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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui relativement au projet de loi . Je suis désolé si je suis un peu endormi. Je n'ai pas dormi depuis samedi soir. Je voyage depuis 16 h 30 hier soir, ayant pris trois vols en tout, mais nous pouvons poursuivre.
C'est rare que nous soyons saisis d'un projet de loi à la Chambre qui ne concerne qu'une seule circonscription. Je suis donc très heureux que le projet de loi soit à l'étude aujourd'hui. Je peux également comprendre que de nombreux députés à la Chambre, sûrement tous les députés sauf la ministre et sa secrétaire parlementaire, connaissent très peu de choses au sujet de ce projet de loi puisqu'il ne porte que sur une circonscription. C'est tout à fait compréhensible. Je m'efforcerai donc d'expliquer le plus clairement possible aux députés la question sur laquelle ils devront se prononcer.
Le projet de loi élimine quatre dispositions qui ont été mises en oeuvre au moyen du projet de loi et d'un processus totalement inapproprié. Ces quatre dispositions entourent les délais, la réévaluation de projets en cours, les instructions générales ministérielles et la délégation d'attributions en la matière au gouvernement du Yukon. Les Premières Nations ont pu négocier toutes les autres modifications, mais elles n'ont jamais eu l'occasion de parler de ces quatre enjeux. Je vais donc essayer de donner aux 336 autres députés qui n'habitent pas au Yukon une idée juste de la situation.
Le 14 février 1973, les chefs du Yukon sont venus à Ottawa présenter au premier ministre Pierre Elliott Trudeau un document intitulé « Together Today for our Children Tomorrow », qui a lancé le processus de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale au Yukon. Les négociations ont duré 20 ans, jusqu'à ce que le traité moderne, l'Accord-cadre définitif, soit signé le 29 mai 1993 par les trois ordres de gouvernement: fédéral, territorial et des Premières Nations. Cet accord est protégé en vertu de la Constitution de sorte que même nous, législateurs, ne pouvons le modifier. Il est le fruit d'une collaboration et d'une négociation, qui servent parfois de modèle dans le Canada et dans le monde. Nous devons, toutefois, nous rappeler qu'il a fallu 20 ans pour y parvenir.
Une partie du traité prescrivait l'élaboration de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, là encore, une création et un modèle propres au Yukon, notre propre loi sur l'évaluation. Contrairement à la plupart des autres endroits au pays, nous ne sommes pas assujettis à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Toutefois, notre loi traite des évaluations sur les terres de tous les gouvernements: les gouvernements des Premières Nations, le gouvernement du Yukon et le gouvernement fédéral. La création de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon a nécessité des négociations entre les trois gouvernements partenaires. Elles ont pris 10 ans. Cette loi a été adoptée en 2003 et, jusqu'à maintenant, tout va bien.
La LEESY comportait un examen quinquennal. Cet examen a duré cinq ans, de 2008 à 2012. Un examen quinquennal n'est pas censé durer cinq ans. Non seulement il a été effectué après cinq ans, mais il a aussi duré cinq ans. Cependant, on a accompli beaucoup de travail au cours de ces cinq ans. Après tout ce travail, les trois paliers du gouvernement se sont entendus sur 72 recommandations, qui ont été mises en oeuvre soit dans le projet de loi , soit de façon administrative. Une fois encore, jusque-là, tout allait bien.
Cependant, à la dernière minute, vers la fin de cinq années de négociations, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il ajoutait quatre grandes dispositions au projet de loi , et que ces dernières ne seraient pas négociables. Après 20 années de collaboration entre les trois partenaires au sujet de l'Accord-cadre définitif et 10 années de collaboration sur la LEESY, les députés ne seraient-ils pas outrés si un de leurs partenaires annonçait qu'il ajoutait quatre grandes dispositions au projet de loi et qu'il n'était pas disposé à négocier avec eux à leur sujet? Cela ne cadre probablement pas avec la lettre de la loi, et cela ne respecte certainement pas l'esprit de la loi. Si l'on a une loi illégale, ou une loi qui contrevient à un traité, cela importe peu ce qu'elle contient; elle doit être annulée.
Nous en sommes maintenant dans une nouvelle ère de partenariats et de collaboration avec les peuples autochtones et les gouvernements des Premières Nations. Les industries ont souvent pris l'initiative pour établir des partenariats avec les peuples des Premières Nations. Par conséquent, je poursuivrai en abordant certains éléments que d'autres ont déjà soulevés au cours du débat.
Un des éléments est que le projet de loi est très important pour le secteur minier. Les conservateurs ont bien établi l'importance de l'exploitation minière pour l'économie du Yukon. Elle contribue le plus à notre PIB depuis la ruée vers l'or. C'est un point très important et c'est exactement ce que vise le projet de loi: contribuer à soutenir le secteur minier en lui assurant la certitude nécessaire pour aller de l'avant.
Je vais citer quelques interventions et lettres. Paul West-Sells, président de Casino Mining Corporation, l'une des plus grandes sociétés minières de calibre mondial, a dit ceci:
Au nom de la Casino Mining Corporation [...] je présente les préoccupations de notre société relativement à la tension qui existe dans les relations intergouvernementales au Yukon au sujet du projet de loi S-6 et aux répercussions de cette situation sur l'industrie minière du territoire.
Il a ajouté ceci:
Casino est d'avis que le plein appui de tous les ordres de gouvernement envers la LEESY rassurera l'industrie minière.
C'est exactement ce que disaient les conservateurs; ils est donc formidable qu'ils soient d'accord.
Aussi, nous encourageons le Canada, le Yukon et les Premières Nations du Yukon à se mobiliser, à collaborer et à régler les questions restées en suspens dans le dossier du projet de loi S-6.
Or, c'est exactement ce que propose le projet de loi .
Je cite une autre intervention au comité de la part d'Allison Rippin Armstrong, vice-présidente aux terres et à l'environnement de Kaminak Gold Corporation, une société qui a de bonnes chances d'ouvrir la prochaine mine au Yukon:
[...] nous nous demandons si le processus de modification de la LEESY ne crée pas une méfiance accrue à l'égard des gouvernements et de l'incertitude par rapport au processus d'évaluation et de réglementation qui s'appliquera aux projets actuels et futurs au Yukon.
Comme les conservateurs l'ont souligné, à juste titre, c'est précisément cette incertitude mentionnée par la vice-présidente de cette société minière que nous cherchons à dissiper. Mme Rippin Armstrong a ajouté ceci:
Notre projet de mine aurifère à Coffee Creek n'est pas encore assujetti au processus prévu par la LEESY. Si le projet de loi S-6 est adopté et contesté devant les tribunaux, le projet de mine aurifère à Coffee Creek et notre présence même au Yukon sont incertains. Kaminak demande instamment au gouvernement fédéral de reprendre les pourparlers avec les Premières Nations et de travailler de concert avec elles pour établir un consensus sur les modifications proposées de la LEESY et éviter des contestations devant les tribunaux.
Je le répète, c'est exactement ce que fait le projet de loi. C'est ce que tout le monde demande.
Je souhaite partager une citation provenant aussi d'une lettre puisque les conservateurs insistent tant sur la leur. Tous les documents que je cite sont bien plus longs et explicites que ne le laissent paraître les citations, mais nous n'avons pas le temps de les parcourir plus amplement.
Cette lettre est signée par Sandy Silver, le premier ministre du Yukon. Comme l'ont dit les conservateurs et le NPD, il est important que les décisions soient prises par les Yukonnais. Cette lettre est signée par le premier ministre du Yukon, le grand chef, Peter Johnston, et Mike Burke, le président de la Chambre des mines du Yukon. J'insiste, il est important que l'on rétablisse la confiance dans l'industrie minière. On y lit:
Pour que le processus d'évaluation de projets en vigueur au Yukon inspire de nouveau confiance et pour respecter l'esprit des ententes définitives et des ententes sur l'autonomie gouvernementale, il est nécessaire d'abroger ces modifications et de résoudre les préoccupations de l'industrie à l'aide d'un cadre de collaboration.
Nous nous sommes réjouis lorsque le projet de loi C-17, qui élimine certaines dispositions problématiques, a été présenté à la Chambre des communes le 8 juin 2016.
[...] Le gouvernement du Yukon, les Premières Nations autonomes du Yukon, le Conseil des Premières Nations du Yukon et la Chambre des mines du Yukon espèrent que le projet de loi C-17 sera adopté, sans modifications, le plus tôt possible.
Avant de revenir sur certains points abordés pendant le débat, je tiens à mentionner qu'il revient non seulement au gouvernement fédéral, mais aussi aux gouvernements territoriaux de défendre l'honneur de la Couronne.
Il y a quelques semaines à peine, le 22 mars, pendant l'audition d'appel à la Cour suprême, la juge Rosalie Silberman Abella a parlé des responsabilités du gouvernement du Yukon à l'égard des Premières Nations autonomes, particulièrement parce qu'il lui incombe de défendre l'honneur de la Couronne. Je tiens à le souligner pour m'assurer que les avocats oeuvrant dans les ministères et à la Chambre des communes en soient conscients.
En 1999, donc 18 ans plus tôt, la décision du juge Vertes, de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest, dans l'affaire Donald Morin c. Anne Crawford, mentionnait notamment le statut constitutionnel des territoires, lequel a une incidence directe sur leur capacité d'assumer le rôle de la Couronne.
Je ne m'attends pas à ce que quiconque à la Chambre comprenne cette mesure législative complexe, puisqu'elle s'applique uniquement au Yukon. Il s'agissait d'un traité entre trois gouvernements. C'est pour cela que j'essaie d'expliquer certains éléments.
D'abord, on a parlé du fait que les habitants du Yukon devraient décider. C'est exactement ce que vise le projet de loi. Ce qui est arrivé, c'est que quatre articles ont été ajoutés à la fin, lorsque le projet de loi a été présenté. Comme je l'ai dit, c'était formidable, en ce sens que 72 éléments ont été approuvés, soit sur le plan administratif ou dans le projet de loi , 72 éléments que trois gouvernements ont négocié et sur lesquels ils se sont mis d'accord. Cependant, les quatre éléments qui ont été rajoutés à la toute fin ont vraiment irrité les habitants du Yukon. Ils n'ont pas aimé qu'on leur impose cela et qu'ils ne soient pas en mesure de négocier. Deux grandes assemblées publiques ont eu lieu de façon spontanée, et une centaine de personnes ont assisté à chacune d'elles. Les gens étaient, à juste titre, furieux que le gouvernement fédéral leur impose les quatre éléments.
Rappelons-nous qu'il y a eu 20 années de négociation pour le traité protégé par la Constitution, 10 années de négociation pour la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, et cinq années pour l'examen quinquennal. Bien évidemment, les gens ont été outrés lorsque, soudainement, quatre éléments ont été rajoutés par Ottawa à leur loi environnementale. Ils n'ont pas pu négocier, comme ils l'avaient fait avec tout le reste.
Les conservateurs ont aussi soulevé un excellent point lorsqu'ils ont parlé de la stratégie pour le Nord, qui est en cours d'élaboration au moment où on se parle. Cette fois encore, on commence par la base et on remonte. Les chefs, les premiers ministres et les Yukonnais en général auront leur mot à dire sur le cadre stratégique régissant le Grand Nord. Ce sera une excellente nouvelle, surtout ces temps-ci.
À mes yeux, la stratégie pour le Nord doit venir d'abord et avant tout des habitants du Nord. La souveraineté du Nord ne s'en portera que mieux si nous donnons la priorité aux gens, et le succès sera à l'avenant.
J'aimerais aussi parler des nouvelles évaluations. À l'époque, quand un projet était modifié — par exemple si sa portée était élargie, ce genre de chose —, alors une nouvelle évaluation devait avoir lieu au moment précis où son autorisation venait à échéance. Selon la loi, il doit y avoir une évaluation chaque fois qu'une autorisation est délivrée par un ordre de gouvernement ou un autre. Cette disposition en faisait sourciller certains, et il en a été question pendant le débat.
Comme je l'ai indiqué, 72 modifications récemment apportées à la politique et à la loi sont venues changer le système. Désormais, la période de validité des évaluations effectuées en vertu de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon ne se termine plus après cinq ans, disons, avec l'expiration d'un permis d'utilisation des eaux ou d'exploitation minière. Cette période est maintenant établie selon le bon jugement de l'office d'évaluation et du promoteur, et en fonction des particularités du projet. Ainsi, les délais des réévaluations ne sont plus fixés suivant les mêmes paramètres, comme on l'a mentionné plus tôt.
Par ailleurs, pensons à un projet en cours depuis 10 ou 20 ans et dont la période de validité de l'évaluation et des permis — qu'il s'agisse de permis d'utilisation des eaux ou autre — est échue. Les conclusions ne seront peut-être pas les mêmes, car beaucoup de facteurs peuvent avoir changé, comme le climat, la faune et la flore et les répercussions de la route sur celles-ci, ainsi que les effets des résidus miniers sur l'air et l'eau. Même si les activités liées au projet demeurent les mêmes, il y aurait probablement lieu d'apporter des modifications.
Le système proposé, qui donne pouvoir de décision à l'office et aux autorités et selon lequel les évaluations ne sont menées qu'au besoin, est fort sensé.
Nous avons parlé des obstacles à l'exploitation minière et de l'effet dissuasif de certaines mesures pour les investissements. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est un point extrêmement important qui est soulevé par les conservateurs parce que c'est exactement ce que le projet de loi viserait. Il éliminerait ces obstacles qui maintenaient les évaluations dans une impasse. J'expliquerai plus tard comment le projet de loi y arriverait et mettrait fin à cette incertitude. La ministre en a parlé en partie dans son discours.
Je tiens à parler des obstacles qui plongent les évaluations dans une impasse. Le partenariat entre les trois ordres de gouvernement qui ont signé le traité est unique au pays. Tous les gouvernements effectuent des tâches précises dans le cadre de l'évaluation. Si nous devions changer cet accord et ainsi irriter grandement l'une des parties, les modifications seraient probablement illégales en plus de ne pas respecter l'esprit du traité. Une incertitude monstre serait créée dans le processus d'évaluation.
Nous devons d'abord définir qui formera l'office. Celui-ci est constitué des trois parties. Si l'une des parties prend les décisions, il y aura évidemment un problème. Comme l'a aussi dit le NPD, il faut tenir compte de l'article 35 sur les droits ancestraux, selon lequel les Premières Nations doivent, encore une fois, donner leur accord. Elles ont toutes des terres visées par un règlement sur lesquelles elles exercent un contrôle absolu; elles prennent leurs décisions en fonction des recommandations de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Selon l'Accord-cadre définitif, le Yukon est divisé en 14 territoires traditionnels des Premières Nations. Celles-ci exercent une certaine influence sur les questions touchant leur territoire traditionnel en vertu du traité, ce qui inclut les grandes portions de terres qu'elles ont cédées.
Ces trois ordres de gouvernement exercent une influence considérable sur le processus. Si nous les fâchons en les circonvenant et en ne respectant pas le principe d'honneur de la Couronne ou en n'agissant pas de bonne foi lors des négociations, il est évident que cela créera une énorme incertitude quant à la réalisation d'évaluations environnementales. C'est pourquoi nous avons sous la main des lettres provenant de sociétés minières et de la Chambre des mines parce que les représentants de ce secteur veulent bien négocier les choses à l'avenir et travailler en partenariat avec les parties concernées. Comme je l'ai dit plus tôt, il y a d'excellents partenariats entre les Premières Nations et les sociétés minières du Yukon, qui découlent de l'initiative de ces dernières.
Finalement, je veux parler des délais. C'est une autre question qui sera difficile à comprendre pour les personnes qui ne viennent pas de la circonscription. Il semble que nous éliminions tous les délais, mais ce n'est pas le cas. En principe, les délais sont établis dans les règles et, comme nous le savons, les règles doivent être assujetties à un processus. S'il s'agissait de leur circonscription, les autres députés ne préféreraient-ils pas que les décisions soient prises par des économistes, des spécialistes de l'environnement, des spécialistes des Premières Nations ou des experts du gouvernement du Yukon, plutôt qu'elles soient imposées par Ottawa? C'est exactement ainsi que cela fonctionne. C'est comme les décisions du comité de direction, qui sont dictées par les règles de l'Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon. Il y a bel et bien des délais.
Enfin, comme nous l'avons déjà entendu quelques fois, même sans délai, l'Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon a maintenu un très bon bilan et il prend des décisions plus rapidement que ce que prévoient les délais dans presque tous les cas. D'une certaine façon, il s'agissait d'une solution à un problème qui n'existe pas.
Optons pour un nouveau départ. Tenons des négociations qui, certes, pourront être difficiles, mais qui comprendront les trois signataires légaux du traité et auxquelles le gouvernement fédéral, les gouvernements des Premières Nations, le gouvernement du Yukon et l'industrie prendront part en collaboration. Espérons que nous tous, les parlementaires, joindrons notre voix à ce partenariat afin de mettre derrière nous la situation actuelle et de bâtir un pays juste et prospère pour tous les Canadiens.
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Monsieur le Président, je prends la parole au sujet du projet de loi . Le contexte à l'origine du projet de loi est le suivant. Le rôle du gouvernement fédéral dans la gestion des terres et des ressources au Yukon a été dévolu au gouvernement du Yukon en 2003. Le gouvernement du Canada garde la responsabilité de prendre des règlements environnementaux là-bas. L'Office d'évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon a été créé en vertu de l'accord final.
Notre projet de loi, le projet de loi , visait à rendre — et rendait — les régimes de réglementation dans le Nord plus conformes à ceux en vigueur dans le Sud pour attirer des investissements et créer des possibilités économiques. Le projet de loi était un très bon projet de loi. Il fixait des délais pour les évaluations. Il exemptait les projets d'une réévaluation lors du renouvellement ou de la modification d'une autorisation, à moins de modifications importantes au projet. Il permettait au ministre fédéral de donner des instructions générales obligatoires à l'office et, très important, de déléguer au gouvernement territorial ses attributions en vertu de la loi.
J'ai été élu député en 2010. Pendant le premier mandat de notre gouvernement, j'ai siégé au comité des pêches et au Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Pendant la majeure partie de cette période, j'étais le seul député, tous partis politiques confondus, à faire partie de ces deux comités. J'étais très privilégié d'assister à l'élaboration des politiques environnementales et j'ai pleinement participé à de nombreux changements qui ont été apportés. Bon nombre des changements que nous avons apportés ont amélioré le processus environnemental, assaini de nombreuses mesures législatives environnementales exécrables, amélioré le potentiel de développement économique et eu absolument aucune répercussion négative sur l'environnement. Nous avons modifié la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale pour éliminer le double emploi.
Nous avons modifié la Loi sur la protection des eaux navigables pour qu'elle devienne la Loi sur la protection de la navigation. La Loi sur la protection des eaux navigables était une loi particulièrement scandaleuse. Il s'agissait d'une bonne loi lorsqu'elle a été rédigée, dans les années 1800, lorsque le Canada comptait en très grande partie sur la navigation et que l'obstruction des eaux navigables n'était tout simplement pas une option pour la croissance économique du pays. Or, au cours des décennies et des années, l'interprétation judiciaire de la taille des eaux navigables continuait de diminuer jusqu'à ce que des cours d'eau temporaires en deviennent. Il existe des personnes pour qui arrêter le développement économique représente un intérêt particulier. Mon collègue d'en face a utilisé par inadvertance le terme « industrie environnementale ». Je crois qu'on a développé une industrie qui fait de très bonnes affaires en empêchant la réalisation de projets. L'ancienne Loi sur la protection des eaux navigables était particulièrement mauvaise parce qu'elle forçait les municipalités à dépenser des sommes d'argent extraordinaires pour construire des ponts enjambant de petits cours d'eau temporaires.
Nous avons également modifié considérablement la Loi sur les pêches. En tant que biologiste des pêches, j'ai participé activement aux modifications apportées à la Loi sur les pêches.
Les exemples que je donne sont intimement liés à la situation du Yukon parce que le régime réglementaire d'un pays est crucial pour son développement économique. Les projets modernes doivent respecter l'environnement et ils le font, et, en même temps, il faut stimuler les investissements.
La révision de la Loi sur les pêches de 2012, c'est-à-dire notre Loi sur les pêches, était l'une des politiques du programme électoral du gouvernement fédéral actuel. Le comité des pêches a tenu des audiences exhaustives. Je siège toujours au comité des pêches en tant que vice-président. Pendant des semaines, des témoins ont comparu qui s'opposaient aux modifications apportées à la loi et qui voulaient revenir à la version précédente de la loi, c'est-à-dire l'ancienne méthode, où tout le Canada était essentiellement considéré comme l'habitat du poisson et la Loi sur les pêches pouvait être utilisée par l'industrie environnementale et les avocats spécialisés en droit environnemental pour bloquer, retarder ou autrement mettre un terme au développement économique.
J'ai une curieuse notion de l'environnement. Je crois que lorsque nous parlons de politiques environnementales, nous devrions en fait parler de l'écologie, de la nature, des paysages et de l'eau parce que, vraisemblablement, c'est de quoi il est question. Cependant, de nos jours, tout ce que j'entends principalement des défenseurs de l'environnement, particulièrement de ceux de la gauche libérale, c'est le processus, le processus et encore le processus.
Lors des audiences sur la Loi sur les pêches, nous avons posé à maintes reprises des questions à ce sujet aux témoins qui étaient si agités par les modifications apportées à la loi. Nous leur avons demandé si, depuis la modification de la loi en 2012, ils pouvaient nous citer une population de poissons qui avait été décimée ou touchée par les modifications que nous avions apportées. Pas un seul témoin n'a pu nous donner un exemple, mais ils étaient définitivement furieux au sujet du processus. Leur méthode pour déterminer le succès d'une loi était fondée sur le nombre d'enquêtes menées, le nombre d'accusations portées et le nombre de processus en place. Dans les faits, les poissons et l'environnement étaient une considération secondaire.
Nous avons modifié la Loi sur le Yukon afin d'ajouter des délais, d'indiquer qu'il n'y aurait pas de nouvelle évaluation à moins que le projet ait été considérablement modifié, et d'autoriser le ministre fédéral à donner des instructions générales obligatoires et à déléguer ses pouvoirs au gouvernement territorial.
À l'époque où j'étais directeur responsable de l'environnement dans une usine de papier, j'ai participé à un changement de direction de l'entreprise. Nous procédions à une évaluation environnementale qui était encadrée par de multiples organismes. Nous ne savions jamais quel ordre de gouvernement se mêlerait au processus, puisque leur participation était optionnelle. Ils étaient donc en coulisses tandis que nous procédions à l'évaluation environnementale, et nous leur demandions leur avis. Ils répondaient qu'ils n'étaient pas certains, mais que nous devrions continuer dans la même voie. Une telle incertitude a une influence directe et négative sur les investissements. Pour leur part, les avocats se réjouissent, puisqu'ils continuent d'accumuler des heures facturables. C'est toutefois le pire scénario qui soit pour les collectivités, les gens et leur gagne-pain.
Quand j'étais un jeune biologiste fraîchement diplômé, dans les années 1970, j'ai participé à l'évaluation environnementale du pipeline de la vallée du Mackenzie. C'était l'un de mes premiers emplois, un boulot de rêve pour un nouveau diplômé universitaire. J'ai pu taquiner le poisson, faire des tours d'hélicoptère et prendre des échantillons dans les lacs et rivières de tous les coins de la vallée du Mackenzie, une expérience absolument formidable. C'était à l'époque de la Commission Berger. Je me souviens encore de mon équipe. Nous avons pris des échantillons de tous les cours d'eau de la vallée du Mackenzie, de tous les affluents, de tous les lacs le long du tracé proposé pour le pipeline. Nous avons survolé le trajet du pipeline, rédigé des montagnes de rapports et pris une multitude d'échantillons d'eau et de poissons, les plaisirs habituels des biologistes de terrain.
Ainsi, la Commission Berger a eu lieu, et elle a publié son rapport. À l'époque, le cours du pétrole et du gaz n'était pas trop mauvais. En raison de l'embargo sur le pétrole, il était devenu urgent pour le Canada d'exploiter ses ressources naturelles. À l'époque, le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau a fini par rejeter le projet, après tout ce travail.
Fait intéressant, le projet a été ressuscité dans les années 1990. Le cours du gaz était en hausse. Je crois qu'il était de 15 $ le millier de pieds cubes. Comme le cours était élevé, on se demandait s'il était possible de relancer le projet de pipeline de la vallée du Mackenzie. Dans les années 1990, les promoteurs ont dû se soumettre à la même évaluation environnementale que dans les années 1970. Pourtant, rien n'avait changé. Les rivières et les lacs touchés étaient exactement les mêmes. Il n'y avait eu aucun développement, économique ou autre. Il a quand même fallu reprendre toutes les étapes suivies dans les années 1970, et le processus a duré plusieurs années.
Au fil du temps, le cours du gaz naturel a baissé de façon considérable, et le projet a alors perdu sa rentabilité. Les retards et l'incertitude font échouer les projets. Aujourd'hui, le pipeline de la vallée du Mackenzie n'est toujours construit, et il y a 15 ou 20 communautés aux prises avec de graves difficultés économiques. Nous savons comment construire des pipelines de façon sûre. Ils sont tous construits de manière à respecter l'environnement. C'est parce qu'ils sont efficaces à ce point que chaque déversement est un événement exceptionnel en soi, puisque les déversements sont extrêmement rares.
Il existe une incompréhension fondamentale du développement économique moderne, en particulier des projets d'exploitation des ressources. Tous les projets sont bâtis à l'aide de technologies écologiques de pointe. Dans le cadre d'un processus d'évaluation environnementale, on présume que l'évaluation doit avoir lieu, à défaut de quoi l'environnement sera détruit, ce qui est tout à fait insensé.
D'après mon expérience, qui combine gestion d'installations de traitement des eaux usées dans une usine de pâtes et papier, évaluations environnementales de zones de sables bitumineux et de nombreuses années à mener des évaluations environnementales dans l'ensemble du pays, travaillant avec des sociétés, des ingénieurs et des concepteurs, je peux garantir à 100 % que les technologies écologiques de pointe sont intégrées à chaque projet avant la première pelletée de terre. Les épurateurs sont installés sur toutes les cheminées industrielles, les usines de traitement des eaux usées sont conçues en conséquence, et les technologies pour l'amélioration de l'environnement s'améliorent sans cesse.
À cet égard, on peut penser au miracle de la société Inco. Il y a environ 30 ou 40 ans, la ville de Sudbury se trouvait dans ce qu'on peut appeler un paysage lunaire, en raison des pluies acides causées par les émissions provenant de l'usine. Cette dernière a été nettoyée et le paysage de la ville est redevenu normal. J'y suis allé et je l'ai vu. C'est ce que font les sociétés capitalistes industrielles avancées dans les marchés libres comme le Canada. Nous nous enrichissons et nous faisons un meilleur travail sur le plan de l'environnement, et le processus est permanent.
De plus, lorsqu'il est question de politiques environnementales, il est très important de mesurer les résultats environnementaux.
Le grand philosophe Pythagore a dit que tout se rapporte aux mathématiques. Quand je regarde la façon dont les politiques environnementales sont élaborées, je constate que rien n'est mesuré. Les gens croient profondément que ce qu'ils veulent faire est bon pour le monde en s'appuyant sur le syllogisme suivant: « Je suis une bonne personne et je veux sauver la planète, donc ce que je fais est bon ». On ne fait pas les calculs irréfutables qui permettent de déterminer les problèmes environnementaux — mesurer l'état de la Terre, les populations de poissons, la qualité de l'eau et ainsi de suite — pour ensuite concentrer les efforts là où les programmes environnementaux seront efficaces. Par exemple, la perte des milieux humides est très grave au Canada. Pourtant, seules des mesures mineures sont en place pour les préserver.
Le gouvernement que formait mon parti a allégé le processus d'évaluation et a éliminé les doubles emplois. Les audiences et les réunions sont rarement utiles pour assainir l'environnement. En revanche, consacrer 25 millions de dollars pour installer une station de traitement des eaux usées dans une usine de papier est une façon concrète d'assainir l'environnement. C'est ma façon de voir les politiques environnementales et c'est ainsi qu'on devrait en apprécier l'efficacité dans l'ensemble du pays.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, des gens nous ont critiqués, en 2012, lorsque nous avons modifié la Loi sur les pêches. Leurs critères pour évaluer les modifications étaient le nombre d'autorisations à obtenir et le nombre de poursuites judiciaires qui résulteraient de la loi de 2012, tandis que nous nous préoccupions principalement de la vitalité des poissons, bien entendu.
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Monsieur le Président, cela a été un plaisir d'écouter mon collègue, le député de . J'espère avoir prononcé cela correctement. J'ai toujours un peu de difficulté à le faire. Certaines des circonscriptions représentées à la Chambre ont en effet des noms très intéressants; il y a en a d'ailleurs beaucoup que j'évite de prononcer. Cela témoigne encore une fois du fait que la Chambre compte de nombreux députés qui possèdent de grandes connaissances techniques dont ils peuvent se servir pour expliquer leur point de vue sur la valeur d'un projet de loi donné, soit en raison d'une étude article par article qu'ils ont effectuée ou, possiblement, parce que leurs principes ne leur permettent pas d'appuyer l'orientation que prend le gouvernement.
Je suis heureux d'intervenir au sujet du projet de loi . Il est évident que je ne suis pas d'accord avec toutes les dispositions du projet de loi, mais j'aimerais soulever quelques points en mentionnant, peut-être article par article, les réserves que j'ai à l'égard de celui-ci, de son objectif et de ses conséquences possibles.
Cela dit, j'aimerais citer un proverbe yiddish. Comme de nombreux députés le savent, j'aime beaucoup le yiddish et surtout les proverbes de cette langue. Le voici: « Le sot dit ce qu'il sait, le sage sait ce qu'il dit. » Dans ce discours, j'espère surtout faire comme ce dernier. Les députés pourront juger si j'ai réussi à la fin de mon intervention.
Je pense que le projet de loi représente encore une fois l'attitude positive et optimiste que le gouvernement a adoptée. Il représente le programme parlementaire optimiste qui consiste simplement à anéantir les réalisations du gouvernement précédent, qu'il s'agisse de l'économie, du faible taux d'imposition, du succès économique en général, de la réussite de secteurs précis ou d'initiatives législatives qui ont véritablement facilité la création d'emplois et l'élaboration d'une approche et donné au gouvernement la certitude que, s'il présentait un projet, il obtiendrait une réponse positive ou négative et un type de contenu qui lui permettrait de décider à titre d'actionnaire, de propriétaire d'entreprise ou de travailleur si le projet valait la peine d'être poursuivi. Toutes ces réalisations disparaîtront si nous adoptons ce projet de loi.
La révocation de tout ce que le gouvernement conservateur a accompli ne constitue pas un programme positif. Je tiens à faire valoir ce point parce que c'est ce que j'observe constamment à la Chambre. Par exemple, un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par le député de et adopté lors de la législature précédente a été mis au rancart par le gouvernement.
Comme je l'ai mentionné, il s'agit encore une fois de la manifestation de l'attitude positive et optimiste, et je le dis avec énormément de sarcasme à la Chambre.
C'est typique d'un gouvernement qui, à mon avis, n'a aucune stratégie claire et crédible concernant l'économie ou la création d'emplois dans le secteur privé. Le gouvernement n'a pas vraiment de stratégie. Le budget nous l'a encore prouvé. Il tire dans tous les sens. Il n'a pas de cibles précises. Qui plus est, nous consacrons maintenant un lundi à débattre d'un projet de loi qui nuira à la croissance de l'économie du Yukon.
C'est là mon opinion, bien entendu. Le député de est ici, mais de l'autre côté de la Chambre, ce qui est bien malheureux, car j'apprécie sa façon de présider les séances du comité de la procédure de la Chambre, auxquelles j'ai assisté plusieurs fois déjà. Je suis très heureux que nous puissions tous les deux participer au débat ici, car il peut ainsi entendre mon opinion au sujet du projet de loi alors qu'il fait jour, plutôt qu'en pleine nuit.
Je le répète, je crois sincèrement que le projet de loi empêchera les entreprises, les travailleurs et les actionnaires d'aller de l'avant, car ils ignoreront si les projets seront évalués dans un délai raisonnable et quand une décision sera rendue à leur sujet.
Si je suis contre le projet de loi, c'est notamment parce qu'il n'appuie pas les efforts d'autodétermination des Yukonnais. Il retire le contrôle des ressources du Nord à la communauté nordique.
Certains députés diront que j'ai tort, mais je crois tout de même qu'il s'agit encore de l'attitude voulant que ce soit Ottawa qui a toujours raison. D'après moi, c'est l'esprit de ce projet de loi. En tant qu'Albertain qui représente une circonscription regroupant des gens de partout au pays qui ont fait de l'Alberta leur chez-soi, qui ont choisi l'Alberta, je connais bien ce sentiment, cette nette impression qu'Ottawa croit avoir toutes les réponses. Le gouvernement fédéral vient dans notre ville, dans notre province, et il prétend pouvoir y régler tous les problèmes. La meilleure chose qu'il pourrait faire, c'est de laisser notre province tranquille. Nous pouvons régler nos problèmes nous-mêmes. Je pense que beaucoup de gens des autres provinces et des territoires sont de cet avis.
Une autre raison pour laquelle il faut s'opposer au projet de loi, c'est qu'il instaurera des délais inutiles, ce qui risque de retarder les projets. Selon moi, le risque de retard et l'incertitude que le projet de loi provoquera sont de loin les éléments les plus importants du présent débat.
Je vais parler de mon expérience personnelle. En Alberta, j'ai travaillé au ministère du Développement durable des ressources, qui s'occupait du poisson, de la faune, de la flore, des terres, de l'eau, de la biodiversité et de la foresterie. Il s'agissait donc du ministère responsable de l'ensemble du territoire albertain et du développement industriel qui s'y déroulait, qu'on aime cela ou non. Je sais que de nombreux députés siégeant à différents endroits à la Chambre n'aiment pas le développement industriel. Ils n'aiment pas l'industrie forestière. Ils ne semblent pas non plus aimer l'industrie pétrolière et gazière. Ils ne semblent pas aimer le fruit du travail des personnes qui créent la richesse, ce qui nous permet d'ériger des bâtiments comme celui-ci. Nous pouvons ainsi rénover des bâtiments. Nous pouvons stimuler l'économie. C'est le secteur privé, je le répète, qui crée des emplois. Ces emplois nous permettent de créer la richesse, de commercer et de trouver des débouchés pour répondre aux besoins de nos concitoyens.
En dernier lieu, je m'oppose à cette mesure parce qu'elle place le Yukon en situation de désavantage concurrentiel par rapport au reste du Canada étant donné que, je le rappelle, le système d'approbation différera entre certaines provinces et certains territoires. Je crois que c'est une erreur. Dans la mesure du possible — parce que les entreprises au Canada sont présentes dans toutes les provinces et tous les territoires; les très grandes sociétés s'intéressent aux grands projets d'infrastructure énergétique ou minière —, il faut veiller à ce que les mêmes règles s'appliquent où qu'elles aillent parce c'est nettement plus simple pour le personnel technique, les travailleurs qui sont sur place, de comprendre les règles et de les respecter.
Le projet de loi illustre encore une fois un profond mépris de la part du gouvernement à l'égard des travailleurs des secteurs des ressources naturelles et de l'énergie. C'est l'opinion que bon nombre des résidants de ma circonscription ont exprimée par courriel, par téléphone et lors des assemblées publiques que j'ai organisées. Les gens sentent ce dédain qui perdure. L'exploitation minière et énergétique n'est simplement pas une activité à la mode ou, pour employer un terme du budget, innovatrice. Le mot « innovateur » et ses dérivés ont été utilisés plusieurs centaines de fois dans le budget. Pour ce qui est de l'expression « petites entreprises », elle y a été utilisée plus d'une dizaine de fois. On parle de « supergrappe d'innovation ». Je ne comprends pas vraiment la signification de ces mots à la mode qui figurent dans le budget. Ils y sont simplement martelés encore et encore. Je pense que quelqu'un a même qualifié le budget de ramassis de mots savants.
Le secteur minier et celui des ressources figurent parmi les plus innovateurs qui soient. Les travailleurs mettent des années avant d'obtenir un diplôme d'études techniques leur permettant d'exploiter les ressources de manière responsable, ce qu'ils tiennent absolument à faire. Or, ils entendent dire que le gouvernement veut rendre les projets miniers et énergétiques plus difficiles à mettre en oeuvre et qu'il se peut que les choses se corsent encore plus. Il se peut en effet que les projets doivent attendre 18, voire 24 mois avant d'être approuvés, quand ils ne seront pas carrément rejetés sans aucune explication. Les promoteurs sont inquiets parce que certains d'entre eux ont consacré deux ans à faire le nécessaire pour que leur projet réponde aux exigences, mais voilà que les choses risquent encore une fois de changer, et c'est sans parler des autres changements que le gouvernement pourrait décider d'apporter ultérieurement.
Le budget a annoncé que les modalités des crédits d'impôt liés à l'exploitation et à l'exploration minières allaient changer. Toutes ces choses finissent par s'accumuler et par peser sur l'industrie. On entend sans cesse parler des effets cumulatifs sur l'environnement, mais les décisions du gouvernement ont aussi un effet cumulatif sur l'industrie, l'emploi, la croissance du PIB et le taux de pauvreté infantile. Le gouvernement se sert en jouant avec les chiffres et les cibles à atteindre, mais il risque lui aussi de ne pas les atteindre.
Sans délais clairs et prévisibles, il est impossible pour les entreprises et les travailleurs, comme je l'ai dit, de planifier quoi que ce soit. Il y a eu un débat sur les pipelines au Canada. Je sais que le gouvernement a approuvé quelques projets, mais il y a aussi eu annulation du projet Northern Gateway. Cette annulation a eu de grandes répercussions pour Calgary. Elle a eu de grandes répercussions pour les entreprises, qui n'ont plus la certitude qu'un processus suivi à la lettre se traduirait par une approbation, emplois à la clé. Même le fait d'avoir obtenu une approbation ne signifie pas que l'entreprise ira de l'avant et qu'elle démarrera les travaux si elle pense que le gouvernement risque de modifier les règles et de doter les opposants au projet d'outils judiciaires et juridiques supplémentaires pour le retarder. Toutes ces choses jouent.
Comme nous l'avons vu au cours des dernières semaines, un grand nombre de sociétés étrangères quittent Calgary. Elles délaissent leur siège social, elles liquident leurs actifs et, en gros, elles abandonnent l'Alberta parce qu'elles estiment qu'elles ne peuvent pas obtenir un rendement suffisant sur leur investissement.
En Alberta, dans l'Ouest canadien, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, le secteur de l'énergie se porte toujours mal. Il y a encore des habitants de ma circonscription qui envisagent d'aller travailler à l'étranger ou dans l'Est du pays parce qu'ils n'arrivent pas à trouver du travail dans le secteur pour lequel ils ont mis des années à se perfectionner. L'Alberta a mis une génération à trouver les travailleurs dont elle avait désespérément besoin pour répondre à la demande. La situation était la même au Yukon. Des gens du Yukon venaient à Calgary. Je travaillais dans le domaine des ressources humaines; il y avait des gens qui faisaient la navette.
Les entreprises faisaient du recrutement à Calgary en offrant des régimes de rémunération extraordinaires. Elles tentaient de convaincre les gens que cela valait la peine d'aller travailler au Yukon avec un salaire époustouflant pendant deux, trois ou quatre ans et, en même temps, contribuer grandement à l'économie du territoire. Aujourd'hui, on ne voit plus cela.
À mon avis, le projet de loi ne fera qu'empirer les choses. Avec cette mesure législative, le gouvernement libéral étend ses merveilleuses voies ensoleillées partout dans l'Ouest canadien et jusque dans le Nord. Nous avons vu ce qu'il a fait pour l'économie de l'Ouest avec deux budgets consécutifs. C'est dérisoire sur le plan de la création d'emplois. Les entreprises ne croient pas que les choses vont redevenir comme avant. Le contexte réglementaire ne permet pas de savoir avec certitude qu'un projet proposé aujourd'hui sera approuvé dans un délai de 18 à 24 mois.
C'est ce que beaucoup de sociétés veulent. Ce n'est pas seulement pour les sociétés et leurs actionnaires, mais c'est aussi pour les travailleurs. Si des gens doivent passer deux années de leur vie à essayer de se conformer aux exigences réglementaires du gouvernement, ce sont deux années de perdues en tracasseries administratives, à mon avis.
Les tracasseries de l'un sont les exigences responsables de l'autre, mais pourquoi deux ans, trois ans, quatre ans? Que dire du gazoduc du Mackenzie? Que dire des millions d'heures de travail consacrées à un projet qui n'a jamais vu le jour?
Je ne suis pas biologiste. Je ne suis pas non plus avocat, Dieu merci, malgré tout le respect que je dois aux députés qui sont avocats. Toutefois, j'ai travaillé pendant un certain temps pour le ministre du Développement durable des ressources, ce qui me permet d'avoir une certaine appréciation de ce projet de loi en particulier.
Ce ministère devait s'occuper des terres publiques, des baux de pâturage, des forêts, des mines, des baux des sociétés d'énergie, de la faune aquatique et terrestre, des aires de gestion de la faune, de la protection de la faune et des parcs provinciaux. Il s'occupait aussi de l'exploitation forestière, des questions économiques, des baux, des terres publiques qui leur étaient associées, de la réglementation régissant l'industrie. C'était ce que je qualifierais de salmigondis de secteurs dont le gouvernement est prétendument responsable et où il doit établir les règles du jeu pour diverses entreprises et diverses personnes qui souhaitent exploiter des ressources.
Je suis le premier à me considérer comme un citadin. J'ai vécu toute ma vie dans de grandes villes. Je suis né dans la grande ville de Dantzig, en Pologne. Mes parents sont venus à Montréal, la ville où j'ai grandi. J'ai habité à Calgary, à Edmonton et à Ottawa. J'ai vécu dans nombre de grands centres urbains, mais le fait de travailler pour ce ministère m'a aidé à bien mieux saisir la diversité des secteurs et des activités industrielles en Alberta, ainsi que leur importance pour ceux qui y contribuent, pour les familles et pour les retombées liées à l'emploi et aux revenus. Comment le gouvernement peut-il s'assurer que les activités industrielles sont menées de façon responsable?
Je ne pense pas que le projet de loi permet de le faire. Je crois même qu'il représente un pas en arrière et qu'il rend encore plus difficile le respect des critères que le gouvernement impose pour l'approbation d'un projet. Encore une fois, il y a un manque de confiance. Les gens en général ne sont pas persuadés que le gouvernement propose la bonne approche et qu'il sait ce qu'il fait.
Il faut notamment tenir compte de l'aspect économique du développement et assurer la clarté du processus décisionnel afin que l'on indique clairement aux promoteurs les raisons pour lesquelles leur projet a été approuvé ou rejeté.
De nombreux travailleurs à qui je parle, des travailleurs du secteur minier et de l'énergie, sont extrêmement fiers de leur travail; c'est aussi vrai pour le personnel de direction. Même les familles des employés sont fières. La plupart du temps, ce qui leur importe est de s'assurer que l'empreinte industrielle de leurs projets est exemplaire. On pourrait presque penser en faire une carte postale. Voilà notre pratique en matière de développement.
C'est vrai pour l'Alberta. C'est vrai pour la Saskatchewan. C'est vrai pour chaque province de l'Ouest. C'est vrai pour l'ensemble du Canada. Personne n'a à l'esprit de détruire l'environnement. C'est ce qu'il est important de savoir. Le projet de loi s'y prend à l'envers. Je pense que cela provient de la présupposition que le développement industriel est automatiquement mauvais et que nous ne devrions pas nous diriger dans cette direction.
C’est fondamentalement une question de principe. Mais ce n’est pas comme cela que ça fonctionne. On ne doit pas y penser en ces termes. Je pense que l’immense majorité des travailleurs du secteur de l’énergie et des mines souhaitent avoir les meilleures règles d’intendance possibles et avoir la certitude que leurs projets seront soit acceptés soit rejetés. Ils veulent qu’on leur dise clairement selon quels critères le projet n’est pas accepté de façon à pouvoir les remplir à l’avenir. Ils n’ont pas besoin que le gouvernement vienne leur dire quoi faire à chaque étape. Ils peuvent le faire eux-mêmes. Ce sont eux les experts, ce sont eux qui ont accumulé des décennies de connaissances traditionnelles, au gré de leurs travaux avec les groupes autochtones et au sein d’entreprises différentes. Ce sont eux qui travaillent dans les collectivités, qui connaissent bien le terrain et les conséquences du développement industriel.
Les Albertains se sont battus bec et ongles pour ce bon concept d’intendance. Le ministre pour lequel je travaillais étais connu comme une sorte d’environnementaliste de droite. À l’époque, Ted Morton était respecté dans la communauté environnementale pour avoir fait pas mal de travaux sur l’aménagement du territoire dans le secteur forestier, mais surtout dans ceux de la pêche et de la faune. Il s’assurait que l’on prenait soin des ressources, que les règles du jeu étaient constantes et certaines. La constance et la certitude étaient les principales caractéristiques dont le personnel politique et les fonctionnaires étaient responsables et, je le répète, je crains que l’on ne retrouve pas ces éléments-là dans le projet de loi .
J’aimerais revenir sur certains points que j’ai déjà soulevés ainsi que sur les raisons pour lesquelles je pense que l’on fait erreur et pour lesquelles je m’oppose à une grande partie du projet de loi . On retire à mon avis toute indépendance au Nord. On s’attaque au développement des ressources naturelles, aux mines, à l’énergie et éventuellement au secteur forestier. Je pense qu’on rend le processus d’examen encore plus incertain. Je pense que l’élimination des délais et l’option visant à exempter les projets renouvelés cadrent bien avec le discours actuel que tiennent ceux d'en face.
Introduire inutilement des délais et de l'incertitude dans nos processus réglementaires n'est pas la bonne façon de procéder lorsque l'on essaie de convaincre les sociétés de créer des emplois. Cela aurait l'effet opposé. Actuellement, les multinationales quittent le Canada, ou les provinces ou territoires canadiens où elles mènent des activités, parce qu'elles ne croient pas pouvoir obtenir un rendement sur leurs investissements.
Nombre de sociétés canadiennes, des sociétés albertaines, britanno-colombiennes et yukonnaises prospères, qui aimeraient courir le risque et être audacieuses, sont incertaines de ce qui va arriver. La réglementation change aujourd'hui et peut-être va-t-elle changer de nouveau dans un an ou deux. Si l'innovation est le maître-mot, peut-être devrions-nous rebaptiser tous ces projets miniers et les qualifier de supergrappes. Nous aurions des supergrappes de mines de diamants, des supergrappes de développement énergétique et des supergrappes d'oléoducs. S'il s'agit de trouver le mot à la mode, peut-être les sociétés réussiraient mieux si on leur disait quels mots employer.
De plus, je crains les répercussions économiques. Le projet de loi , celui qui a permis de modifier la loi, était raisonnable. Je n'étais pas député au moment de son adoption, mais je me souviens des débats à son sujet et j'ai parcouru le hansard pour voir ce que les membres importants du milieu d'affaires yukonnais en ont dit à l'époque.
Avant de revenir sur les observations présentées pendant ces anciens débats, j'aimerais citer un article du 10 juin 2016 intitulé « Le fédéral dépose un projet de loi éliminant des parties du projet de loi S-6 ». Comme nous sommes maintenant en avril, il est clair que le gouvernement n'était pas pressé de commencer les débats. Bref, je tiens à citer un extrait de l'article, qui dit ceci: « Il a déclaré que son gouvernement “ne créerait pas d'obstacles“ si le nouveau gouvernement libéral décidait d'éliminer ces quatre dispositions. » Il est question ici du premier ministre du Yukon, Darrell Pasloski, un beau nom originaire d'Europe de l'Est ou d'Europe centrale. L'article dit ensuite:
[...] De passage à Whitehorse l'automne dernier pendant la campagne électorale, l'ancien premier ministre Stephen Harper a dit que les modifications à la loi sur l'évaluation prévues par le projet de loi S-6 avaient été demandées par le gouvernement territorial.
Le gouvernement du Yukon a aussi dénoncé [cette même mesure législative] récemment, lorsqu'une société de prospection pétrolière et gazière, Northern Cross, a demandé une révision judiciaire parce que l'Office avait décidé de soumettre son projet de forage de la plaine d'Eagle à une évaluation plus poussée.
Certes, on peut avoir des opinions différentes quant aux liens à établir entre ces citations. On peut toutefois constater que des initiatives de développement industriel et énergétique étaient en cours, et que l'incertitude commence à planer sur tout le processus. Cette incertitude est non seulement judiciaire, mais aussi réglementaire et, à partir de maintenant, peut-être législative.
Le projet de loi constituait l'étape législative ultime du plan du gouvernement conservateur en vue d'approuver les régimes de réglementation du Nord. Je ne crois pas que nous puissions parler du projet de loi sans mentionner le projet de loi S-6, puisque de 2011 à 2013 le Yukon était considéré par les sociétés minières comme le meilleur endroit au monde où faire des affaires. Le projet de loi S-6 insistait sur cet objectif, parce que la situation au Yukon commençait à faiblir. D'autres régions le rattrapaient. Ce n'est pas que le Yukon prenait du retard, mais plutôt que d'autres régions commençaient à apporter les modifications nécessaires.
Je vais terminer en mentionnant certaines personnes qui ont appuyé le projet de loi à l'époque. Selon Samson Hartland, directeur exécutif de la Chambre des mines du Yukon, l'établissement de délais est « [...] probablement [...] l'aspect le plus important de ce projet de loi ».
David Morrison, président et directeur général de la Yukon Energy Corporation, était du même avis:
Avoir des processus d'examen dont les délais ne sont pas clairement définis — avec exactitude — complique beaucoup la tâche des gens qui investissent des millions, voire des centaines de millions de dollars.
Clynton Nauman, PDG d'Alexco Resource Corp, a lui aussi dit ceci au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles le 30 septembre 2014:
L'incertitude qui règne actuellement nuit à notre capacité de bien planifier et mener nos opérations. Par le fait même, cela nuit également à la capacité du Yukon d'assurer le processus de mise en valeur et de production minières.
Il s'agit d'une question très importante parmi de nombreuses questions importantes, tout particulièrement alors que l'obstruction du comité de la procédure se poursuit. J'espère voir le président, le député de , la prochaine fois à minuit. Tant qu'il sera disposé à poursuivre les débats, j'y participerai.
Je propose:
Que le débat soit maintenant ajourné.