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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 077 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 février 2018

[Enregistrement électronique]

(1140)

[Traduction]

     Bonjour à tous. Je déclare la séance ouverte. Je vous demanderais à tous de regagner vos sièges.
    Je m’excuse auprès des témoins d’aujourd’hui que nous ayons dû rester à la Chambre pour un vote. Pour arriver à respecter notre horaire et à entendre les deux groupes, nous allons peut-être devoir écourter la durée des interventions et de la période des questions.
    J’aimerais souhaiter la bienvenue à notre ombudsman, Guy Parent, encore une fois, ainsi qu’à Sharon Squire.
    Nous entendrons d’abord votre témoignage.

[Français]

    Monsieur le président et membres du Comité, je vous remercie de l'invitation à comparaître devant vous aujourd'hui pour commenter votre étude intitulée « Obstacles à la transition et résultats mesurables d'une transition réussie ».

[Traduction]

    Ce n’est pas la première fois que je viens sur la colline du Parlement pour parler de la transition des militaires des Forces armées canadiennes vers la vie civile. J’ose espérer que cette fois, les travaux du Comité déboucheront sur la prise de mesures plutôt que sur de nouvelles études à ce sujet.
    En tant que vétéran ayant servi 37 ans dans les Forces armées canadiennes, je connais les défis que pose la transition vers la vie civile sur le plan personnel et professionnel. Je connais bien le sujet, puisque j’ai moi-même vécu une transition vers la vie civile. J’ai aussi été témoin de celle de mon fils, qui a servi en Bosnie et en Afghanistan. En outre, des milliers de vétérans que j’ai rencontrés et avec lesquels j’ai travaillé partout au Canada m’ont fait part de leur expérience depuis que j’ai été nommé ombudsman des vétérans en 2010.
    C’est en 2015 que j’ai discuté pour la dernière fois de transition vers la vie civile avec votre comité. J’ai également témoigné devant le Sous-comité sénatorial des anciens combattants pour présenter un exposé sur la transition vers la vie civile en 2017. À ces deux occasions, j’ai souligné que le processus de transition des Forces armées canadiennes vers la vie civile devait être aussi rigoureux que le processus de recrutement au sein des Forces armées canadiennes.
    Je dis aussi que le processus de transition doit aider les militaires en voie de libération et leur famille à commencer une nouvelle vie qui a un sens, qui est adaptée à leurs besoins et à leurs objectifs personnels et qui leur offre le meilleur avenir possible, que les militaires retournent aux études, entament une nouvelle carrière, prennent leur retraite ou se portent bénévoles au sein de leur collectivité. Permettez-moi de mentionner de nouveau que la majorité de mes recommandations concernant la transition n’ont pas eu de suite. Je ne dis pas qu’aucun progrès n’a été réalisé. Je dis simplement que nous progressons à pas de tortue.
    Je travaille d’arrache-pied depuis longtemps pour moderniser la transition vers la vie civile. En 2014, j’ai lancé un projet commun avec l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes dans le but de réviser l’ensemble du processus de transition dans une optique factuelle. Les principales constatations issues de ce projet ont révélé les raisons pour lesquelles la transition vers la vie civile est souvent une expérience déroutante et frustrante pour les vétérans et leur famille. Monsieur le président, nous avons fourni une infographie au Comité sur cette étude en particulier.
    Nous avons établi le premier diagramme complet du processus de transition des militaires en voie de libération de la Force régulière et de la Force de réserve pour raisons médicales. Il révèle que les programmes et services de transition vers la vie civile reposent largement sur des formulaires et des processus bureaucratiques plutôt que sur les besoins des militaires et de leur famille. De multiples intervenants et organismes jouent un rôle dans la transition. Ils possèdent des cadres de responsabilisation, des mandats et des processus distincts, ce qui déroute les vétérans, qui ne savent pas à qui s’adresser pour obtenir de l’aide.
    Nous avons également constaté que les services ne sont pas uniformes dans l’ensemble du pays et que les partenaires de service ne sont pas toujours situés sous un même toit. Il n’existe donc pas de guichet unique pour les militaires en voie de transition et leur famille. Les Forces armées canadiennes et Anciens Combattants Canada possèdent des systèmes de gestion de cas différents et exigent de remplir de nombreux formulaires de consentement.

[Français]

    Les Centres intégrés de soutien du personnel, ou CISP, n'offrent du soutien qu'aux militaires libérés pour des raisons médicales dont les dossiers sont complexes. Or seulement 10 % de toutes les libérations pour raisons médicales sont jugées complexes. Les militaires qui font partie de ces 10 % bénéficient d'un plan de transition intégré et d'un soutien personnalisés. Les militaires en voie de libération, s'ils en ont besoin, ne devraient-ils pas tous avoir la possibilité d'accéder au même type de planification, de coordination et de suivi?

[Traduction]

    En outre, malgré les recommandations que j’ai formulées en 2013 et plusieurs analyses effectuées, il subsiste un chevauchement des programmes de réadaptation professionnelle, d’éducation et d’invalidité de longue durée au sein des Forces armées canadiennes et d’Anciens Combattants Canada, ce qui complique les choses pour les militaires en processus de transition et les déroute. Il existe trois programmes de réadaptation professionnelle, soit le Régime d’assurance-revenu militaire d’Anciens Combattants Canada et de la Défense nationale. Chaque programme dispose de ses propres critères d’admissibilité et modalités d’évaluation et offre des avantages particuliers. Il n’existe malheureusement aucun mécanisme qui assure la coordination des avantages ou la meilleure aide possible aux militaires pour répondre à leurs besoins.
    On a beaucoup parlé d’une intervention plus hâtive d’Anciens Combattants Canada auprès des militaires libérés pour raisons médicales. La première intervention commence maintenant avec une entrevue de transition effectuée généralement dans les six mois précédant la date de libération. Même si j’estime que cette intervention plus hâtive constitue une amélioration, elle arrive encore trop tard pour aider adéquatement les membres en voie de libération pour raisons médicales dans l’élaboration d’un nouveau projet de vie et pour s’assurer que les avantages et les services sont offerts avant la libération.
(1145)
    Enfin, notre analyse a démontré que le processus de libération était conçu pour les membres de la Force régulière. Il n’existe que 24 centres intégrés de soutien du personnel pour les 263 unités de la Réserve du pays. Cela signifie que des membres de la Force de réserve doivent compter sur le soutien de leur unité pour faciliter leur processus de transition vers la vie civile. Il en découle que les réservistes se voient offrir des niveaux d’expertise et de service qui varient. J’estime que ce n’est tout simplement pas suffisant.
    J’envisage un processus de transition pour tous les membres, ceux de la Force régulière et de la Force de réserve, qu’ils soient libérés pour des raisons médicales ou autres, qui comprendrait des éléments similaires à ceux du processus de recrutement, dont des centres de transition dans tout le pays relevant d’une seule autorité et offrant un guichet unique d’accès aux militaires en voie de libération, qui veilleraient à ce qu’ils reçoivent tous les avantages requis au moment de la libération. En outre, il supposerait la désignation d’une personne en chair et en os, ou d’un navigateur, pour tous les membres de la Force régulière et de la Force de réserve, libérés pour des raisons médicales ou autres. Cette personne serait responsable d’aider les militaires à remplir les formulaires; de planifier leur libération; de prodiguer des conseils relativement aux organismes qui peuvent offrir un soutien aux militaires; et de faire un suivi à des intervalles prédéterminés après la libération afin de s’assurer que les besoins en évolution sont comblés. Il comprendrait aussi un seul programme de réadaptation professionnelle et d’invalidité de longue durée qui mettrait à la disposition des militaires un conseiller professionnel pour les aider à déterminer leurs besoins en matière de scolarité, de formation ou d’emploi et à trouver un nouveau sens à leur vie. Il exigerait aussi la délivrance d’une carte d’identité des vétérans à chaque militaire en voie de libération en reconnaissance de leur service.
    Ma vision s’inspire également d’une petite étude qualitative effectuée par mon équipe l’an dernier dans le but de mieux comprendre l’expérience vécue par les vétérans libérés pour raisons médicales et les facteurs qui contribuent à une transition réussie vers la vie civile. Encore une fois, nous vous avons fourni une infographie sur cette étude en particulier.
    Ma vision est également étayée par ce que j’ai entendu dans les nombreuses activités de sensibilisation que je réalise chaque année dans l’ensemble du pays, dans le cadre desquelles je discute face à face avec les vétérans et leur famille, les porte-parole et les organismes nationaux, régionaux et locaux des vétérans, ainsi qu’avec les dirigeants municipaux. Nous avons constaté que les principaux facteurs qui contribuent à une transition réussie sont de planifier à l’avance; d’être proactif, de s’approprier la transition vers la vie civile et d’avoir le soutien de sa conjointe ou de son conjoint.
    Le principal défi que doivent relever les vétérans en processus de transition consiste à trouver un nouveau sens à leur vie après leur service militaire. Un vétéran a déclaré: « L’armée c’était ma vie, ma famille, c’était tout pour moi. J’ai joint l’armée à 19 ans. Avant cela, j’étais à l’école secondaire. Je n’ai jamais vraiment vécu ma vie d’adulte en tant que civil. Je n’ai pas l’impression de “retourner“ à la vie civile, mais de devenir un civil pour la première fois. » Un autre vétéran a déclaré: « Ce avec quoi j’ai le plus de difficulté, c’est l’intégration dans une société et une culture que je connais peu et dans lesquelles les normes et les comportements que j’ai appris au cours de mes 15 ans et plus de services au sein des Forces armées canadiennes ne s’appliquent pas. »
    C’est assez différent d’un simple changement d’emploi dans la société civile. Il s’agit d’une transition culturelle complexe vers une société dans laquelle les normes et les règles sont, dans bien des cas, différentes. Ce n’est pas simple.
    Comme je l’ai dit au début de mon intervention, nous devons nous assurer que les militaires sont outillés pour commencer une nouvelle vie qui a un sens, taillée sur mesure pour répondre à leurs besoins, lorsqu’ils quittent les Forces armées canadiennes. Ce ne sont pas tous les militaires libérés qui auront besoin de l’aide d’Anciens Combattants Canada, mais ceux dont c’est le cas devraient recevoir les avantages et les services dont ils ont besoin, au moment et à l’endroit où ils en ont besoin. Cette mesure devrait s’appliquer aux membres de la Force régulière et aux réservistes, qu’ils soient libérés pour des raisons médicales ou non.
    Les vétérans et leur famille nourriront ainsi un espoir pour l’avenir. Sans espoir, aucun progrès ne peut être réalisé. Nos vétérans ont bien servi notre pays. Ils ne méritent rien de moins.
    Merci, monsieur le président. Je suis prêt à répondre à vos questions.
    Merci.
    Nous allons commencer par des séries de questions de quatre minutes.
    Monsieur McColeman.
    Merci, monsieur le président, et merci d'être venu aujourd'hui, monsieur Parent.
    La position que vous avez affirmée publiquement et celle de l'ombudsman du MDN sont très semblables: ce sujet a été étudié à outrance. Je pense que vous l'avez dit ou que vous l'avez laissé entendre aujourd'hui.
    Vous avez aussi souligné l'accent qu'on met sur la bureaucratie. Si vous deviez revisiter la façon dont les choses se font aujourd'hui, quelles seraient vos deux principales recommandations? Je vais vous avouer bien franchement que j'ai parlé à des anciens combattants à la grandeur du pays qui se disent très contrariés à cause du processus et du fait qu'il ne change pas, même après toutes ces études, toutes vos recommandations, et celles que M. Walbourne a formulées encore et encore.
    Si c'est représentatif de la façon dont le gouvernement est géré, c'est-à-dire que des hauts fonctionnaires refusent d'apporter les changements que vous n'arrêtez pas de leur recommander, je veux que vous me disiez ce que vous en pensez. Cela nous ramène à ce que j'entends sans cesse de la bouche des anciens combattants et de celles d'autres personnes qui ont étudié maintes fois le sujet, en l'occurrence qu'il existe une structure de la haute direction, que l'on appelle parfois les Quatre cavaliers de l'Apocalypse. Avez-vous déjà entendu ce terme pour décrire certains fonctionnaires à Anciens Combattants?
(1150)
    Non.
    Je l'ai entendu à maintes reprises de la bouche d'anciens combattants. Pourquoi pensez-vous qu'on résiste tant à formuler ces commentaires et à faire ces changements?
     Je vois où vous voulez en venir. Nous avons affaire à deux ministères, et la transition compte vraiment deux volets: le premier consiste à quitter les forces et le second, à entrer dans un système qui s’occupera de vous pour le reste de votre vie si vous êtes un ancien combattant blessé.
    Il est clair que je crois qu’il faut faire appel à une personne réelle, de préférence quelqu’un qui a déjà quitté les forces, quelqu'un d'accompli, pour guider les gens pendant le processus de transition vers la vie civile, car il est très complexe et très frustrant.
    Par ailleurs, pour réduire la complexité des programmes et offrir un peu de simplicité, la solution serait de n’avoir qu’une seule demande et de faire en sorte que, une fois que les gens sont devenus admissibles à des prestations, ils puissent recevoir tout ce dont ils ont besoin d’Anciens Combattants Canada. Ils ne devraient pas avoir à demander sans cesse à quelles prestations ils sont admissibles. Anciens Combattants Canada devrait fournir ces renseignements; on ne devrait pas avoir à les leur soutirer.
    Il est difficile de voir comment on peut aider une personne blessée à faire la transition vers la vie civile alors qu’en fait, on n’a jamais élaboré de processus pour aider les personnes non blessées à quitter les Forces armées canadiennes.
    Merci. Mon temps est vraiment limité.
    Vous savez, la réalité est que, même pour les initiés, la duplication de ces formulaires est nécessaire; les témoins que nous avons reçus nous l'ont dit. Les gens qui travaillent à ce dossier de l’intérieur ont dit: « Non, nous ne pouvons pas le faire ». Certains des hauts placés qui gèrent ces programmes nous l’ont confié quand ils sont venus ici. Il semble y avoir quelque chose. Quand on l’a interrogé, un autre témoin a fait remarquer qu’il est facile de critiquer la bureaucratie. Et comment que c’est facile, car vous savez quoi? Rien ne change.
    Vous avez parlé d’un changement simple: l’ombudsman du MDN pourrait simplifier les choses pour les anciens combattants. Cependant, impossible d’obtenir ce simple changement.
    Je pense que le problème est beaucoup plus profond. Avez-vous aussi l’impression que c’est le cas dans la structure bureaucratique que nous avons?
    Je ne suis pas certain que ce soit vraiment la structure qui pose problème, mais plutôt la collaboration entre les ministères. Ce que je ne comprends pas, c’est que d’autres ministères travaillent ensemble. Un bon exemple est celui des pêches et des centres de recherche et de sauvetage, dans le contexte desquels différents ministères s’unissent pour offrir un service.
    Fort heureusement, j’ai assisté à la réunion d’un comité directeur conjoint hier d'Anciens Combattants et de la Défense nationale, et il est clair qu’on est disposé à avancer et à s’occuper de la transition. Je pense qu’à ce stade, les efforts ont été un peu léthargiques.
    Vous avez dit qu'on avance à pas de tortue, alors qu'on n'avance pas du tout.
    Merci.
    Monsieur Fraser, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup les témoins d'être ici aujourd'hui.

[Traduction]

    Je vous suis très reconnaissant d’être revenu témoigner devant nous. Je sais que c’est la première fois que vous êtes ici pour nous parler de la transition en particulier.
    Je veux soulever quelques questions. La première porte sur les centres de ressources pour les familles des militaires. Je sais que le gouvernement a maintenant ouvert les 32 centres aux anciens combattants libérés pour des raisons médicales et aux membres de leur famille. Le bon travail que ces centres accomplissent, normalement dans les collectivités militaires, font d'eux une ressource phénoménale dont nous disposons sur le terrain pour vraiment venir en aide aux militaires en transition vers la vie civile et à leur famille.
    Je me demande ce qu’on peut faire pour aider les familles en plus de leur offrir ces centres. Avez-vous des exemples concrets? Je remarque que le gouvernement a instauré un montant pour aidants naturels pouvant aller jusqu’à 1 000 $ par mois libre d’impôts en vue de soutenir les membres des familles qui s’occupent d’anciens combattants malades et blessés. Avez-vous des exemples concrets d’autres mesures que le gouvernement devrait ou pourrait prendre pour soutenir les membres de ces familles qui font un travail si important pour veiller à ce que cette transition permette aux membres des forces de trouver un nouveau sens à leur vie?
(1155)
    Merci. Je pense vraiment qu’un point très positif est le fait que nous ayons maintenant conscience que les anciens combattants ne sont pas seuls pour faire la transition vers la vie civile. Leur famille les accompagne. Je suis ravi que les anciens combattants aient maintenant accès à des centres de ressources pour les familles. Pendant mes visites de toutes les bases au Canada, je mets un point d’honneur à visiter les centres de ressources pour les familles, et je constate qu’ils sont très ouverts à examiner les problèmes des anciens combattants et à les aider à faire la transition. Encore une fois, je pense qu'il est important de rappeler que les gens ne consultent pas toujours le centre de ressources pour les familles du dernier endroit où ils ont servi. À titre d’exemple, bien des gens servent à Ottawa, mais prennent peut-être leur retraite dans une collectivité à proximité d’un autre centre de ressources. C’est à ce moment qu’ils ont la possibilité d’obtenir des renseignements sur l’éducation, les prestations pour enfants, les occasions d’emploi et ce type de choses. Je m’attends à ce que le gouvernement continue d’élargir l’accès et l’intégration des services offerts aussi dans les centres de ressources pour les familles, grâce à la collaboration d’Anciens Combattants et du MDN.
    Je pense qu’un point important dont il faut aussi prendre conscience est celui que le montant versé aux aidants naturels est l'une des quelques prestations que les gens sont maintenant en droit de demander, ce qui n’était pas possible avant pour les aidants naturels qui étaient des membres de la famille.
    Une dernière chose est que le financement pour la recherche sur ce qui profitera tant aux militaires qu’à leur famille permettra aussi certainement de faire quelque chose pour les familles des membres en transition vers la vie civile.
    Merci.
    Madame Squire, vous aviez un commentaire à formuler sur ce point.
    L’autre chose que nous avons remarquée dans le cadre de notre étude est que les familles ne recevaient pas beaucoup d’information pendant le processus de transition. Il revenait uniquement au membre en service de les renseigner — c’est lui qui avait la responsabilité ou l’option de le faire. Ils ont dit que s’ils avaient su ce qu’ils savent maintenant, ils auraient fait participer leur partenaire et leur famille au processus de transition. Alors il serait aussi utile d’offrir plus d’information et de soutien aux familles pendant le processus de transition.
    Excellent.
    Je veux aborder un sujet que j’ai remarqué depuis que je siège à ce comité et que j’étudie les questions relatives aux anciens combattants. Nombre d’anciens combattants libérés trouvent réconfort dans le fait de pouvoir parler à quelqu’un qui est déjà passé par là. Je pense que, pour bien des membres, le soutien par les pairs est un élément fondamental d’une transition réussie. Avez-vous des commentaires sur ce qu’on peut faire de plus pour cerner et encourager la mise en place de systèmes de soutien par les pairs pendant la transition? Vous avez mentionné un navigateur, quelqu’un qui peut guider un ancien combattant libéré pour des raisons médicales, par exemple, ou tout autre ancien combattant pendant la période de transition. Envisagez-vous peut-être qu’il s’agisse d’un pair, de quelqu’un qui a déjà vécu la même expérience? Que pourrait recommander le Comité pour favoriser un meilleur soutien par les pairs?
    Si vous pouviez répondre à cette question très rapidement, je vous en serais reconnaissant.
    Merci.
    Ce que je laisse entendre, c’est que le soutien par les pairs devrait être apporté par quelqu’un qui a déjà effectué la transition avec succès. Si j’étais militaire, que je quittais les forces et que quelqu’un avait accompli la même chose avec succès, j’aurais assurément une certaine confiance en cette personne, et je pourrais lui demander de m’aider à franchir les étapes du processus. J’estime également qu’au chapitre du soutien par les pairs, on devrait examiner la possibilité d’améliorer le programme SSBSO, qui aide en ce moment les personnes qui souffrent de détresse psychologique, et de l’élargir peut-être afin de l’offrir à un plus grand nombre de personnes.
    Merci.
    Si vous souhaitez ajouter quoi que ce soit, vous pouvez nous faire parvenir vos réponses par écrit.
    Je le ferai.
    Je m’excuse d’essayer de faire respecter les temps de parole aujourd’hui.
    Monsieur Johns, vous disposez de quatre minutes.
    Merci. Je vous remercie de votre présence aujourd’hui et de l’important travail que vous accomplissez.
     Un article publié en décembre dans le journal Toronto Star mentionnait l’existence d’un arriéré de 29 000 demandes de prestations d’invalidité présentées par d'anciens combattants. Précédemment, nous avons entendu à deux reprises le témoignage d’un représentant d'ACC auquel j’ai demandé si ce chiffre était exact. Nous n’avons pas encore reçu de réponses à ce sujet. Croyez-vous qu’il rend compte du nombre actuel d’anciens combattants qui attendent que leur demande soit traitée? Sinon, vous pourriez peut-être nous dire à combien vous estimez ce nombre. À votre avis, 29 000 est-il un chiffre juste?
    Nous ne disposons pas de chiffres en tant que tels. Je pense que vous pourriez probablement en obtenir auprès d’Anciens Combattants Canada. Toutefois, ce qui importe, à mon avis, c’est qu’il s’agit d’une des principales plaintes que nous recevons dans le cadre de la prestation de nos services de première ligne. Les plaintes sont liées aux délais de traitement et au temps requis pour résoudre une demande. Nous nous réjouissons certainement qu’Anciens Combattants Canada possède une norme de service mais, si le ministère est incapable de respecter cette norme, les personnes qui présentent des demandes de prestations devraient au moins en être informées. J’estime que c’est là un aspect important, car la norme de services crée des attentes. Vous croyez que vous bénéficierez d’un service dans les 16 prochaines semaines, alors qu’en fait, la période d’attente pourrait s’élever à 24 semaines. Il importe que les gens sachent que c’est la réalité actuelle et que l’examen de leur demande prendra autant de temps.
(1200)
    Plus tôt, vous avez parlé de la présentation d’une seule demande. De plus, en avril 2015, vous avez recommandé au Comité qu’il y ait une seule autorité responsable de la prise de décisions relatives à la libération. Pourriez-vous nous en dire davantage à propos de ces deux recommandations, et nous indiquer si des progrès ont été réalisés dans la mise en oeuvre des recommandations que vous avez formulées en 2015?
    Aucun progrès n’a été réalisé dans la mise en oeuvre de cette recommandation.
    Attendez un instant. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce qui retarde cette mise en oeuvre?
    Je pense que cela reprend une observation qui a été formulée auparavant. Ce qui s’est produit, c’est qu’au fil des ans, des prestations et des programmes ont été élaborés pour satisfaire aux besoins des militaires qui revenaient d’une certaine mission. Nous isolions les cas. Bon nombre de ces prestations sont maintenant fondées sur l’endroit et le moment où vous avez servi, et non sur vos besoins. Je crois que, tant que nous ne mettrons pas de nouveau l’accent sur les besoins des gens et sur un ensemble de prestations offertes à tous, les choses continueront d’être très compliquées. C’est l’une de ces situations. Il y a beaucoup moins de formulaires à remplir qu’auparavant. C’est donc une amélioration. Une partie de la complexité a été réduite, mais encore une fois, les nouvelles prestations annoncées, qui entreront en vigueur dans un an ou deux, accroissent les attentes et la confusion.
    Vous avez parlé de la possibilité d’employer en première ligne des retraités des forces qui comprennent les besoins des anciens combattants — pour doter des postes de gestionnaire de cas, par exemple. Nous entendons les commentaires d'anciens combattants des quatre coins du pays. En fait, certains anciens combattants viennent de camper ici, et ils affirmaient que le plus grand obstacle auquel ils faisaient face était l'incompréhension des intervenants de première ligne relativement à leurs besoins et à leurs expériences — c’est la familiarité et l’empathie dont vous avez parlé.
    Vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus à ce sujet. Je sais qu’aux États-Unis, il y a un programme dont un tiers des gestionnaires de cas sont d’anciens combattants. Je ne sais pas à quel point notre programme de retour au travail réussit à ramener dans les rangs les anciens combattants. Vous pourriez peut-être parler un peu de cet aspect et de son importance.
    Certainement. Je pense que la question des gestionnaires de cas et des agents des services… Vous êtes probablement au courant de l’existence actuelle d’un programme de soutien encadré. Cela signifie que certains des membres d’ACC qui assurent la prestation du service aideront également nos anciens combattants à franchir les étapes du système.
    Un gestionnaire de cas gère vraiment la personne, et non la situation. Évidemment, au fil des ans, des gestionnaires de cas ont été chargés de faire beaucoup plus que s’occuper d’un cas en particulier, c’est-à-dire à la fois de la personne et des difficultés qu’entraînent ses soins psychologiques et médicaux; les gestionnaires de cas s’occupent de la situation en entier, y compris la transmission de renseignements sur les programmes. Espérons que, maintenant que l’agent des services apporte un soutien encadré, le gestionnaire de cas sera en mesure de concentrer ses efforts sur les personnes plutôt que sur les situations.
    Oui, ils pourront jouer le rôle de guides
    Monsieur Johns, votre temps de parole est écoulé. Je ne sais pas si vous souhaitiez poser une brève question. L’ombudsman pourrait nous revenir là-dessus.
    Non. Ça va.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Poissant.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Parent, je vous remercie de votre témoignage.
    Plusieurs de mes amis sont des anciens combattants. Il y en a un avec qui je pratique la moto. Aussi, quand j'étais conseiller municipal, je siégeais au conseil avec un ancien combattant. Ce dernier m'a expliqué que, aux États-Unis, il y a un programme pour aider les anciens combattants à partir en affaires et à lancer des commerces. Lui-même a justement ouvert une boîte pour aider les anciens combattants à démarrer une entreprise.
     Est-ce quelque chose que nous pourrions faire ici? Si oui, de quelle façon pourrions-nous nous y prendre?
    C'est un bon point.
    Cela existe déjà. Plusieurs compagnies offrent justement aux anciens combattants des services pour leur permettre de lancer une entreprise ainsi que la formation nécessaire pour gérer une franchise ou des choses de ce genre.
    Un des problèmes liés à la transition est que, même s'il y a beaucoup de compagnies et de possibilités qui s'offrent à eux, il n'existe aucun point central où les gens peuvent s'adresser pour obtenir de l'information. Plusieurs choses existent, mais il y a encore un problème de communication et il manque un point central où ils pourraient obtenir toute cette information.
(1205)
    Je vous remercie.
     Vous avez aussi dit que les anciens combattants devraient avoir un emploi satisfaisant. Qu'entendez-vous dire par « satisfaisant »? Y a-t-il un type d'emploi plus favorable qu'un autre pour eux?
     J'entends par là un travail qui satisfait à leurs besoins financiers et culturels, de même qu'à leur besoin de sentir qu'ils apportent leur contribution au pays.
    Souvent, ce que les gens cherchent après une carrière militaire, c'est de continuer à servir. Ils peuvent le faire en travaillant dans la fonction publique ou dans une entreprise, mais ils veulent un travail qui soit satisfaisant sur tous les aspects, et pas seulement sur le plan financier.
    Y a-t-il des statistiques démontrant que les anciens combattants ont de meilleures chances de réussite dans un secteur plutôt que dans un autre?
    Les études ne révèlent pas ce genre de détails. Disons que c'est varié. Cela dit, en raison de leur culture militaire, la plupart des anciens combattants veulent un travail actif. Quand on leur offre un emploi ou une formation, ce qui est important, c'est de répondre tant à leurs besoins qu'à ceux de la compagnie qui les embauche.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Eyolfson, nous allons amorcer avec vous les séries d’interventions de trois minutes.
    Cela m'amène directement au point que je voulais approfondir par rapport à la question précédente sur le type de carrière ou d'emploi que souhaitent obtenir les gens en transition. Nous avons très souvent discuté du concept de l'universalité du service et des indications selon lesquelles les Forces armées canadiennes sont en voie de revoir cette politique.
    Des militaires libérés pour raisons médicales qui pourraient occuper certains emplois dans les forces ont-ils fait valoir que leur transition pourrait être plus facile s'ils faisaient toujours partie de la famille militaire, de la culture militaire, mais dans un rôle non combattant?
    C'est un bon point, encore une fois.
    L'universalité du service est l'approche utilisée par les forces armées pour veiller à avoir les ressources nécessaires pour participer à des missions et s'acquitter de leur rôle en zone de conflit.
    Je ne suis pas au MDN, mais je crois que le chef d'état-major de la Défense examine l'incidence que peut avoir l'universalité du service sur les anciens combattants. Actuellement, la période de transition des militaires libérés pour des raisons médicales peut prendre de six mois à trois ans, période pendant laquelle ils sont toujours employés et rémunérés par les forces armées.
    Il y a des tâches administratives, qui peuvent être effectuées par des militaires blessés. Je comprends toutefois que les forces armées doivent avoir un effectif pour aller sur le terrain. Je pense que c'est toujours ce qui pose problème pour les gens.
    Un aspect à retenir concernant l'universalité du service, c'est que si cette approche est en place et qu'on vous oblige de sortir des forces parce que vous ne satisfaites pas aux conditions de l'universalité du service, vous vous trouvez alors... À mon avis, votre libération est attribuable au service.
    Je pense qu'il est très important d'examiner l'universalité du service dans ce contexte.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus.
    De nombreux anciens combattants ont indiqué, dans leurs témoignages, qu'ils avaient constaté des problèmes de santé, mentale ou physique, mais qu'ils ne les avaient pas signalés par crainte de ne plus satisfaire au critère de l'universalité du service. Encore une fois, l'exemple que je reprends continuellement est celui d'un parachutiste qui commence à ressentir des douleurs au dos, mais qui ne consulte pas un médecin, parce que si le médecin découvre un problème, le militaire ne pourra plus faire son travail, et il sera libéré. Il ne dit rien jusqu'à ce que la douleur devienne incapacitante, et c'est à ce moment-là que l'on découvre des fractures.
    Un autre exemple serait celui d'une personne qui a des troubles du sommeil et qui n'en tient pas compte, puis chez qui on constate un TSPT au moment de la libération.
    Selon vous, la transition serait-elle plus facile si les membres en service ne craignaient pas de signaler leurs symptômes en raison de cette exigence?
(1210)
    Certainement.
    Dans notre étude sur les déterminants d'une transition réussie, l'un des obstacles que nous avons relevés était la stigmatisation, qui incite les gens à cacher la nature exacte de leurs blessures. Toutefois, lorsqu'ils finissent par la divulguer, le traitement et le rétablissement sont plus difficiles que s'ils s'étaient manifestés plus tôt.
    Il s'agit là d'un des obstacles à la transition.
    Merci.
    Nous passons à Mme Wagantall.
    Merci, monsieur le président.
    C'est un plaisir de vous revoir, monsieur Parent.
    Actuellement, dans le cas d'une transition, le MDN détermine d'abord s'il y a une blessure, puis lance le processus de transition à la vie civile lorsque la personne est jugée inapte à servir. Il semble évident, à ce moment-ci, que le MDN ne détermine pas si la blessure est liée au service ou non. Est-ce exact?
    Oui.
    Deux témoins sont venus nous parler de cette étude. L'ombudsman du MDN a dit ce qui suit: « Comme je l'ai dit auparavant, les Forces armées canadiennes savent quand, où et comment une personne devient malade ou blessée. Les Forces armées canadiennes devraient indiquer à Anciens Combattants Canada si la maladie ou la blessure est attribuable au service militaire, et Anciens Combattants devrait accepter cette conclusion. »
    Nous avons également accueilli Mme Elizabeth Douglas, la directrice générale de la Gestion des programmes et de la prestation des services à ACC. Je lui ai posé la question directement. Ne serait-il pas préférable, si nous sommes vraiment déterminés à améliorer les services pour les anciens combattants, d'établir la raison de leur libération des forces avant qu'ils ne se présentent à ACC? Nous savons que les dossiers sont alors examinés, mais ils sont beaucoup moins accessibles. L'examen de la preuve des états de service prend des mois. Cela suscite un stress considérable, alors que cette détermination pourrait se faire avant la libération, ce qui permettrait à tout le moins de partir sur le bon pied. À laquelle de ces deux opinions souscrivez-vous?
    Je pense que l'établissement d'une corrélation entre la blessure et le service est discutable. Il faut savoir, pour revenir à l'universalité du service, que les mesures législatives qui régissent Anciens Combattants Canada précisent, par rapport à une personne libérée des forces armées, que même si la blessure n'est pas attribuable au service, elle peut avoir été exacerbée pendant le service. Concrètement, si on vous libère en fonction du critère de l'universalité du service, votre libération découle d'une blessure attribuable au service.
    Cela revient essentiellement à déterminer si vous êtes admissibles aux services ou non, parce qu'il faut que cela soit considéré comme lié au service militaire. Cela nécessite plus de temps, alors que cela pourrait être déterminé facilement avant la libération, comme l'ombudsman l'a indiqué. Je pense que c'est pour cela que nous étudions la question encore une fois.
    Oui, mais la plupart des anciens combattants ne deviennent pas clients au moment de leur libération. Cela pourrait faciliter les choses pour ceux qui sont sur le point d'être libérés. Pour la plupart des anciens combattants, la grande majorité, ce n'est que deux ou trois ans après qu'ils ont quitté les forces que...
    Je comprends que les choses s'accumulent au fil du temps. Je parle de la seule solution qui permettrait de simplifier le processus pour les anciens combattants qui sortent, pour qu'on détermine d'avance que la raison pour laquelle ils quittent les forces est une blessure attribuable au service, un accident d'hélicoptère, par exemple. On éliminerait ainsi une étape et les gestionnaires de cas d'ACC pourraient commencer à déterminer les soins appropriés à offrir à ces gens, car la blessure est liée au service.
    J'ai une autre petite question. Le directeur parlementaire du budget a indiqué que seulement 8 % des 147 millions de dollars annoncés par ce gouvernement pour l'ouverture de centres de ressources pour les familles ont été dépensés. Cela vous préoccupe-t-il? Cela rallonge-t-il les délais pour la prestation des mesures d'aide destinées aux anciens combattants qui ont été annoncées? Cela veut-il dire que seulement 8 % du financement a été consacré aux centres de ressources?
    Je n'ai pas les données sur les coûts ou les dépenses. Tout ce que je peux vous dire c'est que le résultat est évident: plus d'anciens combattants se tournent maintenant vers les centres de ressources pour les familles, et ils reçoivent des services. Tout le monde semble être sur la même page quant à la voie à suivre et aux résultats attendus. Je ne suis pas vraiment porté à regarder les coûts, parce que l'équité n'a pas de prix.
(1215)
    En même temps, les responsables des centres de ressources pour les familles que j'ai visités ont indiqué que cela ajoute un autre niveau de responsabilité et des dépenses supplémentaires. Voilà pourquoi j'y suis favorable; il est important de les financer.
    La question du financement relève du MDN.
    D'accord; c'est la question que je voulais poser. D'où vient de financement? C'est le MDN, dans ce cas-ci, mais il s'agit de services aux anciens combattants.
    Merci.
    Monsieur Bratina.
    Vous avez indiqué qu'il n'existe que 24 centres de soutien du personnel pour les 263 unités de la Réserve du pays et que cela rend difficile l'accès à des services complets. Auriez-vous d'autres commentaires? Ma circonscription compte cinq unités. Que pourriez-vous ajouter concernant les unités de la Réserve et les processus liés aux anciens combattants?
    Il va sans dire que la transition à la vie civile est aussi difficile pour les réservistes. L'aspect important, à mon avis, est leur besoin de communication et d'information. Or, souvent, cela ne vient pas d'une source ayant des connaissances approfondies à ce sujet, par exemple leur chaîne de commandement.
    Les centres de transition proposés par le MDN et ACC seront probablement utiles à cet égard et représenteront un guichet unique où les gens pourront obtenir des renseignements et les conseils pour les aider dans leur transition. Les Forces armées ont une empreinte importante, puisqu'elles ont des unités de la Réserve partout au pays, mais nous devrions veiller à ce qu'elles ne soient pas isolées du fait d'avoir à exercer leurs activités dans différentes régions du pays. Il convient d'améliorer la communication pour les réservistes.
    Un thème récurrent des témoignages que nous avons entendus, de nos discussions et des questions qui ont été posées par tous les membres du Comité est celui des deux silos: le MDN et ACC.
    Une tragédie s'est produite dans notre ville; un jeune homme qui avait servi en Afghanistan pendant sept mois s'est suicidé au manège militaire peu de temps après son retour. Il souffrait manifestement d'un TSPT. C'était une histoire très triste, et on a fini par prendre des mesures adéquates. Il semble toutefois que dans le cas de ce réserviste, une intervention aurait été nécessaire sept mois plus tôt, et il s'est enlevé la vie très peu de temps après son retour.
    Je suppose que la question sur laquelle nous revenons sans cesse est la suivante: comment pouvons-nous favoriser la transition entre le service actif et l'expérience d'ancien combattant?
    Je dirais qu'un des enjeux est le suivi. Il convient de se rappeler que contrairement à un membre de la force régulière qui retourne dans son unité, sur une base où il se sent à l'aise, par exemple, le réserviste se retrouve dans la société et n'a pas le soutien de ses pairs et de son unité. Je pense qu'il faut mettre en place un bon système de suivi, surtout pour les réservistes, de façon à ce que ceux qui reviennent d'une mission, en particulier les cas complexes, puissent être pris en charge. Ce que nous préconisons, c'est que le ministère des Anciens Combattants et le MDN assurent un suivi rigoureux pour tous les cas complexes, afin de leur demander, après deux ou trois mois, comment ils se portent. On ne le fait pas. Je pense que le suivi et le soutien par les pairs sont importants.
    Excellent. Merci.
    C'est là-dessus que se termine cette portion de notre réunion écourtée. Merci à tous les deux. Si vous souhaitez répondre de façon plus exhaustive à certaines questions, je vous prie de transmettre cela à la greffière.
    Je vous présente nos excuses; je tiens à remercier les députés de leur collaboration aujourd'hui.
    Nous allons faire une pause afin de libérer la salle le plus tôt possible et permettre aux prochains témoins de s'installer.
    Je vais suspendre la séance pour 30 secondes. Si vous souhaitez discuter, je vous prie de le faire dans le couloir. Nous allons reprendre dans une minute.
    Merci.

(1220)
    Reprenons. Notre deuxième groupe de témoins est formé de M. Dave Bona, Mme Teresa Untereiner et Mme Jenny Migneault. Je vous remercie.
    Nous allons commencer par l'exposé de M. Bona. Il sera suivi de Jenny, puis nous verrons à partir de là.
    La parole est à vous.
    Je vais d'abord vous expliquer ce que j'ai fait depuis ma dernière comparution. En raison de la couverture médiatique suscitée par mon témoignage, beaucoup de gens ont communiqué avec moi. Au cours de la dernière année, à peu près, j'ai parlé à bien plus de 100 personnes — anciens combattants et civils —, pas seulement du Canada, mais aussi des États-Unis, de l'Australie, de l'Irlande, de l'Angleterre et de la Nouvelle-Zélande.
    On a observé une tendance réelle pour les blessures de ceux qui ont été empoisonnés par la méfloquine. Premièrement, ils sont atteints d'un TSPT résistant au traitement. Deuxièmement, ils ont divers problèmes de santé: problèmes intestinaux, problèmes d'équilibre et étourdissements, acouphène, déficience de la régulation de la température corporelle, engourdissement et picotement des extrémités, sensibilité à la lumière et fluctuations extrêmes de l'humeur. Toutes ces blessures sont typiques de lésions au tronc cérébral.
    Nous avons constaté que chez la majorité des gens, en raison de la nature dégénérative de la blessure, beaucoup de symptômes graves ne sont pas apparents et ne sont pas décelés en début de carrière; ils le sont plutôt après qu'ils aient été libérés pour des raisons médicales. Beaucoup de ces symptômes se manifestent de manière extrême, ce qui les empêche d'avoir accès aux soins de santé même les plus primaires.
    Je vais prendre le cas de Claude comme exemple. Il a énormément de difficulté à contrôler son humeur, au point de ne pas être capable de se retrouver dans le cabinet achalandé d'un médecin. Il lui est impossible d'avoir accès aux services de base d'ACC en raison de la nature de sa blessure liée à la méfloquine. Il devient agité en présence d'un trop grand nombre de personnes; lorsqu'il rencontre enfin le médecin, il est trop agité pour exprimer ses besoins. Si le médecin est antagoniste et fermé à toute hypothèse sur les problèmes qui affligent Claude, qu'il lui recommande de suivre un traitement neuropsychiatrique, de consulter un psychiatre ou quelque chose du genre, Claude finit par s'emporter.
    J'ai aussi vécu ce problème. Si je ne me trompe pas, j'ai remercié cinq médecins de famille parce qu'ils me proposaient des médicaments et un traitement neuropsychiatrique. J'ai finalement réussi à trouver un médecin prêt à remplir toutes les formalités et à m'écouter.
    Cette blessure fait partie intégrante de la transition. Nous avons probablement empoisonné plus de... Ce médicament a été administré à 40 000 soldats canadiens. Beaucoup d'études démontrent que jusqu'à 74 % des personnes qui ont pris ce médicament ont subi une blessure liée à sa consommation.
    À titre d'exemple, une de nos plus ardentes défenseure, une civile, s'est suicidée le 2 janvier. Elle avait communiqué avec moi dans le passé, car elle était aux prises avec une grave dépression liée à un empoisonnement à la méfloquine. Elle me demandait sans cesse comment j'arrivais à maintenir la tête hors de l'eau et à aller de l'avant.
    Elle ne s'en est pas sortie.
    Je vais en rester là.
(1225)
    Merci.
    Nous allons commencer notre première série d'interventions à trois minutes avec M. Kitchen.
    Merci, monsieur le président. Merci, Dave; c'est un plaisir de vous revoir. Merci d'être venu.
    Pardon, je suis désolé.
    Toutes mes excuses, Jenny.
    J'ai l'habitude. On m'ignore encore une fois.
    Des voix: Oh, oh!
    Recommençons. Bienvenue, Jenny. Je vous présente mes excuses. Veuillez commencer votre exposé. La parole est à vous.
    Je vous remercie de l'occasion de témoigner.
    Cela ne m'était jamais arrivé auparavant. Je suis désolé.
    En qualité d'épouse et d'aidante naturelle d'un ancien combattant, j'avais l'impression de n'être rien, mais comme le régime parlementaire a fait de nos anciens combattants et leurs familles une question politique et les traite en conséquence, je suis devenue la femme à tout faire de la défense de leurs droits.
    Je témoigne aujourd'hui à titre personnel. Bien que je sois membre du Comité consultatif sur les familles d'Anciens Combattants Canada, je suis également blogeuse sur 45e Nord, conférencière, militante en français et advocate en anglais. Je soutiens, défends, encourage et attaque des causes plutôt que des gens, m'intéressant notamment à l'Unité interarmées de soutien du personnel, au cannabis médical, au syndrome de stress post-traumatique et à la situation politique des aidants naturels, autant de sujets qui ont un lien avec les familles ou qui ont des répercussions sur elles.
    Depuis ma chasse après l'ex-ministre Fantino en 2014, ma vie n'est plus la même. Je suis maintenant grand-mère. Mon ex-conjoint et moi sommes divorcés, mais dans un certain sens, c'est encore moi qui prends soin de lui. À la suite de notre séparation, je suis moi-même devenue sans-abri, à l'instar de bien des conjointes d'anciens combattants que je connais, malheureusement. J'ai donc pris la décision de vivre dans ma voiture et de traverser le pays de Terre-Neuve à l'île de Vancouver. Pendant six mois, j'ai rencontré des gens et visité des organisations, ce qui m'a permis d'entreprendre mon propre processus de guérison et d'adopter un point de vue bien plus global des nombreux défis culturels, sociaux et géographiques que rencontrent les anciens combattants et leurs familles.
    Sachez enfin que je vis maintenant avec un ancien combattant, également atteint du syndrome de stress post-traumatique, dont le nom de famille est, croyez-le ou non, Fantini. Je suis encore la conjointe et l'aidante naturelle d'un ancien combattant. Le processus de transition ne finit jamais parce que les anciens combattants ne redeviennent jamais des civils. L'aidant naturel peut être le meilleur allié ou le pire ennemi d'une personne qui souffre. La bataille politique des familles et des aidants naturels vise à faire reconnaître leur valeur et à faire respecter leur dignité grâce à du soutien, à un témoignage financier et à l'éducation. Les efforts collectifs des dernières années ont engendré un amour politique et une reconnaissance nationale à l'échelle du pays. Un comité sur les familles a été créé à ACC, d'autres programmes destinés aux familles — y compris les enfants, les plus oubliés de tous, est-il besoin de le préciser — ont été élaborés et des livres ont été publiés. Les Centres de ressources pour les familles sont devenus plus accessibles, et un nombre accru de recherches ont été réalisées sur les aidants naturels. Ces derniers ont, de façon générale, été davantage inclus, notamment dans les cliniques de traitement des blessures de stress post-traumatique.
    Puisque nous avons été entendus, nous sommes devenus de meilleurs aidants naturels. Il reste encore du travail à accomplir, mais nous pouvons mieux nous protéger et protéger nos familles des dommages collatéraux.
    La nouvelle mesure permettant aux aidants naturels de recevoir 1 000 $, laquelle entrera en vigueur en avril prochain, est donc un gain politique majeur sur papier. Elle changera la donne pour bien des familles, si elle est accessible, car au bout du compte, les anciens combattants et leurs familles se heurtent au même obstacle qui les empêche d'aller de l'avant de façon constructive. Cet obstacle, c'est ACC et son fonctionnement bureaucratique et incohérent.
    Prenez, par exemple, le cannabis médical. D'un côté, ACC rend accessible ce médicament qui semble efficace pour au moins 7 000 anciens combattants canadiens, mais de l'autre, il pénalise les anciens combattants et leurs familles en prenant des décisions qui font vraiment mal, sans le moindre égard pour la douleur, les répercussions sur la qualité de vie et les coûts à payer pour les médicaments. Tout ce qui touche le processus d'obtention des lettres d'exemption pour le cannabis médical est une honte.
    Réalisez-vous qu'en plus de devoir trouver une personne qui, parmi une poignée de Canadiens, peut satisfaire ACC en rédigeant une lettre d'exemption, il faut se soumettre à des exigences ridicules et complexes? Même après avoir fourni tous les documents requis, les anciens combattants doivent encore patienter de trois à six mois avant de recevoir une approbation.
    Entre-temps, certains d'entre eux doivent payer plus de 1 000 $ par mois pour obtenir les médicaments qui leur ont été prescrits et dont ils ont besoin. Pensez-vous que les médicaments soient si compliqués? La réponse est « non ».
    Ainsi, il y a un nom derrière chaque retard, chaque refus et chaque décès.
(1230)
     Dans chaque dossier, une personne a le pouvoir de faire du temps un puissant guérisseur ou un tueur muet. Qui devrait être tenu responsable de la douleur: ACC à titre d'entité ou les gens qui viennent ici lors de chaque session parlementaire pour vous dire ce que vous voulez entendre? Pour être honnête, je ne pense pas que vous soyez conscients du pouvoir qu'un seul fonctionnaire d'ACC a sur la vie d'un ancien combattant et de sa famille. Parfois, les obstacles sont plus près de soi qu'on ne le croit, et la situation continue d'être ignorée.
    Je vous donnerai un exemple. Les cliniques de traitement des blessures de stress opérationnel de Montréal et de Québec pénalisent maintenant les anciens combattants qui consomment du cannabis médical. Certains seront mis à la porte de la clinique et laissés sans ressources; dans certains cas, ils perdront même leur permis de conduire. J'ai eu vent d'au moins 17 cas semblables. Il y a un problème à cet égard.
    Qui se portera à la défense de ces anciens combattants? Est-ce que quelqu'un se soucie de leur transition? Le cannabis médical les aide, mais le système les pénalise tous et les psychiatres sont intouchables à ce sujet.
    Il y a deux semaines, j'ai défendu un ancien combattant à propos de son problème d'apnée du sommeil lors de son premier appel devant le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Pour vous résumer l'affaire, cet ancien combattant a mis cinq ans pour réunir tous les documents prouvant son état. Il faut attendre cinq ans dans le système de santé provincial pour passer les tests. En 2016, l'agente responsable des pensions d'ACC a reçu tous les documents prouvant le trouble et la confirmation de deux médecins qui ont établi un lien entre l'apnée du sommeil et le syndrome de stress post-traumatique.
    Cette agente n'a pas semblé croire que c'était suffisant, car elle s'est adressée à un autre médecin consultant engagé par ACC. Que pensez-vous que ce dernier a déclaré? « Eh bien, il n'y a évidemment pas de lien entre les deux. » Après mon exposé, je vous remettrai cette décision, car je l'ai avec moi. Elle a été prise par un médecin consultant qui n'a jamais vu le client. Or, cette personne a beaucoup de pouvoir. L'ancien combattant doit attendre cinq ans et se battre contre un système ridicule et insensé.
    De plus, pouvez-vous m'expliquer pourquoi ACC exige que les anciens combattants qui veulent une lettre d'exemption rencontrent le spécialiste en personne, alors qu'il peut demander à un médecin consultant son avis sur un ancien combattant qu'il n'a jamais rencontré et que cela ne suffit pas? C'est incohérent.
    Comme je ne dispose que de cinq minutes, je dirai enfin que ce sont parfois les provinces qui font obstacle. Je sais que vous n'avez pas beaucoup de pouvoir, mais les choses sont parfois particulières pour les anciens combattants au Québec. Par exemple, l'un d'entre eux a récemment remporté une bataille juridique contre Revenu Québec, qui ne respecte pas la loi canadienne en obligeant une certaine catégorie d'anciens combattants à cotiser à un plan d'assurance publique pour les médicaments d'ordonnance. De fait, Revenu Québec fait encore fi du jugement. Qui prendra la défense des anciens combattants du Québec qui sont concernés?
    Je vous fournirai les documents dans ce cas également. Il y en a deux: un article que j'ai écrit sur cet ancien combattant et un article publié en décembre dernier sur le psychiatre de la clinique de traitement des blessures de stress opérationnel, qui affirme ouvertement que cette dernière est contre le cannabis médical.
    Sur le plan de la transition, les obstacles sont principalement politiques, si vous voulez mon avis. J'entends parler d'un nombre incalculable d'histoires chaque jour. Dave en entend aussi tous les jours, j'en suis certaine. Je n'ai pas assez de cinq minutes pour expliquer tous les obstacles qui existent.
    Merci.
(1235)
    Monsieur Kitchen, nous vous accordons trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais faire une autre tentative.
    Dave et Jenny, merci.
    Est-ce que Teresa va parler?
    Je pense que nous ne devions entendre qu'un témoignage. Cependant, si elle souhaite prendre la parole, je pourrais lui accorder quelques minutes, si cela convient au Comité.
    Oui, d'accord.
    Teresa, vous avez la parole.
    Merci beaucoup de m'autoriser à parler.
    J'ai regardé le titre de la séance d'aujourd'hui, qui fait précisément référence aux obstacles à la transition sans heurt des anciens combattants vers la vie civile. Pour des centaines et des milliers d'entre eux, il y a deux réponses pertinentes à cet égard; premièrement, et surtout, le diagnostic approprié, et deuxièmement, la stigmatisation.
    Le syndrome de stress post-traumatique est bien réel. On peut le gérer grâce à un traitement, dont les résultats peuvent être probants, mais je pense qu'il y a une épidémie de mauvais diagnostics. Dave et la majorité des membres de l'Armée canadienne qui ont consommé de la méfloquine ont été empoisonnés et ont subi des dommages au cerveau à divers degrés. Outre le syndrome de stress post-traumatique, ils ont subi des lésions cérébrales qui provoquent des symptômes mentaux et physiques. Si Dave avait reçu un bon diagnostic lors de sa libération il y a près de 20 ans, je ne peux qu'imaginer à quel point nos vies auraient été différentes et meilleures. Même en l'absence de traitement adéquat à l'époque, nous aurions au moins eu un point de départ et le problème sous-jacent qui l'empêchait de progresser avec le traitement habituel du stress post-traumatique aurait été reconnu.
    Voilà qui m'amène à parler du point à partir duquel la stigmatisation devient un obstacle. Il y a 20 ans, je pense qu'il existait un désir complice de camoufler les effets nocifs de la méfloquine, à commencer par les essais bâclés de ce médicament en Somalie et l'ordre qui a été donné subséquemment de mettre fin à l'enquête menée à ce sujet. Les anciens combattants touchés ont été exposés à une honte sans nom et le sont encore aujourd'hui pour la plupart. De nos jours, s'il n'y a pas de suppression de l'information et de déni flagrant, l'absence de reconnaissance est telle qu'on entendrait une mouche voler. Voilà qui accentue la stigmatisation et devient en soi un obstacle à la réussite du traitement. Je veux que le gouvernement admette les dommages que ce médicament a causés, car ce dernier a pour effet d'empêcher le milieu médical en général de poser un diagnostic juste.
    Comme je suis la conjointe d'un ancien combattant, la santé mentale de Dave a eu des répercussions considérables sur ma vie. Je suis restée impuissante un nombre incalculable de fois alors qu'il se comportait de manière incontrôlable, mettant ainsi fin à des perspectives de carrière en raison de ces épisodes de rage et de colère impossibles, imprévisibles et apparemment spontanés. Le mieux que je puisse faire pour vous expliquer ces crises, c'est dire que c'est comme s'il pénétrait dans une réalité parallèle. Je l'ai ensuite vu rassembler toute sa force émotionnelle pour s'obliger à essayer encore et encore.
    Les symptômes physiques, comme les troubles intestinaux, constituent également un sérieux obstacle. La diarrhée nuit considérablement à la capacité de travailler et de fonctionner normalement au quotidien. Les étourdissements et le vertige sont non seulement embêtants, mais carrément dangereux dans certaines situations.
    Quant à moi, par où puis-je commencer?
    Force m'est d'admettre que c'est très difficile pour moi. J'ai dû mettre de côté ma vie et la majorité de mes rêves. J'ai laissé passer bien des occasions de carrière, car je ne pouvais pas laisser Dave seul avec nos jumeaux pendant plus de quelques heures. J'ignorais que son trouble aurait autant de répercussions sur ma vie, et j'en suis venue à avoir moi-même un sentiment de honte et de stigmatisation parce que je n'ai pas de carrière. J'ai fait bien des tentatives, auxquelles j'ai dû mettre fin à divers intervalles au cours de nos 15 ans de vie commune. C'est l'effet indirect des dommages que ce médicament a causés et de ses répercussions sur nous.
     Je pense qu'il est temps d'admettre que l'empoisonnement à la méfloquine et les dommages qui en découlent nuisent considérablement à la transition harmonieuse. Il existe de l'espoir pour les membres des Forces canadiennes et les anciens combattants qui subissent les effets de ce médicament, car certaines thérapies fort prometteuses réduisent beaucoup les effets secondaires mentaux et physiques des dommages provoqués par ce médicament.
    C'est tout ce que j'ai à dire. Merci.
(1240)
    Merci.
    Monsieur Kitchen, vous disposez de trois minutes.
    Faisons une nouvelle tentative.
    Teresa, Dave et Jenny, merci beaucoup de témoigner. Je vous suis reconnaissant de comparaître devant le Comité.
    Dave, nous avons déjà parlé il y a longtemps. Depuis cette conversation, j'ai appris que mes enfants, qui adorent voyager... Mon fils aîné m'a informé qu'il prenait de la méfloquine. Il ne m'en avait pas parlé jusqu'à l'autre jour, lorsqu'il m'a expliqué qu'il avait arrêté d'en prendre parce qu'il avait commencé à avoir des rêves étranges et des cauchemars. J'étais ravi de l'entendre, bien entendu. Il se peut que je me rende au Pakistan prochainement. Quand j'y ai été dans ma jeunesse, les antipaludiques étaient différents. Si on m'offre de la méfloquine, je n'envisagerai même pas la possibilité d'en prendre.
    Nous connaissons les effets que ce médicament a eus sur votre vie. Ces effets ont été considérables, comme vous nous l'avez expliqué.
    Notre séance porte sur la transition. Nous avons entendu l'ombudsman, qui a essentiellement indiqué que nous avons étudié la question ad vitam aeternam et que cela n'a donné aucun résultat. Nous avons formulé toutes sortes de recommandations, qui sont restées lettre morte.
    Quand nous avons commencé, j'ai proposé d'examiner les mesures de transition que nous avons recommandées pour voir si elles ont été mises en oeuvre.
    Pouvez-vous nous décrire votre transition du mieux que vous le pouvez?
    Voulez-vous vraiment que je le fasse?
    Oui, si vous le voulez bien.
    J'ai été traduit en cour martiale et mis à la porte. J'ai reçu une libération pour le motif prévu au point 5(f), ce qui n'est guère reluisant. La responsabilité en revient au colonel Jorgensen, qui est maintenant général et travaille à ACC. L'aumônier de l'unité a tenté de prendre ma défense. Je l'ai même entendu alors que j'étais au bureau de faction. Il hurlait au colonel que j'avais le syndrome de stress post-traumatique, ce à quoi Jorgensen a répliqué que j'avais plutôt un problème de discipline.
    En guise de transition, on m'a montré la sortie, m'invitant à charger 14 ans de ma vie dans une vieille Toyota Tercel bringue balante et à faire attention de ne pas recevoir la porte dans le derrière en sortant.
    La seule raison pour laquelle je suis encore vivant, c'est parce que j'ai été un des premiers clients du Soutien social aux victimes de stress opérationnel. C'est grâce à lui si je suis ici. Ma transition... J'ignore pourquoi je suis ici, en fait, si ce n'est que grâce à l'intervention du SSVSO.
    Vous l'avez trouvé très efficace.
    Le SSVSO, qui était initialement une entité indépendante, a été intégré à ACC, qui en détermine désormais le mandat. Il avait autrefois son propre budget et était très efficace quand il s'agissait de sauver des vies. Il relève maintenant d'ACC.
    Je vais vous donner un exemple montrant à quel point il était efficace. Je vivais alors littéralement dans le sous-sol de mes parents, incapable d'interagir avec les gens. J'étais complètement dysfonctionnel. Le SSVSO m'a aidé à consulter un psychologue spécialisé en traumatisme militaire et à gérer la paperasserie avec ACC. Un an plus tard, quand j'ai pu tenter de retourner aux études, le SSVSO m'a facilité les choses. Il n'y a pas eu de formalités administratives et je n'ai pas eu à téléphoner à la Marche des dix sous du Canada ou à la légion pour recevoir des brochures ou quoi que ce soit. Si j'avais besoin de quelque chose, le SSVSO me fournissait le nécessaire sans poser de question. Je n'ai pas eu à remplir 50 formulaires ou à rencontrer de médecin. Je souhaiterais aller à l'école. Que voulez-vous faire? Je dois reprendre ma 12e année.
(1245)
    C'est ici que nous mettrons fin à l'intervention.
    Monsieur Bratina.
    Merci à tous. Ce sont des témoignages assez frappants que nous entendons.
    Jenny, je voudrais m'adresser à vous en premier. Qu'est-ce qui vous préoccupe au sujet de la prestation mensuelle de 1 000 $ que nous allons offrir aux aidants naturels? Il me semble que vous prenez encore soin d'une personne — ou de deux maintenant —, mais que vous ne serez peut-être pas admissible. Si vous avez des préoccupations, qu'est-ce qui vous inquiète? Considérez-vous que ce soit une mesure bénéfique ou attendez-vous de voir ce qu'il en est avant de poser un jugement?
    Cela ne m'inquiète plus, car mon conjoint est dans l'ancien système. Celui qui touchera les 600 $ pour moi. Je n'aurai accès à rien. Je suis représentée par une somme, mais c'est lui qui la touchera pour moi.
    Ce qu'il y a de merveilleux avec l'indemnité de soignant, c'est qu'elle est remise directement au soignant. Comme je l'ai dit, il est possible que cela soit révolutionnaire, car lorsque les gens ne se portent pas bien et qu'ils ont tous les pouvoirs financiers, de nombreuses conjointes se retrouvent avec rien. Lorsque les choses tournent mal et qu'il décide d'aller s'acheter un VR, par exemple, la fin de mois peut être très difficile. Cette indemnité aura un impact, non seulement en matière de dignité, mais aussi d'identité.
    Maintenant, quels seront les critères d'admissibilité? C'est le noeud du problème. Tout est lié aux blessures physiques. Si votre conjoint est cloué au lit sans bras, sans jambes ou qu'il ne peut pas se déplacer, parler ou manger, aucun problème: vous recevrez l'argent, si l'incapacité est suffisante. Toutefois, s'il souffre de TSPT, de dépression ou d'anxiété sociale...
    Comme l'a souligné Teresa — et elle a raison —, le problème, c'est le diagnostic, bien entendu, mais aussi les critères. Le système ne reconnaît pas les blessures mentales. Comment puis-je justifier que mon conjoint a besoin de moi lorsqu'il a ses deux mains et qu'à première vue il semble en mesure de se faire un repas? Je sais qu'il en était incapable. Si je ne le fais pas pour lui, il ne mangera pas. Si je ne fais pas le ménage, il ne le fera pas, car il souffre de dépression. Tous les médicaments qu'il prend le rendent incapable de bouger. Il ne veut rien faire. Il ne peut rien faire.
    Donc, je crois que l'admissibilité à cette indemnité sera un défi, sans oublier que je suis convaincue que le gouvernement ignore combien de soignants sont sous la responsabilité du ministère des Anciens Combattants. Nous ignorons le nombre. Avec 200 000 clients, je dirais qu'il y a 200 000 soignants. Avons-nous les moyens de payer chaque soignant qui vit à la maison, qui mérite cet argent? Je ne le crois pas.
    Monsieur Johns, vous avez la parole.
    Merci.
    D'abord, merci à vous tous de votre témoignage et d'avoir accepté de partager vos expériences personnelles avec nous. C'est très important. Je suis désolé que vous ayez à vivre ces moments difficiles.
    En septembre dernier, ma collègue, Irene Mathyssen, a demandé au ministre O'Regan d'amorcer une étude afin de déterminer la neurotoxicologie à long terme de la méfloquine.
    Dave, qu'en pensez-vous? Croyez-vous qu'une étude du Comité sur la méfloquine vous aiderait?
(1250)
    Je ne fais aucunement confiance au gouvernement pour reconnaître ce problème. J'ai moi-même laissé tomber cette lutte. Je me concentre uniquement à communiquer personnellement avec les vétérans.
    On parle de transition depuis maintenant 10 ans. Fouillez dans les archives, vous verrez. Un de mes amis l'a fait. C'est la même chose qui se répète. Est-ce que ce serait différent avec la méfloquine? Non.
    On a qu'à regarder le fiasco qu'est le dossier de l'agent Orange. Combien d'années a-t-il fallu attendre avant que le gouvernement aide les victimes? Vivre avec le cancer, incapable de travailler ou de faire quoi que ce soit, incapable d'avoir une famille, ça vaut combien? Le dédommagement moyen s'élevait à 23 000 $. Je n'ai aucunement confiance au gouvernement pour reconnaître ce problème ou quoi que ce soit dans ce dossier. Une étude? Oui. Une autre étude...
    D'accord.
    ... pour pouvoir ordonner la tenue d'une autre étude et effectuer une autre étude?
    Dans ce cas, dans le cadre de vos discussions avec des vétérans d'autres pays, et je sais que vous avez eu ces discussions...
    Oui.
    ... avez-vous remarqué si d'autres pays ont une meilleure méthode pour traiter les survivants de la neurotoxicologie de la méfloquine?
    Non. Chaque pays de l'Occident se rebiffe à cette question, en raison des coûts financiers associés aux soins de santé pour les gens qui ont été empoisonnés à la méfloquine.
    Alors, que pourrions-nous faire de mieux pour régler ce problème? Qu'aimeriez-vous voir...
    Il y a une chose. Quelqu'un à la Chambre doit se lever et dire: « Nous avons peut-être empoisonné nos soldats. » C'est tout. Ensuite, les régimes de soins de santé provinciaux et les organismes de financement de recherche... Actuellement, les organismes de financement n'investissent aucun fonds dans la recherche sur la méfloquine pour ne pas aller à l'encontre du gouvernement fédéral et risquer une réduction de leurs fonds. C'est là le problème. Quelqu'un doit dire: « Nous avons peut-être empoisonné nos soldats. » C'est tout.
    Merci. C'est important.
    J'aurais une question à poser, soit à Jenny ou à Teresa. L'indemnité de soignant proposée est-elle suffisante? Vous avez souligné les fardeaux que vous portez, et ceux-ci sont considérables. J'aimerais avoir plus de détails à ce sujet.
    Teresa, voulez-vous commencer?
    C'est intéressant. C'est agréable de penser que je pourrais recevoir une indemnité de 1 000 $ par mois. Mais, y serais-je admissible? Je l'ignore, car mon conjoint donne l'impression d'être en possession de ses moyens.
    Est-ce que cela compenserait les 15 dernières années de ma vie? Je n'en suis pas convaincue. J'ignore quoi vous répondre. L'impact est si important, et pourtant... Une indemnité de 1 000 $, c'est bien, mais est-ce suffisant? Je l'ignore.
    De plus, c'est si j'y suis admissible...
    Est-ce [Inaudible]? Vous dites « si ».
    Si j'y suis admissible. J'ignore si j'y serai admissible.
    Pourriez-vous terminer rapidement? Ensuite, nous...
    Si vous me le permettez, ce n'est pas un chèque de paie. Il s'agit d'une indemnité. Cela ne remplace pas ce qui a été perdu. N'oublions pas qu'en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants, mon ex-conjoint... J'ai été pénalisée comparativement à l'ancienne pension. Au moins 12 000 $, depuis que j'ai quitté mon emploi... ce n'est pas suffisant, mais c'est un bon début. Il ne s'agit pas d'un remplacement du revenu.
    Monsieur Fraser, vous avez la parole.
    Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Jennie, j'aimerais vous poser une question. Vous avez parlé brièvement de l'importance de la participation de la famille dans la transition et fourni certains détails. Quoi d'autre en particulier le Comité devrait-il recommander au gouvernement pour soutenir les familles des vétérans libérés pour raisons médicales, notamment, afin de soutenir les familles qui déploient tant d'efforts importants et essentiels à une transition réussie? Que pouvons-nous faire?
    Le point de départ, c'est les Forces armées canadiennes. Si je ne m'abuse, Barry Westholm est venu témoigner. Il défend également les familles. Lorsque j'ai recommandé une affaire à Comox, j'ai été accueilli à l'UISP en tant que membre d'une famille — ils ignoraient qui j'étais — pour savoir comment j'étais traitée... mais, surtout, il faut savoir que les familles sont déjà blessées lorsqu'elles quittent le service militaire. Est-ce que cela répond à votre question? Tout commence là. Ensuite, il y a l'inclusion... Le fait que nous soyons exclus pour des raisons médicales est défendable, mais, au bout du compte, nous ne recevons aucune éducation. Le plus gros problème, c'est le manque d'éducation et de soutien.
    Actuellement, en tant que conjointe, j'ai droit à un certain nombre de séances avec un psychologue. C'est un bon début, mais, encore une fois, ce n'est pas suffisant. Je le répète, l'un des problèmes, c'est que si le vétéran ne demande pas le service pour sa conjointe, celle-ci ne peut obtenir de l'aide. Encore une fois, c'est une question d'identité et de dignité. C'est le noeud du problème. Aidez-moi à me protéger et à protéger ma famille. Aidez-moi à être une meilleure soignante et je fournirai à mon conjoint un meilleur environnement pour le motiver à lutter afin d'avoir une bonne qualité de vie. C'est là le plus gros problème. Ils sont seuls. Ils ont perdu leur place dans la société. Leur conjointe les a quittés. Ils se retrouvent seuls. Ils ont de la difficulté à avoir des chiens d'assistance. La situation devient très compliquée à bien des niveaux. Nous sommes là pour compenser, et nous sommes également les seuls à bien connaître la personne à l'intérieur et à nous battre pour elle. Nous faisons partie de cette dynamique et nous avons besoin... pas seulement pour être bons, mais parce que nous faisons partie de la solution.
(1255)
    Je suis tout à fait d'accord avec vous, Jenny. C'est bien dit.
    J'aimerais entendre Dave et Teresa sur la participation de la famille et le soutien au soignant et aux membres de la famille afin d'assurer une transition réussie. Auriez-vous quelque chose de précis à recommander au gouvernement concernant les mesures de soutien sur le terrain? Auriez-vous des commentaires à formuler sur le sujet?
    J'aimerais simplement réitérer ce qu'a dit Jenny. La question est l'admissibilité. Jusqu'à ce qu'elle en parle, je n'y avais pas pensé. Je me suis dit que j'aurais besoin d'un certain soutien psychologique, mais je devais passer par Dave pour l'obtenir. Je n'avais pas réalisé, avant qu'elle le souligne, que cela a un impact sur ma dignité. Je ne peux même pas m'adresser au ministère des Anciens Combattants pour demander de l'aide psychologique. J'ai besoin d'aide. Je dois passer par lui. Qu'arrive-t-il s'il est vraiment en colère contre moi ou qu'il part sur une de ses tangentes qui dure une ou deux semaines? Je n'ai aucun accès. Aucun.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre trois intervenants qui disposeront de deux minutes chacun. Monsieur Eyolfson, vous avez la parole.
    Je vais laisser mon temps de parole à Mme Romanado.
    D'accord.
    Merci d'avoir accepté notre invitation. Ceux qui me connaissent savent que la raison pour laquelle j'ai décidé de me présenter aux élections, c'est qu'à mon avis, les familles de militaires et de vétérans comme la mienne — j'ai deux fils dans les Forces — n'ont pas voix au chapitre. Je suis heureuse que vous ayez accepté de venir nous raconter votre histoire. Je crois qu'il est important de parler de l'impact qu'ont sur les familles le service militaire et l'après-service. Merci de donner aux familles comme la mienne voix au chapitre.
    Concernant les familles, car, bien entendu, c'est quelque chose qui me tient à coeur, je sais que, puisque mes fils sont dans les Forces, si je me présente à un CRFM, je peux obtenir des services. Il reste encore du travail à faire. Je sais que si je me présentais à un CRFM en tant que vétéran ou membre de la famille d'un vétéran, je pourrais obtenir des services. Il n'y aurait aucune hésitation. Lorsque vous êtes militaire, vous l'êtes pour la vie. Vous faites partie d'une famille.
    J'aimerais connaître votre opinion sur la possibilité de donner accès aux CRFM aux vétérans en poste-transition et à leurs familles afin qu'ils puissent poursuivre cette relation. J'aimerais savoir si cela serait utile. Nous avons entendu parler des prestations pour aidants, mais je crois que les CRFM jouent un rôle essentiel. Selon vous, serait-il utile de permettre aux familles de continuer d'avoir accès à ces centres? Est-ce que cela aiderait?
    Je suis désolé, Jenny, mais vous avez 30 secondes pour répondre.
    Oui, mais n'oublions pas que les CRFM éprouvent eux aussi des difficultés. Les Forces armées canadiennes déploient beaucoup d'effort pour avoir plus de contrôle sur les CRFM. Sortons les Forces de là. Les familles savent quels sont leurs besoins et ce qu'elles veulent et elles peuvent diriger elles-mêmes les CRFM.
    Je tiens à rappeler aux témoins que si vous avez quelque chose à ajouter à votre témoignage, faites-nous parvenir cette information par écrit et nous la communiquerons aux membres du Comité. Je suis désolé.
    Madame Wagantall, vous avez la parole.
    Merci.
    Je vous remercie tous les trois, Dave, Jenny et Teresa, d'avoir accepté notre invitation.
    Dave, ce problème de la méfloquine ne disparaît pas.
(1300)
    Non. Il s'agit, en réalité, d'un problème dégénératif. Les gens sont de plus en plus malades.
    Ce que je dis, c'est qu'aux yeux des Canadiens, le problème n'a pas été réglé. La façon dont nous avons traité nos vétérans et nos soldats et dont nous continuons de les traiter, c'est un problème grandissant.
    Il s'agit maintenant d'un médicament de dernier recours. C'est ce qu'a finalement annoncé le médecin-chef alors que nous quittions pour la pause estivale. Toutefois, les Canadiens peuvent encore s'en procurer. Il n'y a eu aucun changement à cet égard.
    Bev, que nous avons connue tous les deux, est encore aux prises avec ce problème. Je ne peux pas le confirmer, mais elle m'a dit: « Cathy, j'ai un ami gestionnaire de cas. On lui a dit directement de ne pas parler de la méfloquine avec ses clients. »
    Auriez-vous quelque chose à dire au sujet de cette mentalité?
    Le problème, c'est que la méfloquine ne cadre pas dans une catégorie en particulier. Elle chevauche quatre ou cinq diagnostics. C'est une chose que le ministère des Anciens Combattants n'aime pas. Le ministère aime que les choses soient à leur place.
    Nous avons vu la même chose avec le TSPT et l'agent Orange; ce sont les vétérans qui ont été le moteur du changement. C'est ce qui se produit aujourd'hui.
    Nous en sommes à définir la blessure, comme ce fut le cas avec le TSPT alors que des groupes de vétérans du Vietnam racontaient ce qu'ils vivaient et que d'autres disaient avoir le même problème. C'est alors qu'un médecin a remarqué une tendance.
    Nous avons maintenant identifié une tendance, comme à l'époque.
    Merci.
    Jenny, vous avez parlé des problèmes associés aux cliniques de BSO au Québec. J'ai moi-même entendu dire que si une personne se présente à l'une de ces cliniques pour obtenir de l'aide, elle ne recevra aucun service si elle consomme de la marijuana thérapeutique plutôt que des produits pharmaceutiques. Nous savons que les entreprises pharmaceutiques tentent désespérément de trouver un produit alternatif au cannabis afin de pouvoir profiter de cette part du marché. Auriez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
    C'est ridicule. Encore une fois, tout est une question d'argent et de pouvoir. Pourquoi accepte-t-on au pays l'idée que le gingembre aide à calmer les problèmes d'estomac, mais que la marijuana thérapeutique continue d'être perçue comme une drogue? C'est le noeud du problème.
    Le problème est que personne ne l'accepte, surtout au Québec. La stigmatisation dans cette province est si présente, que les utilisateurs sont pénalisés. Est-ce que quelqu'un s'inquiète de savoir pourquoi il y a eu 20 suicides en moins d'un an ou deux à Québec? Il y a une raison. À mon avis, tous les intervenants ont une part de responsabilité dans ces décès. Peut-être que certaines de ces personnes ont été chassées d'une clinique et ont été laissées sans ressources en raison d'un choix qu'elles ont fait.
    M. Poissant sera notre dernier intervenant.

[Français]

     Madame Migneault, vous avez parlé du Québec, mais la situation varie-t-elle d'une province à l'autre?
    Je peux comprendre que la situation soit différente au Québec, mais qu'en est-il des autres provinces?
    D'abord, ce n'est qu'au Québec qu'on peut voir un coquelicot blanc sur un coquelicot rouge en plein Parlement.
    Vous me parlez des particularités des provinces. À Terre-Neuve, par exemple, la mentalité de l'île fait que les gens se connaissent. Or cela a pour effet de masquer le problème de l'itinérance. Le problème n'est pas perçu de la même façon. En effet, tout le monde se connaît et est prêt à aider les autres, mais cela masque ce problème. C'est pourquoi, à Terre-Neuve, un vétéran a été retrouvé dans sa maison quatre mois après son décès. Cela a eu l'effet inverse.
     Chaque province a une spécificité culturelle, qui peut s'expliquer par les différentes bases ou par la mentalité. Au Québec, la mentalité du Royal 22e Régiment est très présente, ce qui favorise l'hermétisme.
    Vous avez parlé des médecins.
    Est-ce que certains d'entre eux arrivent mieux que d'autres à détecter les problèmes et, le cas échéant, sont-ils suffisamment nombreux?
    Est-ce que vous parlez de la situation dans son ensemble ou du cannabis?
    Non, je parle des cas de choc post-traumatique. Je veux savoir si certains médecins sont mieux informés que d'autres sur ce problème et sur le milieu des anciens combattants.
    À l'extérieur du milieu des anciens combattants et des cliniques pour traumatismes liés au stress opérationnel, des civils peuvent être aux prises avec un syndrome de stress, mais au départ, les militaires font déjà face à une grande incompréhension. Le syndrome de stress post-traumatique est mal connu. Il faut parler de la famille Desmond, de la Nouvelle-Écosse, qui a sollicité de l'aide mais qui n'en a pas obtenu.
     Des situations de ce genre se produisent dans toutes les provinces. C'est ainsi parce que les gens ne sont pas sensibilisés. Il y a un manque de respect et de compréhension. En tant que soignante, je peux vous dire que, quand on cherche des soins, on nous demande souvent pourquoi nous avons emmené une personne. On nous dit qu'elle va très bien et qu'elle peut retourner chez elle. Ces gens retournent alors dans leur forteresse, tout seuls, et n'ont personne à qui se plaindre de leurs difficultés. Voilà le résultat.
    Les médecins ne sont pas suffisamment sensibilisés. Nous vivons dans une société où l'on prescrit fortement et dangereusement des médicaments aux gens, justement parce qu'on ne comprend pas ce qui leur arrive. On endort et on tue les gens de l'intérieur, puis on s'offusque quand ils passent au cannabis médicinal et commencent soudainement à avoir des émotions qui ont du sens ou à suivre une thérapie qui fonctionne parce que leur état n'est plus celui d'un zombie.
(1305)

[Traduction]

    J'aimerais souligner une chose: Lionel Desmond consommait de la méfloquine lors de son déploiement. Nous avons établi — et même prouvé — que le jour de l'incident, lorsqu'il a assassiné les membres de sa famille, il vivait une crise liée à la méfloquine, comme le décrit sa soeur, la dernière personne à l'avoir vu vivant.
    J'aimerais que cette information figure au compte rendu. Merci.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Ceci met un terme aux témoignages d'aujourd'hui.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier tous les témoins d'avoir accepté notre invitation et de tout ce qu'ils ont fait et continuent de faire pour les hommes et femmes des Forces.
    La séance est levée.
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