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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 151 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 7 mai 2018

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Je voudrais rappeler aux gens qu’après le coup du maillet les photos ne sont plus permises dans la salle du Comité. Je vois quelques personnes qui en prennent.
    Nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.
    Nous accueillons cet après-midi six témoins, à qui je demanderais de limiter leur déclaration préliminaire à environ cinq minutes. Nous allons débuter avec M. Leach, professeur agrégé à l’Alberta School of Business de l’Université de l’Alberta. La parole est à vous, monsieur Leach.
    Bonjour, mesdames et messieurs. C’est un plaisir pour moi de prendre la parole devant vous aujourd’hui pour vous exprimer mon appui à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, qui constitue la partie 5 du projet de loi C-74, et pour vous expliquer le contexte dans laquelle elle s’inscrit.
    Ce texte législatif, pierre d’assise de l’approche du gouvernement fédéral en matière de changements climatiques, viendra compléter les mesures déjà prises par les provinces canadiennes. Il permettra aux provinces qui n’ont pas de système de tarification du carbone de bénéficier de la structure fédérale pour imposer un tarif sur le carbone et de toucher des revenus qui en découlent. Cette la politique fédérale, appliquée avec souplesse au niveau des provinces, fait entrer en ligne de compte la diversité des économies provinciales tout en permettant au gouvernement fédéral d’exercer un leadership dans le très important dossier des changements climatiques.
    Le projet de loi garantit que les tarifs sur le carbone s’appliqueront à presque toutes les émissions provenant de l’énergie consommée au Canada, depuis les voitures circulant sur la 401 et la 417 jusqu’aux plus grands établissements industriels. Le projet de loi prévoit l’application du tarif fédéral dans les provinces n’ayant pas adopté une politique de tarification du carbone suffisamment rigoureuse.
    En supposant que les politiques provinciales demeurent inchangées, la Colombie-Britannique, l’Alberta, l’Ontario, le Québec et, fort probablement, le Manitoba ne seraient sans doute pas touchés par le projet de loi. Ces provinces, qui comptent pour 90 % de la population canadienne et pour 83 % des émissions au Canada, pourraient être assujetties à cette loi si elles devaient affaiblir considérablement leurs politiques sur les changements climatiques.
    Pourquoi fixer un tarif pour le carbone? En termes simples, la tarification du carbone tire parti des forces du marché pour amener la réduction des émissions au coût le plus bas possible. Elle ne dépend pas de décisions gouvernementales pour déterminer qui peut produire des émissions, ni quelle technologie doit être utilisée. Elle repose sur les décisions des particuliers quant aux choix qui leur conviennent le mieux.
    Le plan de tarification du carbone proposé dans le projet de loi, tout comme les politiques actuelles de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de l’Ontario et du Québec, fixe le tarif sur les émissions de carbone de la plupart des sources, et non seulement des grandes installations industrielles. Plus le champ d’application du tarif sur le carbone est large, moins il sera élevé pour atteindre un objectif donné ou, dit autrement, plus les émissions seront réduites pour un tarif donné.
    Bien entendu, comme nous le savons, les émissions de carbone au Canada ne sont pas un grand enjeu seulement pour l’industrie et ne sont certes pas uniquement une affaire de consommation de pétrole et de gaz.
    Les tarifs sur le carbone fonctionnent-ils? C’est probablement une question qui sera souvent soulevée devant le Comité. La réponse est, tout simplement, oui. La taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique, en vigueur depuis 2008, nous prouve clairement que les tarifs sur le carbone réduisent les émissions en deçà de ce qu’elles seraient autrement. Si vous voulez vous renseigner à ce sujet, les travaux de Nic Rivers à l’Université d’Ottawa, entre autres, l’ont démontré de façon concluante.
    Cela ne veut pas dire qu’ils sont magiques. Ils n’entraîneront pas toujours une réduction des émissions en déca de leurs niveaux historiques, notamment lorsque la croissance macroéconomique est rapide, comme c’est le cas en Alberta depuis des années ou que le changement technologique est lent. Toutefois, permettez-moi de vous assurer, et de consigner au compte rendu, que la demande est en baisse, malgré les fréquentes affirmations du contraire.
    Lorsque les émissions sont tarifées, nous en produisons moins.
    Si vous considérez l’innovation et le changement technologique comme la solution au problème du changement climatique, la tarification du carbone est votre meilleur choix de politique. Lorsqu’on lui a demandé comment les gouvernements peuvent stimuler l’innovation et les technologies vertes, David Popp, de l’Université Syracuse, dans un rapport publié par l’Institut C.D. Howe, a formulé cinq règles. La première est, encore et toujours, la tarification du carbone parce que soutenir le développement technologique signifie non seulement investir dans les nouvelles technologies, mais aussi créer une demande pour les technologies propres dans l’ensemble de l’économie. Cela se produit naturellement avec la tarification du carbone. La tarification du carbone est aussi une solution de rechange utile à la pratique des gouvernements de choisir, à coups de règlements et de subventions, qui seront les gagnants.
    Pourquoi alors ne pas simplement adopter une grande politique fédérale? Pourquoi ne pas avoir un plan fédéral s’appliquant à tous? Je pense que ce serait une mauvaise décision parce que nos économies provinciales sont très différentes — j’ai fait beaucoup de travail en Alberta, en Ontario et au Québec — car leurs profils d’émissions sont très différents, tout comme les moyens de réduire les émissions. J’ai quelques exemples. Dans certaines provinces, une grande partie de l’électricité est encore produite à partir de combustibles fossiles, alors que dans d’autres provinces, l’électricité est déjà à zéro carbone. En soi, cela offre des possibilités différentes.
    Si vous prenez ma province, l’Alberta, environ le quart de notre PIB provient de secteurs qui sont décrits comme étant à forte intensité d’émissions et très exposés à la concurrence. Cela signifie qu’ils sont vulnérables à d’éventuelles pertes de sources d’émissions, et c’est pourquoi l’Alberta a conçu un programme pour les atténuer. Si vous tentiez d’appliquer en Ontario la politique qui a fonctionné en Alberta, vous constateriez qu’elle ne convient pas tellement.
    Enfin, bien sûr, il y a l’utilisation des revenus. Vous pouvez voir que les choix faits diffèrent un peu partout au pays en fonction des objectifs provinciaux.
    Par conséquent, je pense que le gouvernement fédéral a fait un choix judicieux, non seulement en donnant aux provinces les moyens de choisir leurs propres politiques, mais aussi en déterminant l’utilisation des revenus provenant de la tarification du carbone imposée par le gouvernement fédéral.
    Encore une fois, je pense que c’est un domaine où les provinces auront des priorités différentes et des préférences différentes d’utilisation des revenus. Trevor Tombe a récemment présenté une proposition pour l’Ontario qui prévoit, sans modifier la répartition du revenu, un tarif sur le carbone afin d’accroitre de 80 % le crédit de taxe sur les ventes et de supprimer la prime d’assurance-santé.
    De toute évidence, en Alberta et en Colombie-Britannique, nous avons choisi des politiques plus progressistes, qui, par le truchement du tarif sur le carbone, ont amélioré la situation de 40 à 50 % des ménages les plus pauvres.
(1535)
    Je pense que de tels choix sont mieux faits au niveau provincial qu’au niveau fédéral.
    Pour conclure, j’exprimerais quelques préoccupations que j’ai au sujet de ce projet de loi. Je m’inquiète un peu du pouvoir discrétionnaire du gouverneur en conseil d’imposer des mesures aux provinces.
    L’article 189 prévoit que le Cabinet peut tenir compte de tout facteur qu’il juge approprié, y compris la rigueur des mécanismes de tarification du carbone, pour déterminer si une province devrait être visée. J’aimerais voir une définition plus claire de la « rigueur »; commodément, la tarification du carbone apporte cette rigueur. Un critère procédant de cette norme empêcherait que le Cabinet juge approprié d’appliquer à une province un tarif sur le carbone beaucoup plus élevé que dans d’autres.
    Je m’inquiète aussi un peu de l’article 188, qui détermine la répartition des revenus provenant de la tarification du carbone vers certaines provinces. Je pense que nous voulons nous assurer qu’il résultera clairement de ce projet de loi que les recettes perçues seront distribuées aux provinces indépendamment des autres décisions de transfert du gouvernement fédéral.
    Dans l’ensemble, cependant, je suis heureux aujourd’hui d’exprimer ici mon appui à ce projet de loi.

[Français]

    Merci de votre attention et de m'avoir consacré du temps. Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Kenney, qui a déjà été dans cette salle, près de ce fauteuil, à un autre titre, je crois. Jason est maintenant chef de l’opposition officielle à l’Assemblée législative de l’Alberta.
    Bienvenue.
     Merci, monsieur le président. J’ai siégé des deux côtés de la table, et aussi à ce bout-ci. Je suis donc enchanté d’être de retour.
    Monsieur le président, je suis chef du Parti conservateur uni de l’Alberta. Nous venons de tenir notre assemblée générale fondatrice, qui a pris fin hier. Étant donné que 98 % de nos membres ont voté en faveur de l’abrogation de la taxe sur le carbone imposée par le gouvernement néo-démocrate sortant de l’Alberta, je m’oppose à la partie 5 du projet de loi C-74 et à sa proposition de taxe fédérale sur le carbone.
    Le gouvernement néo-démocrate de l’Alberta a imposé sa taxe sur le carbone cinq mois après les dernières élections. Bizarrement, les candidats néo-démocrates ont oublié de faire mention de leur taxe sur le carbone pendant la campagne électorale. C’était le programme caché le plus important de l’histoire politique de notre province et la plus forte augmentation d’impôt de notre histoire. Ils l’ont augmenté de 50 % le 1er janvier de cette année. Ils s’engagent maintenant à l’augmenter de 67 %, et ils blâment le projet de loi C-74, qui établit la taxe fédérale sur le carbone.
    Je peux vous dire qu’il y a eu plus d’une douzaine de sondages d’opinion publique sur la taxe sur le carbone en Alberta au cours des deux dernières années, qui montrent invariablement que les deux tiers des Albertains s’opposent à cette taxe. Ils s’y opposent non pas parce qu’ils sont indifférents aux questions environnementales ou aux défis des changements climatiques et des émissions de gaz à effet de serre, mais parce qu’ils comprennent, avec leur bon sens, que pénaliser les consommateurs qui vivent une vie normale dans un froid climat nordique et une économie avancée n’est pas une politique environnementale responsable. Ils comprennent qu’en faisant payer plus cher aux personnes âgées pour chauffer leur maison lorsqu’il fait 30 degrés sous zéro, comme c’était le cas il y a quelques semaines en Alberta, ou en faisant payer aux gens davantage pour se rendre au travail, on se trouve à pénaliser des personnes qui ne font que vivre simplement leur vie. Cela n’a pas de sens.
    Les théoriciens qui sont en faveur de la taxe sur le carbone admettront généralement qu’il s’agit d’une taxe pigouvienne, indiquant par cela que les comportements négatifs devraient être taxés, comme c’est le cas pour l’alcool et le tabac.
    La plupart des Albertains ne pensent pas que le fait de chauffer leur maison, de se rendre au travail et d’exploiter une petite entreprise devrait être pénalisé.
    J’ai récemment visité le Sundre Seniors Centre, merveilleux organisme qui permet aux aînés de demeurer actifs dans leur collectivité. Cela leur coûte seulement 18 000 $ par année. Il s’agit d’un organisme entièrement bénévole. Désormais, il doit consacrer 7 % de son budget annuel à une taxe sur le carbone, taxe qu’il n’a pas les moyens de payer et qui est sur le point d’augmenter de 67 %. Aucun remboursement ou réduction d’impôt compensatoire ne lui est accordé, si bien qu’il envisage de fermer son centre pour personnes âgées.
    Cette taxe comporte un coût humain réel dont ses champions ne parlent pas. C’est pourquoi je suis heureux de vous annoncer que, si les Albertains élisent un gouvernement conservateur uni lors des élections provinciales de l’an prochain, notre première initiative législative sera de présenter à l’Assemblée législative une loi abrogeant la taxe sur le carbone. Nous abrogerons complètement la taxe sur le carbone du NPD.
    Si le gouvernement fédéral cherche à contraindre aux Albertains au moyen des pouvoirs proposés dans ce projet de loi imposant une taxe fédérale sur le carbone, le gouvernement fédéral nous retrouvera devant les tribunaux. L’opposition officielle de l’Alberta a demandé à la Cour d’appel de la Saskatchewan de lui reconnaître le statut d’intervenant dans la contestation constitutionnelle du projet de loi C-74 par le gouvernement de la Saskatchewan. Si nous prenons le pouvoir, nous verrons à ce que l’Alberta fasse tout ce qu’il faut pour saisir les tribunaux de la même question.
    Nous croyons qu’il s’agit d’un empiétement inconstitutionnel sur le pouvoir exclusif des provinces de prélever des impôts à des fins provinciales. Il s’agit aussi d’une application inégale d’un pouvoir fédéral aux différentes provinces, qui sont traitées différemment.
    Je termine en soulignant que les partisans de la taxe sur le carbone savent que la taxe de 50 $ n’est qu’un début. Environnement Canada a dit que pour atteindre les cibles de l’Accord de Paris, il faudrait qu’elle soit portée à 300 $ la tonne. C’est la technique de l’accoutumance insidieuse. Tous les défenseurs de la taxe sur le carbone essaient simplement ici de faire en sorte que les gens s’habituent à payer plus pour chauffer leur maison et se rendre au travail, afin qu’ils puissent continuellement augmenter les revenus des politiciens et donner plus de contrôle au gouvernement. Un futur gouvernement conservateur de l’Alberta fera tout en son pouvoir pour lutter contre cette tendance.
(1540)
    Merci beaucoup, monsieur Kenney.
    Nous passons maintenant à M. Beugin, directeur général de la Commission de l’écofiscalité du Canada.
     Merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui.
    Je représente la Commission de l’écofiscalité du Canada. Nous sommes un groupe d’économistes d’expérience de partout au pays, appuyé par un conseil consultatif multipartite composé de représentants de l’industrie, de la société civile et de tous les horizons politiques. Le mandat de la commission est de définir et de soutenir des politiques qui sont rationnelles tant pour l’environnement que pour l’économie. Autrement dit, il s’agit de déterminer les politiques qui permettent d’atteindre les objectifs environnementaux au moindre coût économique. Nos recherches et nos analyses indiquent clairement que la tarification du carbone est une telle politique.
    Aujourd’hui, je me pencherai sur trois aspects clés de la tarification du carbone dans le contexte du projet de loi C-74. En premier lieu, la tarification du carbone est un moyen efficace pour réduire les émissions de GES. Elle incite les entreprises et les ménages à opter pour des activités et des technologies à faible émission de carbone, elle crée une demande pour les technologies à faible émission de carbone et elle favorise l’innovation à faible émission de carbone. Nous savons que les prix influent sur les choix dans l’ensemble de l’économie, mais il y a aussi, comme M. Leach l’a mentionné, de nombreuses preuves empiriques qui montre que la tarification du carbone fonctionne.
    En Colombie-Britannique, selon des chercheurs universitaires, les émissions de GES seraient de 5 à 15 % plus élevées si la Colombie-Britannique n’avait pas mis en oeuvre sa taxe sur le carbone. Plus précisément, par exemple, en l’absence de la taxe, les véhicules seraient 4 % moins efficaces par habitant, la demande d’essence serait de 7 à 17 % plus élevée.
    L’analyse de modélisation effectuée en 2016 par la Commission de l’écofiscalité a montré qu’une hausse portant le tarif sur le carbone à 50 $ la tonne en 2021 et à 100 $ la tonne en 2027 pourrait réduire les émissions d’environ 170 mégatonnes en 2030 et de 80 mégatonnes en 2022.
    En deuxième lieu, les économistes conviennent que la tarification du carbone est l’approche la moins coûteuse pour réduire les émissions de GES. Notre même analyse montre que le coût de la tarification du carbone, même si le tarif atteignait 100 $ la tonne d’ici 2027, n’influerait que légèrement sur la croissance économique. Comment les revenus recyclés influent-ils sur ces estimations? Au pire, la tarification du carbone réduirait les taux de croissance d’environ un dixième de point de pourcentage, mais si les revenus étaient utilisés pour réduire l’impôt sur le revenu, comme les provinces ont le pouvoir discrétionnaire de le faire dans le cadre pancanadien, les répercussions sur la croissance seraient négligeables. La croissance économique demeurerait positive et forte.
    En parallèle avec ces coûts minimes, il faut tenir compte des avantages. La tarification du carbone peut réduire les émissions de GES et aider le Canada à atteindre sa cible de 2030. Cela contribuera également aux efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique et évitera ses conséquences coûteuses. Ces réductions auront également des avantages sur le plan de la réduction de la pollution atmosphérique locale et, par conséquent, de l’amélioration de la qualité de l’air et de la santé à l’échelle locale.
    Le Canada s’est fixé des objectifs ambitieux de réduction des émissions en 2030. L’atteinte de ces objectifs entraînera des coûts, mais la tarification du carbone peut permettre de réduire ces émissions au moindre coût possible. D’autres politiques, y compris les subventions ou les règlements normatifs, coûteront plus cher. Les règlements qui exigent des résultats ou des technologies précis dans des secteurs particuliers sont moins souples et, par conséquent, entraînent des coûts plus élevés. La tarification du carbone ne suppose pas une idée préconçue des endroits, dans l’économie ou dans le pays, qui offrent des possibilités de réduction des émissions au moindre coût.
    La souplesse de la tarification du carbone crée également de puissants incitatifs à l’innovation propre. Les subventions aux technologies propres obligent de choisir des technologies particulières. De plus, elles sont souvent versées à des entreprises ou à des particuliers qui, de toute façon, auraient adopté la technologie propre sans recevoir de subvention ou avec une subvention moindre, ce qui en augmente le coût.
    En dernier lieu, une tarification du carbone bien conçue peut réduire les émissions tout en protégeant la compétitivité des entreprises canadiennes, même si certains de nos partenaires commerciaux ne tarifient pas le carbone. En particulier, l’analyse de la Commission de l’écofiscalité sur l’établissement des prix en fonction des extrants suggère que cette approche, telle qu’elle figure dans le projet de loi C-74, peut apporter des mesures transitoires aux industries vulnérables. Elle incite l’industrie à réduire les émissions de GES en améliorant sa performance en matière d’émissions, non en réduisant la production ou les investissements au Canada. C’est l’approche que l’Alberta a adoptée dans le cadre du règlement sur les émetteurs de gaz spécifiques en 2007, et qui a été améliorée par la suite dans le cadre du règlement sur les incitatifs à la compétitivité en matière de carbone.
    Les entreprises canadiennes, surtout celles des secteurs à forte intensité d’émissions et très exposés à la concurrence, ont clairement exprimé leur soutien à l’égard de l’établissement des prix en fonction de la production comme moyen d’encourager efficacement la réduction des émissions sans miner la compétitivité économique.
    En conclusion, un plan climatique fondé sur la tarification du carbone est l’approche la moins coûteuse pour atteindre les cibles d’émissions de GES du Canada. Le projet de loi garantit que la tarification du carbone s’appliquera partout au Canada, répondra aux inquiétudes quant à la compétitivité, mais donnera aussi aux provinces la souplesse nécessaire pour concevoir leur propre tarification du carbone et leur apportera des revenus de recyclage.
    Merci beaucoup.
(1545)
    Merci beaucoup, monsieur Beugin.
    Nous passons maintenant au Réseau action climat Canada, représenté par M. Marshall, vice-président du conseil d’administration.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup de m'avoir invité à participer à votre réunion aujourd'hui.

[Traduction]

    Je m'appelle Dale Marshall. Je suis directeur des programmes nationaux de l'organisme Environmental Defence. Cependant aujourd'hui, je représente Réseau action climat Canada dans mon rôle de vice-président du Conseil d'administration.
    J'ai trois observations à présenter à l'appui de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Premièrement, le système pollueur-payeur est un excellent outil de lutte contre les changements climatiques. Deuxièmement, les Canadiens peuvent se permettre d'imposer des politiques climatiques plus ambitieuses et de portée plus vaste qui comprendraient la tarification du carbone. Troisièmement, les Canadiens ne peuvent pas se permettre de se croiser les bras devant ce risque monumental qui présage un problème extrêmement urgent.
    Donc tout d'abord, un système pollueur-payeur sera un excellent moyen de réduire les émissions et d'inciter les entreprises et les particuliers à tendre vers des énergies propres et plus efficientes. De nombreux pays le font déjà depuis longtemps. Voilà pourquoi les 10 économies les plus prospères au monde tarifient le carbone d'une manière ou d'une autre. On traite souvent la Chine comme l'ennemie publique du climat. Cependant, ses États imposent un système de plafonnement et d'échange depuis de nombreuses années, et son gouvernement se prépare à établir ce système à l'échelle nationale.
    Cependant, la conception est importante. Les concessions que ce projet de loi accorde à l’industrie dans le cadre de son système de prix fondé sur les extrants pourraient le rendre moins efficace. Dans le passé, certains systèmes de tarification du carbone n'ont pas été aussi efficaces qu'ils l'auraient pu parce qu'on avait fait des concessions peu nécessaires à l’industrie. Je suis inquiet de voir le Canada faire la même chose à l'heure actuelle. La tarification du carbone ne ternit la compétitivité que d'une petite part de l'économie du pays, et pourtant ce projet de loi accorde des concessions et des exemptions générales au secteur industriel, et je vous dirai très franchement que cela risque de provoquer l'effondrement de ce système.
    Deuxièmement, l'économie canadienne supportera très bien la tarification du carbone partout au Canada. Quatre provinces l'ont déjà imposée. Le fait qu'il s'agisse des provinces dont l'économie croît le plus rapidement que les autres ne sous-entend pas que la tarification favorise la croissance économique, mais qu'il est possible de maintenir la force de l'économie tout en tarifiant le carbone.
    Les pays scandinaves ont été les premiers à imposer un système de tarification du carbone, et leur économie s'est maintenue en tête de file de celle des pays industrialisés. Les modèles indiquent que nous ne constaterons qu'une différence minime entre l'inaction face aux changements climatiques et l'imposition de politiques climatiques ambitieuses et robustes. Notre organisme, Environmental Defence, et certains de nos partenaires ont publié les résultats de recherches menées récemment par d'éminents économistes canadiens. Ces résultats démontrent que quoi que nous décidions, que nous respections nos engagements de Paris en matière de changements climatiques ou que nous ne fassions rien, la croissance économique du Canada atteindra, d'ici à 2030, 38 % du PIB dans le premier cas et 39 %du PIB dans le second cas.
    Troisièmement, il faut que les Canadiens utilisent tous les outils stratégiques dont ils disposent pour lutter contre les changements climatiques. La cible de 2030 que le Canada s'est fixée a été jugée très insuffisante pour éviter les niveaux dangereux de changement climatique, mais nous sommes loin d'atteindre cette cible. Par conséquent, les politiques proposées dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques sont cruciales et devraient être mises en oeuvre sans tarder avec la plus grande rigueur. Cela comprend la tarification du carbone dans tout le Canada. En écartant cette solution, nous ferons moins que le strict minimum pour lutter contre la menace monumentale qui nous fait face.
     Au cours de la dernière décennie, peut-être même depuis une génération, le Canada comprend de mieux en mieux les dangers que présentent les changements climatiques, mais nous n’avons rien fait pour les éviter. J’espère que la prochaine décennie ne sera pas dominée par des gens qui privilégieront les pollueurs au détriment du bien public.
    Merci beaucoup.
(1550)
    Merci beaucoup à vous, monsieur Marshall.
    Nous allons maintenant entendre M. Ribaux, le directeur général d'Équiterre. À vous la parole, monsieur.

[Français]

    Merci beaucoup de l'invitation.
    Mesdames et messieurs les députés, monsieur le président, c'est pour moi un plaisir d'être ici et de représenter Équiterre. Je ferai des commentaires principalement sur la section 5, soit sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.
    Équiterre est un organisme à but non lucratif ayant le statut d'organisme de bienfaisance. Nous comptons 22 000 membres et 110 000 sympathisants. Nous avons des bureaux à Québec, à Montréal et à Ottawa. Nous intervenons sur les questions liées à l'environnement et au climat depuis 25 ans.
    Pour s'attaquer au tabagisme au Canada, notre gouvernement a augmenté le prix du tabac. Pour s'attaquer aux pluies acides qui détruisaient nos forêts, le président George Bush père a fixé un prix sur le dioxyde de soufre au moyen d'un système de plafonnement et d'échange. Si on veut diminuer les émissions de gaz à effet de serre, ou GES, il faut imposer un prix du carbone. Cela constitue d'ailleurs un engagement international pris par le Canada à Paris et une politique essentielle à l'atteinte de notre cible. C'est une approche simple et peu coûteuse qui a démontré son efficacité à de nombreuses reprises.
    D'ailleurs, selon le récent rapport d'Environnement et Changement climatique Canada sur les résultats escomptés de la tarification du carbone, celle-ci pourrait réduire les émissions de GES de 80 à 90 millions de tonnes en 2022 au Canada si toutes les provinces et les territoires adoptent une tarification. Cela est énorme. C'est l'outil le plus important que nous avons à notre disposition. De plus, toujours selon ce rapport, l'impact sur la croissance du PIB au Canada — mon collègue l'a déjà dit — serait négligeable.
    Étant donné que nous prévoyons toujours un écart de 64 mégatonnes de GES par rapport à notre cible de 2030, nous avons besoin des résultats escomptés découlant de la tarification du carbone. Le fait de fixer un prix sur le carbone est désormais la norme. Selon la Banque mondiale, plus de 67 pays, y compris la Chine et plusieurs autres partenaires commerciaux du Canada, ont déjà fixé un prix sur le carbone. Il est grand temps que le Canada suive la même voie sur le plan économique.
    Certains s'inquiètent du potentiel désavantage compétitif que subirait l'industrie canadienne, mais le système fédéral prévoit des mesures précises pour atténuer les risques des industries exposées à ce type de concurrence. Les nouveaux fonds pour l'innovation propre ou le défi pour une économie sobre en carbone, par exemple, stimuleront la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans plusieurs secteurs économiques, ce qui assurera ainsi la compétitivité de nos industries.
    Le système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre du Québec couvre près de 85 % de l'économie et s'est de nouveau élargi grâce à la liaison des marchés du Québec et de la Californie à celui de l'Ontario, le 1er janvier dernier. Le marché du carbone est, pour le Québec, l'outil économique le plus approprié pour garantir des réductions d'émissions de gaz à effet de serre en raison de ces plafonds dégressifs, mais également grâce aux revenus qu'il engendre. À ce jour, le marché du carbone a généré des revenus de plus de 2 milliards de dollars, lesquels sont entièrement consacrés à la mise en oeuvre du Plan d'action du Québec sur les changements climatiques.
    Il y a, soit dit en passant, un consensus politique au Québec quant à la bourse du carbone aujourd'hui. Aucun parti majeur au Québec ne s'y oppose. Elle est donc là pour rester.
    Les revenus issus des ventes aux enchères du marché du carbone sont versés au Fonds vert. Ce fonds finance des investissements dans l'économie de demain. Je vous donne un exemple: le fonds soutient la PME québécoise Lion, qui fabrique des autobus scolaires 100 % électriques, et plus récemment, leur exportation en Californie. Un jour, tous les autobus scolaires dans le monde seront électriques et le Québec se sera taillé une part de ce marché lucratif grâce au Fonds vert.
    Notons toutefois que le fait de fixer un prix sur le carbone, quoique essentiel, est à lui seul insuffisant pour atteindre notre cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre. De ce fait, les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que le gouvernement fédéral doivent mettre en oeuvre des politiques complémentaires. Je vous donne un seul exemple: la réglementation des GES des véhicules passagers, ou la réglementation de l'efficacité énergétique des véhicules. Sans elle, les manufacturiers vont continuer à dépenser des milliards de dollars en publicité pour nous vendre de grosses voitures et surtout des camions légers, rendant les consommateurs prisonniers de la fluctuation des prix de l'essence, comme nous l'avons vu récemment.
    Il est donc essentiel de réglementer l'efficacité énergétique des voitures et des camions légers. Il s'agit d'une mesure complémentaire à celle liée à la tarification du carbone. Le débat sur le carbone ne date pas d'hier. On en parle depuis très longtemps, c'est-à-dire au moins depuis les années 1990. Toutes sortes de consensus ont été établis. En 2008, le parti conservateur fédéral de l'époque a adopté un plan de changement climatique intitulé « Prendre le virage », lequel proposait de fixer un prix sur le carbone.
(1555)
    Évidemment, mes collègues ont déjà parlé des provinces qui, elles-mêmes, ont fixé un prix sur le carbone depuis. Nous avons donc des exemples probants à ce sujet.
    Je vous souligne d'ailleurs que la cible du Canada quant à l'horizon 2030 est celle du précédent gouvernement.
    Je vais conclure en disant que c'est important pour nous que le prix du carbone fasse partie d'un plan complet sur les changements climatiques du Canada et, pour cette raison, nous appuyons le projet de loi qui est devant vous.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Ribaux.
    Je vais maintenant inviter M. Saul, directeur général de Nature Canada, à nous présenter son allocution.
    Bienvenue, monsieur.
    Monsieur le président et membres du comité des finances, je m'appelle Graham Saul. Je suis directeur général de Nature Canada.
    Tout d’abord, je tiens à souligner que le budget de 2018 effectue un investissement fédéral historique dans la conservation de la nature. À Nature Canada, nous sommes enchantés de la promesse de dépenser, quoique prudemment, la somme de 1,3 milliard de dollars sur cinq ans pour renverser le déclin de la biodiversité au Canada et pour établir la gestion des aires protégées et le rétablissement des espèces en péril. Merci à tous ceux qui ont contribué à appuyer ces dispositions.
    En ce qui concerne la Loi sur la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre, je pense qu’il vaut la peine de rappeler que c’est en mai 1992, il y a 26 ans, que le Canada a signé la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Il y a donc plus de 25 ans que le Canada a promis pour la première fois de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, et nous avons à peine commencé à tenir cette promesse.
    Il y a environ 14 ans, l’ancien premier ministre libéral Paul Martin a annoncé pour la première fois son intention de mettre un prix sur la pollution par les gaz à effet de serre en créant un marché pour la réduction des émissions dans tous les secteurs de l’économie. Malheureusement, cela ne s’est jamais produit. Puis, en mai 2008, il y a presque exactement 10 ans aujourd’hui, le ministre fédéral conservateur de l’Environnement, John Baird, a qualifié l’échange de droits d’émission de carbone d’élément clé du nouveau plan gouvernemental Prendre le virage, qui visait à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
    Plus tard cette année-là, aussi en 2008, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a remporté un mandat minoritaire à la suite d'une campagne qui promettait fermement d’élaborer et de mettre en oeuvre un système de plafonnement et d’échange pour les gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique. De nouveau, cela ne s’est jamais produit. Puis, en 2015, les Canadiens ont appuyé un programme électoral libéral qui visait à mettre un prix sur la pollution par les gaz à effet de serre, et voilà où nous en sommes aujourd’hui.
    Que s’est-il passé entretemps? La ville de Calgary a connu deux inondations centenaires en huit ans, dont la plus récente, en 2013, a entraîné des pertes financières et des dommages matériels de 6 milliards de dollars. En mai 2016, il y a deux ans, près de 90 000 personnes ont été évacuées pour échapper à des feux de forêt qui ont rasé la ville de Fort McMurray et qui ont réduit en cendres des milliers de maisons. Selon le Bureau d’assurance du Canada, les feux de forêt de Fort McMurray ont causé la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire du Canada. À la mi-novembre 2016, on estimait que les réclamations s'élevaient à 3,77 milliards de dollars .
    En ce même jour l’année dernière, j’ai vu les soldats appelés à intervenir lors des inondations dans ma ville, Ottawa-Gatineau. Ces inondations ont causé plus de 220 millions de dollars en dommages assurables. Quelques mois plus tard, j’ai passé quelques semaines en Colombie-Britannique, où s’est déroulée la pire saison des incendies de l’histoire de la province. Plus de 1 300 incendies ont brûlé plus de 1,2 million d’hectares, déplaçant du même coup 65 000 personnes de leur domicile. Cette catastrophe a coûté plus de 500 millions de dollars à la Colombie-Britannique. Cette saison des feux de forêt a causé l'état d’urgence le plus long de toute l’histoire de la Colombie-Britannique, soit 10 semaines au total.
    Aujourd'hui, nous observons la situation tragique du Nouveau-Brunswick. Comme l'a affirmé le premier ministre Brian Gallant:
Nous assistons à des phénomènes météorologiques que nous n'avions jamais vus jusqu'à présent. Nous faisons très probablement face à l'inondation la plus massive et la plus destructrice que l'on n'ait jamais enregistrée au Nouveau-Brunswick...
    On m'a demandé de vous dire ce que je pense de la partie 5 du projet de loi C-74, qui édicte la Loi sur la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre et qui produit le règlement sur les frais de carburant. À mon avis, nous aurions dû adopter cette politique il y a au moins 10 ans. Nous devons utiliser tous les outils à notre disposition, y compris la tarification du carbone, pour que notre pays avance enfin dans la bonne direction. Nous devons cesser de tergiverser alors que des régions comme le Nouveau-Brunswick disparaissent sous les eaux. Nous devons cesser de tergiverser alors que des régions comme la Colombie-Britannique sont réduites en cendres.
    Les Canadiens ont toujours voté pour les dirigeants qui promettaient d'agir contre les changements climatiques. Il est grand temps que nous cessions de jouer de petits jeux politiques face à ce qui devient rapidement une question de vie ou de mort pour les collectivités et pour les espèces de toutes les régions du Canada et du monde. Le Canada doit se placer en chef de file de l’économie du XXIe siècle, et la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre est le premier pas qui l'engagera sur cette voie.
(1600)
    Nous devons agir de manière à ce que le Canada se place en chef de file de l’économie du XXIe siècle, et la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre est le premier pas qui l'engagera sur cette voie.
    Il est plus crucial que jamais de montrer à nos enfants et à nos petits-enfants que nous sommes prêts à investir pour régler les problèmes au lieu d'ignorer ces problèmes et de rejeter sur leurs épaules la responsabilité d'en nettoyer ensuite les dégâts.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Saul.
    Comme chaque témoin a consciencieusement respecté son temps de parole, nous pouvons entamer nos rondes habituelles de sept minutes.
    Madame O'Connell, vous avez la parole.
    Je vous remercie tous d'être venus.
    Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Kenney. De toutes les années que vous avez passées à la Chambre des communes, vous n'avez jamais reconnu l'existence des changements climatiques. Je me sens donc poussée à vous demander si vous acceptez les conclusions scientifiques. Reconnaissez-vous que les changements climatiques sont réels et qu'ils sont causés par les activités humaines?
    Oui, oui, et oui.
    Bien. Je suis bien contente de vous entendre répondre ainsi, parce que j'ai lu dans l'un de vos gazouillis que le dioxyde de carbone est aussi naturel que l'eau et l'oxygène.
    Pensez-vous réellement que l'oxygène nuit autant à l'environnement que le dioxyde de carbone?
(1605)
    Tout excès extrême d'un élément naturel peut nuire à la santé des humains. Je tiens à confirmer cette affirmation, qui est parfaitement scientifique.
    Vous avez dit que les Albertains savaient que les changements climatiques sont des phénomènes réels, ajoutant qu'il faut agir. Cependant, bien qu'appartenant au Parti conservateur de Harper, vous n'avez jamais proposé un plan de lutte contre les changements climatiques.
    Vous demandez à notre comité de prendre votre témoignage sur l'économie au sérieux, alors que quand vous étiez ministre sous Stephen Harper, vous avez négligé notre économie en ne protégeant pas l'environnement.
    Pourquoi devrions-nous vous croire aujourd'hui? Pour quelles raisons nous conseillez-vous de ne pas agir?
    Je refuse de répondre à cette question tendancieuse, monsieur le président. Je répondrai à ma collègue en lui demandant, puisqu'elle et son gouvernement en sont si convaincus, pour quelles raisons ils n'avouent pas aux Canadiens qu'en réalité, ils ont l'intention d'imposer une taxe sur le carbone d'au moins 300 $ la tonne? Pourquoi n'admettent-ils pas que cette discussion ne leur sert qu'à habituer les gens à penser qu'il est juste de les punir pour aller travailler en auto et pour vivre une vie normale?
    Je répondrai à ma collègue que je suis responsable de représenter la majorité des Albertains. Deux tiers d'entre eux s'opposent à la tarification du carbone et pensent qu'ils n'ont pas besoin de donner leur argent aux politiciens pour résoudre les problèmes environnementaux.
    Alors, monsieur Kenney, quel plan proposez-vous pour résoudre ces problèmes? Préférez-vous les rejeter sur les épaules des agriculteurs et des municipalités? Des témoins nous ont dit que les grandes tempêtes centenaires se produisent plus souvent. Vous ne proposez aucun plan pour aider les municipalités à y faire face. Avez-vous un plan, ou préférez-vous que les agriculteurs s'adaptent au changement fréquent du cycle des récoltes ainsi qu'aux tempêtes, aux feux irréprimés et aux inondations continuelles? Pourquoi suggérez-vous qu'il revient aux Canadiens et aux Albertains de s'adapter aux changements climatiques, alors que nous savons que ces impacts sont réels? Pourquoi ne reconnaissez-vous pas qu'il nous coûte cher de ne pas agir, comme l'a très justement signalé M. Saul dans son témoignage?
    Vous me posez plusieurs questions en une. Je défends les agriculteurs, par exemple, dont les frais d'entreprise vont augmenter dramatiquement à cause de la tarification du carbone que proposent les libéraux. L'Alberta compte actuellement 49 000 fermes. La taxe de 30 $ la tonne actuellement imposée en Alberta s'élèvera à 182 millions de dollars par année. Selon le ministère fédéral de l'Agriculture, la taxe de 50 $ la tonne de carbone coûtera en moyenne 3 705 $ aux agriculteurs du pays.
    Les libéraux pensent peut-être qu'ils aideront les agriculteurs en imposant une taxe annuelle de 4 000 $. À mon avis, cette taxe leur fera beaucoup de mal.
    Monsieur Kenney, vous nous présentez ici des montants que vous avez vous-même calculés en essayant de prédire les effets de la tarification. Cependant, nous n'en connaîtrons exactement les montants qu'une fois que cette taxe sera pleinement en vigueur et que chaque province l'aura mise en oeuvre à sa façon... Toutefois, vous ne nous présentez pas d'information sur ce que vous comptez faire pour dédommager les Canadiens, ou dans votre cas les Albertains, du prix de l'inaction gouvernementale.
    Selon vous, que feront les Canadiens, ou leurs municipalités, quand ils devront affronter la lutte contre les effets des changements climatiques sans aide ni partenariat gouvernemental?
    Le coût de la mise en vigueur de ce projet de loi aux agriculteurs canadiens ne sort pas de mon imagination. C'est le résultat d'une estimation du ministère de l'Agriculture du gouvernement libéral actuel que présente une note de service envoyée le 17 janvier 2017. Je ne vous cite que l'estimation de ce gouvernement. Quant aux autres coûts que les consommateurs...
    Pourriez-vous répondre ma question sur l'inaction?
    Me permettriez-vous de terminer au moins une de mes phrases?
    Pourquoi refusez-vous de répondre à ma question?
    Madame O'Connell, M. Kenney a la parole.
    Je vais essayer de répondre brièvement, monsieur le président. Si ma collègue s'inquiète d'un manque d'estimation, elle pourrait peut-être demander à son propre gouvernement d’être franc avec les Canadiens et de cesser de cacher le coût réel de la taxe sur le carbone. Je crois comprendre que l’opposition officielle a présenté plusieurs motions demandant au gouvernement de rendre publics tous les documents pertinents et tous les résultats des estimations effectuées sur les effets qu'aura la tarification du carbone sur les frais des Canadiens. Il incombe au gouvernement d’être transparent à cet égard, et non à l’opposition en Alberta.
    Monsieur Kenney, vous êtes ici pour nous présenter votre témoignage. Quel est votre plan? Pourquoi refusez-vous de répondre à ma question au sujet de l'inaction dont vous et les conservateurs de Harper avez fait preuve pendant si longtemps et que vous souhaitez maintenir? Quel plan avez-vous élaboré pour faire face aux changements climatiques? Quel plan avez-vous élaboré pour atteindre la cible de Paris? Vous venez témoigner devant nous, mais vous ne nous parlez aucunement de votre plan et vous ne présentez aucune suggestion sur ce que le Canada devrait faire face aux changements climatiques. L'inaction ne résout pas les problèmes. Le plan des conservateurs de Harper n'a donné aucun résultat et il n'a pas fait croître notre économie. Quel plan proposez-vous pour que le Canada atteigne l'objectif de l'Accord de Paris et pour que son économie s'accroisse?
(1610)
    Rétablissons d'abord les faits, monsieur le président. Le gouvernement fédéral précédent a affiché le meilleur bilan de croissance économique de tous les pays du G7 après la crise de 2008.
    Vous inventez vos propres faits.
    Deuxièmement, monsieur le président, nous allons publier un plan exhaustif sur l’environnement en Alberta dans notre programme électoral de l’année prochaine. Cela pourrait très bien comprendre un retour au règlement sur les compteurs de gaz, qui impose un coût aux grands émetteurs pour soutenir la recherche et le développement, la science et la technologie. Je crois que la solution se trouvera dans des milliers de progrès technologiques et non par la punition...
    En réalité, vous n'avez pas établi de plan, n'est-ce pas?
    ... des consommateurs qui désirent poursuivre une vie normale. Monsieur le président, je trouve cet interrogatoire bien étrange. Ma collègue ne semble pas reconnaître qu'aucun expert n'a déclaré qu'une taxe de 50 $ sur le carbone nous aidera à nous rapprocher un tant soit peu des cibles de la Conférence de Paris sur le climat.
    Il est évident que vous ne m'écoutiez pas.
    Madame O'Connell.
    Je vais vous dire une dernière chose. Selon Environnement Canada, il faudra une taxe de 300 $ la tonne pour atteindre d'ici à 2050 la cible de la Conférence de Paris. Je suppose que nous avons là la position de ma collègue. J'espère que sa plateforme comprendra cela aux prochaines élections.
    Nous allons devoir mettre fin à cette première série de discussions. Peut-être que d’autres personnes autour de la table pourraient m’expliquer une chose. Je croyais comprendre que la loi fédérale exemptait les agriculteurs. Il me semblait que l'essence colorée de l'Alberta jouit de la même exemption que celle de l’Île-du-Prince-Édouard. Je n’en suis cependant pas certain. Quelqu’un peut-il m’expliquer ce qui se passe dans le milieu agricole? Je croyais que les agriculteurs étaient exemptés en vertu de ce projet de loi. Est-ce que je me trompe?
    Monsieur le président, si vous me permettez, vous avez raison de dire qu’en vertu de la section 2, sous-section A à l'article 2, il n'y a pas de taxe sur les carburants marqués à la ferme, mais cette exemption ne s'appliquerait pas aux autres carburants utilisés à la ferme, principalement le gaz naturel utilisé pour le chauffage. Il y a donc une exemption pour le carburant coloré, ou l'essence pourpre comme on l'appelle aussi, mais pas pour le gaz naturel et les autres carburants utilisés à la ferme.
    Oui, chez nous, on l'appelle le gaz pourpre.
    M. Poilievre a la parole pour sept minutes.
    Merci beaucoup. Je vais m'adresser d'abord à M. Kenney.
    Monsieur Kenney, vous faisiez partie d’un gouvernement qui, en plus de réduire les gaz à effet de serre, a réduit le fardeau fiscal des Canadiens et a connu la plus forte croissance économique du G7. Il a réussi à le faire simultanément. Croyez-vous qu’il soit possible de réduire le fardeau fiscal tout en faisant des progrès sur le plan de la protection de l’environnement?
    Oui, tout à fait. Je pense que c’est le consensus qui se dégage à l’échelle mondiale. C’est pourquoi le gouvernement libéral de l’Australie a abrogé la taxe sur le carbone. Je signale que le Parti travailliste de l’Australie, qui avait adopté cette mesure, a aussi renoncé à la taxe sur le carbone parce qu’il se rend compte que c'est un fardeau économique et qu'on n'y gagne rien sur le plan environnemental. Les électeurs de l’État le plus vert des États-Unis, Washington, l'ont fait savoir dans un récent référendum, et c'est aussi le cas du dernier gouvernement socialiste français, qui a décidé de ne pas augmenter la taxe nationale sur le carbone. Les sondages témoignent du fait que la grande majorité des Albertains estiment que le fait de punir les gens d'avoir simplement consommé de l’énergie dans un climat nordique froid n’est pas une stratégie efficace en matière de climat ou d’environnement. À l’heure actuelle, avec 156 000 chômeurs, ce qui leur importe, c'est de relancer l'économie, entre autres en réduisant le fardeau fiscal plutôt qu’en l’augmentant.
     Cela a augmenté au niveau fédéral. Aujourd’hui, 80 % des contribuables de la classe moyenne paient plus d’impôt que lorsque le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir, soit 800 $ de plus en moyenne. Cette proportion est censée passer à 92 % des contribuables de la classe moyenne, qui paieront environ 2 000 $ de plus selon les calculs de l’Institut Fraser. Aucun de ces calculs ne tient compte du fardeau de la taxe sur le carbone.
    Au sujet du fardeau fiscal, monsieur Beugin, vous avez dit que les dommages causés par la taxe sur le carbone à l’économie pourraient être atténués si les recettes qui en sont tirées servaient à réduire l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés. Nous avons appris récemment que la Colombie-Britannique perçoit maintenant plus de taxes sur le carbone qu’elle n’a réduit d'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés. Y aurait-il une autre administration canadienne qui aurait compensé les recettes tirées de la taxe sur le carbone par une réduction égale ou supérieure de l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés?
(1615)
    Il n’y en a pas d’exemples jusqu’à présent. Cela étant dit, le plan proposé antérieurement par l’Ontario, avant le changement de leadership, aurait inclus une politique de tarification du carbone sans incidence fiscale, dont les recettes serviraient à réduire les impôts.
    Dans le plan du Manitoba, on envisage également cette possibilité.
    D’accord, donc...
    Je n’empiète pas sur votre temps de parole, Pierre, mais si quelqu’un d’autre veut répondre à certaines de ces questions, levez la main, et je ne vous oublierai pas.
    Pierre, vous avez la parole. Votre temps de parole n'est pas écourté.
    C’est notre principale préoccupation. Nous, conservateurs, croyons à la réduction du fardeau fiscal, mais cela ne semble jamais se produire. La Colombie-Britannique était censée être un exemple de gouvernement qui compenserait la hausse des taxes sur le carbone par une réduction de l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés. Maintenant, dans cette province, le gouvernement gagne, et les contribuables perdent.
    En Ontario, non seulement le gouvernement perçoit beaucoup plus grâce à son système de plafonnement et d’échange qu’il n’accorde d’allégements fiscaux — en fait, il n’accorde aucun allégement fiscal —, mais l’argent est consacré à des programmes qui aident de façon disproportionnée les privilégiés et les riches initiés. Si vous êtes une mère célibataire de la classe ouvrière en Ontario, vos factures d’essence augmentent, mais, si vous êtes multimillionnaire et que vous avez les moyens d’acheter une Tesla électrique, le gouvernement libéral provincial vous offre une remise de 15 000 $. Voilà bien un transfert de richesse de la classe ouvrière à la classe des super-riches. Et je ne parle pas de tous les programmes de subventions aux entreprises qui sont habituellement financés sous le couvert de cadeaux verts aux entreprises: c'est, là encore, prendre à la classe ouvrière pour donner à quelques privilégiés.
    Comme vous venez de le souligner dans votre réponse, il n’y a pas une seule administration au Canada qui ait rendu les recettes de la taxe sur le carbone aux contribuables et aux entreprises.
    Monsieur Kenney, êtes-vous inquiet de l’impact que ces impôts auront sur les familles à faible revenu?
    Oui, en effet. Si les personnes les plus vulnérables... et, bien sûr, les partisans de la taxe sur le carbone disent qu'elle est compensée par des remises. L’un des problèmes de cette taxe, contrairement aux autres formes de taxe à la consommation, c’est que les coûts s'en répercutent sur l’économie et frappent le plus durement les gens ordinaires.
    Ce qui s’est passé en Alberta, en fait, c’est qu’on a transféré une partie de la taxe imposée aux grandes sociétés pétrolières qui produisent des émissions pour l’imposer maintenant aux gens ordinaires par le biais de la taxe sur le carbone.
    M. Beugin a dit que c’était une caractéristique. Je pense que c’est une anomalie. Il a fait remarquer que les multinationales pétrolières mondiales apprécient la taxe sur le carbone du NPD parce qu'elles n’ont pas à payer pour leurs propres émissions. C’est le consommateur qui en est chargé. Le problème est repoussé vers le bas de l'échelle économique.
    J’ai été surpris de constater que les partis de gauche appuient maintenant une forme d’imposition régressive, qui impose un fardeau disproportionné aux personnes à faible revenu.
    Et à ce sujet...
    Je crois que M. Leach voulait répondre.
    Ma question s’adressait à M. Kenney. Est-ce que cela va être déduit de mon temps de parole?
    Je sais. Nous vous garderons votre temps de parole.
    Monsieur Leach.
    Oui. J’aimerais beaucoup avoir des preuves que la politique de l’Alberta impose effectivement un lourd fardeau aux personnes à faible revenu. Statistique Canada n’est certainement pas d’accord. Les données de 2017 montrent que la situation de plus de 40 % des Albertains s'est améliorée. En moyenne, les 40 % d'Albertains ayant les revenus les plus faibles s'en sortent toujours mieux grâce à la combinaison de la taxe sur le carbone et des remises, y compris les effets indirects dont parle M. Kenney.
    Ensuite, si on examine les données de 2018, avant tout rajustement du crédit que j’aimerais voir venir, on constate qu’environ 35 % des Albertains, les 35 % de ménages albertains aux revenus les plus faibles, s'en sortent mieux. Ce sont les données de Statistique Canada ou leur modèle MSPS. On n'a rien inventé. Votre opinion vous appartient; les faits, non.
(1620)
     Je ne veux pas me lancer dans un débat à gauche, mais, Jason, allez-y.
    J’invite le professeur Leach à se joindre à moi. Je vais l’emmener sur la route pendant environ une journée, et nous pourrons visiter des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif qui y arrivent à peine et à qui cela impose des coûts supplémentaires énormes.
    Il aimerait peut-être participer à la campagne de financement que doit maintenant organiser le Sundre Seniors Centre pour que les aînés à faible revenu puissent payer une taxe sur le carbone qui ne cesse de s’alourdir et en contrepartie de laquelle ils ne reçoivent aucune remise ni aucun crédit. Il y a d’énormes lacunes dans la prise en compte du fardeau financier des personnes à faible revenu.
    Monsieur Poilievre, une dernière question.
    Monsieur Kenney, les investissements ont diminué dans votre province à la suite de nombreuses politiques, mais je soupçonne que cette taxe sur le carbone n’a pas aidé. Quand de grandes multinationales pétrolières quittent l’Alberta pour investir et produire dans d’autres pays du monde, cela réduit-il les émissions globales de gaz à effet de serre? Avez-vous constaté ce genre de choses au cours des dernières années?
    Nous estimons que, au cours des deux dernières années, près de 40 milliards de dollars de capitaux ont été transférés du secteur pétrolier et gazier de l’Alberta à des secteurs semblables dans d’autres pays qui n’ont pas de taxe sur le carbone, comme le Colorado, le Dakota du Nord, l’ouest du Texas, le Kazakhstan, l’Iran et d’autres producteurs de pétrole et de gaz dans le monde.
    J’ajouterais que la taxe sur le carbone a été vendue aux Albertains comme quelque chose qui produirait une soi-disant approbation sociale, qui ferait en sorte que les opposants aux pipelines et à notre secteur de l’énergie deviendraient des promoteurs et des partisans. Je n’ai pas trouvé, et le gouvernement néo-démocrate non plus, un seul gouvernement, un seul parti politique, un seul organisme environnemental ou un autre protagoniste important qui soit passé de l’opposition aux pipelines à leur appui parce qu'on avait puni les Albertains d'avoir chauffé leurs maisons en hiver.
    Monsieur Dusseault, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à l'honorable M. Kenney. Plusieurs personnes, à vrai dire surtout les conservateurs, vont nous dire qu'une apocalypse économique nous guette si nous décidons d'adopter un prix sur le carbone. Nous sommes appelés à nous prononcer sur cette question dans l'étude du projet de loi C-74.
    Pouvez-vous nous faire part de données, quelles qu'elles soient, à cet égard ou nous mentionner un pays où cela a eu un effet négatif sur l'économie? Pouvez-vous me donner un exemple pour démontrer l'argument que vous avancez?
    Certainement.
    L'Australie en est un exemple. C'est la raison pour laquelle le gouvernement libéral de l'Australie a retiré la taxe sur le carbone et que le parti travailliste de ce pays appuie cette décision.
    En Australie, les gens ont l'impression que cela n'a pas permis d'atteindre les objectifs environnementaux et que cela a nui à l'économie du pays.
    Il y a donc des données économiques qui démontrent qu'il est possible de faire un lien de cause à effet entre le prix du carbone et les indicateurs économiques à la baisse. Est-ce exact?
    Oui.
    Je dirai aussi que si les Albertains croyaient que la taxe sur le carbone aiderait la croissance économique, j'imagine que la majorité d'entre eux auraient appuyé une telle taxe. Le fait est que les deux tiers des Albertains s'opposent continuellement à la taxe sur le carbone.
    D'accord.
    J'ai une dernière question à vous poser.
    Vous avez fait référence, dans vos dernières interventions, à un lien de cause à effet entre le prix sur le carbone et l'augmentation des besoins dans les organismes communautaires et dans les banques alimentaires, donc des besoins en matière d'assistance sociale.
    Avez-vous aussi des données permettant de démontrer qu'il y a vraiment un lien de cause à effet entre le prix du carbone et l'augmentation des besoins sociaux?
(1625)
    Oui.
    Cela relève du gros bon sens. Quand le coût de chauffage du foyer, des édifices ou des installations augmente en raison de la taxe sur le carbone, c'est très difficile pour les petits organismes, les organismes à but non lucratif, les organismes de bienfaisance et même les écoles.
    La commission scolaire de Calgary procède à des coupes s'élevant à un million de dollars dans ses programmes de garderie, et le coût lié à la taxe sur le carbone de cette commission scolaire s'établit à un million de dollars par année. C'est clair que les commissions scolaires et les organismes à but non lucratif subissent la pression découlant de l'augmentation des coûts à cause de la taxe sur le carbone en Alberta.

[Traduction]

     Je vous rappelle que vous avez tous le droit d'intervenir pour manifester votre accord ou ajouter quelque chose.
    Monsieur Dusseault.

[Français]

    Pour changer un peu d'angle, monsieur Leach, vous êtes de l'Alberta. Nous avons à peine touché, effleuré, la question des rabais qui sont offerts en vertu de la politique de l'Alberta. Pourriez-vous préciser votre pensée et nous dire ce que cela représente en chiffres pour le gouvernement de l'Alberta?
    Par exemple, si le gouvernement fédéral avait un système semblable, suivant le modèle de l'Alberta, à quoi pourrions-nous nous attendre en ce qui a trait aux revenus tirés du prix sur le carbone et aux investissements faits directement dans l'économie par le consommateur, le citoyen ou par d'autres initiatives de politique verte?
    Merci de la question.
    Les chiffres dont je dispose en ce moment sont ceux indiquant l'impact sur les individus et les familles. En Alberta, par exemple, ce que nous voyons c'est que, parmi les 10 % des familles qui gagnent un revenu annuel parmi ceux qui sont les moins élevés, le coût total estimé est de plus de 218 $, d'après les chiffres de Statistique Canada, et le rabais est de 294 $. Au cours de l'année 2018, nous estimons qu'en moyenne, 10 % des familles ayant un faible revenu vont gagner 76 $ par année à cause des politiques albertaines de la taxe sur le carbone. Ces chiffres n'incluent pas les mesures financées par la taxe sur le carbone. Pour ce qui est des données agrégées, je ne les ai pas sous la main.

[Traduction]

    Monsieur Beugin
    [Difficultés techniques] L’analyse a permis d'examiner la façon dont le recyclage des revenus peut régler ces problèmes pour les ménages à faible revenu et de conclure qu'il suffirait d'utiliser environ 10 à 13 % des revenus générés par un prix sur le carbone pour que les 40 % de ménages aux revenus les plus faibles soient dans la même situation que si le prix du carbone n’existait pas. Cela laisse des revenus suffisants pour toutes sortes d’autres solutions, dont la réutilisation d’autres taxes. Cela renvoie à l’un des avantages du cadre pancanadien qui laisse aux provinces le loisir d'utiliser les revenus comme elles l’entendent, que ce soit pour répondre à ces préoccupations, pour supprimer d’autres taxes créant des distorsions ou pour obtenir d’autres avantages comme bon leur semble.

[Français]

    Je me retrouve alors avec deux versions: l'une qui veut que les familles les moins favorisées, en prenant l'exemple de l'Alberta, ont en moyenne, à la fin de l'année, plus d'argent dans leurs poches. Selon l'autre version, les besoins sociaux sont en constante augmentation et ils liés directement à la taxe sur le carbone. J'ai de la difficulté à comprendre quelle version est la vraie et de savoir s'il y a vraiment un impact sur les gens les moins fortunés.
    D'autres personnes ont-elles des commentaires à formuler ou des données à communiquer qui pourraient éclairer le débat à ce sujet?

[Traduction]

    Monsieur Ribaux.

[Français]

    Je peux vous dire que plusieurs mesures peuvent, en effet, être mises en place pour atténuer l'impact de la taxe sur le carbone sur les personnes à faible revenu. Dans un premier temps, il faut comprendre que les personnes les plus démunies consomment très peu d'énergie. Les personnes à très faible revenu n'ont pas de véhicule, par exemple, et cela est vrai partout Canada.
    Il faut surtout intervenir dans le secteur du logement. Des programmes d'efficacité énergétique ciblés peuvent être mis en place. Dans d'autres cas, certains pays ont choisi de consentir des rabais sur l'énergie et ils remettent littéralement l'argent dans les poches des personnes à faible revenu. Plusieurs mécanismes ont donc été utilisés, ici au Canada et ailleurs, par d'autres gouvernements pour faire en sorte que l'impact sur les plus démunis soit atténué.
    Évidemment, à moyen terme, l'impact en matière de coûts s'améliore souvent lorsque qu'on réussit à passer d'une énergie coûteuse à une autre qui l'est moins, par exemple, ou à isoler les logements. Toutefois, au bout du compte, nous enregistrons des économies nettes, ce qui explique sans doute les chiffres fournis par M. Leach.
(1630)

[Traduction]

    Nous allons devoir nous arrêter ici.
    Madame O’Connell.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Kenney, croyez-vous que le changement climatique est une illusion populaire et une conspiration médiatique?
    Non.
    Dans ce cas, pourquoi avez-vous embauché un directeur de campagne qui a dit exactement cela — que le changement climatique n’est rien d’autre qu’une conspiration médiatique?
    Je n’ai jamais embauché de directeur de campagne. Des bénévoles ont participé à ma campagne à la direction, et je ne sais pas tout ce qu’ils ont dit.
     Donc, pour vous, il est clair que le changement climatique n'est pas une conspiration médiatique ou de l'hystérie?
    J’ai déjà répondu à cette question par un non catégorique.
    Alors, pourquoi avez-vous dit qu’il existe un éventail légitime de points de vue sur le rôle des humains dans le changement climatique? Êtes-vous en train de dire que la remise en question du rôle de l’activité humaine dans les changements climatiques et les arguments à cet égard sont justifiés?
    Non.
    Alors pourquoi dites-vous ces choses? Est-ce que vous dites ces choses simplement pour attirer l’attention? Pourquoi les dites-vous, si vous pensez qu’elles ne sont pas vraies? Comment puis-je savoir que ce que vous dites aujourd’hui est vrai si vous dites une chose maintenant et que vous la niez plus tard?
    Monsieur le président, la députée m’a cité, puis elle a posé une question différente. Je maintiens ce que j’ai dit. Il y a débat sur l'ampleur réelle des causes anthropiques des changements climatiques, mais je suis d’accord avec le consensus scientifique selon lequel il existe des causes anthropiques très importantes. J’ai déjà dit clairement ce que j'en pensais.
    Je dois vous dire que je suis très heureuse de vous entendre dire cela aujourd’hui, sauf que vous dites constamment le contraire sur Twitter ou dans vos discours à vos partisans. Vous avez aussi dit qu’il n’y a pas de lien entre les événements météorologiques à grande échelle et les enjeux plus vastes liés aux changements climatiques.
    Pensez-vous qu’il y ait un lien ou non?
    Monsieur le président, je m’en remets généralement à l’avis des experts sur ces questions.
    Alors, pourquoi en parlez-vous ainsi en public? Devrions-nous vous croire aujourd'hui ou croire le Jason Kenney de Twitter?
    Monsieur le président, j’ai toujours été cohérent. J’accepte le large consensus scientifique sur ces questions environnementales. Le consensus économique est que si l'on veut atteindre les objectifs climatiques de Paris, on a besoin d’une taxe sur le carbone d’au moins 300 $ la tonne. Les Canadiens ne sont pas en faveur de...
    Vous êtes donc d’accord pour dire que la pollution a un prix.
    Madame O’Connell, c'est M. Kenney qui a la parole.
    J’essaie d’être très bref dans mes réponses, monsieur le président.
    Bref, il n’y a pas de réponse.
    Madame O’Connell, il a la parole.
    Je réponds très directement par « oui » ou « non », au lieu d'essayer de tourner autour du pot.
    Monsieur le président, ce que j’essaie de dire ici, c’est que je suis d’accord avec la majorité des Canadiens pour dire qu’il n’est pas justifiable de punir les gens simplement parce qu’ils mènent une vie normale, qu’ils conduisent pour se rendre au travail, qu’ils font le plein d’essence, qu’ils chauffent leur maison, qu’ils exploitent leur petite entreprise et qu’ils sont des organismes sans but lucratif. Ce n’est pas une stratégie environnementale efficace.
    Je souhaite que les partisans de ces taxes, autour de cette table et du côté du gouvernement, soient honnêtes et francs, qu'ils aient le courage de leurs convictions et qu'ils admettent que ce qu’ils veulent, c’est une taxe sur le carbone de l’ordre de 300 $ la tonne, ce qui aurait un effet énorme sur le revenu disponible des gens et sur le coût de la vie.
    M. Marshall veut intervenir.
    Est-ce que cela écourtera mon temps de parole?
    Non. Comme à tout le monde, je vais vous donner votre temps.
    Nous avons publié un rapport attestant que le Canada pourrait respecter son engagement en matière de climat. Il y faudrait un certain nombre de politiques différentes, dont une hausse du prix du carbone qui atteindrait environ 90 $ la tonne d’ici 2030. Cela supposerait d’autres politiques également, bien sûr.
    Nous avons fait preuve de transparence en le publiant. Bien sûr, il va falloir continuer à mettre en oeuvre très rapidement des politiques rigoureuses pour réduire les émissions. Dans l’étude que j’ai citée tout à l'heure, on prévoit que, grâce à ces politiques, l’économie canadienne connaîtra une croissance d’au moins 38 % d’ici 2030.
(1635)
    Madame O’Connell.
    Merci.
    Monsieur Kenney, votre députée, Angela Pitt, a écrit dans un courriel: « Le climat change constamment. Le CO2 a très peu d’impact sur l'évolution de la température. Le point de vue scientifique a souvent changé à ce sujet. »
    Monsieur Kenney, vous êtes ici et vous reconnaissez que les changements climatiques sont réels, et je suis très heureuse de vous l'entendre dire, mais, lorsque les voix qui composent votre parti sont indifférentes à la science et qu’elles la nient, comment les Canadiens peuvent-ils s’attendre à ce que vous soyez un partisan crédible de la croissance économique et de la protection de l’environnement?
    Monsieur le président, pour ce qui est de ma crédibilité, ce sera aux électeurs de l’Alberta d'en décider dans environ un an. Selon les sondages actuels, le parti que je représente a environ 35 points d’avance dans les intentions des électeurs de l’Alberta, en partie parce que...
    Mais vous êtes ici à nous demander...
    Madame O’Connell...
    La députée pose une question politique sur notre crédibilité politique. Je vous donne une réponse politique, à savoir que, dans les sondages d’opinion, la majorité des Albertains appuie le parti que je dirige. Nous verrons si cela tient jusqu’aux prochaines élections. Nous ne voyons pas d’appui concomitant aux taxes sur le carbone que la députée tente d’imposer aux Canadiens avec ce projet de loi.
     Monsieur le président, au bout du compte, la crédibilité en cause est celle de M. Kenney. Il dit une chose sur Twitter, il en dit une autre à ses partisans en congrès, puis il se présente devant le Comité et il dit encore autre chose. Il se contredit carrément.
     Je pense que le Comité doit prendre cette question très au sérieux, en ce sens que M. Kenney est seul dans ce groupe et qu'il ne traduit pas le point de vue de nombreux conservateurs en matière de tarification de la pollution. Je ne pense pas que, après les 10 dernières années, on puisse faire confiance au gouvernement conservateur ou aux conservateurs pour, à la fois, favoriser la croissance économique et protéger l'environnement. Ils n’ont aucun plan. Les conservateurs de Harper n’avaient aucun plan. M. Kenney n’a pas de plan. Il dit qu’il le publiera plus tard, mais pourquoi venir ici et ne pas en donner les détails?
    J’ai juste une question, monsieur le président.
    Excusez-moi, ce sont mes sept minutes.
    Les conservateurs continuent de nier les données scientifiques et de nier les faits. Ils aiment inventer leurs propres faits, mais ils n’ont pas de plan, et je pense, puisque M. Poilievre en parle tellement, que, si vous aviez vraiment un plan, vous le fourniriez. Ce seront bien les mêmes vieux conservateurs comme Stephen Harper qui ne font rien pour stimuler l’économie, qui ne protègent pas l’environnement et qui laissent les Canadiens se débrouiller seuls pour réparer les dégâts.
    Je pense que le véritable camouflage, c’est le camouflage du plan climatique des conservateurs, et j’aimerais bien qu’ils défendent leurs convictions et présentent une idée concrète. Voilà le camouflage. Soyez honnêtes envers les Canadiens. Dites-leur que vous n’avez pas de plan.
    Nous allons devoir nous arrêter ici et donner à M. Kenney la possibilité de...
    Vous savez comment nous fonctionnons ici. Je vais donc vous donner la possibilité de répondre
    Merci, monsieur le président.
    Nous passerons ensuite à M. Kelly.
    Allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Mme O’Connell a tout à fait raison de dire que je suis seul ici à m’opposer aux taxes sur le carbone. Heureusement, je ne suis pas seul parmi les Albertains, dont les deux tiers sont contre les taxes sur le carbone, et j’invite tous ceux qui pensent que les Canadiens admettent l'idée que punir les consommateurs est une bonne stratégie économique et environnementale à soumettre cette proposition aux électeurs. Nous le ferons l’an prochain en Alberta, et je suis très confiant quant au résultat.
    Merci.
    Monsieur Kelly, nous en sommes aux questions de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Nous avons été témoins de quelque chose d’extraordinaire à ce comité. Nous avons vu des questions difficiles posées à un témoin qui est un parlementaire, et le parlementaire y a répondu. On lui a posé une série de questions auxquelles il a répondu par oui ou par non. Il a répondu à chacune des questions de Mme O’Connell.
     Je compare cela à ce qui s’est passé ici, par exemple, jeudi dernier, lorsque le ministre des Finances était à la table et que M. Poilievre lui a demandé à maintes reprises de fournir des éléments caviardés dans le cadre d’une demande d’accès à l’information. On lui a demandé à plusieurs reprises de clarifier la situation et on lui a demandé à plusieurs reprises: « Quel sera le coût de cette taxe fédérale sur le carbone pour les familles ordinaires? » Nous n’avons pas obtenu de réponse, pas même un début de réponse, et c'est pourquoi je félicite M. Kenney d’avoir répondu aux questions du Comité. Nous ne voyons pas cela très souvent ici.
    Ma question à M. Kenney est la suivante. Vous avez passé les deux dernières années à faire campagne, et c’est extraordinaire que vous ayez réussi à unifier le mouvement conservateur, à remporter la direction de ce nouveau parti et à remporter une élection partielle. Pourriez-vous faire savoir au Comité ce que vous ont dit les Albertains ordinaires avec lesquels vous vous êtes entretenu sur ce qu’ils pensent des politiques du gouvernement fédéral concernant la taxe sur le carbone?
(1640)
     J’ai organisé près de 1 000 événements et j’ai rencontré des dizaines de milliers de personnes de tous horizons et de toutes origines dans ma province au cours des 20 derniers mois. J’ai constaté que la taxe sur le carbone suscite une opposition généralisée et passionnée, mais aussi de l’hostilité à l’égard de notre secteur de l’énergie qui, bien entendu, n'est pas seulement un des principaux moteurs la prospérité du Canada depuis plusieurs décennies, ainsi que notre produit d’exportation le plus important, mais qui joue également un rôle extrêmement important dans l’économie de l’Alberta. Grâce à leurs impôts fédéraux, les Albertains apportent un montant net d’environ 20 milliards de dollars par année au fédéralisme fiscal, et une grande partie de cette capacité fiscale est attribuable au secteur de l’énergie. Les Albertains ne comprennent pas l’idée d'engorger nos ressources et de punir les gens de vivre une vie ordinaire par des politiques comme la taxe sur le carbone.
    Cela a des effets réels sur la vie des gens, et c’est pourquoi les deux tiers des Albertains s'opposent à la taxe sur le carbone imposée par le NPD dans notre province. La Commission de l’écofiscalité, qui est l’organisme de M. Beugin, a expliqué dans un rapport récent qu’une hausse du prix du carbone est tellement importante qu’une tarification du carbone de 100 $ la tonne ne forcera pas à prendre des mesures qui coûtent 200 $ ou même des milliers de dollars la tonne. Si j’ai bien compris, M. Leach a dit — corrigez-moi si je me trompe — qu'on a besoin d’un prix du carbone de plus ou moins 200 $ la tonne, d’une stratégie de modernisation coûteuse et de beaucoup d’autres stratégies. Selon le Laurier Centre for Economic Research and Policy Analysis, une augmentation importante est nécessaire pour atteindre les objectifs d’émissions. Une réduction de 10 % des émissions sur sept ans nécessiterait un prélèvement de 175 $ la tonne. Le ministère des Finances a déclaré le 24 février 2017: « L’approche générale fera l’objet d’un examen d’ici le début de 2022 afin de confirmer la voie à suivre, y compris le maintien de l’augmentation de la rigueur » — c’est-à-dire le taux d’imposition — dans les années à venir. Dans sa note de service du 30 mars 2017, Environnement Canada indique que la taxe sur le carbone devrait être de 300 $ en 2050.
    Je vais devoir vous interrompre, sinon M. Kelly n’aura pas le temps de poser sa deuxième question.
    Désolé.
    M. Beugin veut également intervenir.
    Allez-y, monsieur Kelly.
    J’aimerais rapidement vous demander si des dirigeants municipaux vous ont parlé des contraintes budgétaires que la taxe sur le carbone impose à leurs activités, comme le chauffage des bâtiments, l’utilisation des autobus, l’utilisation des voitures de police, et toutes les choses que les municipalités doivent faire.
    L’Alberta Urban Municipalities Association et l’Alberta Association of Municipal Districts and Counties ont adopté des résolutions s’opposant à la politique actuelle du gouvernement.
    Monsieur Beugin, allez-y.
    Puisque M. Kenney a parlé du rapport, je voulais préciser que l’objectif d’un prix du carbone est d’éviter une réglementation qui imposerait ces coûts implicites plus élevés du carbone. Les coûts élevés auxquels M. Kenney a fait allusion pourraient être imposés par une réglementation, par des politiques non tarifaires remplaçant la tarification du carbone. Le but de la tarification du carbone est de se concentrer sur la réduction des émissions à faible coût, pour éviter les émissions à coût élevé.
    Monsieur Fergus, allez-y.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous les témoins qui sont ici aujourd'hui. J'apprécie leurs commentaires.
    C'est certain que je partage davantage l'avis de certains d'entre vous par rapport à d'autres, mais c'est correct et normal.

[Traduction]

    Monsieur Leach, pour dire les choses simplement, il y a des coûts à assumer pour ce que l'on fait, mais il y a aussi des coûts à assumer pour ce que l'on ne fait pas. Ne rien faire est rarement gratuit. Concernant cette tarification, qu'est-ce qui serait le plus coûteux pour les Albertains, un prix sur le carbone ou non?
    Les faits concrets ne permettent pas de répondre clairement. Je dis cela parce qu’une économie comme l’Alberta, qui est exposée au climat d’investissement mondial, qui est exposée au marché mondial, doit s’assurer, d’une part, de maintenir sa compétitivité et, d’autre part, de maintenir l’accès aux capitaux. Je vous invite en particulier à lire les commentaires de Mark Carney, de la Banque d’Angleterre. Selon lui, les entreprises, les prêteurs, les assureurs et tous les secteurs financiers, qui sont si importants pour une économie ouverte comme celle de l’Alberta, s'inquiètent désormais beaucoup plus de la question des changements climatiques.
    Comme d’autres membres du Comité le savent sûrement, en Alberta, nous avons lutté contre les campagnes de désinformation contre notre secteur d'activité, etc. Bon nombre de ces campagnes étaient fondées sur la perception que l’économie de l’Alberta était incompatible avec les mesures de lutte contre les changements climatiques. Au lieu d’intervenir pour dire que nous ne pouvions pas agir sur les changements climatiques à cause de notre secteur d'activité, nous avons expliqué que notre secteur d'activité pouvait agir sur les changements climatiques. Pourquoi pas vous? Nous avons lancé ce défi au monde entier, et c’est ce qui se passe maintenant sous nos yeux, avec, évidemment, des obstacles et à des rythmes inégaux. On ne peut pas nécessairement revenir en arrière et se faire une idée de ce qui se serait passé si on n'avait rien fait, mais je pense qu’il était impératif d’agir pour l’Alberta.
(1645)
     Eh bien, à ce sujet, monsieur Leach, à l'échelle globale, pour l’Alberta, et pour le Canada en fait, puisque le succès de l’Alberta sera le succès du Canada, dans quelle mesure cette tarification du carbone peut-elle favoriser une croissance propre, des technologies propres et des mesures d’innovation propres?
    La tarification du carbone a entre autres pour objet de favoriser l’entrepreneuriat, et c’est quelque chose que nous constatons tous les jours en Alberta. Il y a des élèves dans mes classes, chaque année, dont la réussite familiale est liée à quelque chose dont on n’entendra jamais parler aux nouvelles. La découverte d'une meilleure soupape, d'un meilleur système d'isolation des tubes d'intervention, d'une solution technique dans le secteur du pétrole et du gaz, dans le secteur de l’électricité ou dans le secteur de la technologie, leur a ouvert des possibilités. Au lieu qu’une grosse administration gouvernementale décide qu’elle sait ce qui vaut le mieux pour telle raffinerie, telle exploitation des sables bitumineux, etc., la tarification du carbone ouvre le marché aux solutions techniques propres et les invite à trouver des solutions, et, si les entreprises s'y mettent, il y a un énorme marché pour elles. Donc, au lieu d'une solution imposée par une grosse administration gouvernementale, c’est une petite solution commerciale.
    Pour faire suite à votre témoignage — et cela renvoie à ce que d'autres témoins nous ont dit —, certains diront que la tarification de la pollution en Colombie-Britannique n’a pas du tout réduit les émissions. Je sais que vous avez étudié cette question avec d’autres experts universitaires et des économistes de l’environnement. Que nous apprennent les données factuelles sur les résultats de la tarification de la pollution en Colombie-Britannique?
    Je pense que mon collègue de la Commission de l’écofiscalité l’a souligné dans sa déclaration préliminaire, mais les données indiquent que les émissions de la Colombie-Britannique seraient de 5 à 15 % plus élevées qu’elles ne le sont s'il n'y avait pas eu de taxe sur le carbone ni de politique de recyclage des revenus. La croissance économique de la Colombie-Britannique est en partie attribuable à son environnement fiscal peu élevé. C'est ce qui a permis de compenser en partie les gains d’émissions agrégées qui auraient découlé simplement de l’imposition d’une taxe sur le carbone et de l’inaction financière, mais c’est une bonne chose; c’est ce que nous voulons; nous voulons une croissance économique, mais les émissions sont beaucoup plus faibles qu’elles ne l’auraient été autrement.

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Ribaux.
    Le Québec a décidé de participer au marché du carbone, et cela est bien.
    À votre avis et selon vos recherches, en quoi cela va-t-il profiter à l'économie québécoise et à l'économie canadienne, en matière d'innovation?
    On peut dire que l'économie du Québec se porte très bien. Si l'on regarde des indicateurs, comme le taux d'emploi, on peut affirmer qu'elle ne s'est pratiquement jamais porté aussi bien. Dans ces conditions, je ne crois pas que la mise en oeuvre de la bourse du carbone ait eu un impact négatif sur l'économie. En fait, c'est plutôt positif, même si le défi du Québec est plus grand, dans un sens.
    En effet, il n'y a pas de réduction simple et facile, au Québec, étant donné que le secteur de l'électricité y est complètement « décarbonisé ». Cela signifie que ce à quoi nous devons nous attaquer pour réduire les émissions de gaz à effet de serre comporte plus de difficultés. Je parle ici du transport et de l'industrie, jusqu'à un certain point, quoique celle-ci ait fait plus que sa part au cours des dernières années pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. L'impact est positif en ce sens que nous réussissons à la fois à réduire ces émissions et à maintenir une économie qui se porte bien.
(1650)

[Traduction]

    Merci à tous.
    C'est au tour de M. Kmiec.
    Merci, monsieur le président.
    On aurait pu facilement répondre à près de la moitié des questions si le gouvernement cessait de dissimuler le coût réel de la taxe sur le carbone pour les Canadiens à faible revenu. J'entends partout parler d’abordabilité, et l’abordabilité de toute forme de taxation est une excellente question, mais surtout quand il s'agit de la taxe sur le carbone, parce qu’elle pénalise les personnes à faible revenu. C’est une taxe sur absolument tout. Je sais que M. Kenney et d’autres députés conservateurs de partout au pays disent qu'il s'agit d’une taxe sur les produits de première nécessité, et c'est bien cela.
    Le gouvernement ne cesse de dire que les gens doivent faire de meilleurs choix. Il y a un aréna à Erin Woods, dans ma circonscription, et, quand la taxe sur le carbone a été instaurée à l’échelle provinciale, les familles qui utilisaient cet aréna ont été punies et ont dû payer des frais plus élevés, des coûts plus élevés, simplement pour offrir une journée de hockey aux enfants. C’est là le problème, et, si le gouvernement cessait de dissimuler les faits, nous pourrions avoir un débat complet et comprendre l’impact réel que cela aura sur tous les Canadiens, c’est-à-dire sur l’abordabilité des activités quotidiennes, le chauffage de la maison, mais aussi le simple fait d’aller jouer au hockey.
    L’euphémisme qu’on utilise souvent, c’est qu’il y a une taxe sur tout, qu’il faut faire de meilleurs choix et que le gouvernement essaie de changer le comportement des gens. Il n’aime pas ce que veulent les gens, c'est-à-dire aller jouer au hockey, chauffer leur maison à la température qu'ils veulent. C’est ce qu'on me dit dans ma circonscription.
    Monsieur Kenney, c'est à vous encore que s'adressent mes questions. Il est évident que vous n'êtes pas d'accord pour forcer les gens à agir, pour les forcer à faire ce que le gouvernement veut qu’ils fassent, et il est évident également que beaucoup d'Albertains vous ont raconté beaucoup de choses. Pourriez-vous en parler au Comité?
     Monsieur le président, l’attitude décrite par M. Kmiec a été parfaitement incarnée par la première ministre de l’Alberta, qui, en défendant sa taxe sur le carbone, a dit que cela amènerait les gens à faire de meilleurs choix, comme prendre l’autobus. Eh bien, il y a des millions d’Albertains qui n’habitent pas là où il y a de service régulier de transport en commun, où prendre l’autobus n’est pas une option, où il est nécessaire de conduire un véhicule pour vivre une vie normale, pour amener ses enfants à leurs pratiques de hockey, pour faire l’épicerie et pour se rendre au travail. Il est également nécessaire de conduire un véhicule plus gros dans bien des milieux.
     Ce que notre premier ministre a dit à ces gens, c’est qu’ils devraient cesser de vivre normalement. C’est un jugement moral porté sur des gens qui ne sont pas irresponsables. On les punit quand on leur dit qu’ils doivent baisser le chauffage chez eux alors qu'il fait moins 30 à l'extérieur. Cela révèle la volonté du gouvernement de contrôler la vie des gens. Je pense qu’il y a là une différence philosophique fondamentale. Je crois qu’il faut donner aux gens les moyens d’être plus libres, et non pas donner au gouvernement le pouvoir de les priver de liberté.
    La dissimulation, le courrier expurgé qui ne révèle pas toute l’information, comporte en fait deux volets, car le projet de loi prévoit également un programme de remboursement. Le gouvernement de l’Alberta administre déjà un programme de ce genre. J’essaie depuis très longtemps d’obtenir plus de renseignements auprès de l’Agence du revenu du Canada, qui administre le programme de remboursement. J’ai demandé des renseignements complets sur le nombre de remboursements versés, à qui ils sont versés et combien de non-résidants de l’Alberta reçoivent ce remboursement pour l’adaptation à la lutte contre les changements climatiques en Alberta. C’est la question Q-834 inscrite au Feuilleton. Chaque fois que j’ai demandé de l’information, je ne l’ai pas reçue. Cela nuirait, paraît-il, aux relations avec le gouvernement de l’Alberta.
     Monsieur Kenney, après que vous aurez remporté l'élection en 2019, comme je l’espère et comme bon nombre de mes électeurs l'espèrent, vous engagerez-vous également à divulguer et à confirmer toute l’information sur la façon dont le remboursement a réellement fonctionné dans la province, plutôt que de faire ce qu’on fait actuellement, à savoir dissimuler l’information jusqu’à la note de service expurgée qu’on refuse de divulguer?
    Oui, absolument.
    Merci.
    M. Saul voulait également intervenir.
    Je pense qu’il y a là, en effet, une différence philosophique fondamentale. Que savons-nous vraiment? Nous savons que les pays qui en font le plus dans ce domaine — des pays comme l’Allemagne et la Norvège — s’en tirent parfaitement bien sur le plan économique. Le ciel ne leur est pas tombé sur la tête. Les faits attestent qu’on peut obtenir de très bons résultats économiques si on prend ce problème au sérieux.
    Nous savons aussi que les provinces du Canada, comme le Québec et la Colombie-Britannique, qui essaient d’aller de l’avant se portent parfaitement bien sur le plan économique et prennent des mesures pour protéger les personnes les moins favorisées dans leur province, contrairement à ce qui se fait dans bien d’autres provinces.
    Nous savons aussi, par contre, que nous avons un grave problème sur les bras. Si vous croyez vraiment à la science — et je pense que c’est là qu’entre en jeu la différence philosophique fondamentale —, vous devez conclure qu’il serait imprudent et irresponsable de continuer dans la même direction, que cela compromettrait irrémédiablement le bien-être de nos enfants et que cela causerait un préjudice probablement sans précédent à notre économie et aux générations futures, sans compter le fait que les gens les plus pauvres du monde, et les moins responsables du problème, sont ceux qui seront les premiers et les plus touchés si nous n’agissons pas.
     La différence philosophique fondamentale dont je parle est la suivante: vous souciez-vous vraiment du problème? Vous souciez-vous vraiment de ce que la science nous dit ou des conséquences de l’inaction? Si c’est le cas, le secret n'en est pas un. Quand on examine la situation des pays qui font des progrès dans ce dossier, qu’ont-ils en commun? Ils essaient. Les pays qui se préoccupent de ce problème, qui prennent des mesures pour le régler et qui réussissent à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à promouvoir l’économie de l’énergie propre du XXIe siècle ont finalement en commun qu’ils essaient.
     Donc, si tout le monde autour de cette table se soucie vraiment de ce problème, si nous ne souffrons pas d'une division philosophique sur cette question, alors tous les partis représentés ici ont la responsabilité de proposer un plan qui traduise leur volonté d'essayer de régler ce problème. Faute de plan, il est très difficile d’en arriver à la conclusion que nous partageons effectivement un même souci à ce sujet.
(1655)
    Merci de ces commentaires, monsieur Saul. Nous allons devoir nous arrêter ici.
    Monsieur Sorbara.
     Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à tous. La conversation de cet après-midi a été très instructive et animée.
    J’ai deux ou trois choses à dire. J’entends constamment parler de l’économie. Je sais que, pour les résidants de ma circonscription, l’économie est la chose la plus importante, parce qu'ils tiennent à garantir un avenir prometteur à leurs enfants.
    J’ai suivi l’économie pendant plus de 20 ans de ma vie— et, monsieur Leach, j’ai lu une bonne partie de votre documentation, ainsi que les documents de mon professeur, Mark Jaccard, de l’Université Simon Fraser — et je pense à la situation de l’économie canadienne, puisque 85 % des provinces appliquent maintenant un système de tarification du carbone ou un mécanisme quelconque. Nous nous en tirons très bien, et cela a été confirmé la semaine dernière. Le rapport d'A.T. Kearney est sorti, et le Canada est la deuxième destination favorite des investissements directs étrangers dans le monde.
     M. Kenney et moi avons visité la belle province de l’Alberta. Je suis originaire de la côte Ouest. Nous avons visité le centre industriel de l’Alberta. Étant donné le nombre d’investissements engagés dans les entreprises de polypropylène et de propylène qu'IPL a annoncés et le nombre de possibilités qui s’offrent là-bas, nous savons qu’il y a une activité phénoménale dans cette région de l’Alberta.
    J’ai parlé du secteur pétrolier et gazier. Je ne pose pas de questions; j’y reviendrai dans un instant.
    La question que j'ai pour M. Leach est la suivante. Si on examine les données empiriques et la direction prise par le secteur d'activité... Prenons l’exemple de Daimler, en Allemagne, qui est en train de remplacer toute sa flotte de camions, ceux que vous voyez sur les routes de l’Alberta et de l’Ontario, par des camions électriques. Ils comprennent... M. Kenney a parlé de tourner autour du pot. J’aime bien l'idée de savoir où on en est et de s'assurer qu'on y est.
    Monsieur Leach, l’innovation, oui, mais il nous faut un mécanisme de tarification du carbone pour nous attaquer à la racine du problème.
    D’accord. Je suppose que, si l'on avait quelques Albertains ici présents, on aurait besoin d’une référence à Gretzky.
     Je peux dire et redire que, si on veut un programme qui fait ce dont nous avons parlé aujourd’hui, qui n’augmente pas nécessairement la taille ou le rôle du gouvernement et qui récompense l’entrepreneuriat, on a, en fait, quelques alternatives.
     La première solution est de financer directement l’innovation. Une autre est de créer un marché pour ces innovations et de laisser nos entrepreneurs s’en occuper. Les données économiques ne cessent de confirmer que la tarification du carbone favorise davantage l’innovation que les autres politiques à notre disposition.
    Exactement.
    Je suis économiste de profession. Ce qui me tient à coeur, c’est que les Canadiens travaillent et réussissent.
     Ce que je sais aujourd’hui, c’est que le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis 40 ans. Nous avons créé près de 600 000 nouveaux emplois. Nous sommes en train d'instaurer l'allocation canadienne pour les travailleurs. Nous avons fait campagne en promettant de mettre un prix sur le carbone à l’échelle nationale, mais ce qui est merveilleux, c’est que chaque province peut décider d'utiliser ces revenus comme elle l'entend.
     Je suis tout à fait en faveur d’une tarification du carbone sans incidence sur les recettes. La Colombie-Britannique l’a adoptée il y a très longtemps, et elle s’en est remarquablement bien sortie.
    Je comprends la différence entre corrélation et causalité. Je comprends, mais, par ailleurs... Je voudrais bien savoir. Les émissions de la Colombie-Britannique, si on veut parler d'infléchir la courbe, ont été infléchies par l’introduction d’un prix sur le carbone.
    Peut-être pourriez-vous en parler, s'il vous plaît.
(1700)
    Bien sûr.
    Vous revenez à la question de la neutralité budgétaire, ou à la question de savoir — et c'est ainsi que j'aime à y réfléchir — si on augmente ou modifie la taille globale du gouvernement.
     Il y a vraiment ici une politique qui permettra à la fois de mettre en oeuvre de solides incitatifs à l’innovation verte et de garder la taille du gouvernement identique ou inférieure, c’est-à-dire de fixer un prix du carbone que vous rembourserez par l’entremise de crédits ou de réductions d’impôt. C’est certainement une proposition stratégique.
     L’autre solution, ce sont d'importantes subventions financées par le gouvernement, des mesures de réglementation, etc., qui augmentent la taille et le rôle du gouvernement.
    Je donne la parole à M. Kenney.
    Je vais intervenir très rapidement à ce sujet.
    La théorie est excellente, mais la réalité est complètement différente.
     Le gouvernement néo-démocrate de l’Alberta a annoncé que l'augmentation de sa taxe sur le carbone de 30 à 50 $ la tonne visant à respecter ce projet de loi ne sera pas assortie d'une augmentation progressive des remboursements, et, donc, la prétendue progressivité... Il n’y aura pas de réductions d’impôt compensatoires. On n'a pas prévu de réductions dans la réglementation.
     Quant à la théorie selon laquelle il y aura toujours des remboursements, il y aura toujours des réductions d’impôt proportionnelles et il y aura toujours une réduction dans la réglementation, on voit bien que c'est le contraire qui se produit dans le monde réel de l’Alberta aujourd’hui.
    Parlons de la pratique par opposition à la théorie: vous avez parlé des émetteurs de gaz désignés, c’est-à-dire d'un prix sur le carbone pour les grands émetteurs qui n'est pas sans incidence sur les recettes. On s'est tourné vers un fonds public, très semblable au plan Prendre le virage qui a été proposé à l’époque où vous étiez au pouvoir, c'est-à-dire l’un des nombreux systèmes de tarification du carbone proposés pendant cette période. Cela ne compense pas les autres taxes. Cela ne réduit pas la taille du gouvernement. En fait, on confie à un organisme quasi gouvernemental le rôle d’attribuer des fonds aux gagnants de son choix.
     Je comprends bien que M. Leach défende les sociétés pétrolières multinationales. J’aimerais qu’il défende avec autant de passion les Albertains à faible revenu qui devront maintenant payer la taxe sur le carbone sans le remboursement qu’il a recommandé.
    Ce n’est pas vrai du tout.
    L'hon. Jason Kenney: Comment cela?
    M. Andrew Leach: [Inaudible]
    D’accord, encore un débat privé.
    Monsieur Sorbara, une dernière question.
    Messieurs, j'aimerais avoir votre attention, s’il vous plaît, j’adore les débats animés. C’est une belle caractéristique des Canadiens.
    À la Commission de l’écofiscalité — et je m’excuse auprès des autres témoins —, vous et moi avons discuté à maintes reprises de cette question avec M. Ragan. Le mécanisme mis en place pour atteindre nos objectifs en vertu de l'Accord de Paris comporte plusieurs volets. Ce n’est pas une seule mesure. Une bonne partie de ce travail se fera grâce à l’innovation, grâce aux nouvelles technologies qui vont entrer en jeu. Je fais référence à ce que Daimler et VW font en Allemagne avec leurs automobiles: ils adoptent des véhicules électriques.
    Ne croyez-vous pas? N’est-ce pas dans cette direction qu'il faut aller?
    Je pense qu’il y a des avantages évidents à adopter une politique maintenant plutôt que d’attendre. Plus on attend, plus il sera coûteux d’apporter ces changements.
    Pour ce qui est de savoir exactement où va le marché, le grand avantage de la tarification du carbone, c’est qu’il n’est pas nécessaire de le savoir avec certitude. On peut se faire une idée du marché, fixer les prix et laisser le marché réagir, laisser les entreprises circonscrire les possibilités qu'elles envisagent. Les entreprises choisissent où elles veulent élaborer de nouvelles technologies et de nouveaux processus pour réduire les émissions à moindre coût. C’est ainsi que fonctionne la tarification du carbone.
    Exactement, et nous voulons que l’environnement attire les investissements. Nous sommes au deuxième rang dans le monde, tout de suite après les États-Unis.
    Merci à tous.
     J’aimerais faire une observation. De mon point de vue, nous avons eu une très bonne discussion. Le Canada sera exclu de la solution si nous ne nous attaquons pas au problème des changements climatiques, mais je dirais à tous ceux qui manifestent contre nos pipelines et la capacité d’acheminer nos ressources vers les marchés que ce n’est pas non plus une solution.
    Pour que des provinces comme l’Alberta et d’autres se rallient à nous, je pense qu’elles doivent voir que les gens du milieu environnemental sont d’accord pour nous permettre de faire face aux changements climatiques. Nous devons aussi acheminer nos produits vers les marchés. Je me demande simplement parfois si, dans ce pays... Nous avons des ressources naturelles comme nul autre pays, et pourtant nous ne trouvons pas le moyen d’acheminer nos produits vers les marchés, et nous pouvons le faire en réduisant les gaz à effet de serre.
    Jason, je sais, comme vous, combien les questions fédérales-provinciales sont difficiles, mais notre pays a plus de possibilités que tout autre au monde en matière de ressources naturelles, sans compter la taille de notre pays et tout le reste. Nous devons trouver une solution qui tienne compte à la fois des changements climatiques et de la capacité d’acheminer nos ressources vers les marchés et nous devons faire ce qui s’impose pour nos enfants et nos petits-enfants. Voilà où je veux en venir.
    Merci à tous pour cette discussion très animée. Je terminerai en disant que nous devons trouver un moyen de réunir toutes les parties et de trouver une solution.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour accueillir le deuxième groupe de témoins.
(1705)

(1710)
     Chers collègues, reprenons le travail. Comme tout le monde le sait, nous étudions le projet de loi C-74, Loi d’exécution du budget du 27 février 2018.
    Bienvenue aux témoins de cet après-midi. Nous allons commencer par la Coalition du budget vert. Bienvenue, monsieur Van Iterson.
     Merci beaucoup. Monsieur le président, honorables membres du Comité, je vous remercie tous d’avoir invité la Coalition du budget vert à prendre la parole devant vous aujourd’hui.
    La Coalition du budget vert est active depuis 1999. Elle est vraiment unique parce qu'elle réunit l’expertise de 20 des principales organisations environnementales du Canada, dont de nombreux groupes que vous connaissez bien, comme Canards Illimités, Conservation de la nature Canada, la SNPC et Nature Canada, qui représentent collectivement plus de 600 000 Canadiens des régions urbaines et rurales d’un océan à l’autre.
    La Coalition du budget vert a pour mission de présenter une analyse des questions les plus pressantes concernant la durabilité de l’environnement au Canada et de formuler une série de recommandations annuelles consolidées au gouvernement fédéral sur les possibilités budgétaires et financières stratégiques. Nous travaillons sur un large éventail de questions, dont les changements climatiques, l’énergie, la conservation de la nature, la santé des Premières Nations et les questions relatives à l’eau douce et aux eaux usées.
    Aujourd’hui, j’aimerais aborder deux points. J’aimerais parler, bien sûr, de la tarification du carbone, mais aussi des progrès importants que traduit le budget de 2018. Je me fais vraiment l’écho des messages qui figuraient dans nos recommandations pour le budget de 2018, que nous vous avons fait parvenir l’an dernier et dont nous avons discuté avec les hauts représentants de vos partis respectifs.
    J’aimerais d'abord exprimer la vive reconnaissance de la Coalition du budget vert pour l’investissement de 1,3 milliard de dollars sur cinq ans prévu dans le budget de 2018 pour créer et gérer des aires protégées et protéger des espèces en péril. Cet investissement fédéral sans précédent pourrait changer la donne dans la conservation de la nature au Canada et pourrait aider le Canada à passer du statut de traînard à celui de chef de file dans la conservation des terres et des aires marines.
    Nous apprécions également les autres mesures de financement prévues dans le budget de 2018, en particulier le milliard de dollars pour les lois environnementales, le nouveau financement pour les systèmes d’eau potable et de traitement des eaux usées à l'intention des Premières Nations, la protection des espèces de baleines, la mise en œuvre et l’application du système fédéral de tarification du carbone, et la science et la recherche.
    La façon dont cet investissement historique de 1,3 milliard de dollars sera réparti déterminera si le Canada respecte son engagement de protéger au moins 17 % de notre paysage et 10 % de nos océans d’ici 2020, afin de dépasser considérablement cet objectif à long terme et de rétablir les espèces en péril. Dans l'esprit de ses recommandations antérieures, la Coalition encourage le gouvernement à attribuer la majeure partie de ce financement à des partenariats en appuyant la participation des gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones, ainsi que d’autres partenaires, notamment pour les parcs provinciaux et les aires protégées autochtones, et à réserver le reste du financement à l’expansion et à la gestion plus efficace des réseaux fédéraux d’aires protégées.
    La Coalition et ses membres souhaitent vivement poursuivre le dialogue constructif que nous avons eu avec vous, avec vos collègues et avec les représentants du gouvernement afin de maximiser l’impact de cet important investissement fédéral.
    Deuxièmement, en ce qui concerne la tarification du carbone, j’aimerais réitérer l’appui solide et de longue date de la Coalition du budget vert à la mise en oeuvre d’un prix efficace pour les émissions de gaz à effet de serre. Les changements climatiques représentent un risque majeur pour les Canadiens, pour la nature qui leur est chère et dans la protection de laquelle les gouvernements qui se sont succédé au fil des ans ont investi massivement. La tarification du carbone est un élément important de tout plan de lutte contre les changements climatiques, car elle applique le principe du pollueur-payeur et incite les entreprises et les particuliers à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, à se tourner vers des sources d’énergie plus propres et à contribuer à l’élimination progressive des combustibles fossiles. Nous sommes en faveur, à la fois, d’une tarification du carbone, de mesures protégeant les Canadiens financièrement vulnérables, et de mesures ciblées, transparentes et temporaires tenant compte des impératifs de la compétitivité.
    En plus d’autres mesures gouvernementales solides, la recherche montre qu’un prix du carbone qui continuerait d’augmenter chaque année jusqu’en 2030 est nécessaire pour que le Canada atteigne ses objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Plus tôt nous prendrons des mesures concrètes et efficaces pour lutter contre les changements climatiques, plus elles seront efficaces et moins elles coûteront cher aux Canadiens. Appuyer la mise en œuvre d’un prix efficace sur le carbone dès maintenant est une mesure importante que vous serez fiers d'avoir prise quand vous y repenserez dans quelques années.
    Pour conclure, j’aimerais vous remercier tous d’avoir invité la Coalition du budget vert à comparaître devant vous aujourd’hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
(1715)
     Merci beaucoup.
    Passons maintenant à l’Institut Macdonald-Laurier, représenté par M. Cross, agrégé supérieur. Bienvenue.
     Merci de m’avoir invité de nouveau.
    Les sondages qui montrent que la majorité des Canadiens ne sont pas au fait ou n’ont jamais entendu parler de la taxe sur le carbone sont révélateurs de l’écart qui sépare ces derniers des élites largement bureaucratiques et universitaires partisanes de cette taxe. Depuis presque trois ans, les gouvernements et certaines autorités pro-taxe, par exemple la Commission de l’écofiscalité, tiennent les rênes de ce débat et offrent un financement et un support médiatique bien au-delà de tout ce que pourraient espérer pour eux-mêmes les groupes de pression à la défense de l’industrie fossile. Toutefois, malgré cet énorme avantage, l’opinion publique n’a pas bien compris ce qui est en jeu ni ne s’est ralliée à la cause.
    Le principal argument économique à l’appui d’une taxe sur le carbone tient au fait qu’elle peut améliorer le régime fiscal. Cependant, plusieurs conditions doivent être rigoureusement respectées, notamment la neutralité en matière de recettes, ce qui signifie que chaque dollar recueilli au titre de la taxe sur le carbone doit être contrebalancé par une baisse équivalente de l’impôt sur le revenu ou des charges sociales. Ces promesses ont vite été oubliées, ce qui a montré qu’il ne s’agit là en fait que d’une source supplémentaire de recettes fiscales propre à attiser l’antagonisme de ceux que l’économie préoccupe. Parallèlement, les réductions d’émissions promises ne sont plus à la hauteur puisque les droits ne seront pas suffisants pour modifier les habitudes, une source de désillusion pour les environnementalistes — sauf certains d’entre eux. La taxe sur le carbone n’a pas rapproché ces deux groupes opposés, à la défense de l’environnement dans un cas et de l’économie dans l’autre et donc, ne s’est pas mérité le permis social requis pour la construction de pipelines. Enfin, l’élection aux États-Unis d’un gouvernement désintéressé par l’adoption de sa propre taxe sur le carbone signifie que nos entreprises auront inévitablement à faire face à des coûts de l’énergie plus élevés qui vont détériorer leur position concurrentielle, sans possibilité de réduction des émissions continentales, un exercice coûteux et futile dans l’ensemble.
    Pour un pays commerçant comme le Canada, relever les coûts de la production intérieure sans taxer les importations en fonction de leur contenu en carbone pénalisera les producteurs nationaux. En effet, les émissions pourront effectivement diminuer au Canada, mais, dans l’éventualité où la production se déplacera tout simplement vers les pays où les normes sont moins élevées, la taxe canadienne n’aura aucun effet sur les changements climatiques. Pendant ce temps, les exportateurs se retrouveront désavantagés vis-à-vis des producteurs américains.
    Sur le plan pratique, les partisans de la taxe n’ont pas rendu public le niveau de taxe permettant au Canada de respecter ses engagements en matière de changements climatiques. Les arguments en faveur de la taxe sur le carbone se sont révélés fallacieux. Ses tenants ont rarement discuté publiquement du niveau suffisamment élevé qui serait requis pour atteindre les cibles plus faibles d’émission, si c’est le but qui est réellement visé. Le taux actuel de 50 $ la tonne représente-t-il un plafond à long terme? Et dans l’affirmative, ils admettent ensuite que ce sont les avancées technologiques et la mise en place de réglementations qui feront le plus décroître les émissions, car le plafond de 50 $ modifiera très peu les comportements, compte tenu de l’inélasticité de la demande. Ou, encore, prévoit-on relever le plafond à 200 $ la tonne, niveau le plus susceptible, selon les économistes honnêtes, d’entraîner des changements sociétaux assez importants pour influer de façon notoire sur les cibles de réduction? Or, exprimer les choses de cette manière pose le risque de s’aliéner l’appui du public, ce qui explique pourquoi on le fait rarement. Les Canadiens peuvent habituellement faire la part des choses quand on ne s’adresse pas à eux de manière franche et directe.
    Les politiciens les plus favorables à la taxe sur le carbone sont identifiés aux gouvernements de gauche, par exemple ceux de l’Ontario et de l’Alberta. L’enjeu s’est donc politisé, ce qui a nui à l’attrait potentiel de la taxe auprès de la population en général, soucieuse des changements climatiques, mais hostile à une taxe sur le carbone. Les partisans de la taxe ne se sont pas aventurés hors de la chambre de résonnance des sympathisants de gauche pour chercher à obtenir un soutien plus généralisé. Ils ont déclaré victoire en traitant leurs opposants de fossiles, relents d’une époque dépassée. Au lieu de cultiver un appui généralisé, les partisans de la taxe sur le carbone sont restés à l’abri d’une Chambre d’écho avec leurs partisans de gauche et ont déclaré victoire tout en diabolisant les opposants comme des fossiles à l’ombre d’une autre époque.
    Sans soutien politique de toutes tendances pour assurer sa viabilité à long terme, la taxe risque d’être éliminée avec l’élection de ses opposants. La TPS montre d’ailleurs à quel point il est facile de gagner des élections en promettant de réduire ou d’éliminer une taxe impopulaire, même si elle est universellement acclamée par les universitaires et les bureaucrates. L’incapacité à rallier toutes les tendances politiques, une avenue nécessaire pour légitimer la taxe sur le carbone et la protéger des résultats d’élections, diminue son efficacité, la qualité censée représenter précisément son avantage premier. L’empressement à imposer une taxe sur le carbone avant de gagner le soutien adéquat de la population diminue son efficacité, parce que même une fois mise en place, sa viabilité sera mise en doute par la population qui ne consentira donc pas aux efforts requis pour changer ses habitudes de vie afin améliorer l’efficience énergétique en plus de réduire sa consommation.
    La taxe sur le carbone est aussi impopulaire parce que les politiciens, atteints de myopie et assoiffés de recettes fiscales, ont refusé de la contrebalancer en réduisant d’autres taxes. Plus important, elle impose des coûts immédiats à la grande majorité de Canadiens qui utilisent toujours leur voiture pour se rendre au travail et chauffent encore leur maison grâce à l’énergie fossile, alors que les bénéfices ne se feront sentir que dans plusieurs décennies. Enfin, les gouvernements fédéral et albertain doivent être tenus responsables pour avoir manqué à leur promesse de mettre en place une taxe pouvant se mériter un permis social pour la construction de pipelines, le projet Kinder Morgan en constituant le dernier exemple.
    Les hypothèses scientifiques à la base de la taxe sur le carbone présentent deux défauts majeurs. Tout d’abord, elles partent de l’idée qu’ajuster les prix est la meilleure façon d’influer sur les habitudes à long terme. Cette position fait abstraction du fait que le miracle du capitalisme ne tient pas dans l’allocation efficace des ressources grâce au système de prix — même si c’est certainement une de ses caractéristiques —, mais plutôt dans sa capacité inégalée jusqu’à maintenant à favoriser continuellement l’innovation et les changements technologiques.
(1720)
     Pour ralentir les changements climatiques, il faudra des technologies transformantes et non pas de petits ajustements opérés sur les prix relatifs par les gouvernements. Le fait que nos connaissances sur le fonctionnement de l’économie soient limitées dans ce domaine, portant essentiellement sur la modélisation du système de prix et non pas sur l’innovation, explique en partie notre scepticisme à l’égard de l’économie et nos efforts à comprendre l’innovation plutôt que les domaines limités et moins importants que l’économie estime comprendre.
    Enfin, après avoir prétendu qu’ils détiennent la preuve établissant que la taxe sur le carbone constitue la manière la plus efficace d’atteindre les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’atténuer les changements climatiques — au moyen de la taxe sur le carbone ou d’un autre mécanisme —, les partisans de la taxe sur le carbone ont supposé qu’il s’agit du meilleur moyen d’améliorer la condition humaine. Pourtant, Bjorn Lomborg, environnementaliste sceptique d’un style unique, a réuni un groupe d’experts pour se pencher sur la question de savoir comment distribuer les ressources limitées afin d’en tirer le meilleur parti possible. La lutte aux changements climatiques arrive au 17e rang parmi 30 initiatives, après l’alimentation des enfants d’âge préscolaire, les immunisations accrues, la lutte contre la malaria, la hausse des rendements agricoles et les systèmes de détection améliorés pour les désastres naturels, comme les tsunamis et les tremblements de terre. Les changements climatiques arrivent au bas de la liste parce que leurs coûts économiques sont considérables alors que leurs bénéfices, prévus pour des décennies plus tard, sont incertains.
    Nous avons de nombreux besoins pressants qui peuvent être résolus plus efficacement que les changements climatiques à l’aide des technologies existantes.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Cross.
    Écoutons maintenant Mme Turcotte, analyste principale à l’Institut Pembina.
    Bienvenue.
    J'aimerais remercier le Comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je m'appelle Isabelle Turcotte et je suis analyste principale à l'Institut Pembina. Nous sommes un groupe de réflexion national non partisan qui préconise des politiques efficaces et solides pour appuyer la transition du Canada vers l'énergie propre, ce que nous faisons depuis plus de 30 ans.
    Je me limiterai aujourd'hui à la partie 5 du projet de loi. Historiquement, le Canada a malheureusement toujours manqué à ses promesses en matière de climat. Nous nous sommes retirés de Kyoto et nous sommes en voie de rater notre objectif de Copenhague. Nous avons fait une autre promesse à Paris et, en collaboration, plus d'un an après notre retour de Paris, nous avons élaboré un nouveau plan pour tenir cette promesse. La commissaire à l'environnement et au développement durable du Canada a qualifié ce plan de « probablement l'un des meilleurs plans que nous ayons vus jusqu'à maintenant ».
    C'est une excellente nouvelle pour les Canadiens qui, selon un récent sondage, veulent des mesures crédibles pour lutter contre les changements climatiques. Effectivement, ce sondage a révélé que la moitié des Canadiens n'envisageraient de voter que pour un parti déterminé à lutter contre les changements climatiques. Quatre-vingt-onze pour cent des Canadiens croient que nous avons une responsabilité morale de le faire pour les générations futures.
    Soyons clairs au sujet de nos options. Il y a trois options stratégiques pour réduire la pollution par le carbone. Premièrement, il s'agit de tarifer le carbone, ce qui se traduira par des réductions des émissions fondées sur le marché en raison d'un signal du prix. Deuxièmement, il faut réglementer des mesures précises qui entraînent des réductions des émissions, par exemple, le nouveau règlement fédéral sur le méthane. Troisièmement, il y a le soutien financier et les subventions pour l'innovation et la mise en place de la technologie de réduction des émissions. Par exemple, il y a le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, ce qui aidera les provinces à tirer parti des investissements dans la croissance propre. Le plan climatique du Canada combine les trois options.
    Selon l'économiste et lauréat du prix Nobel Joseph Stiglitz, une tarification du carbone bien conçue est un élément essentiel de toute stratégie de réduction efficace des émissions.
    Voici quatre raisons pour tarifer la pollution par le carbone.
    Premièrement, c'est la voie la moins coûteuse. Comme l'a mentionné mon collègue de la Commission de l'écofiscalité, la tarification du carbone sous-entend non seulement des coûts inférieurs à ceux d'autres approches stratégiques, mais le coût pour le PIB est faible en termes absolus. Deuxièmement, elle permet à l'industrie de choisir sa propre voie. Troisièmement, elle offre stabilité et prévisibilité. La tarification du carbone donne ce signal constant afin de promouvoir les investissements dont nous avons besoin aujourd'hui pour créer cette économie compétitive à faibles émissions de carbone. Quatrièmement, elle assure la transparence et l'équité. La tarification du carbone se veut un reflet du principe du pollueur-payeur et contribue à répartir équitablement les coûts et les avantages, à éviter des fardeaux disproportionnés sur les groupes vulnérables pour le recyclage des recettes. Comme on l'a dit plus tôt, seulement de 10 à 12 % des recettes provenant de la tarification du carbone sont nécessaires pour répondre aux préoccupations d'équités pour les 40 % de ménages les plus pauvres.
    La tarification du carbone est en train de devenir la norme partout dans le monde et, du point de vue de la compétitivité économique, le Canada ne peut pas être laissé-pour-compte. Heureusement, en 2017, la tarification de la pollution par le carbone est devenue une politique économique dominante au Canada. Des régimes de tarification sont maintenant en place dans les quatre plus grandes provinces. Le même sondage que j'ai mentionné tout à l'heure a révélé que 78 % des Canadiens sont en faveur de la tarification du carbone.
    Voici ce que nous savons des répercussions de la tarification du carbone dans ces provinces. En 2017, le Québec, l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique ont été les quatre provinces les plus performantes au niveau du PIB. Les données réfutent carrément l'idée fausse selon laquelle la tarification du carbone nuit à la compétitivité et à la croissance économiques. En Colombie-Britannique, la taxe sur le carbone a généré un avantage net pour les contribuables et réduit les impôts sur l'emploi, l'investissement et la croissance économique. La taxe sur le carbone en Colombie-Britannique n'a pas touché de façon disproportionnée les ménages à faible revenu. En fait, c'est plutôt le contraire, c'était progressif.
    Le gouvernement fédéral va maintenant de l'avant pour s'assurer que la tarification du carbone est appliquée partout au Canada, mesure que nous appuyons d'ailleurs. Selon le gouvernement fédéral, une tarification pancanadienne du carbone réduirait la pollution par le carbone de 80 à 90 millions de tonnes d'ici 2022. Notre propre analyse à Pembina, à l'aide de notre simulateur de politique énergétique, qui est le premier outil à accès libre du Canada, montre que des réductions encore plus importantes sont possibles. Pour mettre en perspective ces 80 à 90 millions de tonnes, le Canada doit réduire ses émissions d'environ 215 millions de tonnes d'ici 2030. Cela ne peut se faire sans la tarification du carbone.
    Pendant que nous sommes dans cette salle, des diplomates canadiens terminent une autre journée de négociations dans le cadre des consultations intersessions à Bonn, représentant le Canada, collaborant de bonne foi à la mise en œuvre de l'Accord de Paris. La tarification du carbone est l'un des moyens les plus directs dont dispose le gouvernement du Canada pour aider ses propres diplomates à faire le travail très difficile, mais important, de convaincre le reste du monde que nous sommes capables de respecter nos engagements en matière de climat.
    Merci.
(1725)
    Merci beaucoup, madame Turcotte.
    Nous passons maintenant à M. Elgie, de l'Institut pour l'IntelliProspérité. Il est professeur à l'Université d'Ottawa.
    Bienvenue.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invité.
    Je suis ici aujourd'hui à deux titres. Je suis le président de l'Institut pour l'IntelliProspérité de l'Université d'Ottawa, qui est l'un des principaux groupes de réflexion et instituts de recherche sur l'environnement économique au monde. Nous comptons sur plus de 100 des meilleurs chercheurs au monde dans le domaine de l'innovation et de la croissance propre. Nous venons d'obtenir la plus importante subvention de recherche du CRSH, qui nous permettra de passer six ans à travailler avec cet organisme pour essayer de déterminer comment stimuler l'innovation et la croissance propre dans l'ensemble de l'économie.
    Deuxièmement, notre conseil de direction compte 30 PDG de divers secteurs de l'économie canadienne, mines, forêts, pétrole et gaz, banques et d'autres, qui partagent cette ambition.
    Aujourd'hui, j'aimerais aborder deux points essentiels. Premièrement, pourquoi la tarification du carbone est-elle importante pour l'économie canadienne? Deuxièmement, pourquoi est-ce la façon la plus rentable de réduire les émissions? S'il me reste une minute, j'aimerais ajouter quelques mots au sujet d'un incitatif fiscal.
    Permettez-moi de passer à mon premier point.
     La tarification du carbone est une bonne idée non seulement pour l'environnement, mais aussi pour l'économie du Canada. Ne me croyez pas sur parole. Voici ce que dit une lettre adressée récemment au premier ministre et aux premiers ministres des provinces et territoires par un groupe de PDG éminents de partout au Canada:
Bâtir une économie performante et à faibles émissions de carbone représente à la fois une occasion de croissance unique et une responsabilité environnementale cruciale pour le Canada...
Les principaux acteurs économiques mondiaux travaillent ardemment à la mise sur pied d'économies plus propres et plus innovantes, animés par la volonté de faire face à la concurrence dans un environnement commercial en évolution et dont le potentiel de retombées positives sur la croissance de l'ensemble de l'économie canadienne [y compris les secteurs des ressources et de la fabrication]...
... avant toute chose, la tarification du carbone, afin de refléter les coûts environnementaux réels, est un outil clé pour réduire les émissions, stimuler l'innovation et favoriser l'efficacité énergétique...
... les fonds peuvent être utilisés pour se rapprocher de nos objectifs en matière de climat et de compétitivité...
[La tarification du carbone constitue un élément essentiel de] l'alliance de [...] politiques (mesures incitatives, infrastructures et investissements) [nécessaires]... pour encourager les innovations vertes, qui sont la clé des solutions aux défis environnementaux et du maintien de la compétitivité et de l'emploi canadiens dans un monde sobre en carbone.
    Cela nous vient de radicaux environnementaux comme John Manley; des dirigeants d'associations des minières, des forêts et de l'aluminium; de Dominic Barton; de même que de PDG représentant plus de 300 milliards de dollars en revenus et un million d'emplois partout au Canada.
    Dans mes documents, vous trouverez des citations de chacun d'entre eux qui expliquent pourquoi ils estiment que la tarification du carbone est essentielle à l'innovation et à la compétitivité propres du Canada. C'est la même raison pour laquelle plus de 150 entreprises ont adhéré à la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone, notamment les cinq grandes banques et les trois grandes sociétés pétrolières du Canada. Voilà pourquoi 7 des 10 plus grandes économies du monde tarifient maintenant le carbone, dont la Chine, qui vient de créer le plus grand marché de tarification du carbone au monde, et 10 États américains, qui représentent 30 % du PIB.
    La tarification du carbone n'est pas une idée de gauche ou de droite. Les trois premiers systèmes de tarification du carbone au Canada ont tous été mis en place par des gouvernements de centre-droit. En Colombie-Britannique, en Alberta et au Québec, des dirigeants conservateurs de partout dans le monde, depuis Arnold Schwarzenegger jusqu'à Preston Manning en passant par Angela Merkel, en ont fait la promotion. C'est tout simplement une bonne idée.
    L'un des principaux avantages est de stimuler l'innovation propre, qui devient un facteur essentiel de la compétitivité mondiale des années qui viennent. Vous pouvez déjà le constater, à commencer par les énormes progrès technologiques dans le domaine de l'énergie propre et des véhicules électriques, qui font baisser les coûts et monter les marchés. Cette tendance va s'étendre à l'ensemble de l'économie pour transformer les secteurs des ressources, de l'agriculture et de la fabrication afin de créer des possibilités économiques mondiales estimées à plus de 23 000 milliards de dollars par la Banque mondiale, y compris les secteurs des ressources et de la fabrication d'ici 2030.
    Nous venons de terminer l'étude la plus approfondie jamais réalisée au Canada sur la façon de stimuler l'innovation propre. Voici le remède à l'insomnie. Il s'agit de la version abrégée qui a été diffusée par un groupe de 28 PDG le mois dernier dans le cadre de GLOBE. Dans la version abrégée, il est dit que pour permettre au secteur privé de laisser libre cours à l'innovation propre, il faut un mélange de politiques intelligentes, d'incitatifs, d'infrastructures et d'investissements, mais que l'élément le plus important de tous est la tarification du carbone, parce qu'elle envoie un signal qui a des répercussions sur l'ensemble de l'économie.
    Deuxièmement, la tarification du carbone est le moyen le plus rentable de réduire les émissions. Vous avez entendu plusieurs personnes en parler aujourd'hui, alors je n'en dirai pas plus, sinon que presque toutes les économies crédibles appuient cette idée, alors qu'il n'y a pas grand-chose sur quoi elles s'entendent, si je peux me permettre de le préciser. Il y a des tonnes de preuves et d'expériences à l'appui.
    Il suffit de regarder ce qui se passe en Colombie-Britannique, dans notre propre cour. La province a instauré en 2008 une taxe sur le carbone qui a augmenté pendant cinq ans comme celle-ci. Depuis, la Colombie-Britannique a réduit ses émissions de GES de 7 % de plus par rapport au reste du Canada et son PIB a été le double de celui du reste du pays au cours de cette période.
    Les données probantes n'appuient pas l'affirmation selon laquelle la tarification du carbone expliquait le meilleur rendement économique, mais cela n'a certainement pas nui à l'économie. C'est la même chose en Europe. Si vous regardez, sur une période de huit ans, depuis la mise en place de son système d'échange des quotas d'émissions — il s'agit d'une étude de l'OCDE qui vient de sortir comparant les entreprises visées par le prix de l'Europe à celles qui ne le sont pas —, celles qui sont visées par le système ont réduit leurs émissions de plus de 11 % et elles ont surpassé les autres entreprises sur le plan des revenus, de la croissance, de l'emploi, des investissements et de l'innovation.
(1730)
    Soit dit en passant, le système n'est pas parfait. Le Québec et l'Ontario ont fait mieux.
    Cela s'explique en partie par le fait que les recettes tirées de la tarification peuvent être réinvesties dans l'économie. Elles peuvent être réinvesties dans des réductions d'impôt, comme l'a fait la Colombie-Britannique — les contribuables ont gagné plus de 1 milliard de dollars grâce au réinvestissement — ou elles peuvent être réinvesties dans des incitatifs à l'efficacité énergétique, des véhicules propres ou des entreprises pour qu'elles investissent dans des technologies propres, comme l'Ontario et l'Alberta ont fait. C'est l'une des raisons pour lesquelles les quatre provinces qui ont eu le meilleur rendement économique au pays l'an dernier étaient les quatre provinces qui appliquent une tarification du carbone.
    Le dernier point, pour être bref, étant donné que nous sommes au Comité des finances, est que les PDG de notre groupe de direction sont très préoccupés par la compétitivité, et je suis sûr que vous l'êtes tous aussi, surtout à la suite des réductions d'impôt aux États-Unis. Lorsque nous avons publié notre rapport « Innovation propre » le mois dernier, l'une des recommandations formulées était — en plus d'aller de l'avant avec la tarification du carbone, qui est essentielle à l'innovation — de l'assortir d'incitatifs fiscaux, dont l'un est une déduction pour amortissement accéléré dans le cas de toutes les technologies propres. Aux États-Unis, on a accordé une déduction pour amortissement accéléré pour toutes les technologies, même les technologies sales. Le fait de faire la même chose seulement pour les technologies propres enverrait un signal qui réduirait les émissions, augmenterait les investissements au Canada dans les technologies de pointe et qui serait bon pour réduire les coûts pour les entreprises et la compétitivité. Je vous le recommande.
    En conclusion, notre pays a toujours fait preuve de clairvoyance en matière de politiques d'avant-garde pour préparer le Canada à d'importants changements économiques. Nous l'avons fait il y a 30 ans quand nous nous sommes rendu compte que le monde se dirigeait vers une libéralisation des échanges. Même si notre pays a été bâti sur le protectionnisme économique pendant un siècle, le gouvernement conservateur de l'époque a devancé le changement mondial en concluant un accord de libre-échange. Soit dit en passant, il a également signé la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. C'est le même gouvernement qui a fait les deux.
    Nous en sommes au même point maintenant. Le monde se dirige vers une économie à faibles émissions de carbone, un changement économique fondamental. Nous avons besoin du même genre de leadership politique clairvoyant de la part de nos gouvernements aujourd'hui. Les gens considéreront ce changement de la même façon non partisane que nous considérons l'Accord de libre-échange comme une décision judicieuse pour l'économie.
    Merci.
(1735)
    Merci beaucoup, monsieur Elgie.
    Nous passons maintenant à des tours de sept minutes, en commençant par M. Grewal.
    Merci à tous nos témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je pense que nous avons entendu de la part des deux derniers groupes de témoins qu'il y a un consensus écrasant — à l'exception d'un témoin, que nous ne nommerons pas — selon lequel les faits appuient la tarification du carbone. Nous pouvons ne pas être d'accord sur le type de prix que cela entraînera, sur le processus concernant ce prix, sur la question de savoir s'il devrait être sans incidence sur les recettes, mais les faits indiquent effectivement que la tarification du carbone mènera à une réduction des émissions de GES.
    Quand nous consultons n'importe quel économiste ou environnementaliste, nous savons aussi que dans les faits, partout dans le monde, la terre se réchauffe. Au cours du prochain siècle, la température est censée augmenter de 3 à 5,3 degrés Celsius, soit la plus forte augmentation que nous n'ayons jamais connue dans l'histoire de la planète. C'est un défi. Comme Stewart l'a dit, le Canada doit être avant-gardiste. Il doit s'attaquer de front à ce défi.
    Vous avez mentionné que, partout dans le monde, les économies qui ont adopté la tarification du carbone ont été plus fortes et ont connu une bonne croissance économique. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, même en dehors du contexte canadien, pour que nous puissions voir ce que d'autres pays ont fait, une tarification du carbone, et la croissance correspondante du PIB?
    Il faut suffisamment d'années pour pouvoir tirer des conclusions réelles, ce qui explique que l'Europe soit le meilleur endroit pour le faire. Elle a des taxes sur le carbone qui remontent aux années 1990 dans cinq ou six pays. J'ai mis deux études dans mes documents, parce qu'une image vaut mille mots. L'une d'elles examine les six pays qui ont adopté des taxes sur le carbone dans les années 1990 et elle montre que sur une période d'environ 20 ans, ces pays, si vous isolez uniquement les effets du transfert fiscal et rien d'autre, ont réduit les émissions de carbone d'environ 3 à 6 %. Ces impôts sont relativement bas. Ces pays ont également enregistré des gains du PIB — pas des gros, mais de 0 à 1 %, donc bien honnêtement dans la plage d'erreur des modèles.
    Deuxièmement, il y a l'étude de l'OCDE qui a comparé, dans le cadre du système européen, les entreprises qui sont visées à celles qui ne le sont pas. Encore une fois, les entreprises visées par la tarification du carbone ont obtenu des réductions des émissions de 11 % supérieures, mais c'est ce à quoi on s'attendrait. L'étude a également permis de constater que les entreprises visées ont surpassé les entreprises non visées sur le plan des revenus, des investissements, de l'emploi et de l'innovation. La même étude a révélé qu'il n'y avait presque aucune preuve de fuite économique, ce qui signifie que les entreprises déménagent ailleurs pour des raisons de concurrence. Cela s'explique en partie par le fait que vous réinvestissez les revenus comme moyens de créer des incitatifs économiques pour stimuler la croissance propre dans votre économie.
    Même l'Australie, pendant qu'elle avait sa taxe sur le carbone, a fait mieux que la moyenne des pays de l'OCDE sur le plan de la croissance économique et elle a mieux réussi à réduire les émissions qu'elle ne l'avait fait avant et après la taxe sur le carbone. Cela n'a peut-être pas été un succès politique en Australie, mais c'était en fait une bonne politique lorsqu'elle était en place. Il n'y a que deux années de données probantes.
    Oui, il y a toujours un équilibre entre la politique et les politiques.
    Mme Turcotte veut également intervenir.
    Absolument.
    Si vous voulez intervenir, levez la main et j'en prendrai note. Il nous reste passablement de temps.
    Allez-y.
    Merci.
    Je voulais simplement ajouter quelque chose à cette conversation sur l'incidence de la tarification du carbone par le biais de l'Initiative régionale sur les émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis. C'était un programme de plafonnement et d'échange qui a été mis en place en 2009 dans neuf États du Nord-Est. Fait intéressant, sous la direction du gouverneur Chris Christie, le New Jersey s'est retiré de cette initiative et veut maintenant y revenir. Il est en train de le faire à nouveau, tout comme la Virginie. Donc, les membres de cette initiative passeront bientôt de 9 à 11.
    Pour ce qui est de la dernière analyse des répercussions, je vais vous donner quelques chiffres. L'Initiative a généré des retombées économiques nettes de 1,5 milliard de dollars. Elle a entraîné la création de 14 500 années-emplois, généré plus de 2,8 milliards de dollars en revenus tirés de la vente de permis et, ce qui est très important, elle a réduit de moitié les émissions de CO2 dans les États membres. De plus, elle a réduit en moitié le prix de l'électricité en Nouvelle-Angleterre.
(1740)
    Merci de vos réponses.
    Stewart, vous avez parlé d'inciter davantage les gens à devenir plus écologiques, surtout du point de vue de la compétitivité. Vous avez parlé de la réduction de l'impôt des sociétés aux États-Unis. De toute évidence, beaucoup d'entreprises au Canada s'en inquiètent. Nous sommes préoccupés par la fuite des capitaux. Cela dit, nous avons enregistré une très forte croissance économique l'an dernier et l'on s'attend à ce que la croissance du PIB dépasse 2 % cette année.
    Vous avez parlé de la déduction pour amortissement applicable aux technologies propres. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela serait très avantageux pour les entreprises canadiennes et pour l'économie canadienne?
    Une partie de ce que le présent projet de loi sur le filet de sécurité fait pour aider à régler les problèmes de compétitivité, c'est... une tarification fondée sur le rendement, ce qui est une bonne idée. Essentiellement, les grandes entreprises productrices et les grands exportateurs continueront d'avoir tous les incitatifs nécessaires pour réduire leurs émissions, mais le coût total de la tarification du carbone dans leur cas sera réduit de façon spectaculaire. Donc, on obtient les avantages d'un prix sans tous les coûts économiques.
    Mais pour ajouter à cet incitatif, ce que fait essentiellement une tarification du carbone, c'est d'inciter ces entreprises à dépenser beaucoup d'argent pour adopter des technologies de pointe à faibles émissions de carbone, ce qui est une bonne chose. Cela les positionne en fonction de la direction que prend l'économie. À court terme, c'est quand même un coût. C'est quand même un investissement.
    Si vous accordez une déduction pour amortissement accéléré, cela réduit essentiellement le coût d'investissement dans les technologies à très faibles émissions de carbone dans lesquelles vous voulez que les entreprises investissent. Cela leur permet d'économiser de l'argent, mais de façon ciblée en favorisant l'investissement dans les technologies propres que nous voulons. C'est d'ailleurs un incitatif fiscal qui favorise l'investissement au Canada. L'argent doit être dépensé ici pour obtenir le crédit.
    Si vous pensez à ce que les États-Unis ont fait, vous vous souviendrez qu'ils ont instauré une déduction pour amortissement de 100 % sur tout, y compris une centrale au charbon. Ce n'est pas une excellente idée. Par contre, le fait de cibler cela au Canada pour appuyer l'investissement et les technologies à l'égard desquelles nous voulons préparer notre économie à l'avenir est une très bonne solution qui profite à tous.
    Ma dernière question est simplement la suivante. Si je pense à Brampton-Est, la tarification du carbone n'est pas beaucoup mentionnée dans ma circonscription. Je représente une circonscription qui vient au deuxième rang des circonscriptions les plus diversifiées du pays, avec 86 % de la population associée à une minorité visible. Cela dit, nous sommes une circonscription très bien nantie. C'est une circonscription de la classe moyenne supérieure où le prix moyen d'une maison se situe entre 800 000 $ et 1 million de dollars. Je n'ai jamais reçu un seul appel au sujet de la tarification du carbone. Si j'essayais d'expliquer la tarification du carbone à mon père, il me demanderait tout simplement: « De quoi est-ce que tu parles? » En revanche, si je peux lui parler de la récente tempête de vent qui a arraché des bardeaux sur notre toit, ou parler des récents changements climatiques et lui donner des exemples concrets, il peut essayer de comprendre pourquoi il faut une politique sur les changements climatiques au Canada.
    Vous êtes les experts et je sais une chose avec certitude. Lorsque mon père vote, je sais qu'il est un peu partial et qu'il vote pour moi. Il s'attend à ce que son vote soit pour un député qui écoutera les experts lorsqu'il s'agira de politiques qui seront non seulement pour le Canada aujourd'hui, mais pour le Canada dans l'avenir.
    J'aimerais vous remercier, au nom de tous les Canadiens, du travail que vous faites. Les changements climatiques sont extrêmement importants et notre gouvernement fera tout ce qu'il peut pour s'assurer de tarifer le carbone.
    Merci.
    Monsieur Albas, vous avez sept minutes.
    J'espère que le député Grewal peut compter sur l'appui de son propre père dans sa propre circonscription.
    Mis à part la politique, je crois, monsieur Elgie, que vous avez souligné qu'aux États-Unis, on a créé l'équivalent d'une déduction pour amortissement qui peut être utilisée en un an pour n'importe quel type d'équipement, y compris, comme vous l'avez dit, une centrale au charbon. Je pense que cela illustre bien l'exemple voulant que si nous faisions quelque chose de semblable ici, seulement pour les technologies propres, beaucoup de gens diraient qu'un grand nombre de ces technologies propres sont beaucoup plus intermittentes qu'une centrale au charbon. Je ne plaide pas en faveur du charbon, mais je dis que c'est un défi au plan de la compétitivité, parce que le charbon peut être fabriqué à très faible coût, comparativement aux sources d'énergie intermittentes.
    Je pense que cela soulève la question plus large de la compétitivité et je pense que nous devons aussi discuter des fuites de carbone.
     Monsieur le président, j'aimerais poser une question à chacun des témoins. M. Elgie a parlé un peu dans son exposé, tout comme M. Cross... Quelle est votre définition des fuites de carbone et en ce qui concerne le projet de loi C-74? J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces deux choses — votre définition des fuites de carbone.
(1745)
    De façon générale, notre définition est qu'il s'agit d'activités économiques qui quittent un pays pour aller dans un autre en raison des prix différents du carbone, dans ce contexte.
    Je suis d'accord. C'est imposer une taxe sur la production intérieure et non sur les importations. On ne fait que substituer les émissions de carbone importées à celles qui étaient produites au pays.
    Il est possible de concevoir une taxe qui en tiendrait compte, mais aucune des taxes sur le carbone dont nous parlons au Canada ne règle ce problème.
    De nombreux éléments influeront sur la compétitivité de n'importe quel secteur industriel et le filet de sécurité du gouvernement fédéral fournit une mesure, par le biais du régime de tarification fondé sur le rendement, qui protège ces industries contre un élément, soit la différence entre le prix du carbone au Canada et celui dans un pays concurrent.
    Étant le père de jumeaux de cinq ans, je suis un spécialiste des fuites de toutes sortes. Je vais parler du carbone.
    Ce que vous ne voulez pas, c'est ce à quoi mes collègues ont fait allusion, c'est-à-dire que les entreprises traversent tout simplement la frontière et continuent d'émettre les mêmes émissions qu'elles auraient émises dans votre pays, tout en conservant tous les revenus et tous les emplois là-bas. C'est l'option où tout le monde perd.
    Ce que vous voulez, cependant, c'est que vos entreprises restent ici et qu'elles soient encouragées à faire partie des chefs de file de la production à faibles émissions de carbone, parce qu'elles seront alors prêtes à soutenir la concurrence dans le monde de demain.
    Vous voulez avoir les deux et c'est pourquoi vous voulez faciliter la transition économique. Ce serait la même chose que ce que nous avons fait dans le cas de la transition économique à l'égard de l'Accord de libre-échange ici pendant quelques années, lorsque vous êtes passés d'une économie fermée à une économie ouverte. Des choses comme la tarification fondée sur le rendement, des choses comme la déduction pour amortissement accéléré et des choses comme le recyclage des recettes aident les entreprises à faire la transition vers une compétitivité à faibles émissions de carbone sans avoir à déménager pour le faire.
    Il ne devrait pas s'agir d'une solution à long terme. À long terme, c'est le marché libre qui déterminera cela, mais notre pays a soutenu les entreprises pendant les transitions économiques depuis 100 ans et nous devrions faire la même chose ici.
    Je veux comprendre ce que Mme Turcotte a dit précisément au Canada, parce que le projet de loi C-74, essentiellement, enlève la capacité d'une province. Prenons l'exemple de la Saskatchewan, qui s'est bâtie sur la concurrence de ses voisins. Il y a aussi les territoires du Nord, comme celui de M. McLeod, où le coût de la vie et le coût pour faire des affaires sont beaucoup plus élevés, de sorte que l'imposition d'un cadre centralisé pourrait fondamentalement isoler le Canada sur le plan intergouvernemental, entre les provinces et les territoires. En réalité — les États-Unis étant à un rythme différent —, je pense que nous devons en discuter davantage maintenant.
    Voici ce que le gouvernement provincial néo-démocrate de la Colombie-Britannique qualifie de fuite de carbone dans son budget de 2018:
[...] des industries qui font concurrence à l'industrie dans des pays où le prix du carbone est faible ou nul. Si [...] l'industrie perd des parts de marché au profit de concurrents plus polluants, ce que l'on appelle les fuites de carbone, cela aura des répercussions sur notre économie et ne réduira pas les émissions mondiales de gaz à effet de serre.
    Bien sûr, il s'agit d'une taxe sur le carbone déjà imposée en Colombie-Britannique. Je dois dire que ma dernière citation porte sur les émissions de gaz à effet de serre. Elle vient donc de la Colombie-Britannique, qui a déjà instauré une taxe sur le carbone.
    Nous avons déjà un prix plus bas qui a été établi pour la première fois par l'ancien premier ministre Campbell et son gouvernement, où l'industrie du ciment a été durement touchée, a continué de recevoir des subventions et a lutté pour conserver sa part de marché.
     Je crois que le NPD de la Colombie-Britannique est également très préoccupé par l'une de ses industries préférées, les pâtes et papiers, et vous savez que nous avons tous nos industries préférées. Je pense que l'augmentation du coût de la taxe sur le carbone, établie dans le projet de loi C-74 — depuis le 1er avril, les prix de l'essence ont augmenté en Colombie-Britannique du fait qu'ils fluctuent de 5 $ par année — ne fera qu'empirer.
    Comme parlementaires, quelle obligation avons-nous de veiller à ce que, dans les secteurs où de nombreuses familles sont touchées et où les petites et moyennes entreprises seront touchées, nous soyons en mesure d'endiguer le problème des fuites de carbone? Je pose la question à n'importe qui.
    Qui veut commencer?
    Madame Turcotte, c'est vous qui avez l'air inquiet. Je dirais que vous avez la parole.
    Nous voulons nous attaquer à ces problèmes de compétitivité. Cependant, je ne crois pas que le filet de sécurité fédéral en matière de tarification du carbone devrait aborder les questions de compétitivité entre les administrations. Il est difficile de régler ces problèmes avec nos concurrents étrangers. Nous sommes encore en train d'élaborer ces normes fondées sur le rendement, qui procureront un allègement et une protection à ces secteurs. Cependant, la société canadienne dans son ensemble a la responsabilité d'atteindre les objectifs de Paris pour de nombreuses raisons, notamment le coût de l'inaction dont mes collègues ont parlé plus tôt. Le régime de tarification fondée sur le rendement est aussi une subvention à l'industrie. Il faut dire que si on réduit la responsabilité de l'industrie qui est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, on augmente le fardeau ailleurs.
(1750)
    Est-ce que les États-Unis vont respecter leurs cibles de Paris?
    Personnellement, je ne voudrais pas de Trump comme modèle de rôle.
    Je pose simplement la question, parce que je pense qu'elle est pertinente. Nous avons une réforme fiscale aux États-Unis. M. Elgie a donné l'exemple d'une déduction pour amortissement qui donne un réel avantage aux producteurs américains.
    Je dirais que, peu importe la décision de M. Trump de se retirer de l'Accord de Paris, ce qu'il ne peut pas faire avant le lendemain de la prochaine élection, il y a une initiative aux États-Unis qui s'appelle « We Are Still In », qui est un regroupement d'organisations des secteurs privé et public et d'États qui prennent des mesures encore plus ambitieuses pour compenser l'absence de leadership du gouvernement fédéral.
    Je dirais qu'il y a des chances qu'ils ne le feront pas, et j'imagine que d'autres pays auront de la difficulté avec ce genre de choses, surtout en ce qui concerne la compétitivité.
    Monsieur Cross, dans votre mémoire, vous avez parlé directement de l'incertitude croissante dans les relations économiques entre le Canada et les États-Unis, ainsi que du recul de certaines entreprises... qu'il s'agisse de mesures réglementaires, d'allègements fiscaux ou de réductions d'impôt dans le projet de loi de réforme.
    Vous qui êtes un expert, quelle incidence la taxe nationale sur le carbone aura-t-elle sur la compétitivité des industries canadiennes par rapport aux États-Unis et à d'autres pays qui n'imposent pas de taxe sur le carbone?
    Je pense que cela fait tout simplement partie d'un vaste éventail de politiques qui rendent le Canada moins concurrentiel. Je pense que nous le voyons déjà dans les données sur les investissements, par exemple. Il y a un sondage semestriel dont les résultats ont été publiés ce matin sur les investissements des entreprises aux États-Unis. Il prévoit une augmentation de 10 %. Le même sondage réalisé il y a 6 mois aux États-Unis prévoyait une augmentation de 2,7 %. Il s'agit d'une amélioration spectaculaire des plans d'investissement des entreprises en très peu de temps.
    Entretemps, selon une enquête annuelle réalisée par mes anciens collègues de Statistique Canada, le Canada se dirige vers une quatrième baisse consécutive des investissements des entreprises. Cet écart entre 10 % aux États-Unis et un léger repli au Canada est probablement la différence la plus distinctive entre les deux pays que je peux mentionner ces temps-ci, et c'est probablement le Canada qui court le plus de risques à long terme.
    Cela m'inquiéterait beaucoup.
    Merci à tous.
    Monsieur Dusseault.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous de votre présence aujourd'hui.
    Ma première question porte sur ce qu'un témoin a dit tantôt, à savoir qu'on ne devrait pas demander aux gens de changer quoi que ce soit et qu'ils devraient continuer à vivre leur vie comme avant et faire comme si de rien n'était.
    Si l'activité humaine et le comportement de la plupart des êtres humains sur la terre ne changent pas, pourra-t-on réellement contrer ou atténuer les effets des changements climatiques? Est-il réaliste de penser qu'on peut lutter contre les changements climatiques si on ne change absolument rien de nos activités et de nos habitudes de vie?
    M. Cross semble avoir une opinion là-dessus.
    J'aimerais commencer.
    La question est de savoir de quelle façon on veut produire ce changement. Veut-on qu'il soit imposé par le gouvernement? Veut-on changer les prix relatifs, ce qui inciterait certainement les jeunes à modifier leurs comportements? Veut-on avoir un changement technologique sans que cela coûte trop cher?
     Il reste qu'un changement est nécessaire. C'est probablement évident pour tout le monde, sauf pour M. Kenney. En effet, il semblait dire plus tôt que, si les gens voulaient continuer à se rendre à l'aréna en utilisant leur gros VUS, ils avaient le droit de le faire, et ce, sans être pénalisés.
    M. Van Iterson a peut-être quelque chose à dire à ce sujet.
(1755)

[Traduction]

    Je pense que c'est une question valable et qu'il ne s'agit pas de pénaliser qui que ce soit. Manifestement, la plupart d'entre nous, espérons-le, autour de cette table, comprennent que les changements climatiques constituent un défi majeur et un risque énorme pour la société. La solution passe par des changements. La meilleure solution consiste à apporter des changements qui perturbent le moins possible la vie des gens et qui leur procurent le plus d'avantages. C'est pourquoi la tarification du carbone est la principale option stratégique dont j'ai entendu parler. Elle permet aux gens de choisir. Cela les incite à choisir les options qui leur conviennent le mieux.

[Français]

    C'est effectivement un thème récurrent. On entend dire que, parmi les outils disponibles et susceptibles de nous permettre d'arriver à nos fins, celui-là semble le plus intéressant.
    Monsieur Cross, vous avez dit qu'avant d'agir par des moyens politiques, il fallait que cela soit plus connu ou plus accepté au sein de la population. Je me demande comment on pourrait faire connaître et accepter cette solution, qui semble vraiment la plus prometteuse, quand on sait que, encore en 2011 et 2012, des partis politiques démonisaient ce que certains appelaient la « taxe sur le carbone du NPD ». Je m'en souviens, étant donné que j'étais aussi à la Chambre et qu'on en entendait parler au moins dix fois par jour comme du plan le plus diabolique que le Canada ait jamais connu. On disait qu'il ne fallait pas s'y attarder.
    Comment pourrait-on faire connaître et faire accepter cette solution?
    Je n'ai pas de réponse à cela. Par exemple, M. Elgie a mentionné qu'il y existait un consensus très fort chez les économistes selon lequel une taxe sur la consommation était préférable à une mesure fiscale. Les économistes n'ont jamais réussi à convaincre les citoyens ordinaires du bien-fondé de cette approche. Je pourrais être élu demain en m'opposant à la TPS.
    Peut-être faudrait-il poser cette question à ceux qui sont en faveur d'une taxe sur le carbone plutôt qu'à moi.
    En effet.
    Monsieur Elgie, aimeriez-vous formuler un commentaire?

[Traduction]

    Brièvement, tout simplement pour corriger ce que j'ai dit, presque tous les économistes s'entendent pour dire qu'une taxe sur le carbone est le moyen le plus rentable de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
    J'aimerais dire deux ou trois choses. Quelques personnes nous ont dit qu'il fallait choisir entre tarifer le carbone et stimuler l'innovation technologique. En réalité, ce n'est pas un choix. Les deux sont entièrement liés. Il faut les deux. Ce qui stimule l'innovation technologique, c'est l'idée que vous pourriez en fait vendre cette technologie un jour. Ce qui vous aide à vendre cette technologie, c'est la tarification de la pollution.
    Si nous ne voyons pas de niveaux adéquats d'innovation propre, même si le carbone et d'autres types de pollution représentent un coût réel, c'est en partie parce que l'économie n'établit pas le prix de la pollution. C'est ce que les économistes appellent une « externalité ». Même un économiste conservateur de droite comme Milton Friedman avait l'habitude de dire à ses étudiants de l'Université de Chicago que ses théories du libre-marché ne fonctionnent pas en matière de pollution, parce que les marchés privés ne tarifient pas la pollution.
    La tarification du carbone est l'un des éléments essentiels dont vous avez besoin pour stimuler l'invention et l'adoption de ces technologies propres. Ce n'est pas la seule chose, mais c'est essentiel.

[Français]

    Concernant le prix de la pollution, on entend souvent dire que, dans plusieurs domaines, il va de soi que les pollueurs paient en raison de la pollution qu'ils créent.
    Le fait qu'au XXIe siècle, une personne ait des frais à payer si elle pollue ou envoie des déchets quelque part, par exemple dans un dépotoir, est-il sensé, à votre avis? Cela peut se faire au moyen de taxes, qu'elles soient municipales, provinciales ou autres.
    Selon vous, ce concept est-il logique étant donné que, dans la plupart des autres domaines, ce serait déjà acquis et que, à l'heure actuelle, nous ne faisons que du rattrapage au moyen de la stratégie axée sur le carbone?
    Madame Turcotte, avez-vous des commentaires à faire à ce sujet ou à propos d'autres questions que j'ai soulevées?
    Oui. Concernant la façon d'assurer que la population comprenne le projet de tarification du carbone et y soit favorable, il faut simplement expliquer comment cela fonctionne plutôt que d'exploiter, pour son propre bénéfice politique, un espace où il existe une asymétrie d'informations.
    Je dirais que nous sommes d'accord — et quand je dis « nous », je veux parler du Pembina Institute — sur le principe du pollueur-payeur. Par contre, nous reconnaissons que, parmi les mesures du Canada face aux changements climatiques, ce n'est pas le seul outil. Il y a aussi la réglementation et le financement de l'innovation. Il s'agit de combiner ces trois mesures.
(1800)

[Traduction]

    Je suis désolé, mais nous devons nous arrêter ici, Pierre. Nous avons dépassé le temps alloué.
    Monsieur Fergus.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais aussi remercier tous les témoins qui sont venus aujourd'hui.
    L'un des grands privilèges d'être un député est d'avoir la chance d'écouter des personnes très intelligentes qui sont expertes dans leur domaine et d'échanger avec elles. J'aimerais saluer la contribution de chacun d'entre vous à l'élaboration des politiques au Canada.
    Monsieur Cross, j'aimerais souligner que je suis un grand admirateur de Statistique Canada et j'aimerais vous remercier de votre carrière de 36 ans à ce ministère. Cela parle pour vous.

[Traduction]

    En un sens, cela me surprend un peu lorsque je crois... J'ai peut-être mal entendu ce que vous avez dit au début au sujet de certains des partisans de la tarification du carbone.
Vous avez dit qu'il s'agissait surtout de gens d'une « élite » intellectuelle. Ai-je mal compris?
    Non, je pense que c'est... Nous l'avons vu dans les exposés précédents et maintenant dans celui-ci. La grande majorité des commentateurs dans ce domaine croient fermement qu'une taxe sur le carbone est le moyen le plus efficace d'atteindre cet objectif. Ils ont peut-être raison. Le problème, cependant, c'est qu'ils n'ont pas réussi à faire passer ce message au public de sorte qu'ils finissent par se parler entre eux. Ils se convainquent les uns les autres, mais le message semble flotter au sein de la population. On a vu exactement la même chose avec la TPS, avec les taxes de vente. Nous ne semblons pas avoir appris la leçon.
    Je verrais alors deux choses sur ce front.
    Tout d'abord, lorsque j'écoute M. Elgie et que je regarde le nombre de non-Autochtones qui appuient... Je suis certain que toutes ces entreprises qui ont adhéré à l'initiative des dirigeants IntelliProspérité... Il y a plus de 150 entreprises, toute une série d'entreprises, depuis le Mouvement Desjardins jusqu'à Enerkem, à toutes les grandes banques en passant par Cenovus, les grands dirigeants... Il me semble qu'il ne s'agit pas nécessairement de vos élites universitaires, mais des praticiens, des gens qui ont vraiment leur mot à dire, qui font concurrence à l'échelle mondiale et qui sont au sommet de leur art. Je suis un peu perplexe de voir qu'une personne de votre stature puisse encore avoir ce point de vue, qui semble un peu ad hominem.
    La personne moyenne, cependant... Je suis heureux que vous ayez soulevé cette question, car c'est un point que je voulais soulever en réponse à la déclaration liminaire de Stewart. Oui, les grandes sociétés comme elle sont les mieux placées pour s'occuper de règlements complexes. Les grandes sociétés ont tendance à aimer beaucoup la participation du gouvernement à l'économie. Ce sont les petites et moyennes entreprises qui réagissent très mal à cela. Il s'agit d'une véritable contrainte pour elles et elles n'ont pas les ressources à l'interne pour déterminer la meilleure façon de régler bon nombre de ces problèmes.
    Encore une fois, cela revient à... Je ne devrais peut-être pas dire qu'il s'agit simplement d'une élite bureaucratique universitaire. Remarquez que lorsque je parle d'« élite bureaucratique », j'inclus la plupart des grandes sociétés dans les grandes bureaucraties.
    Mon dernier point serait que ce sont ces grandes organisations, ces grandes entreprises et les entreprises canadiennes qui doivent faire la plus grande partie du commerce international. Ce sont elles qui feront face à la concurrence mondiale. Comme mon ancien collègue l'a dit plus tôt, ce sont elles qui doivent vraiment comprendre où se dirige la rondelle et la jouer là, plutôt que d'essayer de suivre le jeu à chaque étape. Il faut prévoir. C'est l'une des façons, semble-t-il, d'apporter un changement à la lutte contre les changements climatiques: il faut trouver les meilleures façons de le faire au moindre coût et avec un minimum de perturbations.
    Il semble y avoir un large consensus parmi les praticiens de l'économie, ainsi que parmi ceux qui ont beaucoup réfléchi à la question comme universitaires ou chercheurs, consensus selon lequel la meilleure façon — et c'est peut-être une question pour M. Elgie, qui pourra compléter mes commentaires — est de tarifer le carbone, c'est-à-dire de s'assurer qu'il ne devient pas une externalité, un profiteur dans le système.
(1805)
     Le premier point, je pense, est qu'il s'agit d'un coût réel, et qu'une partie de la main invisible d'Adam Smith veut que les marchés libres fonctionnent lorsqu'ils imposent des coûts réels. Si nous avons trop de pollution dans le monde, c'est que les marchés privés ne saisissent pas naturellement ces coûts et que c'est au gouvernement qu'il revient d'imposer ce coût collectif, afin que les marchés fonctionnent plus efficacement, pour des raisons non seulement environnementales, mais encore d'efficacité économique.
    J'ai constaté qu'aucun de ceux qui sont contre la tarification du carbone n'a proposé un moyen plus rentable de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ils disent qu'ils n'aiment pas le coût d'une taxe sur le carbone, mais je n'en ai jamais entendu un seul proposer un moyen plus rentable de réduire les émissions. C'est à se demander s'ils croient vraiment à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce débat serait intéressant.
    Pour ce qui est de savoir dans quelle mesure le public le comprend, il y a probablement du vrai là-dedans. Il y a sans doute bien des choses que tout le monde ne comprend pas en gestion d'une économie. Lorsque le gouverneur de la Banque du Canada modifie le taux d'escompte, je ne suis pas certain que tout le monde, moi-même compris, comprend toutes ses raisons, mais c'est en partie pour cela que le gouvernement doit faire preuve de leadership.
    Je pense que le citoyen moyen comprend que le monde change, lorsqu'il voit de plus en plus de véhicules à haut kilométrage et de voitures électriques sur les routes, qu'il sait, en ouvrant son interrupteur, que l'électricité provient de sources propres, et qu'il voit de plus en plus de bâtiments éconergétiques. Il voit que le monde se dirige vers une économie plus propre, plus innovatrice et sobre en carbone, et que les choses fonctionnent encore bien, que nous pouvons faire ce changement, et il comprend que nous devons accélérer le changement. Si nous élisons des gouvernements, c'est en partie pour les aider à voir comment s'y prendre.
    Ne serait-il pas formidable que chacun comprenne tous les aspects économiques d'une tarification du carbone? Bien sûr. Et si nous avons des gouvernements, c'est pour aider à prendre ces décisions.
    Monsieur Cross.
    [Inaudible] minutes de mon temps.
    Votre horloge n'est pas à l'heure.
    Monsieur Cross.
    Pour revenir à la question initiale, oui, il est très intéressant de constater que ce sont surtout les grandes sociétés, pas seulement au Canada, mais aux États-Unis et en Europe également, qui sont en faveur d'une taxe sur le carbone.
    Quelle est leur motivation? Préconisent-elles le genre de taxe de 200 $ ou de 300 $ la tonne, qu'il faudrait pour atteindre les objectifs, ou préféreraient-elles une taxe de 50 $ ou 100 $ la tonne, qui serait un inconvénient pour leurs petits et moyens concurrents? Je vais vous laisser discuter de leur motivation. Elles ne sont pas nombreuses à préconiser les 200 $.
    Monsieur Fergus, je vais vous permettre une brève question.
    Compte tenu du niveau de la taxe sur le carbone que nous avons, de combien faudrait-il diminuer les impôts sur le revenu pour compenser le niveau de prix que nous mettrions pour le carbone? Avez-vous vu des estimations ou des recherches à ce sujet?
    Je peux vous donner un chiffre que Dale Beugin a déjà cité: 10 % à 12 % des recettes de la tarification du carbone suffisent pour répondre aux soucis de justice et d'équité pour les 40 % des ménages les moins nantis au Canada.
    Si vous me le permettez, j'entends constamment le chiffre de 200 $ à 300 $. Est-ce parce que l'on suppose que c'est ce que nous préconisons?
    Non, j'ai entendu M. Kenney lancer une foule de ces chiffres à la fin de son témoignage.
    Juste.
    J'ai entendu un professeur, dont le nom m'échappe pour l'instant. Il y en a un en particulier à l'Université de la Colombie-Britannique qui a dit très ouvertement que nous devrons avoir une cible d'au moins 200 $ la tonne pour atteindre nos réductions.
    Ce serait pour atteindre nos cibles de Paris uniquement par une taxe sur le carbone?
    Oui.
    Mais aucune autre mesure, ce que nous ne proposons pas.
    Juste.
    L'autre point, le second: s'il y a une chose que nous savons au sujet de l'innovation technologique, c'est que, si vous aviez demandé, il y a 20 ans, ce qu'il en coûterait pour avoir un ordinateur portatif ou un téléphone intelligent, on vous aurait répondu des milliers et des milliers de dollars, compte tenu de la technologie du moment. Une partie de ce que nous allons faire avec des choses comme un incitatif économique à la tarification du carbone, est de faire baisser les coûts de la technologie. C'est la raison pour laquelle les coûts de l'énergie éolienne et solaire ont régressé de 80 % depuis huit ans, et que vous avez pu observer une baisse semblable du coût des batteries des voitures électriques. La tarification et d'autres mesures incitatives font baisser les coûts, d'où la réduction effective des coûts de la transition à une économie sobre en carbone. Dans la plupart des régions du monde, dans beaucoup de régions, l'énergie éolienne et solaire coûte moins cher à produire que l'énergie au charbon.
    Votre argument au sujet du stockage tient la route. Nous allons devoir réaliser le même genre de percée en stockage de l'énergie pour avoir une charge de base durable. Il y a toutes sortes de gens très brillants qui y travaillent, et celui qui trouvera la solution va devenir très riche. Faisons-le donc ici, au Canada. Nous avons de bons joueurs dans cette compétition.
(1810)
     Avant de donner la parole à M. Kelly, j'aurais un mot à dire sur la transmission du message. Les experts et les bureaucraties se parlent. Je parle beaucoup aux agriculteurs et aux pêcheurs. J'ai fait campagne sur le virage vert. Je peux vous dire que ma campagne n'a pas été agréable. Ils sont très inquiets, malgré l'exemption, du moins au sujet de la loi fédérale sur le carburant, qui représente leur coût le plus élevé.
    Du même coup, je peux vous parler de l'expérience que j'ai connue à l'Île-du-Prince-Édouard. La Maritime Electric traverse la province... 30 % de l'énergie vient des éoliennes. Au début, tout le monde avait beau se plaindre du coût de l'électricité, nous avions la possibilité d'acheter l'électricité plus coûteuse, ce que j'ai fait moi-même. Beaucoup d'agriculteurs se sont tournés vers l'électricité plus chère, même s'ils en dénonçaient le prix, parce qu'elle était propre.
    Le problème tient en partie au fait que le public ne fait pas vraiment confiance aux gouvernements lorsqu'il est question de neutralité en matière de recettes. La question a déjà été soulevée. Le public ne nous croit pas lorsque nous disons que la tarification du carbone n'aura aucune incidence sur les recettes.
    Comment pouvons-nous changer cela? Est-ce même possible?
    Quelqu'un a-t-il des réponses brillantes?
    Stewart.
    Je commencerais par me demander si la tarification du carbone doit être sans incidence sur les recettes.
    Je pense que les gouvernements font constamment des choix au sujet de la façon de dépenser l'argent des contribuables; cela fait partie de la raison fondamentale pour laquelle nous les élisons. Je suis cofondateur de la Commission de l'écofiscalité, et je crois à tout ce qu'elle a fait. Je pense qu'il y a de nombreux arguments économiques solides pour réinvestir les recettes de la taxe sur le carbone dans des baisses d'impôt. Si j'étais élu, c'est probablement ce que je ferais avec une grande partie des recettes.
    Lorsque le gouvernement réinvestit dans l'économie, que ce soit dans les infrastructures propres, dans le transport en commun pour réduire le coût du déplacement des personnes, dans des incitations pour réduire les coûts du chauffage et des combustibles domiciliaires, dans des incitations aux entreprises à investir dans les technologies propres et à accroître leur rentabilité; ce sont autant d'investissements dans l'économie également. Ce sont tous des investissements qui pourraient rapporter des avantages économiques. De fait, votre gouvernement investit massivement dans les infrastructures en invoquant le même argument, à savoir que la création d'une plateforme physique et technologique pour l'avenir est un investissement vraiment intelligent dans l'économie.
    Je pense qu'il y a un solide argument à faire valoir en faveur des réductions d'impôt. Voyez la modélisation que nous avons faite à la Commission de l'écofiscalité, par exemple, en réinvestissant les recettes dans des incitatifs technologiques, tant pour les entreprises que pour les propriétaires de leur logement, et vous verrez que cela génère à peu près les mêmes résultats économiques positifs que le réinvestissement en réductions d'impôt sur le revenu.
    Monsieur Kelly, nous en sommes aux tours de cinq minutes.
    Merci.
    J'ai une brève question pour M. Elgie.
    En réponse à la question de M. Albas sur les fuites de carbone, vous avez parlé du danger d'un scénario où tout le monde perd, dans lequel la production ne fait que s'expatrier dans un autre secteur de compétence. Dans cette optique, j'aimerais revenir sur un point que vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire. Vous avez dit que les chefs de la direction des trois plus grandes sociétés pétrolières et gazières au Canada se sont ralliés à votre initiative.
    Pouvez-vous me dire combien d'employés ces trois sociétés ont mis à pied depuis 2014? Combien de milliards de dollars d'investissements ont-elles redéployés à l'étranger?
    Écoutez, c'est un problème très réel. Je leur en parle tout le temps. Je pourrais vous donner leur réponse, mais elles la connaissent mieux que moi, et je vous la transmettrai quand je l'aurai.
    Le déplacement du capital pour le pétrole et le gaz est dans une large mesure attribuable au prix mondial du pétrole et au fait que les États-Unis ont mis en valeur des champs de pétrole et de gaz à faible coût, essentiellement par la fracturation. Les facteurs fondamentaux du réinvestissement sont essentiellement déterminés par ces deux facteurs.
(1815)
    J'espérais une réponse sur les nombres, sur la quantité qui a été déplacée, etc. Je ne voulais pas...
    Non, mais il y en a beaucoup.
    Très bien.
    Ce n'est pas à cause de la tarification du carbone, répondent-elles.
    D'accord, mais elles se sont ralliées à votre initiative. Et ce sont les sociétés qui, à l'heure actuelle, ont mis à pied des nombres considérables de personnes dans ma circonscription. Des centaines de résidants de ma circonscription sont en chômage dans l'industrie du pétrole et du gaz.
    Je passe à M. Cross.
    Nous avons discuté de cela. Le gouvernement a dit et répété que la taxe sur le carbone n'aura pas d'incidence sur les recettes, mais il refuse de nous en divulguer le coût. Il refuse de dévoiler ses propres projections concernant les émissions. Il a refusé de donner sa modélisation aux Canadiens. Avez-vous fait votre propre modélisation ou vos études renferment-elles des renseignements que vous pourriez nous communiquer sur ce que pourrait être le coût moyen, selon vous, pour une famille canadienne, et si cette taxe va ou non entraîner une réduction des émissions?
     Non, désolé, nous n'avons pas fait de modélisation sur cela. Vous vous adressez peut-être à la mauvaise personne. J'ai travaillé 36 ans à Statistique Canada. Comme vous l'avez dit, nous avons toutes sortes de modèles. Je ne suis pas sûr de croire à aucun d'entre eux. Ce sont les modèles qui nous ont amenés à... Par exemple, mon scepticisme à l'égard des modèles a été renforcé par le comportement des banques à la veille de la crise financière de 2008. Tout cela était dû à des modèles — des modèles fondés sur: « Oh, le prix des maisons ne chutera jamais en même temps aux États-Unis, parce que cela ne s'est jamais vu. »
    Je suis très sceptique quant à l'utilité des modèles dans un bon nombre de ces questions.
    Oui, et ne vous méprenez pas sur mon...
    Un dernier point au sujet des modèles. Nous n'avons pas de modèle d'innovation. Stewart a dit que les économistes comprennent l'innovation et que, si nous jouons avec le système de prix et ajoutons des incitatifs et des intrants, il en résultera du changement technologique.
    L'économie n'a pas de théorie de l'innovation; je suis désolé. En tant que seul économiste du groupe, je peux vous l'assurer.
    Merci. Et ce n'était pas pour défendre la modélisation comme instrument de politique, mais uniquement pour faire remarquer que, si la modélisation était connue, alors un économiste comme vous serait en mesure de juger de la qualité de la modélisation ou de la méthodologie utilisée.
    Le fait est que le gouvernement n'a rien divulgué. Il a refusé catégoriquement de le faire, notamment à la table de notre comité jeudi dernier, où le ministre des Finances a refusé à maintes reprises de dire combien cette taxe coûtera à la famille moyenne et de combien elle réduira réellement les émissions.
    Mon dernier commentaire sur les modèles est que je ne suis pas contre la modélisation. La modélisation est une excellente façon d'organiser ses idées au sujet de quelque chose et de mettre en lumière les hypothèses importantes. Le problème, quelqu'un l'a dit, c'est de ne pas croire vos modèles.
    Très bien.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur McLeod.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie tous nos témoins d'aujourd'hui.
    Les changements climatiques sont une réalité dans ma circonscription. Je représente les Territoires du Nord-Ouest. Nous en voyons certainement les effets. Hier, le Mackenzie a débâclé, et la glace a été emportée. Bien de gens m'ont contacté et m'ont fait part de leurs inquiétudes au sujet de la minceur de la glace. La glace mesurait environ un pied et demi. Quand j'étais enfant, elle avait de cinq à sept pieds d'épaisseur. La débâcle du Mackenzie était spectaculaire. Il y avait un bruit d'enfer, et plein de glace qui remontait la berge. On ne voit plus cela. J'ai survolé la mer de Beaufort cet hiver, en janvier, et j'ai vu des segments où il n'y avait pas de glace. Elle était encore ouverte. C'est du jamais vu. Les habitants des collectivités ne sont pas capables d'aller chasser. Jadis ils pouvaient faire 40 milles sur l'océan. Aujourd'hui, ils en font à peine cinq.
    Nous commençons vraiment à voir toutes sortes de répercussions. Beaucoup demandent: « Que pouvons-nous faire? » La tarification de la pollution est un domaine sur lequel nous pouvons nous concentrer, mais il faut plus. Si nous voulons avoir un impact, nous devons faire beaucoup de choses en même temps.
    Quelqu'un a mentionné aujourd'hui que le changement passera par une bonne planification. Bien des gouvernements autochtones que je représente — il y en a sept dans ma circonscription — parlent d'aménagement du territoire. Chacun d'entre eux veut faire de l'aménagement du territoire, avec un plan de développement des possibilités économiques ainsi que, dans le même plan, des aires de conservation.
    Ma question s'adresse à la Coalition du budget vert. Je sais que vous travaillez avec des organisations qui s'intéressent aux aires protégées, mais que vous faites également beaucoup de planification pour la protection de nos acquis. Pourriez-vous nous dire un mot de l'importance d'un bon plan, surtout d'un plan d'aménagement du territoire, qui nous permettrait de planifier la conservation, de planifier l'économie, de protéger nos lieux historiques, de tenir compte de ce que les gouvernements autochtones nous disent dans leurs aires sacrées, et de faire en sorte que tout le monde donne son accord plutôt que toujours s'opposer sur ces questions?
(1820)
    Voilà une question très importante à soulever. Je pense que nous comprenons de plus en plus depuis des années qu'une aire protégée efficace n'est pas seulement une parcelle de terre découpée sur une carte, mais une aire à laquelle nous consacrons du temps, où nous investissons du savoir autochtone et des connaissances des autres habitants du coin, et où nous traitons de création d'emplois et de valeur culturelle.
    C'est en partie pour cela que nous avons recommandé du financement pour les aires protégées. Il faut du financement pour enclencher le processus de création d'une aire protégée et de gestion à long terme. Nous avons particulièrement appuyé la proposition des gardiens autochtones comme moyen de mobiliser le savoir et la sagesse des communautés autochtones.
    Nous sommes également très optimistes au sujet de l'aire protégée d'Edéhzhíe dans votre circonscription et nous espérons qu'elle continuera d'être formalisée.
     Merci, et je suis heureux que vous ayez mentionné Edéhzhíe, parce qu'Edéhzhíe a commencé il y a de nombreuses années et, depuis la présentation de la demande, nous avons vu deux mines de diamants présenter une demande et obtenir leur approbation. Le processus n'est pas le même pour les projets économiques que pour la protection des aires.
    Croyez-vous vraiment que la stratégie des aires protégées fonctionne? Je sais qu'il y a eu huit présentations dans ma circonscription, et je n'en vois aucune en voie d'être finalisée, et je surveille certaines d'entre elles depuis plus de 10 ans. Est-ce une chose que nous continuons de faire, ou est-ce que nous nous contentons de mettre cela de côté et d'essayer autre chose?
    J'avoue ne pas être expert en stratégie pour les aires protégées. Il y a des personnes et des organisations très bien intentionnées, qui cherchent le juste équilibre entre différents intervenants, comme vous l'avez mentionné, dont les intérêts sont tous légitimes. Le processus peut être difficile, comme il ressort également de la discussion sur la tarification du carbone.
    Une très brève question, s'il vous plaît.
    J’ai une dernière question à poser à Stewart au sujet de la tarification du carbone. J’ai de la difficulté à déterminer quel devrait être le montant réel de la tarification du carbone et il semble que beaucoup de gens se livrent à toutes sortes de conjectures quant à ce qu’elle devrait être. La tarification du carbone n’est pas déterminée de manière indépendante. Elle dépend d'autres facteurs. Si nous voulons atteindre l’objectif à long terme, dans 30 ou 40 ans, nous ne pouvons pas le chiffrer tant que nous ne saurons pas ce qu'il faut faire d'autre pour tenter de réduire les problèmes liés au carbone.
    Est-ce exact?
    Oui. Ce que vous avez dit au sujet du Nord, à mon avis, a été percutant. J’ai vécu en Alaska pendant des années, de l’autre côté de la frontière, au nord. Pour moi, il est essentiel de se tourner vers l’avenir et d'imaginer ce que sera une économie sobre en carbone dans 20 ans, ce qui n’est pas si difficile. Nous consommerons beaucoup moins d’énergie dans nos maisons, nos véhicules, nos entreprises et l’énergie que nous utiliserons sera produite par des sources à faible teneur en carbone ou sans combustible fossile. Le monde finira par y parvenir. Le défi consiste à accélérer le rythme pour atteindre cet objectif. C’est particulièrement important pour les gens du Nord, car il est plus difficile d’avoir accès à des véhicules à faibles émissions et à des sources d’énergie propre. Je dirais donc qu’en plus de la tarification du carbone, nous avons besoin d'un investissement majeur dans les sources d’énergie propre pour le Nord et une grande partie de cela est l’infrastructure. C’est primordial en ce moment. L’infrastructure existera pendant 30 ans, alors nous devons, dès aujourd'hui, passer au développement pour une économie en 2030 ou 2040.
    J’ai grandi à Toronto et si vous traversez le pont de la rue Bloor, il y a une petite ligne de métro qui passe juste en dessous, qui a été construite bien avant les lignes de métro actuelles. Quelqu’un pensait à l’avenir et a décidé de construire cette ligne de métro à l'époque, sachant que dans 10 ou 15 ans, il y aurait un besoin.
    Nous devons prendre le même genre de décisions tournées vers l’avenir dès maintenant, afin d’être prêts pour le monde à faible teneur en carbone de demain, que cela nous plaise ou non. Nous avons beaucoup parlé de l’impact des prix et nous avons tous le sentiment que les gouvernements ne peuvent pas isoler le public des changements économiques. Je pense que votre travail consiste à préparer les gens et à les aider à faire ces transitions; je vous tire mon chapeau et vous admire pour les efforts que vous déployez en ce sens.
(1825)
    Merci à vous deux.
    M. Albas et ensuite M. Fergus se partageront six minutes.
    Monsieur Albas.
    Excellent. Merci.
    Monsieur Cross, pourriez-vous nous dire brièvement quelles seront, selon vous, les répercussions de ce projet de loi sur les familles à faible et moyen revenu, que les libéraux revendiquent avoir le plus aidées.
    Je pense que c’est l’un des problèmes que posent les taxes sur le carbone et les taxes de vente en général. Elles ont tendance à être régressives. Les familles à faible et moyen revenu consacrent une part proportionnellement plus importante de leur budget à ces sources d’énergie. Ce sera donc inévitablement régressif.
    Connaissez-vous le mémoire de Chi Man Yip paru récemment dans le Journal of Environmental Economics and Management sur les conséquences des taxes environnementales sur le marché du travail? Connaissez-vous cette publication?
    Non, malheureusement, le Journal of Environmental Economics and Management n’est pas l’une des publications auxquelles je souscris.
    L’une des choses qu’il affirme, c’est que, dans un premier temps, la politique augmente le taux de chômage global de 1,3 %. Deuxièmement, les effets du chômage, indépendamment du sexe ou du niveau de scolarité, diffèrent considérablement d’un groupe démographique à l’autre. Les hommes moins scolarisés souffrent le plus des effets du chômage.
    Diriez-vous qu’il n’y a pas que le tort causé aux familles en ce qui concerne les sommes qu’elles paient pour la taxe sur le carbone, mais que cela pourrait également augmenter le taux de chômage et particulièrement...
    C’est un bon point. Je n’y avais pas pensé, mais oui, il y aura aussi une différence selon le sexe. C’est parce qu’un plus grand nombre d’hommes travaillent dans les industries productrices de biens — la fabrication, le pétrole et le gaz —, ce secteur sera touché de façon disproportionnée. Il y aura donc un effet sexospécifique, puisque nous sommes tous censés avoir des analyses sexospécifiques sur tout ce que nous faisons maintenant.
     Oui et, malheureusement, on ne nous partage pas ces résultats.
    Je vais revenir à ce que M. Elgie a dit plus tôt au sujet des raisons pour lesquelles certaines entreprises ont été relocalisées dans d’autres pays.
     Tout d’abord, le gouvernement poursuit une stratégie à plusieurs niveaux. Le prix du carbone en est un, mais il est évident qu’il renforce la réglementation. Nous avons reçu M. John Moffet, d’Environnement Canada. Il a dit qu’il y aurait davantage d’innovation; ce qu’il m'a essentiellement affirmé, c'est qu'il s’agissait de subventions. Au lieu d’avoir une main invisible qui fixe un prix à l’intérieur d’un seul marché, n’allons-nous pas obtenir ce que nous voulons, parce que nous faisons partie d’une économie intégrée — le Canada, les États-Unis et, en fait, le monde — en ayant des prix plus élevés et une réglementation plus resserrée? De plus, nous allons devoir subventionner notre marché.
     En fait, M. Moffet anticipe un échec du marché. Je ne pense pas qu’il parle des défaillances du marché comme d'un « marché qui ne fonctionne pas ». Je pense qu’il veut plutôt dire que les entreprises ne pourront pas soutenir la concurrence et que, par conséquent, nous devrons les subventionner pour les garder en activité. Êtes-vous préoccupé par l’intégration de l’économie canadienne alors que certaines de ces politiques progressent?
    Oui. Je suis vraiment préoccupé par la compétitivité. Pour être honnête, je pense que le monde va passer à une économie sobre en carbone, que le Canada le veuille ou non. À mon avis, le défi consiste à déterminer si le Canada se prépare à être concurrentiel sur le plan de la création de richesses et d'emplois dans la direction que prend cette économie. Je pense que c’est une préoccupation réelle.
    Pour ce qui est de la transition, la tarification du carbone est le moyen le plus rentable de réduire les émissions. Je n’ai pas encore entendu dire aujourd’hui ou ailleurs que quelqu’un a trouvé une solution plus rentable pour réduire les émissions. Cela dit, ce n’est pas parfait. Il y a des secteurs qu’elle n'atteint pas aussi bien. La Commission de l'écofiscalité du Canada a publié tout un rapport là-dessus et je ne vais pas vous ennuyer avec cela aujourd’hui — mais je peux vous envoyer le lien — sur les raisons pour lesquelles, à court terme, vous aurez peut-être besoin d’autres règlements ou mesures incitatives pour accélérer la transition.
     Je pense que nous nous intéressons aux combustibles, à l’élimination progressive du charbon et à quelques autres secteurs où il y aura des règlements précis — le méthane. Ces règlements sont nécessaires parce que la tarification ne fera pas tout le travail assez rapidement pour nous permettre d’y arriver, mais nous devons tenir compte des répercussions sur la compétitivité. C’est pourquoi, des facteurs comme l’établissement des prix en fonction des extrants... C’est pourquoi j’ai proposé des mesures comme la déduction pour amortissement accéléré. Si nous voulons inciter les entreprises à investir, offrons-leur un soutien pour les aider à réduire les coûts d'investissement.
    Mais voyez-vous à l’heure actuelle que l’administration Trump...
    Je suis désolé, messieurs. Je dois céder la parole à Greg, sinon nous allons manquer de temps. Greg est le prochain intervenant.
(1830)

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai une question pour Mme Turcotte. MM. Elgie et Van Iterson pourront aussi y répondre.
    Madame Turcotte, j'avoue que la tarification du carbone aurait une incidence sur l'économie et sur les gens. Par contre, il y a aussi un coût à l'inaction.
    Pouvez-vous dire clairement au Comité combien il en coûterait de ne pas relever le défi que représentent les changements climatiques?
    Oui, absolument. J'ai un chiffre précis sur le coût de l'inaction.

[Traduction]

D’après les estimations de la Table ronde nationale de 2011 sur l’environnement et l’économie, les coûts s'élèvent entre 21 à 43 milliards de dollars par année d’ici 2050.

[Français]

    C'est substantiel.
    Dans l'étude qu'Environnement Canada a publiée il y a quelques jours, il est question d'une incidence sur le PIB de 0,1 %, et dans les perspectives budgétaires du mois d'avril, l'incidence est de 0,45 %.
    La Commission de l'écofiscalité du Canada estime que cette incidence pourrait être presque nulle si on prenait en compte la redistribution des revenus du Canada.
    La Commission a-t-elle aussi évalué ce qu'il en coûterait au chapitre de l'économie si on n'agit pas maintenant pour régler le problème des changements climatiques? Quel coût cela représenterait-il dans 10 ou 20 ans?
    Monsieur Elgie, je vois que vous avez hoché la tête.

[Traduction]

    Non, la Commission de l’écofiscalité n’a pas encore effectué cette estimation des coûts, mais il existe un certain nombre d’estimations. La plus importante a été réalisée par sir Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la Banque mondiale.
     Il a estimé que le coût de l’inaction en matière de changements climatiques serait relativement équivalent au coût combiné des deux guerres mondiales et de la Grande Dépression. Différentes personnes ont des chiffres plus ou moins élevés, mais cela représente l’ampleur de la conséquence au fait de ne pas s’attaquer au changement climatique. Il est certain que le secteur de l’assurance a vu ses primes pour les phénomènes météorologiques violents augmenter considérablement au cours des 20 dernières années. Ce secteur est l’un des lobbyistes les plus acharnés lors des sommets mondiaux sur le climat parce qu’il paie les coûts des changements climatiques.
     Est-ce que ce sont eux qui paient ou est-ce les personnes qui paient?
    Vous avez raison, mais leurs profits se situent au milieu de l’équation, alors ils sont très inquiets.
    D’accord. Sur ce, je pense que nous avons eu un après-midi très intéressant avec tous les témoins des deux groupes.
    Je vous remercie beaucoup d’être venus, d’avoir pris le temps de préparer un mémoire et d’avoir répondu à nos questions.
    La séance est levée.
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