(au nom de la ministre de la Justice)
propose:
Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d'autres lois, la Chambre:
accepte les amendements 1, 2, 5, 6, 10, 11b) et c), 12, 13, 14, 15, 16, 17b), 18, 19, 20, 21, 22, 24, 27, 28, 29, 30, 34, 35, 36 et 37 apportés par le Sénat;
rejette respectueusement l’amendement 3 parce que le gouvernement a été clair que les provinces et territoires sont capables d’imposer des restrictions supplémentaires en ce qui concerne la culture personnelle, mais qu’il est essentiel que la culture personnelle soit permise afin de soutenir l’objectif du gouvernement de déplacer le marché illégal;
rejette respectueusement les amendements 4, 11a) et 38 parce qu’ils iraient à l’encontre de l’objectif énoncé de la Loi sur le cannabis de protéger la santé des jeunes en limitant leur accès au cannabis;
rejette respectueusement l’amendement 7 parce que les sanctions pénales et les conséquences en ce qui concerne l’immigration visent à limiter l’accès des jeunes au cannabis et à décourager les activités criminelles en imposant d’importantes sanctions pénales pour des activités interdites, incluant l’importation et l’exportation du cannabis et le recours aux services d’un jeune dans la perpétration d’une infraction liée au cannabis;
rejette respectueusement l’amendement 8 parce que la Loi sur le cannabis comprend déjà un ensemble complet de restrictions en ce qui a trait à la promotion;
rejette respectueusement l’amendement 9 parce que le gouvernement s’est déjà engagé à établir des limites relatives au THC par voie de règlement, ce qui offre la flexibilité de faire des ajustements dans le futur sur la base de nouveaux faits probants et de l’innovation en termes de produits;
rejette respectueusement les amendements 17a) et 25 parce que d’autres amendements apportés par le Sénat que la Chambre accepte conféreraient au ministre des pouvoirs accrus permettant d’exiger des habilitations de sécurité, et que les amendements 17a) et 25 présenteraient des défis importants au niveau opérationnel et des préoccupations en ce qui concerne le respect de la vie privée;
rejette respectueusement l’amendement 23 puisque les organismes d’application de la loi ont une obligation de conserver les éléments de preuve à moins qu’ils ne posent un risque pour la santé et la sécurité et que des dispositions compensatoires existent présentement dans la Loi sur le cannabis prévoyant une indemnisation si on devait disposer d’éléments de preuve et si leur retour devait être ordonné;
rejette respectueusement l’amendement 26 parce que des mécanismes permettant l’examen rigoureux des règlements fédéraux par le public existent déjà;
propose que l’amendement 31 soit modifié en remplaçant le texte de l’article 151.1 par le texte suivant:
« 151.1 (1) Trois ans après l’entrée en vigueur du présent article, le ministre veille à ce que la présente loi et son application fassent l’objet d’un examen, et que cet examen considère les répercussions de la présente loi sur la santé publique, notamment sur la santé et les habitudes de consommation des jeunes à l’égard de l’usage de cannabis, celles du cannabis sur les Autochtones et sur les collectivités autochtones et celles de la culture de plantes de cannabis dans une maison d’habitation.
(2) Au plus tard dix-huit mois après le début de l’examen, le ministre fait déposer devant chaque chambre du Parlement un rapport sur celui-ci, lequel rapport comporte notamment toute conclusion ou recommandation qui en découle. »;
rejette respectueusement l’amendement 32 parce que le projet de loi prévoit déjà un examen complet des objectifs principaux de la Loi sur le cannabis, notamment l’obligation de déposer un rapport au Parlement et parce que la modification suggérée à l’amendement 31 prévoit un examen des répercussions de la Loi sur le cannabis sur la santé publique;
rejette respectueusement l’amendement 33 parce que le Parlement dispose déjà d’une large discrétion permettant d’initier des études sur des sujets précis par des comités parlementaires et parce que le projet de loi prévoit déjà un examen complet de la Loi sur le cannabis, notamment l’obligation de déposer un rapport au Parlement.
— Monsieur le Président, je suis heureuse d'être ici aujourd'hui et de prendre la parole au sujet du projet de loi . Je félicite d'abord l'autre Chambre pour son remarquable travail et l'examen attentionné de ce projet de loi. Encore une fois, je tiens à souligner le beau travail que tous les sénateurs ont fait au cours des sept derniers mois, ainsi que les comités qui ont fait du travail remarquable lors de nombreuses rencontres.
Nous sommes sur le point de vivre un moment historique au Canada. Une fois que ce projet de loi entrera en vigueur, cela changera la manière dont notre pays contrôle l'accès au cannabis.
Il s'agira d'un changement important pour chacun d'entre nous, soit les gouvernements, les peuples autochtones, les organismes d'application de la loi, les professionnels de la santé et les Canadiens et les Canadiennes.
Comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, notre objectif par rapport à cette légalisation est de remplacer un système qui ne fonctionne pas. Nous devons nous efforcer de tenir le cannabis loin des mains de nos jeunes, et les profits hors de portée des criminels et du crime organisé.
Le projet de loi C-45 nous donne donc les outils dont nous avons besoin pour le faire.
Comme on le sait, le projet de loi présenté aujourd'hui est le produit de plus de deux ans d'études et de consultations.
[Traduction]
Il fait fond sur le travail exhaustif accompli par le Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis. Le groupe de travail a consulté un large éventail d'intervenants, notamment des représentants des provinces, des territoires et d'organismes d'application de la loi ainsi que des experts de la santé et de la sécurité. Le groupe de travail s'est aussi adressé aux jeunes Canadiens, aux Autochtones et à de nombreuses autres personnes. Leurs suggestions et leurs recommandations ont sans aucun doute aidé à formuler le projet de loi.
Le projet de loi se fonde sur les leçons apprises par des administrations aux États-Unis et ailleurs qui ont légalisé et réglementé le cannabis. Il tient également compte de pratiques efficaces dans le cadre d'autres régimes de réglementation, notamment en ce qui concerne le tabac, pour lequel nous avons adopté une approche qui est axée sur la santé publique et qui s'est avérée une réussite.
En conséquence, le projet de loi établit un juste équilibre entre faire en sorte que les adultes puissent se procurer du cannabis légalement et protéger tous les Canadiens.
[Français]
Au cours des derniers mois, l'autre Chambre a réfléchi à propos de ce projet de loi et en a débattu. Cinq de ses comités ont par ailleurs réalisé des études approfondies et entendu plus de 200 témoins. Ce travail a abouti à un certain nombre de propositions de modifications au projet de loi. Certaines de ces modifications ont permis de consolider le projet de loi .
[Traduction]
Par exemple, des sénateurs ont proposé un amendement qui nous rendrait mieux à même de garder le crime organisé à l'écart de l'industrie légitime en donnant à la ministre le pouvoir d'exiger que des personnes liées à une organisation autorisée soient titulaires d'une habilitation de sécurité valide. Il ne fait aucun doute que ce changement améliore le projet de loi , et le gouvernement l'appuiera sans réserve.
Nous sommes toutefois inquiets du fait que les changements proposés puissent nuire au projet de loi. Après une réflexion et une considération minutieuses, nous avons décidé de ne pas appuyer certains des amendements proposés. Mon collègue le parlera plus en détail de cette décision.
Pendant ce temps, je vais mettre l'accent sur deux questions précises qui ont retenu l'intérêt du Sénat. Parlons maintenant du point de vue autochtone.
La première question a trait au point de vue autochtone sur le projet de loi . Dans une récente lettre, la et moi avons pris acte des intérêts et des préoccupations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Nous nous sommes engagées à continuer de prendre des mesures dans des domaines précis, notamment en ce qui concerne le soutien des services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie, la sensibilisation du public, la participation à la production de cannabis et la résolution de questions relatives aux compétences et au partage des recettes.
Nous nous sommes engagés à faire rapport aux deux Chambres sur les progrès réalisés dans ces domaines dans les 12 mois suivant la sanction royale. Je tiens à assurer aux députés que le gouvernement a pris bonne note de ces questions et de ces préoccupations. Nous allons traiter chacun des enjeux en poursuivant le dialogue avec les communautés et les organisations autochtones, ainsi qu'avec le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
[Français]
Une autre question que l'autre Chambre a attentivement examinée est la question de la culture à domicile. Comme on le sait, le projet de loi propose de permettre aux adultes de faire pousser quatre plants par ménage. Trois raisons justifient l'autorisation de la culture limitée à domicile.
D'abord, en permettant aux gens de faire pousser un petit nombre de plants pour usage personnel, nous aidons à prévenir la criminalisation inutile de citoyens qui, autrement, sont respectueux de la loi. Ensuite, la culture limitée à domicile permettra de déplacer le marché illégal, un marché non sécuritaire et non réglementé qui appuie les criminels et le crime organisé.
[Traduction]
Le projet de loi prévoit des règles rigoureuses relativement à la culture du cannabis à domicile. Le fait d'établir un nombre limite de plants très bas est une façon raisonnable de permettre aux adultes de cultiver du cannabis pour leur usage personnel, tout en interdisant les activités de culture à grande échelle.
En vertu du projet de loi, les provinces et les territoires disposeront d'une marge de manoeuvre pour imposer des restrictions supplémentaires à la culture à des fins personnelles, s'ils le désirent. Cette souplesse permettra aux provinces et aux territoires d'adapter leurs mesures législatives aux conditions et aux priorités qui leur sont propres, tout en respectant les objectifs en matière de santé et de sécurité publiques prévus dans le projet de loi sur le cannabis.
[Français]
Cette nouvelle loi constitue un élément essentiel de notre approche de santé publique complète en ce qui a à trait au cannabis. C'est une approche qui a pour but de minimiser les torts liés à la consommation et de réduire la probabilité de la consommation problématique. Notre approche de santé publique comprend des investissements importants pour la sensibilisation et l'information par l'entremise des budgets de 2017 et de 2018. Elle propose également une surveillance attentive des répercussions.
Conformément à cette stratégie, on présentera aux Canadiens et aux Canadiennes des faits sur le cannabis. Ainsi, le gouvernement pourra mesurer et comprendre les effets de ces changements en matière de politique au fil du temps.
Nous savons que la consommation de cannabis présente des risques pour la santé. Ces risques sont plus élevés dans certains groupes d'âge et chez des personnes ayant un état de santé particulier. Notre objectif est de donner aux gens l'information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées au sujet du cannabis, d'une part, et d'autre part, pour réduire les risques.
[Traduction]
Dans ce dossier, notre priorité absolue est la protection des jeunes. Les jeunes constituent le groupe le plus vulnérable aux risques pour la santé découlant de l'usage du cannabis, en particulier de ses effets. C'est pour cette raison que le projet de loi contient de nombreuses mesures qui ont été conçues pour restreindre l'accès au cannabis et pour protéger les jeunes. C'est essentiel, étant donné que le Canada affiche l'un des taux de consommation de cannabis les plus élevés au monde chez les jeunes. C'est pourquoi le projet de loi prévoit l'imposition de sanctions pénales sévères aux personnes qui fournissent du cannabis à des jeunes de moins de 18 ans.
Le projet de loi prévoit également des restrictions applicables à la promotion, à la publicité et à l'emballage des produits, et il interdit les étiquettes attrayantes pour les jeunes.
[Français]
Le projet de loi présenté aujourd'hui a été attentivement conçu pour aborder un problème de longue date: la disponibilité immédiate et la consommation étendue de cannabis au Canada. Il s'agit d'un marché illégal, envahissant et profondément ancré. Il n'obéit à aucune mesure de contrôle pour protéger le public, notamment nos jeunes.
Nous avons promis une solution aux Canadiennes et aux Canadiens et nous avons tenu notre promesse. Au cours des deux dernières années, notre gouvernement a réalisé un énorme travail de recherche, d'analyse et de planification pour le projet de loi . Nous avons consulté différents intervenants et nous nous sommes engagés auprès de nos partenaires.
Nous avons fait des investissements stratégiques pour informer les Canadiens et les Canadiennes des effets du cannabis sur la santé et des risques associés à la conduite sous l'influence de la drogue.
Nous avons aussi examiné et accepté plusieurs modifications qui ont du sens et c'est ce que nous ferons encore une fois aujourd'hui.
[Traduction]
Je suis convaincue que le projet de loi nous donne le cadre juridique dont nous avons besoin pour protéger les Canadiens, particulièrement les jeunes.
Le Canada est bien placé pour apporter ce changement. Il y a déjà un système de calibre mondial pour la production et la réglementation du cannabis à des fins médicales. Le projet de loi propose de s'appuyer sur ce régime réglementaire rigoureux.
Nous continuerons à collaborer étroitement avec nos partenaires provinciaux et territoriaux et les communautés autochtones pour garantir le succès de la mise en oeuvre de cette mesure législative une fois qu'elle sera adoptée.
[Français]
Les provinces et les territoires sont prêts. Les Canadiens et les Canadiennes le sont aussi.
En tant que parlementaires, nous avons fait notre travail et produit un ensemble historique de mesures législatives dans l'intérêt des Canadiens et des Canadiennes.
:
Madame la Présidente, je tiens à dire que ce sera probablement la dernière fois que j'aurai la chance de me prononcer sur le projet de loi . Je veux donc m'assurer d'en parler de manière exhaustive.
Le gouvernement soutient qu'il présente ce projet de loi parce que le système actuel ne fonctionne pas. Cependant, ce que propose le projet de loi ne fonctionnera pas non plus, même avec les nombreux amendements proposés.
Que devait faire ce projet de loi à l'origine? Si l'on se réfère à l'objet du projet de loi, il est censé: « protéger la santé des jeunes en restreignant leur accès au cannabis ». Il est toutefois évident que certains éléments du projet de loi feront en sorte que du cannabis se retrouvera entre les mains de jeunes enfants. Il y a d'abord l'article 8, qui permettra aux jeunes de 12 à 17 ans d'avoir en leur possession jusqu'à cinq grammes de cannabis. Cela envoie un mauvais message, quel que soit l'univers dans lequel on est.
Nous avons parlé de la culture à domicile et du fait que, si une personne fait pousser plus de 600 grammes de cannabis chez elle, il est fort probable que les jeunes puissent mettre la main dessus, tout comme ils arrivent à mettre la main sur l'alcool qui se trouve dans le bar de leurs parents. Ce n'est certainement pas comme cela qu'on va mettre le cannabis hors de la portée des jeunes enfants.
Qui plus est, le gouvernement semble penser que les systèmes mis sur pied par certaines provinces vont être utiles. En Ontario, Kathleen Wynne a instauré un système de vente et de livraison reposant sur la LCBO. Pour les gens de Sarnia—Lambton, le magasin le plus proche se trouvera à London. Aujourd'hui, leur revendeur de drogue peut leur livrer la quantité qu'ils veulent à la maison en 30 minutes à 7 $ le gramme. Le gouvernement a proposé un prix de 10 $ le gramme, plus 1 $ de taxe. S'il pense arriver à déloger le crime organisé avec cela, il se trompe royalement.
L'autre point que je tiens à aborder en ce qui a trait aux jeunes est la campagne de sensibilisation qui devait se faire. L'Association médicale canadienne a été très claire à ce sujet: chez les jeunes de moins de 25 ans qui consomment du cannabis, 30 % vont développer de graves problèmes de santé mentale, comme des troubles psychotiques, le trouble bipolaire, l'angoisse et la dépression, et 10 % vont devenir dépendants. Où est l'information destinée à la population à ce sujet? Où dit-on aux jeunes aujourd'hui que le cannabis est nocif? On ne voit ce message nulle part. Les jeunes pensent que le cannabis n'est pas plus dangereux que l'alcool. On ne les informe pas.
La seule campagne de sensibilisation du public qui a eu lieu jusqu'à présent est la série de brefs messages publicitaires qu'a lancés le pour dissuader les jeunes de conduire sous l'effet de la drogue. Bien que ce soit un bon message, ce n'est pas suffisant, surtout si l'on regarde les initiatives de sensibilisation recommandées par le Colorado et l'État de Washington. Le Colorado, qui a une population beaucoup moins nombreuse que le Canada, a investi 10 millions de dollars dans l'éducation du public. L'État de Washington en a fait autant.
Nous n'allons certainement pas atteindre le principal objectif, qui est d'éviter que le cannabis ne se retrouve entre les mains des enfants. Qu'en est-il des autres objectifs? Allons-nous permettre la production licite de cannabis seulement pour « limiter l'exercice d'activités illicites qui sont liées au cannabis »? Si l'on regarde tous les endroits où on a légalisé la marijuana, on voit que le Colorado, qui a autorisé la culture à domicile, est toujours confronté à de graves problèmes avec les groupes du crime organisé. La police reçoit énormément de plaintes de nuisance publique, sans compter l'odeur du cannabis qui règne dans des quartiers résidentiels entiers. Le Colorado est aux prises avec toutes sortes de problèmes.
Je pense à l’État de Washington qui a décidé d’interdire la culture à domicile, sauf pour la marijuana médicinale. En trois ans, il a pu réduire le crime organisé à moins de 20 %. Comme il a fixé la limite à 21 ans, il a pu ainsi rendre plus difficile l’accès des jeunes à la marijuana. Il est en effet peu probable que des jeunes de 21 ans fournissent de la marijuana à des jeunes de 17 ans. Malheureusement c’est ce que permet la mesure législative dont nous sommes saisis.
Il y a un autre problème dont le gouvernement ne s’est pas occupé, celui des droits des propriétaires par rapport à la culture à domicile. Lorsque la loi entrera en vigueur en Ontario et au Québec, les propriétaires ne pourront pas empêcher les gens de cultiver de la marijuana chez eux. Les gens qui n’ont pas beaucoup d’expérience de cette culture pourront se retrouver avec des problèmes de moisissures. Des associations immobilières m’ont posé des questions à ce sujet. Aujourd’hui, lorsque de la marijuana est cultivée dans un logement et que celui-ci est vendu, il faut faire enlever la moisissure et recertifier le logement. Les associations veulent savoir s’il va falloir faire cela pour toutes les maisons où on a cultivé de la marijuana. Le gouvernement n’a pas répondu à cette question.
Le gouvernement n'a pas non plus abordé les conséquences qu'aura cette mesure sur les passages à la frontière. Je vis dans une localité frontalière. Des discussions ont eu lieu avec le département de la Sécurité intérieure et avec les autorités frontalières des États-Unis. Voici ce qu'ils ont dit: « Contrairement au Canada, nous n'allons pas modifier nos lois fédérales. La consommation de marijuana est encore illégale à l'échelle fédérale, et nous n'allons pas ajouter des ressources en raison de la nouvelle loi canadienne. » Ils feront appel à des chiens renifleurs qui seront en mesure de détecter s'il y a des résidus de fumée secondaire sur les vêtements d'une personne, si un jeune a emprunté une voiture pour passer du temps avec d'autres jeunes qui fumaient de la marijuana, ou si une personne porte sur elle des résidus de marijuana parce qu'elle en a fumé avant son arrivée à la frontière, même si elle n'en a pas en sa possession. Ces gens seront dirigés vers une aire d'inspection secondaire et devront passer par la procédure normale. Le problème, c'est qu'il n'y aura pas assez d'agents pour s'occuper de tous les gens qui seront dirigés vers ces aires. Quand on a demandé aux autorités compétentes ce qu'elles feraient dans une telle situation, elles ont répondu qu'elles placeraient un cône dans la voie où le véhicule de la personne se trouve et qu'elles effectueraient l'inspection secondaire à cet endroit, ce qui retarderait tout le monde. Les autorités nous ont informés qu'elles s'attendaient à ce que les délais d'attente à la frontière augmentent de près de 300 %.
C'est une chose que le gouvernement sait depuis deux ans et demi. Or, il n'a rien fait pour conclure une entente à ce sujet avec le gouvernement américain, à part déclarer que les gens doivent dire la vérité. C'est évidemment un excellent conseil, mais cela n'empêchera pas la prolongation des délais d'attente et les problèmes que cette mesure entraînera à la frontière.
En outre, le gouvernement n'a pas bien fait comprendre aux jeunes que s'ils sont pris en possession de marijuana aux États-Unis, ils seront bannis à vie de ce pays. D'ailleurs, ce n'est pas le seul pays qui bannira les gens pour possession de marijuana. C'est également le cas de beaucoup d'autres pays. Les jeunes qui désirent faire carrière à l'étranger ne sont pas informés de ces faits, et cette absence de sensibilisation pourrait avoir des conséquences fort néfastes.
Ce projet de loi devait en outre « réduire le fardeau sur le système de justice pénale ». Malheureusement, nous savons que la est en retard dans la nomination des juges. Il lui en manque environ 60, ce qui fait que des meurtriers et des violeurs sont remis en liberté en invoquant le principe de Jordan. Si les libéraux avaient bel et bien l'intention de résorber l'arriéré et de veiller à ce que les individus qui ont commis des crimes graves soient punis, ils auraient pu, entre autres, comme cela a été suggéré à maintes reprises depuis septembre dernier, abandonner les poursuites contre les personnes accusées d'une infraction relative à la marijuana pour se consacrer aux procédures visant les crimes les plus graves. Évidemment, les libéraux n'ont rien fait de tel. Ils n'ont pas l'intention de délester le système des affaires liées à la marijuana. D'ailleurs, il résultera de ce projet de loi un plus grand nombre d'accusations qu'auparavant parce que, lorsque les gens auront cinq plantes au lieu de quatre, ils commettront une infraction. Lorsqu'ils auront 31 grammes en leur possession plutôt que 30, ils commettront aussi une infraction. Remettre de la marijuana à un jeune constituera une infraction. Beaucoup de nouvelles infractions qui n'existaient pas auparavant seront désormais inscrites dans la loi, alors le but de la réduction du fardeau ne sera pas atteint.
Un autre objectif consiste à « donner accès à un approvisionnement de cannabis dont la qualité fait l’objet d’un contrôle ». Il sera maintenant possible de faire la culture à domicile, et chacun pourra faire ce qu'il veut. Il n'y aura en fait aucun contrôle de la qualité du cannabis. C'est également inacceptable.
Certaines des autres questions sans réponse ont trait à la sécurité au travail. Cette question avait été soulevée lorsque le dossier de la marijuana avait été étudié par le conseil original. Le comité a entendu des témoignages. D'innombrables questions ont été soulevées. Comment protégerons-nous les employeurs, qui ont une responsabilité, et les autres employés, qui sont inquiets? Ils s'inquiètent du fait que des gens pourraient aller travailler avec les facultés affaiblies par la drogue. Nous ne voulons pas prendre un vol d'Air Canada avec un pilote dont les facultés sont affaiblies. Nous ne voulons pas que des employés de centrales nucléaires aillent travailler avec les facultés affaiblies.
Le projet de loi devait être une mesure complémentaire au projet de loi . Le projet de loi C-46 devait autoriser les contrôles routiers obligatoires et aléatoires, parce que, comme les gens le savent, il est dangereux de conduire après avoir fumé de la drogue. Cela devait ainsi ouvrir la voie à d'autres discussions. S'il est dangereux de conduire après avoir fumé de la drogue, il pourrait donc être également dangereux de piloter un avion, de conduire un train ou de vaquer à des activités dans une centrale nucléaire après avoir fumé de la drogue. Il n'y a absolument rien de prévu quant à la façon dont nous allons assurer la protection et à la mesure législative qui sera mise en oeuvre.
Nous n'avons pas tenu compte des mesures prises par nos voisins du Sud, qui ont légalisé la marijuana et ont prévu des contrôles routiers obligatoires et aléatoires. J'ai participé à bien des projets et j'avais, en fait, un bureau aux États-Unis à un moment donné. Je sais par conséquent que les employeurs américains peuvent faire subir un contrôle aux personnes qu'ils envisagent d'embaucher. Ils peuvent exiger que leurs employés se soumettent à des contrôles obligatoires et à des contrôles aléatoires. Le gouvernement a manqué de leadership, notamment en ce qui concerne la question de la sécurité au travail.
En ce qui concerne les amendements qui ont été présentés, certains étaient bons, d'autres l'étaient moins. Un d'entre eux aurait permis aux jeunes de 18 ans ou aux parents à la maison de partager leur marijuana. Je me réjouis que le gouvernement ait décidé de le rejeter.
Je suis toujours préoccupée par la possibilité même d'avoir de la marijuana à la maison. Cependant, si cet amendement avait été adopté, il n'aurait certainement pas contribué à garder la marijuana hors de la portée des jeunes enfants.
Un autre des amendements qui a été rejeté portait sur l'interdiction d'apposer un symbole de cannabis sur des articles promotionnels comme les t-shirts, les casquettes et les drapeaux. Le gouvernement n'a pas accepté cet amendement du Sénat, ce qui m'inquiète beaucoup.
Beaucoup de Canadiens s'inquiètent de la possibilité que, une fois la marijuana légalisée au Canada, des personnes utilisent des drapeaux de la fête du Canada décorés d'une feuille de cannabis. Tout le monde pourra porter un t-shirt orné d'une image de cannabis. Ce sera dégoûtant. Ce comportement dénigrera complètement le Canada et les gens qui l'ont servi pour en faire un pays fier. Il profanera ces valeurs. Le gouvernement a permis à la population de continuer d'acheter ce type d'accessoires en refusant cet amendement. C'est de l'hypocrisie pure et simple parce que, selon le projet de loi , qui porte sur l'interdiction de faire de la publicité d'aliments mauvais pour la santé s'adressant aux enfants, nous ne voudrions pas voir une boisson gazeuse ou quelque chose du genre sur un t-shirt ou un drapeau. Toutefois, dans le cas du cannabis, il semble que ce soit acceptable. Je m'y oppose catégoriquement.
Le gouvernement aurait aussi dû accepter l'amendement visant à établir la puissance maximale du THC. Les Canadiens sont de plus en plus nombreux à essayer la marijuana pour la première fois et à se laisser tenter par celle de la Colombie-Britannique, qui serait extrêmement puissante et dont la teneur en THC serait parmi les plus élevées. Or, ils sont aussi de plus en plus nombreux à se présenter aux urgences à cause de vomissements incontrôlables dus à un empoisonnement au THC. Sachant que l'un des buts avoués du projet de loi consiste à protéger la santé des Canadiens et plus particulièrement des jeunes, j'aimerais qu'on m'explique pourquoi le gouvernement refuse d'admettre que la puissance des produits qui seront offerts sur le marché doit être contrôlée d'une manière ou d'une autre.
Certains des amendements ont une dimension davantage humaine, comme ceux qui accordent plus de temps aux contrevenants pour payer leurs amendes. Je suis contente que le gouvernement les ait acceptés. Je suis aussi contente qu'il envisage d'appliquer les principes de justice réparatrice aux jeunes de 12 à 17 ans qui enfreignent la loi ou de leur remettre seulement une contravention. Nous aurions été en faveur d'une telle disposition nous aussi.
Parmi les pays qui réussissent le mieux à intervenir auprès des toxicomanes et à les aider à s'en sortir, le Portugal se démarque. Si une personne se fait prendre avec de la drogue au Portugal, elle doit rencontrer un médecin, un psychiatre et un avocat ou un juriste. Ils essaient tous ensemble de déterminer pourquoi la personne en question prend des médicaments ou de la drogue et ce qui peut être fait pour l'aider à arrêter, comme une psychothérapie ou une cure de désintoxication. Il faut regarder la situation dans son ensemble.
J'estime aussi qu'il est regrettable que les peuples autochtones n'aient pas été suffisamment consultés. En septembre dernier, lorsque le chef Day et la nation métisse ont témoigné pour la première fois devant le comité, j'ai été très déçue de découvrir qu'ils n'avaient pas été suffisamment consultés. Il était décourageant d'entendre le même message être répété au comité sénatorial: ils n'ont pas été suffisamment consultés et ils veulent pouvoir déterminer si le cannabis devrait être permis ou non dans leurs propres communautés. Apparemment, on leur a précisé que, si la possession de cannabis devient un droit fédéral au titre de la loi fédérale, ils ne pourront pas s'y opposer. Il y a eu une certaine résistance à cet égard relativement à la souveraineté des peuples autochtones. Je pense que la question n'a pas été réglée à leur satisfaction.
Il est inquiétant que le gouvernement continue de précipiter les choses. Il affirme que la relation de nation à nation est la relation la plus importante. Pourtant, il est prêt à jeter de l'huile sur le feu en allant de l'avant avec le projet de loi, bien qu'on lui ait demandé l'inverse.
Quelques-unes des autres questions soulevées au comité qui n'ont pas vraiment obtenu de réponses convenables portent sur un grand nombre de détails liés au paiement des coûts découlant du projet de loi. Les municipalités disent que la mise en oeuvre du projet de loi entraînera des coûts pour elles, mais qu'elles n'ont pas été incluses dans la ventilation des coûts ou les ententes conclues. C'est préoccupant. Des personnes qui consomment actuellement de la marijuana médicinale ont également soulevé des préoccupations. Elles croient comprendre qu'elles devront payer de la taxe sur le produit.
Habituellement, au Canada, les médicaments d'ordonnance ne sont pas assujettis aux taxes. Par conséquent, pourvu que les gens aient une ordonnance d'un médecin pour leur marijuana à des fins médicales, je m'attendrais à ce que le produit ne soit pas assujetti aux taxes. Cependant, ce n'est pas ce que dit le gouvernement. De plus, la mesure législative emploie une terminologie un peu douteuse; on peut y lire que les gens n'auront pas à payer de taxes sur la marijuana à des fins médicales si celles-ci a un numéro d'identification du médicament. Le problème, c'est qu'aucun produit contenant de la marijuana n'a de numéro d'identification, car la marijuana a tant de composantes différentes que les entreprises n'ont pas été en mesure d'investir dans la recherche pour les caractériser ou pour contrôler efficacement leur qualité en vue d'obtenir un numéro de ce genre. De ce fait, il s'agit indéniablement d'une promesse creuse.
Des amendements ont été présentés afin que cette mesure législative soit en harmonie avec la Loi sur le tabac. Je suis favorable à l'idée que les deux soient harmonisées. Cependant, il semble curieux que le gouvernement dépense 80 millions de dollars pour amener les gens à arrêter de fumer et qu'il dépense ensuite 800 millions de dollars pour amener les gens à fumer de la marijuana, surtout que la vient de dire que le gouvernement est au courant des effets néfastes.
Je trouve très intéressant que Santé Canada ait choisi la journée d'aujourd'hui pour retirer de son site Web les renseignements sur les effets néfastes du cannabis. Jusqu'à aujourd'hui, on pouvait consulter ces renseignements sur le site Web de Santé Canada. Quelqu'un a attiré mon attention là-dessus et m'a envoyé des captures d'écran montrant ce qui se trouvait avant sur le site Web et ce qui s'y trouve maintenant. Il est très intéressant de constater que, le jour même où ils souhaitent faire adopter le projet de loi sur le cannabis, les libéraux aient soudainement décidé de retirer du site Web des renseignements qui montrent les effets néfastes du cannabis, non seulement pour les jeunes, mais aussi pour les autres membres de la société.
Je demande donc au gouvernement de ne pas cacher des renseignements. Il devrait plutôt essayer de faire preuve d'ouverture et de transparence, comme il le dit toujours, et remettre les renseignements en question sur le site Web. Toutes les administrations qui ont légalisé la marijuana ont dit que l'une des choses les plus importantes à faire, c'est d'investir dans des campagnes de sensibilisation du public et de cibler non seulement les jeunes, afin qu'ils comprennent les effets néfastes que le cannabis peut avoir sur le développement de leur cerveau, mais aussi les adultes et les parents, qui peuvent avoir une influence sur les jeunes, ainsi que le grand public, pour qu'il soit aussi conscient des enjeux.
Certaines des conséquences imprévues de la légalisation de la marijuana m'inquiètent beaucoup. Je sais que des gens fument déjà de la marijuana au Canada à l'heure actuelle. Toutefois, lorsque ce sera légal, beaucoup d'autres personnes décideront d'essayer cette drogue. Elles ne sont peut-être pas au courant des répercussions de leur geste quand elles franchiront la frontière ou de l'incidence possible de la marijuana sur leur santé mentale ou sur celle de leurs enfants. Ces personnes ne connaissent peut-être pas les répercussions que peut avoir cette drogue sur leur santé. Elles ignorent peut-être les conséquences que leur consommation de cannabis peut avoir sur leur lieu de travail et la façon dont elle touchera leur employeur et les personnes qui travaillent autour d'elles.
Cela dit, je suis farouchement opposée à la légalisation de la marijuana, comme je l'ai mentionné à maintes reprises, non seulement parce que cette drogue est mauvaise pour les gens, mais aussi parce que ce projet de loi comporte beaucoup trop de lacunes, qu'il reste beaucoup de questions sans réponse et qu'il y aura de nombreuses conséquences néfastes imprévues pour les Canadiens, que ce sera au Parti conservateur, lorsqu'il prendra le pouvoir en 2019, de réparer les dégâts que le gouvernement actuel a causés en mettant en oeuvre ce projet de loi de façon précipitée et irresponsable.
Ce projet de loi ne gardera manifestement pas la marijuana hors de la portée des jeunes enfants. Il ne mettra pas le crime organisé hors jeu. Il ne désengorgera pas le système de justice pénale. Il est évident qu'il ne donnera pas accès à un approvisionnement dont la qualité a fait l'objet d'un contrôle.
Le jour de la fête du Canada, on peut s'attendre à ce que beaucoup de gens se pavanent revêtu d'un t-shirt, insultant de façon flagrante les Canadiens qui sont fiers de leur pays et qui ne sont pas d'accord avec cette mesure législative, et beaucoup de Canadiens ne sont pas d'accord avec la législation de la marijuana.
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Madame la Présidente, lorsque j'ai écouté le débat du Sénat au sujet du projet de loi sur le cannabis, le projet de loi , cela m'a rappelé brutalement pourquoi tant de Canadiens ont si peu confiance en cette assemblée non élue qui n'a pas de comptes à rendre. Certes, il est légitime de se demander si une institution capable tomber dans un tel alarmisme, sans raison, et de faire preuve d'une telle ignorance a la légitimité voulue pour bloquer un projet de loi adopté par une majorité écrasante de députés élus démocratiquement.
Fait troublant, dans les heures qui ont précédé le vote final sur le projet de loi , le gouvernement libéral a été forcé d'assermenter en douce deux nouveaux sénateurs pour en assurer l'adoption. Ces nouveaux sénateurs n'étaient pas présents pour la moindre minute de témoignage, de débat ou d'étude du projet de loi. Malgré tout, ils se sont rangés du côté du gouvernement en appuyant le projet de loi. Quel bel exemple de démocratie. Quel bel exemple de second examen objectif.
Il demeure même incertain que les 93 sénateurs, après avoir étudié le projet de loi pendant plus de six mois, comprennent ne serait-ce que les faits les plus élémentaires à propos du cannabis, comme en ce qui concerne les quantités de cannabis. Dans son examen du projet de loi, la sénatrice Nicole Eaton, une conservatrice de l'Ontario, a déclaré:
[...] cinq grammes c’est environ quatre joints. Par conséquent, en d’autres mots, si je suis un étudiant du secondaire — j’ai 16 ans — et que j’ai quatre joints dans ma poche, ce qui est moins que cinq grammes, vous ne me les enlevez pas, et j’ai le droit de les avoir, c’est ça? [...] j’ai le droit d’avoir moins que cinq grammes ou est-ce que j’ai le droit de n’en avoir aucun? C’est ce que je ne comprends pas.
Il y a passablement de choses que la sénatrice ne comprend pas. Précisons que cinq grammes de cannabis suffisent pour confectionner une dizaine de joints. C'est beaucoup plus que quatre.
Compte tenu de ces propos, j'ai été plutôt surpris d'apprendre que les sénatrices Eaton et Frum ont été obligées de s'abstenir lors du vote concernant le projet de loi sur le cannabis parce qu'elles profiteront de la légalisation. La sénatrice Eaton a déclaré être en situation de conflit d'intérêts relativement au projet de loi à cause d'un investissement imminent dans l'industrie du cannabis. Pourtant, jusqu'à ce qu'elle se récuse, la sénatrice Eaton participait activement aux débats du Sénat et aux travaux du comité relativement à la légalisation. Elle a voté contre le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.
La sénatrice Frum, quant à elle, possède une propriété qui sera louée dans le but de vendre du cannabis à usage récréatif. Après avoir indiqué au départ qu'elle s'opposait au projet de loi , elle s'est récusée et s'est abstenue de participer au débat, aux délibérations et au vote sur la question.
Bien qu'il puisse paraître contradictoire de s'opposer publiquement au projet de loi tout en investissant à titre privé dans le secteur du cannabis, à l'approche de la légalisation, ce genre de comportement semble être malheureusement monnaie courante. Un groupe émergent d'entrepreneurs du cannabis, composé de policiers et fonctionnaires qui ont consacré des années à la pénalisation de la drogue a déjà commencé à exiger sa part de ce nouveau marché récréatif.
Voici quelques-unes des personnes connues qui en font partie.
Kim Derry — chef de police adjoint à l'époque où le député actuel de , l'homme de confiance des libéraux en matière de cannabis, était chef de la police de Toronto — est maintenant le conseiller en matière de sécurité de THC Meds Ontario.
L'ancien vice-premier ministre libéral de l'Ontario, George Smitherman, qui a déjà été ministre de la Santé de la province, est également lié à THC Meds Ontario.
L'ancien premier ministre libéral, John Turner, fait partie du conseil d'administration de Muileboom Organics inc.
Chuck Rifici a fondé Tweed Marijuana inc., le premier fournisseur autorisé à être coté en bourse, quand il était directeur des finances du Parti libéral du Canada.
L'ancien chef de police et ministre du Cabinet conservateur, Julian Fantino, qui a déjà comparé le cannabis au meurtre et voté en faveur de peines minimales obligatoires sévères pour les infractions relatives au cannabis quand il faisait partie du Cabinet Harper, s'est lancé dans le marché du cannabis avec l'ancien sous-commissaire de la GRC, Raf Souccar.
Force est de constater qu'il y a parodie de la justice et une hypocrisie de la pire espèce: ceux qui se sont battus le plus fort pour la légalisation pourraient être ceux qui en profitent le moins tandis que ceux qui ont consacré leur vie à faire respecter l'interdiction s'apprêtent à faire partie des conseils d'administration de l'industrie du cannabis.
Les militants pour la légalisation du cannabis qui ont risqué leur liberté, qui ont assumé la responsabilité juridique de leurs actes et qui se sont souvent retrouvés avec un casier judiciaire — non pour avoir commis des actes violents, mais pour avoir incité le Canada à se doter d'une politique sensée sur le cannabis — doivent maintenant supporter ce lourd fardeau. En plus de les exclure du processus, le gouvernement ne leur permet pas de prendre part à l'industrie du cannabis et il ne leur accorde pas de pardon. S'attend-on maintenant à ce qu'ils soient béats d'admiration devant l'élasticité morale et le sens des affaires de leurs anciens détracteurs?
La vérité toute crue, c'est que le projet de loi ne porte pas sur la légalisation de la culture ou de la consommation de cannabis, mais plutôt sur la légalisation de cette industrie même. En fait, il n'est pas vraiment question de légalisation du cannabis, mais plutôt de le rendre moins illégal. Si le projet de loi visait vraiment à légaliser le cannabis, il marquerait la fin de la criminalisation et de la stigmatisation des gens et la fin des mesures prohibitives qui s'avèrent un échec lamentable depuis près de 100 ans. Le projet de loi créera plutôt un cadre pénal très complexe qui, selon les juristes et les chefs de police, entraînera plus d'infractions relatives au cannabis qu'avant la légalisation de celui-ci.
Les occasions de donner un coup de barre pendant l'étude du projet de loi au Parlement n'ont pas manqué. Qu'on me comprenne bien. J'accorde au gouvernement le mérite d'avoir rejeté les amendements les plus préjudiciables proposés par le Sénat et d'avoir accepté plusieurs propositions du NPD, dont celle de légaliser la vente de produits comestibles et de concentrés, quoi que pas avant un an suivant la légalisation. Ce n'est pas justifié, mais c'est le mieux que les libéraux veulent faire. Le gouvernement a aussi accepté de retirer la limite peu judicieuse de 100 centimètres pour les plantes. Hélas, les libéraux ont aussi rejeté plusieurs améliorations essentielles au projet de loi .
J'aimerais prendre quelques minutes pour parler de certains des principaux amendements proposés par le Sénat et de la réponse du gouvernement à ces propositions.
Parlons d'abord de la culture à domicile. À la lumière des conseils du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis, le gouvernement fédéral a proposé de permettre la culture personnelle de cannabis à des fins non médicales, en limitant le nombre de plantes à quatre par ménage. Toutefois, après avoir examiné la proposition d'interdire carrément la culture à domicile, le Sénat a choisi d'amender le projet de loi pour permettre aux gouvernements provinciaux d'interdire la culture à domicile. Ce n'est pas une approche rationnelle ou fondée pour une politique sur le cannabis. Comme le Collège des médecins de famille du Canada l'a dit: « Bannir la culture à domicile va à l’encontre du but de la légalisation qui est de réduire les maux de la criminalisation. »
Les néo-démocrates considèrent que, dans le cadre de la légalisation, la production personnelle de cannabis doit être permise, de la même façon qu'il est permis de produire de l'alcool à la maison, comme de la bière ou du vin. La production à des fins personnelles sera importante pour l'élimination du marché illicite parce que les gens qui veulent en consommer en auront les moyens et que, ainsi, il sera possible d'avoir accès à du cannabis dans les régions où il n'y a pas de boutiques. Pour de nombreux Canadiens, surtout dans les régions rurales, la vente au détail de cannabis ne sera pas accessible, et la culture sera peut-être la seule solution.
Je souligne que, au titre de la décision de la Cour suprême du Canada, les consommateurs de cannabis à usage médical ont le droit d'en faire la culture pour eux-mêmes. Dans certains cas, ils peuvent cultiver huit plants et ils peuvent se servir du permis d'une autre personne afin de cultiver des plants pour elle. Ce serait complètement illogique que, un peu partout au pays, tel foyer dans un quartier puisse cultiver du cannabis, parce que c'est du cannabis à usage médical, mais que tel autre foyer ne puisse pas en cultiver, parce que ce serait du cannabis à usage récréatif. Ce serait complètement injuste. Ce serait une application aberrante de la loi.
Je dirais que les raisons de santé et de sécurité qui ont été invoquées pour interdire la culture à domicile découlent largement des cas de culture intensive clandestine à grande échelle dans des immeubles résidentiels en raison de l'interdiction liée au cannabis. La ventilation inadéquate peut occasionner des problèmes de santé et les raccordements électriques illégaux présentent un risque d'incendie. Cependant, la culture personnelle de quatre plants ne comporte pas plus de risques que n'importe quelle autre plante cultivée dans une maison. Je dirais même que la majorité des Canadiens possèdent au moins quatre plantes dans leur maison. En contribuant à démanteler le marché illicite, la culture à domicile pourrait nous aider à éliminer la culture intensive et clandestine du cannabis.
De plus, je dirais que la plante de cannabis sous sa forme brute n'est pas psychoactive. Selon le professeur de botanique Jonathan Page, de l'Université de la Colombie-Britannique, qui a témoigné devant le comité de la santé, si quiconque, même un enfant, devait manger un bourgeon cru de cannabis, il consommerait surtout les cannabinoïdes sous forme acide, une forme qui n'est pas psychoactive. La plante crue ne peut pas produire un effet. Il faut la cuire ou la chauffer ou encore la fumer pour cela.
Le gouvernement a choisi de rejeter cet amendement sur la base qu'il « est essentiel que la culture personnelle soit permise afin de soutenir l’objectif du gouvernement de déplacer le marché illégal ». Les néo-démocrates du Canada sont d’accord.
En ce qui concerne les limites quant à la puissance, le Sénat a également proposé une limite non définie pour les produits du cannabis. Je pense que les conservateurs appuient cela. Sur ce point, il est important de noter que le Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a rejeté la proposition d'imposer des limites de puissance pour plusieurs raisons. Le groupe de travail estime que si ces produits sont interdits, ils seront encore disponibles sur le marché illicite. Il a également conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de données probantes pour déterminer ce qui constituerait une limite sécuritaire quant à la puissance. Il a aussi souligné l’importance des risques associés à une production illicite de concentrés puissants, et il a appelé le gouvernement à réglementer cela dans un marché licite.
Je tiens à souligner que les producteurs illicites utilisent souvent des solvants inflammables, tels que le butane, pour extraire les cannabinoïdes des plantes, un processus intrinsèquement dangereux qui peut également laisser des résidus cancérigènes dans le produit final. L'innocuité des produits était également source de préoccupation étant donné que le processus d’extraction peut aussi concentrer des contaminants, comme des métaux lourds et d’autres impuretés, en plus du THC.
Le gouvernement a rejeté cet amendement en disant qu'il « s’est déjà engagé à établir des limites relatives au THC par voie de règlement, ce qui offre la flexibilité de faire des ajustements dans le futur sur la base de nouveaux faits probants et de l’innovation en termes de produits ». Nous appuyons la décision de rejeter cet amendement, toutefois les néo-démocrates du Canada estiment que le gouvernement devrait tenir compte de l’avis du groupe de travail dans ce domaine.
En ce qui concerne la commercialisation, le Sénat a proposé de supprimer la disposition du projet de loi qui permettrait à une personne de promouvoir du cannabis, des accessoires connexes ou un service lié au cannabis, par l’affichage d’un élément de marque sur un produit, à condition qu’il ne s’adresse pas aux jeunes et qu’il ne soit pas attrayant pour les jeunes ou associé à une façon de vivre intégrant notamment du prestige, des loisirs, de l’enthousiasme, de la vitalité, du risque ou de l’audace.
Le gouvernement a rejeté l’amendement du Sénat en disant que « la Loi sur le cannabis comprend déjà un ensemble complet de restrictions en ce qui a trait à la promotion ». Les néo-démocrates du Canada sont également d’accord sur ce point.
Il existe déjà des dispositions relatives aux restrictions de promotion sur le cannabis dans le projet de loi , et elles sont encore plus strictes que celles appliquées à l’alcool. Je n’ai besoin de rappeler à personne la tragédie qui s’est produite il y a seulement quelques mois. Une jeune fille du Québec est décédée après avoir consommé beaucoup d’alcool avant de se noyer dans une rivière. Le produit qui était en cause dans ce cas s’adresse définitivement aux jeunes, même aux enfants, et il n’y a pas de restrictions semblables en ce qui concerne l’alcool. La Chambre devrait envisager de se pencher ce problème pour y remédier.
En ce qui concerne le partage par les parents à la maison, tout comme pour l’alcool, le Sénat a proposé de permettre aux parents de donner du cannabis à un membre de la famille d’au moins 17 ans résidant au domicile. Les néo-démocrates pensent qu’il s’agissait d’une proposition logique et que le gouvernement a eu tort de rejeter cet amendement.
Nous permettons déjà cette approche en ce qui concerne l’alcool parce que nous comprenons que les parents peuvent faire confiance au comportement responsable de leurs enfants et qu’ils souhaitent faire des choix positifs pour le bien-être de leur famille. En fait, les néo-démocrates estiment que l’éducation des parents sera un élément clé pour une utilisation du cannabis qui comporte peu de risques, laquelle ne devrait pas être criminalisé. Lorsque le projet de loi sera en vigueur, les parents pourront consommer du cannabis en toute légalité à leur domicile, mais s’ils veulent passer un joint à leur jeune de 17 ans et discuter de consommation responsable de cannabis, ce serait un crime. Nous croyons que ce n’est pas raisonnable.
Le gouvernement a également rejeté la proposition parallèle du Sénat visant à s’assurer que le partage de cannabis entre des personnes qui ont deux ans ou moins de différence d'âge ne soit pas criminalisé, et qu’une infraction liée au cannabis passible d’une peine de prison de moins de six mois ne soit pas utilisée pour la procédure d’expulsion d’une personne sans statut de citoyenneté.
Le gouvernement a justifié son refus en disant que « les sanctions pénales et les conséquences en ce qui concerne l’immigration visent à limiter l’accès des jeunes au cannabis et à décourager les activités criminelles en imposant d’importantes sanctions pénales pour des activités interdites ».
Si la répression et la menace d’emprisonnement ou de déportation pouvaient empêcher les gens de consommer du cannabis, les Canadiens n’en consommeraient pas 655 tonnes métriques par an et nous ne serions pas au deuxième rang mondial pour la consommation de cannabis parmi les jeunes de 16 à 24 ans, et ce dans un contexte de criminalisation et de peines de prison à vie pour le trafic de cannabis.
En comparaison, une seule bouteille d’alcool suffit à tuer un enfant, et pourtant je n’ai jamais eu connaissance d’une peine de prison de 14 ans découlant d’une distribution de bière ou de spiritueux. Cependant, un parent qui partage un joint avec son fils ou sa fille de 17 ans serait un criminel en vertu de ce projet de loi. Un adulte qui possède 31 grammes de cannabis en public serait un criminel. Un jeune qui possède plus de 5 grammes de cannabis serait un criminel. Un jeune homme de 18 ans qui passe un joint à son ami de 17 ans serait un criminel. Un adulte qui fait pousser cinq plants de cannabis serait un criminel.
Ce genre de criminalisation est incompatible avec une politique de justice pénale rationnelle et fondée sur des données probantes. De plus, cela ne servira qu’à diminuer les bénéfices du projet de loi. L’approche prohibitionniste a maintes fois été discréditée en raison de son échec tout au long de l’histoire.
Pendant trop longtemps, nous avons gaspillé des milliards de dollars en ressources dans le système de justice pénale en traitant des citoyens respectueux des lois comme des criminels à un rythme alarmant pour le simple fait de posséder et de consommer du cannabis. En fait, nous le faisons encore. Selon les données les plus récentes disponibles, soit celles de 2016, de Statistique Canada, il y eut environ 55 000 infractions liées au cannabis signalées à la police et 17 733 personnes accusées de possession de cannabis.
Une enquête récente de Vice News a révélée que cette année seulement, les hommes noirs ainsi que les Autochtones, hommes et femmes, sont surreprésentés dans les arrestations liées à la possession de cannabis au Canada depuis que les libéraux ont formé le gouvernement, et pourtant, le projet de loi permettrait de préserver l’approche de criminalisation du cannabis, ainsi que les méfaits du paternalisme de la guerre aux drogues.
Je tiens à préciser que depuis le tout début, les néo-démocrates du Canada ont travaillé dur pour apporter des propositions constructives visant à améliorer le projet de loi. Ces changements comprennent la possibilité d’offrir le pardon aux Canadiens ayant un casier judiciaire pour des infractions qui ne seront plus criminelles avec l’entrée en vigueur du projet de loi . Cet amendement a été jugé hors du champ d’application du projet de loi C-45. Par contre, si l’on se réfère aux déclarations antérieures du , il est choquant de constater que le gouvernement libéral aurait conçu un soi-disant projet de loi sur la légalisation du cannabis sans inclure de possibilité de pardon dans les amendements.
Nous avons proposé de permettre aux gouvernements provinciaux de créer des régimes de licences de production parallèles afin de leur donner la flexibilité nécessaire pour mettre en œuvre la légalisation de la façon la plus appropriée pour leur territoire. Par exemple, cela aurait permis aux provinces de laisser les producteurs artisanaux, les petits producteurs, et les producteurs en plein air faire concurrence aux grandes entreprises ayant une licence fédérale.
Comme mentionné précédemment, nous avons proposé la légalisation des produits comestibles et concentrés, qui sont parmi les moyens plus sûrs de consommer du cannabis et représentent une part croissante du marché. Cela permettrait aux Canadiens et aux entreprises de l’ensemble du pays d’offrir des produits réglementés sûrs au lieu de laisser ce marché aux mains d'organisations illégales.
Nous avons proposé une approche semblable à celle de la Loi sur le tabac en remplaçant les sanctions pénales par une approche réglementaire. Ainsi, les infractions seraient passibles de lourdes amendes plutôt que de sanctions pénales.
Selon l'article 7, le projet de loi vise à « réduire le fardeau sur le système de justice pénale relativement au cannabis ». Les pénalités prévues dans le projet de loi devraient s'accorder avec l'objectif déclaré.
Je suis déçu de la décision du gouvernement de rejeter ces propositions essentielles, mais je suis encouragé par le fait que ce projet de loi prévoit au moins un examen obligatoire du projet de loi qui devra se faire au cours de la prochaine législature. Je vois cela comme aveu tacite du gouvernement que des dispositions de ce projet de loi posent problème et devront être corrigées.
En somme, les néo-démocrates du Canada appuieront cette motion et ce projet de loi parce que nous avons lutté pour mettre fin à l’interdiction depuis la Commission LeDain en 1971. Le projet de loi présenté aujourd’hui est une étape importante, mais il est loin d’être parfait.
Après les dernières élections, les Canadiens s’attendaient à ce que les libéraux produisent rapidement une loi équitable sur le cannabis. À l’heure actuelle, le gouvernement fédéral a laissé la lourde tâche de la légalisation aux administrations provinciales, territoriales, municipales et autochtones. Le projet de loi conduira à l’émergence d’une approche fragmentée sur la légalisation qui exclura les plus anciens militants sur le cannabis, ceux qui ont passé des décennies à peaufiner leur métier et à offrir du cannabis médicinal de renommée mondiale pour les patients partout au Canada.
Certaines provinces ont choisi d’imposer un monopole gouvernemental de vente au détail, d'autres d’exclure les clubs de compassion existants, et d'autres encore font pression pour interdire carrément la culture à domicile. C'est décevant. Il s’agit d’occasions perdues. C’est une trahison de la promesse que les libéraux ont faite aux Canadiens en 2015.
Conçu correctement, un cadre juridique en matière de cannabis peut offrir des avantages impressionnants sur les plans économique, technologique, et médicinal. Les néo-démocrates continueront de travailler pour fournir la meilleure législation sur le cannabis au monde pour les Canadiens.