:
Monsieur le Président, je soulève aujourd'hui une question de privilège à la suite des délibérations d'hier sur la question de privilège soulevée par les députés de et de . Comme je vais le démontrer dans mon argumentation, jamais dans l'histoire aucun autre gouvernement n'a traité la conclusion de la présidence voulant qu'il y ait eu, de prime abord, atteinte à un privilège de manière aussi irresponsable et désinvolte. Les libéraux ont voulu tirer un voile sur cette affaire en tentant d'amener le comité à étudier la question de privilège de son propre chef; cela pourrait avoir des conséquences très dangereuses même si elles ne sont pas voulues.
Comme nous le savons, le Président a conclu qu'il y avait, de prime abord, atteinte au privilège dans cette affaire. La députée de Milton a ensuite présenté la motion appropriée, puis il y a eu débat. Après la période des questions, la députée de a proposé que la Chambre passe à l'ordre du jour, motion qui a été adoptée.
Monsieur le Président, je demande à présent que la présidence réitère que la question de privilège est fondée de prime abord en s'appuyant sur les faits et les arguments présentés le mois dernier, ainsi que sur le précédent très pertinent de sa décision d'hier matin.
Hier soir, après les délibérations de la Chambre dont je viens de parler, j'ai déposé, à l'intention du Président, par l'entremise du greffier et conformément à l'article 48 du Règlement, un avis de mon intention de soulever cette question de privilège ce matin à l'ouverture de la séance de la Chambre. Autrement dit, je soulève la question le plus rapidement possible.
J'ai l'impression de jouer dans le film Le jour de la marmotte. Je demande que l'on reprenne le débat d'hier. Je vais vous expliquer pourquoi cela est nécessaire et conforme à la procédure.
À la page 148 de l'ouvrage intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, il est dit clairement que les motions demandant le retour à l'ordre du jour sont jugées recevables au cours du débat sur une motion de privilège. À la page 149, on explique les conséquences de l'adoption d'une telle motion, et je cite:
[...] en cas [...] d’adoption d’une motion demandant le retour à l’Ordre du jour, la motion de privilège est remplacée et rayée du Feuilleton.
C'est aussi ce qui est dit à la page 541. C'est la raison pour laquelle la motion de privilège ne figure pas dans le Feuilleton d'aujourd'hui et qu'elle ne fera pas l'objet d'un débat aujourd'hui, et ce, même si la Chambre n'a pas statué sur cette question, dans un sens ou dans un autre.
Hier, la députée de nous a servi un véritable tour de passe-passe procédural. Elle a déclaré que sa collègue avait présenté un avis de motion pour amorcer l'étude de cette question au sein du comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
Même si, en règle générale, nous ne sommes pas censés saisir la présidence de questions touchant la procédure des comités, je dois dire que, hier soir, un rappel au Règlement a été soulevé au sujet de l'irrecevabilité de cet avis de motion. En résumé, et pour la gouverne de la Chambre, je dirai que ce qui est préoccupant, c'est que cet avis de motion dépasse la portée du mandat du comité de la procédure et des affaires de la Chambre, qui est décrit à l'alinéa 108(3)a) du Règlement. Hier soir, la whip adjointe du gouvernement a fait remarquer que cet alinéa inclut les mots « comprend notamment », ce qui, à son avis, l'autorise parfaitement à présenter l'avis de motion en question.
Selon moi, ces mots englobent les éléments qui figurent dans le Règlement, comme le renvoi automatique d'un rapport en conformité d'une loi et prévu à l'article 32 du Règlement, tel que le rapport du directeur général des élections sur l'élection générale de 2015, ainsi que son examen, qui est assujetti à des délais serrés et qui est retardé à cause du document de travail présenté par la leader du gouvernement à la Chambre. Il peut s'agir aussi d'un ordre de renvoi de la Chambre, comme dans le cas d'un projet de loi ou d'une question de privilège.
Le président, peu avant minuit, a informé les membres du comité que le greffier avait déclaré l'avis de motion recevable. Je vous laisse interpréter cette décision comme bon vous semble, monsieur le Président. Néanmoins, forte de cette décision, une majorité des membres du comité de la procédure et des affaires de la Chambre peut dorénavant simplement décider, lorsque cela lui convient, d'étudier une question ou une autre et de faire un rapport susceptible de mener à une déclaration de culpabilité pour outrage au Parlement, à l'emprisonnement, voire à l'expulsion de notre institution. Imaginez un peu ce que le Parlement deviendrait sous un gouvernement minoritaire. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, il s'agit d'une conséquence inattendue, mais fort dangereuse.
Je tiens à être bien clair. Le Parti conservateur, qui forme l'opposition officielle, souhaite que le comité de la procédure et des affaires de la Chambre se penche sur cette question cruciale. Nous tenons néanmoins à ce que le gouvernement ne fasse pas abstraction des règles en usage à la Chambre, et nous estimons qu'il est nécessaire de préciser si le comité peut effectivement étudier les questions de privilège sans que la Chambre le lui demande officiellement.
En saisissant de nouveau la Chambre de la question de privilège, nous faisons en sorte que le comité de la procédure et des affaires de la Chambre puisse se pencher sur l'important principe des droits des parlementaires, avec la pleine confiance que donne une robuste assise procédurale.
Passons à l'explication des conséquences procédurales des machinations auxquelles le gouvernement s'est livré hier. La Chambre ne s'est pas prononcée pour ou contre le bien-fondé de l'étude en comité de la question de privilège en cause. Par conséquent, la soi-disant « règle de la même question » ne s'applique pas.
La citation 558(1) de la sixième édition de l'ouvrage Jurisprudence parlementaire de Beauchesne précise ce qui suit:
Comme le veut une règle ancienne du Parlement: « Une question, une fois posée et tranchée soit affirmativement, soit négativement, ne peut être mise sur le tapis, mais elle doit subsister comme décision rendue par la Chambre ».
En concluant de nouveau que la question de privilège paraît fondée à première vue, la présidence ne risque pas de contrevenir à cette règle ancienne. En fait, j'estime que l'adoption de la motion hier nous ramène à la case départ. Par exemple, si la motion était présentée pendant le débat sur l'adoption d'un rapport, il faudrait retirer la motion débattue du Feuilleton, mais toute autre motion dont l'avis aurait été donné et qui concernerait le même rapport pourrait être présentée dès le lendemain. Le député dont la motion a été, pour ainsi dire, jetée au rebut pourrait simplement donner un autre avis de motion et recommencer à neuf.
C'est la même chose pour les motions d'instruction, qui peuvent être présentées pendant les affaires courantes. Autrement dit, le député est de retour à la case départ et il peut entreprendre de nouveau la même procédure, conformément aux modalités habituelles pour ce type de motion. Dans le cas des motions d'adoption et d'instruction, il faudrait évidemment donner un préavis de 48 heures au moyen du Feuilleton des avis. Dans le cas d'une motion de privilège, j'estime que cela se ferait en soulevant une question de privilège qui demande à la présidence de conclure que la question de privilège paraît fondée à première vue, puis en présentant la motion de privilège appropriée.
Lorsqu'on consulte l'annexe 15 de l'ouvrage d'O'Brien et de Bosc, où figure un tableau pratique des cas qui se sont présentés entre 1958 et 2008, année où la procédure actuelle sur les atteintes au privilège a été établie, et lorsqu'on cherche dans cette annexe des précédents semblables à la motion de la députée de , on constate que ce procédé n'a jamais été employé auparavant. Dans tous les cas d'atteinte au privilège qui ont été considérés comme fondés de prime abord et qui sont répertoriés aux pages 1289 à 1297 de l'ouvrage, la motion présentée a été débattue, puis adoptée ou rejetée. Depuis 2008, toutes les motions présentées dans des cas semblables ont été également soumises à un vote, à une exception près, soit la motion présentée par le ministre des Pêches et des Océans, le 18 juin 2013, qui était le dernier jour de séance de la session. Ce jour-là, le débat sur la motion a été ajourné, comme les gouvernements sont beaucoup plus susceptibles de le faire lors d'un débat sur une question de privilège. Puis, le Parlement a été prorogé avant que la Chambre ne reprenne ses travaux.
Disons-le bien clairement: jamais une motion visant à passer à l'ordre du jour n'a été adoptée au cours d'un débat sur une question de privilège. C'est du jamais vu. À mon avis, il s'agit d'un précédent extrêmement dangereux qui nie aux députés leur droit fondamental de voter dans cette enceinte. Quel est le sens de ma démarche? D'un point de vue pratique, je dirais qu'il s'agit d'éviter que la même chose ne se répète sans cesse, un peu comme dans le film Le jour de la marmotte, dont je parlais tout à l'heure. Sur le plan des principes, c'est simplement une affirmation de l'importance de permettre à la Chambre de se prononcer sur une motion concernant les privilèges de la Chambre. Ces privilèges sont garantis par l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867, que l'on désigne souvent par son titre original d'Acte de l'Amérique du Nord britannique. La Cour suprême du Canada considère que ces privilèges sont inscrits dans la jurisprudence constitutionnelle, qui a la même valeur que la Charte.
Comme je l'ai dit, cette situation est totalement sans précédent. Je crois que la marche à suivre devrait être la même que dans les cas analogues d'atteinte au privilège où le débat reprend à neuf après une prorogation. Voici deux exemples que je soumets à la présidence.
Le 26 mai 2003, à la page 6415 des Débats, le Président Milliken avait jugé que la question de privilège soulevée par M. Boudria était fondée de prime abord, et la question avait été renvoyée au comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Le Parlement a été prorogé en novembre de la même année, avant que le comité ne puisse présenter un rapport. Le 6 février 2004, à la page 244 des Débats, le Président Milliken a statué que la question de privilège soulevée par M. Breitkreuz était fondée de prime abord, ce qui avait relancé l'affaire précédente.
À l'époque, la présidence avait déclaré ceci:
Comme je l'ai dit au cours de la session précédente, il s'agissait d'une authentique question de privilège. Par conséquent, j'estime que le privilège est toujours en cause. Le comité n'a pas fait un rapport complet sur la question, ce qu'il devrait pouvoir faire. J'autorise donc le député à proposer sa motion.
Lors d'un second incident — dont j'ai parlé il y a un moment —, le 18 juin 2013, à la page 18550 des Débats, le prédécesseur du Président, le député de , a statué que, à première vue, la question de privilège soulevée par le ministre des Pêches et des Océans était fondée. En fait, cette question avait été soulevée par le député de , le député dont la motion a suscité le débat en cours, au comité de la procédure et des affaires de la Chambre, entourant le coup de force sans précédent proposé par les libéraux.
»Comme je l'ai dit tout à l'heure, le Parlement a été prorogé avant que le débat puisse se terminer et que la question soit mise aux voix. Le 17 octobre 2013, le député a donc demandé à la présidence de reprendre la question de privilège. À la page 66 des Débats, le député de Regina—Qu'Appelle dit ceci:
À mon avis, pour les mêmes raisons que j'ai données dans la décision que j'ai rendue lors de la dernière session, l'affaire demeure à première vue une question de privilège. Par conséquent, j'invite maintenant le député [...] à présenter sa motion.
Monsieur le Président, j'aimerais que vous remarquiez deux choses à propos de ces deux cas. Premièrement, comme je l'ai dit tout à l'heure, ils ressemblent à la situation dans laquelle nous nous trouvons ce matin. La présidence a d'abord conclu qu'il y avait, à première vue, atteinte au privilège, une motion a été adoptée, puis les travaux parlementaires ont été interrompus avant que l'examen de la question de privilège ne soit terminé.
Deuxièmement, vous constaterez que les députés qui ont soulevé la question de privilège pour reprendre l'affaire ne sont pas les mêmes que ceux qui avaient d'abord soulevé la question. D'ailleurs, dans ces deux cas, c'est quelqu'un d'un autre parti politique qui a présenté la deuxième motion.
Pour conclure, j'estime que la tactique que les libéraux ont employée hier ne respectait pas la procédure et, pire encore, qu'elle pourrait créer un dangereux précédent si elle finissait pas devenir chose courante à la Chambre.
Monsieur le Président, vous êtes actuellement saisi de quelques autres questions de privilège soulevées par mon collègue, au sujet desquelles nous attendons impatiemment votre décision. Je trouverais toutefois inquiétant que le gouvernement libéral fasse le même tour de passe-passe qu'hier et propose rapidement de passer à l'ordre du jour, mettant ainsi fin à la motion de privilège, si jamais vous trouviez que la question de privilège est fondée de prime abord alors que le comité est saisi de cette motion suspecte qu'on tente de camoufler.
Ce n'est pas une façon de traiter tout enjeu sérieux soulevé par une décision de la présidence concernant une question de privilège qui serait fondée à première vue. Une telle question supplante tous les autres travaux de la Chambre. En fait, je trouve que le gouvernement fait preuve d'arrogance à l'égard du Président, qui est le gardien des droits et privilèges des députés et de cette institution qu'est la Chambre des communes. Comme je l'ai dit il y a un instant, aucun autre gouvernement dans l'histoire n'a traité de façon aussi irresponsable et cavalière une question de privilège jugée fondée à première vue par le Président.
La situation est ironique si on y songe. Nous avons débattu d'une motion concernant deux députés qui n'avaient pas pu voter à cause des événements mentionnés dans la décision d'hier, puis le gouvernement a eu recours à une manoeuvre assez futée afin de tenter de priver l'ensemble des 338 députés de la Chambre de leur droit de voter sur un sujet portant sur les privilèges qui nous permettent, en tant que parlementaires, de représenter nos concitoyens. Ce retournement surprenant n'est malheureusement pas sans rappeler des mesures prises l'an dernier dans le cadre de la motion no 6. Et nous voici maintenant aux prises avec cet abus de pouvoir unilatéral déguisé en document de travail au titre aguicheur.
Il est à noter que la loyale opposition de Sa Majesté appuie notre Président. Nous comprenons parfaitement le difficile rôle qui est le sien, et nous appuyons sans hésitation la première décision du Président. En fait, nous l'avons appuyée au point de vouloir être absolument certains qu'elle bénéficie de la priorité qu'elle mérite au comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
Monsieur le Président, en supposant que votre opinion n'a pas changé depuis votre décision d'hier matin, je suis maintenant prêt à proposer la motion appropriée afin de défendre le rôle bien établi dont vous bénéficiez lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a, à première vue, atteinte au privilège, afin que la Chambre puisse se prononcer au sujet de ces enjeux sérieux.
:
Monsieur le Président, je comprends parfaitement la préoccupation exprimée par le député d'en face dans sa question de privilège. Même si je suis sensible aux arguments présentés, sincèrement, je ne pense pas que le député soulève là une question de privilège et j'aimerais en dire plus sur ce qui me fait penser cela.
Dans l'ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes, il est dit à la page 149:
Si l’on adopte une motion portant ajournement du débat ou de la Chambre, le débat sur la motion de privilège reprend à la séance suivante. Toutefois, en cas de rejet de la question préalable ou d’adoption d’une motion demandant le retour à l’Ordre du jour, la motion de privilège est remplacée et rayée du Feuilleton.
Je dirais que ce qui s'est passé hier était tout à fait recevable.
J'aimerais répondre à quelques-unes des préoccupations exprimées par le député d'en face.
Il va sans dire que par accès sans entrave à la Chambre des communes, on entend l'accès sans restriction, non seulement à la Chambre en tant que telle, mais à toute la Cité parlementaire. J'entends par là la magnifique enceinte dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, les salles de comité, qu'elles soient sur la Colline ou ailleurs, ainsi que nos bureaux. Nous devons pouvoir accéder librement à tous ces lieux de travail essentiels. La plupart du temps, c'est le cas. En disant la plupart du temps, j'aime croire qu'à 99,9 % du temps, nous bénéficions d'un libre accès à ces zones. Cependant, je sais que malheureusement, il arrive que celui-ci soit entravé.
Tout comme certains des députés d'en face, j'ai fait partie du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Il est déplorable que j'aie eu à traiter cette question en comité à plus d'une reprise. J'ai entendu de nombreux députés exprimer ici, avec raison, leur mécontentement quant au fait de s'être fait refuser l'accès. Ni le gouvernement ni moi ne remettons en question la gravité de ce genre d'incident. Aucun député ne remettrait en question l'importance du libre accès à la Chambre. En fait, j'ai été assez touché par un des députés du NPD qui s'est levé pour présenter sa carte d'identité. Si on regarde au verso de la carte, cette notion d'accès sans entrave est renforcée.
Je suis député depuis un certain temps, déjà. Or, s'il y a une chose que j'ai apprise depuis six ans, c'est à quel point les comités permanents jouent un rôle important et à quel point ils s'en acquittent avec brio. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre n'a pas chômé, dernièrement. Il se réunit deux fois par semaine, comme bon nombre d'autres comités. Les députés qui en font partie sont appelés à étudier toutes sortes de sujets.
Hier, j'ai parlé de l'accès sans entrave à la Cité parlementaire et des enjeux soulevés par plusieurs députés, dont celle de . J'ai insisté sur le fait que le comité permanent comprend très bien la teneur du débat qui se tient présentement. Or, selon moi, c'est à lui qu'il revient de fixer ses propres priorités. Il s'agit d'une des prérogatives des comités permanents. Il pourrait par exemple demander à un sous-comité de se pencher sur ce dossier afin de trouver la meilleure solution possible.
Ce n'est pas la première fois que la question de l'accès au Parlement est soulevée. Peut-être est-ce à cause des travaux de construction ou des autres activités qui ont lieu ces temps-ci. Quoi qu'il en soit, toutes sortes de choses peuvent empêcher les députés d'accéder au Parlement.
Je crois que nous devrions laisser le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre décider ce qu'il fera. Ce n'est qu'une recommandation, mais il pourrait peut-être créer un sous-comité afin d'avoir un portrait d'ensemble de la situation, parce que c'est vrai que les accrocs ont été nombreux depuis quelques années. Peut-être est-ce la voie qu'il choisira de suivre, mais je ne veux absolument pas donner l'impression de lui dicter quoi que ce soit.
Aucun des députés qui ont pris la parole hier n'a laissé entendre que l'affaire ne devrait pas être renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Selon moi, tout le monde ici estime que c'est le mieux placé dans les circonstances pour s'occuper de ce dossier. Cela dit, nous devons aussi prendre conscience que le Comité a déjà pris certaines mesures pour donner suite à la question de privilège pour laquelle la présidence a rendu sa décision hier. Je trouve que c'est très encourageant.
D'ailleurs, pendant le débat, un membre du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a présenté une autre motion. Je crois que certains ont exprimé des réserves, hier soir, au sujet de cette motion en particulier, mais j'aimerais en indiquer la teneur à Chambre des communes.
Voici la motion qui a été présentée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre:
Que, conformément à l’alinéa 108(3)a) du Règlement, le Comité examine l’objet de la question de privilège soulevée par la députée de Milton concernant la libre circulation des députés dans la Cité parlementaire.
À titre d'information, la députée d' a donné préavis de cette motion hier, et le président l'a jugée recevable.
Ce que nous savons, c'est que la présidence a rendu une décision, hier, et qu'un débat s'en est suivi. Or, selon la procédure établie dans notre propre ouvrage de référence, La procédure et les usages de la Chambre des communes, il nous était possible de passer à l'ordre du jour. Cela n'allait pas à l'encontre des usages de notre institution. Nous sommes donc passés à l'ordre du jour afin de poursuivre les travaux prévus ce jour-là. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a alors pris l'initiative de se pencher sur la question. Nous devrions laisser ce comité employer son talent remarquable à l'étude de cette question.
Je comprends les motifs qui poussent le député à soulever la question de privilège concernant le libre accès et j'y suis sensible. Le gouvernement souscrit à ces arguments. Toutefois, si le député consultait les règles et les procédures, il constaterait que ce qui s'est passé hier est conforme. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre étudie le problème. Nous ne devrions pas usurper les fonctions qui sont censées être exercées par les députés siégeant au Comité.
Je suis certain que le problème mentionné hier sera réglé dans les meilleurs délais. J'estime donc irrecevable la question de privilège soulevée par le député, puisque le Règlement a été respecté hier, et nous permettait de passer à l'ordre du jour, et que le comité de la procédure étudie le problème signalé hier.
Ceci étant dit, nous sommes prêts à débattre du projet de loi si la Chambre le désire.
:
Monsieur le Président, il s'agit sans doute d'un avertissement qui s'adresse au député ayant pris la parole avant moi, puisqu'il a tendance à parler longtemps.
J'aimerais ajouter quelques points aux arguments de mon collègue conservateur.
[Traduction]
Dans la décision rendue hier, la présidence a clairement reconnu l'importance du problème, qui s'est présenté souvent depuis les six ans que je suis député. Le Président a bel et bien dit:
On ne saurait exagérer l'importance de la question du libre accès des députés à la Cité, particulièrement quand les députés sont appelés à voter. C'est un principe qu'il vaut la peine de répéter: bloquer l'accès, même de façon temporaire, ne peut être toléré.
[Français]
C'est très important. Contrairement à ce que prétend le , on ne remet pas en question le travail du comité, mais plutôt le fait que le gouvernement a empêché la Chambre des communes d'exercer son autorité sur une question dont elle était saisie immédiatement, selon l'autorité du Président.
[Traduction]
Rapidement, car je suis conscient du temps qui passe, je tiens à lire un extrait de l'O'Brien et Bosc, à la page 141:
On attache une grande importance aux allégations d'atteinte aux privilèges parlementaires [...] Le rôle du Président se limite à décider si la question qu'a soulevée le député est de nature à autoriser celui-ci à proposer une motion qui aura priorité sur toute autre affaire à l'Ordre du jour de la Chambre, autrement dit, que le Président pourra considérer de prime abord comme une question de privilège. Le cas échéant, la Chambre devra immédiatement prendre la question en considération. C'est finalement la Chambre qui établira s'il y a eu atteinte aux privilèges ou outrage.
[Français]
Selon nous et selon nos collègues conservateurs, en jouant à ces jeux procéduraux, le gouvernement a empêché la Chambre d'exercer son autorité sur la question.
[Traduction]
La dernière citation que je veux lire vient de La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, à la page 62:
Même si elle ne porte atteinte à aucun privilège particulier, toute conduite qui cause préjudice à l'autorité ou à la dignité de la Chambre est considérée comme un outrage au Parlement. L'outrage peut être un acte ou une omission.
[Français]
Il s'agit d'une question très importante. Étant donné l'importance que le Président a accordé à cette question dans sa décision, étant donné que c'est une question fondamentale qui revient de façon régulière et considérant que le gouvernement nous a empêché de poursuivre ce débat et qu'il a empêché la Chambre d'exercer son autorité, si ce n'est pas une question de privilège, c'est certainement une question d'outrage envers la Chambre ou, à tout le moins, une question qui touche de façon très importante la capacité des députés de faire leur travail.
[Traduction]
Je termine là-dessus. Je pense qu'il est essentiel que la Chambre puisse être saisie des questions de ce genre, en particulier dans le contexte actuel, où l'on constate, comme l'a souligné mon collègue conservateur, que le gouvernement tente de changer unilatéralement le Règlement de la Chambre. Il est essentiel que, à titre de parlementaires et de députés, nous puissions être saisis de la question en cause et que nous puissions nous prononcer collectivement à son sujet, sans que le gouvernement nous impose unilatéralement sa volonté et le programme dont il croit que nous devrions être saisis.
[Français]
Monsieur le Président, je suis convaincu que ce que vous venez d'entendre vous permettra de prendre une décision éclairée sur la capacité des députés de faire leur travail et d'aller de l'avant avec une question que le Président juge primordiale. La question de l'accès des députés à la Chambre revient beaucoup trop souvent. Il s'agit d'une question de privilège essentielle.
:
Monsieur le Président, je vous demande respectueusement la permission d'intervenir sur cette question très importante. Je comprends que votre travail consiste à diriger cet endroit et à veiller à ce que l'on passe aux initiatives ministérielles comme prévu.
Ce qui me préoccupe, et j'aimerais faire quelques observations à cet égard, c'est que la question va au coeur de ce que nous faisons, en tant que parlementaires, et de la façon dont nous faisons les choses dans cette enceinte. On a déjà dit — on le répète même de plus en plus — que le pouvoir est de plus en plus centralisé au Cabinet du . Actuellement, comme les libéraux ont la majorité, si le premier ministre décrète quelque chose, les députés libéraux peuvent appliquer ce que souhaite le premier ministre, puisqu'ils ont la majorité, tout simplement.
Il s'agit d'un élément fondamental, mais pas seulement en ce qui concerne nos privilèges. L'idée, ce n'est pas que, en tant que parlementaires, nous réclamons un privilège, mais plutôt que nous sommes élus par les Canadiens afin de faire respecter la démocratie au pays. Il est question des outils qui nous permettent à la Chambre des communes de faire respecter la démocratie, des outils qui sont menacés. Si nous laissons passer de petites choses, elles prendront de plus en plus d'ampleur. Une grande partie de la discussion au cours des dernières semaines a porté sur des changements éventuels au Règlement. Nous n'avons pas toujours parlé des détails de ces changements. Il a été question de quelques détails, mais la majorité des préoccupations sont liées au fait que le gouvernement tente de faire adopter les changements de force.
Ce qui s'est produit hier allait dans le même sens. C'est à peu près le même genre de comportement. Si nous laissons passer cela sans rien faire, il est évident que le gouvernement fera ce qu'il souhaite, sans égard pour la procédure. Je le répète, il n'est pas question du résultat final. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que la question de privilège doit être soumise au comité de la procédure. Il y a toutefois un processus à respecter pour renvoyer le dossier au comité de la procédure: la Chambre doit pouvoir se prononcer sur cette question de privilège.
Personne ne niera que la motion présentée hier était une motion de privilège. La présidence l'a confirmé dans sa décision, à juste titre. Par le fait même, il me semble que tout député pourrait maintenant donner avis de la motion découlant de la décision d'hier et que l'avis de motion de privilège serait alors inscrit au Feuilleton du lendemain. Cela nous paraît tout à fait logique. Une motion d'adoption remplacée est réinscrite au Feuilleton à titre de motion d'adoption, comme le serait une motion de voyage remplacée, par exemple. Toutes les motions remplacées peuvent, lorsqu'elles sont réinscrites au Feuilleton, reprendre le statut qu'elles avaient à leur élimination du Feuilleton.
Si la présidence décide que la motion doit être réinscrite au Feuilleton dans une autre catégorie, par exemple en tant que motion d'initiative parlementaire, je serais curieuse de l'entendre expliquer pourquoi seules les motions de privilège peuvent ainsi changer de catégorie du simple fait de l'adoption d'une motion proposant de passer à l'ordre du jour.
Le plus troublant dans tout cela, c'est que la motion mystérieusement métamorphosée donne de moins bons résultats. C'est une insulte à tous les députés. Comme le nom le dit, les privilèges des députés ont un statut privilégié; ils devraient donc être traités de la sorte. Toute autre ligne de conduite est inacceptable. Deux députés ont été privés de leur droit à l'application régulière du Règlement quand ils ont manqué le vote du 22 mars dernier. C'est une chose pour la majorité des députés de voter contre une motion de privilège, ce qui pourrait bien se produire. Toutefois, c'en est une autre pour les libéraux de se cacher derrière une motion de remplacement, alors que la motion de privilège n'a pas encore été adoptée ou rejetée.
Je tiens à dire, en toute déférence, que nous ne pouvons pas rester les bras croisés pendant que les droits des députés sont relégués aux oubliettes. Même si les libéraux aimeraient le faire, ils ne peuvent pas dépouiller les députés de leurs droits à cause d'un point d'ordre technique. Je sais que les libéraux soutiennent que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre se penchera sur cette affaire. Toutefois, là n'est pas la question. Le gouvernement n'agit pas de façon très orthodoxe. C'est pourquoi ce débat est d'une si grande importance.
Il y a une procédure établie relativement aux questions de privilège. D'abord, la question est soulevée par un député. Si la présidence conclut à première vue qu'il y a matière à question de privilège, elle invite le député à présenter une motion. Puis, il y a un débat à la Chambre, dans le cadre duquel les députés donnent leur opinion sur la question. La Chambre peut ensuite décider de renvoyer la question au comité compétent. Si c'est ce qu'elle choisit de faire, le comité doit examiner le témoignage de tous les députés ayant participé au débat.
Le processus d'hier est incomplet: la Chambre ne s'est pas prononcée sur la question; les députés n'ont pas terminé leurs remarques, étant donné que la motion n'a pas été mise aux voix et qu'elle n'a pas fait l'objet d'un ajournement, et la question n'a pas été renvoyée adéquatement au comité, même s'il prétend que c'est le cas, car il ne dispose pas des opinions de tous les députés qui voulaient s'exprimer sur le sujet.
Qu'en est-il du fait que les deux députés qui ont manqué le vote faisaient partie de l'opposition et que leur droit à une procédure équitable leur a été arraché par une majorité de députés ministériels? Ne convenons-nous pas que cette situation devrait tous nous préoccuper, monsieur le Président? Elle est parfaitement à l'image de la législature actuelle. Chaque idée de réforme proposée par le gouvernement vise à dépouiller l'opposition de ses droits, que l'on parle de la motion no 6 ou de la dernière vague de changements proposés au Règlement et de la tentative bâclée du gouvernement libéral pour les imposer.
Je suis reconnaissante qu'on m'ait donné l'occasion d'intervenir à ce sujet. C'est essentiel. Monsieur le Président, je demande que vous vous prononciez sur la question et que vous permettiez à la Chambre de se prononcer sur la motion de privilège comme le député de l'a suggéré ou que vous donniez le droit à un député de réinscrire la motion au Feuilleton, comme il se doit. Nous devons respecter le processus en place. Nous ne pouvons pas permettre que la motion soit renvoyée de façon illégitime à un comité par une majorité de députés ou au moyen d'un processus peu orthodoxe même si nous sommes en faveur du résultat, cela doit être fait comme il se doit. Nous demandons au Président de prendre une décision en ce sens.
:
Monsieur le Président, je suis un peu surpris d'avoir à me prononcer encore aujourd'hui sur une question de privilège, qui est d'ailleurs très étroitement liée à la question de privilège sur laquelle je me suis prononcé hier. Il y a là un signal pour tout le monde, surtout pour le Président, que quelque chose ne va vraiment plus à la Chambre. Il s'agit d'un enjeu d'une très grande importance que la plupart des gens normaux ont de la difficulté à comprendre. Il s'agit de procédures qui régissent le fonctionnement de cette enceinte depuis des siècles et de règles que d'aucuns trouvent obscures, mais qui sont néanmoins importantes. Elles forment la base de notre démocratie, qui se construit sur celle-ci depuis des générations.
Bien que le gouvernement ait reconnu qu'il y avait eu une atteinte aux privilèges, nous avons hier pu constater sa duplicité lorsqu'il a voté contre toute mesure visant à protéger ceux-ci. Le gouvernement a ensuite tenté d'induire la Chambre en erreur en prétendant qu'il protégeait ces privilèges, mais en procédant de façon complètement inacceptable et interdite par le Règlement.
Les questions de privilège relèvent de la Chambre. Elles ne sont pas des mesures législatives du gouvernement. Dans l'ordre du jour, ces questions passent avant les initiatives ministérielles. Elles ont la priorité parce qu'elles sont importantes. Les questions et les motions de privilège sont du ressort de la Chambre et non du gouvernement.
Hier, la majorité ministérielle a refusé sciemment les mesures proposées pour protéger ces privilèges. Ils tentent maintenant d'user de belles paroles pour échapper aux conséquences et prétendre qu'ils n'ont pas rejeté les efforts visant à défendre les privilèges des députés. C'est pourtant précisément ce qu'ils ont fait hier.
La grande question qui se pose est la suivante. Allons-nous changer la façon de faire appliquer et de défendre les privilèges des députés à la Chambre? Les questions de privilège ne relèvent-elles plus de la Chambre? Est-ce maintenant une question de motions et d'initiatives gouvernementales étudiées par un comité? Allons-nous diminuer à ce point l'importance des questions de privilège à la Chambre? Est-ce ainsi que nous allons dorénavant procéder?
Voilà pourquoi il faut que le Président intervienne. Il y a, dans l’histoire d’un Parlement, de très rares occasions où les événements prennent une certaine tangente et, pour une raison ou pour une autre, les gens se croient trop malins. Ils pensent pouvoir changer le Règlement, faire de nouvelles règles et se faciliter ainsi la vie. Certains appellent cela faire preuve d’intelligence de campagne ou d’intelligence politique, mais ils se croient trop malins. Dans des moments comme celui-ci, il est impératif que le Président dise non. Il lui incombe de défendre les droits et privilèges des députés. C’est son rôle essentiel. C’est ce pourquoi il a été élu par ses pairs. Ce n'est pas pour faciliter la vie des membres du gouvernement. Je ne dis pas qu’il l’a fait, du moins pas encore, et je m’en félicite. Toutefois, il y a un moment où la passivité ne suffit plus.
Cette question de privilège soulève un enjeu capital. Elle exige cette intervention nécessaire pour protéger tous nos droits et privilèges. Rappelons-nous ce dont il s’agit. Le gouvernement nous dit de ne pas nous inquiéter, que cette question peut être réglée à l'initiative d'une députée ministérielle membre d'un comité. Cela n’est dit nulle part, ni dans les livres verts ni dans les ouvrages d'Erskine May. Cela ne figure dans aucune des décisions prises par la présidence depuis des siècles. Les comités sont saisis de questions de privilège après que la Chambre, agissant comme un tribunal, en décide ainsi. Vous, monsieur le Président, déterminez s’il y a de prime abord matière à question de privilège. Par la suite, c’est nous, à titre de tribunal de deuxième instance, qui prenons la décision d’un renvoi. Voilà comment il faut procéder.
Pour des raisons que l'on ignore, le gouvernement, qui affirme protéger les privilèges, a pris la décision d'étouffer et d'anéantir les efforts que nous étions en train de déployer au moyen des processus qui s'offrent à nous pour défendre ces privilèges. Tous les députés de l'autre côté qui ont voté pour soutenir cette mesure ont du même coup pris la décision que le droit de vote d'un député n'était pas assez important. Ils ont essayé de retirer la question de privilège de l'ordre du jour. Maintenant, les libéraux font semblant qu'ils essaieront de se pencher sur la question ailleurs. Ce n'est pas le genre de processus qui remédie au problème, et même si c'était le cas, les libéraux ne défendraient pas du tout les droits et les privilèges des députés. C'est une manoeuvre extrêmement troublante.
Cette situation s'inscrit dans le même contexte, et ce contexte est capital, que d'autres événements qui se produisent parce que les libéraux essaient encore une fois de modifier le Règlement de la Chambre. Ils tentent de modifier le Règlement en comité. Ils disent: « Nous ne voulons que favoriser la tenue de discussions de bonne foi. Faites-nous confiance. » Cela revient à dire: « Ce genre de motion permettra d'atteindre les mêmes objectifs. Faites-nous confiance. »
Depuis des générations, le fonctionnement de la Chambre des communes repose sur la confiance. Bien sûr, il peut y avoir de la partisanerie...
:
Monsieur le Président, j'étais sur le point de soulever un autre aspect de la question. Cependant, j'étais prêt à m'interrompre pour permettre au de faire une déclaration, si le gouvernement en avait l'intention. Je m'attendais à une déclaration à 10 h 30, mais en attendant que les libéraux se décident, je poursuis.
Je m'apprêtais donc à parler du contexte dans lequel cette affaire est survenue, à savoir que les libéraux ont pris l'initiative de modifier le Règlement et qu'ils demandent qu'on leur fasse confiance à cet égard. Cependant, nous observons une contradiction constante entre ce que dit le gouvernement et ce qu'il fait, et les contradictions s'accumulent.
Quelle est l'importance de cette situation? Elle est importante parce que le fonctionnement de notre institution repose sur la confiance. En principe, les leaders parlementaires se consultent. Malheureusement, le a apparemment omis de le faire à l'égard de cet autre dossier, et la communication a commencé à se détériorer. La confiance est très importante.
Je mentionne un autre élément intéressant qui revêt une importance cruciale. Au Parlement britannique, qui nous sert de modèle, on parle des « instances habituelles ». Les leaders parlementaires et les whips se consultent en empruntant ces instances. Au Royaume-Uni, les whips jouent peut-être le rôle principal, alors qu'ici, ce sont les leaders parlementaires.
Ce sujet est abordé dans un excellent article, intitulé « Opening Up the Usual Channels ». J'aimerais souligner certains des points importants et quelques citations qu'on y trouve.
La première citation est tirée de la 22e édition d'Erskine May, publiée en 1997:
Le fonctionnement efficace et sans heurt de l'appareil parlementaire repose en grande partie sur les whips. Le whip en chef du gouvernement et le whip en chef de l'opposition officielle représentent les « instances habituelles » par lesquelles se tiennent les consultations avec les autres partis et députés pour parvenir à des ententes ou aborder diverses questions qui intéressent la Chambre.
Cette confiance, cette capacité de négocier, cette capacité de dialoguer sont essentielles au fonctionnement de cette institution. Or, on voit que le gouvernement a adopté une certaine tendance, que ce soit avec la motion no 6, présentée il y a quelque temps — et on se souviendra des problèmes qu'elle a soulevés —, avec ce qui s'est passé au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre pour tenter de faire adopter unilatéralement l'échéancier du gouvernement en matière de changements aux règles de la Chambre — une autre chose qui s'écarte des pratiques habituelles de cet endroit —, et maintenant, avec les manoeuvres d'hier soir.
Monsieur le Président, nous voyons bien que la capacité des partis de négocier et de tenir des discussions se détériore, ce qui pourrait avoir des conséquences très troublantes à long terme. Nous pouvons voir à l'instant même que les communications se sont détériorées. Le gouvernement ne s'acquitte pas de ses fonctions.
Je cite un autre passage du document:
L'une des caractéristiques les plus distinctives du Parlement de Westminster est la façon dont les affaires parlementaires sont organisées. L'initiative d'organiser le programme parlementaire relève en grande partie du gouvernement au pouvoir. De plus, il incombe au gouvernement de décider du sujet, de la date et de la durée des débats. Cependant, dans la pratique, le gouvernement négocie avec les partis de l'opposition, surtout l'opposition officielle, par ce qui est euphémiquement connu sous le nom d'« instances habituelles ».
Il s'agit d'un mécanisme important qui fait partie de la culture. Le personnel de la présidence ou l'une des personnes au bureau du greffier assiste à ces réunions, qui se déroulent selon les instances habituelles; cela témoigne de son importance relativement aux aspects pratiques du bon fonctionnement de la Chambre.
Nous ne pouvons pas tolérer les manoeuvres utilisées au comité, dans le contexte des autres choses qui se passent au comité, dont l'effort unilatéral pour modifier le Règlement et la nette différence entre les dires et les dénonciations du gouvernement à la Chambre et les faits et gestes tout à fait contradictoires qui suivent. On peut voir que la présidence doit maintenant défendre les droits des députés et le Règlement en place depuis tant d'années et faire comprendre au gouvernement et à tous les députés que la confiance et la franchise sont nécessaires au bon fonctionnement de la Chambre.
Pendant les nombreuses années où j'ai été leader du gouvernement à la Chambre, beaucoup de personnes ont peut-être contesté ma façon de faire les choses. Toutefois, je crois que personne ne contestera le fait que nous avons toujours été directs, dit la vérité et mené les travaux à la Chambre de manière productive et méthodique. C'est ainsi que les choses devraient être faites. Nous avons toujours respecté les règles et n'avons jamais tenté de les modifier par des moyens détournés, ce que tente de faire le gouvernement à l'heure actuelle.
Ne nous y trompons pas: la présente situation est l'exemple d'un gouvernement qui tente de changer les règles concernant le privilège des députés par des moyens détournés, c'est-à-dire en proposant une motion en comité. La situation est totalement inappropriée et inacceptable, et elle exige votre intervention, monsieur le Président.
En terminant, je tiens à souligner que la situation est beaucoup plus troublante qu'elle peut sembler l'être pour les gens qui ne connaissent pas la procédure. Pour ceux d'entre nous qui sont au courant des us et coutumes de la Chambre et qui siègent ici depuis très longtemps, les manoeuvres et les mesures utilisées par le gouvernement sont extrêmement troublantes, et leurs répercussions sur l'ensemble de nos privilèges et la façon dont ils sont traités sont très profondes.
:
Monsieur le Président, je dois intervenir sur cette question de privilège parlementaire, mais je serai concise puisque le temps est limité.
Je ne prétends pas connaître aussi bien le Règlement de la Chambre que les nombreux députés qui ont parlé avant moi, donc je vous fais confiance, monsieur le Président, pour juger si oui ou non les incidents qui ont eu lieu respectent la lettre des procédures de la Chambre. Cependant, je ne crois absolument pas qu'ils respectent l'esprit des procédures de la Chambre.
Le Président a jugé que, à première vue, la question de privilège semblait fondée. Lorsque les députés n'ont pas pu se rendre à la Chambre pour voter, leurs privilèges ont été bafoués. Même au cours de la session parlementaire depuis mon élection, nous avons assisté à des votes dans cette enceinte où nous en sommes arrivés au point où le Président a dû rompre l'égalité, et le gouvernement a failli être renversé. Le droit de vote est donc vraiment crucial.
J'étais présente lors du débat d'hier. Nous en avons parlé, mais nous n'avons jamais trouvé de solution. Que les députés du parti au pouvoir présentent une motion qui ne représente pas ce sur quoi tous les députés de la Chambre étaient sur le point de s'entendre, et que nous ne puissions même pas en débattre constitue presque une autre violation de notre privilège, soit celui de prendre part aux décisions prises à la Chambre.
Dans mon esprit, c'est toujours au comité de la procédure et des affaires de la Chambre que ces questions sont renvoyées, et elles passent avant tout le reste. Je n'ai aucune idée pourquoi il y a autant de résistance cette fois-ci. Des votes auront lieu dès la semaine prochaine, alors nous devons régler le problème, et vite. Nous ne devons pas faire traîner les choses trop longtemps.
Je sais qu'il y a actuellement des travaux de construction et que des voitures se déplacent sans cesse. Moi-même, j'ai déjà été incapable de sortir de la Chambre ou d'y entrer. Cela ne m'a pas empêchée de voter, mais je peux confirmer que ces choses-là arrivent. Je crois sincèrement que ce qui est arrivé hier va à l'encontre de l'esprit du Règlement et des règles démocratiques.
Monsieur le Président, vous devez vous pencher sur la question. Cela pourrait devenir un précédent et des gens pourraient commencer à penser qu'ils peuvent abuser de leur majorité pour contourner le Règlement, qui est justement censé préserver la démocratie. Ce n'est pas pour cela que nous sommes ici; nous sommes ici pour représenter les Canadiens. Les 338 députés que nous sommes ont le droit de se faire entendre, et personne ne peut leur retirer ce droit comme si de rien n'était et les empêcher de trouver une solution convenable.
Je vous remercie, monsieur le Président, de m'avoir permis de faire valoir mon point de vue. J'ai essayé d'être brève, mais je n'en pense pas moins que ce qui est arrivé hier est contraire à l'esprit des règles. J'attends avec impatience que vous nous disiez si la lettre du Règlement a été respectée.