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CIIT Rapport du Comité

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LES PRIORITÉS DES INTERVENANTS CANADIENS AYANT UN INTÉRÊT DANS LE COMMERCE BILATÉRAL OU TRILATÉRAL ENTRE LE cANADA, LES ÉTATS‑UNIS ET LE MEXIQUE

CHAPITRE UN : PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE

Plusieurs s’entendent pour dire que la libéralisation des échanges entre le Canada, les États‑Unis et le Mexique a mené à une économie nord-américaine régionale intégrée. Plus particulièrement, l’Accord de libre-échange nord‑américain (ALENA) – entré en vigueur le 1er janvier 1994 pour remplacer l’Accord de libre‑échange entre le Canada et les États‑Unis – a permis un accès privilégié aux marchés des trois pays. Il a également favorisé la création de chaînes de valeur et de processus de production transfrontaliers dans l’ensemble de la région de l’ALENA.

Pour relever des défis d’ordre économique, sécuritaire ou autre, le Canada compte sur des relations étroites et productives avec ses deux partenaires de l’ALENA. Sa relation de longue date avec les États‑Unis, son principal partenaire en matière de commerce et d’investissement, a eu une incidence positive sur l’économie des deux pays. Statistique Canada estime qu’en 2013, les exportations vers les États‑Unis représentaient 15,3 % du produit intérieur brut du Canada et plus de deux millions d’emplois canadiens[1]. Selon un rapport publié par le département du Commerce des États‑Unis, les exportations américaines de biens et de services vers le Canada ont permis de soutenir 1,6 million d’emplois aux États‑Unis en 2015[2]. Soulignons également que plus de 400 000 personnes traversent quotidiennement la frontière entre les deux pays.

Même s’il est plus près géographiquement des États‑Unis que du Mexique, le Canada entretient aussi des liens précieux avec ce dernier. En effet, en 2016, le Mexique était le troisième partenaire en importance du Canada sur le plan du commerce des marchandises. En 2015, les Canadiens ont effectué 1,9 million de visites au Mexique, ce qui en fait la deuxième destination la plus prisée après les États‑Unis. Le Canada et le Mexique ont établi de vastes réseaux consulaires et collaborent au sein d’instances telles que les Nations Unies, l’Organisation des États américains, le G20, le Sommet des Amériques et le Sommet des leaders nord‑américains.

Depuis janvier 2017, les États‑Unis ont pris diverses décisions commerciales ayant une incidence sur le Canada, notamment en ce qui concerne l’ALENA, le Partenariat transpacifique (PTP) et le commerce bilatéral du bois d’œuvre. Le 18 mai 2017, le représentant américain au Commerce a officiellement informé [en anglais seulement] le Congrès américain de l’intention de l’administration Trump de renégocier l’ALENA, et le 17 juillet 2017, les objectifs [en anglais seulement] de renégociation des États-Unis ont été publiés. Le 17 novembre 2017, le représentant américain au Commerce a publié une version mise à jour des objectifs [en anglais seulement] de renégociation. Au 20 novembre 2017, cinq rondes de négociations avaient eu lieu. Les États-Unis ont aussi évoqué la possible émission d’un avis d’intention de retrait de l’ALENA.

Conscient des changements importants que pourraient connaître les relations commerciales en Amérique du Nord, le Comité permanent du commerce international (le Comité) de la Chambre des communes a adopté, le 16 février 2017, une motion dans laquelle il a convenu d’entreprendre une étude sur les priorités des intervenants canadiens ayant un intérêt dans le commerce bilatéral ou trilatéral en Amérique du Nord.

À compter du 4 mai 2017, le Comité a tenu 12 réunions à Ottawa, en Ontario, où il a entendu le témoignage d’entreprises canadiennes et américaines, d’universitaires, de groupes de réflexion, de syndicats ainsi que des organisations représentant les intérêts d’Autochtones et de femmes, notamment. Il a également reçu plusieurs mémoires et autres communications. Le Comité a aussi fait des missions d’étude dans les villes et régions américaines suivantes : Seattle, dans l’État de Washington; Sacramento, la vallée de la Napa, la région de la baie de San Francisco et Silicon Valley, en Californie; Denver et Boulder, au Colorado; Detroit, au Michigan; Chicago, dans l’Illinois; Columbus, en Ohio; Milwaukee, au Wisconsin; et Washington (D.C.). Dans le cadre de la mission d’étude à Washington (D.C.), une réunion a eu lieu avec des membres du Sous‑comité du commerce du Comité des voies et moyens de la Chambre des représentants des États‑Unis.

La première partie du rapport fournit des données statistiques sur le commerce et l’investissement en Amérique du Nord et présente des observations générales des témoins sur la relation commerciale nord-américaine et les moyens de mieux faire connaître, aux États-Unis, l’importance de la relation commerciale entre ce pays et le Canada. La seconde partie du rapport résume les points soulevés par les particuliers et les groupes que le Comité a rencontrés à Ottawa et dans les diverses villes américaines sur les thèmes suivants : la négociation d’accords de libre‑échange (ALE) et la consultation des Canadiens; l’accès aux marchés; la circulation des biens, des services et des personnes; le règlement des différends et l’élargissement de la portée de l’ALENA. Enfin, la dernière partie du rapport présente les réflexions finales du Comité et ses recommandations au gouvernement du Canada.

La plupart des exportations et importations de marchandises et de services du Canada sont destinées aux pays membres de l’ALENA ou en proviennent. De plus, près de la moitié du stock d’investissement direct à l’étranger du Canada se retrouve dans ces pays, qui sont également à l’origine de près de la moitié du stock d’investissement direct étranger au Canada[3]. Les témoins ayant comparu devant le Comité ont décrit divers aspects du commerce nord‑américain et parlé de la mesure dans laquelle la relation commerciale canado-américaine est connue aux États‑Unis.

A. Le commerce nord‑américain de marchandises

Les États‑Unis constituent le plus important partenaire du Canada sur les plans du commerce et de l’investissement. En 2016, le Canada a enregistré un excédent commercial sur les marchandises avec les États‑Unis : le Canada a acheminé 76,3 % de la valeur de ses exportations de marchandises vers les États-Unis, tandis qu’une proportion de 52,2 % de la valeur de ses importations de marchandises est provenue de ce pays. La figure 1 illustre la valeur du commerce de marchandises entre le Canada et les États‑Unis depuis 1996.

Figure 1 – Commerce de marchandises entre le Canada et les États‑Unis, de 1996 à 2016

Figure 1 – La figure illustre la valeur du commerce de marchandises entre le Canada et les États Unis de 1996 à 2016. En 2016, le Canada a enregistré un excédent commercial au chapitre des marchandises de 116,2 milliards de dollars avec les États-Unis, attribuable à des exportations évaluées à 394,5 milliards de dollars et à des importations totalisant 278,3 milliards de dollars.

Source :    Figure produite par la Bibliothèque du Parlement à partir de données de Statistique Canada tirées de Données sur le commerce en direct (base de données) le 26 septembre 2017.

La relation en matière de commerce et d’investissement du Canada avec le Mexique est moins étendue que celle avec les États‑Unis, mais a crû depuis les débuts de l’ALENA. En 2016, le Canada a acheminé 1,5 % de la valeur de ses exportations de marchandises vers le Mexique, alors que ce pays a été à l’origine de 6,2 % de la valeur des importations canadiennes de marchandises. Cette année-là, le Canada a accusé un déficit au chapitre du commerce de marchandises avec le Mexique. La figure 2 montre la valeur du commerce de marchandises entre le Canada et le Mexique depuis 1996.

Figure 2 – Commerce de marchandises entre le Canada et le Mexique, de 1996 à 2016

Figure 2 - La figure montre la valeur du commerce de marchandises entre le Canada et le Mexique de 1996 à 2016. En 2016, le Canada a accusé un déficit commercial au chapitre des marchandises de 25,6 milliards de dollars avec le Mexique, qui s’explique par des exportations évaluées à 7,6 milliards de dollars et à des importations totalisant 33,2 milliards de dollars.

Source :    Figure produite par la Bibliothèque du Parlement à partir de données de Statistique Canada tirées de Données sur le commerce en direct (base de données) le 26 septembre 2017.

Infographie 1 - L’infographie montre la valeur du commerce de marchandises entre le Canada et les États Unis et entre le Canada et le Mexique en 2016. Cette année là, les exportations canadiennes de marchandises à destination des États Unis et du Mexique ont été évaluées à 394,5 milliards de dollars et à 7,6 milliards de dollars respectivement. Les importations canadiennes de marchandises en provenance des États Unis et du Mexique ont totalisé 278,3 milliards de dollars et 33,2 milliards de dollars respectivement.

Source :    Infographie produite par la Bibliothèque du Parlement à partir de données de Statistique Canada tirées de Données sur le commerce en direct le 26 septembre 2017.

B. Le commerce nord‑américain des services

En 2016, comme le montre la figure 3, le Canada a accusé un déficit au chapitre du commerce des services avec les États‑Unis. Le déficit a été en grande partie attribuable aux services de voyage, les exportations et les importations de services de voyage vers les États‑Unis et en provenance de ceux‑ci totalisant respectivement 9,6 milliards de dollars et 20,5 milliards de dollars. Au cours de la même année, la valeur des exportations de services commerciaux canadiens vers les États‑Unis et des importations à partir de ceux-ci s’élevait respectivement à 41,7 milliards de dollars et à 43,1 milliards de dollars. En ce qui concerne les transports et les services gouvernementaux, les exportations du Canada vers les États‑Unis ainsi que les importations en provenance de ces derniers représentaient 8,5 milliards de dollars et 9,8 milliards de dollars. En 2016, le Canada a acheminé 54,9 % de la valeur de ses exportations de services vers les États‑Unis, alors que ces derniers ont été à l’origine de 55,5 % de la valeur des importations canadiennes de services.

Figure 3 – Commerce des services entre le Canada et les États‑Unis, de 1996 à 2016

Figure 3 – La figure fait état de la valeur du commerce des services entre le Canada et les États Unis. En 2016, le Canada a accusé un déficit commercial au chapitre des services de 13,6 milliards de dollars avec les États-Unis, les exportations ayant été évaluées à 59,8 milliards de dollars et les importations totalisant 73,4 milliards de dollars.

Source :    Figure produite par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 376-0036 : Transactions internationales de services, par certains pays, annuel (dollars x 1 000 000) », CANSIM (base de données, consultée le 25 octobre 2017.

Comme le montre la figure 4, le Canada a accusé un déficit au chapitre du commerce des services avec le Mexique en 2016. Comme c’est le cas avec les États‑Unis, ce déficit a été largement attribuable aux services de voyage. En 2016, les exportations et importations canadiennes de services de voyage vers le Mexique et en provenance de ce pays ont été évaluées à 357 millions de dollars et à 2,5 milliards de dollars respectivement. Les exportations et importations canadiennes de services commerciaux vers le Mexique et en provenance de celui‑ci représentaient respectivement 664 millions de dollars et 425 millions de dollars en 2016. Les exportations et les importations canadiennes relatives aux transports et aux services gouvernementaux vers le Mexique et en provenance de celui‑ci ont été évaluées à 139 millions de dollars et à 263 millions de dollars respectivement. En 2016, le Canada a acheminé 1,1 % de la valeur de ses exportations de services vers le Mexique, alors que celui-ci a été à l’origine de 2,4 % de la valeur des importations de services du Canada.

Figure 4 – Commerce des services entre le Canada et le Mexique, de 1996 à 2016

Figure 4 – La figure indique la valeur du commerce des services entre le Canada et le Mexique de 1996 à 2016. En 2016, le Canada a accusé un déficit commercial au chapitre des services de 2,0 milliards de dollars avec le Mexique, les exportations ayant été évaluées à 1,2 milliard de dollars et les importations ayant totalisé 3,1 milliards de dollars.

Source :    Figure produite par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 376-0036 : Transactions internationales de services, par certains pays, annuel (dollars x 1 000 000) », CANSIM (base de données), consultée le 25 octobre 2017.

Infographie 2 - L’infographique indique la valeur du commerce des services entre le Canada et les États Unis et entre le Canada et le Mexique en 2016. Cette année là, les exportations canadiennes de services à destination des États Unis et du Mexique ont été évaluées à 59,8 milliards de dollars et à 1,2 milliard de dollars respectivement. Les importations canadiennes de services en provenance des États Unis et du Mexique ont totalisé 73,4 milliards de dollars et 3,1 milliards de dollars respectivement.

Source :    Infographie produite par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 376-0036 : Transactions internationales de services, par certains pays, annuel (dollars x 1 000 000) », CANSIM (base de données), consultée le 25 octobre 2017.

C. L’investissement direct étranger en Amérique du Nord

Parmi les 120 pays pour lesquels on dispose de données pour 2016, les États‑Unis ont été la principale destination des investissements directs du Canada à l’étranger. Parmi les 55 pays pour lesquels on dispose de données, les États‑Unis ont également été la principale source d’investissement direct étranger au Canada. Cette année‑là, les États‑Unis ont été l’hôte de 45,2 % du stock d’investissement direct à l’étranger du Canada et l’origine de 47,5 % du stock d’investissement direct étranger au Canada. La figure 5 montre le stock d’investissement direct étranger des deux pays depuis 1996.

Figure 5 – Stock d’investissement direct étranger Canada–États‑Unis, de 1996 à 2016

Figure 5 – La figure illustre le stock d’investissement direct du Canada aux États-Unis et le stock d’investissement direct des États Unis au Canada de 1996 à 2016. En 2016, l’investissement direct du Canada aux États Unis a totalisé 474,4 milliards de dollars, et l’investissement direct des États Unis au Canada, 392,1 milliards de dollars.

Source :    Figure produite par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 376-0051 : Bilan des investissements internationaux, investissements directs canadiens à l’étranger et investissements directs étrangers au Canada, par pays, annuel (dollars x 1 000 000) », CANSIM (base de données), consultée le 26 septembre 2017.

De son côté, parmi les 120 pays pour lesquels il existe des données pour 2016, le Mexique s’est classé au 10e rang des destinations de l’investissement direct du Canada à l’étranger. Parmi les 55 pays pour lesquels on dispose de données, le Mexique a été la 25e source en importance d’investissement direct étranger au Canada. Cette année‑là, le Mexique a été l’hôte de 1,6 % du stock d’investissement direct à l’étranger du Canada et à l’origine de 0,2 % du stock d’investissement direct étranger au Canada. La figure 6 montre le stock d’investissement direct étranger des deux pays depuis 1996.

Figure 6 – Stock d’investissement direct étranger du Canada et du Mexique, de 1996 à 2016

Figure 6 – La figure montre le stock d’investissement direct du Canada au Mexique et du stock d’investissement direct du Mexique au Canada de 1996 à 2016. En 2016, l’investissement direct du Canada au Mexique a totalisé 16,8 milliards de dollars, et l’investissement direct du Mexique au Canada, 1,7 milliard de dollars.

Note :        On ne dispose pas de données sur les investissements mexicains au Canada pour 1996 et 1997.

Source :    Figure produite par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 376-0051 : Bilan des investissements internationaux, investissements directs canadiens à l’étranger et investissements directs étrangers au Canada, par pays, annuel (dollars x 1 000 000) », CANSIM (base de données), consultée le 26 septembre 2017.

Infographie 3 - L’infographique illustre la valeur de l’investissement étranger direct entre le Canada et les États Unis et entre le Canada et le Mexique en 2016. Cette année là, le stock d’investissement direct canadien aux États Unis et au Mexique a été de 474,4 milliards de dollars et de 16,8 milliards de dollars respectivement. Le stock d’investissement direct des États Unis et du Mexique au Canada a totalisé 392,1 milliards de dollars et 1,7 milliard de dollars.

Source :    Infographie produite par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 376-0051 : Bilan des investissements internationaux, investissements directs canadiens à l’étranger et investissements directs étrangers au Canada, par pays, annuel (dollars x 1 000 000) », CANSIM (base de données), consultée le 26 septembre 2017.

D. La relation commerciale nord‑américaine dans les faits

Lorsqu’ils ont décrit la relation commerciale du Canada avec les États‑Unis et le Mexique, les témoins ayant comparu devant le Comité ont mis l’accent sur l’étendue du commerce avec les deux pays, l’intégration des chaînes de valeur nord‑américaines et les retombées économiques des échanges commerciaux et de l’ALENA, notamment en ce qui concerne la compétitivité des producteurs nord‑américains.

Des témoins représentant des entreprises ont souligné que, ensemble, les États‑Unis et le Mexique forment le plus grand marché d’exportation des produits de leur secteur. Par exemple, Manufacturiers et Exportateurs du Canada a mentionné que près de 80 % des exportations de biens fabriqués du Canada ont été expédiés vers ces deux pays en 2015 et en 2016. De même, l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a fait savoir que les États‑Unis et le Mexique sont la destination de plus de 50 % des exportations agroalimentaires canadiennes.

Lors de ses missions d’étude à Columbus et à Milwaukee, le Comité a appris que, en ce qui concerne l’importance du marché canadien pour les biens américains, le Canada achète plus de biens de l’Ohio que des neuf autres principaux marchés d’exportation de marchandises combinés de cet État, et qu’il achète plus de biens du Wisconsin que des quatre autres principaux marchés de cet État réunis.

De plus, certains témoins ont parlé de l’importance des États‑Unis en tant que source d’intrants pour certaines entreprises canadiennes. L’Association canadienne des producteurs d’acier a dit que les producteurs d’acier du Canada achètent « beaucoup » de matières premières des États‑Unis. Dans le même ordre d’idées, General Motors du Canada Limitée a indiqué que le Canada importe « considérablement plus de pièces et de matériels automobiles des États‑Unis que nous ne pouvons nous procurer localement ou ailleurs ».

Durant les missions d’étude du Comité aux États‑Unis et ses réunions à Ottawa, le Comité a entendu des observations concernant les déficits commerciaux des États‑Unis, ainsi qu’à propos du fait que les importations des États-Unis en provenance du Canada et du Mexique comportent plus de contenu américain que les importations d’autres pays. Par exemple, la U.S. Chamber of Commerce a affirmé que les déficits commerciaux ne sont pas un instrument « approprié » pour mesurer si un accord commercial ou une relation commerciale bilatérale « fonctionne bien ». La Canada West Foundation a indiqué que chaque dollar de biens ou de services que les États‑Unis importent du Mexique et du Canada comporte 0,40 $ et 0,25 $ respectivement de contenu américain.

Divers témoins ont souligné que les producteurs des pays de l’ALENA participent aux chaînes de valeur nord‑américaines intégrées, où les intrants sont échangés d’un pays à l’autre avant d’être assemblés en produits finaux. La ministre des Affaires étrangères du Canada a expliqué au Comité que les intrants produits au Canada sont parfois vendus aux États‑Unis, où les producteurs américains y ajoutent de la valeur et les revendent au Canada. Certains produits sont soumis à ce processus plusieurs fois avant d’être vendus aux consommateurs.

La ministre des Affaires étrangères fait partie des témoins qui ont dit au Comité que l’ALENA a contribué à la création de chaînes d’approvisionnement transfrontalières et à l’intégration économique en Amérique du Nord. Plus précisément, elle a dit que, « [e]n raison de l’ALENA, l’économie nord‑américaine est fortement intégrée. La compétitivité de nos sociétés sur le marché mondial est accrue, et des emplois supplémentaires sont créés sur notre continent ». Indiquant que l’économie de notre pays est 2,5 % plus importante qu’elle ne le serait en l’absence de l’ALENA, la ministre a précisé que « [c]’est comme si, depuis la ratification de l’ALENA, le Canada avait reçu annuellement un chèque de 20 milliards de dollars ».

Selon Manufacturiers et Exportateurs du Canada, l’intégration des activités de fabrication en Amérique du Nord a créé une relation unique entre les pays de l’ALENA, grâce à laquelle « [n]ous n’échangeons pas simplement des biens; nous bâtissons ensemble, nous innovons ensemble et nous faisons concurrence au monde ensemble ».

Soulignant l’intégration des chaînes de valeur nord‑américaines, le représentant de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules a dit ce qui suit :

Depuis le Pacte de l’automobile de 1965, l’industrie automobile du Canada et ses chaînes d’approvisionnement en sont venues à être profondément intégrées avec celles des États‑Unis et, au fil du temps, avec celles du Mexique. Nous construisons des véhicules de façon transparente des deux côtés de la frontière, et l’intégration profonde qui en découle a mené à une industrie de l’automobile plus concurrentielle et à un meilleur choix de véhicules plus abordables pour le consommateur.

Les témoins représentant des entreprises qui participent aux chaînes de valeur intégrées – particulièrement celles du secteur canadien de la fabrication – ont été presque unanimes : l’ALENA a aidé les producteurs canadiens, américains et mexicains à faire concurrence aux producteurs hors de l’ALENA. Par exemple, Manufacturiers et Exportateurs du Canada a indiqué que l’ALENA a contribué à « augmenter le niveau de vie de tous les participants. Il a renforcé l’industrie en conjuguant les talents et les spécialités de chaque marché, créant de plus grands marchés dans chaque pays et renforçant notre compétitivité combinée à l’échelle mondiale ».

En ce qui concerne les produits chimiques, l’Association canadienne de l’industrie de la chimie a mentionné que le traitement en franchise de droits accordé en vertu de l’ALENA à tous les produits chimiques a « stimulé » la croissance de chaînes d’approvisionnement complexes, abaissé les coûts de la production chimique et renforcé l’ensemble du secteur canadien dans le marché mondial.

Pour ce qui est du commerce des véhicules, Ford du Canada Limitée a fait remarquer que « l’intégration du Canada dans la grande région de l’ALENA a créé des économies d’échelle qui ont permis au Canada et à la région de l’ALENA de produire, de façon concurrentielle, des véhicules pour l’exportation dans les autres régions du monde ». Selon Toyota Motor Manufacturing Canada inc., l’ALENA est « l’unique » raison de la croissance de l’entreprise.

Au sujet de l’agriculture, l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a fait observer que l’ALENA améliore à la fois l’intégration des chaînes d’approvisionnement agricoles en Amérique du Nord et la capacité concurrentielle des producteurs agricoles canadiens. De même, selon Food and Beverage Ontario, « [l]e niveau élevé d’activités opérationnelles intégrées que l’accord a encouragé est à la base de la position très concurrentielle du secteur des aliments et des boissons de l’Ontario ».

Toutefois, dans un document présenté au Comité, l’Association des vignerons du Canada a mentionné que ses membres n’ont pas profité de l’Accord de libre‑échange entre le Canada et les États‑Unis ni de l’ALENA. Ils se sont « vu nier l’accès équitable au marché américain » et ont fait face à une concurrence accrue de la part des viticulteurs américains. Selon l’Association, « [c]e n’est pas la qualité, des facteurs concurrentiels ou la préférence des consommateurs qui nuisent au vin canadien. Ce sont plutôt les obstacles commerciaux qui constituent la principale cause de la réduction de l’accès au marché américain qui ont limité les ventes de vin canadien ». Elle a aussi déclaré que « [l]es États américains accordent d’importantes mesures d’aide à leur industrie vinicole, ce qui offre aux vignerons américains des avantages considérables par rapport aux fournisseurs de vin canadien. Il est temps d’assurer des conditions d’égalité des chances. Il est essentiel que la modernisation de l’ALENA offre un accès accru au marché et supprime les mesures discriminatoires ».

Certains témoins ont mentionné que la relation commerciale entre le Canada et les États‑Unis génère de l’activité économique et des emplois dans les deux pays. Par exemple, selon General Motors du Canada Limitée, le « commerce des pièces automobiles […] contribue à la compétitivité du Canada tout en encourageant les emplois de fabrication aux États‑Unis, surtout dans les États des Grands Lacs ». Le Council of the Great Lakes Region a indiqué que les huit États américains faisant partie de la région des Grands Lacs « comptent […] sur le Canada pour préserver environ 2,2 millions d’emplois bien rémunérés », et la U.S. Chamber of Commerce a fait observer qu’environ 14 millions d’emplois américains dépendent des échanges commerciaux des États-Unis avec le Canada et le Mexique.

En conséquence, certains témoins ont insisté sur le fait que les producteurs canadiens et américains subiraient des préjudices si le commerce entre les deux pays se compliquait. Par exemple, le Conseil canadien du porc a fait remarquer que les importations canadiennes de porc américain totalisent près de 1,2 milliard de dollars et que toute perturbation du commerce du porc nuirait aux producteurs des deux pays.

Lors de sa mission d’étude à Detroit, le Comité a appris que, dans les 48 heures qui ont suivi les attaques terroristes du 11 septembre 2001, la frontière canado-américaine a été temporairement fermée, obligeant certaines usines américaines à fermer. L’Association canadienne des constructeurs de véhicules a dit que, « [é]tant donné que le contenu en pièces et en matériaux de sources canadiennes des véhicules montés au Canada est légèrement supérieur [que le contenu de sources américaines], toute perturbation de la chaîne d’approvisionnement intégrée aura des incidences sur les emplois des constructeurs automobiles et fournisseurs américains autant que chez nous, sinon plus ».

En ce qui concerne la relation commerciale entre le Canada et le Mexique, Colin Robertson, de l’Institut canadien des affaires mondiales – qui a comparu à titre personnel – a mentionné que le « partenariat vigoureux » avec le Mexique est mutuellement avantageux, mais qu’il n’a pas encore atteint tout son potentiel. Il a dit que la décision du Canada de décembre 2016 visant à remplacer l’exigence du visa pour les visiteurs mexicains par l’autorisation de voyage électronique a entraîné une augmentation importante des visites de Mexicains au Canada. Il a également souligné que, pour renforcer la relation commerciale entre le Canada et le Mexique, il faudrait notamment promouvoir davantage le Canada comme destination touristique auprès des Mexicains et réaliser plus de projets de recherche conjoints dans les domaines de la fabrication et de l’agroalimentaire. La Canadian Chamber of Commerce in Mexico a parlé de l’ALENA comme du principal « atout commercial » des trois pays et dit que le Canada est un partenaire commercial fiable du Mexique. M. Robertson a mentionné que « l’ALENA […] a transformé [les relations Canada‑Mexique] : nous sommes passés de rapports cordiaux distants fondés sur un voisin commun à des relations quasi familiales ». Il a ajouté que, depuis l’entrée en vigueur de l’ALENA, le commerce entre le Canada et le Mexique a plus que triplé et que les investissements canadiens au Mexique se sont « multipliés », bien qu’on ne puisse en dire autant des investissements mexicains au Canada.

Le Council of the Great Lakes Region était d’avis que, même si l’ALENA s’est avéré « positif » pour le Canada, les États‑Unis et le Mexique, « [d]e bien des façons, depuis la mise en œuvre de l’ALENA, le continent opère à deux vitesses, généralement à l’avantage du Mexique ».

De l’avis de certains témoins, l’ALENA est d’abord à l’avantage des grandes entreprises. Par exemple, le Congrès du travail du Canada a indiqué que l’ALENA « a compromis des emplois sûrs et bien rémunérés et a détruit des industries de fabrication et de transformation et les localités qui en dépendent. Même si la croissance du commerce et de l’économie s’est intensifiée, ce sont les grandes entreprises et les investisseurs qui en profitent, et non les travailleurs ». Dans le même ordre d’idées, le Conseil des Canadiens a fait observer que, « [b]ien que certains disent que l’ALENA est avantageux pour les trois pays, il s’avère plutôt avantageux pour les sociétés de ces trois pays ». Dans le mémoire qu’il a présenté au Comité, le Conseil des Canadiens fait valoir, par exemple, que les « clauses d’indexation à la hausse et de statu quo […] favorisent la privatisation et freinent la création de nouveaux services sociaux » et le rétablissement de services publics ayant été privatisés. Reconnaissant que les bénéfices n’ont pas été partagés équitablement, la ministre des Affaires étrangères a fait des dispositions progressistes dans l’ALENA une priorité pour le gouvernement canadien. Le chapitre sur le travail proposé par le Canada a d’ailleurs l’appui des syndicats canadiens et américains. Par exemple, selon un communiqué de presse de la Fraternité internationale des Teamsters datant d’octobre 2017, « les intérêts des travailleurs et des familles de la classe moyenne sont mieux servis par la proposition canadienne actuelle[4] ».

E. Degré de connaissance de la relation commerciale canado-américaine aux États-Unis

Durant ses missions d’étude aux États‑Unis, le Comité a été informé que des occasions se présentent aux Canadiens d’expliquer l’importance de la relation commerciale entre le Canada et les États‑Unis, ainsi que ses implications pour les entreprises et les travailleurs américains. À Sacramento, le Comité a entendu que les Californiens ne sont peut‑être pas au fait de l’importance du commerce avec le Canada, à moins que cela fasse partie de leur quotidien. De même, dans la vallée de la Napa, le Comité a appris que le Canada est connu dans les vignobles et hôtels locaux comme un important marché d’exportation des vins de la région, mais que le « citoyen ordinaire » qui fréquente les restaurants et hôtels de la région n’est peut‑être pas au fait de l’importance du Canada. Le Comité s’est également faire dire que certains Américains voient le Canada comme faisant partie du marché intérieur des États‑Unis.

Dans le cadre des missions d’étude du Comité aux États‑Unis et de ses réunions à Ottawa, il a été mentionné que des Américains attribuent les pertes d’emplois dans certains secteurs à la libéralisation des échanges et à l’immigration. Par exemple, selon la U.S. Chamber of Commerce, le « président Trump […] a été élu président en tenant compte de différentes préoccupations, en particulier dans les États du Midwest américain […]. Dans une certaine mesure, la préoccupation concernait l’immigration, mais également la perte d’emplois dans le secteur manufacturier, ce qui a été reproché à l’ALENA ». Le Council of the Great Lakes Region a fait un commentaire similaire.

De plus, lors de ces missions et des réunions à Ottawa, l’automatisation a été désignée comme un facteur plus important de pertes d’emploi que le commerce. Par exemple, à Denver, le Comité a appris que la technologie a perturbé au moins sept fois plus d’emplois que le commerce. De même, à Detroit, le Comité a entendu que l’automatisation est la principale cause de pertes d’emplois dans les secteurs de la fabrication des automobiles et des pièces d’auto. Offrant un point de vue différent, le Congrès du travail du Canada a parlé d’une étude du Fonds monétaire international sur les difficultés rencontrées lorsqu’il s’agit de distinguer les effets de l’automatisation de ceux du commerce sur les pertes d’emplois.

Également à Denver, le Comité a entendu que le manque d’indemnisation ou d’aide à l’adaptation commerciale des travailleurs subissant des effets négatifs des échanges commerciaux entraîne un ressentiment à l’égard du commerce. Développant ce point de vue, le Congrès du travail du Canada a fait valoir que – dans de nombreux pays développés – « le fait de ne pas avoir dédommagé ceux qui ont été les plus durement touchés par les perturbations commerciales » a suscité un « sentiment nationaliste » chez eux et mené à une inégalité croissante.

Alors que certains Américains imputent au commerce les pertes d’emplois dans certains secteurs, des moyens ont été proposés lors des missions d’étude aux États‑Unis et des réunions à Ottawa pour mieux faire connaître aux législateurs américains et à d’autres Américains la relation commerciale entre le Canada et les États‑Unis. Il a été question en particulier de communiquer directement avec les travailleurs, les électeurs, les entrepreneurs, les législateurs et les représentants américains, notamment.

Dans ses observations au Comité, la ministre des Affaires étrangères du Canada a dit que « [n]ous comprenons que l’important n’est pas seulement les relations avec Washington ou les relations avec la Maison‑Blanche, avec le président ou avec les secrétaires du Cabinet. Ces relations sont très importantes, mais il y en a d’autres à plusieurs niveaux ».

Dans le même ordre d’idées, le Comité a entendu, au cours de sa mission d’étude à Washington, que « la politique se joue à l’échelle locale » aux États‑Unis, d’où la nécessité d’adopter des initiatives partant de la base pour mieux faire connaître la relation commerciale canado-américaine; les Canadiens devraient travailler de concert avec des représentants et des entrepreneurs locaux aux États‑Unis. À Ottawa, la Pacific Northwest Economic Region a dit qu’« [i]l faut que les Américains parlent à leurs membres du Congrès […] Il nous faut des assemblées publiques et des lettres envoyées par les simples citoyens au courrier des lecteurs disant "Hé! Mon emploi est vraiment en jeu ici. […] La relation avec le Canada est très importante." ».

En ce qui concerne les messages à transmettre aux Américains, le Comité a appris, durant sa mission d’étude à Detroit, que les Canadiens devraient souligner le fait que le Canada représente le plus gros marché d’exportation des États-Unis. En commentant l’efficacité de cette stratégie, la ministre des Affaires étrangères du Canada a dit au Comité ce qui suit :

À chaque occasion, nous avons expliqué à nos amis du Sud […] que le Canada est le plus important marché d’exportation des deux tiers des États américains et leur plus gros client en général, et de loin. […] À présent, ils comprennent […] que notre relation […] est équilibrée et mutuellement profitable.

De plus, lors de sa mission d’étude à Chicago, le Comité s’est fait dire que le Canada devrait fournir aux gouverneurs américains des données pertinentes sur le commerce afin d’appuyer leurs efforts de sensibilisation à l’importance du Canada comme partenaire commercial des États‑Unis. Le Comité s’est aussi fait dire qu’il faudrait rappeler aux travailleurs américains que leur emploi dépend peut‑être du commerce avec le Canada et que les Américains seraient réceptifs à de simples témoignages personnels qui expliqueraient les avantages des échanges commerciaux avec le Canada, en particulier de la part de non‑Canadiens.

Afin de sensibiliser davantage les Américains à l’importance des relations commerciales entre le Canada et les États‑Unis, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada prenne des mesures visant à sensibiliser les législateurs, les responsables gouvernementaux, les travailleurs, les entreprises et les électeurs américains à l’importance de la relation commerciale entre le Canada et les États‑Unis.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada, tout au long des négociations sur l’Accord de libre-échange nord‑américain, continue d’adopter une approche pangouvernementale pour expliquer l’importance de la relation commerciale entre le Canada et les États‑Unis ainsi que l’incidence de cette relation sur les entreprises et les travailleurs américains.

Au cours des discussions sur les ALE avec les pays nord-américains, les témoins ayant comparu devant le Comité ont, de façon générale, parlé des négociations portant sur l’ALENA, des consultations menées par le gouvernement du Canada dans le cadre de ces négociations et de la possibilité qu’un ALE soit conclu entre les 11 pays toujours signataires du PTP.

A. Négocier des modifications à l’Accord de libre‑échange nord‑américain

Au sujet des négociations concernant l’ALENA, la ministre des Affaires étrangères du Canada a dit que l’ALENA « devrait être plus progressiste », en englobant notamment des domaines tels que le travail, l’environnement, les droits en matière d’égalité entre les sexes, les peuples autochtones et le règlement des différends entre investisseurs et États. En ce qui concerne le travail et l’environnement, la ministre a mentionné que les « éléments progressistes » qui, elle l’espère, seront intégrés à l’ALENA en feront un « accord commercial équitable ». Elle a également mentionné que les accords commerciaux devraient aider les travailleurs canadiens et étrangers à « obtenir de meilleurs salaires et de meilleures conditions ».

Certains témoins représentant des entreprises ont fait remarquer que la grande priorité du Canada dans le cadre de la négociation de l’ALENA devrait être de « protéger les acquis », notamment en préservant à la fois les chaînes de valeur intégrées de l’Amérique du Nord et l’accès au marché américain en particulier. La Chambre de commerce du Canada a dit que le principe fondé sur la protection des acquis est son vœu le plus cher et que les négociations doivent « maintenir les avantages actuels de l’ALENA ». Parallèlement, le Conseil canadien des affaires a déclaré que « [l]e Canada doit protéger le cadre des droits, des avantages et des privilèges dont jouissent actuellement ses entreprises et ses citoyens en vertu de l’ALENA. Il est également impératif que tout accord repose sur un accès et un traitement réciproques ».

Les témoins se sont généralement entendus pour dire qu’il serait possible de moderniser certains éléments de l’ALENA. Par exemple, le Conseil canadien des affaires a fait observer que l’Accord de libre‑échange entre le Canada et les États‑Unis et l’ALENA ont été négociés « à une autre époque » et qu’on pourrait moderniser l’ALENA en modifiant ou en y ajoutant des dispositions dans des domaines comme la propriété intellectuelle, le commerce électronique, les entreprises d’État, la concurrence, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les télécommunications, les douanes, la main‑d’œuvre, l’environnement, les marchés publics et la coopération en matière de réglementation. Les témoins ont également parlé de moderniser l’accord dans le contexte de la mobilité de la main‑d’œuvre, des droits en matière d’égalité entre les sexes, des peuples autochtones et du règlement des différends.

Durant les missions d’étude du Comité aux États‑Unis et de ses réunions à Ottawa, il a été question de « dispositions de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) et de l’entente du PTP qui pourraient être incorporées à une nouvelle version de l’ALENA. Par exemple, la ministre des Affaires étrangères du Canada a dit au Comité que, pour rendre l’ALENA plus « progressiste », le gouvernement du Canada pourrait s’« appuyer » sur l’AECG. Le Conseil canadien des affaires était d’avis que l’entente du PTP pourrait être un modèle utile à suivre pour moderniser l’ALENA dans divers domaines.

De plus, dans le contexte des négociations sur l’ALENA, certains témoins ont proposé des mesures à prendre par le Canada pour gérer sa relation avec le Mexique. Selon le Conseil mexicain des relations étrangères, la conclusion d’ententes bilatérales distinctes entre les États‑Unis et chacun de ses deux partenaires de l’ALENA représenterait une possibilité « inacceptable » pour le Mexique. De l’avis de la Canadian Chamber of Commerce in Mexico, les négociations devraient viser à accroître la compétitivité de la région de l’Amérique du Nord. Tant la Canadian Chamber of Commerce in Mexico que la Japan Automobile Manufacturers Association of Canada ont déclaré que les négociations devaient continuer de se dérouler de manière trilatérale. Selon le Conseil mexicain des relations étrangères, si les États‑Unis se retiraient de l’ALENA, l’accord « continuerait » avec le Mexique et le Canada comme seuls partenaires. Selon le Conseil, ces deux pays devraient faire savoir publiquement qu’ils maintiendraient leur relation dans le cadre de l’ALENA advenant le retrait des États‑Unis.

Dans son mémoire présenté au Comité, le Conseil des Canadiens fait valoir que les négociations au sujet de l’ALENA devraient être l’occasion de « rétablir l’équilibre entre les droits des sociétés et ceux des autres » et devraient comprendre un « dialogue de fond » sur la façon d’ouvrir le commerce à tous.

Afin de s’assurer que le plus de Canadiens possible puissent profiter d’un ALENA renouvelé, le Comité recommande :

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre‑échange nord‑américain, accorde la priorité aux mesures qui favoriseraient les exportations canadiennes, la hausse des salaires et la réduction des inégalités sur le plan des revenus et de la richesse.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada travaille en collaboration avec les États‑Unis et le Mexique afin de s’assurer que les négociations sur l’Accord de libre‑échange nord‑américain continuent de se dérouler de manière trilatérale. Le gouvernement devrait également viser l’adoption de dispositions permettant d’accroître la compétitivité de l’Amérique du Nord en tant que région.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre‑échange nord‑américain, s’efforce de rendre l’accord plus progressiste notamment en ce qui concerne le travail, l’environnement, l’égalité des sexes, les peuples autochtones et le règlement des différends entre investisseurs et États.

B. Consulter les Canadiens

La ministre des Affaires étrangères du Canada a parlé au Comité des consultations qu’Affaires mondiales Canada[5] a entreprises dans le cadre des négociations sur l’ALENA. La ministre a dit qu’Affaires mondiales Canada avait reçu, en date du 14 août 2017, des observations de plus de 22 500 Canadiens, y compris de 158 associations, de 55 sociétés et de plusieurs universitaires et groupes de réflexion[6]. La ministre a souligné que les consultations se poursuivront tout au long des négociations et seront menées auprès de groupes représentant des syndicats, l’environnement, les femmes et les peuples autochtones. Selon la ministre, les provinces et territoires sont « au cœur de nos relations commerciales avec les États‑Unis » et ils ont été consultés au sujet de l’ALENA et participent aux négociations.

Une représentante d’Affaires mondiales Canada a expliqué que certaines tendances récurrentes sont ressorties durant les consultations sur l’ALENA : la nécessité d’adopter une approche visant à « protéger les  acquis » et qui préserverait l’accès aux marchés américains et mexicains; et la priorité qui devrait être accordée à l’harmonisation ou à la coopération en matière de réglementation afin d’uniformiser davantage certains règlements.

Certains témoins ont commenté leur participation aux consultations d’Affaires mondiales Canada concernant l’ALENA. Spirits Canada s’est dit « extrêmement satisfait » de la sensibilisation et des consultations réalisées par Affaires mondiales Canada, et les Producteurs laitiers du Canada ont souligné que, « jusqu’à présent, le gouvernement du Canada réussit à bien gérer les négociations et à tenir les intervenants informés, mais nous resterons à l’affût ». Selon l’International Inter-tribal Trade and Investment Organization, Affaires mondiales Canada fait un « travail admirable » pour ce qui est de mener des consultations, mais le délai de 11 jours entre chaque ronde de négociations ne permet pas de mener des consultations « complètes, sincères, justes et valables » auprès des titulaires de droits. La période entre chaque ronde de négociations a depuis été prolongée.

Selon le négociateur en chef du Québec pour l’ALENA, la coopération entre le gouvernement du Canada et les provinces est importante. Il a indiqué que les négociateurs canadiens rencontrent les représentants des provinces après chaque ronde de négociations sur l’ALENA.

D’un autre point de vue, le Conseil des Canadiens fait valoir, dans son mémoire présenté au Comité, que les Canadiens ont « peu de possibilités » de formuler des commentaires sur les « priorités dans le cadre de la renégociation de l’ALENA » et que « ce processus a été mené en vase clos et n’a réuni que des entreprises autour de la table ».

Dans son mémoire présenté au Comité, OpenMedia Engagement Network demande au gouvernement du Canada de publier les ébauches des modifications proposées à l’ALENA – particulièrement en matière de dispositions sur la propriété intellectuelle et de commerce électronique – à intervalles réguliers tout au long des négociations et de rendre publics tous les commentaires formulés dans le cadre des consultations auprès des Canadiens sur les négociations.

Afin de s’assurer que les consultations sur les modifications apportées aux accords commerciaux sont effectuées de façon exhaustive, le Comité recommande :

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada mène des consultations exhaustives et utiles auprès des Canadiens pendant ses négociations commerciales avec les États‑Unis et/ou le Mexique. Dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre‑échange nord‑américain, le gouvernement devrait consulter régulièrement les représentants des provinces et des territoires.

C. Le « PTP 11 » et autres accords commerciaux

Le 30 janvier 2017, le représentant américain au Commerce a officiellement annoncé [en anglais seulement] le retrait des États‑Unis du PTP, et, par conséquent, de l’ALE que les 12 pays signataires du PTP – dont le Canada, les États‑Unis et le Mexique – avaient signé le 4 février 2016. Depuis, les autres pays signataires du PTP – connus sous le nom de « PTP 11 » – se sont rencontrés afin de discuter des options futures pour libéraliser les échanges commerciaux entre eux[7]. En novembre 2017, les représentants des 11 pays signataires du PTP se sont rencontrés au Vietnam, en marge de la Réunion des dirigeants économiques de la Coopération économique de la zone Asie‑Pacifique, et se sont entendus sur les éléments clés qui constitueront la base de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste[8].

Commentant la libéralisation du commerce parmi les 11 pays restants du PTP et les résultats d’un exercice de modélisation qu’elle a réalisé, la Canada West Foundation a souligné que le Canada « se classerait deuxième » dans le cadre d’un ALE entre ces pays et augmenterait sa part du marché asiatique aux dépens des États‑Unis. L’organisation a également dit qu’un ALE entre les 11 pays du PTP et le « tort qu’il ferait aux États‑Unis » donneraient au Canada « quelque chose à opposer au gouvernement Trump s’il veut complètement chambarder les règles du jeu en matière de commerce pour favoriser les Américains et désavantager tous les autres ».

L’Association canadienne des éleveurs de bétail, l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire et le Conseil canadien du porc demandent au Canada de ratifier l’entente du PTP qu’il a signée le 4 février 2016 ou de se joindre aux négociations concernant un ALE entre les 11 pays du PTP. Selon la Canadian Chamber of Commerce in Mexico, le gouvernement mexicain « exercera des pressions en faveur d’un PTP 11 » et le gouvernement du Canada devrait en faire autant. La Canadian Chamber of Commerce in Mexico a également fait remarquer que le Canada et le Mexique devraient « songer à d’autres possibilités » en matière de libre‑échange – notamment dans le cadre de l’Alliance du Pacifique – si le PTP 11 se révélait impossible à réaliser.

Reconnaissant qu’un ALE entre les 11 pays du PTP créerait de nouveaux débouchés pour le Canada et favoriserait le développement de ses échanges commerciaux avec le Mexique, le Comité recommande :

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada poursuive ses efforts afin de conclure un accord de libre‑échange entre les 11 pays actuellement signataires du Partenariat transpacifique.

En décrivant les défis liés à l’accès aux marchés internationaux, des témoins ont parlé de l’accès aux marchés de manière générale, et ont également formulé des commentaires spécifiques en matière de règles d’origine et de marchés publics.

A. Accès aux marchés pour les produits soumis à la gestion de l’offre et les autres types de produits

Un certain nombre de témoins ont mentionné que les négociations sur l’ALENA ne devraient pas réduire l’accès du Canada aux marchés américain et mexicain. Manufacturiers et Exportateurs du Canada a souligné que le Canada devrait s’employer avant tout à préserver l’accès aux marchés au cours des négociations. La U.S. Chamber of Commerce, de son côté, a fait valoir qu’« interrompre » les échanges entre les pays membres de l’ALENA ou rétablir les droits de douane élevés qui s’appliquaient avant l’ALENA pourrait « mettre en danger des millions d’emplois qui dépendent de ces échanges dans nos trois pays ».

Lors des missions d’étude du Comité aux États‑Unis et des réunions à Ottawa, diverses questions liées à l’accès aux marchés ont été soulevées à l’égard de secteurs agricoles précis, notamment les produits laitiers, la volaille, le sucre et les boissons alcoolisées. Par exemple, à Milwaukee, le Comité a entendu que l’accès des États‑Unis au marché canadien des produits laitiers est limité par des mesures comme la création du lait de classe 7 au Canada et la protection par l’AECG des indications géographiques de certains fromages de l’Union européenne.

Selon les Producteurs laitiers du Canada, le marché canadien n’est pas fermé aux importations de produits laitiers américains, et les États‑Unis ont affiché un excédent commercial de plus de 400 millions de dollars avec le Canada dans le secteur du lait en 2016. Ils ont également mentionné que les importations, dont une partie constituerait du « dumping » des États-Unis vers le Canada selon le témoin, servent à satisfaire 10 % de la demande canadienne de produits laitiers, alors que, aux États‑Unis, de 3 à 4 % de la demande intérieure pour ces produits est satisfaite par les importations. Le représentant de cette organisation a aussi déclaré que, « à plusieurs occasions, les États-Unis ont contourné les règles commerciales dans le cadre de leur commerce avec le Canada. À titre d’exemple, les États-Unis ont créé un produit qu’ils utilisent très rarement, le lait diafiltré, précisément dans le but de profiter d’une brèche dans les accords commerciaux existants et d’offrir des prix inférieurs à ceux du marché canadien des produits laitiers. Depuis 2015, les producteurs laitiers canadiens perdent environ 230 millions de dollars annuellement, en raison de l’importation du lait diafiltré, qui remplace directement la production laitière canadienne ».

Les Producteurs laitiers du Canada ont demandé au gouvernement du Canada d’exclure le secteur canadien des produits laitiers des négociations de l’ALENA et fait valoir qu’une plus grande ouverture du marché canadien aux produits laitiers importés des États-Unis se traduirait par une réduction du produit intérieur brut, des pertes d’emplois ainsi qu’une baisse de revenus pour les producteurs laitiers canadiens, sans « aucun avantage » pour le Canada. De même, dans son mémoire présenté au Comité, Trade Justice PEI a souligné que « [l]es négociateurs canadiens doivent défendre la gestion de l’offre et la capacité des producteurs laitiers canadiens de gagner leur vie décemment ».

Les Producteurs de poulet du Canada ont souligné que, dans le secteur des produits du poulet, les États‑Unis affichent un excédent commercial de 300 millions de dollars par année avec le Canada. Ils ont fait observer que c’est en raison du régime d’accès au Canada prévu par l’ALENA pour le poulet importé des États‑Unis, qui est fondé sur la production canadienne, que l’accès des États‑Unis au marché canadien de poulet a augmenté de 406 % depuis la mise en œuvre de l’accord.

Mentionnant que l’ALENA s’est avéré positif pour les producteurs de poulet canadiens et américains, les Producteurs de poulet du Canada ont expliqué que les producteurs canadiens comptent sur les droits appliqués en cas de dépassement des contingents sur les importations de poulet, dont toute réduction « mettrait en péril la stabilité de notre industrie et l’exposerait à des risques ». Ils ont fait valoir que, durant les négociations sur l’ALENA, le Canada ne devrait offrir aucun accès supplémentaire aux importations de poulet en pourcentage du marché canadien de poulet.

Selon l’Institut canadien du sucre, l’accès du sucre raffiné canadien au marché américain a été limité à un contingent de 10 300 tonnes de sucre de betterave, ce qui représente moins de 0,1 % du marché américain; toutefois, l’accès peut être élargi lorsqu’il y a des urgences en cas de pénurie. L’Institut a également dit que les importations américaines de produits canadiens contenant plus de 10 % de sucre sont aussi limitées par des contingents « fixes et inflexibles ».

L’Institut canadien du sucre a également indiqué que, contrairement aux États‑Unis, le marché canadien du sucre « ne bénéficie pas » de soutien au prix, de droits de douane élevés, ni de contingents restrictifs. Il a dit que « les opérations du Canada sont efficaces et concurrentielles à l’échelle mondiale, mais elles sont sous‑utilisées compte tenu des politiques commerciales restrictives des États‑Unis et des autres pays étrangers ». De l’avis de l’Institut, les négociations sur l’ALENA sont « une occasion cruciale de moderniser nos échanges de sucre et de produits contenant du sucre, d’améliorer l’utilisation des capacités et l’efficacité du secteur canadien du sucre et [de soutenir] la transformation des aliments au Canada ».

Lors de sa mission d’étude dans la vallée de la Napa, des interlocuteurs ont dit au Comité que, bien que le Canada soit leur principal marché d’exportation, les producteurs de vin de la Californie se heurtent à des obstacles lorsqu’il s’agit de vendre leurs produits dans le marché canadien. Le Comité a entendu que les taxes d’accise, ainsi que des difficultés à expédier le vin directement aux consommateurs et à convaincre les détaillants provinciaux qui ont le monopole à vendre des vins californiens font partie de ces obstacles.

Dans un document présenté au Comité, l’Association des vignerons du Canada mentionne que les producteurs de vin américains ont un « excellent accès au marché canadien » et ont plus que doublé leur part de marché entre 1998 et 2016. L’Association a parlé des obstacles auxquels se bute le secteur viticole canadien dans le marché américain, notamment l’obligation voulant que le vin canadien soit distribué par les grossistes des États, les réseaux de vente au détail qui sont limités aux vins américains et l’impossibilité de vendre du vin canadien directement aux consommateurs. Selon l’Association, les négociations sur l’ALENA devraient améliorer l’accès du secteur au marché américain, supprimer les mesures discriminatoires , maintenir l’annexe sur le vin de l’ALENA et incorporer l’annexe du PTP portant sur ce secteur et empêcher la création de nouveaux obstacles à la vente du vin canadien dans le marché américain.

Au sujet des spiritueux, Spirits Canada a précisé que 85 % des exportations canadiennes sont destinés aux pays membres de l’ALENA. Selon l’organisation, dire que le maintien de l’accès à ce marché est essentiel pour l’avenir de l’industrie des spiritueux canadiens est un « énorme euphémisme ».

Selon Food and Beverage Ontario, « [t]oute nouvelle disposition de l’ALENA 2.0 qui viendrait restreindre l’accès au marché et l’intégration de la chaîne d’approvisionnement serait préjudiciable pour notre industrie et, par ricochet, pour les consommateurs de l’Amérique du Nord tout entière ».

Des témoins ont également parlé du secteur de la fabrication des véhicules. Par exemple, selon Ford du Canada Limitée, la manipulation des devises par certains pays limite les exportations de véhicules canadiens et devrait être éliminée au moyen d’accords commerciaux. L’Association canadienne des constructeurs de véhicules a fait observer que, même si les pays de l’ALENA ne manipulent pas leurs devises, le fait de prévoir des règles dans l’ALENA pour empêcher la manipulation « constituerait un précédent important et établirait une plateforme de collaboration ».

Lors de sa mission d’étude à Washington (D.C.), le Comité s’est fait dire que l’application des lois en matière de commerce est une priorité pour le gouvernement américain et a été informé des enquêtes menées par les autorités américaines sur les importations d’acier, d’aluminium, de piles photovoltaïques ainsi que de bois d’œuvre[9] et d’aéronefs[10] canadiens en vue de l’application des recours commerciaux. À Ottawa, des témoins ont également évoqué le bois d’œuvre et l’acier[11].

Dans un document présenté au Comité, l’Association des produits forestiers du Canada a formulé des commentaires au sujet des enquêtes du département américain du Commerce en matière de droits compensateurs et antidumping visant certains produits du bois d’œuvre du Canada. L’Association y fait valoir que le Canada devrait « demeurer ouvert à une solution quant au différend sur le bois d’œuvre à l’intérieur ou à l’extérieur de l’ALENA, selon ce qui sera le plus avantageux pour le pays ». Elle indique qu’un nouvel accord sur le bois d’œuvre devrait continuer d’être recherché en marge de la renégociation de l’ALENA.

En ce qui concerne l’enquête menée par les États‑Unis sur certaines importations d’acier et d’aluminium qui nuiraient prétendument à la sécurité nationale des États‑Unis, l’Association canadienne des producteurs d’acier a souligné qu’il est « essentiel » que le Canada soit mis à l’abri des éventuelles politiques que les États‑Unis envisagent d’adopter à la suite de cette enquête.

Afin de s’assurer que les entreprises canadiennes ont accès aux marchés nord‑américains et qu’elles connaissent bien l’existence de la formation et des services de promotion du commerce à leur disposition, et afin de soutenir les secteurs des produits forestiers et des produits soumis à la gestion de l’offre au Canada, le Comité recommande :

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre‑échange nord‑américain, accorde la priorité aux mesures qui permettraient de conserver les acquis. Plus précisément, le gouvernement devrait rechercher l’adoption de dispositions qui maintiendraient les chaînes de valeur intégrées de l’Amérique du Nord et l’accès du Canada au marché américain. En outre, le gouvernement devrait continuer de défendre le caractère intégré de l’industrie automobile nord-américaine et d’autres secteurs.

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada écarte les obstacles non tarifaires qui empêchent l’accès équitable aux marchés nord‑américains.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre‑échange nord‑américain, se porte à la défense des systèmes canadiens de gestion de l’offre. De plus, le gouvernement ne devrait pas accroître ses engagements en matière d’accès au marché pour l’importation de produits soumis à la gestion de l’offre.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada poursuive les négociations avec le gouvernement des États‑Unis afin de régler le litige qui oppose les deux pays quant aux importations américaines de certains produits canadiens de bois d’œuvre résineux.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada fasse bien connaître aux petites et moyennes entreprises canadiennes les services de promotion du commerce qui sont à leur disposition, y compris ceux offerts par le Service des délégués commerciaux du Canada, Exportation et Développement Canada et la Banque de développement du Canada. Le gouvernement devrait également accorder un soutien fédéral continu pour un guichet unique où ces entreprises auraient accès à toute la gamme de ressources qui leur sont destinées.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada rende la formation dans le domaine du commerce international plus accessible aux petites et moyennes entreprises, ainsi qu’aux entreprises appartenant à des femmes et aux communautés multiculturelles. Le gouvernement doit aussi promouvoir activement cette formation auprès des entreprises et de ces communautés.

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada fasse la promotion des formations dans le domaine du commerce dispensées dans les collèges et les universités et offrant des occasions de partenariat avec des entreprises pour la préparation à l’exportation.

B. Règles d’origine

Au sujet des règles d’origine, les commentaires des témoins ont porté sur la nécessité de « protéger les acquis » durant les négociations de l’ALENA, sur le degré de priorité qui devrait être accordé à la simplification de ces règles, ainsi que sur les modifications qui pourraient être apportées aux exigences relatives au contenu prévues dans l’ALENA, c.-à-d. les teneurs en contenu canadien, américain ou mexicain requises afin que certains produits puissent bénéficier du traitement tarifaire préférentiel établi par l’accord.

De l’avis de certains témoins, le Canada devrait notamment avoir comme priorité de « protéger les acquis » durant les discussions sur d’éventuels changements aux règles d’origine de l’ALENA. Selon le Conseil canadien des affaires, « [i]l y a des rumeurs selon lesquelles les négociateurs américains tenteront de réécrire les règles d’origine de l’ALENA applicables aux produits. Bien que leurs intentions à cet égard ne soient pas claires, les conséquences imprévues risquent d’être assez désastreuses ». Le Conseil canadien des affaires et la Chambre de commerce du Canada ont pris position contre des règles d’origine dans l’ALENA qui seraient spécifiques à chaque pays, une approche qui irait « à l’encontre de l’esprit du libre‑échange » selon la Chambre de commerce du Canada.

Selon General Motors du Canada Limitée, « [dans] la catégorie "Ne causer aucun tort", nous devons nous employer à réduire les lourdeurs administratives, et non pas à les augmenter. Dans l’ALENA aujourd’hui, il y a encore beaucoup de lourdeurs administratives pour [la traçabilité] des pièces automobiles dans leurs mouvements transfrontaliers. Nous préférerions que [la traçabilité] soit éliminée ». Le Conseil canadien des affaires a dit appuyer la modernisation des systèmes de traçabilité prévus dans l’ALENA, qu’il a qualifiés de « désuets ».

D’après la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, les règles d’origine de l’ALENA devraient être faciles à comprendre, être clairement communiquées et inclure des exemples précis. La Fédération a déconseillé fortement d’apporter des changements qui « compliqueraient ou resserreraient » les règles d’origine et fait savoir que bon nombre de ses membres « se sont dits inquiets » que les négociations sur l’ALENA puissent « compliquer ce qui est déjà une tâche titanesque pour de nombreuses [petites et moyennes entreprises] ».

En ce qui concerne les exigences relatives au contenu prévues dans l’ALENA, le Centre canadien de politiques alternatives a fait valoir que « des règles plus rigoureuses sur le contenu nord‑américain pourraient être à l’avantage des travailleurs du secteur nord‑américain de la fabrication en décourageant l’utilisation de niveaux élevés de contenu extraterritorial ». Toutefois, la U.S. Chamber of Commerce a dit douter que le fait de resserrer ces règles oblige les fabricants automobiles à augmenter le contenu nord‑américain de leurs produits. Selon elle, s’il devient trop complexe ou coûteux de se conformer aux règles d’origine, les fabricants automobiles vont décider de payer les droits applicables sur les importations d’automobiles destinées aux États‑Unis.

Les témoins représentant des fabricants automobiles ont déconseillé de resserrer les exigences relatives au contenu prévues dans l’ALENA. La Japan Automobile Manufacturers Association of Canada et l’Association canadienne des constructeurs de véhicules ont dit que les règles d’origine actuelles de l’ALENA devraient être préservées, et l’Association canadienne des constructeurs d’automobiles a affirmé que « [t]out changement à l’accès en franchise de droit et aux règles sur le contenu va perturber les chaînes d’approvisionnement intégrées et diminuer les énormes avantages, ce qui va miner la capacité concurrentielle à l’échelle mondiale de cette industrie intégrée de l’automobile dont nous parlons ».

L’Association canadienne des producteurs d’acier a demandé que les règles d’origine de l’ALENA soient mises à jour afin d’y incorporer une norme du type « fondu et coulé » pour l’acier.

Selon Fertilisants Canada, une règle concernant la réaction chimique pour le classement des produits chimiques devrait être ajoutée à l’ALENA en vue d’harmoniser les règles de l’ALENA avec celles d’autres accords de libre‑échange et d’obtenir des gains d’efficacité sur le plan administratif.

L’Association canadienne des producteurs pétroliers a indiqué que, « [a] u cours des 30 dernières années, un marché du gaz naturel très fluide a vu le jour en Amérique du Nord. Il est toutefois difficile d’associer cette fluidité aux règles d’origine complexes ».

Afin de s’assurer que les entreprises canadiennes puissent bénéficier des taux tarifaires préférentiels de l’ALENA et continuer à exporter sur les marchés nord‑américains, le Comité recommande :

Recommandation 15

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre‑échange nord‑américain, rejette toute modification des dispositions relatives aux règles d’origine qui feraient augmenter les coûts pour les entreprises ou qui limiteraient leur accès au marché nord‑américain. Aussi, le gouvernement devrait rechercher l’adoption de règles d’origine faciles à comprendre, et opter pour un langage clair dans le cadre de toutes ses communications relatives aux règles d’origine avec les entreprises touchées.

C. Marchés publics

Au sujet de l’accès du Canada aux marchés publics américains, le négociateur en chef du Québec pour l’ALENA a indiqué que certains marchés « importants » sont actuellement « fermés » aux entreprises canadiennes, notamment en raison des dispositions Buy American. L’Association canadienne des producteurs d’acier a souscrit à cette affirmation et elle a ajouté que le gouvernement américain avait lancé deux enquêtes concernant les politiques protectionnistes américaines qui pourraient poser problème pour les producteurs d’acier canadiens : une qui pourrait étendre ces politiques à certains marchés du secteur privé et une autre qui pourrait limiter les exemptions prévues. Le négociateur en chef du Canada pour l’ALENA a fait savoir que « cela fait longtemps que [le Canada] exprim[e] [ses] préoccupations » à propos des politiques protectionnistes américaines et qu’il tentera d’améliorer l’accès aux marchés publics des États‑Unis au cours des négociations sur l’ALENA.

Pour ce qui est de la réciprocité, le négociateur en chef du Canada pour l’ALENA a dit qu’il serait difficile d’imaginer le Canada offrir un plus grand accès aux marchés publics canadiens si les États‑Unis refusent de faciliter l’accès du Canada à leur marché. De même, le négociateur en chef du Québec pour l’ALENA a affirmé que le Canada ne devrait envisager d’élargir l’accès aux marchés publics provinciaux que si les États‑Unis consentent à rouvrir les dispositions visant à privilégier l’achat de produits américains ou à offrir aux fournisseurs canadiens un meilleur accès aux marchés publics. De plus, Pierre Marc Johnson – qui travaille pour Lavery, de Billy et qui a témoigné à titre personnel – était d’avis que les États‑Unis ne devraient faire aucune demande concernant l’accès aux marchés publics des provinces « à moins qu’ils s’engagent à ce que les États des États-Unis agissent avec réciprocité ».

Selon le Conseil des affaires canado‑américaines, les entreprises canadiennes devraient être considérées comme des fournisseurs « nationaux » aux fins de l’approvisionnement aux États‑Unis. Présentant les marchés dans l’industrie de la défense comme un modèle qu’on pourrait suivre, le Conseil a mentionné que l’Accord sur le partage de la production de défense entre le Canada et les États‑Unis oblige le Pentagone à traiter sur un pied d’égalité les fournisseurs canadiens et américains de matériel de défense.

Lors de ses missions d’étude aux États‑Unis, le Comité s’est fait dire que certaines politiques Buy America et Buy American visent des pays autres que le Canada, comme la Chine et le Mexique. À Detroit, le Comité a entendu qu’il y a de fortes chances que le secteur de la fabrication de la région de la Rust Belt aux États‑Unis soit favorable à ce que le Canada soit exempté de telles politiques.

Toutefois, selon le Centre canadien de politiques alternatives, il est peu probable que le Canada réussisse à se faire exempter de ces politiques. Dans le mémoire qu’il a présenté au Comité, le Centre incite le Canada à proposer des politiques favorisant les achats de produits nord-américains pour les nouvelles dépenses en infrastructures; si les États‑Unis rejettent cette proposition, le Canada devrait alors adopter des politiques « favorisant l’achat des produits canadiens (Buy Canadian) afin de maximiser les retombées économiques nationales » des marchés publics au Canada. L’Association canadienne de l’industrie de la chimie n’est pas de ce point de vue. Selon elle, le Canada ne devrait pas mettre en œuvre des politiques favorisant l’achat de produits canadiens, car nous ne devons pas « combattre une mauvaise politique par une autre mauvaise politique ».

Afin d’accroître l’accès du Canada aux marchés publics américains, le Comité recommande :

Recommandation 16

Que le gouvernement du Canada, au cours des négociations sur l’Accord de libre-échange nord-américain, considère l’utilisation du modèle fourni par l’Accord sur le partage de la production de défense entre le Canada et les États-Unis dans le cadre de ses efforts visant à faire accorder, dans les marchés publics américains, le traitement national aux entreprises canadiennes.

Les témoins qui ont parlé de la circulation des biens, des services et des personnes ont axé leurs observations sur les infrastructures et les processus frontaliers, la coopération en matière de réglementation entre les pays membres de l’ALENA, le commerce numérique et électronique, les télécommunications, la culture, la propriété intellectuelle et la mobilité de la main‑d’œuvre.

A. Infrastructures et processus frontaliers

Des témoins ont décrit les problèmes qui peuvent nuire à la bonne circulation des biens à la frontière canado‑américaine et ont insisté sur le besoin d’infrastructures et de processus qui permettent la circulation des biens de manière efficace et en temps opportun. Par exemple, une représentante de Ford du Canada Limitée a dit « qu’un véhicule construit en Amérique du Nord peut traverser la frontière sept fois. Chaque fois qu’il traverse la frontière, il se heurte à ces embouteillages et à l’exigence de ces manifestes ». À son avis, les constructeurs nord‑américains sont « en position de désavantage concurrentiel par rapport aux véhicules qui sont construits à l’extérieur et importés, et qui ne traversent la frontière qu’une fois ».

Le représentant de Toyota Motor Manufacturing Canada inc. a souligné que sa société et Honda Canada inc. ont des installations de fabrication « juste à temps » et que le dédouanement préalable est essentiel pour assurer la fluidité de la circulation des pièces d’automobiles à la frontière canado‑américaine. Selon lui, une interruption assez longue de la circulation peut entraîner « d’importants problèmes ».

Lors de sa mission d’étude à Detroit, le Comité a appris que les temps d’attente au poste frontalier de Detroit‑Windsor sont actuellement imprévisibles, ce qui pourrait amener les producteurs à augmenter leurs stocks de pièces afin de se prémunir contre les retards à l’importation. Le Comité a aussi entendu parler du pont international Gordie‑Howe, qui sera construit avec de l’acier canadien et américain. Il a été indiqué au Comité que ce pont viendra réduire les problèmes causés par les perturbations ou les interruptions du trafic aux postes frontaliers de la région, faciliter la circulation des personnes et des biens entre le Canada et les États‑Unis, accélérer les passages frontaliers et améliorer la prévisibilité des temps d’attente, établir un lien autoroutier et permettre des inspections primaires et secondaires.

Au sujet des infrastructures frontalières, l’Association canadienne des constructeurs de véhicules a indiqué que l’amélioration des postes frontaliers et des installations portuaires contribuerait à prévenir les pertes d’efficacité et les engorgements, ainsi qu’à améliorer la compétitivité des exportations canadiennes. La société United Parcel Service of America inc. a estimé que la « mise à niveau des infrastructures aux points d’entrée et de sortie est essentielle pour améliorer la rentabilité et la rapidité du commerce transfrontalier ».

Pour ce qui est des processus frontaliers, l’organisation Food and Beverage Ontario a affirmé que, dans le cadre des négociations sur l’ALENA, l’accent devrait être mis sur la simplification des procédures douanières. Elle a signalé notamment le besoin d’assouplir les exigences en matière de documentation et de certification, d’étendre l’utilisation du dépôt électronique des documents, de veiller à ce que les inspections se fassent en temps opportun et que les marchandises soient libérées rapidement, et de permettre le traitement expéditif aux douanes des expéditions à faible risque. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a aussi fait différentes propositions, en suggérant notamment un meilleur service à la clientèle, un accès plus facile et rapide aux ressources d’information et des délais de réponse plus rapides aux demandes de renseignements des entreprises.

Par ailleurs, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a suggéré que les pays de l’ALENA cherchent des moyens de réduire les temps d’attente des camions à la frontière, par exemple en examinant la mesure dans laquelle les programmes de facilitation du commerce, tels que le Programme d’expéditions rapides et sécuritaires (EXPRES), atteignent leurs objectifs et en s’assurant qu’ils sont faciles d’utilisation et adaptés aux besoins des petites entreprises. La représentante d’United Parcel Service of America inc. a mentionné pour sa part qu’un plus large éventail de transporteurs de marchandises devraient être autorisés à utiliser les voies réservées au Programme EXPRES aux frontières.

La représentante d’United Parcel Service of America inc. a également exprimé l’avis que l’Accord sur la facilitation des échanges de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pourrait servir de « base solide pour les renégociations relatives à l’ALENA ». Elle a ajouté que ces négociations donnent au Canada, aux États‑Unis et au Mexique la possibilité d’harmoniser leurs initiatives de guichet unique pour que les entreprises puissent faire des affaires « au moyen de systèmes plus semblables ». De plus, elle a encouragé les partenaires de l’ALENA à permettre aux négociants de biens d’utiliser des certificats électroniques pluriannuels, au lieu de l’actuel certificat papier valide pour un an; à reconnaître les programmes des négociants fiables des autres pays partenaires; et à se diriger vers un modèle « une inspection, deux dédouanements », qui permettrait à une expédition examinée par l’un des pays de l’ALENA d’être « acceptée comme étant dédouanée » par un autre pays membre.

Dans les observations qu’il a formulées avant le début des pourparlers entourant l’ALENA, le négociateur en chef du Canada pour l’ALENA a dit que l’un des objectifs principaux du Canada dans les négociations sera l’utilisation de la technologie, y compris l’autorisation électronique et les approbations automatiques, afin de faciliter la circulation des biens à la frontière canado‑américaine.

À propos de l’utilisation de la technologie à la frontière canado‑américaine, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a indiqué que, si la technologie pouvait être employée plus efficacement qu’elle ne l’est actuellement, « ces outils sont souvent conçus en fonction des grandes entreprises [...] et non en fonction de petites entreprises indépendantes qui n’expédient qu’un faible volume de marchandises de l’autre côté de la frontière [...] [Il] faut apprendre à remplir tous les formulaires, même s’il s’agit de formulaires électroniques ». Dans le même ordre d’idées, le représentant de Manufacturiers et Exportateurs du Canada a observé que le « simple fait de passer à l’électronique n’élimine pas le fardeau. Nous devons commencer à éliminer les fardeaux, et non pas simplement les rendre électroniques ».

Selon le Conseil des affaires canado-américaines, lorsque les Canadiens parlent aux Américains des efforts à réaliser pour améliorer l’efficacité à la frontière, ils devraient éviter d’employer les mots « épaississement » et « amincissement » car, pour les Américains, « une frontière qu’on amincit semble fragile ». Il faudrait plutôt parler d’une frontière intelligente, sûre et efficace.

Afin de réduire les retards à la frontière et de moderniser les procédures douanières, le Comité recommande :

Recommandation 17

Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les gouvernements des États-Unis et du Mexique, réduise le temps que prennent les biens pour franchir les frontières au sein de l’Amérique du Nord, notamment par des investissements stratégiques dans les infrastructures frontalières. De même, le Canada doit collaborer avec les États-Unis et le Mexique afin de moderniser les processus requis pour la circulation de biens et de personnes de part et d’autre des frontières, notamment grâce à un processus de prédédouanement plus efficace pour les cargaisons à faible risque et à l’élargissement des programmes de voyageurs fiables.

B. Coopération en matière de réglementation entre les pays membres de l’Accord de libre‑échange nord‑américain

Lors de sa comparution devant le Comité, la ministre des Affaires étrangères du Canada a observé que le Canada souhaite profiter des négociations sur l’ALENA « pour réduire les formalités administratives, pour poursuivre le très bon travail que nous faisons déjà relativement à l’harmonisation de la réglementation et pour réduire encore davantage les frictions dans cette relation commerciale ».

Les témoins ont mis en lumière tout un éventail de règlements incongrus ou contraignants, qu’ils soient d’application générale ou qu’ils touchent des secteurs précis, tels que le bœuf, le porc, le poulet, le blé, l’orge, l’automobile ou les produits chimiques. En donnant différents exemples, le Conseil des affaires canado-américaines a fait savoir que certains secteurs doivent composer avec une « vaste gamme de règlements contradictoires qui rendent difficile le commerce des deux côtés du 49e parallèle ». Sa représentante a ajouté que, parfois, ces règlements limitent l’accès des consommateurs aux produits qu’ils veulent et dont ils ont besoin. Elle a estimé que l’harmonisation de la réglementation entre le Canada et les États‑Unis est un choix « possiblement avantageux pour les deux gouvernements » et pourrait « réduire les tensions » entre eux.

Le négociateur en chef du Canada pour l’ALENA a indiqué que le Canada pourrait, durant les négociations entourant l’ALENA, tenter d’harmoniser la réglementation lorsque « c’est logique dans une industrie particulière qui est très intégrée ». Il a cependant précisé que, dans certains cas, il serait plus facile d’assurer la cohérence ou la collaboration réglementaire pour que, « même si la réglementation est différente, celle‑ci ne constitue pas un obstacle parce qu’on essaie essentiellement d’atteindre le même objectif ».

Des témoins ont fait des propositions concernant le Conseil États‑Unis–Canada de coopération en matière de réglementation. Par exemple, le Conseil canadien des affaires a exhorté les gouvernements du Canada et des États‑Unis à établir une entité permanente fondée sur le Conseil de coopération en matière de réglementation qui aurait le mandat d’harmoniser les règlements, sauf dans les cas où les autorités démontrent qu’une telle démarche présente un risque pour la santé et la sécurité. Selon la Canadian/American Border Trade Alliance, « [l]a meilleure chose à faire pour le Canada pour l’instant est d’adopter un projet de loi sur le précontrôle et de donner aussi suite au [Conseil de coopération en matière de réglementation] ».

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a signalé les nombreuses divergences de la réglementation à l’échelle infranationale : « Parfois, les problèmes les plus difficiles auxquels sont confrontées les petites entreprises sont la multitude de taxes et de règles au niveau de l’État et des provinces. » L’organisation a proposé que les gouvernements infranationaux participent aux efforts de coopération en matière fiscale et réglementaire.

Dans son mémoire au Comité, le Centre canadien de politiques alternatives a offert un point de vue différent : pour lui, la coopération en matière de réglementation « peut devenir un obstacle à la réglementation protégeant l’intérêt public si elle donne priorité aux besoins du secteur et aux échanges commerciaux plutôt qu’à la prudence ». Selon l’organisation, la coopération « devrait mener à l’adoption des normes les plus sévères dans l’ensemble de l’Amérique du Nord » et donner la possibilité aux pays « de surpasser les normes nord‑américaines si cela est dans l’intérêt public ».

Les témoins représentant les producteurs agricoles ont mis en lumière de nombreux obstacles au commerce d’ordre réglementaire. Dans le secteur des produits de la viande, l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a fait remarquer que les produits exportés aux États‑Unis doivent respecter la réglementation américaine et subir l’inspection exigée, en plus de respecter la réglementation canadienne.

La Canadian Cattlemen’s Association a indiqué que le département américain de l’Agriculture fait des analyses d’échantillons prélevés sur environ 10 % des cargaisons de viande provenant du Canada. Selon son représentant, lorsque l’un de ses chargements est échantillonné, le producteur canadien peut décider de ramener la cargaison au Canada pour ne pas perdre plusieurs jours de durée de conservation dans l’attente des résultats. Par ailleurs, si le producteur préfère livrer la viande aux États‑Unis avant la sortie des résultats de l’analyse et que la cargaison est jugée non conforme, l’entreprise peut être forcée de retirer les produits du marché.

La Canadian Cattlemen’s Association a également pressé le Canada et les États‑Unis d’éliminer la réinspection des viandes à la frontière. De même, le Conseil canadien du porc a fait savoir qu’il verrait d’un bon œil toute harmonisation réglementaire grâce à laquelle le Canada et les États‑Unis reconnaîtraient les processus de l’un et de l’autre en matière d’inspection des viandes.

Dans le mémoire qu’ils ont présenté au Comité, les Producteurs de poulet du Canada demandent une correction des « divergences dans la réglementation » concernant des enjeux tels que l’étiquetage indiquant le pays d’origine, l’étiquetage erroné de la volaille de réforme, les normes sur l’élevage sans l’usage d’antibiotiques, la catégorisation des antibiotiques et les programmes à la ferme.

La Western Canadian Wheat Growers Association a porté son attention sur les règlements qui limitent la capacité des producteurs de blé américains d’exporter vers le Canada. Elle a indiqué que, en raison des exigences juridiques et réglementaires appliquées au Canada, les producteurs américains qui exportent sur les marchés canadiens reçoivent automatiquement le grade le plus bas, quelle que soit la qualité ou la variété du grain. L’organisation a estimé que le Canada devrait réviser la Loi sur les grains du Canada « pour que le blé obtienne le même traitement des deux côtés de la frontière ». Elle a ajouté que la libre circulation des grains dans les deux directions améliorera l’efficience du système de manutention du grain et empêchera les restrictions commerciales futures en éliminant les écarts de prix qui sont la cause de « la mauvaise volonté manifestée ».

Le représentant de Fertilisants Canada a parlé du besoin d’harmonisation et de coopération au chapitre de la réglementation et a mentionné qu’une « approche scientifique uniforme permettra d’éviter la création d’obstacles protectionnistes au commerce sous le couvert de règlements relatifs à la santé ou de règlements environnementaux, sanitaires et phytosanitaires ». Dans la même veine, l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a observé qu’une plus grande harmonisation des règlements applicables aux produits de santé végétale et animale permettrait d’éliminer les barrières commerciales.

Au sujet des négociations sur l’ALENA, le représentant d’Alberta Barley a dit que le chapitre de l’ALENA qui concerne les mesures sanitaires et phytosanitaires devrait être compatible avec les dispositions des ALE négociés récemment. Il a indiqué notamment que le chapitre de l’accord du PTP qui touche les mesures sanitaires et phytosanitaires pourrait servir de modèle dans les négociations. L’organisation a suggéré par ailleurs que des dispositions donnant lieu à une démarche « harmonisée ou axée sur des échanges commerciaux facilités » relativement à la réglementation des pesticides permettraient d’abaisser les barrières commerciales et serviraient de modèle pour de futures négociations commerciales. En ce qui concerne la présence de faibles concentrations dans les cultures, elle a proposé que les pays membres de l’ALENA reconnaissent officiellement leurs autorisations mutuelles en matière biotechnologique, ou que, à tout le moins, ils intègrent une politique commune sur la présence de faibles concentrations à l’ALENA.

Food and Beverage Ontario a estimé que les négociations sur l’ALENA constituaient, pour le Canada et les États‑Unis, une occasion d’envisager l’établissement d’une autorité commune qui serait chargée de superviser les évaluations des risques liés à la salubrité des aliments.

Certains témoins ont également mentionné les règlements appliqués dans l’industrie de l’automobile. À ce propos, l’Association canadienne des constructeurs de véhicules a fait valoir que la « reconnaissance et l’harmonisation des normes technologiques et des normes de sécurité relatives aux véhicules garantissent aux consommateurs canadiens l’accès aux voitures les plus sûres et les plus propres au monde, et ce, aux prix les plus concurrentiels ». Ford du Canada Limitée a indiqué que les pays signataires de l’ALENA devraient accepter les normes américaines de sécurité automobile dans le cadre de l’ALENA modernisé, tandis que General Motors du Canada Limitée a exhorté ces pays à faire concorder leurs normes techniques automobiles.

La Japan Automobile Manufacturers Association of Canada a estimé que les pays faisant partie de l’ALENA devraient intensifier la coopération en matière de réglementation « en offrant la souplesse nécessaire à l’harmonisation ou à la reconnaissance mutuelle » des principales normes internationales comme les normes de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe et les Federal Motor Vehicle Safety Standards des États‑Unis. Dans son mémoire au Comité, l’organisation prône la création d’ententes‑cadres relevant de l’ALENA, notamment pour les véhicules autonomes, la transmission de données et la cybersécurité. Selon Toyota Canada inc., une entente‑cadre concernant les véhicules connectés et les véhicules autonomes permettrait aux consommateurs d’acheter des véhicules au coût le plus faible possible, « ce qui faciliterait également la production de véhicules ».

L’Association canadienne de l’industrie de la chimie a souligné que l’administration américaine a entrepris des réformes touchant la réglementation et la politique fiscale, et que le Canada « continuera à peiner pour attirer sa part historique des investissements dans le secteur pétrochimique » si les décideurs canadiens négligent de procéder à une « intervention coordonnée et adéquate ». L’association préconise fortement d’améliorer la coopération et l’harmonisation en matière de réglementation entre le Canada et les États‑Unis.

Afin de réduire les obstacles réglementaires au commerce, le Comité recommande :

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre-échange nord-américain, coopère avec les gouvernements des États-Unis et du Mexique afin d’éliminer les lourdeurs administratives et d’harmoniser davantage la réglementation lorsqu’il est possible de le faire sans porter atteinte à la santé ou à la sécurité publiques. De plus, les gouvernements du Canada et des États‑Unis doivent continuer de collaborer sur des initiatives comme le Conseil de coopération en matière de réglementation et envisager la création d’une initiative similaire avec le Mexique.

C. Commerce numérique et électronique

Dans les observations qu’elle a présentées au Comité, la ministre des Affaires étrangères du Canada a rappelé que l’ALENA est entré en vigueur il y a 23 ans, et que la « révolution technologique » a depuis transformé les économies nord‑américaine et canadienne. Le négociateur en chef du Canada pour l’ALENA a dit que le Canada veut moderniser l’ALENA afin de tenir compte de l’évolution qui s’est produite depuis le lancement des premiers pourparlers sur l’accord, notamment dans les domaines du numérique et du commerce électronique.

Différents témoins se sont exprimés sur la possibilité d’intégrer des dispositions relatives au commerce électronique à l’ALENA. La U.S. Chamber of Commerce a maintenu que ces dispositions permettraient d’adapter l’accord « au XXIe siècle ». De même, M. Robertson a dit qu’il était « temps de faire passer au XXIe siècle un ALENA négocié avant l’ère numérique et l’arrivée du commerce électronique ».

Lors de ses missions d’étude à Seattle, à Detroit et à Washington, le Comité a également entendu dire que des dispositions sur le commerce numérique et électronique devraient être ajoutées à l’ALENA. À Seattle, on a dit au Comité que les dispositions de l’accord du PTP relatives au commerce électronique devraient servir de modèle. À Seattle et à Milwaukee, le Comité a entendu que l’ALENA devrait prévoir un régime d’admission en franchise pour les produits numériques.

Des témoins ont appelé à la prudence dans le traitement du commerce électronique dans l’ALENA. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, par exemple, toute disposition sur le commerce électronique « devrait être équilibrée avec les besoins … des entreprises [qui ont pignon sur rue] qui doivent rivaliser avec [les] entreprises en ligne ».

D’après Michael Geist, titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique de l’Université d’Ottawa, qui a témoigné à titre personnel, le Canada devrait « se montrer prudent » quant à l’inclusion dans l’ALENA de dispositions susceptibles de nuire « aux intérêts publics et stratégiques légitimes dans ce chapitre, particulièrement en ce qui concerne la protection de la vie privée et la sécurité ». Il a souligné le besoin de résister à toute tentative menée pour limiter la capacité des gouvernements canadiens d’établir des mesures de sécurité protégeant la vie privée et la sécurité grâce aux exigences relatives à la localisation des données et aux restrictions sur le transfert de données.

Dans le mémoire qu’elle a soumis au Comité, la BC Freedom of Information and Privacy Association signale que la loi britanno‑colombienne sur la protection de la vie privée, qui s’applique au secteur public, prévoit une exigence sur le stockage de données au pays conçue pour assurer la protection des renseignements personnels. Selon l’association, il ne faudrait pas remettre cette exigence en question lors des négociations entourant l’ALENA, et les gouvernements canadiens devraient conserver « la souveraineté législative » requise pour adopter de telles lois à l’avenir. L’OpenMedia Engagement Network présente une proposition similaire dans son mémoire.

S’exprimant au sujet d’une proposition voulant que le Canada rehausse son seuil de minimis – la valeur minimale pour qu’un chargement importé soit assujetti au paiement de droits et de taxes – pour qu’il soit comparable au seuil américain de 800 $ US, la U.S. Chamber of Commerce a mis en lumière des études qui montrent que la disparition des recettes tirées des droits de douane sous l’effet du relèvement du seuil de minimis est plus que compensée par l’augmentation des échanges commerciaux et par la croissance économique qui en découle. L’organisation s’est dite en faveur d’un seuil de minimis « intéressant sur le plan commercial ». De même, lors de sa mission d’étude à Seattle, le Comité a entendu l’avis selon lequel les négociations sur l’ALENA devraient donner lieu à l’adoption de seuils de minimis « raisonnables au niveau commercial ».

Par ailleurs, le négociateur en chef du Québec pour l’ALENA a insisté sur le maintien de « règles du jeu équitables » pour les entreprises canadiennes et américaines et sur le besoin de s’assurer que tout le monde est « sur un pied d’égalité ». Il a mentionné à cet égard qu’un consommateur canadien qui achète un produit d’un détaillant canadien paie une taxe de vente de 15 % au Québec, mais qu’il ne paie aucune taxe s’il commande le produit d’un commerçant américain et que le prix est inférieur au seuil de minimis.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a jugé que le seuil de minimis du Canada devrait demeurer à 20 $ parce qu’une hausse serait « injuste » pour les magasins qui ont pignon sur rue au Canada.

Sachant que les négociations menées dans le cadre de l’ALENA donnent au Canada, aux États‑Unis et au Mexique l’occasion de s’occuper de nouveaux enjeux comme ceux concernant le commerce numérique et électronique, le Comité recommande :

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre-échange nord-américain, recherche des dispositions qui donneraient de nouvelles occasions aux entreprises canadiennes de mener des activités commerciales en ligne. De même, le gouvernement doit s’assurer que ces dispositions ne nuisent pas aux entreprises ayant pignon sur rue, y compris les détaillants, et ne contreviennent pas au droit à la vie privée des Canadiens et Canadiennes et à la sécurité de leurs données.

D. Télécommunications et culture

Rogers Communications inc. a commenté l’objectif de négociation que les États‑Unis ont annoncé le 17 juillet 2017, et qui consiste à promouvoir une offre concurrentielle de services de télécommunications en facilitant l’entrée sur le marché par une réglementation transparente et l’existence d’un organisme indépendant de réglementation. Elle a dit au sujet de cet objectif que l’organisme indépendant de réglementation du Canada, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), « est à la fois transparent dans ses règles et dans sa prise de décisions ». À son avis, les processus et les procédures du CRTC « ressemblent beaucoup à [ceux] de la Federal Communications Commission des États‑Unis ».

À propos des règles qui s’appliquent aux investissements dans le secteur canadien des télécommunications, la représentante de Rogers Communications inc. a déclaré que « les règles actuelles régissant la propriété étrangère au Canada permettent déjà l’entrée sur le marché des entreprises étrangères dans le secteur ». Elle a avancé que, si des sociétés américaines étaient autorisées à acquérir de grandes entreprises canadiennes des télécommunications, « cela ne procurerait pas un approvisionnement plus concurrentiel de services de télécommunications, mais, ça ne remplacerait plutôt qu’un gros fournisseur par un autre ».

Pour ce qui est de l’objectif de négociation des États-Unis visant à obtenir des engagements qui procureraient aux fournisseurs de services de communications un accès raisonnable aux réseaux grâce à l’interconnexion et à l’accès à des installations matérielles et à des ressources rares, Rogers Communications inc. a constaté que les règles actuelles du CRTC permettent déjà un accès réglementé qui est utilisé « par des centaines de fournisseurs étrangers et canadiens de services de télécommunications en activité au Canada ».

TELUS Communications a exprimé l’avis que les politiques de télécommunications et de radiodiffusion devraient continuer « de relever de la compétence souveraine du Canada » et répondre aux besoins et intérêts nationaux. L’entreprise a ajouté que les ALE ne devraient pas « entraver indûment » les examens de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion.

La société BCE inc. a incité le Canada à préserver la substitution simultanée et d’autres mesures canadiennes sous le régime de l’exemption accordée par l’ALENA aux industries culturelles. Pour ce qui est de la « crise » à laquelle la télévision locale est confrontée au Canada, BCE inc. a affirmé que le Canada devrait maintenir sa capacité de mettre en œuvre des réformes nationales dans le domaine de la radiodiffusion alors que des changements à l’ALENA sont en train d’être négociés.

En ce qui concerne l’enjeu de la retransmission, BCE inc. a mentionné que les entreprises de câblodistribution peuvent retransmettre gratuitement les signaux de ses stations de télévision en direct canadiennes, et discuté du fait que certains groupes de radiodiffusion américains se sont plaints de ne pouvoir facturer l’usage de leurs propres signaux au Canada. Selon BCE inc., le Canada devrait envisager d’adopter un « régime de consentement pour la retransmission » en éliminant l’article 31 de la Loi sur le droit d’auteur afin de permettre aux stations de télévision en direct de négocier « la juste valeur de leur signal » avec les câblodistributeurs canadiens.

Certains témoins ont exprimé leur désaccord avec BCE inc. Selon Rogers Communications inc., il faut éviter que la renégociation de l’ALENA donne aux télédiffuseurs américains par la voie des ondes des droits exclusifs de retransmission sur leurs « signaux librement accessibles ». Selon l’entreprise, un tel régime augmenterait le coût du câble pour les Canadiens. D’une manière similaire, la Canadian Cable Systems Alliance Inc. affirme dans son mémoire que « le gouvernement devrait rejeter les propositions … visant à abroger l’[article] 31 de la Loi sur le droit d’auteur et à instaurer un régime de "consentement pour la retransmission" au Canada ». Elle soutient aussi que « l’expérience américaine en matière de "consentement pour la retransmission" a considérablement accru le coût des services de télévision pour les consommateurs, sans ajouter de réelle valeur aux services qu’ils reçoivent ».

BCE inc. a aussi parlé de l’obligation qu’ont les fournisseurs canadiens de services numériques de percevoir les taxes de vente pour le compte de l’État, alors que les fournisseurs étrangers de services vidéo comme Netflix et les plateformes étrangères de publicité numérique comme Google et Facebook ne sont pas tenus de le faire. Pour l’entreprise, cette situation est inéquitable. À son avis, le « Canada doit conserver sa capacité de s’attaquer à cette iniquité au moyen de lois fiscales modernisées. En négociant l’ALENA, le gouvernement devrait s’assurer de pouvoir appliquer les mêmes règles à tous les services en ligne ».

Amenée à discuter de l’importance de l’exemption accordée par l’ALENA aux industries culturelles, la ministre des Affaires étrangères du Canada a dit au Comité que « l’exception dans l’accord visant à préserver la culture canadienne » est un élément jugé « essentiel » à l’intérêt national et sera défendu pendant les négociations sur l’ALENA. Rogers Communications inc. a fait valoir son soutien à la décision du gouvernement du Canada de travailler au maintien de l’exemption culturelle et a indiqué que, à son avis, les radiodiffuseurs canadiens auraient du mal à « survivre » sans cette exemption.

Selon le négociateur en chef du Québec pour l’ALENA, même si les objectifs de négociation qu’ils ont énoncés le 17 juillet 2017 ne mentionnent pas l’exemption culturelle prévue par l’ALENA, les États‑Unis en demanderont tôt ou tard l’abolition. Selon le témoin, il faut permettre au gouvernement d’aider parfois les productions et les industries culturelles. Pour cette raison, le Canada devrait, selon lui, s’opposer à l’abolition de l’exemption culturelle lors des pourparlers sur l’ALENA.

Le représentant de BCE inc. a indiqué que l’exemption culturelle prévue par l’ALENA avait « très bien » servi le système canadien de radiodiffusion. À ses yeux, cette exemption permet aux radiodiffuseurs du pays de créer et de disséminer du « contenu véritablement canadien », et ce, en dépit de la proximité de « la plus grande capitale de production de divertissement au monde ».

Conscient de l’importance de l’exemption culturelle prévue dans l’ALENA pour les secteurs canadiens de la culture et de la radiodiffusion, le Comité recommande :

Recommandation 20

Que le gouvernement, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre-échange nord-américain, s’oppose à l’élimination de l’exemption culturelle.

E. Propriété intellectuelle

Sur la question des droits de propriété intellectuelle, les témoins ont mis l’accent sur les positions que le Canada devrait, selon eux, défendre à la table de négociation de l’ALENA. Par exemple, Rogers Communications inc. a mis en évidence certaines craintes que pourraient éveiller l’apport de modifications aux exceptions en matière de propriété intellectuelle qui figurent dans la Loi sur la modernisation du droit d’auteur du Canada, la suppression des mécanismes de protection accordés aux intermédiaires d’Internet et le remplacement du régime canadien de traitement des plaintes pour violation du droit d’auteur dit « avis et avis » par un régime d’« avis et retrait ».

D’après Rogers Communications inc., la Loi sur la modernisation du droit d’auteur vise « à servir les intérêts de tous les Canadiens dans l’équilibre qu’elle établit entre les droits des titulaires de droits et des utilisateurs des œuvres protégés par le droit d’auteur ». Sa représentante a dit craindre que la renégociation d’un accord commercial pendant laquelle les questions de droit d’auteur serviraient de monnaie d’échange « ne dérange cet équilibre délicat ». À son avis, « toute modification [des lois canadiennes] sur le droit d’auteur devrait se faire à la faveur du prochain examen quinquennal de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur et non de la renégociation de l’ALENA ». Dans la même veine, TELUS Communications soutient dans son mémoire que « les accords commerciaux ne [devraient] pas entraver indûment » l’examen parlementaire prévu de la Loi sur le droit d’auteur. L’entreprise affirme que le gouvernement du Canada devrait s’assurer que les accords commerciaux ne contiennent aucune mesure telle que la mise en place de régimes d’application plus rigoureux du droit d’auteur et l’élimination des exceptions importantes consenties dans la Loi sur le droit d’auteur canadienne. Selon elle, les « négociations entourant l’ALENA ne constituent pas un forum propice à des discussions sur des dossiers aussi importants pour l’intérêt national ».

M. Geist a décrit le régime canadien des droits de propriété intellectuelle comme un régime équilibré et conforme aux obligations internationales. Il a observé que le Canada a renforcé le régime dans les cinq dernières années, notamment en mettant en œuvre des lois anti‑contournement et anti‑contrefaçon, en prolongeant la durée de la protection des enregistrements audio et en procédant à des réformes au chapitre des brevets et des marques de commerce. D’après lui, le Canada « a en grande partie satisfait aux exigences précédentes des États‑Unis en ce qui concerne les réformes ».

M. Geist a fait valoir que, pendant les négociations sur l’ALENA, il était important que le Canada s’efforce de « maintenir un juste équilibre qui favorise la créativité et l’accès, tout en s’assurant qu’il y a de la place pour les politiques canadiennes dans le cadre international de [propriété intellectuelle] grâce à la marge de manœuvre de ce dernier ». Il a énoncé, en outre, un certain nombre de priorités que devraient suivre les négociateurs canadiens, par exemple, promouvoir le domaine public et en préserver l’accès, faciliter l’accès à des médicaments abordables, exiger que toutes les parties à l’ALENA adoptent une disposition sur l’« utilisation équitable », aborder le problème de la violation des droits de propriété intellectuelle et voir à ce que toutes les parties luttent « à armes égales dans le domaine de l’innovation », ce qui n’est pas le cas actuellement en raison de l’élargissement des exceptions américaines quant aux serrures numériques. Selon lui, le « Canada devrait demander à ce que les pays adhérant à l’ALENA satisfassent au droit international, mais conservent toute la souplesse que celui‑ci accorde ».

Dans son mémoire, le Réseau juridique canadien VIH/sida a prévenu que l’application de règles de propriété intellectuelle prolongeant la durée de protection des droits pour les produits pharmaceutiques pourrait empêcher ou retarder l’accès à des médicaments génériques à coût plus abordable pour les personnes pauvres qui souffrent d’une maladie telle que le VIH/sida, notamment dans les pays en développement. L’organisme a ajouté que toute règle de propriété intellectuelle qui retarderait l’effet baissier de la concurrence sur les prix des médicaments pourrait également nuire à l’atteinte des objectifs du Canada en santé publique. Il a donc demandé au Canada de ne pas ratifier d’accord commercial qui entraverait « l’accès aux technologies de la santé ». Dans leurs mémoires, le Conseil des Canadiens et Trade Justice PEI ont exprimé des points de vue semblables concernant l’impact possible du resserrement des règles de propriété intellectuelle sur le coût des produits pharmaceutiques.

BCE inc. a indiqué que, lors des négociations sur l’ALENA, le Canada devrait envisager de renforcer sa réaction à « la violation répandue du droit d’auteur en ligne », dont se plaignent les Américains. L’entreprise a fait remarquer que « beaucoup de grands joueurs mondiaux de l’écosystème du piratage sont basés au Canada, qui leur offre une sécurité relative », et que les « Canadiens ont effectué 1,88 milliard de visites sur des sites pirates l’année dernière ». Son représentant a estimé que le gouvernement du Canada devrait s’engager, à la table des négociations, à appliquer plus strictement les droits de propriété intellectuelle en établissant un organisme administratif responsable de cette tâche, en obligeant les fournisseurs de services Internet à bloquer l’accès à une liste noire de sites pirates dressée par l’organisme administratif en question, et en criminalisant toute violation du droit d’auteur, y compris le fait de faciliter ou de permettre le piratage à des fins commerciales.

Dans son mémoire, l’OpenMedia Engagement Network commente des points de vue et propositions exprimés par BCE inc. L’organisme cite un rapport selon lequel en 2015, « les taux de piratage au pays connaissaient un creux historique [...], également inférieur aux moyennes mondiale et européenne ». Il affirme également son opposition aux propositions de Bell inc. qui concernent l’application plus stricte des droits de propriété intellectuelle et la criminalisation de la violation du droit d’auteur, indiquant que le gouvernement du Canada devrait « rejeter toute tentative de criminaliser davantage toute forme de violation du droit d’auteur [ou] d’élargir les dispositions relatives à la gestion des droits numériques ou dispositions anti‑contournement ».

Afin d’assurer la présence d’un régime canadien de la propriété intellectuelle qui concilie les intérêts des détenteurs de droits et des utilisateurs, le Comité recommande :

Recommandation 21

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre-échange nord-américain, s’oppose aux dispositions qui réduiraient sa capacité à s’assurer que le régime canadien de la propriété intellectuelle concilie les intérêts des détenteurs de droits et des utilisateurs. De plus, le gouvernement doit préserver sa capacité à moderniser son régime à la suite d’examens nationaux.

F. Mobilité de la main‑d’œuvre

De manière générale, les témoins se sont entendus pour dire que les pays signataires de l’ALENA devraient faciliter encore plus la mobilité de certains travailleurs professionnels dans la région de l’ALENA, et plus particulièrement entre le Canada et les États‑Unis. Quelques‑uns ont donné des exemples précis d’effets que la mobilité de la main‑d’œuvre peut avoir sur les entreprises et l’économie canadiennes. Le Congrès du travail du Canada a notamment indiqué que, si les électriciens qui vivent à Windsor et à Detroit étaient autorisés, d’une façon sensée, de travailler de l’autre côté de la frontière, cette mobilité serait bonne pour les économies du Canada et des États‑Unis parce qu’il « arrive que des contrats du côté américain nécessitent l’embauche de nombreux électriciens venant de Windsor », et vice‑versa.

Selon un document remis au Comité par l’Association des produits forestiers du Canada, faciliter la mobilité de la main‑d’œuvre dans la région de l’ALENA permettrait aux entreprises canadiennes de l’industrie forestière d’accéder à plus de travailleurs qualifiés aux États‑Unis et au Mexique et aiderait les travailleurs canadiens qualifiés à faire profiter les entreprises américaines et mexicaines de leur expérience et de leurs connaissances.

Certains témoins ont parlé des embûches qu’ils ont rencontrées dans leurs démarches pour faire approuver le transfert de travailleurs entre pays signataires de l’ALENA. Par exemple, l’Association canadienne de l’industrie de la chimie a fait savoir que les entreprises de l’industrie chimique peuvent transférer des experts entre l’Égypte et la Nouvelle‑Zélande plus facilement qu’entre le Canada et les États‑Unis. De son côté, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a exprimé l’avis que les règles de l’ALENA sur la mobilité de la main‑d’œuvre manquent de clarté. Sa représentante a dit que « même lorsque vous pensez avoir correctement rempli les formulaires, vous continuez de vous heurter à des obstacles ».

Des témoins ont jugé nécessaire de mettre à jour la liste de l’ALENA indiquant les catégories d’emplois admissibles à des séjours temporaires. C’est le cas de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, qui a aussi dit souhaiter que la procédure concernant le séjour temporaire soit plus rapide et flexible. La Pacific Northwest Economic Region a quant à elle appuyé la modernisation de la liste des professions de l’ALENA.

Le négociateur en chef du Canada pour l’ALENA a souligné que les pays membres de l’ALENA peuvent « accélérer » la mobilité des travailleurs. Selon lui, si une entreprise américaine souhaite muter des employés à sa filiale canadienne, ceux‑ci devraient être en mesure de traverser la frontière « sans être embêté[s] ni avoir d’autres problèmes ».

Par contre, le Centre canadien de politiques alternatives s’est dit d’avis dans son mémoire que l’ALENA permet aux employeurs d’embaucher des travailleurs migrants, y compris dans les régions où des travailleurs locaux sont disponibles ou où le taux de chômage est élevé. L’organisation a estimé que le chapitre de l’ALENA portant sur les séjours temporaires devrait être supprimé et que le Canada devrait « créer et élargir les programmes d’immigration nationaux afin de faciliter l’admission au Canada de travailleurs migrants et de leurs familles ».

D’après la U.S. Chamber of Commerce, les entreprises américaines appuient généralement les « mesures qui facilitent le déplacement des professionnels ». Cependant, cet aspect soulève des « complications politiques » au Congrès des États‑Unis qui pourraient empêcher une plus grande mobilité de la main‑d’œuvre entre les États‑Unis et d’autres pays.

La Canadian Chamber of Commerce in Mexico a indiqué que le Canada et le Mexique devraient envisager l’établissement d’un cadre officiel permettant aux travailleurs qualifiés et aux professionnels mexicains de travailler au Canada; ce cadre devrait être intégré à l’ALENA ou à un accord bilatéral.

Afin que la main‑d’œuvre qualifiée soit disponible là où on en a le plus besoin, le Comité recommande :

Recommandation 22

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre-échange nord-américain, s’oppose aux changements qui réduiraient la portée des engagements actuels en matière de mobilité de la main-d’œuvre. De plus, le gouvernement doit rechercher l’ajout de professions à la liste des professionnels admissibles à des séjours temporaires.

Des témoins ont parlé des trois chapitres de l’ALENA qui portent sur le règlement des différends, soit les chapitres 11, 19 et 20.

A. Chapitre 11

Certains témoins se sont intéressés au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, exposé au chapitre 11 de l’ALENA, qui permet aux investisseurs d’un pays qui est une partie à l’accord de présenter une demande d’indemnisation s’ils croient que l’une des autres parties à l’ALENA a adopté une mesure incompatible avec les dispositions du chapitre de l’Accord concernant l’investissement. Selon l’Institut pour l’IntelliProspérité, 39 demandes ont été déposées contre le Canada au titre du chapitre 11, et ces demandes ont coûté 215 millions de dollars au gouvernement fédéral. L’Institut a affirmé que la plupart d’entre elles avaient trait à l’environnement et « remettaient en question, dans bien des cas, les droits du gouvernement d’adopter des règlements en la matière ».

Dans ses commentaires au Comité concernant le règlement des différends entre investisseurs et États, la ministre des Affaires étrangères du Canada a dit que le « Canada s’intéresse vivement à l’amélioration des mécanismes de [règlement des différends entre investisseurs et États] afin de les rendre plus progressistes […] Plus particulièrement, la préservation du droit de réglementer d’un gouvernement souverain et élu démocratiquement est d’une importance primordiale ».

D’après Gus Van Harten, professeur à l’Université York qui a comparu à titre personnel, les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États – dont ceux de l’ALENA – devraient atteindre plusieurs objectifs : concilier les droits conférés aux investisseurs avec des responsabilités dont ceux‑ci doivent s’acquitter; « être autonome, comme dans le cadre de toute autre procédure judiciaire au niveau tant national qu’international »; être équitable pour toutes les parties qui ont un intérêt dans le règlement du différend; et « respecter les institutions nationales, en particulier les tribunaux ».

Dans leurs mémoires soumis au Comité, l’OpenMedia Engagement Network et le Conseil des Canadiens préconisent l’élimination du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États de l’ALENA. La première des deux organisations a jugé que les sociétés et investisseurs étrangers « ne devraient pas jouir d’un meilleur accès à la "justice", au‑delà des lois et tribunaux du Canada, que le public canadien ». Dans la même veine, le Centre canadien de politiques alternatives a soutenu la suppression du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États dans son mémoire et indiqué que les dispositions de l’ALENA sur les normes minimales de traitement et l’expropriation indirecte devraient être modifiées « afin de préciser de manière parfaitement claire qu’elles ne s’appliquent pas aux lois ou aux règlements non discriminatoires promulgués de bonne foi afin de protéger l’intérêt public ».

L’Institut international du développement durable a dit que le chapitre de l’AECG relatif à l’investissement devrait servir de modèle pour apporter des changements au chapitre 11 de l’ALENA, tandis que l’Institut pour l’IntelliProspérité a signalé que l’AECG indique clairement que les gouvernements peuvent « adopter des règlements comme bon leur semble ».

De l’avis de M. Van Harten, même si le système judiciaire appliqué aux investisseurs qui est exposé dans le chapitre de l’AECG relatif à l’investissement a « pris des mesures importantes pour améliorer le manque d’indépendance » judiciaire, il ne fait rien concernant les trois autres facteurs qui, à ses yeux, revêtent une grande importance pour l’arbitrage des différends internationaux relativement aux investissements. M. Van Harten a affirmé que le chapitre 11 de l’ALENA devrait prévoir un processus judiciaire – plutôt qu’un processus d’arbitrage privé, y compris des mécanismes conventionnels de protection afin de maintenir l’indépendance judiciaire. Il a ajouté que le chapitre 11 devrait permettre aux tierces parties qui ont un intérêt dans le règlement du différend de participer au processus d’arbitrage et conférer aux investisseurs étrangers des responsabilités contraignantes de base et le devoir d’épuiser les recours nationaux lorsqu’ils sont « raisonnablement accessibles ».

L’Association canadienne des producteurs pétroliers a offert un point de vue différent : elle a jugé que la version révisée de l’ALENA devrait maintenir « les recours pour les investisseurs individuels », qui sont d’après elle « les pierres d’assise des accords de libre‑échange ». De même, la Canadian Chamber of Commerce in Mexico a fait remarquer que des Canadiens qui investissent au Mexique craignent que les parties à la table de négociation de l’ALENA décident d’assouplir ou de supprimer les mécanismes de règlement des différends, dont celui du chapitre 11.

Conscient de la nécessité, pour les gouvernements, d’avoir la capacité de réglementer dans l’intérêt public, le Comité recommande :

Recommandation 23

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre-échange nord-américain, s’assure que les dispositions relatives aux investissements permettent aux gouvernements de réglementer dans l’intérêt public.

B. Chapitres 19 et 20

Les chapitres 19 et 20 de l’ALENA exposent également des mécanismes de règlement des différends. Le chapitre 19 permet à un groupe spécial binational indépendant d’examiner les décisions prises par un organisme de réglementation commerciale d’un pays signataire de l’ALENA en matière de droits antidumping et de droits compensateurs. Le chapitre 20, lui, établit un mécanisme de règlement des différends entre États au moyen duquel un pays membre de l’ALENA peut contester l’interprétation ou l’application des obligations de l’Accord. Les témoins ont surtout porté leur attention sur le chapitre 19.

Lors de sa comparution devant le Comité, la ministre des Affaires étrangères du Canada a parlé du chapitre 19, un chapitre que les États-Unis ont publiquement demandé de retirer de l’ALENA le 17 juillet 2017. La ministre a dit que « le Canada confirmera et préservera les éléments de l’ALENA que les Canadiens jugent essentiels dans l’intérêt national, y compris un processus pour s’assurer que les droits antidumping et compensateurs sont appliqués équitablement [et] lorsque c’est vraiment nécessaire ».

Les témoins ont dit qu’il était important de maintenir le chapitre 19. La Canadian Chamber of Commerce in Mexico, par exemple, a déclaré que les mécanismes de règlement des différends semblables à ceux exposés aux chapitres 19 et 20 garantissent « la certitude de l’accès » aux marchés. Food and Beverage Ontario a fait valoir pour sa part que la préservation du chapitre 19 revêt « une importance cruciale pour la validité à long terme de l’ALENA » et qu’elle « préoccupe fortement tous les transformateurs d’aliments du pays ». Dans son mémoire au Comité, l’organisation prévient que la suppression du chapitre 19 « pourrait se traduire par des années de poursuites dans le système judiciaire américain pour des questions pour lesquelles les décisions définitives en matière d’antidumping et de droits compensateurs prises par les organismes du commerce américains sont souvent perçues comme étant biaisées et penchant en faveur des intérêts américains ». Selon elle, « un mécanisme de résolution des différends impartial est essentiel pour assurer l’équité et l’objectivité lors de la résolution éventuelle de différends dans le cadre de l’ALENA ».

Soulignant l’importance des mécanismes de règlement des différends – tout particulièrement ceux prévus au chapitre 19 – pour certains secteurs de l’économie canadienne, et notamment l’industrie forestière, l’Association des produits forestiers du Canada a souligné que son secteur a dû composer à maintes reprises avec des droits antidumping et des droits compensateurs imposés par les Américains. Pour elle, un « accord commercial n’est bon que s’il permet de régler les différends ». Dans un document remis au Comité, l’association avance que, si le chapitre 19 était abrogé, l’ALENA serait privé de mécanisme permettant de contester les droits antidumping et les droits compensateurs imposés injustement par les États‑Unis ou le Mexique à des produits canadiens. Selon elle, il faudrait alors, dans un tel cas, s’adresser aux tribunaux américains ou mexicains, qu’elle décrit comme « partiaux », ou avoir recours au mécanisme de règlement des différends de l’OMC, qu’elle a qualifié de potentiellement « long » et « coûteux ».

Par ailleurs, la Chambre de commerce du Canada indique que, même si elle était favorable à certaines améliorations aux mécanismes de règlement des différends de l’ALENA, l’élimination du chapitre 19 serait « inacceptable ». Pour sa part, le Conseil canadien des affaires a souligné que le maintien d’un mécanisme de règlement des différends était « une pierre d’achoppement lors des premières négociations sur l’ALENA », et qu’il devrait le demeurer pour le Canada. Le Conseil s’est aussi dit préoccupé par le fait que l’objectif des États‑Unis concernant le règlement des différends n’est pas axé exclusivement sur l’ALENA, mais aussi sur l’OMC; à son avis, l’existence même de cette perspective rend encore plus important le fait que, dans tout accord conclu avec les États‑Unis, un mécanisme de règlement des différends semblable à celui exposé au chapitre 19 soit « coul[é] dans le béton ».

Des témoins ont mentionné la possibilité de renforcer certains aspects des chapitres 19 et 20. Par exemple, dans un document présenté au Comité, l’Association des produits forestiers du Canada a soutenu que, outre le maintien du chapitre 19, il faudrait idéalement rendre plus efficace le mécanisme de règlement des différends et accroître la force d’exécution des décisions prises en vertu de celui-ci.

Au sujet du chapitre 20, la Canadian Cattlemen’s Association a observé que les pays signataires de l’ALENA devraient « améliorer le caractère exécutoire des décisions rendues par le groupe spécial de l’ALENA ». Elle a signalé que le secteur canadien du bœuf a fait appel plus souvent au mécanisme de règlement des différends de l’OMC qu’à celui du chapitre 20 de l’ALENA, mais que le renforcement des dispositions de l’ALENA permettrait de pouvoir compter sur une solution de rechange à l’OMC. L’association a dit en outre que, après avoir consulté des représentants des secteurs canadiens concernés, le gouvernement du Canada a choisi de contester les exigences américaines en matière d’étiquetage du pays d’origine en ayant recours au processus de l’OMC plutôt qu’à celui de l’ALENA; ce dernier aurait été plus rapide, mais l’OMC offrait un mécanisme d’application plus robuste.

Afin de s’assurer que le Canada, les États‑Unis et le Mexique respectent les engagements qu’ils ont pris en vertu de l’ALENA, et qu’il continue d’y avoir un mécanisme impartial de révision des décisions relatives aux droits antidumping et aux droits compensateurs, le Comité recommande :

Recommandation 24

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre-échange nord-américain, défende les mécanismes de règlement des différends énoncés dans les chapitres 19 et 20.

Les témoins ont abordé l’élargissement de la portée de l’ALENA en se concentrant sur les chapitres relatifs aux quatre thèmes suivants : l’environnement, le travail, le genre et les peuples autochtones.

A. Environnement

L’ALENA comporte un accord parallèle sur l’environnement, l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l’environnement (ANACE). À ce sujet, la ministre des Affaires étrangères du Canada a dit au Comité que le Canada souhaite intégrer des « mesures de protection de l’environnement » améliorées à l’ALENA pour s’assurer qu’aucun des trois pays membres ne réduise la protection de l’environnement en vue d’attirer les investissements et pour appuyer pleinement « les efforts pour s’attaquer aux changements climatiques ».

Différents témoins ont parlé de l’ANACE. L’Institut international du développement durable, par exemple, a dit que « l’ALENA et son accord parallèle sur l’environnement ont innové pour harmoniser les échanges commerciaux et les questions environnementales », et que les dispositions des deux accords relatives à l’environnement « ne devraient pas être affaiblies par un recul dans les renégociations » de l’ALENA.

Des témoins ont préconisé l’intégration de l’ANACE à l’ALENA. C’est le cas du Centre canadien de politiques alternatives qui, dans son mémoire, a dit de l’ANACE qu’il était inefficace et qu’il devrait être renforcé et intégré à l’ALENA. L’Institut pour l’IntelliProspérité a fait une proposition semblable.

L’Institut international du développement durable a exprimé son soutien pour l’engagement du gouvernement du Canada à faire de la lutte contre les changements climatiques un objectif central lors des négociations sur l’ALENA. Selon l’institut, il faudrait que le texte révisé de l’ALENA renferme des dispositions mettant fin à l’octroi de subventions aux industries des combustibles fossiles, en conformité avec les engagements du G20. L’organisation a aussi proposé d’« inclure une liste des produits et services environnementaux » et respectueux du climat dans l’ALENA. À son avis, « [l]’ALENA a une occasion d’accélérer les échanges commerciaux dans les technologies propres en supprimant les droits de douane, mais plus important encore, en éliminant les barrières non tarifaires au Canada et entre le Canada, les États‑Unis et le Mexique ».

L’Institut pour l’IntelliProspérité a affirmé que le Canada devrait « commencer à élaborer une stratégie nord‑américaine sur l’économie propre » pendant les négociations relatives à l’ALENA. Selon son représentant, cette stratégie pourrait imposer « une certaine discipline relative aux subventions aux combustibles fossiles », l’établissement d’une commission nord‑américaine de l’économie propre et l’harmonisation de la réglementation sur l’efficacité énergétique des produits. Sur ce dernier point, le Comité a pris connaissance, lors de sa mission d’étude à Milwaukee, de la volonté de maintenir ou d’accroître l’harmonisation des normes concernant le programme ENERGY STAR.

Différents témoins ont dit que l’ALENA devrait comprendre des accords internationaux portant expressément sur les changements climatiques, ou renvoyer à des accords du genre. Par exemple, dans son mémoire, l’Environmental Coalition of Prince Edward Island estime que « [l]es engagements liés aux changements climatiques, notamment ceux pris en vertu de l’Accord de Paris[12], doivent être intégrés à l’ALENA et aux autres accords commerciaux ». L’Institut pour l’IntelliProspérité a observé que, si la stratégie nord‑américaine sur l’économie propre qu’il propose ne voit pas le jour, il faudrait au moins ajouter la Convention‑cadre des Nations unies sur les changements climatiques à la liste des accords environnementaux dans l’ALENA pour que les mesures prises par le Canada pour respecter ses obligations en vertu de la Convention ne puissent pas « faire l’objet de poursuites ». De l’avis de l’organisation, par ailleurs, l’ALENA devrait préciser qu’aucune des dispositions de l’Accord ne limite le droit dont disposent les pays – dont le Canada – d’adopter ou de maintenir des mesures environnementales conformément à l’article XX de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce.

Certains témoins ont préconisé l’élimination des dispositions de l’article 605 de l’ALENA concernant les restrictions imposées aux exportations d’énergie. Le Conseil des Canadiens a ainsi fait valoir que ces dispositions sur la proportionnalité énergétique nuisent à la capacité du Canada de « s’éloigner des combustibles fossiles », parce qu’elles forcent le Canada « à respecter des quotas en matière d’exportation de l’énergie vers les États‑Unis ».

Dans son mémoire, l’Environmental Coalition of Prince Edward Island maintient que la clause sur la proportionnalité énoncée à l’article 315 de l’ALENA pourrait empêcher le Canada de restreindre les exportations d’eau vers les États‑Unis, « même en temps de sécheresse ». Elle croit donc que l’ALENA doit être modifié pour « que le caractère de l’eau en tant que produit marchand, service et investissement » en soit supprimé. Le Conseil des Canadiens fait une proposition semblable dans son mémoire, et David Suzuki – qui a remis un document au Comité en son propre nom – a déclaré : « Il ne devrait pas y avoir de commerce de l’eau tant et aussi longtemps que nous n’arrivons pas à respecter et à protéger ce liquide sacré d’une façon qui soit véritablement durable. »

La majorité des membres du Comité considèrent que la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales et la Loi sur les ouvrages destinés à l’amélioration des cours d’eau internationaux interdisent le prélèvement en vrac d’eau des eaux frontalières et transfrontalières du Canada. L’eau canadienne dans son état naturel est exemptée des obligations commerciales, y compris en vertu de l’ALENA. Ces obligations sont confirmées par le Canada, le Mexique et les États-Unis dans une déclaration commune sur les ressources en eau, par l’ALENA et par la législation nationale du Canada.

L’Environmental Coalition of Prince Edward Island indique par ailleurs dans son mémoire que le Comité consultatif sur l’environnement de l’ALENA, créé par le gouvernement du Canada, est « majoritairement composé de représentants du secteur privé et de très peu de représentants de groupes environnementaux et communautaires ». Pour cette raison, l’organisation presse la ministre de l’Environnement et du Changement climatique de revoir la composition du Conseil pour que celui‑ci comprenne « des participants qui connaissent les enjeux environnementaux ».

Reconnaissant l’importance de la protection de l’environnement, le Comité recommande :

Recommandation 25

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre-échange nord-américain, vise l’adoption de dispositions qui renforceraient l’application des normes environnementales.

B. Travail

Comme pour l’environnement, l’ALENA est accompagné d’un accord parallèle sur le travail, l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail. Différents témoins ont parlé des normes de travail appliquées dans les pays membres de l’ALENA. C’est le cas du Centre canadien de politiques alternatives, qui a exprimé le point de vue suivant : « Les travailleurs mexicains dont les salaires réels ont pris du retard avec l’ALENA, et qui peuvent rarement adhérer à des syndicats indépendants, seraient les bénéficiaires principaux [de meilleures normes de travail], mais des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail au Mexique et dans plusieurs des États du Sud des États‑Unis seraient aussi bénéfiques pour le reste de l’Amérique du Nord. »

Les témoins ont offert des opinions divergentes sur la question de savoir si le gouvernement du Mexique protège suffisamment les droits des travailleurs du pays. Le Congrès du travail du Canada a estimé que les droits des travailleurs mexicains ont subi une incidence négative provenant des « contrats de protection », qui sont des ententes entre une entreprise et un syndicat de travailleurs approuvé par l’entreprise. Selon l’organisation, les travailleurs mexicains n’ont pas le droit de consulter leur convention collective, et ceux qui tentent de remplacer le syndicat approuvé par l’entreprise par un autre de leur choix risquent de le payer de leur vie. Le Conseil mexicain des relations étrangères a offert une perspective différente, affirmant que le « droit de s’organiser et de faire la grève est parfaitement protégé au Mexique ».

Oxfam Canada a souligné que la plupart des personnes travaillant dans les maquiladoras du Mexique sont des femmes. Sa représentante a ajouté que « les femmes mexicaines ont vu la création de nouveaux débouchés depuis l’introduction de l’ALENA, mais cela, dans un contexte où existent des conditions d’exploitation et de violations bien documentées des droits ».

En ce qui a trait aux normes de travail américaines, le Congrès du travail du Canada a décrit que les lois sur le droit au travail (right-to-work laws) accordent des « subventions inéquitables » aux entreprises. Selon sa représentante, il serait toujours possible de « déposer une plainte en vertu de l’ALENA ou à l’OMC sur la manière dont les États‑Unis subventionnent injustement des entreprises en leur permettant de moins payer leurs travailleurs, parce que c’est effectivement ce qui se passe dans les États où [le droit au travail est reconnu] ». Elle a aussi soutenu que les lois américaines du droit au travail vont à l’encontre des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) relatives au droit de se syndiquer et à la liberté d’association.

Certains témoins ont fait des propositions concernant l’incorporation de normes de travail à l’ALENA. Par exemple, la ministre des Affaires étrangères du Canada a déclaré devant le Comité que l’un des objectifs que le Canada s’est donnés en vue des négociations sur l’ALENA consiste à insérer « de solides mécanismes de protection relatifs au travail au cœur même de l’accord ». Pour sa part, le négociateur en chef du Canada pour l’ALENA a indiqué que le Canada poursuivra « un objectif assez ambitieux » dans le domaine du travail, et qu’il fera la promotion de pratiques équitables dans ce domaine dans les trois pays. Il a ajouté que certaines pratiques des États‑Unis soulèvent « quelques préoccupations », ce qui amènera le Canada à rechercher des engagements dans ce domaine.

Le Centre canadien de politiques alternatives a suggéré d’incorporer « des normes de travail solides et pleinement exécutoires » à tout accord commercial conclu entre pays signataires de l’ALENA. Il a aussi fait remarquer que les syndicats et les travailleurs devraient avoir la capacité de présenter leurs différends de manière à ce que des recours – tels que des amendes – soient pris en réaction aux violations des droits du travail, et il a qualifié de « crucial » l’ajout de normes de travail à l’ALENA.

Le Congrès du travail du Canada a jugé que tout chapitre de l’ALENA portant sur le travail devrait renfermer des renvois aux conventions de l’Organisation internationale du Travail. Selon lui, le « meilleur » chapitre sur le travail serait une combinaison des dispositions de l’AECG et du PTP, qui font référence au programme de l’Organisation internationale du Travail quant à la qualité des conditions de travail et qui prévoient un mécanisme d’application.

À propos de l’impact différentiel de la libéralisation du commerce sur les femmes et les hommes, Oxfam Canada a estimé que les « dispositions actuelles sur le travail [...] ont laissé tomber les femmes et devraient être renforcées de façon à soutenir l’augmentation de gains réels pour les femmes dans l’économie ».

Afin de garantir l’existence de normes du travail exécutoires en Amérique du Nord, le Comité recommande :

Recommandation 26

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre-échange nord-américain, préconise des normes du travail solides et exécutoires pour l’ensemble de l’Amérique du Nord.

C. Égalité des sexes

La ministre des Affaires étrangères du Canada a dit au Comité que l’ajout d’« un nouveau chapitre sur les droits en matière d’égalité entre les sexes, conformément à notre engagement en la matière » fait partie des objectifs poursuivis par le Canada lors des négociations sur l’ALENA. Différents témoins ont manifesté leur appui à cet objectif et ont confirmé que les ALE n’ont pas les mêmes effets sur les hommes et les femmes. L’Organization of Women in International Trade a fait savoir que les différences peuvent être constatées au Canada, où les femmes dans le secteur des PME sont moins susceptibles que les hommes d’avoir accès aux ressources nécessaires pour bénéficier pleinement des ALE signés par le Canada. Selon l’organisation, les « données probantes laissent entendre que, même lorsqu’un secteur prend de l’expansion en raison de la libéralisation du commerce, les femmes sont moins susceptibles de bénéficier d’augmentations salariales et sont plus susceptibles de rester des petites productrices ». Elle a ajouté que l’intégration d’un chapitre sur l’égalité des sexes à l’ALENA « serait un excellent moyen d’encourager l’[inclusion] » dans le domaine du commerce international.

En outre, l’Organization of Women in International Trade a avancé que l’ALENA pourrait être bénéfique pour les femmes entrepreneures si les dispositions sur l’égalité des sexes qui y sont ajoutées reflètent « une meilleure appréciation de la façon dont les femmes peuvent participer aux affaires et de l’incidence [du commerce sur les femmes] ». Oxfam Canada a abordé le même sujet : « La renégociation de l’ALENA est pour le Canada une occasion de soutenir l’inclusion sur la base de l’égalité des sexes dans les accords commerciaux de sorte que les femmes et les hommes puissent profiter également de ses dispositions. »

L’Organization of Women in International Trade a aussi indiqué que les négociations entourant l’ALENA donnent au Canada, aux États‑Unis et au Mexique l’occasion d’« affirmer leur engagement à l’égard de l’avancement des femmes dans le secteur du commerce », et de miser sur le « potentiel économique inexploité » des entreprises appartenant à des femmes.

Des témoins ont dit par ailleurs que le Canada pourrait se servir du chapitre sur l’égalité des sexes qui a été intégré à l’Accord de libre‑échange Canada‑Chili en juin 2017 comme modèle à suivre lors des négociations sur l’ALENA. L’Organization of Women in International Trade a jugé utile de « reprendre et améliorer le modèle » de ce chapitre. Pour sa part, Oxfam Canada a affirmé que l’ajout, à l’ALENA, d’un chapitre sur l’égalité des sexes similaire à celui incorporé récemment à l’Accord de libre‑échange Canada‑Chili serait une bonne mesure, quoiqu’insuffisante. L’organisme considère d’ailleurs qu’il faudrait renforcer les dispositions de cet accord afin d’en maximiser les effets possibles :

[Le chapitre de l’ALE Canada‑Chili sur l’égalité des sexes] est un point de départ utile et contient quelques idées excellentes, y compris le soutien d’initiatives comme l’établissement de réseaux pour les femmes, l’amélioration des normes du travail, le soutien des besoins particuliers des femmes pour les aider à tirer parti de l’accord commercial [...] Or, l’accord est faible, parce qu’il manque de spécificité par rapport à ce qu’il permettra d’atteindre, et il est dénué de responsabilisation en raison du fait qu’il est complètement volontaire.

Oxfam Canada a aussi mentionné que le principe de l’égalité des sexes devrait être intégré à d’autres parties de l’ALENA, et que les efforts destinés à garantir l’égalité des sexes ne devraient pas être axés exclusivement sur les femmes entrepreneures et propriétaires d’entreprises, puisque la majorité des femmes sont des employées et qu’elles sont concentrées dans les emplois les moins bien rémunérés et les plus précaires. L’organisme a souligné que l’ajout possible d’un chapitre sur le travail au sein de l’ALENA serait « un point de départ utile » pour faire avancer l’égalité des sexes, car les questions connexes, comme l’équité salariale et les conditions de travail, pourraient y être abordées.

L’Organization of Women in International Trade a fait valoir qu’une analyse comparative entre les sexes de la question de la mobilité de la main‑d’œuvre aiderait à orienter les changements apportés aux engagements pris par les membres de l’ALENA dans ce secteur. Elle croit également qu’un accent accru sur les PME dans un ALENA renouvelé présenterait « des avantages positifs liés au genre » parce que les femmes ont davantage tendance à participer à l’économie par l’entremise des PME.

Les Women’s Enterprise Organizations of Canada ont indiqué que les entreprises appartenant à des femmes pourraient bénéficier de certaines dispositions des ALE, y compris celles qui permettent aux parties de privilégier les fournisseurs et les entrepreneurs qui sont membres d’une minorité, si ces dispositions étaient modifiées en fonction de considérations sur l’égalité des sexes.

Des témoins ont exprimé l’avis que les négociations commerciales devraient tenir compte d’analyses comparatives en matière de genre et de données ventilées selon le sexe. Par exemple, l’Organization of Women in International Trade a soutenu que les négociateurs commerciaux du Canada devraient « tenir compte des diverses façons […] dont les femmes et les hommes qui exploitent des entreprises peuvent être touchés différemment par les dispositions renégociées. Une analyse comparative entre les sexes offrirait des renseignements concrets sur l’impact différentiel de l’ALENA sur les hommes et les femmes. »

Oxfam Canada a abondé dans le même sens : « Les données probantes recueillies au moyen d’une bonne analyse comparative de la pauvreté en fonction des sexes, y compris au moyen de la collecte de données ventilées selon le sexe, permettraient d’améliorer les connaissances, les analyses et le choix des négociateurs, des conseillers politiques et des partenaires relativement aux répercussions et aux avantages de l’ALENA sur l’égalité entre les sexes. » Oxfam et l’Organization of Women in International Trade ont mentionné la boîte à outils sur le genre et le commerce élaborée par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, une ressource qui sert à évaluer les effets directs et indirects des accords commerciaux sur les femmes.

Afin de s’assurer que tout le monde puisse profiter des avantages liés au commerce, le Comité recommande :

Recommandation 27

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre‑échange nord-américain, s’assure que l’égalité des sexes demeure un élément important à prendre en considération.

D. Peuples autochtones

Lors de sa comparution devant le Comité, la ministre des Affaires étrangères du Canada a déclaré que l’ajout d’un chapitre concernant les peuples autochtones faisait partie des objectifs centraux du Canada en vue des négociations sur l’ALENA. Différents témoins ont dit appuyer cette priorité. C’est le cas du Conseil national de développement économique des Autochtones, qui a affirmé qu’un « chapitre sur les Autochtones est primordial afin de garantir que les droits ancestraux sont inhérents à l’Accord ». Le Conseil a ajouté que ce chapitre devrait reconnaître la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le Conseil national de développement économique des Autochtones et l’International Inter-tribal Trade and Investment Organization ont fait valoir qu’une version révisée de l’ALENA devrait également reconnaître le droit des peuples autochtones d’Amérique du Nord de traverser librement la frontière canado‑américaine et de commercer entre eux, comme le prévoyait un traité de 1794 entre la Grande-Bretagne et les États-Unis communément appelé Traité de Jay[13]. La première de ces organisations a soutenu que « l’esprit du Traité de Jay devrait être reconnu [...] [Si] on détermine que des entreprises sont autochtones et que leurs collectivités corroborent l’information, elles devraient pouvoir faire ce commerce transfrontalier. Il pourrait y avoir un registre des entreprises autorisées à faire du commerce ».

L’International Inter-tribal Trade and Investment Organization a proposé quant à elle le dépôt d’un projet de loi qui permettrait le commerce intertribal international entre le Canada et les États‑Unis. Selon le point de vue de l’organisation, on ne peut pas « avancer sans admettre que ce qui s’est passé avec la Grande‑Bretagne et les États‑Unis était une reconnaissance du droit économique préexistant de faire du commerce, du commerce intertribal autochtone, prévu dans le Traité de Jay ».

De l’avis du Canadian Council for Aboriginal Business, tout nouveau chapitre de l’ALENA relatif aux peuples autochtones devrait maintenir et élargir les dispositions concernant les réserves établies par le Canada dans l’Accord au sujet des droits ou des préférences accordés aux peuples autochtones[14]. L’organisation a signalé que, selon « les modalités actuelles de l’ALENA, des marchés sont réservés par le gouvernement canadien pour aider les entreprises autochtones. Nous aimerions que ces dispositions soient élargies pour correspondre davantage à ce que prévoit l’AECG. Ainsi, le gouvernement fédéral serait mieux à même d’aider les entreprises autochtones ». Elle a également pressé le Canada de veiller à ce que toute disposition sur les entreprises d’État qui serait incorporée à l’ALENA ne s’applique pas aux sociétés de développement économique appartenant aux Premières Nations, aux Inuits ou aux Métis.

D’après l’International Inter-tribal Trade and Investment Organization et le Canadian Council for Aboriginal Business, la protection des « connaissances traditionnelles » – c’est‑à‑dire les droits des communautés autochtones sur leur patrimoine culturel, y compris le droit de protéger et de développer leur propriété intellectuelle relative à ce patrimoine – devrait faire partie des enjeux abordés lors des négociations sur l’ALENA. Selon le Canadian Council for Aboriginal Business, la protection des connaissances traditionnelles est une « grande priorité ».

Le Conseil national de développement économique des Autochtones a fait ressortir l’importance de consulter les peuples autochtones et de les faire participer aux négociations entourant l’ALENA :

Bon nombre des préoccupations [exprimées par les peuples autochtones lors des premières négociations sur l’ALENA] découlaient du fait que l’ALENA avait été négocié sans la consultation et la participation appropriées des Autochtones [...] [L]a réussite de cet Accord renouvelé pour les Autochtones au Canada, au Mexique et aux États‑Unis dépendra du processus de négociation de l’Accord et de la mobilisation véritable des Autochtones. Il s’agit de la condition fondamentale sur laquelle doivent s’appuyer les modalités particulières de l’Accord.

Dans la même veine, l’International Inter-tribal Trade and Investment Organization a observé que les obligations dont le Canada doit s’acquitter envers les peuples autochtones conformément à la Constitution et aux traités exigent « des consultations significatives, complètes et éclairées ».

En accord avec l’objectif visant à appuyer les droits des Autochtones, le Comité recommande :

Recommandation 28

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre des négociations sur l’Accord de libre‑échange nord-américain, continue de revendiquer un chapitre sur les peuples autochtones et de rechercher l’inclusion des principes énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Les relations commerciales étroites et fructueuses qu’entretient le Canada avec les États‑Unis et le Mexique sont attribuables, du moins en partie, aux règles conçues pour promouvoir un commerce libre et équitable. Malgré l’incertitude actuelle entourant l’avenir du partenariat économique et commercial en Amérique du Nord, le Comité est convaincu que le Canada, les États‑Unis et le Mexique peuvent pousser plus loin leurs relations commerciales, accroître la compétitivité de la région nord-américaine, créer des emplois et améliorer les conditions de travail dans les trois pays.

De l’avis du Comité, dans la poursuite des négociations sur l’ALENA, le Canada devrait travailler avec les États‑Unis et le Mexique pour que la grande priorité soit de « protéger les acquis ». Il faudrait notamment préserver l’accès du Canada au marché nord-américain; permettre aux producteurs canadiens de participer aux chaînes de valeur existantes et futures en Amérique du Nord; prévoir dans l’ALENA des dispositions sur le règlement des différends qui garantissent le respect des engagements ainsi qu’un examen impartial des décisions relatives aux droits antidumping et compensateurs; ne pas accroître ses engagements en matière d’accès au marché pour les importations de produits assujettis à la gestion de l’offre au Canada; maintenir l’exemption culturelle prévue dans l’ALENA; et permettre au Canada de moderniser son régime de propriété intellectuelle en conciliant les intérêts des détenteurs droits d’auteur et ceux des utilisateurs.

Bien qu’il soit essentiel de protéger les acquis durant les négociations sur l’ALENA, le Comité estime que le Canada peut poursuivre plusieurs objectifs – dans le cadre de ces négociations et autrement – visant la création de nouveaux débouchés pour les entreprises canadiennes. Par exemple, le Canada pourrait prendre l’Accord sur le partage de la production de défense entre le Canada et les États‑Unis comme modèle à suivre alors qu’il recherche l’application du traitement national aux entreprises canadiennes dans les marchés publics américains. Le gouvernement du Canada devrait aussi poursuivre les discussions avec son homologue américain dans le but de régler le différend sur le bois d’œuvre, qui a eu pour effet de limiter la capacité de certains producteurs du secteur canadien de la foresterie de vendre leurs produits aux États‑Unis. Par ailleurs, les négociations entre les 11 pays du PTP sont de bon augure, car elles pourraient augmenter la capacité des entreprises canadiennes à participer aux échanges internationaux. Enfin, les nouvelles dispositions de l’ALENA sur le commerce numérique et électronique pourraient permettre aux entreprises de profiter des débouchés dans les activités commerciales en ligne, mais doivent concilier les intérêts des entreprises branchées et ceux des détaillants ayant pignon sur rue, et ce, sans compromettre le droit à la vie privée des Canadiens et la protection de leurs renseignements personnels.

Le Comité estime que pour favoriser le développement des relations commerciales en Amérique du Nord, les pays de l’ALENA devraient s’efforcer d’améliorer l’efficacité de la circulation légitime de biens et de personnes à leurs frontières. Pour ce faire, ils pourraient se doter de nouvelles infrastructures frontalières et de procédures douanières modernes et adopter des dispositions sur la mobilité de la main‑d’œuvre pour que les travailleurs qualifiés puissent aller travailler plus facilement là où on en a le plus besoin. De même, l’harmonisation de la réglementation, lorsqu’elle n’entre pas en contradiction avec la protection de l’intérêt public, améliorerait la capacité des entreprises à vendre leurs produits dans les trois pays de l’ALENA ainsi que l’accès des consommateurs à une gamme plus étendue de produits.

Les États‑Unis sont le principal partenaire du Canada en matière de commerce et d’investissement, et le Comité considère que l’engagement et le dialogue continus entre les deux pays sont essentiels pour l’avenir des relations bilatérales. Par conséquent, il ne faudrait pas manquer une occasion de sensibiliser les Américains à l’importance des relations qu’entretient leur pays avec le Canada au chapitre des échanges commerciaux et de l’investissement. Le Mexique est également un partenaire précieux pour le Canada; les négociations sur l’ALENA devraient demeurer trilatérales et se concentrer sur l’accroissement de la compétitivité de la région nord-américaine.

Confiant que les entreprises, les particuliers et les collectivités de partout au Canada devraient pouvoir profiter des avantages du commerce, le Comité exhorte le gouvernement du Canada à prendre en considération les intérêts et les opinions du plus grand nombre de Canadiens possible dans les négociations d’accords de libre‑échange. Le gouvernement fédéral devrait aussi tenir compte des provinces et des territoires dans ces négociations, car eux aussi sont visés par les dispositions de ces accords. En outre, le Canada devrait poursuivre les consultations et négocier l’inclusion dans l’ALENA de dispositions concernant l’égalité des sexes et les peuples autochtones, ainsi que des normes exécutoires en matière de main‑d’œuvre et d’environnement. Le gouvernement devrait aussi s’assurer que les dispositions relatives au règlement des différends entre investisseurs et États permettent l’adoption de réglementations qui servent l’intérêt public.

Le Comité est persuadé que la mise en œuvre des recommandations formulées dans le présent rapport aidera le pays à renforcer le partenariat nord‑américain et, de ce fait, à créer des débouchés pour les entreprises, les travailleurs et les collectivités du Canada.


[1]              Statistique Canada, Exportations à valeur ajoutée, 2013, 12 juillet 2017.

[2]              Chris Rasmussen et Susan Xu, « Jobs Supported by Export Destination 2015 », U.S. Department of Commerce, 8 novembre 2016 [en anglais seulement].

[3]              Toutes les données présentées dans le présent chapitre sont tirées de Statistique Canada et sont exprimées en dollars canadiens. Les données sur le commerce de marchandises sont basées sur les déclarations en douane; celles sur le commerce des services et l’investissement direct étranger, sur la balance des paiements.

[4]              Fraternité internationale des Teamsters, Hoffa: NAFTA Should Deal With Trucking, Labor, 4 octobre 2017 [en anglais seulement].

[5]              Jusqu’à ce que la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement soit modifiée, l’appellation officielle du ministère est « ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement ». Dans le présent rapport, nous employons le titre d’usage actuellement utilisé pour désigner ce ministère, soit Affaires mondiales Canada.

[6]              En date de décembre 2017, Affaires mondiales Canada a reçu plus de 43 000 soumissions électroniques, et a organisé des consultations publiques à Calgary, Charlottetown, Fredericton, Halifax, Hamilton, Kamloops, London, Montréal, Québec, Saskatoon, Sherbrooke, Toronto, Windsor et Winnipeg.

[7]              Stratfor Enterprises, Australia: TPP Trade Talks Sail on Without the United States, 31 août 2017 [en anglais seulement].

[8]              Affaires mondiales Canada, Calendrier des discussions, 11 novembre 2017.

[9]              Le 2 novembre 2017, le département américain du Commerce [en anglais seulement] a rendu une décision définitive positive dans le cadre de ses enquêtes en matière de droits compensateurs et antidumping sur les importations de certains produits de bois d’œuvre du Canada. Le 14 novembre 2017, le gouvernement du Canada [en anglais seulement] a demandé l’établissement d’un groupe spécial aux termes du chapitre 19 de l’ALENA pour examiner l’imposition, par les États-Unis, de droits compensateurs sur ces importations. Le 29 novembre 2017, le gouvernement du Canada a demandé à l’Organisation mondiale du commerce la tenue de consultations avec les États‑Unis au sujet des décisions définitives concernant les droits antidumping et compensateurs. Dernièrement, le 7 décembre 2017, la Commission américaine du Commerce international a déclaré que certaines importations de produits canadiens de bois d’œuvres résineux causent un préjudice matériel, et elle a indiqué que le département américain du Commerce rendra une ordonnance sur les droits anti-dumping et compensateurs relativement aux importations de ces produits.

[10]            Le 26 septembre 2017, le département américain du Commerce [en anglais seulement] a rendu une décision préliminaire positive dans le cadre de son enquête sur les droits compensateurs relativement aux aéronefs civils gros porteurs canadiens de 100 à 150 sièges. Le 6 octobre 2017, le département a rendu [en anglais seulement] une décision préliminaire positive à la suite d’une enquête antidumping sur ce type de produit.

[11]            Le 19 avril 2017, le secrétaire américain au Commerce [en anglais seulement] a lancé une enquête afin d’évaluer l’incidence des importations américaines d’acier sur la sécurité nationale aux États‑Unis. D’après la loi, le secrétaire au Commerce dispose de 270 jours à compter du début de l’enquête pour présenter ses conclusions au président. Par la suite, le président peut imposer des recours commerciaux, tels que des tarifs douaniers et des quotas, si le secrétaire estime que les importations ayant fait l’objet d’une enquête risquent de porter atteinte à la sécurité nationale.

[12]            Le 1er juin 2017, les États‑Unis ont fait part de leur intention de se retirer de l’Accord de Paris [en anglais seulement].

[13]            Le Traité de Jay s’appelle officiellement le Traité d’amitié, de commerce et de navigation entre le Royaume‑Uni et les États‑Unis d’Amérique. Il n’a jamais eu force de loi au Canada.

[14]            Annexe II de l’Accord de libre‑échange nord‑américain : « Le Canada se réserve le droit d’adopter ou de maintenir des mesures visant à refuser aux investisseurs d’une autre Partie et à leurs investissements, ou aux fournisseurs de services d’une autre Partie, tous droits ou toutes préférences accordés aux autochtones. »