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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 124 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 4 octobre 2018

[Énregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour. Je suis heureux d'ouvrir la 124e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
    Nous poursuivons notre étude des enjeux et possibilités liés à la migration pour le Canada au XXIe siècle. Aujourd'hui, nous aurons deux sessions d'une heure. Nous accueillons Mme Idil Atak, de l'Université Ryerson, et Alexandra Bilak, par vidéoconférence depuis Genève. Habituellement, je commence par le témoin présent par vidéoconférence, au cas où un problème technique surviendrait, pour nous donner le temps de rétablir le contact, au besoin.
    Un mot sur cette étude: notre comité a décidé d'examiner sérieusement la réalité mondiale de la migration forcée ou volontaire des personnes et la réponse, sur le plan des principes et des lois, que le Canada devrait réserver au phénomène au XXIe siècle, une réponse peut-être différente de ce qu'elle a été au XXe siècle. Soyez toutes les deux les bienvenues.
    Mme Bilak d'abord.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invitée.
    Je viens parler du phénomène des déplacements internes, de son ampleur mondiale, de certaines de ses causes et de ses répercussions à long terme ainsi que de solutions possibles.
    Je suis la directrice de l'Observatoire des situations de déplacement interne, qui, comme le dit son nom, observe les déplacements internes dans le monde et recueille des statistiques sur la situation des personnes déplacées de force ou exposées à devoir être déplacées dans leur propre pays.
    Ces personnes sont souvent les grandes oubliées des grands débats sur la migration, même si elles font effectivement partie intégrante de ce phénomène à l'échelle mondiale et même si elles font partie des communautés et des personnes les plus vulnérables du monde.
    À l'Observatoire, nous surveillons les déplacements internes coïncidant avec les conflits armés, la violence générale, les catastrophes d'origine anthropique, et, de façon plus générale, les atteintes aux droits de la personne. Nous sommes la source bien informée de données et d'analyses sur le sujet en qui le monde fait confiance. Nous fournissons des statistiques globales sur les déplacements pour cause de conflits ou de violences dans 54 pays du monde et sur les déplacements provoqués par des catastrophes dans plus de 130 pays.
    En 2017, nous avons enregistré 30,6 millions de nouveaux déplacements internes causés par des conflits et des catastrophes. Une année sur deux, la majorité des déplacements provoqués par des conflits a eu lieu au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne, tandis que les déplacements causés par les catastrophes touchent principalement le Sud et l'Asie du Sud-Est.
     Certains pays comptent non seulement le plus grand nombre de personnes déplacées, mais ils sont également exposés, tous les ans, à de nouvelles vagues de déplacements dans leurs frontières. C'est notamment le cas de la République démocratique du Congo, de l'Éthiopie, du Nigéria et de la Somalie, en Afrique, et, bien sûr, de la Syrie, de l'Irak, du Yémen et de l'Afghanistan. Les Philippines, la Chine, l'Inde, le Bangladesh et beaucoup de petits États insulaires du Pacifique comptent régulièrement, tous les ans, un nombre élevé de personnes déplacées par les catastrophes.
    Les communautés les plus gravement touchées sont souvent situées dans les pays à faible et à très faible revenu, déchirés par des crises et des conflits prolongés et d'habitude incapables de s'en sortir. Les personnes déplacées peuvent y être obligées de quitter leur foyer dans des circonstances très brutales et de se déplacer à plusieurs reprises, sur de courtes périodes, en quête de sécurité. Dans certains cas, ces déplacements très cycliques, mais aussi des chocs très répétés, usent peu à peu la résilience de communautés souvent déjà très pauvres et très vulnérables.
    Même si les déplacements provoqués par les catastrophes sont souvent considérés comme moins graves et sont suivis d'un taux plus élevé de retours ou débouchent plus directement sur la reconstruction et la réintégration, nous savons aussi que bon nombre de personnes souvent originaires de communautés déjà pauvres et vulnérables restent longtemps déplacées après une catastrophe. Des exemples évidents sont Haïti, après le séisme de 2010, ou le Japon, après la catastrophe de Fukushima, mais il y en a beaucoup d'autres.
    Comme les conflits se prolongent et que le taux mondial d'urbanisation augmente et comme le changement climatique est susceptible d'intensifier les catastrophes soudaines ou celles qui se déclenchent lentement, rien ne permet de croire en un renversement de la tendance vers l'augmentation du nombre de déplacements internes. Même si les crises d'aujourd'hui résultent clairement de problèmes de développement à long terme, elles peuvent aussi, à leur tour, influer gravement sur l'évolution du développement des États. Voilà pourquoi nous avons fait valoir, au fil des ans, que les déplacements internes devraient être considérés comme un problème humanitaire se répercutant manifestement sur les droits de la personne mais aussi qu'il fallait surtout les considérer comme un défi pour le développement.
    Malgré tout, les mesures pour remédier aux déplacements internes ont en grande partie été absentes du programme de mesures internationales. Depuis 2016, l'attention du monde est fixée sur la migration et les flux de réfugiés ainsi que sur la négociation de deux accords mondiaux sur les réfugiés et les migrants. Dans un cas comme dans l'autre, rien n'est fait pour s'attaquer sensiblement aux déplacements à l'intérieur des frontières d'un pays ou pour reconnaître convenablement la relation entre les causes premières et les facteurs de déplacement interne et les flux transfrontaliers de plus grande ampleur.
    Nous ne croyons pas que les États ou les donateurs aient beaucoup envie de rédiger de nouvelles lois ou de nouveaux protocoles internationaux sur le déplacement interne ou sur le partage de responsabilités en la matière, et, d'après nous, on peut se demander s'il est utile de créer des organismes ou des cadres normatifs pour répondre au problème.
(1535)
    Cependant, on a manifestement besoin dès maintenant d'un engagement politique à haut niveau pour y réagir. Nous recommandons donc au Canada d'envisager d'appuyer le groupe de haut niveau qu'on vient de proposer sur le phénomène. Ce faisant, il devrait appuyer fermement la participation marquée des États les plus touchés par le déplacement interne, des États qui possèdent donc une expérience féconde de la résorption du problème.
    Chaque fois que c'est possible, ces gouvernements doivent prendre la direction des opérations pour remédier au déplacement interne et s'attaquer aux causes premières. Ils devraient alors intégrer le problème du déplacement interne dans les plans de développement à long terme et dans la planification de l'adaptation aux changements climatiques et investir dans les efforts de réduction des risques en cas de catastrophe. Dans certains cas, ils sont très désireux de le faire. Vu l'ampleur mondiale du phénomène, nous croyons que l'inaction est susceptible de nuire au progrès de ces pays vers l'atteinte de leurs objectifs de développement durable et la réalisation d'autres programmes internationaux.
    À l'égard des gouvernements eux-mêmes cause des déplacements, la communauté internationale doit mieux coordonner les réponses opérationnelles tout en collaborant au soutien des efforts de consolidation de la paix, de résolution des conflits, d'accès à la justice et, bien sûr, de reddition de comptes sur les atteintes aux droits de la personne.
    À cette fin, le Canada pourrait appuyer des réponses coordonnées contre les déplacements prolongés, dans les dimensions humanitaires du phénomène et ses dimensions touchant le développement et la consolidation de la paix. Il pourrait aussi user de son influence pour que ses partenaires des Nations unies fassent de même dans leurs programmes et leur engagement auprès des gouvernements nationaux. Cet appui sera indispensable pour s'attaquer aux causes sous-jacentes des déplacements internes, aux mouvements de réfugiés et aux flux migratoires.
    Enfin, nous encourageons des investissements plus considérables dans des systèmes coordonnés et cohérents de collecte de données sur le terrain pour s'assurer de mieux comprendre le sort des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays et à l'étranger, pour mieux le surveiller et y réagir et, surtout, pour s'assurer que la situation de ces personnes ne soit jamais oubliée par les programmes nationaux et internationaux.
    Merci beaucoup.
(1540)
    Merci beaucoup.
    Entendons maintenant Mme Atak.
    Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de son invitation. C'est véritablement un privilège d'être ici.
    Mes remarques porteront sur les modifications du système canadien de protection des réfugiés qui découlent de deux lois: la Loi visant à protéger le système d'immigration du Canada et la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, qui sont entrées en vigueur il y a près de six ans, en décembre 2012.
    Le gouvernement conservateur précédent les avait fait adopter après l'arrivée de près de 600 Tamouls demandeurs d'asile à bord de deux bateaux, en 2009 et en 2010.
    La protection des Canadiens était un objectif majeur de ces modifications. Les autres objectifs d'ordre politique étaient de rendre le système de protection des réfugiés plus rapide et plus équitable, de réduire l'arriéré dans le traitement des dossiers des réfugiés à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada et d'expulser aussitôt que possible les demandeurs d'asile déboutés.
    Mes remarques s'appuient sur la recherche sur le terrain que deux de mes collègues et moi-même avons réalisée, ces quatre dernières années, dans trois provinces — l'Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec. Nous voulions mesurer l'efficacité du nouveau système. Notre question centrale était: atteint-il ses objectifs stratégiques?
    Je vous rappelle certaines des mesures adoptées en 2012.
    D'abord, on a comprimé les délais. Les audiences, pour la plupart des demandeurs, ont lieu pas plus tard que 60 jours après que la Commission a été saisie de la demande d'asile.
    Ensuite, on a limité les droits procéduraux et le droit de recours. Par exemple, la plupart des demandeurs d'asile n'ont pas le droit de demander d'examen des risques avant renvoi pendant un an après la décision définitive rendue à leur endroit par la Commission.
    Enfin, on a créé des catégories de demandeurs d'asile, en fonction du moyen de transport pris pour arriver au Canada et le pays d'origine. On leur a accordé des délais encore plus réduits et des droits et des recours plus faibles. Il incombe à ces demandeurs provenant de pays dits désignés — et on en compte actuellement 42, y compris le Mexique — de réfuter la présomption de sécurité de leur pays d'origine.
    Les étrangers désignés, autre catégorie nouvelle de demandeurs d'asile, sont ceux qui arrivent au Canada par des moyens irréguliers, avec le concours d'un passeur et en groupe. Cette catégorie, qui comprend les enfants de 16 et de 17 ans, est assujettie à une détention obligatoire. On lui nie des droits fondamentaux, comme le droit d'appel, et ces demandeurs sont également exposés à des mesures de dissuasion socioéconomique.
    D'après nos constatations, ces mesures n'ont pas atteint les principaux objectifs. Notre système n'est pas plus rapide ni plus efficace qu'avant. Au contraire, ces modifications ont entraîné un certain nombre de résultats négatifs.
    D'abord, elles portent atteinte aux droits de la personne des demandeurs d'asile au Canada. Prenez les dispositions sur la détention des étrangers désignés: elles enfreignent notre Charte des droits et les obligations internationales du Canada dans le cadre de la Convention de 1951 et de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations unies, entre autres.
    De plus, notre loi sur les réfugiés est devenue discriminatoire et punitive. Elle n'accorde plus à certains groupes de demandeurs les protections convenables en matière de procédures et de recours. Il s'ensuit un risque accru, pour les demandes légitimes, d'être rejetées et, pour les demandeurs, d'être renvoyés là où ils étaient persécutés.
    Ensuite, les modifications privilégient l'efficacité et la dissuasion aux dépens de l'équité.
    Ensuite encore, le paysage juridique canadien touchant les réfugiés est considéré comme rempli d'une incertitude qui frappe tous les joueurs, notamment les membres de la Commission, les conseillers juridiques et les fournisseurs de services.
    Enfin, nous constatons une corrélation entre ces nouvelles politiques et la migration des sans-papiers, de plus en plus visible comme le montrent les mouvements vers les villes sanctuaires. Certaines de ces mesures ont été annulées par nos tribunaux, la contestation des autres se poursuit, mais le processus est long et coûteux.
    Le Parlement devrait faire preuve de vision et d'abord abroger la disposition visant les étrangers désignés. Ensuite, les demandeurs d'asile devraient se faire accorder suffisamment de temps, idéalement pas moins de trois mois, pour se préparer à l'audience devant la Commission. Puis on devrait cesser de discriminer les divers demandeurs d'asile. Ensuite encore, tous les droits procéduraux et tous les recours devraient être facilement accessibles à tous les demandeurs, dans un souci de primauté du droit. Enfin, le Canada doit mieux comprendre le phénomène de la migration des sans-papiers y compris la création, par nos politiques, parfois, de l'illégalité des migrants. On devrait envisager la régularisation, au cas par cas, des migrants sans-papiers.
(1545)
    Ces changements nous permettraient de rétablir l'équité et l'efficacité du système tout en maintenant le respect des droits de la personne et les libertés fondamentales pour tous les êtres humains, conformément aux objectifs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    Merci.
    Merci.
    Madame Bilak, je reconnais l'heure tardive dans votre fuseau horaire. Je vous remercie d'avoir pu nous accorder ce temps.
    Allez-y, monsieur Ayoub.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Vos discours étaient très intéressants.
    Je vais commencer par vous, madame Atak. J'aimerais bien avoir une copie écrite de vos notes parce que vous nous avez fourni beaucoup de détails, qui sont importants. À ce stade-ci de notre étude, nous recevons des témoignages, tout en nous demandant s'il y a bel et bien une crise migratoire. À en croire certains politiciens, la crise est profonde, mais selon les gens qui sont sur le terrain et qui ont une vision plus globale de la situation, le Canada n'est pas vraiment en crise.
    Par contre, nous avons récemment rencontré un fonctionnaire responsable de l'immigration au Canada. Il nous disait que les délais de traitement des dossiers étaient de deux à deux ans et demi. Il se traite 30 000 dossiers par année, mais il existe un arriéré d'au moins 60 000 dossiers.
    Vous nous avez donné beaucoup de pistes de solution, mais, selon vous, lesquelles devrions-nous appliquer à court terme pour améliorer les délais de traitement et traiter de façon équitable les réfugiés, les migrants et les personnes avec des dossiers irréguliers ou réguliers? Comment respecter leurs droits tout en faisant les choses comme il faut au Canada pour accueillir les bonnes personnes et rejeter les individus indésirables?
    Je vous remercie de votre question. Vous soulevez des points très importants.
    Pour ce qui est de savoir s'il y a une crise, je vous répondrai oui et non à la fois. Malgré l'accélération des délais de traitement des demandes d'asile, l'élection du président Trump aux États-Unis a été suivie d'une augmentation du nombre de passages irréguliers à la frontière. C'est une situation sans précédent selon moi. Je constate aussi que l'Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs est contreproductive puisqu'elle empêche les demandeurs d'asile qui le souhaitent de présenter une demande au Canada de manière normale, les obligeant d'abord à traverser la frontière de façon irrégulière. Le nombre de ces passages augmente donc, et je qualifierais cette situation de crise.
    Comment peut-on sortir de cette crise? Je vous recommande de réviser l'Entente ou, idéalement, de l'abolir.
    Par quoi la remplacerait-on?
    Le Canada a l'obligation de permettre aux demandeurs d'asile de déposer leur demande. Le budget de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la CISR, a été augmenté dernièrement, ce que je juge positif. L'une des solutions consisterait à donner plus de moyens à tous les acteurs au Canada qui travaillent à résoudre cette situation de crise, ainsi qu'à l'aide juridique...
(1550)
    Je vais vous interrompre parce que je ne dispose pas de beaucoup de temps. Je m'intéresse beaucoup à la notion de « tiers pays sûrs ». S'il l'on veut modifier cette notion, combien de temps cela prendra-t-il selon vous, et quelles seront les étapes pour y arriver et instaurer un nouveau concept? En effet, je ne pense pas que l'on puisse abroger cette entente sans la remplacer par quelque chose de mieux.
    De combien de temps dispose-t-on pour faire cela? Entre-temps, la seule solution est-elle d'augmenter les budgets et d'accélérer le traitement des demandes d'immigration économique, selon vous?
     Cet accord est en vigueur depuis 2004. Les passages irréguliers à la frontière survenaient déjà avant l'élection de Donald Trump, mais l'on constate une intensification considérable de ces passages depuis son arrivée au pouvoir. Cela démontre combien l'Entente est contreproductive.
    Il y a une crise parce qu'il existe actuellement au sud du Canada un gouvernement dont l'idéologie est clairement opposée aux réfugiés, prouvant par le fait même à quel point les régimes intolérants peuvent intensifier le flux de demandeurs d'asile.
    Par quoi peut-on remplacer l'Entente? Je recommanderais en fait qu'elle soit tout simplement abolie, parce que nous avons déjà en place un système combinant notamment la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada et l'aide juridique. Ce système est déjà en mesure de faire face à cette situation.
    Je vous remercie, madame Atak.
    Il nous reste à peu près une minute et demie. Madame Bilak, êtes-vous au courant de l'Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs? Existe-t-il ce genre d'entente internationale ailleurs dans le monde?
    Puisque vous ne semblez pas la connaître, madame Bilak, je me tourne vers Mme Atak.
    Madame, à votre connaissance, y a-t-il d'autres pays qui ont ce genre d'entente?
    Il y a effectivement des accords au sein de l'Union européenne, dont tous les États se sont déclarés des États sûrs. C'est le principe de base de l'entente entre le Canada et les États-Unis, mais cela ne fonctionne pas du tout dans l'Union européenne.
    Cela ne fonctionne pas?
    Ils ont ce qui s'appelle le système de Dublin, qui est en vigueur depuis deux décennies. Il ne fonctionne pas car il est très coûteux et contreproductif.
    Que pensent-ils faire pour l'améliorer ou le changer?
    Il y a tout un débat en cours.
     Il est cependant difficile de comparer le Canada à l'Union européenne, car je pense que nous avons ici un système beaucoup plus humanitaire et que nous sommes géographiquement plus protégés que l'Union européenne.
    Je vous remercie beaucoup de vos réponses.

[Traduction]

    Monsieur Maguire.
    Merci, monsieur le président. Je remercie nos deux témoins pour leurs exposés.
    Madame Bilak, j'ai quelques questions. Toutes les deux, vous connaissez bien les personnes déplacées dans leur pays. Vous nous avez cité des statistiques sur le phénomène, et, bien sûr, nous n'avons pas fini d'entendre parler de catastrophes. Elles n'arrêtent pas, comme vous venez de le dire. Et, en plus, des génocides continuent d'avoir lieu.
    Pourriez-vous me faire part de votre opinion sur ce que devrait être la réponse du Canada au génocide des Rohingyas?
    Il est vrai que les déplacements internes ont été les plus nombreux et les plus graves, récemment, dans certains des pays les plus déchirés par un conflit, comme la République démocratique du Congo, où un conflit, rallumé en 2016 et 2017, dure encore. Depuis le début de l'année, nous avons assisté à d'importants sursauts d'un conflit en Éthiopie et à des déplacements internes. Il est donc vrai que les crises violentes à grande échelle provoquent les déplacements les plus nombreux.
    Au Myanmar, ç'a surtout été une crise de réfugiés. Nous éprouvons et avons éprouvé beaucoup de difficultés à déterminer dans quelle mesure ces gens ont été bloqués dans leur pays et le sont toujours, par opposition à celle dans laquelle ils ont d'abord été des personnes déplacées et pendant combien de temps avant d'être obligées de quitter leur pays.
    La plupart des rapports que nous avons reçus du Myanmar ont établi de façon assez claire que le mouvement est devenu très tôt transfrontalier et très rapidement une crise de réfugiés. Un certain nombre de personnes déplacées dans leur propre pays ont vécu des situations de très longue durée, parfois pendant des décennies, dans des zones d'insécurité qui subsistent dans tout le pays, mais une grande partie de la crise, là-bas, a surtout été une crise de réfugiés.
    En Syrie, ç'a été très différent. Dans les premières années de la guerre civile, c'était visiblement une crise de déplacements internes qui s'est transformée en mouvement transfrontalier et en mouvement de réfugiés en 2015 seulement. Il y avait vraiment les deux en Syrie et c'est encore beaucoup le cas aujourd'hui. On compte beaucoup de réfugiés syriens, mais on y compte autant, sinon plus, de personnes déplacées. Le Myanmar est un cas très différent.
(1555)
    Avec votre expérience, croyez-vous que nous devrions reconsidérer les critères concernant l'installation au Canada pour englober, si possible, les personnes déplacées dans leur pays.
    Eh bien, parce que ces personnes ne quittent pas leur pays, il faut des mesures différentes. Elles ont besoin d'être protégées et aidées dans leur pays. Beaucoup de pays en question sont des États en déconfiture ou simplement des pays fragiles, à faible revenu, qui disposent de peu de moyens. Bien sûr, ils ont besoin d'une aide adéquate.
    Dans de nombreux cas, leurs besoins sont surtout budgétaires et ils ont besoin de moyens. Des pays comme l'Éthiopie, le Nigéria et la Somalie possèdent la volonté politique de résoudre le problème des personnes déplacées sur leur territoire et de réagir convenablement à ce phénomène, mais ils ne disposent tout simplement pas de ressources financières et humaines suffisantes.
    J'encourage fortement le Canada à s'engager dans un dialogue durable avec les pays possédant cette volonté politique et dans le développement à long terme, parce que, en fin de compte, c'est le facteur de ces niveaux élevés de déplacement.
    Parallèlement à cela, vous semblerait-il approprié d'utiliser la loi Magnitsky pour sanctionner les personnes au Myanmar qui sont responsables de ces crimes?
    Je ne m'y connais pas tellement à ce sujet et je n'ai pas vraiment envie de me prononcer sur la situation politique au Myanmar et les efforts diplomatiques ou les sanctions nécessaires contre le gouvernement en place là-bas.
    Très bien.
    Notre gouvernement a convenu de réinstaller un petit nombre de survivants du génocide yézidi au Canada. Pouvez-vous nous parler un peu plus de la situation des personnes déplacées à l'intérieur de Irak et des schémas de déplacement? Devrions-nous en faire plus pour aider les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays en Irak, à cause de Daech?
    Absolument. Comme je l'ai déjà dit, des pays comme l'Irak et la Syrie vivent de graves crises en raison du grand nombre de personnes déplacées à l'intérieur de leur territoire. Il y a dans ces pays des personnes déplacées à répétition pendant de longues périodes et dont la résilience s'érode énormément au fil des ans, mais il y a désormais des pourparlers qui se traduisent déjà sur le terrain par le retour de personnes déplacées dans leur région d'origine grâce à l'amélioration générale de la situation sur le terrain. L'Irak a donc désormais besoin d'investissements massifs dans la reconstruction, pour rendre ces retours les plus sûrs possible et éviter que les personnes qui rentrent chez elles ne soient de nouveau déplacées à l'intérieur de leur pays.
    En fait, nous sommes déjà en train d'observer que les retours de réfugiés et de personnes déplacées ne se font pas dans des conditions optimales, de sorte que les gens doivent de nouveau être déplacés peu après leur retour. Bien sûr, ce n'est pas la situation souhaitée, parce qu'elle ne fait que perpétuer la crise. Nous devrons donc faire de l'investissement dans le développement à long terme et la reconstruction de l'Irak notre grande priorité pour assurer un retour viable.
    J'ai aussi une question sur l'UNHCR et son aptitude à contribuer à la réinstallation de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.
    Que peut faire l'UNHCR, selon vous? Croyez-vous qu'il aurait les moyens d'intervenir pour gérer la situation, avec les autres acteurs du monde?
(1600)
    Malheureusement, les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays ne relèvent pas officiellement du mandat de l'UNHCR même si bien sûr, le haut commissariat est déjà intervenu dans différents contextes où des personnes étaient déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Il s'affaire actuellement à se doter d'une politique sur les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, une politique qui visera à clarifier l'engagement du haut commissariat dans ce genre de contexte, tant pour ce qui est de la coordination opérationnelle que de la collecte de données ou de la protection plus en général.
    Nous invitons le haut commissariat à clarifier le plus possible ses règles afin que les mesures qu'il prend soient les plus prévisibles et étoffées possible, mais nous demeurons inquiets, parce que bien que cette politique semble ambitieuse, les budgets octroyés à l'intervention dans le contexte de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays diminuent et demeurent toujours considérablement inférieurs aux budgets octroyés à la réponse aux mouvements de réfugiés.
    Le problème concernant les déplacements internes, c'est qu'il manque clairement de leadership international et de gouvernance, puisqu'il n'y a pas d'organisme de l'ONU qui soit officiellement responsable des déplacements à l'intérieur des frontières d'un pays. Ce mandat n'est officiellement confié ni à l'UNHCR, ni à l'OIM, ni au HCDH, ni au PNUD ni à une autre organisation.
    Merci.
    Au tour de Mme Kwan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins de leurs exposés.
    Madame Atak, un peu plus tôt, dans la conversation que vous avez eue avec l'un de mes collègues sur les demandeurs d'asile et plus particulièrement, sur l'entente sur les tiers pays sûrs, je crois que vous avoir entendu dire que le Canada devrait suspendre l'entente sur les tiers pays sûrs. Est-ce que je vous ai bien comprise?
    Tout à fait.
    Il y eu une question sur le mécanisme qui enclencherait le processus. D'après mon interprétation, l'article 10 de l'entente permet au Canada de suspendre l'entente immédiatement pour 90 jours, sous réserve d'un avis transmis aux États-Unis, donc ce serait une disposition que nous pourrions appliquer pour commencer.
    Croyez-vous que ce serait la bonne façon de faire?
    Je crois que oui. Il s'agit d'une entente bilatérale, et comme vous l'avez mentionné, il y a un article qui permet au Canada de la suspendre ou de l'annuler.
    Exactement.
    Dernièrement, à un autre comité, le ministre Blair, qui est responsable de la sécurité à la frontière, en a parlé, justement. Dans une réponse fournie aux membres du comité, il a indiqué que le Canada n'excluait pas d'appliquer l'Entente sur les tiers pays sûrs à toute la frontière du Canada, comme mes collègues conservateurs le réclament.
    Croyez-vous que c'est ce que le Canada devrait faire ou que nous devrions retirer cette option de nos négociations avec les États-Unis?
    Je vous remercie infiniment de cette question.
    Je pense que cette option devrait être retirée. Je ne crois pas que ce soit la bonne décision à prendre dans ce cas-ci. L'expérience des dernières années nous montre à quel point l'Entente sur les tiers pays sûrs est contre-productive. Elle nous coûte extrêmement cher et est difficile à appliquer. Elle accentue en fait le problème des migrations irrégulières ou clandestines au Canada. Elle victimise les personnes. Les journaux ont fait état de toutes les personnes qui essayaient de traverser la frontière pendant l'hiver. Une personne est morte et bien d'autres ont été blessées, donc il y a des victimes dans tout cela.
    Mais je dirais surtout que nous avons des obligations à titre de pays signataire de la convention de 1951 sur le statut de réfugié, et l'une de ces obligations consiste à permettre aux réfugiés d'entrer chez nous. Les demandeurs d'asile devraient pouvoir demander l'asile chez nous, et nous avons un mécanisme d'examen de sécurité, qui nous permet d'effectuer des vérifications de sécurité en amont. Lorsque nous examinons une demande du statut de réfugié, nous avons des ressources et des institutions compétentes pour rejeter les demandes des personnes présentant une menace à la sécurité de notre pays.
    Je crois que ce serait une erreur que d'étendre l'Entente sur les tiers pays sûrs à toutes nos frontières.
    Je vous remercie infiniment de cette explication.
    J'aimerais aussi aborder la question du pays d'origine désigné, que vous avez abordée. Je crois que vous réclamez l'élimination de cette mesure. Pouvez-vous nous en parler davantage, s'il vous plaît?
    Oui.
    Encore une fois, il s'agit d'une nouvelle mesure. Nous n'avons pas de règle sur les pays d'origine désignés ou les pays d'origine sûrs dans notre système d'accueil des réfugiés, contrairement à certains pays européens, qui utilisent ce concept depuis les années 1980. Ce genre de disposition s'avère extrêmement contre-productive et coûteuse en Europe.
    Un article sur les pays d'origine sûrs permettrait au ministre de l'Immigration de désigner un pays d'origine sûr, établissant ainsi la présomption que les ressortissants de ce pays qui réclament le statut de réfugié viennent d'un pays sûr. Par conséquent, il ne s'agirait pas de réfugiés en tant que tels.
    Ce serait la présomption admise, et il serait extrêmement difficile pour les demandeurs en provenance de ces pays de renverser cette présomption devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
(1605)
    Je vous remercie.
    J'aimerais prendre un instant pour parler des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Nous remarquons que les personnes ainsi déplacées, particulièrement dans un pays jugé sûr, n'ont aucun moyen ni recours pour obtenir réinstallation. Je pense entre autres aux membres de la communauté LGBTQ.
    Dans beaucoup de pays (je crois qu'il y en a 70), les membres de la communauté LGBTQ sont considérés illégaux puisqu'ils s'adonneraient à une activité criminelle. Pour cette raison, le Canada prévoyait un mécanisme permettant à ces personnes d'obtenir une réinstallation, or ce mécanisme a disparu.
    J'aimerais entendre Mme Bilak sur cette question. Que le Canada devrait-il faire afin d'offrir un recours aux personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, notamment aux membres de la communauté LGBTQ?
    Le situation des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays est très particulière et nécessite une réponse très particulière aussi, parce qu'il s'agit de citoyens ou de résidents permanents d'un pays, qui sont déplacés pour une ou plusieurs raisons possibles. Le conflit armé et la violence généralisée figurent parmi les causes possibles de déplacement. En revanche, une personne déplacée en raison d'un autre type de violence que la violence généralisée ou le conflit armé n'est pas considérée comme une personne déplacée à l'intérieur de son propre pays en tant que telle.
    Il revient d'abord au gouvernement du pays en question de répondre aux besoins des personnes déplacées. Nous parlons là de citoyens d'un pays où les lois nationales, la protection nationale et les mécanismes d'aide doivent s'appliquer. Il y a, en fait, bien peu de choses qu'un gouvernement extérieur puisse faire pour réintégrer une personne déplacée à sa société ou trouver une solution à son problème.
    Ainsi, l'aide de la communauté internationale devant un gouvernement incapable de répondre à une situation ou non enclin à le faire doit d'abord prendre la forme d'aide humanitaire, afin d'offrir aux personnes déplacées les services de base qui leur font souvent défaut pendant la crise. À long terme, cette aide prendra davantage la forme d'aide au développement afin d'améliorer les conditions (par l'éducation, l'emploi, le logement, les recours judiciaires et même l'indemnisation, dans certains cas) qui permettront graduellement aux personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays de trouver une solution jugée durable et de ne plus être déplacées. Il s'agit toutefois d'un processus à bien plus long terme, qui doit relever du gouvernement national, avec l'appui financier de la communauté internationale, bien sûr.
    Dans certains cas, nous réclamons aussi que les partenaires internationaux... [Inaudible] aux processus de retour des personnes déplacées pour améliorer les conditions immédiates des déplacements eux-mêmes, mettons, mais même ces processus de retour doivent s'accompagner d'une aide au développement adaptée et d'une assistance socioéconomique adéquate pour que les déplacements cessent avec le temps.
    J'espère que cela répond à votre question. La réinstallation et la réintégration doivent être gérées par un gouvernement national fonctionnel.
(1610)
    Merci beaucoup.
    Mme Zahid est la suivante.
    Merci, monsieur le président. Je remercie nos deux témoins de leurs exposés d'aujourd'hui dans le cadre de cette étude.
    Ma première question s'adresse à Mme Atak. Vous avez expliqué en quoi une politique publique négative peut nourrir une culture de méfiance chez les demandeurs d'asile et les réfugiés, et vous parliez en avril dernier à des journalistes du National Post de la tendance mondiale à la criminalisation des demandeurs d'asile, particulièrement des migrants sans papier. Cela risque d'éroder l'appui du public à l'aide aux personnes dans le besoin.
    Comment pouvons-nous renforcer la confiance envers les réfugiés et les demandeurs d'asile et contrer cette mauvaise information?
    Nous avons de la chance, parce que avons créé un système d'accueil des réfugiés qui fonctionne bien, malgré quelques petits pépins, et je parle de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il y a une foule de connaissances et de compétences à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada sur le traitement des demandes du statut de réfugié présentées ici. D'autres acteurs du système de protection des réfugiés y contribuent aussi.
    Nous devons faire l'analyse critique de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. J'ai souligné quelques-uns des problèmes qui rendent le système contre-productif et moins efficace, et injuste aussi. Je mentionne aussi la pertinence de modifier la loi et d'annuler certaines mesures législatives.
    Merci.
    Concernant l'utilisation du concept du pays d'origine désigné, le POD, vous avez parlé aujourd'hui d'étrangers désignés et du fait que cette catégorisation puisse éloigner des personnes des moyens légaux d'obtenir l'asile. Nous avons également entendu, lors de notre dernière séance de mardi dernier, que les modifications politiques peuvent influencer les gens dans leur choix d'utiliser des voies légales ou illégales.
    Quelles politiques pourrions-nous mettre en place pour favoriser l'utilisation de voies légales plutôt qu'illégales?
    Premièrement, comme cette question nous renvoie à des questions précédentes, la chose à faire serait d'annuler l'Entente sur les tiers pays sûrs.
    Nous avons beaucoup d'autres problèmes pour mesurer la migration clandestine au Canada. Il n'y a pas d'études à ce sujet, nous n'avons pas de données. Si nous comparons notre connaissance du phénomène à la connaissance qu'en ont les pays de l'Union européenne et les autres pays du nord, par exemple, nous n'avons rien. Nous n'avons aucune donnée sur la migration clandestine. Particulièrement depuis les élections américaines, tout ce que nous savons, c'est que les migrations vers les villes refuges gagnent en popularité et qu'elles témoignent de l'existence d'une population migrante clandestine au Canada.
    Dans le cadre de notre projet de recherche, nous avons découvert une corrélation entre certaines des mesures les plus répressives(comme le régime des étrangers désignés et la réduction des recours accessibles, par exemple) et la migration clandestine. C'est que ces mesures empêchent les gens d'utiliser les voies légales. Ils se tournent donc vers les voies illégales pour gagner du temps, surtout depuis que les délais ont été raccourcis, si bien que de plus en plus de migrants optent pour la migration clandestine, mais nous en savons très peu à ce sujet.
    Croyez-vous qu'il serait bénéfique de leur laisser plus de temps pour présenter une demande?
    Absolument, oui.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Bilak. Sur votre page Web, vous présentez un portrait mondial des déplacements internes, et les catastrophes naturelles semblent être un déclencheur de migration très répandu.
    Quelle est l'importance du changement climatique dans le phénomène des déplacements? En avons-nous une idée? Que pouvons-nous faire en réaction à cela?
    Je vous remercie beaucoup de ces questions.
    Je suis contente que vous ayez consulté notre site Web. Vous avez peut-être constaté sur nos cartes mondiales, qu'en effet, comme je le disais dans mon exposé, il y a beaucoup de déplacements attribuables aux catastrophes naturelles chaque année. Au total, environ 90 % de tous les déplacements attribuables à des catastrophes de cause naturelle sont causés par des phénomènes climatiques, météorologiques, comme des tempêtes, des inondations, des ouragans, etc.
    Bien sûr, il est très difficile, à ce stade-ci, d'établir une relation de cause à effet claire entre le changement climatique et l'intensité des catastrophes, mais nous nous attendons, comme tous les climatologues le prédisent, à ce que le changement climatique ne fasse qu'augmenter l'intensité et la gravité de ces catastrophes. Nous nous attendons à ce que changement climatique ne fasse qu'accentuer l'étendue des déplacements dans ce genre de circonstances.
    C'est la raison pour laquelle nous réclamons clairement que les déplacements internes soient automatiquement pris en compte non seulement dans les programmes de lutte contre le changement climatique, mais aussi dans les autres stratégies, notamment celles visant la réduction des risques de catastrophes et le développement durable. Il est désormais reconnu, dans les négociations en vertu de la CCNUCC, que les déplacements sont une partie intégrante du pilier pertes et dommages. Les déplacements figurent également à l'Accord de Paris parmi les répercussions à long terme claires du changement climatique.
    C'est un fait bien établi qu'il y a une corrélation entre le changement climatique et les déplacements, donc la prochaine étape consiste, bien sûr, à investir davantage dans les mesures d'adaptation et d'atténuation et surtout, à fournir une aide adaptée aux pays touchés. Ce sont surtout les pays en développement qui en subissent déjà les effets, et certains risquent même d'être confrontés à des déplacements permanents comme ceux qu'on observe déjà dans quelques petites îles du Pacifique, qui sont déjà submergées. Des collectivités entières doivent se préparer à une forme de déplacement à long terme. Ce sont les pays qui ont le plus besoin d'aide.
    C'est bien sûr là où les conversations sont les plus controversées dans les négociations sur le changement climatique, parce que c'est toujours une question de financement et de transfert de ressources financières aux pays les plus touchés. C'est donc une conversation et un jeu de puissance entre les pays développés et les pays en développement.
(1615)
    Merci.
    Au tour de M. Tilson.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Bilak, j'aimerais vous poser quelques questions sur la souveraineté. Il peut y avoir des questions de souveraineté à prendre en considération dans la gestion des personnes déplacées. Ce sont, en général, des citoyens qui sont déplacés à l'intérieur de leur propre pays. Le degré de déplacement peut varier beaucoup, tout comme les causes.
    Y a-t-il des considérations diplomatiques particulières à garder en tête lorsqu'on envisage de venir en aide à des personnes déplacées?
    C'est probablement la question la plus fondamentale, je pense. Le noeud de la question, lorsqu'on se penche sur les déplacements internes, c'est justement, comme vous l'avez dit, la souveraineté nationale. La souveraineté nationale est un obstacle au progrès à ce chapitre depuis l'adoption des principes directeurs de l'ONU sur le déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, il y a 20 ans. Comme je le disais un peu plus tôt, c'est aussi la raison pour laquelle il n'y a aucun organisme de l'ONU officiellement chargé du mandat de la gestion des déplacements de personnes à l'intérieur de leur propre pays. C'est un enjeu éminemment sensible, politiquement, qui touche la souveraineté des États. Nous voyons cette dynamique se jouer de bien des façons, notamment toutes les années sur deux, quand l'Assemblée générale doit réadopter sa résolution sur les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Nous nous heurtons toujours à beaucoup de résistance de la part de certains pays, qui souhaitent repousser les limites de cette résolution.
    Depuis quelques années, les principaux arguments évoqués pour justifier une intervention en cas de déplacement interne sont liés aux droits de la personne, et comme je l'ai déjà indiqué, ce genre d'argument est habituellement accueilli avec beaucoup de résistance par nombre de pays, particulièrement ceux aux prises avec des conflits, où les sensibilités politiques sont particulièrement aiguës.
    Cela dit, même si la question de la souveraineté est et restera probablement un obstacle de taille à toute solution à ce problème, il y a des pistes prometteuses qui se dessinent. Nous avons remarqué que les conversations avec les gouvernements nationaux sur ce genre de déplacement semblent beaucoup plus acceptables quand elles sont amorcées sous l'angle des catastrophes naturelles ou du changement climatique plutôt que des conflits ou de la violence. Nous pouvons alors avoir une conversation non pas sur la protection des droits de la personne et le bilan du pays à ce chapitre, mais sur le développement durable. Je dirais, par exemple, qu'il est beaucoup plus constructif de parler de reconstruction, de développement, de planification à long terme et des déplacements de personnes à l'intérieur du pays dans ce contexte général, soit sous l'angle des engagements du pays à l'égard des Objectifs de développement durable plutôt que de présenter les choses sous l'angle plus contraignant des droits de la personne.
    Il y a du progrès. Je vous ai parlé de la création d'un groupe d'experts de haut niveau sur le déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, une proposition présentée par un groupe d'États membres au secrétaire général. Nous espérons que cette proposition voie le jour peut-être en début d'année prochaine. Nous espérons qu'elle permette de créer une tribune où nous pourrons avoir des discussions constructives sur les déplacements internes et le développement durable.
    Il est absolument essentiel que les pays aux prises avec des déplacements internes fassent partie de la conversation et qu'ils ne soient pas laissés de côté dans les débats politiques, parce que pour être honnête, je vous dirais que jusqu'à maintenant, ce sont principalement les gouvernements des pays occidentaux donateurs qui orientent le débat, alors qu'ils ne vivent pas directement ce phénomène de la même façon que les pays touchés. Certains de ces pays (pas tous, bien sûr) ont toutefois manifesté l'intérêt d'en discuter de manière constructive et font preuve d'ouverture. Ce sont vraiment eux qui devraient orienter le débat en vue de toute politique future en la matière.
(1620)
    Je ne sais pas si vous pourriez nous donner quelques exemples de problèmes que l'on rencontre. S'il y a des violations des droits de la personne ou des conflits graves, qu'est-ce qu'un pays peut faire? Qu'est-ce qu'un pays comme le Canada peut faire?
    Je vous prie de répondre très brièvement.
    Il faut s'employer sans cesse à faire comprendre aux gens qu'un problème de déplacement interne qui perdure aura assurément des répercussions qui vont ralentir la trajectoire de développement d'un pays. Il faut également convaincre ces gouvernements nationaux qu'il en va en fait de leur propre intérêt de prévenir et réduire les risques de déplacement à l'intérieur de leur pays.
    Il y aura toujours bien sûr des situations plus délicates. Il ne manquera pas d'y avoir des enjeux liés aux droits de la personne dont on devra débattre, peut-être séparément et sur des tribunes bien distinctes. J'estime tout de même qu'il convient de situer dès le départ la discussion dans l'optique du développement en faisant valoir l'argument économique ou financier.
    Merci.
    À vous la parole, monsieur Sarai.
    Je tiens à vous remercier toutes les deux d'avoir pris le temps de nous faire bénéficier de votre expertise pour contribuer à cette importante étude.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Bilak. De toute évidence, vous vous êtes beaucoup intéressée au sort des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays.
    Les Nations unies interviennent pour venir en aide à ces personnes, mais lorsque celles-ci se retrouvent dans un camp, comme ce fut par exemple le cas des Yazidis, elles ne sont pas considérées comme des réfugiés tant qu'elles n'ont pas quitté le pays.
    Y aurait-il un moyen d'apporter un changement à ce chapitre de telle sorte que ces gens-là soient considérés comme des réfugiés même s'ils n'ont pas quitté leur pays, ou pourrions-nous créer une nouvelle catégorie admissible à l'aide offerte par les Nations unies?
    Comme je l'indiquais, je ne crois pas qu'il existe quelque intérêt politique que ce soit pour l'adoption d'une définition plus large de personne déplacée ou la mise en place d'un cadre international quelconque pour ces personnes.
    Comme nous le faisions valoir tout à l'heure, c'est essentiellement un enjeu national. Cela ne changera jamais. Il faut reconnaître que ces personnes sont déplacées à l'intérieur de leur propre pays et relèvent donc de la compétence de celui-ci. Il n'existe pas d'autre cadre juridique pouvant permettre de traiter de ces questions.
(1625)
    D'accord. Merci.
    Madame Atak, la notion de pays d'origine désigné ne s'applique plus depuis juillet 2015. Je crois que la Cour d'appel a... C'est un peu comme une loi fantôme. On va probablement l'abroger ou la modifier, mais je ne crois pas que l'on puisse actuellement la considérer comme conforme à notre Constitution.
    Madame Atak, vous avez étudié la situation des réfugiés dans trois provinces canadiennes. Pouvez-vous nous dire comment leur établissement se déroule? Par exemple, est-ce qu'ils travaillent, s'intègrent à la société canadienne et y apportent leur contribution? Dans quelle mesure leur situation se compare-t-elle à celle, par exemple, des immigrants de la composante économique ou de la catégorie de réunification des familles?
    Je présume que vous avez étudié la question pendant une période assez longue dans ces trois provinces.
    Merci pour la question.
    Autant les demandeurs d'asile que les réfugiés eux-mêmes travaillent et contribuent à notre société. C'est un fait bien établi. Les recherches menées — non pas par moi, mais par plusieurs de mes collègues — révèlent que les réfugiés tout particulièrement deviennent très rapidement des membres productifs de notre société.
    Il y a par ailleurs effectivement une volonté d'intégration, mais cette intégration peut être plus ou moins réussie en fonction de la disponibilité des fournisseurs de services dans les différentes provinces et des ressources à leur disposition.
    Je dirais que les résultats sont à peu près les mêmes que pour les autres sources d'immigration, n'est-ce pas?
    Tout à fait.
    Je comprends par ailleurs que vous vous intéressiez aux droits des réfugiés et à leur établissement. Il y a toutefois un phénomène que nous devons constater. On traite rapidement et efficacement les revendications de telle sorte que les réfugiés authentiques se retrouvent sur la voie de la citoyenneté ou de l'établissement, alors que ceux qui ne satisfont pas aux exigences ne sont pas renvoyés assez promptement dans leur pays d'origine.
    La situation est d'autant plus difficile que ces gens-là demeurent au Canada assez longtemps pour y prendre racine. Certains ont un enfant qui est né ici. D'autres travaillent au Canada. Parallèlement à cela, ils ont de moins en moins de racines dans leur pays d'origine.
    Il devient donc très difficile d'expulser ceux qui ne sont pas considérés comme de véritables réfugiés. De nombreux dossiers de demande d'asile sont fondés sur des motifs d'ordre humanitaire, ce qui complique grandement les choses.
    Quels ajustements pourrions-nous apporter à notre système de manière à assurer son intégrité tout en permettant le maintien au Canada des réfugiés authentiques et l'expulsion rapide de ceux qui ne sont pas considérés comme des réfugiés? Ces deux processus doivent être harmonisés. Si les choses traînent en longueur, nous permettons à ces gens qui bénéficient de recours judiciaires de demeurer au Canada pendant trop longtemps, si bien qu'il est très difficile par la suite de les expulser. La situation devient alors vraiment délicate. C'est ce qui indispose tout particulièrement les Canadiens.
    Avez-vous des recommandations à nous faire quant aux moyens à prendre pour le maintien d'un régime rigoureux qui soit à la fois efficient et équitable?
    C'est l'une des questions que j'ai posées dans le cadre de ma recherche. Je l'ai posée aux quelque 70 participants que j'ai interviewés dans les trois provinces.
    Bon nombre d'entre eux m'ont dit qu'il fallait trouver un juste équilibre. Avant la réforme de 2012, une période de près de 18 mois s'écoulait entre le moment où une revendication était formulée et celui où la décision finale était rendue. C'était bien évidemment trop long. On procède maintenant trop rapidement. Le délai est de 60 jours pour la plupart des revendicateurs du statut de réfugié, mais le caractère punitif du régime fait en sorte qu'il peut parfois être ramené à 30 jours pour certains d'entre eux.
    Il faut trouver un juste milieu, et certains participants nous ont dit qu'une période de trois mois serait l'idéal. Les demandeurs d'asile auraient ainsi le temps de se faire conseiller adéquatement, de trouver un interprète et d'avoir recours à l'aide juridique tout en rassemblant les éléments de preuve à faire valoir devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à l'appui de leur revendication.
    Merci. J'ai bien peur de devoir mettre fin ici à la première heure de notre séance.
    Merci à nos témoins. Vous trouvez peut-être un bizarre que l'on vous ait convoquées toutes les deux ensemble. C'est tout simplement attribuable à la façon dont nous planifions nos travaux. Vous comprendrez que si nous avons abordé avec vous des sujets plutôt différents, tout cela va s'imbriquer en un même ensemble au fil des prochaines semaines.
    Je sais que Mme Bilak a transmis des documents à notre Comité. Je l'en remercie. Si vous avez toutes les deux des documents ou des renseignements que vous jugez utiles pour notre comité, n'hésitez surtout pas à nous les communiquer.
    Nous reprendrons nos travaux dans un moment.

(1635)
    Nous allons reprendre.
    Nous avons établi la connexion avec M. Bach, notre témoin au Danemark, mais il semble y avoir un problème du côté de Cambridge. Il y a encore un des trois témoins là-bas qui n'est pas arrivé. Nous allons débuter par M. Bach dès que nous pourrons l'apercevoir.
    Pendant que nous attendons que cela soit fait, j'aurais une petite question à régler.
    Cela fait suite à une suggestion de M. Tilson avec qui je discutais hier de notre séance du jeudi 8 novembre. Comme vous le savez sans doute, la Chambre ne siégera pas le vendredi 9 novembre. Les quelques députés qui doivent normalement être là le vendredi n'y seront pas cette semaine-là. Je ne sais pas si nous adopterons l'horaire du vendredi pour la journée de jeudi. Je ne crois pas; ce sera plutôt comme un jeudi habituel. Quoi qu'il en soit, M. Tilson suggère que notre comité ne siège pas ce jeudi-là, ce qui nous donnera un répit d'une séance. Je crois pour ma part que c'est une bonne idée, mais je voulais m'assurer que tout le monde est d'accord.
    Je n'entends aucune objection.
    Il semblerait que nous ayons maintenant établi la connexion avec tous nos témoins. Nous allons débuter par M. Bach, car il est déjà très tard à Copenhague.
    Nous vous remercions d'être des nôtres. Nous vous accordons une dizaine de minutes pour vos observations préliminaires. Nous entendrons ensuite les représentants de l'Aleph Policy Initiative, puis de la Nadia's Initiative.
    Bienvenue à vous, monsieur Bach.
    C'est un honneur pour moi de prendre la parole devant votre comité. Je vous remercie de m'en fournir l'occasion.
    Je n'utiliserai pas nécessairement mes 10 minutes au complet, mais j'ai tout de même quelques observations à vous soumettre au sujet des flux migratoires mixtes et des solutions durables.
    Je dois vous dire d'entrée de jeu que j'ai fait partie pendant six ans du conseil d'administration de l'Institut international du développement durable. J'ai alors visité le Canada — Ottawa et Winnipeg plus particulièrement — à de nombreuses reprises et j'en ai profité pour étudier les activités ayant cours dans votre pays, sur une base bénévole ou non, pour la prise en charge, l'établissement et l'intégration des réfugiés. J'ai le plus grand des respects pour la qualité de vos programmes et la détermination de votre gouvernement et des Canadiens dans leur ensemble à accueillir des réfugiés. Je crois que nous pouvons en apprendre davantage de vous que ce que vous pouvez apprendre de nous.
    Je suis secrétaire général du Conseil danois pour les réfugiés. Nous figurons parmi les cinq plus grandes organisations au monde à s'occuper des populations en déplacement et à leur offrir une aide humanitaire. Nous avons des effectifs de 1 500 personnes déployées dans 40 pays du monde avec un budget d'environ 600 millions de dollars canadiens. Nous agissons partout où il y a des déplacements de population.
    Nous intervenons tout au long du cycle, du déplacement de personnes dans une région avoisinante à l'intérieur de leur propre pays jusqu'à leur rapatriement, en passant par des programmes en Grèce, le soutien aux demandeurs d'asile, un programme de bénévolat au Danemark, des activités d'intégration allant de la formation linguistique au soutien familial, et des programmes visant à aider les membres de la diaspora à travailler et à réaliser des projets dans leur pays d'origine. Notre organisation se distingue en quelque sorte en intervenant ainsi à toutes les étapes du cycle des déplacements.
     À mon sens, la crise des migrants qui sévit actuellement pose d'abord et avant tout un problème de protection. C'est une crise qui remet en question nos valeurs fondamentales liées à la dignité humaine et aux droits de la personne. C'est en grande partie ce que l'on est à même d'observer en Europe et le long des voies migratoires qui mènent jusqu'à notre continent. Notre conseil est fort bien placé pour faire un tel constat depuis qu'il a mis sur pied son centre d'étude sur les flux migratoires mixtes, lequel relève du programme dont je suis responsable. Nous avons ainsi pu mener 20 000 entrevues avec des migrants et des réfugiés le long des principaux itinéraires de migration vers l'Europe. Nous n'avons pas encore établi de programme semblable pour les Amériques, mais cela fait certes partie de nos projets.
    Nous procédons à ces entrevues en profondeur, au rythme d'environ 1 200 par mois, sur les plus grands parcours migratoires vers l'Europe. Nous demandons aux réfugiés et aux migrants de quel pays ils viennent, pourquoi ils l'ont quitté, où ils souhaitent se rendre et comment s'est passé leur trajet. Les données ainsi recueillies nous offrent un tableau très sombre de la situation.
    Environ 80 % de ceux qui empruntent ces itinéraires mettent en péril leur sécurité et s'exposent à des abus. Ils sont 30 % à avoir vu des compagnons de route perdre la vie pendant ces déplacements. Vous pourrez trouver toutes ces données sur notre site Web. Par exemple, si vous cherchez des renseignements sur l'Érythrée, les abus sexuels et les femmes, vous constaterez que la frontière entre le Soudan et l'Érythrée est en train de passer du jaune au rouge, ce qui témoigne du fait que les femmes qui essaient de s'enfuir de l'Érythrée sont désormais capturées à cette frontière dont les contrôles ont été renforcés grâce aux efforts conjoints de l'Union européenne et du gouvernement soudanais. C'est à cet endroit que les femmes sont capturées et s'exposent à des abus sexuels et à d'autres mauvais traitements.
    Si vous visitez notre site Web, vous pourrez aussi prendre connaissance des conditions qui prévalent en Lybie et notamment dans les centres de détention de ce pays. Les données accumulées nous permettent de démontrer que les femmes et les filles sont plus nombreuses à être incarcérées dans des centres de détention en Lybie où elles s'exposent à de graves abus. Vous pouvez aussi regarder ce qui se passe du côté de la frontière afghane. Vous apprendrez peut-être que la frontière entre l'Afghanistan et l'Iran est de plus en plus fermée, si bien que les réfugiés afghans y sont pris au piège, à la merci des agressions brutales d'une coalition de miliciens et de gardes-frontières qui peuvent également les prendre en otage pour réclamer une rançon à leur famille.
    C'est donc un portrait qui n'est guère réjouissant. Il y a une chose que nous voudrions surtout que les gens comprennent bien. Plus les pays prennent des mesures pour mieux protéger leurs frontières, plus nous devons en faire pour assurer la sécurité des gens qui vont demeurer coincés à ces frontières le long de leur itinéraire de migration.
(1640)
    Nous devons composer avec un problème de protection des réfugiés, bien plus qu'avec une crise migratoire. Le nombre de migrants qui traversent la Méditerranée a chuté dans une proportion de 95 à 96 % depuis le sommet atteint en 2015. Le nombre de demandeurs d'asile n'a jamais été aussi bas qu'actuellement dans un pays comme le Danemark. Nous devons nous employer d'abord et avant tout à assurer la protection de ces gens-là.
    Il convient donc de s'engager plus énergiquement à protéger les gens le long de ces parcours migratoires et, d'abord et avant tout, à permettre à chacun de rester là où il est en proposant à proximité des solutions durables. Il s'agit bien sûr de voir à ce que les réfugiés et les migrants vulnérables puissent bénéficier à court terme des soins de santé et des services nécessaires tout en veillant, pour les cas où la situation perdure, à ce que les réfugiés aient accès à l'éducation, aux soins de santé et à des moyens de subsistance. Nous répétons ces choses-là depuis des années, mais rien n'a encore été fait.
    Si l'on prend l'exemple du Liban, 80 % des réfugiés vivent sous le seuil de la pauvreté et il y a encore une proportion de 30 à 50 % des enfants qui ne fréquentent pas l'école. Il s'ensuit bien évidemment que bon nombre de ces familles sont en proie au désespoir et décident de quitter vers un autre pays, tout comme ces femmes victimes de mauvais traitements sur les routes migratoires qui n'ont souvent d'autre choix que de continuer à se déplacer à la recherche d'un endroit plus sûr et d'un semblant de dignité. C'est un bon aperçu des situations dans lesquelles nous devons intervenir.
    Il faut donc mettre en place des solutions durables, conformément aux objectifs du Pacte mondial pour les migrations et du Cadre d'action global pour les réfugiés, en espérant que le tout pourra être ratifié et mis en oeuvre. Différents facteurs influeront sur la nature des solutions retenues. Tout dépendra d'abord et avant tout de la mesure dans laquelle les pays hôtes sont aptes et disposés à faire le nécessaire pour offrir l'accès aux soins de santé, à l'éducation et aux moyens de subsistance. Reste quand même qu'il leur faudra bénéficier d'un financement accru à cette fin. Il leur faudra compter sur un engagement plus senti en faveur des programmes d'établissement au bénéfice de certains des réfugiés les plus vulnérables. Cette démarche doit s'inscrire dans une solution conjointe, conçue et structurée en vertu des nouvelles dispositions du Pacte mondial pour les migrations et du Cadre d'action global pour les réfugiés.
    En mettant au point ces solutions, nous devons aussi nous efforcer de combler le fossé entre l'aide humanitaire et l'aide au développement, une disparité qui est au coeur des modalités de financement dans bon nombre de pays. Il n'est pas rare que les choses soient plus simples sur le terrain. Nous avons par exemple implanté en Somalie un important programme qui nous permet d'aider les localités à se préparer pour le retour des personnes déplacées. Lorsque celles-ci rentrent chez elles, nous sommes prêts à offrir l'aide financière nécessaire. Nous leur procurons un toit en nous assurant qu'elles ont accès à de l'eau et à une trousse de dépannage.
    Parallèlement à cela, nous aidons la collectivité locale à mettre au point son plan de développement. Nous collaborons avec les forces policières pour voir à ce qu'elles puissent assurer la sécurité des filles et des femmes qui rentrent à la maison. Nous nous employons à donner accès à des moyens de subsistance au bénéfice aussi bien de la collectivité d'accueil que des personnes déplacées qui la réintègrent.
    Dans ce contexte, il n'y a pas de fossé entre l'aide humanitaire et l'aide au développement, mais il y en a un très large quant aux modalités de financement à l'égard de ces deux aspects. Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour en arriver à une approche de convergence, comme le veut l'expression à la mode, mais le simple établissement de nouvelles formules de financement peut favoriser la mise en oeuvre de solutions durables.
    Nous transportons de l'eau par camion pour une valeur de près de 20 000 $US par jour pour les réfugiés du Nord de l'Ouganda. Nous pouvons le faire grâce à une subvention visant l'approvisionnement en eau pour des motifs humanitaires pendant une période de trois mois. Dans un délai si court, c'est la seule option qui s'offre à nous. Si nous avions accès dans des situations semblables à du financement pour une période de deux ans, nous pourrions facilement offrir des solutions durables sous la forme de puits, de pompes à eau et de panneaux solaires. Cela profiterait autant à la communauté qu'aux réfugiés eux-mêmes. Je pense notamment à ceux du Soudan du Sud qui se dirigent vers le nord de l'Ouganda.
    Voilà autant d'exemples qui montrent bien que nous devons revoir nos modalités de financement pour nous assurer de pouvoir protéger les gens là où ils se trouvent en leur offrant des solutions durables. Nous devons aussi élargir sans cesse nos zones de protection, plutôt que d'en restreindre l'étendue comme on peut l'observer actuellement en Europe. De plus en plus de pays européens limitent en effet leur espace d'asile. Il faut maintenir les zones de protection en place et en étendre la portée de telle sorte que les réfugiés puissent se tourner vers un plus grand nombre de pays encore pour y demander l'asile, avoir accès à des solutions durables et obtenir la protection dont ils ont besoin.
    Merci beaucoup.
(1645)
    Merci beaucoup.
    Nous nous tournons maintenant du côté de Cambridge au Massachusetts. Nous allons débuter par les deux porte-parole de l'Aleph Policy Initiative.
    Je sais que vous allez partager votre temps, mais j'ignore qui doit parler en premier.
    À vous la parole, madame Baum et monsieur Shadarevian.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je me réjouis de cette occasion formidable de témoigner devant le comité et de vous faire part de nos réflexions et de nos observations. Je parlerai de politiques, puis ma collègue Rosa Baum vous entretiendra des répercussions sur la politique canadienne.
    Tout d'abord, je tiens à dire que nous reconnaissons qu'un débat politique légitime a cours en ce moment à propos du nombre d'immigrants et de réfugiés que le Canada devrait accepter. Nos observations d'aujourd'hui ne devraient aucunement être perçues comme un jugement porté sur ce débat. Ce qui nous intéresse, c'est plutôt d'examiner les causes générales de l'immigration et d'évaluer si les procédures en vigueur sont justes et efficaces et si elles englobent suffisamment les groupes les plus vulnérables. Je m'appuierai sur notre expérience au Moyen-Orient, en particulier en Irak, bien que l'expertise de nos membres comprenne aussi l'Amérique latine et d'autres régions.
    Voici les faits. Des réfugiés syriens et irakiens, notamment ceux appartenant à des minorités religieuses, hésitent à s'inscrire auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou d'autres organismes, ou refusent de le faire, par peur de subir des représailles. Moins de 1 % des membres de chaque communauté minoritaire en Syrie se sont inscrits auprès d'un organisme d'aide aux réfugiés en Irak, en Égypte, en Jordanie ou au Liban, ce qui signifie soit que les gens ne migrent pas en dépit des dangers qui les guettent, soit qu'ils ne s'inscrivent pas une fois qu'ils ont quitté le pays.
    De manière générale, ce que la recherche démontre, c'est que, dans les pays en développement, plus une personne a un revenu élevé, puis elle est susceptible d'immigrer. La migration, dans une certaine mesure, est quelque chose qui s'achète, et les personnes les plus vulnérables peuvent ne pas avoir les moyens de s'offrir cette possibilité.
    Que faut-il en comprendre? Que l'immigration est, du moins en partie, un problème d'accès. Ce genre de problèmes touche de façon plus prononcée certains groupes parmi les plus marginalisés — les petits groupes ethno-religieux, les femmes et les membres de la communauté LGBTQ.
    Quelle que soit la perspective adoptée, il faut faire la distinction entre, d'une part, les facteurs prédisposants, comme les problèmes à long terme et les divisions, et, d'autre part, les facteurs déclenchants, comme les guerres et les catastrophes naturelles, lesquels se combinent aux facteurs existants et incitent à la migration.
    Nous estimons pouvoir prédire ces facteurs prédisposants, mais ce n'est pas une mince tâche. Par exemple, l'Irak et la Syrie sont des pays où règne une forte diversité ethno-religieuse. Les minorités comprennent non seulement les Kurdes et les chrétiens, mais aussi les yézidis, les Shabaks, les Turkmènes et bien d'autres.
    Une partie du travail de notre organisation est axée sur le sectarisme passif et le sectarisme actif, des termes que nous avons inventés pour nous aider à comprendre les différences. Des dissensions peuvent exister, mais il peut s'agir de caractéristiques passives en arrière-plan ou elles peuvent mener à des divisions politiques actives et à des conflits. Habituellement, un sectarisme actif est un bon indice précurseur de la migration. De même, les problèmes auxquels se heurtent les femmes et les groupes LGBTQ sont souvent antérieurs aux conflits, mais ils éclatent en période de crise. La collecte de renseignements et les méthodologies permettant de cerner ces facteurs au préalable ont beaucoup évolué et nous nous servons de nos propres outils pour détecter des problèmes dans des populations, dans des villages ou même dans des quartiers.
    Ce sur quoi nous voulons attirer l'attention du comité aujourd'hui, c'est le fait qu'au-delà de ces facteurs, il faut se demander à quel point les structures d'immigration sont accessibles pour les personnes qui doivent faire face à ces problèmes. Il est bien plus complexe de déterminer si une personne va migrer et où que d'évaluer sa vulnérabilité et les dangers qu'elle court. Beaucoup de choses influent sur la décision de migrer et sur l'accès au processus migratoire: la présence d'organismes internationaux tels que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, l'information dont la personne dispose, ses croyances et ses liens avec une communauté dans un pays cible. Nous pensons que ce dernier élément joue un rôle important au Canada. En effet, si des membres de la communauté sont disposés à parrainer, à accueillir ou à financer la personne, celle-ci est beaucoup plus susceptible de vouloir immigrer ou faire une demande en ce sens. Nous sommes d'avis que ces facteurs sont également prévisibles et qu'il est possible non seulement d'améliorer l'accès, mais de prédire les problèmes d'accès.
    Cela implique que nous avons un problème d'information, du moins en partie. Nous pensons que des travaux de recherche concertés peuvent permettre de détecter les endroits où le sectarisme est devenu actif, par exemple, ou les endroits où les femmes ou les membres de la communauté LGBTQ pourraient être menacés. Selon nous, des travaux de recherche concertés en 2012 ou 2013 auraient pu mettre en lumière le fait que les yézidis étaient un groupe en danger, car la menace du groupe État islamique était une conséquence de tensions et de problèmes existants. Or, ces groupes n'ont souvent pas l'accès ni l'organisation nécessaires pour tirer le meilleur parti des services migratoires. Ils sont les moins susceptibles d'attirer eux-mêmes l'attention sur leur sort avant qu'il ne soit trop tard. Des travaux de recherche supplémentaires et la recherche proactive d'information leur garantiront une meilleure visibilité, une plus grande attention et un processus d'immigration suffisamment rapide.
    Qu'est-ce que cela signifie pour le Canada? À notre avis, le Canada devrait veiller à ce que le ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté dispose des capacités voulues en matière d'analyse de données et de prévisions. Il serait utile que le ministère collabore avec d'autres organes gouvernementaux, comme le Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction d'Affaires mondiales. Leurs efforts concertés pourraient faciliter la détermination des besoins d'immigration des populations vulnérables, et ce, longtemps à l'avance.
(1650)
    Nous pensons également qu'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada devrait se conformer à des exigences plus strictes de consignation des données. Il faut une analyse transparente, mais qui protège les renseignements personnels. Puis, s'il y a une crise imminente ou d'éventuels préjugés dans le traitement des dossiers au ministère, le gouvernement et le Parlement devraient être les premiers à le savoir.
    Maintenant, ma collègue Rosa fera d'autres observations.
    Bon après-midi.
    L'Entente sur les tiers pays sûrs est une autre question qui mérite qu'on s'y attarde. Le régime de protection des droits des migrants aux États-Unis va en se détériorant. Cela a commencé avant le gouvernement actuel. Il importe de le faire remarquer.
    Au cours de l'exercice 2014, 77 % des demandeurs d'asile — soit 44 228 personnes — ont été mises en détention, et 73 % d'entre eux l'ont été dans des prisons privées. Nombreux sont les établissements qui ont été critiqués à cause de violations des droits de la personne, y compris des soins médicaux déficients et de la violence sexuelle.
    Le paragraphe 31(1) de la Convention relative au statut des réfugiés interdit la détention généralisée des demandeurs d'asile et l'application de sanctions pénales du fait de l'entrée ou du séjour irréguliers des demandeurs. Par ailleurs, le juge Pregerson, de la Cour d'appel des États-Unis pour le neuvième circuit, a écrit:
[...] le processus d'expulsion peut se dérouler du début à la fin sous la direction d'un agent du service des douanes et de la protection des frontières ne possédant aucune formation juridique. [...] Il n'y a ni audience, ni instance décisionnaire neutre, ni conclusions de fait, ni possibilité de révision administrative ou judiciaire. Ce manque de garanties procédurales dans les mesures de renvoi accéléré crée un risque important que les non-citoyens visés soient renvoyés à tort.
    Les récentes mesures prises par le président Trump et son procureur général ont exacerbé les pratiques de détention à grande échelle et de renvoi accéléré sans respect des garanties procédurales, de même que les poursuites intentées pour entrée sans autorisation, alors qu'il s'agit d'une façon reconnue de demander l'asile selon l'article 31 de la Convention relative au statut des réfugiés.
    Les décrets ont renforcé la criminalisation du comportement migratoire et des déclarations à l'emporte-pièce ont cherché à écarter la possibilité de protéger les importants groupes de personnes forcées de quitter leur pays d'origine.
    L'interprétation que se fait Jeff Sessions, procureur général des États-Unis, de la persécution commise par des acteurs non étatiques repose sur un mépris du droit international relatif aux réfugiés et du consensus qui existait entre de nombreux États, dont le Canada. Ceux-ci reconnaissaient la nécessité de protéger les groupes vulnérables, en particulier les femmes, qui voient couramment leurs droits fondamentaux bafoués par des acteurs non étatiques. Le resserrement de la sécurité frontalière n'a pas réussi à réduire les passages irréguliers à la frontière. Il contribue plutôt à interrompre la migration circulaire et à accroître la criminalisation.
    L'immigration au XXIe siècle représente un casse-tête sans précédent. Pour être fructueuse, une politique doit s'appuyer sur des efforts concertés de la part des gouvernements pour gérer les crises et recueillir de l'information, mais elle exige aussi que les décideurs aient le courage de choisir leur propre approche lorsque c'est nécessaire.
    Je vous remercie.
(1655)
    Merci beaucoup.
    Allez-y, monsieur Shamdeen.
    Je m'appelle Abid Shamdeen et je participe à l'initiative de Nadia Murad. Je suis né et j'ai grandi à Sinjar, dans la patrie des yézidis. Je remercie le comité de me donner la chance d'éclaircir certains points à propos de la situation des yézidis.
    Je veux tout d'abord dire quelque chose avant de parler de la situation des yézidis. Je tiens à mentionner que le Canada faisait partie de la coalition qui a renversé le régime de Saddam Hussein et que des ressortissants canadiens se sont joints au groupe État islamique, qui a commis des crimes contre les yézidis et d'autres.
    Depuis 2014, nous savons tous que les yézidis, groupe minoritaire, est la cible d'Al-Qaïda, du groupe État islamique et d'autres groupes terroristes. En 2007, Al-Qaïda a tué des milliers de yézidis dans l'attaque de villages situés au sud du mont Sinjar. Les attaques contre les yézidis se sont poursuivies par la suite. La plus récente et la plus cruelle, comme nous le savons tous, est imputable au groupe État islamique et remonte à 2014.
    La vie des yézidis d'Irak continue d'être complètement bouleversée. Ils vivent dans des camps de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, dans des camps de réfugiés et dans des immeubles en construction dans le Nord de l'Irak — au Kurdistan, plus précisément. Ils sont dans des camps de personnes déplacées depuis 2014. Certains vivent sous la même tente depuis tout ce temps.
    À l'heure actuelle, l'avenir des yézidis est menacé plus que jamais. Le Parlement canadien s'est engagé à accueillir 1 200 yézidis survivants du groupe État islamique. Je crois que, jusqu'à maintenant, le Canada a accueilli 600 à 700 personnes. Nous espérons que le gouvernement canadien tiendra promesse et qu'il accueillera le reste des survivants. J'aimerais que le comité fasse un suivi auprès du ministre de l’Immigration et lui demande d'accueillir plus de yézidis, car l'engagement était d'en recevoir 1 200 avant la fin de l'année 2017.
    Aujourd'hui, environ 350 000 yézidis vivent dans des camps de personnes déplacées dans le Nord de l'Irak et quelque 67 000 yézidis sont en Grèce et en Turquie. En 2014, le groupe État islamique a enlevé des yézidis — en majorité des femmes et quelques enfants. Il en reste 1 200 à 1 300 en captivité, la plupart en Syrie. Nous pensons que certains se trouvent en Turquie.
    Selon nous, même si le groupe État islamique a été vaincu militairement en Irak, les yézidis demeurent une cible pour lui. Le gouvernement irakien et le gouvernement régional du Kurdistan ont mis les quartiers yézidis de Sinjar sous blocus. Certaines routes menant à Sinjar sont bloquées depuis plus d'un an. Même ceux qui voudraient retourner dans leur maison et tenter de rebâtir leur vie ne sont pas capables de le faire en raison des restrictions frappant la région de Sinjar.
    Parallèment, les ONG internationales et les organismes onusiens, comme le Programme des Nations unies pour le développement, sont incapables de réaliser certains de leurs projets à cause des problèmes d'accès. Il est essentiel d'accueillir plus de yézidis, tout spécialement les femmes qui ont survécu à la captivité aux mains du groupe État islamique. Nous sommes en contact avec les yézidis qui sont allés au Canada et leur vie a changé pour le mieux. Ils sont en mesure d'amorcer une nouvelle vie. Nous avons bon espoir que le reste des 1 200 personnes seront accueillies par le Canada.
    Nous sommes disposés à répondre à vos questions si vous en avez. Merci.
(1700)
    Je remercie beaucoup les témoins.
    Monsieur Sarai, vous avez les sept premières minutes.
    Merci.
    Si M. Bach est encore en ligne, c'est à lui que j'adresserai ma première question.
    Le comité s'est fait dire que l'une des raisons pour lesquelles les mouvements de réfugiés continuent d'augmenter, c'est l'incapacité de la communauté internationale d'instaurer la paix. Êtes-vous d'accord? Le cas échéant, pourquoi?
    Je suis d'accord. Les pays qui produisent le plus de réfugiés sont tous plongés dans des situations de crise qui s'éternisent. Pensons au Soudan du Sud, à la Somalie, à l'Afghanistan, à la Syrie et au Yémen. L'histoire ne sera pas tendre à l'égard de l'incapacité du Conseil de sécurité et des dirigeants mondiaux de résoudre ces conflits et d'y mettre fin.
    Les déplacements, toutefois, ne s'expliquent souvent pas par un seul facteur. C'est ce que montrent les données considérables obtenues à partir des 22 000 entrevues que nous avons menées. Nous travaillons avec IBM et son superordinateur Watson afin d'utiliser cet ensemble de données, combiné à 30 ou 40 autres sources de données, pour développer une capacité prédictive permettant, d'abord et avant tout, de mieux prévenir les déplacements, de mieux protéger les personnes déplacées et de mieux prévoir d'où partent les gens et où ils vont. Nous nous servirons du superordinateur Watson d'IBM pour créer les premiers algorithmes.
    Les données indiquent déjà que les gens, qu'il s'agisse de migrants ou de réfugiés, se déplacent pour diverses raisons: conflits, sécheresse, perte d'un membre de la famille, aspirations professionnelles. Il est fréquent que plus d'un facteur intervienne dans les déplacements. Souvent, de multiples facteurs complexes incitent les gens à se déplacer.
    Voilà qui montre la complexité de la migration mixte ou des mouvements mixtes, où réfugiés et migrants marchent côte à côte. Il y a aussi des migrants vulnérables qui, en cours de route, passeront de migrants à réfugiés en raison des violations subies ou de leur incapacité à retourner chez eux. Le portrait est complexe, mais les conflits demeurent assurément le principal facteur. L'histoire ne sera pas tendre par rapport à l'incapacité de la communauté internationale de résoudre ces conflits.
    Vous vous êtes sans doute rendu dans beaucoup de camps de réfugiés. L'une des choses que les gens nous ont dites, ce que d'autres intervenants ont confirmé, c'est que les membres des minorités religieuses, en particulier, ont du mal ou hésitent à s'inscrire auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Des réfugiés qui ont comparu devant nous nous ont aussi affirmé qu'ils ne se sentaient pas du tout en sécurité dans certains camps. Ils se sentent encore plus à risque dans un camp où ils forment la minorité qu'ils se sentaient avant leur arrivée.
    Avez-vous constaté que les Nations unies font preuve de plus de tact ou sont mieux équipées pour gérer les camps de réfugiés sous leur responsabilité? La situation est alarmante si des réfugiés... Nous savons déjà que les camps ne sont pas des endroits extraordinaires où vivre, mais de savoir que des gens y sont victimes d'agressions ou d'agressions sexuelles est encore plus inquiétant. Quelles pratiques exemplaires l'ONU devrait-elle adopter pour s'améliorer?
(1705)
    Nous avons besoin d'une solide protection dans les camps. Nous agissons activement sur ce front, veillant à ce que les gens qui sont toujours présents dans les camps assurent une protection et une surveillance et fassent en sorte que les minorités ou les groupes vulnérables, ou les femmes et les filles qui sont à risque de subir des violences sexuelles, bénéficient de la protection, du traitement et du soutien nécessaires.
    Je conviens que les camps ne sont pas une solution idéale. Voilà pourquoi il faut privilégier des solutions qui ne reposent pas sur les camps. Heureusement, de plus en plus de pays ayant adhéré au Cadre d'action global pour les réfugiés et au Pacte mondial sur les réfugiés se tournent vers des solutions plus durables qui n'impliquent pas de camps et qui donnent aux réfugiés accès à des emplois, à des terres, à une éducation et à des services de santé. Les réfugiés peuvent donc prendre part à la vie d'une communauté qui offre une meilleure protection.
    Je suis d'accord avec vous. C'est un problème grave. Je suis allé au camp de Moria, sur l'île de Lesbos, juste avant l'été. En Europe, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a réalisé une étude sur les femmes et les filles qui ont subi des violences sexuelles en Grèce, et le quart d'entre elles les ont subies à l'intérieur des camps, dans les points chauds. Ainsi, des femmes et des filles traversent à grand-peine la Méditerranée ou la mer Ibérique au cours d'un voyage difficile, trouvent ce qu'elles croient être la sécurité en Europe et aboutissent dans des camps où elles s'exposent à des violations. C'est inadmissible. Cela va à l'encontre de tous nos principes de dignité humaine et de respect des droits de la personne. Il faut absolument renforcer la protection dans les camps.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Shamdeen.
    Monsieur Shamdeen, permettez-moi tout d'abord de saluer le travail formidable qui a été réalisé et qui continue de l'être par l'organisation Nadia's Initiative, qui met l'accent sur la défense des droits des femmes. Des témoins et des membres de notre comité qui se sont rendus dans des camps de réfugiés nous ont dit que les femmes étaient plus vulnérables à la violence dans les camps — comme je l'ai mentionné tout à l'heure — pour toutes sortes de raisons. L'une des raisons qui me frappent, c'est le manque de lumière ou d'un passage sûr pour aller aux toilettes. Outre augmenter le financement, y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour améliorer cela? Vous êtes peut-être au courant d'incidents survenus là où sont les yézidies.
    Merci.
    Je veux répondre à votre question de tout à l'heure. Le véritable désavantage pour les yézidis, c'est qu'ils ne sont pas admissibles à l'inscription auprès des organismes de l'ONU du fait qu'ils sont considérés comme des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays et non comme des réfugiés. Même s'ils veulent s'inscrire, ils ne le peuvent pas.
    Vous parlez des yézidis qui se trouvent dans le Nord de l'Irak, alors que ceux qui sont en Turquie ou en Grèce sont des réfugiés reconnus par le Haut-Commissariat des Nations unies, si je comprends bien.
    C'est exact, mais la majorité des yézidis se trouvent en Irak, dans des camps de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Comme je l'ai précisé, il y a environ 350 000 yézidis dans les camps de personnes déplacées et seulement 6 000 personnes environ sont en Turquie, en Grèce, au Liban et en Jordanie, comme réfugiés.
    J'en arrive à votre autre question. Les survivantes yézidies, les femmes qui ont survécu à la captivité aux mains du groupe État islamique — certaines ont été en captivité plus de deux ans —, doivent désormais vivre dans une tente, dans un camp où elles ne se sentent pas en sécurité et qui leur rappelle l'endroit où le groupe État islamique leur a fait subir des actes brutaux. Il leur est difficile de retourner dans un environnement pareil. Elles n'ont pas de maison digne de ce nom ni accès à des installations sanitaires convenables.
(1710)
    J'ai bien peur de devoir vous interrompre ici.
    La parole est à vous, monsieur Maguire.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur témoignage.
    Monsieur Shamdeen, je veux vous poser quelques questions sur les difficultés auxquelles se heurtent les yézidis. Que devrions-nous faire pour les aider? Nous avons accueilli 1 200 réfugiés ici. Les communautés ici au Canada ont-elles formulé des observations à propos de nos processus de réinstallation?
    Comme je l'ai mentionné, je crois que seulement 700 personnes sur 1 200 ont été réinstallées au Canada. Le nombre promis n'a donc pas été atteint. Le mieux, c'est d'aider le reste des yézidis que le Canada avait promis d'accueillir à s'installer au Canada, du moins les survivants.
    Par ailleurs, la région où vivent les yézidis est une zone pour laquelle se battent le gouvernement régional du Kurdistan et le gouvernement irakien. L'accès y est très limité en ce moment. Les ONG et les organismes de l'ONU ont du mal à y faire leur travail.
    J'ai fait parvenir mes observations au comité un peu plus tôt à propos de la possibilité que le Canada entreprenne des projets précis à Sinjar. Par exemple, il faut rebâtir le seul hôpital de la région, mais il faut procéder directement ou par l'entremise d'un entrepreneur ou d'une ONG au lieu de contribuer au fonds de l'ONU et de demander à celle-ci, car elle ne se rend pas dans la région.
    D'accord. Merci de votre réponse éclairante.
    Les yézidis ne peuvent évidemment pas retourner sur leurs terres ancestrales dans le nord de l'Irak. Pensez-vous qu'il devrait y avoir une sorte de mécanisme de surveillance internationale qui se pencherait sur la capacité des minorités ethniques à retourner dans leur pays d'origine?
    Je pense que oui. Comme vous le savez, tous les yeux sont tournés vers Mossoul en ce moment. Par exemple, toutes les ONG s'y rendent alors que les yézidis continuent de vivre dans les camps. Les yézidis n'arrivent pas à s'inscrire auprès des organismes des Nations unies afin d'émigrer. Ils ne peuvent pas retourner à la maison parce que les conditions nécessaires ne sont pas en place. Ce n'est pas sécuritaire. Environ 70 000 yézidis sont retournés à Sinjar. J'étais là-bas dernièrement. Pour s'y rendre à partir de Dohuk, où se trouvent les camps pour personnes déplacées, il faut compter de six à sept heures. Il faut passer huit points de contrôle. De nombreuses milices contrôlent ces régions, y compris les Unités de mobilisation populaires, le Parti des travailleurs du Kurdistan et les milices kurdes. Le gouvernement irakien n'y exerce aucun contrôle particulier.
    La reconstruction n'est pas terminée. On a découvert environ 49 fosses communes contenant les dépouilles de yézidis. Ces fosses communes ne sont pas protégées. Elles n'ont pas fait l'objet d'un examen. Une équipe des Nations unies est censée se rendre en Irak pour étudier les fosses communes, recueillir des preuves et enquêter sur les crimes commis par le groupe État islamique. La semaine dernière, j'ai rencontré le chef de l'équipe, M. Karim Khan, à New York. Il se démène pour pouvoir aller faire le travail, mais il est incapable d'obtenir un soutien financier des Nations unies ou de la communauté internationale.
    Merci.
    Nous savons tous que les camps pour personnes déplacées sont incapables de suivre les processus de réinstallation du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
    Pensez-vous que la situation est juste compte tenu des problèmes qui sont vécus par les yézidis et d'autres groupes ailleurs dans le monde — comme l'a dit, je crois, M. Shadarevian? Est-ce juste? Devrions-nous chercher d'autres solutions que la réinstallation par l'entremise du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés?
    Selon moi, nous le devrions pour les minorités, surtout pour les yézidis qui, comme nous le savons tous, ont le plus souffert sous le joug du groupe État islamique. La situation perdure: comme je l'ai dit, plus de 1 300 d'entre eux, surtout des femmes et des enfants, sont toujours en captivité. Lorsque le Canada accepte d'accueillir un certain nombre de réfugiés par année — et j'ai aussi abordé cette question avec le gouvernement américain —, il devrait prévoir un pourcentage de minorités provenant d'Irak, notamment de yézidis. C'est la seule façon d'établir un processus équitable parce que les yézidis n'ont pas les ressources nécessaires pour immigrer et ne peuvent pas s'inscrire auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Ils ne sont pas admissibles en Irak.
    Je crois que de prévoir un pourcentage de yézidis serait une approche équitable.
(1715)
    J'ai une dernière question qui s'adresse à M. Bach.
    Votre organisme, le Conseil danois pour les réfugiés, appuie les camps pour personnes déplacées. Vous vous êtes occupés d'un grand nombre de réfugiés. Pouvez-vous les réinstaller rapidement?
    En ce qui concerne les processus de réinstallation, vous avez participé à plusieurs d'entre eux. Je me demande si vous pensez être plus efficaces, pour ce qui est de la rapidité de la réinstallation, que d'autres groupes à la structure lourde et imposante comme le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. La question n'est pas de savoir s'ils font du bon travail. Je cherche à déterminer qui sont les mieux placés pour mettre en oeuvre le processus et procéder à la réinstallation le plus rapidement possible.
    C'est une excellente question.
    Nous travaillons en étroite collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, mais nous avons également aidé le Canada dans le cadre de la réinstallation des réfugiés libanais et syriens. Nous étions présents au Liban. Nous croyons aux avantages d'un bon partenariat. Nous sommes convaincus que nous pouvons grandement accélérer les processus.
    Je ne suis pas un expert des procédures de réinstallation et de demande d'asile ni des interactions entre celles-ci. Ce qui me préoccupe à l'heure actuelle, c'est l'affaiblissement de l'engagement dans le processus de réinstallation en tant que tel. En ce moment même, nous négocions le Pacte mondial sur les réfugiés, où les pays et les collectivités d'accueil soulignent la nécessité d'investir des fonds et de procéder à des réinstallations dans le cadre d'une solution globale. Or, les programmes de réinstallation sont en baisse.
    Je ne suis pas fier de dire que le Danemark est le seul pays qui ne compte absolument aucun programme de réinstallation. La plupart des pays, surtout les États-Unis, comme vous le savez, ont réduit leurs programmes. C'est exactement la chose à ne pas faire.
    Il faut non seulement accélérer le processus, mais également augmenter le nombre de programmes. C'est essentiel pour créer une solution commune dans le cadre du Pacte mondial sur les réfugiés.
    Merci, monsieur Maguire.
    Madame Kwan, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présentation aujourd'hui.
    D'abord, j'aimerais poser une question à Mme Baum.
    Dans votre présentation, vous avez parlé de la situation actuelle aux États-Unis et des conséquences de l'Entente sur les tiers pays sûrs. D'autres témoins ont également présenté des exposés suggérant que le Canada devrait suspendre l'Entente qui pousse les gens à traverser la frontière illégalement. Il n'est pas une bonne idée de les laisser risquer leur vie.
    Quelle est votre opinion sur le sujet? D'après vous, le Canada devrait-il suspendre l'Entente sur les tiers pays sûrs?
    Le contexte actuel aux États-Unis ne crée pas des conditions sécuritaires pour les réfugiés et les demandeurs d'asile. Leurs droits ne sont pas protégés: on ne détermine pas leur crainte de rentrer dans leur pays d'origine au moyen d'un processus équitable et de mécanismes précis qui sont internationalement acceptés. Ils n'ont pas accès à des entrevues. Ils ne passent pas par les voies légales. La situation va à l'encontre de l'aspect le plus important de cette entente, soit le fait que les droits devraient être protégés aux États-Unis. Malheureusement, à cause des différentes politiques qui s'accumulent depuis un bon moment, ce n'est plus le cas.
    Le Canada devrait-il donc suspendre l'Entente sur les tiers pays sûrs?
    Oui.
    Merci beaucoup.
    En ce qui concerne les yézidis, je suis un peu troublée d'apprendre que quelque 700 réfugiés ont été accueillis, et non 1 200 personnes comme il avait été promis. Je sais que l'échéance est passée depuis un bon moment. Je ne m'attendais pas à ce chiffre.
    Cela dit, j'imagine que la question qui s'impose est donc la suivante: quelles mesures le Canada peut-il prendre pour d'abord atteindre la cible des 1 200 personnes?
    Par ailleurs, pas plus tard que la semaine dernière, j'étais à Vancouver où un groupe de personnes, le projet de défense des femmes yézidies, s'est réuni pour appuyer les yézidies qui sont réinstallées, une fois qu'elles se trouvent en sol canadien, mais également pour demander au gouvernement d'en faire davantage dans ce dossier. Dans le cas des yézidis, nous faisons bien sûr face à un génocide. C'est la toile de fond de toutes ces discussions.
    Je me demande si les témoins ont des suggestions ou des exemples concrets de mesures que le Canada pourrait et devrait prendre.
(1720)
    Comme je l'ai dit par rapport à l'objectif de 1 200 personnes, selon les données que nous avons reçues, 724 yézidis ont été accueillis dans le cadre du programme. Je crois que la première étape est de faire un suivi auprès du ministre de l’Immigration pour garantir la prise en charge des survivants restants.
    Ensuite...
    Désolée, puis-je vous interrompre? Lorsque vous dites « la prise en charge des survivants restants », à quel chiffre pensez-vous?
    Comme je l'ai dit, environ 700 personnes sur 1 200 ont été accueillies. J'espère que les 500 personnes restantes seront réinstallées.
    D'accord.
    Je sais que des personnes n'ont pas pu se rendre ici même si elles étaient inscrites au programme de réinstallation au Canada. Certaines personnes ont été accueillies au pays, mais les autres membres de leur famille, qui étaient aussi des survivants, n'ont jamais été réinstallés.
    À ce sujet, seriez-vous en mesure d'envoyer au comité un mémoire qui décrirait en détail la situation que vous venez de soulever? Le comité pourrait ainsi le soumettre au gouvernement afin que le ministre en prenne connaissance et fasse un suivi.
    Oui, bien sûr. Je serai heureux de le faire.
    Merci beaucoup.
    Grâce à l'initiative dont j'ai parlé, je viens de découvrir qu'il y a 9 familles yézidies, qui comptent environ 37 personnes, à Vancouver. Toutefois, il ne s'agit pas que de nouveaux arrivants. Je crois qu'une seule famille fait partie de cette catégorie. Ainsi, des familles yézidies vivent depuis un moment dans la vallée du bas Fraser, et elles ont tout de suite pris des mesures pour appuyer la famille qui vient d'arriver dans la région.
    Dans le cadre d'une étude précédente, il a été notamment soulevé que nous devons favoriser le développement d'un esprit de communauté chez les familles yézidies qui sont ici afin qu'elles ne se sentent pas isolées. Même si l'objectif de 1 200 personnes n'a pas été atteint, une information m'inquiète: quelque 3 000 survivants yézidis supplémentaires pourraient nécessiter une réinstallation. Est-ce l'information dont vous disposez également?
    Je crois que certaines familles se trouvant au Canada, qui sont arrivées au moyen de parrainages ou par l'entremise du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à partir de la Turquie ou de la Grèce, ne sont pas incluses dans le programme avec l'objectif de 1 200 personnes. Cela dit, il y a bel et bien quelque 3 000 survivants dans les camps pour personnes déplacées et à Sinjar qui demandent l'asile pour quitter l'Irak. Nous avons pu réinstaller plus de 1 000 personnes en Australie. Le programme de ce pays est toujours en cours, mais, à ce que je sache, celui du Canada a été complètement arrêté. Plus aucun yézidi n'est accueilli en ce moment.
    C'est ce que je comprends aussi. Vous avez raison, beaucoup de yézidis ont été accueillis par l'entremise du Programme de parrainage privé de réfugiés.
    Oui.
    Je pense que le gouvernement a inclus les réfugiés parrainés par le secteur privé dans le calcul pour l'objectif de 1 200 personnes et qu'il a compté les 1 200 personnes dans l'initiative pour les réfugiés syriens. Il ne s'agit donc pas de personnes supplémentaires. C'est ce que je crois comprendre des calculs du gouvernement: une double comptabilisation multiple, si je peux m'exprimer ainsi.
    Je reviens à un autre sujet quelques instants. Pouvez-vous nous en dire plus sur le programme permanent de l'Australie? Quelles autres mesures le pays prend-il?
    Dans le cadre de notre collaboration avec le gouvernement australien, le premier groupe dont nous nous sommes occupés — j'ai en fait remis les demandes lorsque je travaillais en Irak — était les réfugiés yézidis venant de Syrie qui se trouvaient dans les camps au Kurdistan, dans le nord de l'Irak. Nous avons ensuite pris en charge des survivants yézidis. Nous avons précisément accepté des survivants, des femmes et leur famille, et nous continuons à inscrire ces groupes et à les transporter vers l'Australie. C'est un programme permanent. Nadia's Initiative a visité l'Australie. J'ai rencontré le premier ministre de l'Australie de l'époque, et le pays a accepté d'accueillir des survivants provenant d'Irak.
(1725)
    Merci beaucoup. Je dois maintenant vous interrompre.
    Monsieur Whalen, pour la dernière série de questions, vous avez environ cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Le gouvernement a donné une réponse publique sur le sujet. En ce qui concerne l'engagement pris en 2017, plus de 1 000 femmes et filles yézidies ont fait partie des 1 300 personnes accueillies dans le cadre du programme. Parmi celles-ci, il y avait 1 216 réfugiés pris en charge par le gouvernement et 88 personnes parrainées par le secteur privé. L'engagement a été respecté dans les délais prévus.
    Le budget de 2018 prévoit des sommes additionnelles pour accueillir 1 000 autres femmes et filles qui sont victimes de violence sexuelle et qui sont aussi des réfugiées. Il y a déjà un engagement. Toutefois, nous sommes notamment ici afin de déterminer comment le Canada pourrait optimiser ses ressources pour répondre aux enjeux liés à la migration au XXIe siècle.
    J'aimerais poser une question à M. Bach. En ce qui concerne les pratiques exemplaires, si le Canada investissait 100 millions de dollars dans une initiative ciblant une zone de guerre, une catastrophe ou une crise en particulier, afin d'aider les gens à retourner chez eux, à venir au Canada ou à s'installer dans un pays voisin, comment cette importante dépense devrait-elle être répartie pour donner de l'espoir aux victimes tout en s'attaquant aux problèmes?
    Avez-vous une idée des pourcentages qui devraient être attribués aux différents efforts? Votre organisme semble avoir mené toute la gamme des initiatives.
    Je crois qu'il est très difficile de dire comment répartir 100 millions de dollars, mais je trouve très important de comprendre que ces solutions sont étroitement liées. La capacité de convaincre un pays comme l'Ouganda d'offrir des solutions durables et de donner des terres aux réfugiés, de veiller à ce que les enfants puissent fréquenter l'école et aller à l'hôpital, et que les parents puissent trouver un moyen de gagner leur vie est étroitement liée au soutien financier que des pays comme le Canada vont donner. Il y a aussi le geste important de vous engager à réinstaller certains des réfugiés les plus vulnérables à l'extérieur de l'Ouganda.
    Ces trois solutions sont très étroitement liées entre elles. C'est ce que vous entendez constamment. Hier, j'étais à Genève avec l'ambassadeur du Kenya. Ils ont accueilli des milliers et des milliers de réfugiés de la Somalie et du Soudan du Sud. Ils maintiennent que la réinstallation et le financement sont des éléments clés d'un plan commun qui leur permettrait d'assumer une plus grande responsabilité et d'offrir des solutions durables aux Somaliens et aux Sud-Soudanais qui trouvent refuge au Kenya.
    Vous pouvez dire que la somme ne peut pas être répartie. C'est ce qu'on voit souvent en Europe en ce moment. Les gens disent qu'il vaut mieux fournir de l'aide à la région que de permettre à des gens de trouver asile et de se réinstaller en Europe. Il n'est pas si facile de répartir cela. Je crois en fait que le Canada est un pays modèle parce qu'il offre un plan de réinstallation assez important ainsi qu'une aide humanitaire généreuse, mais pour en arriver à de meilleures solutions, vous devez travailler au lien entre l'aide humanitaire et le développement. Faites en sorte qu'une plus grande partie de votre aide — les 100 millions de dollars, ou le montant que vous utiliseriez en Ouganda, par exemple, ou au Liban — serve à venir mettre en place des solutions durables. Je pense que c'est crucial.
    Bien trop souvent, nous allons nous occuper de faire transporter de l'eau par camion dans le nord de l'Ouganda, ou de la nourriture, plutôt que de travailler à trouver des moyens de subsistance et à creuser de bons puits munis de piles solaires qui fourniront de l'eau aux collectivités et aux réfugiés.
    C'est très instructif.
    Je vais vous poser une question que j'ai posée à un témoin antérieurement, en parallèle à cette étude. Vous serez peut-être en mesure d'y répondre. Dans quelle mesure devrions-nous accorder de l'attention non seulement aux objectifs de développement durable des populations migrantes, mais aussi à ceux des pays hôtes? Devons-nous préférablement nous efforcer de veiller à ce que le pays hôte ait le soutien nécessaire pour être mieux en mesure de prendre ses propres décisions sur les façons de traiter les migrants sur son territoire?
    Dans quelle mesure faut-il que des conditions soient dictées par nous, et dans quelle mesure devons-nous simplement veiller à ce qu'ils aient le soutien nécessaire pour prendre les bonnes décisions?
(1730)
    Nous sommes un peu préoccupés à l'idée que vous incluiez la migration comme critère rigoureux d'affectation de fonds destinés au développement et à l'aide humanitaire, pour ainsi lier les politiques de migration et les enjeux humanitaires et, comme vous l'avez dit avec raison, soutenir des objectifs de développement durable relatifs à la migration. On voit beaucoup cela. Une grande partie de l'aide au développement et de l'aide humanitaire venant d'Europe est étroitement liée à des résultats de migration particuliers sur lesquels on insiste. Cela peut avoir, à court terme, des répercussions négatives. On a un excellent exemple de cela, soit la façon dont l'aide au développement est maintenant conditionnelle à des mesures accrues de contrôle frontalier sur certaines routes d'Afrique, ce qui équivaut à fermer implicitement les frontières du côté de l'Afrique de l'Ouest et à éliminer certaines occasions de commerce et de développement déjà créées par les zones de libre-échange de la CEDEAO.
    Vous avez ici une situation où vous prenez, en matière de migration, des décisions à court terme qui minent certains des avantages du libre-échange et de la libre circulation dans une région comme l'Afrique de l'Ouest, et cela se traduit par des effets néfastes pour les deux résultats de la migration des réfugiés à long terme. Donc, oui, nous devons aider les collectivités et les pays hôtes à atteindre des objectifs de développement durable, comme solution à long terme.
    Comme les témoins de l'autre groupe l'ont dit, il nous faut comprendre qu'à court terme, la croissance et les débouchés économiques vont très vraisemblablement mener à une augmentation de la migration. Ce n'est que lorsque que la différence entre un pays hôte et un pays d'origine se réduit à un rapport de 1 contre 6 que les mouvements migratoires s'équilibrent et que les migrants restent chez eux. Faites très attention de ne pas lier trop étroitement les résultats en matière de développement aux décisions relatives à la migration, car ces décisions à court terme vont miner les efforts de développement à long terme.
    Je remercie tous nos témoins.
    J'aimerais vous rappeler que si vous tombez sur quelque chose, si vous ou votre organisation avez écrit quelque chose que vous aimeriez soumettre au Comité, nous allons recevoir des mémoires pendant les quelques semaines à venir. Veuillez transmettre tout ce qui nous serait utile, d'après vous, pour notre étude sur la question très vaste de la réponse du Canada à l'ensemble variable des circonstances relatives à la migration.
    Encore une fois, merci à nos témoins de Cambridge et de Copenhague. Je vous souhaite une excellente soirée.
    La séance est levée.
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