous échappent sans avoir été déjà identifiées ou que leurs problèmes surgissent après leur libération. Nous espérons qu'une étude longitudinale nous fournira de plus amples renseignements au sujet de certains de ces modèles de trajectoires à mesure que les gens traversent la période de libération.
    Ce serait donc bénéfique. Nous avons également parlé d'une forme de reconnaissance positive que nos anciens combattants peuvent porter sur eux et qui nous permet de garder le contact, une fois qu'ils sont libérés, et ce, d'une façon qui n'est pas exigeante pour eux. Ce serait une occasion de pouvoir les retracer, de s'assurer que nous gardons le contact et de veiller à ce qu'ils reçoivent les soins dont ils ont besoin au fur et à mesure de cette transition et qu'ils ne peuvent peut-être pas gérer ce qu'ils pensaient pouvoir faire d'eux-mêmes.
    Vraisemblablement, oui, l'idée d'un registre pour anciens combattants... et si on pouvait le rattacher à certaines de leurs données anonymes sur la santé afin de pouvoir comprendre les besoins et les problèmes en matière de santé de même que les modèles d'utilisation des services de santé pour les vétérans, car il se peut qu'ils ne soient pas tous définis au moment de la libération. Il y a des choses qui font surface. Nous savons que dans le cas des gens qui souffrent du trouble de stress post-traumatique, il peut s'écouler passablement de temps avant que certaines de ces choses parviennent à un niveau de symptomatologie qui influe sur le fonctionnement quotidien et qu'il faut régler. Il peut s'écouler cinq, sept années après la libération. Nous devons faire preuve de souplesse dans notre compréhension de l'évolution de ces choses.
    Merci.
    Docteur Sareen, vos hochez la tête. Êtes-vous d'accord ou y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?
    Dr Jitender Sareen: J'aime tout simplement hocher la tête.
    Allez-y. Par contre, votre réponse devra être brève.
    Oui. Il existe de la littérature que je n'ai pas abordée et qui décrit essentiellement ce que vous dites : contact amical. Dans le cas d' une personne qui a fait une tentative de suicide, des essais randomisés ont permis de démontrer que le fait de recevoir une lettre de l'établissement dans laquelle on lit « Nous pensons à vous », et où il n'y a aucune attente de communiquer avec ACC, réduisait les décès par suicide. Nous avons parlé de textes bienveillants. La sensibilisation est un élément vraiment important, mais la façon dont vous l'intégrez dans un système est également importante.
    Je ne voulais pas aborder cette question, mais parce que vous la décriviez, j'ai pensé qu'il était important que vous sachiez qu'il existe des preuves à cet égard.
    Merci.
    C'est excellent, merci.
    Monsieur Fraser, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup de témoigner aujourd'hui. Vos témoignages sont effectivement très utiles, et je vous suis reconnaissant de votre expertise.
    Docteur Sareen, j'ai une question d'ordre général. Au moment où nous entreprenons cette étude sur la prévention du suicide et la santé mentale, il est important pour nous de comprendre la terminologie. Je me demande si vous pouvez m'aider à comprendre ce que sont vraiment les idées suicidaires, les niveaux de gravité, et comment on les reconnaît.
(1640)
    En ce qui concerne les idées suicidaires, on pose habituellement la question suivante : « Avez-vous songé sérieusement à vous enlever la vie? » Lorsque nous présentons ces statistiques, il s'agit d'une question qui est posée dans le cadre d'une enquête sur la santé mentale. Mais lorsque vous êtes en présence des gens en milieu clinique, il est vraiment important d'entrer dans les détails pour essayer de comprendre. Quand ont-ils eu pour la dernière fois de telles pensées? Est-ce qu'ils y songent depuis plusieurs mois? Qu'est-ce qui les déclenche, qu'est-ce qui amène ces pensées? Et ensuite, on va encore plus dans les détails pour essayer de vraiment comprendre si la personne est réellement venue près d'attenter à ses jours. A-t-elle fait des préparatifs, ou déterminé si elle utiliserait une arme à feu ou des pilules?
    Lorsque nous songeons aux idées suicidaires, il s'agit d'un niveau. Pour ce qui est de savoir si une personne a fait une tentative, il y a une controverse dans le domaine à savoir s'il s'agissait d'une véritable tentative de suicide ou d'une automutilation sans intention de mourir. Ce que nous savons pour l'instant, c'est que ces gens qui s'automutilent, peu importe qu'ils disent qu'ils ont l'intention ou non de mourir, sont à risque de commettre des tentatives plus tard. Il s'agit d'un autre niveau, pour dire à quel point la tentative était létale. Il y a donc une gradation, de penser au suicide, de le planifier et de commettre une tentative. Plusieurs échelles mesurent en réalité la profondeur et la gravité du comportement suicidaire.
    Pour ce qui est des idées suicidaires et de l'intervention qui peut être nécessaire, y a-t-il alors une différence entre les membres des forces armées ou les anciens combattants qui traversent une transition, qui ont des idées suicidaires, et une personne ordinaire?
    Je ne pense pas qu'il y ait spécifiquement une intervention différente, mais comme on l'a dit, une période de transition est tellement compliquée pour ce qui est de l'identité, du stress financier et parfois du stress des relations qu'il est très important d'essayer d'aider, en cas de dépression, de la traiter, et en cas de problèmes liés à l'alcool, d'essayer de réduire ce problème. Mais il est vraiment important de comprendre la personne dans le contexte de sa famille, ainsi que la façon dont elle essaie de quitter le système. Il faut à la fois une aide individuelle et une sensibilisation, et aussi essayer de s'assurer que la famille comprend ce qui se passe, puis aider à surmonter les difficultés financières.
    Tout ce que j'aimerais ajouter, c'est que le problème est très semblable lorsque vous avez un jeune aux prises avec des difficultés de santé mentale et qui fait la transition vers la vie adulte. Nos systèmes de santé mentale des jeunes incluent habituellement la personne et la famille, et on accorde énormément plus d'attention à l'ensemble du système. Mais lorsque les jeunes deviennent des adultes, c'est comme si on les laissait à eux-mêmes, et nous affirmons que la période de transition entre la jeunesse et la vie adulte constitue aussi un élément compliqué. Il est donc important de comprendre cet aspect.
    Merci.
    Madame Cramm, dans vos commentaires sur le projet que vous avez entrepris dans le cadre de l'étude sur le mieux-être au cours de la transition, vous avez dit que l'objectif était bien entendu d'optimiser une transition réussie. Je me demande si vous pourriez nous dire comment nous savons qu'une transition est réussie et à quoi est-ce que cela ressemble dans votre esprit.
    C'est une question assez complexe que vous me posez étant donné qu'un débat est en cours à l'échelle internationale pour savoir ce qu'on entend exactement par là. Certains croient qu'une transition réussie se mesure par le bien-être ressenti et se demandent si le bien-être est un indicateur de réussite. Il semble que la présence de nombreux déterminants sociaux soit requise pour favoriser la santé et le bien-être.
    Malheureusement, à bien des égards, nous essayons de définir, au moyen de notre analyse structurelle des expériences des gens, à quoi peuvent ressembler différents types de réussite. Je pense que la réponse émergera. Elle ne sera pas la même pour tout le monde, tout dépendra du point de départ de la personne ainsi que des ressources à sa disposition. Si une personne décide de reprendre un emploi rémunéré ou quoi que ce soit, certains des résultats pourront sembler différents. Je pense que les résultats de l'étude permettront de mieux répondre à cette question.
(1645)
    Vous l'avez peut-être déjà mentionné, veuillez m'excuser de vous demander de répéter, mais cette étude aura-t-elle une portée générale? Portera-t-elle sur des personnes qui n'ont pas le même accès aux ressources, par exemple sur des personnes qui vivent dans un contexte rural ou urbain et à divers endroits du pays, afin d'avoir une idée de ce qu'est une transition réussie pour des gens qui se trouvent dans des situations différentes.
    Oui. Le processus de recrutement sera étroitement lié au processus de libération des Forces armées canadiennes. Les militaires seront informés de l'étude et pourront choisir de demander leur libération à ce moment-là. S'ils sont libérés pour des raisons médicales, beaucoup d'entre eux connaîtront la date bien avant les six mois de préavis. Ceux qui comptent 20 ans de service peuvent choisir de partir dans les 30 jours. Il y a des délais différents avant que la date de libération soit connue. Les réservistes n'ont pas besoin de demander leur libération, il leur suffit de ne pas renouveler leur contrat. Dans ces cas-là, nous parlons de mettre fin au service, parce que ce n'est pas tout le monde qui est libéré des forces régulières.
    Je vous remercie beaucoup tous les deux pour votre aide.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Monsieur Brassard, vous êtes le prochain.
    Merci, monsieur le président.
    Vous serez heureux d'apprendre que M. Sareen et moi-même n'avons pas étudié la médecine ensemble.
    Des voix: Oh, oh!
    Mais vous avez fréquenté le collège des pompiers ensemble.
    Je n'en suis pas certain : docteur Sareen, y êtes-vous allé... ?
    Merci à tous les deux pour votre présence. La discussion que nous avons aujourd'hui est fascinante.
    Dans le contexte de la recherche que vous avez menée l'un l'autre, avez-vous eu l'occasion de mesurer l'impact que la médecine du champ de bataille avait eu sur le développement de symptômes du TSO ou du SPT ou sur l'aggravation d'un problème de santé mentale déjà présent, qu'il ait été diagnostiqué ou non?
    Ma question s'adresse à vous deux.
    Je n'ai connaissance d'aucune étude à ce sujet. Ce n'est pas un domaine qui m'est très familier.
    Merci.
    Docteure Cramm.
    Je ne connais aucun rapport de recherche qui permettrait de répondre à cela.
    D'accord. Merci.
    Je veux également revenir sur ce que M. Bratina a dit un peu plus tôt au sujet de cette transition. Les témoins que nous avons entendus la semaine dernière nous ont tous parlé de la perte d'identité, la perte de structure. Mme Cramm en a également parlé.
    A-t-on mené des études qui démontrent l'impact de cette perte sur la santé mentale de nos anciens combattants et du personnel des forces lors de leur transition à la vie civile ou qui le compare à la perte vécue, par exemple, par des personnes qui ont servi dans les services de police, d'incendie ou les SMU? Dans le passé, nous avons entendu dire que les impacts étaient similaires. Quels sont les éléments de comparaison, s'il y en a, avec le personnel du MDN et les personnes qui quittent les services d'urgence?
    Je suis à peu près certain qu'aucune étude n'a encore porté sur ce sujet. Je répète que le financement de la recherche en santé mentale est insuffisant. Il est très important de se rappeler que la plupart du temps nous n'avons pas de données probantes sur lesquelles nous appuyer. Il est vraiment important d'investir dans ce domaine.
    Je crois que la perte d'identité, surtout pour un jeune vétéran, est un problème de taille. Dans le cas d'une personne aux prises avec un état de stress post-traumatique et une dépression qui est libérée pour des motifs de santé, il est très difficile d'imaginer ce qu'elle deviendra dans la vingtaine et la trentaine.
    À ma connaissance, aucune étude ne compare directement la situation d'anciens combattants à celle de policiers, par exemple. Je me demande si Mme Cramm en connaît?
(1650)
    Non, je n'en connais aucune qui porte directement sur ce sujet. Je vais dire un mot au sujet de la base de recherche sur les premiers répondants, parce que nous avons une représentation assez hétérogène de recherche. Il y a beaucoup plus de travaux de recherche sur les policiers que sur les pompiers, par exemple. Même à l'intérieur du groupe des premiers répondants, il est difficile de comprendre les expériences que vivent ces personnes.
    Il existe quelques croisements entre les personnes qui quittent l'armée et font ensuite carrière dans la sécurité publique. C'est une expérience assez courante. Là encore, comme il s'agit de domaines relativement nouveaux qui n'ont pas reçu beaucoup de fonds de recherche, nous avons beaucoup de travail à faire.
    Docteur Sareen, vous avez dit qu'il fallait investir dans la recherche dans ce domaine. Quel est le budget annuel de l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans? Combien recevez-vous en subventions et autre financement?
    Je ne sais pas exactement combien reçoit l'Institut. Je parle ici de la recherche sur le suicide en général. Notre objectif, c'est de prévenir le suicide dans le monde entier. Ce n'est pas une critique à l'endroit du Canada. Il s'agit d'un problème mondial. Nous disposons de très peu de données en matière de prévention du suicide. Je vais déposer un article éditorial de deux pages qui démontre que nous devons faire ces recherches pour obtenir des données.
    Pour réduire les taux de tentatives de suicide et de décès par suicide, nous devons réaliser des études randomisées à grande échelle ou attirer des investissements importants. Pour des maladies comme le cancer ou le VIH, les investissements massifs dans la recherche ont permis de faire passer le VIH de maladie mortelle à un problème de santé chronique. C'est grâce aux découvertes.
    Les taux de suicide n'ont pas changé au Canada et aux États-Unis. Pour les réduire, nous devons disposer de données solides et fiables et investir dans la recherche.
    Madame Cramm, pouvez-vous répondre à ma question à votre tour?
    Nous sommes à court de temps, je vous demande donc une réponse concise.
    Bien sûr.
    Santé Canada a investi cinq millions de dollars sur cinq ans dans l'Institut pour renforcer sa capacité de recherche sur ces problèmes. Cette somme ne sert pas à financer directement la recherche, mais plutôt à financer le développement de l'écosystème de recherche à la grandeur du Canada. Les contrats dépendent des subventions versées par Travaux publics. Les fonds varient d'une année à l'autre, selon les sommes attribuées par le gouvernement en amont de la chaîne. En tant qu'institut, nous ne finançons pas directement les projets de recherche. Les chercheurs de notre réseau sont en concurrence pour obtenir des subventions afin d'accomplir tout ce travail.
    Merci.
    Madame Mathyssen.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous demanderais à tous les deux d'essayer de répondre à ma question. L'agression sexuelle ou le traumatisme dans l'armée peut être une cause importante de stress post-traumatique ou d'autres problèmes de santé mentale. Jeudi dernier, nous avons entendu le témoignage du brigadier-général Hugh MacKay, médecin-chef des Forces armées canadiennes. Il nous a dit que le stress post-traumatique ou d'autres troubles mentaux résultant d'une agression sexuelle ou d'un traumatisme vécu par des militaires ne sont pas considérés comme des blessures liées au stress opérationnel. À votre avis, cette façon de penser pourrait-elle avoir une incidence sur la santé mentale d'un membre des FC qui a été agressé ou blessé en cours de service?
(1655)
    J'ignorais que ce traumatisme n'était pas considéré comme étant lié au stress opérationnel. À l'époque où je travaillais à notre clinique de TSO, nous avons reçu des militaires et nous les avons traités. Je n'étais pas au courant de cette interprétation.
    Je vais répéter la réponse de M. Sareen, je n'étais pas au courant de cette distinction.
    Est-ce que cela a ou pourrait avoir une incidence négative sur la réaction de la victime qui se fait dire que son traumatisme n'a rien à voir avec son service, que la cause est ailleurs? J'aimerais connaître votre opinion à cet égard?
    Je pense que cela peut certainement avoir des répercussions. Pour une personne qui a subi une agression sexuelle, le manque de soutien est vraiment préjudiciable. Mais je n'étais pas au courant de cette interprétation.
    J'ai moi-même été surprise. Comme les jeunes hommes et les jeunes femmes évoluent dans un contexte militaire qui est susceptible de les rendre vulnérables, je croyais qu'un tel traumatisme serait considéré comme étant lié à leur service. Je vous remercie de votre réponse.
    Vous avez dit qu'il était très important d'avoir le soutien de la famille dans les cas de troubles mentaux. Que pouvons-nous faire pour mieux encadrer les familles qui s'occupent d'un militaire ou d'un ancien combattant souffrant d'un TSP ou d'un trouble mental?
    Cette question s'adresse à vous deux, mais je vous demanderais d'être concis.
    Je me suis beaucoup penchée sur les données relatives à ce problème. Je pense que cela souligne la nécessité d'adopter un modèle de prestation de services axé sur la famille. Lorsque [difficultés techniques] viennent nous voir pour obtenir des services de santé mentale, c'est la première fois qu'ils nous sont recommandés. C'est le nom qui figure sur la recommandation. C'est ce qui enclenche le processus de rémunération. C'est ce qui fait que les personnes sont payées pour fournir le service. Mais il arrive... dans les cas où il y a un client secondaire, et quel que soit le soutien social — en général, c'est la famille. Voilà comment cela fonctionne, parce qu'il y a des gens dans ces systèmes.
    Le soutien social est l'un des principaux facteurs permettant de savoir que les gens vont bien dans le contexte d'un problème de santé mentale. Ainsi, l'idée de fournir un service à une personne souffrant d'un stress post-traumatique, sans aider la famille qui soutient cette personne, est contraire à la logique.
    Merci.
    Allez-y, docteur Sareen.
    Je suis tout à fait d'accord avec ça. Chez nous, nous offrons des séances de thérapie cognito-comportementale à nos clients et aux membres de leur famille afin qu'ils acquièrent les compétences dont ils ont besoin pour gérer la dépression et l'anxiété. Les proches sont très contents d'avoir l'occasion d'acquérir certaines compétences. Il existe des données sur la participation des membres de la famille au traitement du SSPT. Dans les cas de suicides et de tentatives de suicide, il est particulièrement important de faire participer les membres de la famille.
    Merci.
    Excellent. Je vous remercie.
    La période consacrée aux témoins est maintenant terminée pour aujourd'hui. Vous avez quelques minutes pour conclure.
    Nous commencerons par vous, madame Cramm.
    Merci beaucoup. Je remercie également tous les membres du comité pour l'intérêt qu'ils portent à ces problèmes. Il se passe beaucoup de choses dans le domaine de la santé des familles des militaires et des anciens combattants, il est donc important d'avoir ces discussions parce qu'elles ne cessent d'enrichir nos connaissances.
    On ne saurait trop insister sur l'importance de la famille, parce qu'elle est au coeur de la guérison d'une personne. Un trop grand nombre de personnes aux prises avec un trouble mental commencent à être traitées seulement après la dislocation de leur famille; en fait, c'est l'élément déclencheur du processus de traitement. Je crois qu'il est possible de mieux aider les familles à soutenir un proche afin d'éviter que leur situation ne se détériore, comme c'est souvent le cas. Il faut que de nombreux intervenants de divers horizons travaillent de concert pour apporter les changements souhaités parce qu'aucun groupe ne pourra y arriver seul.
    Merci.
    Merci.
    C'est à vous, docteur Sareen.
(1700)
    Merci encore de m'avoir invité à témoigner.
    J'aimerais préciser deux choses. Premièrement, il est vraiment important de faire un examen systématique du suicide pour comprendre quels sont les problèmes spécifiques et les points d'intervention. Il existe des stratégies générales d'intervention en matière de suicide, mais durant la période de transition, il faut vraiment faire un examen systématique des tentatives de suicide et des décès par suicide, par exemple de quelques centaines de cas, afin de trouver un moyen efficace de réduire ces taux. Voilà un travail qui pourrait être utile.
    Deuxièmement, j'aimerais dire un mot sur la contagion par les médias. Les médias peuvent augmenter le risque de contagion du suicide en faisant état des cas de suicide. Nous avons travaillé avec des militaires et des journalistes pour leur rappeler de faire preuve de prudence dans leur couverture des suicides. Je peux vous envoyer de la documentation sur le sujet.
    Merci.
    Excellent.
    Au nom du comité, je vous remercie toutes les deux pour vos témoignages. Veuillez transmettre nos remerciements à madame Bélanger qui a dû partir un peu plus tôt.
    Si vous avez des coordonnées ou tout autre renseignement utile à transmettre au comité, veuillez les laisser au greffier qui les distribuera aux membres.
    Au nom du comité, je vous remercie tous les deux pour tous les efforts que vous faites et avez faits pour nos hommes et nos femmes militaires et pour avoir pris le temps, malgré votre horaire chargé, de venir témoigner devant nous. Je vous en remercie grandement.
    Nous allons maintenant faire faire une pause de deux minutes avant de passer aux affaires du comité.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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