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Monsieur le Président, j'ai le plaisir d'ouvrir le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada. Ces modifications visent à moderniser la loi et à permettre à Air Canada de suivre plus efficacement l'évolution du marché tout en donnant de l'emploi aux travailleurs du secteur de l'aérospatiale du Canada. Le projet de loi modifie les dispositions de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada portant sur les centres d'entretien et de révision d'Air Canada.
Je rappelle d'abord que le projet de loi est soumis à la Chambre alors qu'Air Canada s'apprête à faire des investissements sans précédent dans le secteur de l'aérospatiale du Canada. Comme les députés le savent, Air Canada a annoncé son intention d'acheter un maximum de 75 appareils C Series de Bombardier et a promis que ces appareils seraient entretenus au Canada pendant au moins 20 ans.
Air Canada compte aussi soutenir la création de centres d'excellence en entretien des appareils au Québec et au Manitoba. La société affirme aussi qu'elle continuera d'effectuer d'importants travaux dans d'autres régions du Canada. Autrement dit, la Chambre est saisie de ce projet de loi à un moment charnière du secteur de l'aérospatiale du Canada: d'une part, Bombardier produit un appareil qui, par son efficacité, ses performances environnementales et son niveau de bruit, révolutionnera le domaine de l'aviation et, d'autre part, Air Canada ajoute ces appareils à sa flotte aérienne, ce qui pourra seulement se traduire par la création d'excellents emplois.
Selon le gouvernement du Québec, à elle seule, l'ouverture du centre d'excellence de Montréal pourrait créer 1 000 emplois sur 15 ans, et la fabrication des appareils C Series d'Air Canada pourrait en créer 300 autres. Air Canada compte aussi soutenir la création de 150 emplois au Manitoba, et ce nombre pourrait s'accroître. Voilà précisément ce à quoi il faut aspirer. Il s'agit d'investissements axés sur le marché qui permettront à Air Canada de mieux servir les Canadiens et d'obtenir de meilleurs résultats en investissant, ici même au Canada, dans la technologie de pointe.
Comme les députés le savent, le procureur général du Québec a intenté des poursuites contre Air Canada après la fermeture d'Aveos Fleet Performance en 2012, accusant le transporteur de ne pas respecter les dispositions de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada. À la suite des investissements d'Air Canada dans l'aérospatiale, notamment la maintenance d'aéronefs, le Québec a depuis annoncé son intention d'abandonner les procédures judiciaires.
Cette décision crée pour nous un contexte favorable à la modernisation de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, adoptée il y a près de 30 ans pour permettre la privatisation de l'entreprise, ce qui s'est fait en 1989. Je me reporte en particulier à l'alinéa 6(1)d), qui oblige la société à prévoir, dans ses clauses de prorogation,
des dispositions l'obligeant à maintenir les centres d’entretien et de révision dans les villes de Winnipeg et Mississauga et dans la Communauté urbaine de Montréal;
Je vais commencer par présenter un bref historique de cette mesure législative. La Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada a été adoptée à un moment où, partout dans le monde, des pays abandonnaient la réglementation rigoureuse et la propriété publique dans certains secteurs, notamment le transport aérien. Le Canada n'a pas fait exception. Le gouvernement a pris diverses mesures pour soutenir la croissance économique, offrir de nouveaux services aux Canadiens et réduire considérablement le fardeau des contribuables. Nous avons déréglementé le transport aérien et ouvert nos principaux aéroports aux intérêts privés. En outre, au moyen de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, nous avons transformé la société d'État en une entreprise privée viable et concurrentielle.
Le secteur du transport aérien a grandement évolué depuis 1989. Il est maintenant courant, pour les transporteurs aériens du monde, d'externaliser la maintenance de leurs appareils et de répartir leur chaîne d'approvisionnement entre différentes zones géographiques par souci d'efficience. Voilà le contexte concurrentiel dans lequel Air Canada fonctionne. D'autres transporteurs aériens, canadiens et étrangers, ne sont pas assujettis aux mêmes obligations en ce qui a trait à leurs installations de maintenance. Cela veut dire qu'ils peuvent chercher à réaliser des gains d'efficience par des moyens auxquels Air Canada ne peut pas recourir.
Air Canada risque de devenir moins concurrentielle. En outre, si la capacité d'Air Canada à réduire ses coûts est limitée par cette loi, cela pourrait faire grimper le prix des billets d'avion pour les Canadiens. En d'autres termes, la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada pourrait limiter la capacité de l'entreprise à être concurrentielle et rentable, ce qui aurait des répercussions sur les voyageurs et l'économie canadienne. Cela ne correspond pas à une approche du transport aérien axée sur la concurrence et les forces du marché comme meilleur moyen d'en donner pour leur argent aux usagers. Air Canada, comme toute entreprise, a besoin de marge de manoeuvre pour rester viable dans le milieu concurrentiel où elle évolue.
Bien sûr que nous étions tous inquiets lorsque Aveos a fermé ses portes en 2012 et qu'il y a eu des licenciements au pays. Certaines divisions d'Aveos ont été acquises dans le cadre d'une mise en faillite et ont été maintenues en service, mais d'autres pas. En raison de la fermeture d'Aveos, Air Canada a cessé de faire faire certains travaux au Canada. Le ministre s'y est opposé, comme un grand nombre de ses collègues. C'est la raison pour laquelle nous sommes si heureux de voir qu'Air Canada investit maintenant dans le secteur de l'entretien d'avions et de l'aérospatiale et, ce faisant, crée des possibilités d'emplois concrètes pour les Canadiens dans ce secteur. C'est précisément le genre de résultats que nous voulons voir.
L'investissement d'Air Canada dans les appareils C Series et son soutien à la création de centres d'excellence au Québec et au Manitoba offrent des possibilités précises aux travailleurs de l'aérospatiale qualifiés durant la phase de fabrication, mais aussi plus tard, pour l'entretien. En présentant cette mesure législative, nous voulons réaliser un juste équilibre.
Nous voulons d'abord qu'Air Canada ait la marge de manoeuvre nécessaire pour organiser ses activités, pour s'ajuster à l'évolution actuelle et future du transport aérien. Parallèlement, nous voulons que la Loi continue d'exiger qu'Air Canada fasse l'entretien de ses avions dans certaines régions canadiennes. Nous maintenons cet engagement dans le projet de loi.
La Loi mentionne actuellement la ville de Winnipeg, celle de Mississauga, ainsi que la communauté urbaine de Montréal. Je souligne que la communauté urbaine de Montréal, qui n'existe plus en tant qu'administration, n'englobait pas toute la région montréalaise. Elle n'incluait pas Mirabel, par exemple. De plus, les activités d'Air Canada s'étendent dans l'ensemble de la région du Grand Toronto, et pas seulement à Mississauga.
Nous avons donc décidé d'élargir la disposition dans le projet de loi afin d'inclure les provinces du Manitoba, de l'Ontario et du Québec, ce qui permet à Air Canada d'étendre ses activités d'entretien aux régions entourant les villes désignées, plutôt que de demeurer strictement dans les limites de ces villes. En outre, le projet de loi préciserait que l'alinéa 6(1)d) de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada oblige Air Canada à s'engager à exercer ou à faire exercer des activités d'entretien d'aéronefs, notamment toute forme d'entretien relatif aux cellules, aux moteurs, aux éléments constitutifs, à l'équipement ou aux pièces, au Manitoba, en Ontario et au Québec.
Cependant, il ne s'agit pas de déterminer le type ou le niveau d'entretien qui sera effectué à chaque endroit ni d'imposer un nombre d'employés. Ainsi, on signalera clairement que nous ne sommes pas en train de dicter aux entreprises privées comment elles devront dorénavant gérer leurs activités. Air Canada sera en mesure d'adapter ses activités selon l'évolution du secteur du transport aérien, comme toute autre entreprise.
Je tiens à rappeler à la Chambre la nature du secteur du transport aérien et la façon dont il a évolué. C'est un secteur véritablement mondial, où de grandes entreprises internationales offrent des services sur de vastes réseaux et exploitent de l'équipement qui coûte extrêmement cher. C'est aussi un secteur cyclique très vulnérable aux perturbations externes. Le réseau de transport aérien constitue un lien essentiel entre les régions de notre vaste territoire, mais aussi entre notre pays et l'étranger. C'est également un très gros employeur. À elle seule, la société Air Canada emploie près de 25 000 personnes.
Le secteur du transport aérien a évolué considérablement depuis les années 1980. Nous avons vu apparaître de nouvelles technologies aériennes importantes, une augmentation colossale du niveau de trafic aérien à l'échelle mondiale, de nouveaux modèles d'affaires et de nouveaux transporteurs. Le secteur a également subi des perturbations majeures, notamment lors de pandémies et de crises économiques ainsi qu'après les attaques terroristes du 11 septembre. Nous ne pouvons qu'imaginer comment se dessinera l'avenir de ce secteur.
Au Canada, les politiques fédérales qui encadrent le secteur du transport aérien favorisent la compétition et permettent aux forces du marché d'agir. Ce secteur n'est pas subventionné. Nous appliquons plutôt aux infrastructures et aux services le principe de l'utilisateur-payeur. Ce n'est pas le cas dans tous les pays.
Depuis sa privatisation, Air Canada est une entreprise privée qui ne bénéficie d'aucune aide de l'État, malgré les périodes difficiles qu'elle a eu à traverser. Même si, avec des partenaires du secteur privé, l'État fédéral a fourni à Air Canada un financement provisoire pour lui permettre de surmonter la pénurie de crédit ayant résulté de la crise financière mondiale de 2009, ce financement lui a été fourni conformément à un contrat commercial. Air Canada a remboursé le capital emprunté avec les intérêts.
Dans le transport aérien et l'aérospatiale, il est essentiel que le Canada reste concurrentiel, mais nous ne pouvons pas nous asseoir sur nos lauriers, car le monde de l'aviation change rapidement.
Je me réjouis particulièrement de voir que notre secteur de l'aviation et notre industrie aérospatiale ont pu unir leurs forces. En effet, Air Canada a annoncé récemment qu'elle achèterait des avions C Series de Bombardier. Elle disposera ainsi d'avions qui constituent la nouvelle norme en aviation et qui lui permettront de diminuer la consommation de carburant et les émissions de gaz à effet de serre tout en réduisant le bruit au minimum.
Ces avions sont conçus, construits et entretenus au Canada, et des emplois bien rémunérés en découlent. Il est difficile d'imaginer un meilleur scénario. C'est le genre d'issue que nous souhaitions lorsque nous nous sommes inquiétés de la fermeture d'Aveos.
Je me réjouis également de voir que Québec et Air Canada s'apprêtent à régler leur litige qui émanait de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada.
Je félicite Air Canada d'avoir mis la main à la pâte pour la création des centres d'excellence qui fourniront des emplois à des travailleurs hautement spécialisés de l'aérospatiale au Manitoba et au Québec.
Dans ce contexte, il est temps aujourd'hui de moderniser la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, de manière à en préciser l'objet. Nous voulons qu'il soit indiqué clairement, dans la loi, qu'Air Canada effectuera la maintenance de ses avions au Manitoba, en Ontario et au Québec. Cependant, comme Air Canada doit se montrer concurrentielle sur un marché mondial en constante évolution, nous devons donner à ce transporteur aérien la latitude nécessaire pour répondre à ces exigences sans nuire à sa compétitivité.
Je crois que le projet de loi nous permet de réaliser cet équilibre. J'espère que les députés se joindront à moi pour appuyer ce projet de loi et que nous le renverrons rapidement au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, où nous pourrons entendre les témoignages des principaux intéressés.
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Monsieur le Président, je suis ravie de prendre la parole au sujet du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et comportant d'autres mesures.
En tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière de transports, j'ai quelques réserves concernant les modifications proposées à la Loi et le moment choisi par le gouvernement pour les présenter.
Revoyons les faits.
Le 3 novembre 2015, la Cour d'appel du Québec, le plus haut tribunal de la province, a confirmé un jugement rendu précédemment par la Cour supérieure du Québec, qui avait conclu qu'Air Canada n'avait pas rempli ses obligations légales prévues par la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada concernant l'entretien lourd de ses aéronefs à Montréal, à Winnipeg et à Mississauga.
Le 11 décembre 2015, Bombardier a officiellement réclamé un appui financier de 1 milliard de dollars américains auprès du gouvernement du Canada. Cette demande a été faite deux mois après que le gouvernement du Québec ait acquis une part de 49 % du programme C Series pour le même montant.
Le 6 février 2016, Republic Airways, qui, jusque-là, avait commandé le plus grand nombre d'appareils de la C Series, s'est placée sous la protection de la loi sur les faillites, a rationalisé ses activités et annulé sa commande de 80 avions C Series.
Dès le lendemain, soit le 17 février, Air Canada a annoncé que des négociations portant sur 45 commandes fermes de CS300 et 30 options avaient été entamées avec Bombardier.
J'en dirai davantage sur cette annonce tout à l'heure.
Compte tenu du fait qu'Air Canada n'avait porté aucun intérêt pendant des années aux aéronefs C Series et que l'entreprise venait tout juste de conclure une entente avec Boeing pour l'acquisition de 61 appareils 737 MAX, cette annonce a surpris à peu près toute l'industrie du transport aérien. Avant l'annonce d'Air Canada, Bombardier n'avait reçu aucune commande ferme depuis près de 17 mois. Il va sans dire que cette transaction a eu lieu à un moment opportun pour le géant de l'aéronautique.
En outre, selon Airways News, une revue professionnelle, il y a 40 % de probabilité que Bombardier obtienne une autre commande pour des aéronefs C Series cette année. Par conséquent, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Air Canada a sauvé le programme C Series de Bombardier.
Parallèlement à cette annonce, Air Canada a annoncé qu'elle effectuerait pendant 20 ans l'entretien lourd des appareils C Series au Québec et qu'elle y créerait un centre d'excellence.
Le jour même où Air Canada a annoncé l'acquisition des aéronefs, le a annoncé qu'il réduirait les obligations d'Air Canada au titre de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada.
Le 8 mars, le a inscrit au Feuilleton le projet de loi dont nous sommes saisis.
Le 14 mars, Air Canada a annoncé que certains des travaux d'entretien effectués actuellement à Mississauga et à Montréal seraient effectués dorénavant à Winnipeg, ce qui donnerait lieu à la création d'environ 150 emplois au Manitoba.
Le 24 mars, le a présenté le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui.
Il est de pratique courante d'inscrire un projet de loi au Feuilleton et de le présenter quelques jours plus tard. Or, aucune raison n'a été donnée afin d'expliquer pourquoi le ministre a mis 16 jours à présenter le projet de loi après son inscription au Feuilleton. Dans la brève justification qu'il a fournie pour la présentation du projet de loi , le a salué la décision d’Air Canada d'acheter les avions C Series ainsi que la décision des gouvernements du Québec et du Manitoba de mettre fin à leur litige contre le transporteur aérien, et il a dit que c'étaient les principales raisons qui l'avaient poussé à présenter cette mesure législative. Il a aussi affirmé que le projet de loi permettrait à Air Canada de mieux soutenir la concurrence dans un secteur de l'aérospatiale en pleine évolution.
Le projet de loi ne devrait rien avoir à voir avec Bombardier. Malheureusement, il semble avoir tout à voir avec elle. Si cette mesure législative fait partie du plan du gouvernement pour appuyer Bombardier, il devrait l'admettre.
Examinons plus attentivement la justification fournie, en commençant par l'achat d'avions C Series par Air Canada.
Tel qu'il a été mentionné, Air Canada a signé une lettre d'intention pour acheter ces avions le 17 février dernier, au terme de deux années de négociations. Aucune somme n'a été versée, et il faudra attendre plusieurs années pour que cela se produise.
Ni Bombardier ni Air Canada n'ont annoncé le prix dont elles ont convenu pour les appareils C Series. On l'estime cependant à moins de 30 millions de dollars l'unité, ce qui est bien en deçà du seuil permettant à Bombardier d'atteindre la rentabilité.
En supposant que la lettre d'intention d'Air Canada se traduise par des commandes au terme des deux années de négociations, les appareils ne lui seront livrés qu'au début 2020, c'est-à-dire après la date de livraison des Boeing 737 Max. Et encore, il faut pour cela que la production ne prenne aucun retard.
Je signale par ailleurs que, dans leur configuration à deux cabines, les appareils à fuselage étroit de type 200 et 300 de la série 737 Max de Boeing dont Air Canada fera l'acquisition comptent de 160 à 180 places, selon l'aménagement choisi, c'est-à-dire 20 places de plus que la C Series.
Même si je suis persuadée que tout le monde ici présent se réjouit de savoir que la plus grosse compagnie aérienne du pays puisse commander un nombre appréciable d'appareils Bombardier, qu'on se le dise: aucun député ne rentrera dans sa circonscription à la prochaine relâche à bord d'un de ces appareils.
Comme c'est la norme dans l'industrie, Bombardier ne se fera payer par Air Canada qu'une fois que les avions auront été livrés, c'est-à-dire dans de nombreuses années. Qui plus est, comme pour toutes les commandes de grande envergure, il faut prendre le temps de bien faire les choses, et les deux parties peuvent se retirer des négociations en tout temps.
Voici ce à quoi le gouvernement du Québec a donné son accord. Il s'agit d'un extrait du communiqué de presse publié par Air Canada:
Sous réserve de la conclusion d'ententes définitives [...]
Il s'agit là d'une réserve cruciale, « la conclusion d'ententes définitives ».
[...] le gouvernement du Québec a accepté d'abandonner les procédures judiciaires relatives à l'obligation d'Air Canada de maintenir un centre d'entretien et de révision après qu'elle a convenu de collaborer avec la province à l'établissement d'un centre d'excellence pour les travaux de révision et d'entretien lourd des cellules des appareils CSeries au Québec.
Le gouvernement du Québec n'a pas mis fin au litige. Il l'a temporairement suspendu pendant que les deux parties négocient un règlement. Tant qu'Air Canada n'aura pas conclu l'achat avec Bombardier, pris possession de son premier appareil C Series et commencé les travaux de maintenance, l'entente avec le gouvernement du Québec ne peut être considérée comme définitive.
Le Manitoba, qui était initialement partie au litige du Québec, a accepté de cesser toute action judiciaire à condition qu'Air Canada transfère quelque 150 emplois dans la province. Les emplois en question iront à Winnipeg en 2017.
Je fais remarquer qu'avant qu'Aveos déclare faillite, Winnipeg comptait environ 400 emplois dans la maintenance lourde. Air Canada propose d'en rétablir 40 %.
Il est clair qu'aux termes des dispositions du projet de loi , si Air Canada décide finalement de ne pas acheter d'appareils C Series, soit en raison d'une évolution de la demande en transport aérien, soit parce que la C Series ne respecte pas les garanties d'exécution, les gouvernements du Québec et du Manitoba n'auront aucun recours juridique parce que la loi aura changé.
Si les gouvernements du Québec et du Manitoba sont bel et bien satisfaits de l'engagement d'Air Canada à créer et à conserver des emplois dans les deux provinces respectives, il n'est pas nécessaire d'agir aussi rapidement pour modifier les dispositions de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, car il n'y aurait aucune autre poursuite judiciaire à venir.
Enfin, le ministre présente l'argument que ce changement permettrait à Air Canada d'être plus concurrentielle. La modification que le ministre propose dans le projet de loi permettrait effectivement à Air Canada de déplacer une partie de ses travaux de maintenance dans des endroits où, vraisemblablement, le coût de la main-d'oeuvre est inférieur, permettant à Air Canada de réaliser des économies.
Lorsqu'il a abordé le point de la capacité de concurrencer d'Air Canada, le ministre n'a pas fourni d'estimation de l'avantage financier que cette modification de la loi procurera à Air Canada, pas même pour l'année prochaine. Peut-être que cette information fera surface dans le débat d'aujourd'hui.
Ce qui est encore plus curieux, c'est que, dans le mémoire qu'elle a soumis pour l'examen de la Loi sur les transports au Canada, un document long et détaillé disponible en ligne, Air Canada ne mentionne pas une seule fois la maintenance des avions comme source de préoccupation financière.
Le lieu où Air Canada effectue la maintenance et la révision de ses appareils n'est devenu une préoccupation majeure qu'une fois que le transporteur a perdu deux fois en cour à ce propos.
Dans le même mémoire public, Air Canada, ainsi que pratiquement tous les principaux intervenants du secteur aérospatial au Canada, cite le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, la croissance rapide des frais d'amélioration aéroportuaire, les taxes sur le carburant aviation, le besoin de processus douaniers simplifiés, et le loyer aéroportuaire élevé collecté par le gouvernement fédéral comme obstacles majeurs à une croissance soutenue du secteur de l'aviation au Canada, en particulier relativement aux compétiteurs américains.
Si le gouvernement voulait prendre des mesures qui stimuleraient le secteur aérospatial canadien dans son intégralité, y compris Air Canada, il aurait pu choisir d'intervenir à l'égard de n'importe lequel des obstacles que je viens de mentionner. Je ferai également remarquer que toutes ces mesures jouissent d'un appui quasi universel dans le secteur de l'aviation et n'entraîneraient pas de perte d'emplois au Canada. Toutefois, le ministre demeure, à ce jour, muet par rapport à chacune d'elles.
Le Parti conservateur croit qu'Air Canada doit être une entreprise du secteur privé non financée par les contribuables, qui assure aux Canadiens un accès fiable au transport par avion. C'était l'intention initiale de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada lorsqu'elle a été présentée en 1988. La Loi établissait des conditions claires pour veiller à ce que le soutien offert par le gouvernement à Air Canada afin d'en faire une société d'État rentable ne soit pas perdu. Nous apprendrons à bien connaître ces conditions au fil du débat, mais je vais prendre le temps de les énumérer. Air Canada est visée par la Loi sur les langues officielles. Son siège social est à Montréal. Soixante-quinze pour cent de ses actions avec droit de vote doivent être détenues par des Canadiens. Enfin, ce qui est le plus important pour le débat, c'est qu'Air Canada doit « maintenir les centres d’entretien et de révision dans les villes de Winnipeg et Mississauga et dans la Communauté urbaine de Montréal ».
Aujourd'hui, Air Canada est la plus grande compagnie aérienne du pays et est un joueur international d'importance dans le secteur grâce à l'appui des contribuables dont elle a bénéficié au fil des années.
Après sa privatisation en 1988, Air Canada a hérité d'une flotte de 109 avions.
Les principaux aéroports canadiens desservis par Air Canada à ses débuts ont tous été construits grâce à l'appui financier du gouvernement du Canada et des contribuables. Aujourd'hui, Air Canada est le plus important locataire de presque tous les principaux aéroports du pays, à l'exception de l'aéroport de Calgary et de l'aéroport Billy Bishop de Toronto. Cette situation permet à Air Canada d'exercer une grande influence sur les opérations de chaque aéroport et d'avoir accès aux meilleurs créneaux d'atterrissage, dans les aéroports où les créneaux sont contrôlés, comme l'aéroport Pearson. Air Canada détient aussi des éléments d'actif incorporel, comme des créneaux d'atterrissage dans certains des aéroports où les créneaux sont les plus contrôlés au monde, comme l'aéroport Heathrow de Londres, l'aéroport Reagan de Washington et l'aéroport La Guardia de New York. Plus tôt cette année, Air France a vendu deux de ses créneaux d'atterrissage à l'aéroport Heathrow de Londres pour 75 millions de dollars. Pour mettre les choses en perspective, il faut savoir qu'Air Canada possède 150 créneaux hebdomadaires à cet aéroport.
En 2012, Air Canada a aussi profité d'une loi de retour au travail, qui a été adoptée en raison de l'importance de ce transporteur aérien pour l'économie du pays. Je tiens à souligner que le Parti libéral et l'ancien député de ont alors voté contre cette mesure législative.
Le Parti conservateur appuie l'idée de faire en sorte qu'Air Canada puisse davantage soutenir la concurrence des autres transporteurs aériens. Toutefois, comme je l'ai fait remarquer plus tôt dans mon discours, le ministre n'a pas réussi à prouver que cela est réalisable et, de surcroît, il a fait fi de mesures que le gouvernement pourrait prendre pour atteindre cet objectif sans causer de pertes d'emplois au Canada.
Nous savons qu'Air Canada appuie ces mesures, car c'est ce qu'elle a dit dans le mémoire exhaustif qu'elle a présenté lors de l'examen de la Loi sur les transports au Canada. Par conséquent, la question demeure: pourquoi le ministre a-t-il décidé de modifier cette loi sans profiter de l'occasion pour adopter d'autres mesures proposées par Air Canada dans son mémoire? Le projet de loi et le ne tiennent pas compte de ces mesures. Selon moi, c'est là la plus grande lacune du projet de loi et c'est aussi la raison pour laquelle le Parti conservateur ne peut pas l'appuyer.
Pour terminer, je dirai que nous ne savons pas exactement à quel point ces modifications législatives seront avantageuses pour Air Canada, mais nous savons par contre qu'elles permettront au transporteur aérien de délocaliser des milliers d'emplois canadiens dans d'autres pays. Nous savons aussi que le gouvernement rate une belle occasion de rendre la société Air Canada plus concurrentielle par rapport aux transporteurs des États-Unis et des autres pays.
J'espère que tous les députés en tiendront compte pour la suite du débat sur le projet de loi .
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Monsieur le Président, avant de commencer, j'aimerais remercier quelques-uns de mes collègues qui ont travaillé à ce dossier. Après tout, il s'agit d'un travail d'équipe.
[Traduction]
J'aimerais évidemment remercier mes collègues: la députée d', notre porte-parole en matière de transports, et le député de , notre porte-parole en matière d'innovation, de sciences et de développement économique. Ces deux députés ont aussi travaillé très fort dans ce dossier.
[Français]
Je remercie également mon collègue de . Étant un député de Montréal, il représente une bonne partie des travailleurs touchés par ce changement. Je remercie aussi mon collègue d'. Puisqu'il représente une circonscription de la région de Winnipeg, il est aussi témoin des conséquences des décisions prises ici.
Ce dossier me touche moi aussi. Je le dis avec un sourire en coin, car mon collègue de et moi avons souvent discuté de l'importance de l'industrie aéronautique au Québec, notamment. Je viens de la banlieue de la grande région de Montréal, où il y a des travailleurs et des machinistes de diverses industries qui travaillent fort, notamment chez Air Canada. Ce projet de loi aura donc de grandes conséquences chez moi. C'est pourquoi je suis très heureux de faire part à la Chambre de la position du NPD dans ce dossier.
D'abord, il faut dénoncer le manque de rigueur du gouvernement dans tous les dossiers touchant l'industrie aéronautique. Depuis que le gouvernement a été assermenté en novembre, il ne semble faire que de l'improvisation. Puisque les libéraux disent reconnaître l'importance de l'aérospatiale au Canada, et plus particulièrement au Québec, il me semble qu'ils devraient avoir un plan. Cela va de soi. Au cours de la campagne électorale, les libéraux n'ont cessé de répéter qu'ils avaient un plan. Or ils ne semblent pas en avoir un pour cette industrie, et plusieurs problèmes en font état.
Tout d'abord, en ce qui concerne Bombardier, on a demandé au ministre, le jour de son assermentation, ce qu'il comptait faire dans ce dossier. Je ne m'attendais pas à recevoir une réponse le jour de son assermentation, bien sûr. Cependant, plusieurs mois plus tard, les libéraux n'arrêtent pas de nous dire que des évaluations sont en cours et qu'ils ont déposé un budget. Nous n'avons toujours pas de nouvelles et ils nous demandent de leur faire confiance. Plutôt que de dire « just watch me » comme son père, le dit « just trust me ». Le problème, c'est qu'on ne lui fait pas tellement confiance jusqu'à présent.
Le dossier de Bombardier est intimement lié au dossier que nous étudions aujourd'hui, c'est-à-dire la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. En effet, le se serre du dossier de Bombardier et de la promesse d'Air Canada d'acheter des avions de Bombardier comme d'une excuse pour changer la loi, dire que c'est une bonne entente et leur donner carte blanche pour décider de la façon dont ils vont protéger les emplois ici, au Canada.
Comme mon collègue l'a si bien dit, le problème, c'est que le projet de loi change la loi actuelle en nous demandant de faire confiance à Air Canada afin qu'elle respecte ses obligations. En ce moment, ce sont des obligations légales, mais si le projet de loi est adopté, ce ne sera plus le cas.
Alors, nous nous demandons sérieusement si nous ne sommes pas en train de voir un retour d'ascenseur. Le semble vouloir remercier Air Canada d'avoir acheté des avions de Bombardier, délestant ainsi le gouvernement de cette patate chaude. Cela lui donne une bonne nouvelle à annoncer lors des questions orales, lorsqu'on lui pose une question concernant Aveos ou Bombardier. Il peut dire à quel point il a trouvé cela plaisant de s'asseoir dans l'un de ces avions. De plus, cela lui évite d'avoir à défendre son collègue le , qui reste incapable de nous dire quand une décision sera rendue concernant le dossier de Bombardier.
Je ne prétends pas connaître la pensée des députés du gouvernement, mais les faits ne nous rassurent pas, ni concernant le gouvernement ni concernant l'avenir des emplois d'entretien des appareils d'Air Canada supposément protégés par la loi.
Avant de poursuivre, il est important de faire une mise en contexte afin de comprendre l'historique de cet enjeu.
On se souvient qu'en 2012, la compagnie Aveos a annoncé qu'elle allait faire faillite. Bien entendu, les syndicats — donc les machinistes — et le gouvernement du Québec ont poursuivi Air Canada, l'accusant de ne pas respecter ses obligations en vertu de la loi. En effet, on a vu presque 3 000 emplois perdus à la suite de ces nouvelles.
À l'époque, nous avons posé plusieurs questions au gouvernement conservateur. Malheureusement, nous n'avons jamais eu de réponse. Nous voulions savoir ce que les conservateurs allaient faire pour assurer le respect de la loi. Bien entendu, comme d'habitude, on nous a fourni toutes sortes d'excuses sur les réalités du marché, sans mentionner qu'il s'agissait de la loi. C'étaient des obligations légales. On n'a pas été en mesure de nous donner des explications.
Nous avons maintenant un nouveau gouvernement. Par conséquent, ce qui est important et ce qui nous concerne aujourd'hui, c'était les questions des libéraux à l'époque. Ils se sont montrés tellement indignés que l'actuel lui-même — qui, rappelons-le, est un député de Montréal — s'est présenté à Montréal, avec les travailleurs qui manifestaient et il a lui-même manifesté. Comme mon collègue d' l'a si bien dit hier, il n'avait pas honte de chanter Kumbaya, de lancer des So-so-so-solidarité et de scander toutes sortes de slogans avec les manifestants.
Après tout, on a souvent dit que les conservateurs sont venus changer Ottawa et Ottawa les a changés. Maintenant, voit que c'est le même concept avec les libéraux. Les libéraux sont venus changer Ottawa et Ottawa les a changés. En fait, je dirais que les libéraux n'ont pas changé. Ce sont les mêmes libéraux qu'on connaissait auparavant. Lorsqu'ils étaient dans l'opposition, ils essayaient de nous dire une chose, ils allaient manifester avec des travailleurs, mais ensuite, ils bafouent la loi en la changeant pour rendre légal ce qui est illégal aujourd'hui, ce qui sera illégal demain, et ce qui sera illégal jusqu'à l'adoption de ce projet de loi. C'est absolument honteux. C'est disgracieux et indigne. C'est surtout indigne parce qu'on a beaucoup promis de faire les choses différemment. Malheureusement, ce n'est pas ce qu'on constate aujourd'hui.
J'aimerais continuer avec la mise en contexte. Après 2012, on a vu la situation évoluée. Avec l'achat des C Series de Bombardier, ou tout du moins la promesse d'achat — parce que ce n'est pas chose faite pour le moment —, on a vu le gouvernement du Québec mettre fin au litige. C'était un geste normal à poser, le temps qu'une entente se dessine. Entretemps, on voit que le gouvernement, encore là, profite des circonstances pour apporter des changements.
À l'époque, le a donné une justification. J'ai dit « à l'époque », comme si cela faisait très longtemps, c'est parce que les promesses rompues donnent l'impression que le temps file. Donc, il y a quelques mois, le ministre des Transports nous a dit que c'était pour accorder plus de souplesse. Quand j'entends cela, je comprends en fait qu'on donne l'occasion à Air Canada de bafouer la loi, mais sans dire que la compagnie bafoue la loi. On lui donne simplement l'occasion de le faire dans un contexte légal; on lui exprime la certitude qu'elle peut poser des gestes qu'elle n'a pas le droit de faire aujourd'hui.
Il y a un point important à soulever. En effet, j'ai entendu plusieurs collègues libéraux dire la même chose. J'ai même entendu un député libéral mettre en doute notre confiance envers les travailleurs canadiens et notre capacité industrielle au Canada. J'aimerais lui citer quelques chiffres qui sont importants dans le contexte. Le premier chiffre concerne l'exportation des chaînes d'approvisionnement vers l'Asie-Pacifique . De 2003 à 2013, on a vu une croissance rapide de 190 % des exportations des chaînes d'approvisionnement. Ce sont donc des emplois qui sont perdus ici, chez nous. Ce sont des emplois qui vont ailleurs. Près de 20 % de la croissance globale de la valeur des exportations, c'est en train de se passer ici, en allant vers l'Asie-Pacifique.
Alors on peut constater que de plus en plus de compagnies aéronautiques vont chercher leurs services en Asie et dans d'autres pays. On réalise qu'ici, les emplois sont rendus précaires dans ces industries. C'est donc là l'importance d'avoir une loi pour les protéger. En effet, on ne doute pas des compétences des travailleurs ni de la qualité de notre industrie. On doute du fait que les forces du marché actuel ne protégeront pas ces emplois. Après tout, ce sont des emplois de qualité, avec de bonnes conditions de travail, des pensions et des revenus garantis. C'est tellement facile pour les grandes compagnies d'exporter ces emplois là où cela coûte moins cher. Or cela se fait au détriment des gens que nous représentons. C'est exactement pour cela que nous avions adopté la loi à l'époque, parce qu'il faut le dire franchement, Air Canada a bénéficié de l'argent de ces mêmes contribuables qui vont aujourd'hui perdre leurs emplois.
Encore une fois, comme l'a si bien dit un de mes collègues dans une de ses questions, au cours des dernières années, dans des cas comme la baisse du taux d'imposition pour les grandes entreprises, par exemple, on a souvent vu des compagnies promettre un retour d'ascenseur et de garder les emplois ici. Cela ne s'est malheureusement pas concrétisé.
J'ai d'autres choses à dire, mais la période des questions va commencer. Je serai heureux de reprendre mon discours par la suite.