:
Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour faire suite à ce qu'a dit ma collègue, la , quand elle a présenté le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel concernant l'aide médicale à mourir.
Nous tenons un débat historique sur une question d'une importance capitale pour le Canada et pour tous les citoyens. Faire avancer ce dossier et mettre en place un cadre législatif permettant l'aide médicale à mourir est une grave responsabilité. Pour tous les Canadiens, il s'agit d'une question extrêmement personnelle.
[Français]
L'approche de la fin de vie a des répercussions sur beaucoup d'autres personnes que le mourant, dont sa famille, sa communauté et son employeur, de même que les gens qui travaillent dans notre réseau de services sociaux et notre système de santé, ceux sur qui nous nous appuyons dans les moments difficiles.
Pour bien des gens, la mort est un sujet difficile à aborder. Les conversations sur la mort sont difficiles à avoir, que ce soit avec un membre de la famille, ou en particulier avec un fournisseur de soins de santé. Cette difficulté existe des deux côtés de la conversation.
[Traduction]
Le gouvernement a étudié ce dossier en profondeur.
Au cours des 30 dernières années, j'ai parlé ouvertement et franchement de la mort avec, peut-être bien, des centaines de patients en fin de vie. Chaque fois, mes patients m'ont enseigné des choses importantes, sur la bienveillance et la compassion, sur la peur et l'anxiété, sur la nécessité de soutenir les gens lorsque la guérison n'est plus possible.
En côtoyant mes patients dans les derniers mois et les dernières semaines de leur vie, j'ai appris que chaque personne et que chaque situation est unique. Les patients ont toutefois beaucoup de choses en commun: l'espoir de mourir sereinement, la volonté d'être respectés, le souhait que leur autonomie et leur dignité soient respectées par leur famille et le personnel soignant.
Mon expérience me confirme aussi que nous devons respecter les principes sur lesquels se fondent les soins palliatifs ainsi que le droit des patients à prendre leurs propres décisions sur les soins qu'ils souhaitent recevoir quand la fin de leur vie approche.
Le 6 février 2015, la Cour suprême du Canada a établi que les dispositions du Code criminel interdisant l'aide médicale à mourir étaient inconstitutionnelles. Le gouvernement fédéral a eu un an pour établir les paramètres nationaux qui encadreront la mise en application de cette décision.
Le 15 janvier dernier, la Cour suprême nous a accordé un sursis de quatre mois. Le gouvernement a donc jusqu'au 6 juin pour élaborer un cadre législatif et le faire adopter par le Parlement.
La décision de la Cour suprême a marqué un tournant dans un important débat qui durait depuis longtemps sur le droit des Canadiens de recevoir de l'aide médicale à mourir. Toutefois, il faut maintenant étudier soigneusement plusieurs questions: comment l'aide sera offerte dans la pratique, pour qui et par qui.
Comme parlementaires, nous avons entendu des Canadiens sur cette question au gré de nombreux entretiens avec nos électeurs et grâce au travail acharné du comité parlementaire mixte. Des centaines d'experts et d'organismes, du Canada et d'ailleurs, ont apporté une énorme contribution à notre compréhension de ce sujet très difficile. Un grand nombre d'entre eux ont parlé avec passion de leur travail en première ligne aux soins palliatifs, que ce soit dans les hôpitaux ou dans la collectivité, et aux soins en fin de vie. D'autres ont parlé de leur expérience personnelle avec un être cher et du besoin d'alléger leur douleur physique et émotionnelle.
Le gouvernement est reconnaissant au Comité externe de l'affaire Carter de même qu'au Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir pour leurs travaux.
Nous avons également bénéficié des travaux entrepris dans les provinces et les territoires à ce chapitre, y compris les recommandations du groupe consultatif d'experts sur l'aide médicale à mourir.
[Français]
Nous sommes reconnaissants envers les députés qui ont fait part de leurs observations judicieuses, réfléchies et variées au cours des derniers mois, et même des dernières années.
Notre gouvernement a été à l'écoute et le projet de loi que nous déposons est le fruit de leurs efforts ainsi que de leur sagesse et de leur expérience collectives.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous prenons des mesures décisives. Je pense que c'est une bonne nouvelle pour les Canadiens, y compris ceux qui doivent faire ce choix personnel très difficile, leur famille et ceux qui leur fournissent des soins. Tous ces gens s'intéressent très attentivement à ce projet de loi.
Le projet de loi accorderait aux personnes qui le souhaitent la possibilité d'obtenir de l'aide médicale à mourir, conformément à la décision de la Cour suprême du Canada. Le projet de loi est le résultat de l'étude attentive de plusieurs principes qui doivent guider le gouvernement, y compris l'autonomie personnelle que nous voulons favoriser, l'accès aux services de santé et la protection essentielle des personnes vulnérables, individuellement et collectivement, contre la contrainte et le manque de respect.
Le projet de loi prévoit que, dans certaines circonstances et à certaines conditions, certains fournisseurs de services de santé seraient à l'abri des poursuites en vertu du Code criminel, de manière à pouvoir fournir à une personne de l'aide médicale à mourir ou porter assistance à ceux qui fournissent cette aide.
Le projet de loi définit clairement les critères à respecter pour qu'une personne soit admissible. Des mesures de sauvegarde nous permettent de nous assurer que les critères en question sont bel et bien respectés et que la demande est faite volontairement. Cette condition a une importance cruciale pour protéger les populations vulnérables et, bien franchement, pour veiller à ce qu'une personne qui demande de l'aide médicale à mourir le fasse après avoir mûrement réfléchi sa décision.
Nous voulons aussi jeter les bases d'un régime de surveillance de l'aide médicale à mourir qui nous permettra de surveiller la pratique de cette aide au Canada.
[Français]
Avec ce projet de loi, nous montrons la détermination de notre gouvernement à appuyer l'autonomie des patients qui approchent la fin de leur vie, tout en protégeant les personnes les plus vulnérables de notre société.
[Traduction]
Comme il a beaucoup été question de l'exercice de la liberté de conscience par les fournisseurs de services de santé, je tiens à souligner que le projet de loi n'oblige aucun professionnel de la santé à fournir de l'aide médicale à mourir. Les professionnels de la santé auront le droit d'agir comme le leur dicte leur conscience.
Cependant, nous devons aussi respecter le droit d'obtenir une telle aide en veillant à ce que ceux qui sont prêts à la fournir puissent le faire sans s'exposer à des poursuites pénales. Selon le projet de loi , certains fournisseurs de services de santé, comme les médecins et les infirmiers praticiens autorisés, seraient à l'abri de telles poursuites.
[Français]
Puisque les infirmières et les infirmiers praticiens sont autorisés à offrir bon nombre des mêmes services offerts, par exemple, par les médecins de famille — ce qui signifie qu'ils peuvent procéder à des examens, poser des diagnostics et traiter des patients —, ils seraient eux aussi à l'abri des poursuites criminelles.
[Traduction]
C'est essentiel, car les infirmières et infirmiers praticiens sont souvent seuls lorsqu'ils fournissent des soins de santé dans les régions mal desservies, comme les régions rurales et isolées du Canada. D'autres fournisseurs, comme les pharmaciens, les infirmières et infirmiers autorisés et les médecins susceptibles de fournir l'aide, seraient également à l'abri des poursuites criminelles.
Par conséquent, je peux garantir que les travailleurs de la santé qui fourniront ou aideront à fournir l'aide médicale à mourir n'auront aucune raison de craindre les poursuites criminelles, à condition qu'ils respectent les mesures de protection adéquates.
[Français]
Pendant les consultations qui ont mené à l'élaboration du présent projet de loi, nous avons constaté qu'il existe chez les Canadiens un fort consensus sur la nécessité de recueillir des données normalisées sur la pratique de l'aide médicale à mourir.
En plus de prévoir des modifications au Code criminel, ce projet de loi donne au les pouvoirs dont elle a besoin pour mettre en place des règlements en ce qui concerne l'information à recueillir, l'utilisation et la protection de cette information, ainsi que les processus de collecte et de production de rapports.
[Traduction]
Nous convenons qu'il est essentiel de mettre en place un système de surveillance solide et transparent sur la pratique de l'aide médicale à mourir, et que les analyses et les tendances doivent être régulièrement rendues publiques. Le gouvernement du Canada et les Canadiens doivent en savoir le plus possible sur le fonctionnement concret du système afin que nous puissions répondre aux préoccupations qui pourraient être soulevées.
À cette fin, le projet de loi engage le gouvernement fédéral à travailler avec les provinces et les territoires à l'élaboration d'un système de surveillance pancanadien. Le système nous permettra de recueillir et d'analyser des données, de surveiller les tendances et de formuler des recommandations pour de possibles modifications de la loi et des politiques.
Nous ne partons pas de zéro. Des systèmes de surveillance obligatoires sont en place dans d'autres pays qui ont légalisé l'aide médicale à mourir afin d'assurer la surveillance et la présentation de rapports publics chaque année.
[Français]
Nous pouvons examiner ces exemples afin de nous aider à déterminer ce qui convient pour le Canada. Nous pouvons également regarder plus près de nous, au Québec, où un système de surveillance a récemment été mis en place.
[Traduction]
Il faudra du temps pour établir un solide système pancanadien de concert avec les provinces, les territoires et les intervenants, et nous savons qu'il faut obtenir ces renseignements dès que possible.
Du point de vue de la santé, je pense qu'il est très important de chercher à offrir des soins de santé uniformes à tous les Canadiens, quel que soit l'endroit où ils vivent. Les Canadiens et les intervenants s'attendent à ce qu'on établisse une approche pancanadienne, et c'est ce qu'ils souhaitent. Ils ne veulent pas d'un ensemble de mesures hétéroclites, qui donne lieu, selon eux, à des différences importantes entre les collectivités, les provinces ou les territoires en ce qui concerne la qualité et la disponibilité des soins.
Nous sommes déterminés à ce que tous les Canadiens puissent avoir accès aux soins de santé nécessaires sur le plan médical, au moment où ils en ont besoin; c'est l'une des valeurs fondamentales du Canada. Il est question ici des principes qui sous-tendent notre système de soins de santé, en l'occurrence l'universalité, l'accessibilité et l'intégralité; ce sont des principes essentiels.
Le projet de loi contient des mesures de sauvegarde et des critères d'admissibilité bien définis, qui aideront sans aucun doute le gouvernement à atteindre son objectif, c'est-à-dire mettre en oeuvre un cadre uniforme en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Même si nous confierons certains aspects de la mise en oeuvre aux provinces, aux territoires et aux organismes de réglementation du secteur médical, nous nous fonderons tous sur le même cadre juridique et sur le même cadre d'accès.
Mes homologues partout au pays veulent que le gouvernement fasse preuve de leadership et propose une approche uniforme pour tous les Canadiens. Je suis heureuse de souligner que le projet de loi que nous proposons répond à cette attente.
Nous ne devons absolument pas agir précipitamment pour ce qui est des mesures complémentaires, car plusieurs aspects sont particulièrement complexes. D'ailleurs, le projet de loi que nous proposons prévoit l'adoption d'une approche prudente, dans le cadre de laquelle nous demanderons d'autres avis, comme l'a proposé le comité mixte spécial.
[Français]
Toutefois, nous reconnaissons aussi qu'il y a une différence entre la décision d'accepter ou de refuser un traitement et celle visant à demander l'accélération de sa propre mort. Une norme plus élevée devrait être requise dans ce dernier cas.
Le projet de loi établit l'âge de 18 ans comme l'une des conditions d'admissibilité à l'aide médicale à mourir.
[Traduction]
Il y a également la question tout aussi sinon plus épineuse des directives préalables. Celles-ci servent d'instructions quant aux traitements voulus par le patient lorsqu'il sera devenu incapable de communiquer.
De nombreux Canadiens s'inquiètent de la perspective que l'on autorise les demandes d'aide à mourir qui figurent dans de telles directives. Par ailleurs, d'autres tiennent absolument à pouvoir exprimer leur volonté à cet égard en prévision d'une éventuelle inaptitude à présenter une telle demande, ce qui arrive dans le cas de maladies progressivement débilitantes comme la démence.
La question est difficile pour beaucoup de particuliers, de membres de la famille et de fournisseurs de soins de santé. Tout comme il n'est jamais facile de parler de la mort et de ses derniers jours, il l'est parfois encore moins de prédire les souhaits d'un particulier ou encore les circonstances avec lesquelles on devra composer, surtout dans un avenir lointain.
Beaucoup de gens sont également perturbés par la perspective que des patients atteints de troubles psychiatriques puissent être admissibles à l'aide à mourir lorsqu'ils éprouvent seulement des souffrances psychologiques. Sur ce plan, les tenants de points de vue opposés ont des positions bien arrêtées. C'est pourquoi nous devions nous montrer très prudents lorsque nous rédigions la loi encadrant l'aide médicale à mourir, et pourquoi nous sommes résolus à commander des études indépendantes sondant encore plus profondément les questions difficiles que sont les mineurs matures, les directives préalables et la maladie mentale.
Au terme d'une période d'étude et de réflexion approfondies, nous serons mieux disposés à déterminer la mesure dans laquelle ces questions conviennent au cadre canadien régissant l'aide médicale à mourir.
[Français]
Je crois que la plupart des Canadiens seront d'accord sur cette approche.
[Traduction]
J'ai dit plus tôt, dans mes observations, que ce projet de loi n'oblige pas les fournisseurs de soins de santé à participer à toute procédure qui va à l'encontre de leurs convictions. Par ailleurs, nous savons aussi que l'exercice de la liberté de conscience par les fournisseurs de soins peut faire obstacle à ceux qui souhaitent obtenir une aide médicale à mourir. Le gouvernement fédéral a donc intérêt à collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de permettre aux Canadiens d'accéder à cette aide.
La collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pourrait s'appuyer sur des modèles importants observés à l'étranger, y compris les réseaux bien établis des Pays-Bas et de la Belgique. Ces exemples nous donnent une idée de la manière dont on pourrait coordonner le système de soins de fin de vie afin de faciliter l'accès à un médecin-conseil ou à un infirmier praticien. C'est particulièrement important dans les régions rurales et éloignées, ou lorsqu'il s'avère difficile de trouver un deuxième fournisseur de soins pour évaluer l'admissibilité.
J'ai notamment entendu dire que l'amélioration des soins palliatifs contribuerait à bonifier l'offre de soins de fin de vie désormais exigée par la Cour suprême. Je sais d'expérience que les deux types de soins ont leur raison d'être et sont nécessaires.
[Français]
Les soins palliatifs visent essentiellement à alléger la souffrance et à améliorer la qualité de vie des vivants et des mourants. Ils procurent un soulagement aux personnes qui souffrent d'affections mettant leur vie en danger, telles que le cancer, les maladies cardiovasculaires et la sclérose latérale amyotrophique, la SLA.
[Traduction]
Aujourd'hui, les Canadiens sont au courant de l'existence des soins palliatifs et en ont une connaissance générale. Cependant, certaines études ont révélé qu'une grande majorité, peut-être 70 % ou plus d'entre eux, n'y ont pas accès, tout particulièrement dans les régions rurales ou éloignées. Nombre de fournisseurs n'ont pas reçu la formation nécessaire pour offrir des services en soins palliatifs. Le projet de loi, qui vise à renforcer l'engagement du Canada à offrir des soins palliatifs de qualité, montre que nous sommes déterminés à appuyer les améliorations devant être apportées à divers services de soins en fin de vie.
Tout comme pour les autres soins de santé, la prestation des soins palliatifs relève principalement de la responsabilité des provinces et des territoires. Cependant, le gouvernement fédéral peut apporter une contribution considérable dans ce domaine. Nous appuyons déjà de nombreuses initiatives qui visent à accroître la capacité du système de soins de santé à offrir des soins palliatifs.
De concert avec les provinces et les territoires, des fournisseurs de soins de santé et des organismes de santé non gouvernementaux, le gouvernement fédéral a financé des initiatives favorisant la sensibilisation aux soins palliatifs, l'éducation, l'établissement de normes nationales et la recherche. Pour que de véritables améliorations puissent être apportées, nous devons travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires.
Depuis ma nomination en tant que , j'ai comme priorité immédiate d'établir un contact avec les provinces et les territoires afin de discuter des modifications à apporter à notre système de soins de santé, y compris aux soins en fin de vie, et ce, tout particulièrement dans l'environnement où les Canadiens disent préférer finir leurs jours, c'est-à-dire à leur propre domicile et dans leur propre collectivité.
C'est dans cette optique que j'ai rencontré à Vancouver au début de l'année les ministres de la Santé provinciaux et territoriaux, afin de lancer des discussions au sujet d'un nouvel accord pluriannuel sur la santé. Par l'intermédiaire de cet accord, le gouvernement fera des investissements considérables totalisant 3 milliards de dollars, afin d'offrir aux Canadiens des soins à domicile plus nombreux et de meilleure qualité.
[Français]
Nous nous attendons à ce que le soutien pour les soins palliatifs dans divers contextes — où les patients peuvent recevoir les soins continus dont ils ont besoin et qu'ils méritent à la fin de leur vie — fasse partie des priorités futures.
Je crois qu'en travaillant ensemble, nous pouvons apporter de véritables changements au système de santé, afin que les Canadiens continuent d'avoir accès de manière durable à des soins de grande qualité.
[Traduction]
Les gens en fin de vie devraient obtenir les soins dont ils ont besoin, tout le monde s'entend là-dessus. Nous voulons que tous les Canadiens aient accès aux meilleurs soins possibles. Nous voulons qu'ils aient l'autonomie nécessaire pour prendre les décisions associées à la fin de leur vie.
Le temps presse, car nous avons seulement jusqu'au 6 juin pour adopter cette mesure législative. Je crois néanmoins qu'elle constitue une approche équilibrée qui sert les intérêts des Canadiens. Voilà pourquoi j'invite tous les députés à appuyer le projet de loi .
:
Monsieur le Président, je suis heureux et touché d'avoir l'occasion de prendre part à cet important débat.
Hier, un groupe d'étudiants du secondaire de ma circonscription était en visite à Ottawa et nous avons parlé un peu de ce débat, de ce qui se passerait au Parlement. Je leur ai dit que nous allions vivre un des rares moments dans la vie sociale et politique d'un pays, un moment décisif, qui nous permettra de transposer nos valeurs dans une loi et de toucher profondément la vie des Canadiens. Je crois que c'est ce qui se produit.
Tout d'abord, je tiens à dire que j'appuierai ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Les néo-démocrates ont décidé que, plutôt que de rechercher le consensus au sujet d'une question aussi personnelle, nous allions encourager nos députés à consulter les gens de leur circonscription en vue de réfléchir sérieusement au projet de loi et à voter selon leur conscience. Permettez-moi d'affirmer mon grand respect et mon admiration pour tous les députés, peu importe leur allégeance, qui prennent la parole pour exprimer une opinion qui peut être différente de la mienne au sujet de ce projet de loi.
Je me souviens de ce qu'un ancien député conservateur a dit lorsqu'il a comparu devant le comité mixte spécial. À la fin de son témoignage éloquent et émouvant, il a arrêté de parler, a regardé autour de lui et a déclaré, avec son style direct habituel: « Je souligne au passage que tout ce que vous déciderez ici aura une incidence sur tous les Canadiens actuellement en vie et sur toutes les générations futures, et servira probablement de cadre pour le monde occidental. Je vous invite donc à y réfléchir. »
Je tiens à dire à M. Fletcher, aux jeunes résidants de ma circonscription qui sont venus me rencontrer hier et à tous les Canadiens qui suivent ce débat important dans leur salon, dans un cabinet d'avocats ou depuis un lit d'hôpital que je suis convaincu que le Parlement procédera, comme il se doit, à un examen minutieux du projet de loi et qu'il en débattra avec tout le respect qui s'impose.
Nous avons été saisis de cette mesure législative en raison de la décision unanime de la Cour suprême dans l'affaire Carter. Cette cause a été longue et complexe, mais la décision rendue par la Cour est sans équivoque. En voici un extrait:
[...] l’alinéa 241b) et l’article 14 du Code criminel sont nuls dans la mesure où ils prohibent l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
C'est là la conclusion du tribunal. Elle est remarquable par son humanité. Elle ne force pas les médecins ou les bureaucrates à analyser la souffrance du patient ou à déterminer précisément combien de douleur et de peur sont tolérables. Elle reconnaît plutôt la capacité, en fait le droit, des Canadiens capables de déterminer à quel moment leur souffrance devient intolérable dans leur situation.
En fait, à la ligne suivante, le jugement va plus loin, reconnaissant le droit des Canadiens capables de déterminer quels traitements ils considèrent comme inacceptables. Il dit:
Il convient d’ajouter que le terme « irrémédiable » ne signifie pas que le patient doive subir des traitements qu’il juge inacceptables.
En sept lignes seulement, la Cour suprême du Canada, le plus haut tribunal du pays, a affirmé que les adultes canadiens capables pouvaient consentir à mettre fin à leur vie, pouvaient définir uniquement pour eux-mêmes ce qu'intolérable signifie et pouvaient définir dans une large mesure ce qu'une situation irrémédiable signifie pour eux, dans le respect de leur droit de refuser des traitements qu'ils jugent inacceptables. Non seulement le tribunal a affirmé à l'unanimité le droit des Canadiens capables de faire leurs propres choix, mais il a déclaré inconstitutionnelles deux dispositions du Code criminel parce qu'elles empêchaient les personnes qui y ont droit de faire ces choix.
Rappelons-nous la signification du mot « inconstitutionnel ». Dans l'ouvrage Constitutional Law of Canada, le professeur Peter Hogg cite un juge américain qui a dit:
Une loi inconstitutionnelle n'est pas une loi; elle ne donne aucun droit, n'impose aucune obligation, ne donne aucune protection, ne crée aucune charge. D'un point de vue juridique, elle est aussi inopérante que si elle n'avait jamais été adoptée.
Le professeur Hogg poursuit en disant:
Lorsqu'un tribunal établit qu'une loi est inconstitutionnelle, l'invalidité de la loi « ne découle pas du fait que le tribunal l'a déclarée inconstitutionnelle, mais de [l'article qui consacre la primauté de la Constitution] ».
Il dit que, en principe, la loi est « invalide dès qu'elle entre en vigueur ». La Cour suprême a suspendu l'effet de la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Carter, mais cela ne change rien à l'inconstitutionnalité des dispositions en cause.
Le tribunal n'a pas demandé au Parlement de rendre l'interdiction de l'aide médicale à mourir moins stricte dans les cas de ce genre. Il a plutôt anéanti les obstacles juridiques qui privaient les Canadiens de leur droit de choisir, comme si ces obstacles n'avaient jamais existé.
On peut lire ceci dans l'arrêt de la Cour suprême:
Il appartient au Parlement et aux législatures provinciales de répondre, si elles choisissent de le faire, en adoptant une loi compatible avec les paramètres constitutionnels énoncés dans les présents motifs.
Voilà ce qu'il nous incombe de faire: vérifier la compatibilité du projet de loi avec les paramètres constitutionnels que la Cour suprême a définis pour nous.
Je suis fier d'avoir siégé au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
[Français]
J'ai travaillé à ce comité avec l'aide de mon extraordinaire collègue de . Je la remercie de ses nombreuses heures de travail et de sa connaissance profonde de la loi québécoise. Il faut ajouter que notre rapport a été enrichi grâce à la sagesse qu'elle a apportée.
[Traduction]
Avec des parlementaires de tous les partis officiels et des deux Chambres, nous avons analysé le jugement de la Cour suprême et la décision du tribunal provincial qui l'a précédé. Nous avons regardé les lois du Québec et d'ailleurs dans le monde. Nous avons examiné deux grandes études qui, ensemble, s'appuyaient sur les témoignages de 13 000 personnes et de plus de 100 organismes. Nous avons tenu 11 audiences. Nous avons convoqué 61 témoins experts et reçu des mémoires de particuliers et de groupes de tous les coins du pays.
À mon avis, le comité avait pour tâche de formuler des recommandations concernant tous les Canadiens, d'envisager toutes les situations susceptibles de se présenter dans les années à venir et de chercher des réponses claires, fondées sur la loi, les données médicales et nos valeurs communes.
Je remercie sincèrement tous les membres du comité de leur travail, de leur engagement à collaborer en laissant la partisanerie de côté et de leur détermination à aider le Parlement à adopter une mesure législative qui respecte les paramètres constitutionnels établis par la cour, bref, une mesure législative qui s'applique à tous les Canadiens.
À la lumière de la vaste consultation tenue et des données probantes recueillies et en nous appuyant sur une forte majorité dans les deux Chambres et au sein de tous les partis, nous nous sommes entendus sur 21 recommandations visant à faire en sorte que les personnes admissibles puissent obtenir le service et que les personnes particulièrement vulnérables soient protégées.
Ces recommandations n'ont pas été faites à la légère. Chacune a été formulée après une longue discussion en songeant à l'avenir. Chacune est fondée sur un examen attentif des données, sur les exigences issues de l'arrêt Carter, sur la Charte des droits et libertés et, bien entendu, sur les droits des Canadiens qui souffrent.
Je dois dire, en toute honnêteté, qu'à ma grande déception, le projet de loi ministériel ignore en grande partie les recommandations faites par le comité multipartite ou va à l'encontre de ces recommandations.
Le comité multipartite a recommandé d'inscrire dans la loi les mots exacts employés par la Cour suprême. Or, la formulation retenue dans le projet de loi aurait pour effet d'embrouiller le sens de ces mots avec des restrictions très vagues et très ambiguës. J'aimerais m'attarder sur ce point.
Sans trop entrer dans les détails, deux problèmes se posent dans un domaine d'une si grande importance que, selon moi et selon les nombreux experts qui m'ont appelé, la portée du projet de loi se trouve indûment restreinte.
Premièrement, la portée du projet de loi serait limitée aux troubles médicaux « incurables », un mot que la Cour suprême n'a pas employé et une exigence qu'elle n'a pas fixée. Les juges ont indiqué clairement n'avoir aucunement l'intention d'obliger des patients à subir des traitements inacceptables pour prouver qu'ils ne peuvent être guéris. Pourtant, le projet de loi ne donne strictement aucune garantie à cet égard.
Il semble qu'il obligerait les patients à subir des traitements auxquels ils s'opposeraient afin d'être admissibles à l'aide médicale à mourir. Cela pourrait se révéler un traitement cruel et inusité, et contraire à la Charte.
Deuxièmement, la portée du projet de loi est limitée aux patients dont la mort naturelle est qualifiée de « raisonnablement prévisible »; c'est une autre exigence qu'on ne trouve nulle part dans la décision. D'ailleurs, ce concept n'a été abordé à aucun moment et par aucun témoin dans le cadre des délibérations du comité multipartite et, à ma connaissance, il n'existe aucune jurisprudence sur cette question. On comprend aisément pourquoi. Après tout, c'est presque désespérément ambigu.
Parle-t-on d'une mort imminente, ou simplement d'une mort que l'on peut prédire avec certitude? Le gouvernement a fourni un glossaire qui parle d'une mort « prévisible pour un avenir pas trop éloigné » ou d'une « trajectoire qui mènera à la mort », mais évidemment, ces termes pourraient s'appliquer à chacun d'entre nous.
Je veux lire un extrait des conclusions qu'a formulées Joseph Arvay, c.r., l'un des constitutionnalistes les plus respectés au Canada. Il a dit:
En tant qu'avocat principal dans l'affaire Carter, je connais probablement mieux que quiconque la preuve présentée, les arguments avancés et toute la portée des jugements à tous les niveaux; je suis convaincu que le projet de loi, s'il était adopté, serait déclaré inconstitutionnel pour ce qui est de la « disposition de prévisibilité » et peut-être d'autres dispositions également.
Étant donné que les avocats du ministère de la Justice n'ont pas obtenu gain de cause auprès de la Cour suprême du Canada et que celle-ci a rendu une décision unanime qui allait à l'encontre de la position qu'ils ont fait valoir, je suppose que la ministre s'est adressée à des avocats de l'extérieur pour obtenir un avis juridique complet. Va-t-elle fournir cet avis au comité de la justice? Forcera-t-elle les Canadiens gravement malades à s'adresser une fois de plus à la Cour suprême?
Ces restrictions, qui ne découlent pas de la décision de la Cour suprême, sont si importantes qu'elles ont une incidence sur la portée du projet de loi lui-même. Par contre, ce n'est pas seulement à cet égard que l'on semble avoir rejeté, lors de l'élaboration du projet de loi, les conseils qui ont été formulés par le comité.
Le comité multipartite a recommandé que la loi n'exclue pas les patients qui ont présenté une demande valide avant de perdre leurs capacités. Or, le projet de loi n'offrirait aux Canadiens que le seul choix cruel qui a été mentionné par la Cour: soit ils devront mourir prématurément, soit ils devront vivre dans la crainte de mener une vie qu'ils jugent intolérable.
Le comité multipartite a aussi convenu que les patients autochtones devraient avoir la possibilité de recevoir des soins de fin de vie et des soins palliatifs qui sont adaptés à leur culture et à leurs croyances spirituelles. Il a convenu que les services et les mesures de soutien en santé mentale qui sont offerts à l'ensemble des Canadiens doivent être améliorés sur-le-champ. Il a convenu que trop peu de Canadiens peuvent avoir accès à des soins palliatifs et à des soins de fin de vie de qualité, comme ils le méritent, et il a énoncé des mesures concrètes que le gouvernement pourrait prendre afin d'aborder chacun de ces aspects, qui constituent des priorités pour les Canadiens. Malgré cela, on ne trouve aucune disposition exécutoire de ce type dans le projet de loi. Le gouvernement n'y prévoit pas de nouveaux fonds, n'y expose aucun engagement et n'y propose aucun échéancier.
Bien sûr, certaines personnes nous invitent à la patience et rappellent que ce n'est qu'un début. La promesse de changements graduels n'offre toutefois aucun réconfort aux personnes qui sont actuellement aux prises avec des souffrances intolérables. La Charte ne permet pas, non plus, une correction graduelle des dispositions qui vont à l'encontre de la Constitution.
Certains affirment qu'il serait, certes, souhaitable de penser à l'amélioration des soins palliatifs, au respect de directives préalables et à la protection de la liberté de conscience des professionnels de la santé, mais que ces questions ne peuvent pas être traitées dans le projet de loi parce qu'elles ne figuraient pas dans l'arrêt Carter. Pourtant, l'arrêt ne parlait pas non plus d'infirmiers praticiens, de tenue de dossiers, de témoins ou du recours à plusieurs médecins, autant de points abordés dans le projet de loi.
Les étapes proposées sont pertinentes et pratiques. En fait, plusieurs d'entre elles découlent des recommandations du comité multipartite. Il convient maintenant de rediriger notre attention de sorte qu'au lieu de nous borner à certains éléments de l'arrêt Carter, nous maintenions un engagement cohérent envers l'ensemble des droits prévus par la Charte et des priorités des Canadiens au chapitre des soins de santé.
Nous vivons actuellement un moment crucial, qui ne se reproduira pas. Les Canadiens se fient à nous pour prendre les bonnes décisions maintenant. Pour ce faire, nous devons respecter l'esprit et la lettre de la décision de la Cour suprême et améliorer les aspects du projet de loi qui, à l'heure actuelle, entraîneraient sûrement des contestations fondées sur la Charte.
Il faudra pour ce faire agir concrètement et donner suite aux priorités des Canadiens, notamment en améliorant les services de santé mentale et en faisant en sorte que tout le monde ait facilement accès aux soins palliatifs et aux soins de fin de vie.
J'invite plus particulièrement les députés à relire la recommandation no 19 du comité multipartite, qui souhaitait que l'on rétablisse le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie et que l'on développe, avec les provinces, les territoires et la société civile, une stratégie pancanadienne entièrement financée en matière de soins palliatifs et de soins de fin de vie.
Quiconque a parcouru la montagne de données et de documents portant sur cette question nous le dira: il est très facile de se perdre dans les détails, mais il ne faut pas perdre de vue que nous sommes appelés à nous prononcer sur un principe. Et ce principe, on le trouve dans les mots employés par le juge Binnie dans une autre décision, que je paraphrase. Selon lui, même si, au premier abord, on peut être rebuté à l'idée qu'une personne demande à mourir, on peut aussi y voir un profond et immuable désir de vivre comme bon nous semble. On nous demande de définir les circonstances dans lesquelles on empêchera un adulte capable souffrant de problèmes de santé graves lui causant des souffrances intolérables de prendre une décision aussi fondamentale et de déterminer lui-même, comme le prévoit l'arrêt Carter, ce qui constitue des souffrances intolérables et quels sont les traitements appropriés dans son cas.
C'est une question de choix. Qu'ils approchent le terme de leur vie ou endurent une souffrance intolérable, les Canadiens veulent disposer d'options. À mon avis, le projet de loi à l'étude refuse cela à trop de Canadiens, dans trop de circonstances et sans justification suffisante.
Parce qu'il est muet sur tant d'enjeux mis en lumière dans l'affaire Carter, le projet de loi ouvre la porte à des contestations pour des motifs semblables. Ces batailles judiciaires nécessiteraient toutes les ressources juridiques du gouvernement pour réfuter les arguments des Canadiens les plus faibles et les plus vulnérables qui soient. Là n'est pas la volonté des Canadiens. Il nous faut des compromis constructifs, et non des conflits, de la discorde et des retards, et nous exigeons que la décision unanime de la Cour suprême du Canada soit respectée.
Aucun gouvernement ne doit être tenu de prévoir toutes les contestations possibles à une nouvelle loi, mais il doit à tout le moins reconnaître qu'une décision de la Cour suprême du Canada n'est pas qu'une simple recommandation et faire mieux que de tenter de résoudre la quadrature du cercle.
Il est possible de faire mieux que de modifier les propos mesurés de la Cour suprême du Canada ou de contredire carrément les données probantes offertes par les experts et l'avis des parlementaires de tous les partis et des deux Chambres.
Nous pouvons faire mieux qu'exclure les patients dont la demande valable est approuvée mais qui perdent leurs capacités juste avant qu'elle puisse être mise à exécution. Nous pouvons faire mieux que condamner ces gens à des souffrances intolérables parce que, bien entendu, leur état ne correspond pas à la lettre du projet de loi.
Enfin, je crois que nous pouvons faire mieux qu'offrir seulement des promesses non exécutoires de discussions supplémentaires à l'égard de questions aussi pressantes que celle de donner à tous les Canadiens les services de santé mentale dont ils ont besoin et les options de soins palliatifs ou de soins de fin de vie qu'ils méritent amplement.
Je crois fermement ce que j'ai dit aux jeunes de Victoria hier. Il s'agit d'un moment qui ne se répétera pas pour nous, législateurs.
Nous avons le devoir d'adopter à la Chambre un projet de loi qui respecte l'arrêt Carter, qui respecte la Charte des droits et libertés, et qui correspond aux priorités des Canadiens. Malheureusement, à mon avis, le projet de loi à l'étude n'est pas ce projet de loi, mais il peut l'être.
Par conséquent, étudions-le comme il se doit et débattons-en comme le méritent les Canadiens. Apportons-y les amendements nécessaires pour respecter ces normes. Travaillons ensemble pour bien faire les choses. Travaillons assidûment pour créer un bon projet de loi pour les Canadiens.
:
Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole et je vais partager le temps qui m'est accordé.
Je voudrais parler de certains éléments du projet de loi aujourd'hui. Lundi, je parlerai des questions philosophiques sous-jacentes.
Je tiens à dire que je ne crois pas à une approche intransigeante. Tout comme un grand nombre de mes collègues, je me pose de grandes questions philosophiques sur ce qui se passe dans cette enceinte, mais je suis néanmoins prêt à voter pour un projet de loi qui ne recriminalise pas l'euthanasie s'il permet de sauver des vies, notamment en réduisant au minimum le risque pour les personnes vulnérables. Mais ce projet de loi ne contient pas des mesures de sauvegarde suffisantes. Sans amendement, le projet de loi ne protégera personne.
Nous savons que les dispositions législatives proposées prévoient des exceptions. Cependant, elles prévoient aussi des exceptions aux exceptions. Mais, puis-je me permettre, ces exceptions aux exceptions ne sont pas du tout exceptionnelles.
Ce projet de loi exige un consentement écrit. Toutefois, si une personne n'est pas capable de fournir son consentement par écrit, quelqu'un d'autre peut le faire à sa place.
Le projet de loi prévoit une période d'attente. Mais la période d'attente ne s'applique pas si le décès ou la perte de la capacité de fournir un consentement éclairé est imminent.
Il y a énormément d'ambiguïté dans ce projet de loi.
Le gouvernement dit que les cas de maladie mentale sont exclus. Pourtant, le projet de loi prévoit clairement que l'article 241.2(2) rendrait admissible à une mort prématurée toute personne éprouvant des souffrances physiques ou psychologiques.
Le projet de loi dit que la mort doit être « raisonnablement prévisible ». Je me permets de souligner que la mort est raisonnablement prévisible pour nous tous. Ce sont les personnes qui croient que la mort n'est pas raisonnablement prévisible qui ont probablement besoin de soins médicaux. Pourquoi ne pas insérer le mot « terminal »? Quand j'apprenais à conduire, ma mère considérait que la mort était « raisonnablement prévisible » chaque fois que je montais dans la voiture. Ce n'est pas un critère.
On exige que deux médecins signent la demande. Toutefois, étant donné les énormes ambiguïtés, les médecins interpréteront probablement les règles de toutes sortes de façons. Selon les estimations, il y a 77 000 médecins au pays, et il est très probable qu'en cherchant un peu, les personnes qui pensent répondre aux critères nébuleux et ambigus trouveront deux médecins prêts à signer.
Le député de a dit plus tôt aujourd'hui que les médecins font cela tous les jours. Non. Les médecins ne prennent pas des vies tous les jours. C'est fondamentalement différent de la pratique normale de la médecine. Étant donné qu'il y a un grand nombre de médecins et d'opinions différentes à prendre en compte, ce ne sont pas là des mesures de protection efficaces.
Compte tenu de ces cinq exceptions tout à fait ridicules aux exceptions, il ne fait aucun doute qu'une mesure législative ou un règlement provincial détaillé sera toujours nécessaire. Par conséquent, je ne vois vraiment pas ce que le projet de loi est censé accomplir.
Par ailleurs, il y a deux aspects essentiels pour lesquels les règles qui prévaudraient dans le cadre de ce projet de loi créeraient une situation encore pire que celle que l'arrêt Carter a créée à lui seul.
Premièrement, ce projet de loi contient une disposition terrifiante qui dit qu'on ne peut pas pénaliser une personne qui en tue une autre si elle peut démonter, du moins hors de tout doute raisonnable, qu'elle avait une croyance raisonnable, mais erronée, de croire que les critères étaient applicables. C'est ce que dit le paragraphe 241(6). C'est donc dire que l'on peut tuer une personne non consentante et échapper aux poursuites judiciaires en se fondant sur une croyance raisonnable, mais erronée. Quoi que l'on fasse, j'implore le gouvernement d'éliminer cette disposition dangereuse qui va même plus loin que le modèle de la Belgique.
Deuxièmement, ce projet de loi n'offre aucune protection pour la liberté de conscience, malgré qu'il n'y ait clairement rien dans la décision qui oblige expressément la participation des professionnels de la santé, et malgré que l'Association médicale canadienne ait clairement affirmé que l'accès à l'aide à mourir n'implique pas la révocation de la liberté de conscience garantie par l'article 2 de la Charte.
Ce projet de loi est une pure catastrophe. Il contient des critères ambigus, il ne prévoit ni examen juridique préalable ni protection de la liberté de conscience, et le fait de permettre de choisir son médecin est loin de constituer une protection significative. Le projet de loi rend les patients, les aînés, les malades et les personnes handicapées vulnérables aux erreurs et aux abus systématiques. Cela s'est produit en Belgique. J'ai déjà cité les études pendant la période des questions et observations. Le Canada ne doit surtout pas s'engager dans cette voie.
Le gouvernement doit proposer des amendements simples à cette mesure législative afin de définir plus clairement les critères, ce qui permettrait de régler les problèmes que j'ai mentionnés et de mettre en oeuvre un système d'examen juridique préalable efficace.
Comme je l'ai mentionné, une personne qui souhaiterait mourir prématurément devrait obtenir l'approbation d'une autorité juridique compétente. Si on instaurait un tel modèle, on pourrait avoir recours aux services de commissions du consentement et de la capacité ou à une certaine forme d'examen judiciaire. Il n'est pas nécessaire d'instaurer un processus fastidieux.
Ce processus n'a pas à être complexe. Il doit simplement permettre de veiller à ce que les gens ne soient pas tués par accident et à ce que les meurtriers puissent invoquer des critères ambigus, comme une croyance raisonnable, mais erronée.
Nous ne pouvons pas sauver toutes les vies aujourd'hui. Par contre, il vaut mieux allumer une bougie que pester contre l'obscurité. À mon avis, cela fait beaucoup trop longtemps que nous pestons contre l'obscurité. Nous devons modifier le projet de loi et corriger ses lacunes pour pouvoir accomplir le travail nécessaire.