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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la quatrième réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Pour commencer, je souhaite remercier tous les membres d'être ici aujourd'hui. Afin d'assurer le bon déroulement de la réunion, voici quelques règles à suivre.
Le personnel chargé de la santé et de la sécurité au travail nous a demandé de limiter les déplacements dans la pièce et de porter des masques si nous ne sommes pas assis. Toute personne qui porte un masque en ce moment peut l'enlever si elle le souhaite. Il fait un peu chaud.
Le marquage au sol indique qu'il faut se déplacer autour de la table dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. Les personnes doivent respecter la distanciation physique et rester à deux mètres les unes des autres, en particulier lorsqu'elles ne portent pas de masque. Je sais que pour les membres du Comité, c'est très difficile, car nous sommes véritablement heureux de nous retrouver. Essayez de rester loin les uns des autres aujourd'hui.
Les sièges et les microphones ont été placés de manière à respecter la distanciation physique. Par conséquent, je vous demande de les laisser au même endroit pendant toute la durée de la réunion.
Afin de minimiser les risques pour la santé, vous remarquerez que le personnel présent aujourd'hui est limité. Les employés ont reçu un numéro de téléphone et ils peuvent écouter les travaux en temps réel. Vous constaterez qu'aucun document papier n'a été distribué. Tous les documents ont été distribués aux membres par voie électronique. Si vous souhaitez obtenir une copie d'un document, veuillez en informer la greffière du Comité en lui envoyant un courriel à fewo@parl.gc.ca.
Aujourd'hui, nous allons passer à la motion de Jag Sahota visant à étudier les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les femmes.
Je vais passer la parole à Mme Sahota pour qu'elle lise sa motion.
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Je vous remercie. J'aimerais tout d'abord vous remercier de l'invitation et de l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui au sujet des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les femmes ou, comme j'aime le dire, des répercussions intersectionnelles sexospécifiques de la COVID-19.
Pour commencer, je suis sûre que nous sommes tous d'accord pour dire que nous vivons dans un pays qui n'offre pas les mêmes chances à tous et où l'inégalité entre les sexes persiste. On s'en rend compte en observant les nombreux obstacles auxquels se heurtent les femmes et les autres populations marginalisées ou sous-représentées en milieu de travail. Je le constate tous les jours dans mon travail. On peut également observer l'inégalité des sexes dans la faible proportion de femmes occupant des rôles de premier plan, dans les taux de violence familiale au pays, en analysant les préjugés et les stéréotypes que nous avons tous assimilés et qui sont profondément ancrés en nous ou en étudiant les secteurs genrés et la valeur que la société leur accorde.
Par exemple, les secteurs à forte prédominance masculine sont davantage valorisés que ceux à forte prédominance féminine, et les secteurs majoritairement féminins ont encore tendance à être dirigés par des hommes. Il y a aussi l'écart salarial persistant entre les hommes et les femmes. Il suffit de scruter n'importe quel secteur au Canada pour trouver des preuves de l'inégalité entre les sexes, et c'était aussi le cas avant la COVID-19.
Nous avions également commencé à nous enfoncer dans un marasme économique avant la COVID-19, surtout en Alberta, d'où je travaille. Comme on le voit généralement en période de ralentissement économique, la violence contre les femmes a augmenté, les responsabilités familiales des femmes se sont accrues et beaucoup d'autres indicateurs d'inégalité entre les sexes sont montés en flèche.
Lorsque la COVID-19 a frappé, elle a accéléré et exacerbé toutes les inégalités. L'emploi a chuté en raison des mesures de distanciation sociale, ce qui a eu de grandes répercussions sur les secteurs à prédominance féminine. Le virus lui-même ne fait pas de discrimination fondée sur le sexe ou le genre, mais les systèmes et les secteurs que nous avons créés sont discriminatoires. La COVID-19 a mis en lumière toutes les faiblesses du système sur le plan de l'inégalité.
Les travailleurs qui sont les plus touchés par la COVID-19, ceux sur lesquels nous comptons pour nous garder en sécurité et nous informer, sont, de par la nature même de leur travail, les plus susceptibles de contracter cette maladie, et ce sont majoritairement des femmes. Au Canada, le secteur des soins de santé est majoritairement féminin. Les infirmiers sont à 92 % des infirmières, les techniciens de laboratoire sont à 80 % des techniciennes, 75 % des inhalothérapeutes — qui jouent un rôle crucial dans le contexte de la COVID-19 — sont des femmes, et 90 % des travailleurs de soins à domicile et de soutien personnel sont des travailleuses. Tous ces travailleurs de première ligne dans la lutte contre la COVID-19 sont majoritairement des femmes, et pas seulement dans le secteur des soins de santé. Cette réalité s'étend à d'autres emplois de première ligne dans la lutte contre la COVID-19. Les femmes représentent 84 % des employés d'épicerie, 72 % des employés de la restauration et 71 % du personnel d'entretien.
Le secteur à but non lucratif, qui comprend les banques alimentaires, les refuges, les refuges pour femmes, l'aide aux sans-abri et le soutien aux personnes handicapées, compte quant à lui 75 % de femmes. Il emploie à lui seul plus de deux millions de Canadiens, mais il dépend fortement d'une main-d'œuvre bénévole de plus de 13 millions de personnes, dont la majorité est constituée — ce qui est incroyablement important — de travailleurs non rémunérés qui contribuent à soutenir les personnes les plus vulnérables dans le contexte de la COVID-19. Là encore, il s'agit principalement de femmes. Ce secteur en particulier a par ailleurs été paralysé par un manque de soutien financier et par l'obligation de retarder ou d'annuler les activités de collecte de fonds.
Les travailleurs de la santé des organismes à but non lucratif, qui sont majoritairement des femmes, ont également besoin d'équipement de protection individuelle pour faire leur travail et rester en sécurité. Nous avons observé une grave pénurie d'équipement de protection individuelle de taille adéquate pour des femmes. Nous savons qu'une grande partie de l'équipement, même s'il se veut unisexe, a été conçu pour les hommes de taille moyenne. Par conséquent, les travailleuses de première ligne ne sont pas protégées adéquatement.
Le système d'éducation a un effectif majoritairement féminin. En effet, 77 % des enseignants sont des enseignantes, et les assistants d'enseignement et les assistants en éducation sont à 96 % des assistantes. La COVID-19 a eu des répercussions significatives pour tous ces travailleurs. La fermeture des écoles a pour conséquence que ce sont surtout des femmes qui se retrouvent à faire l'école à la maison, s'occuper des enfants, jouer le rôle de la garderie ou s'occuper de parents âgés, de voisins ou de collègues de travail tout en nettoyant et en désinfectant méticuleusement la maison, en plus de faire leurs tâches habituelles, comme l'épicerie, la planification et le lavage. Tout cela s'ajoute à leur emploi régulier. Nous le savons parce que 75 % des femmes qui s'occupent de personnes âgées au Canada ont également un emploi à temps plein. Nous savons que, par rapport aux hommes, les femmes sont plus susceptibles de travailler plus de 20 heures par semaine en tant qu'aidantes et deux fois plus susceptibles de prodiguer des soins personnels. Ces statistiques datent d'avant la COVID-19.
Lorsque nous examinons la situation d'un point de vue intersectionnel, nous découvrons que les femmes racialisées ont plus de responsabilités familiales et domestiques que les femmes blanches. Par ailleurs, comme on le sait, la COVID-19 a également amené des femmes à quitter complètement le marché du travail en raison des lourdes responsabilités sur le plan familial, mais aussi en ce qui concerne le suivi scolaire. Une étude a récemment été menée pour vérifier ce fait et elle a révélé que la majorité des femmes qui envisageaient sérieusement de quitter leur emploi pendant la pandémie en raison de ces responsabilités étaient d'abord des mères chefs de famille, puis des femmes racialisées, suivies par des femmes asiatiques, et enfin des femmes blanches.
Nous savons également que, pour le mois de mars seulement, les données sur le travail ont révélé que les deux tiers des pertes d'emploi touchaient des femmes, alors que celles-ci représentent moins de la moitié de la main-d'œuvre. Celles qui n'ont pas perdu leur emploi ont perdu 50 % plus d'heures de travail que les hommes. Toujours en mars, les femmes âgées de 25 à 54 ans — le principal groupe d'âge actif — ont perdu plus du double d'emplois que les hommes de la même tranche d'âge. Près de la moitié des pertes d'emploi touchait des femmes occupant des emplois à temps partiel souvent mal rémunérés dans le secteur des services ou des soins.
Dans d'autres cas, il semblerait que les femmes choisissent de quitter le marché du travail. De février à mars, le nombre de femmes appartenant au principal groupe d'âge actif qui n'étaient pas sur le marché du travail canadien a augmenté de manière substantielle, soit de plus de 10 %. Cependant, ce n'était pas par choix, c'était par nécessité. En effet, dans les couples hétérosexuels par exemple, les femmes sont généralement moins bien payées que leur partenaire masculin et on s'attend à ce qu'elles aient davantage de responsabilités domestiques et familiales. Comme tout le monde est à la maison, quelqu'un doit s'acquitter de ces tâches, s'occuper des enfants et assurer le suivi scolaire. La Prestation d'urgence canadienne peut aider ces femmes à court terme, mais elle aura malheureusement aussi des effets négatifs à plus long terme sur leur carrière et leur capacité de gain future. Il faut en tenir compte.
La pandémie a également entraîné une augmentation de la violence familiale. Les refuges, les organisations de soutien comme le YWCA, les organismes qui fournissent un soutien informel aux survivantes comme Sagesse à Calgary, ainsi que les services de police, ont tous signalé une augmentation des taux de violence familiale. Plusieurs d'entre eux ont indiqué que les taux étaient plus faibles au début de la pandémie en raison du strict isolement social. Pendant cette période, les femmes étaient coincées à la maison avec leur agresseur, par exemple, mais ensuite, une fois que les restrictions ont commencé à être assouplies, les taux ont tout simplement grimpé en flèche.
Nous savons également que les femmes sont plus susceptibles de vivre en situation de pauvreté et d'avoir des revenus plus faibles. Elles occupent les deux tiers des emplois au salaire minimum, ce qui les expose davantage au risque d'être au chômage et de vivre dans la pauvreté.
Toutes les répercussions qui ont été relevées jusqu'à présent contribuent à une plus grande inégalité entre les sexes au Canada. Afin d'atténuer ces répercussions disproportionnées et de nous préparer à une deuxième vague de COVID-19, nous devons voir à ce que toutes les décisions soient prises en tenant compte d'un point de vue intersectionnel par rapport aux sexes afin de ne pas répéter les mêmes formes d'inégalité et de discrimination et de pouvoir commencer à apporter des changements progressifs et durables pour le bien de tous.
Je suis une partisane de l'Analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS+, et il est incroyablement important de l'appliquer à toutes les décisions prises en matière de prévention, de gestion et d'intervention dans le contexte de la COVID-19. Il est temps de doubler la mise sur le plan de l'ACS+. Une bonne ACS+ tient compte non seulement du sexe et du genre, mais aussi de la race, de l'origine ethnique, de la culture, de la langue, des capacités, de l'âge, de l'orientation sexuelle et d'autres facteurs tels que l'emplacement géographique. Le processus éclairé qu'est l'ACS+ du gouvernement serait alors plus adapté à des régions précises du Canada et efficace pour éliminer les obstacles que peuvent rencontrer certaines populations.
La Commission canadienne des droits de la personne, le Conseil consultatif sur l'égalité des sexes du G7 et les Nations unies, ainsi qu'une multitude d'intervenants dans le domaine de l'égalité entre les sexes au Canada et dans le monde, préconisent que les pays adoptent une approche féministe à l'égard de la COVID-19. Si nous ne redoublons pas d'efforts et ne veillons pas à ce qu'un point de vue féministe intersectionnel comme l'ACS+ soit efficacement utilisé dans l'ensemble des décisions et des interventions, nous manquerons à notre devoir envers les Canadiens, et les femmes continueront de faire les frais de la pandémie.
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Merci beaucoup, madame la présidente. Bonjour à vous et aux membres du Comité.
Le London Abused Women's Centre n'est pas un centre de crise et n'offre pas d'hébergement. C'est un organisme féministe qui offre aux femmes et aux jeunes filles de plus de 12 ans victimes de violence masculine un accès immédiat à des services à long terme pour les femmes dans un milieu sensible aux traumatismes. Le service s'adresse à des femmes et des jeunes filles qui sont victimes d'abus dans leurs relations intimes, de traite de personnes ou d'exploitation sexuelle qui alimente le commerce du sexe, y compris la pornographie, d'agressions sexuelles par des étrangers, des connaissances ou des personnes rencontrées lors d'un rendez-vous, ou de harcèlement sexuel et de torture.
Le London Abused Women's Centre fournit également un soutien et des conseils aux membres de la famille des femmes et des filles qui ont été victimes de traite de personnes ou d'exploitation sexuelle ou qui ont disparu. De nombreux parents sont venus de villes de tout le pays jusqu'à London, en Ontario, pour nous rencontrer au centre et nous aider à retrouver leur fille. Sans l'aide du London Abused Women's Centre, plus de 200 membres de famille continueraient de vérifier quotidiennement les annonces en ligne pour voir si on fait encore violence à leur fille en la faisant paraître dans des publicités offrant des services sexuels aux hommes. Ils le font parce qu'ils ont besoin de savoir si leur fille est vivante ou morte. Au cours de l'exercice 2019-2020, le centre a fourni des services à 8 100 femmes et filles, soit une augmentation de 107 % par rapport aux années précédentes.
La COVID a eu de grandes répercussions sur la vie des femmes, des jeunes filles et de tous les enfants. Les femmes ont été contraintes de s'isoler à la maison avec leur agresseur. Imaginez un instant à quel point votre vie serait chamboulée si vous étiez forcés de rester chez vous tout en sachant que vous seriez agressés, violés, torturés, dévalorisés à répétition, et peut-être même tués. Imaginez maintenant que vos jeunes enfants n'aient d'autres choix que d'être témoins ou exposés quotidiennement à la violence dont est victime leur mère. Il arrive que ces enfants soient blessés en tentant d'aider leur mère. D'autres se font parfois tuer en même temps qu'elles. Les plus vieux amènent parfois leurs frères et sœurs plus jeunes dans leur chambre où ils placent des tiroirs ou une commode devant la porte pour empêcher leur père d'entrer.
Pendant la COVID, de nombreux organismes, dont le London Abused Women's Centre, ont dû fermer leur bureau physique et travailler de la maison, en offrant des groupes en ligne et des conseils par téléphone. Les femmes piégées chez elles qui avaient besoin d'aide ne pouvaient pas nous appeler pour avoir des conseils par téléphone. Elles ne pouvaient pas appeler la police. Elles ne pouvaient pas se réfugier chez une amie. Même dans des conditions idéales, il est extrêmement difficile de quitter son agresseur. Pendant la COVID, c'était presque impossible. Si ces femmes avaient trouvé un moyen de fuir, elles ne l'auraient pas fait si cela signifiait de laisser leurs enfants derrière. La plupart des femmes dans ce genre de situation vivent sous la menace constante de la mort, autant la leur que celle de leurs enfants. Si la police se présente, grâce à la grande vigilance et à l'intervention d'un voisin qui décide de faire quelque chose, où la victime emmènera-t-elle ses enfants? Les refuges sont pleins. Les femmes et les enfants n'ont nulle part où aller.
Pendant la COVID, nous avons communiqué avec le service de police de London parce que nous avons déterminé que le fait de ne pas avoir d'endroit où se réfugier constituait une énorme faille. La police doit avoir un endroit où elle peut immédiatement emmener les femmes et les enfants. Voilà pourquoi le London Abused Women's Centre, en collaboration avec le service de police de London, a élaboré un protocole: le centre réservait des chambres dans un hôtel sûr et la police y emmenait immédiatement les femmes et leurs enfants. Le centre négociait avec l'hôtel pour que la police puisse y amener des femmes à n'importe quel moment du jour ou de la nuit et intervenait rapidement pour apporter aux victimes des cartes de nourriture, des vêtements, des couches et tout autre chose dont elles avaient besoin. Nous fournissions immédiatement des conseils et un plan de sécurité, et nous aidions les femmes à aller dans un refuge dès que des places se libéraient. Nous les aidions à trouver un logement à long terme.
C'était un coût initial énorme à absorber pour le London Abused Women's Centre, mais nous avons ensuite reçu une aide financière de Centraide, et récemment de Femmes et Égalité des genres Canada par l'intermédiaire de la Fondation canadienne des femmes pour couvrir les coûts. Ce n'était certainement pas une solution parfaite, mais c'était un peu d'espoir pour des victimes qui n'en avaient parfois plus.
Exception faite des deux dernières semaines d'avril et des deux premières semaines de mai, lorsqu'il y a eu le féminicide en Nouvelle-Écosse et que les demandes de service auprès du London Abused Women's Centre ont augmenté de près de 50 %, les demandes de service en général pendant la COVID ont diminué de 18 %, tout comme celles du service de police de London. La situation a été attribuée aux neuf semaines au cours desquelles nous avons travaillé à la maison. Le bureau physique était fermé aux clientes sans rendez-vous et nous n'étions pas en mesure de fournir des services aux femmes et aux filles dans les services de détention pour jeunes ou adultes. Les groupes de conversation Zoom et par téléphone n'étaient tout simplement pas accessibles aux femmes piégées à la maison avec leur agresseur. La COVID gardait les victimes en otage chez elles avec leur agresseur. Comment les femmes pouvaient-elles demander de l'aide alors qu'elles ne pouvaient même pas aller aux toilettes sans demander la permission?
Cependant, le programme de lutte contre la traite de personnes du London Abused Women's Centre a connu une augmentation de 37 % des demandes de service pendant la COVID, malgré la décision du gouvernement fédéral de cesser de le financer en plein milieu de la pandémie. La population de London nous a aidés en nous versant des fonds qui permettront au programme d'être maintenu jusqu'au 31 juillet. Si la collectivité n'avait pas financé temporairement le programme, 650 femmes et filles victimes de la traite de personnes et de l'exploitation sexuelle, auxquelles nous avons fourni un service à long terme, n'auraient eu aucun autre endroit où se réfugier que chez les trafiquants, où elles auraient peut-être trouvé la mort.
Ce n'est évidemment pas de bon augure pour un gouvernement qui se vante d'être féministe. Le fait que le gouvernement Trudeau ait cru judicieux de cesser de financer tous les programmes de lutte contre la traite de personnes au Canada au beau milieu d'une pandémie mortelle pose de graves questions quant à l'engagement du gouvernement envers les femmes et les filles. Nous trouvons cette décision absolument épouvantable.
La traite de personnes et l'exploitation sexuelle n'ont pas disparu ou ralenti soudainement pendant la COVID. La situation s'est aggravée. Il y a une plus forte demande de jeunes femmes et de filles mineures chez les hommes qui pensent avoir le droit de violer des femmes et des jeunes filles en échange d'argent. Les clients du commerce du sexe ont alimenté la demande de jeunes filles et de femmes, et les trafiquants sont toujours prêts à avoir les femmes et les jeunes filles nécessaires pour répondre à la demande accrue. Il n'y a pas eu d'amenuisement pendant la COVID. Les trafiquants continuent de faire la traite de jeunes femmes et de filles mineures vulnérables de ville en ville et d'hôtel en hôtel le long des autoroutes de la série 400.
Il n'y a évidemment aucune distanciation sociale et aucun équipement de protection individuelle dans le commerce du sexe. Si ces précautions sont obligatoires pour les professionnels de la santé exposés à des fluides corporels, elles sont contraires à l'objectif même de l'industrie du sexe, qui est de donner aux hommes un accès sans contrainte à des femmes et des jeunes filles pour les violer.
Les hommes paient plus pour avoir des rapports sexuels non protégés et ils paient plus pour pouvoir éjaculer sur le visage d'une femme lors du climax. Non seulement aucun responsable de la santé publique ni aucun politicien n'ont abordé ce sujet, mais en plus un bien trop grand nombre d'entre eux croient que le rôle des femmes est de satisfaire les hommes, leurs manies et leurs fantasmes sexuels.
Les écoles étant fermées, les enfants étant à la maison et les parents travaillant de chez eux, le nombre d'enfants ayant été entraînés dans des pièges en ligne a augmenté. Des filles se sont vues forcées de se dénuder et de se masturber pour des trafiquants. Jeunes et naïves, elles croyaient que le garçon ou l'homme en ligne s'intéressait à elles. Elles ne s'attendaient vraiment pas à être filmées à différents stades de nudité ou de masturbation.
Les vidéos sont téléchargées sur des sites étrangers comme Pornhub, qui est géré par MindGeek à Montréal. Des parents horrifiés et anéantis ont appelé le LAWC pour qu'il les aide à faire retirer ces vidéos. Nous avons essayé de le faire, en y mettant tous nos efforts, mais le fait est que, une fois que ces vidéos sont publiées en ligne, elles sont faciles à télécharger et, même lorsqu'elles sont retirées des sites pornographiques, elles restent à jamais intégrées au fichier de téléchargement de quelqu'un.
Il est important que vous sachiez que le financement du programme anti-trafic du LAWC que le gouvernement Trudeau a supprimé au nom... Nous offrions ce service au nom du gouvernement, et il a été éliminé. Il ne coûtait que 164 000 $ par an.
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Merci, madame la présidente.
Merci à vous, mesdames Walker et Hawranik, d'être là aujourd'hui. J'ai grandement apprécié vos témoignages.
Je représente le Manitoba au Parlement, et nous savons que la pandémie de COVID-19 a eu des répercussions sur les femmes de manière disproportionnée, comme vous l'avez toutes les deux souligné. Au Manitoba, la situation est vraiment terrible.
Madame Hawranik, comme vous l'avez dit, avant que la pandémie COVID-19 ne frappe, nous étions confrontés à des taux de violence domestique contre les femmes parmi les plus élevés au pays. Selon mon dernier décompte, les services à l'enfance et à la famille accueillent plus de 12 000 enfants, ce qui est le plus grand nombre par habitant au monde. Pour ces raisons et bien d'autres, j'ai demandé aux responsables de Femmes et Égalité des genres Canada et à la ministre l'ouverture d'un bureau au Manitoba — il n'y en a pas actuellement —, et un certain nombre de choses alarmantes ont été rapportées récemment dans les médias.
Selon un rapport de Shared Health Manitoba, plus de 90 cas d'agressions sexuelles impliquant la drogue du viol ont été signalés en 2018 et bien sûr, très peu de cas d'agressions sexuelles sont signalés.
Il s'agit, manifestement, d'un problème courant au Manitoba, et je tiens à dire que j'apprécie vraiment le travail que vous faites toutes les deux. En tant que députés, nous prenons cette question très au sérieux.
Madame Hawranik, c'est à vous que j'aimerais parler en premier au sujet du travail en matière d'analyse comparative entre les sexes que vous faites. J'aimerais avoir votre avis sur certains des programmes que le gouvernement a annoncés ces derniers mois. Nous savons qu'il a agi très rapidement pour mettre en place ces programmes. Ce qui me préoccupe, c'est qu'aucune ACS+, à notre connaissance, n'ait été mise en place dans le cadre de certains de ces programmes. Par ailleurs, je me demandais si vous pouviez nous dire ce que vous pensez de l'AUCLC, le programme d'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial. J'ai peut-être mal compris l'acronyme, mais il s'agit d'un programme dans le cadre duquel le gouvernement paie 50 %, le locataire 25 %, et le propriétaire a une baisse de 25 %.
Ce programme a très peu pris, et j'ai entendu dire, fait intéressant, que les femmes entrepreneurs ont beaucoup plus de difficultés à bénéficier de ce programme. Je me demande si vous avez eu l'expérience d'une telle situation et ce qu'on aurait pu apprendre sur ce programme sous un angle ACS+, s'il y en avait eu une.
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Merci, madame la présidente.
Mesdames, je vous remercie toutes les deux d'être là, aujourd'hui, en cette époque extraordinaire. Mais surtout, merci pour le travail que vous faites pour aider les Canadiens, les femmes, les jeunes filles et tout le monde. Vous faites un travail phénoménal.
Madame Walker, je vous lève mon chapeau. C'est aux premiers jours de la pandémie, je crois, que vous vous êtes rendu compte que la ligne d'assistance téléphonique pour la traite des êtres humains avait cessé de fonctionner et que vous avez attiré l'attention du gouvernement là-dessus. Je vous en remercie. Il est intéressant de constater que vous avez demandé de l'aide un jour et que, dès le lendemain, heureusement, grâce au , elle fonctionnait de nouveau. Depuis lors, elle a reçu plus de 340 appels. Je vous en remercie donc. Sans cela, ces dames et leurs amis auraient encore une fois glissé entre les mailles du filet.
Mme Hawranik, j'ai vraiment aimé ce que vous avez dit, que la COVID est comme une lampe-torche. Nous savons tous que beaucoup de ces problèmes existent depuis très longtemps, et la COVID a effectivement contribué à les mettre en lumière. Que faisons-nous et que pouvons-nous faire mieux pour nous assurer que lorsque la deuxième vague arrivera, nous aurons réglé ce problème particulier et, plus important encore, que nous aurons fait des changements fructueux pour ces organisations, ces femmes, ces enfants et ces jeunes garçons à l'avenir?
J'ai juste quelques points à aborder avec vous. Premièrement, on savait que le financement annoncé en 2015 allait expirer en 2020. Nous reconnaissons l'importance du problème qu'est la traite des êtres humains. C'est pourquoi la stratégie de lutte contre la traite des êtres humains sera lancée à la fin de ce mois, je crois. Cela va être fantastique. Nous allons investir 75 millions de dollars, dans tous les ministères et agences du gouvernement. Le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres du Canada recevra ainsi 10 millions de dollars, et les demandes de financement dans ce cadre pourront bientôt être faites.
Nous savons qu'il est urgent d'agir. C'est pourquoi nous mettons en place certaines mesures dès maintenant. Nous savons que nous devons nous attaquer à la violence sexiste sous toutes ses formes. C'est pourquoi nous soutenons le plan d'action national et ses plus de 200 millions de dollars d'investissements supplémentaires. Les femmes sont au cœur de notre toute première stratégie nationale en matière de logement. Il s'agit de notre plan décennal de 55 milliards de dollars qui vise à donner à un plus grand nombre de Canadiens un endroit qu'ils puissent appeler leur chez-eux. Et 30 % de ces fonds doivent être consacrés à des projets qui profitent aux femmes et aux filles.
En outre, nous avons promis de créer au moins 7 000 places dans des refuges d'ici 2027. Nous avons atteint cet objectif bien avant le début de la pandémie de COVID-19. Nous avons quand même doublé les fonds alloués aux femmes vulnérables et à leurs familles depuis le début de la pandémie. L'une des premières choses que nous avons annoncées, ce sont des fonds de 50 millions de dollars destinés à ce groupe, dont 30 millions de dollars pour les refuges et les centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles, 10 millions de dollars pour les refuges autochtones par l'intermédiaire de Services aux Autochtones Canada et un fonds d'urgence de 10 millions de dollars pour des organisations comme le London Abused Women's Centre, afin de fournir les services essentiels non liés aux refuges à toutes ces femmes.
Par l'intermédiaire de Women's Shelters Canada, nous avons fourni plus de 20 millions de dollars à plus de 420 refuges pour femmes dans tout le Canada, d'un océan à l'autre. Par l'intermédiaire de la Fondation canadienne des femmes, nous avons fourni plus de 2 millions de dollars à plus de 90 centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles. Nous avons également collaboré avec la province de Québec pour lui fournir une aide financière aussi, de 6,46 millions de dollars. Selon le tout dernier rapport, ces fonds ont été alloués à plus de 120 refuges pour femmes et 50 centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles dans la province de Québec. Au moment où nous nous parlons, la Fondation canadienne des femmes est en train de distribuer l'argent du fonds d'urgence.
Nous ne savons pas exactement combien d'organisations ont reçu de l'argent à ce jour, mais nous savons et pouvons confirmer que l'un des bénéficiaires était votre centre, madame Walker, le London Abused Women's Centre.
J'aimerais aborder la question de la garde d'enfants un bref instant. Je veux juste m'assurer... Encore une fois, d'après toutes les discussions qu'il a pu y avoir, il est ressorti que le volet de la garde d'enfants est très important en ce qui concerne le retour au travail des femmes. Nous sommes fiers d'avoir signé la toute première entente multilatérale avec les provinces et les territoires sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, car nous savons qu'investir dans nos enfants, c'est investir dans notre avenir. Nous avons prévu 7,5 milliards de dollars, entre 2017 et 2028, pour donner aux enfants le meilleur départ possible dans la vie. Depuis 2017, nous avons créé plus de 40 000 places de garde d'enfants, offrant aux enfants qui en ont le plus besoin des services de garde de qualité, abordables et culturellement adaptés. Nous avons mis beaucoup d'argent dans les poches de neuf familles sur 10 grâce à l'Allocation canadienne pour enfants. Nous sommes actuellement en train de renouveler chacune des ententes bilatérales passées avec les provinces et les territoires. Nous espérons pouvoir annoncer ces ententes prochainement. Nous savons tous que la garde d'enfants relève essentiellement de la responsabilité de la province, comme c'est le cas pour beaucoup de choses, mais parce que nous voulons aider, nous entrons en scène.
Nous savons qu'il reste encore beaucoup à faire. Il est important de reconnaître le chemin parcouru: ainsi, entre 2015 et 2019, le gouvernement a augmenté les fonds destinés aux organisations de femmes et de défense de l'égalité des sexes. Ils sont passés de moins de 20 millions de dollars, pendant la dernière année du gouvernement Harper, en 2014, à plus de 65 millions de dollars par an depuis lors.
Cette année, par l'intermédiaire du ministère des Femmes et de l'Égalité des genres, FEGC, qui n'était auparavant qu'une sous-section d'un autre ministère, le gouvernement a approuvé un financement total de plus de 110 millions de dollars. C'est plus que le financement total combiné des cinq dernières années du gouvernement conservateur. C'est donc merveilleux que ce sujet soit passé sur le devant de la scène. Nos investissements représentent un financement essentiel pour plus de 1 200 organisations.
Madame Hawranik, puisque le sujet de la COVID-19 est sur le tapis, je serais curieuse de vous entendre parler de votre expérience en Alberta lors du ralentissement des industries pétrolière et gazière, ce que ma province connaît en ce moment aussi. Quels sont les programmes que vous avez mis en place et qui vous ont vraiment aidés? Quelles leçons pouvons-nous tirer de ce que vous avez fait en Alberta et de vos tribulations là-bas? Que pouvons-nous en apprendre et mettre à profit dans notre traitement en ce moment de la crise liée à la COVID et ce que nous devrons faire à l'avenir, quand la deuxième vague de COVID surviendra?
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Tout d'abord, je tiens à préciser qu'il y a des lacunes importantes. Je dois mettre en doute l'intégrité de tout gouvernement qui interrompt un financement qui vise à aider les femmes et les filles victimes de la traite des personnes au beau milieu de la plus grande pandémie jamais vue sur la planète jusqu'à présent.
Je veux que vous sachiez que nous sommes très chanceux à London, en Ontario. En effet, les habitants de notre ville sont consternés par la décision prise par le gouvernement. En fait, des résidants nous téléphonent souvent pour exprimer leur soutien à l'égard de notre programme et de ce qu'il fait pour notre collectivité et notre pays, et ils sont prêts à nous verser directement des dons en argent au lieu de les verser dans les coffres du gouvernement Trudeau.
Je tiens également à mentionner une autre lacune. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les intervenants du Abused Women's Centre préconisent fortement l'utilisation d'une partie du financement annoncé chaque jour pour la pandémie pour aider les femmes qui se prostituent, ainsi que les victimes de la traite et de l'exploitation. En effet, ces femmes n'ont pas d'antécédents professionnels et ne sont donc pas admissibles au financement. Nous avons proposé un certain nombre de solutions, mais cette population la plus vulnérable n'a toujours pas reçu du financement pour lui permettre de s'en sortir. Encore une fois, je trouve cela dévastateur.
En ce qui concerne les mesures que nous allons prendre, le gouvernement a visiblement tourné le dos aux femmes et aux filles dont nous nous occupons à London. Il les a trahies. Nous savons que London est une plaque tournante du trafic sexuel en raison de son accès à l'autoroute 401, mais aussi en raison de son emplacement entre Détroit, où la prostitution est interdite, et la ville de Toronto.
Notre collectivité continuera de se manifester pour nous. En fait, nous ne permettrons pas la fermeture de ce programme. se présente peut-être comme un féministe, mais il ne démolira pas les organisations féministes par ses décisions mal avisées, comme celle qu'il vient de prendre. Dans les prochains jours, nous ferons une grande annonce avec l'appui de notre collectivité. Je peux assurer à chacune des 650 femmes et filles victimes de la traite qui continuent d'avoir accès à nos services quotidiennement qu'elles ne seront pas laissées pour compte à London.
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Bonjour. Je m'appelle Ann Decter, et je représente la Fondation canadienne des femmes, la seule fondation publique nationale pour les femmes et les filles au Canada et l'une des 10 plus grandes fondations au monde. Depuis trois décennies, notre travail d'attribution de subventions vise à sortir les femmes de la pauvreté et de la violence et à les amener dans un environnement sécuritaire et fiable.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui pour parler de cette question urgente, car les femmes du Canada ont été touchées par la pandémie à un point tel que les progrès en matière d'égalité qui avaient été réalisés risquent de reculer grandement. La sécurité, les moyens de subsistance et le bien-être des femmes ont tous été mis en péril, surtout pour les femmes issues de communautés marginalisées par la discrimination systémique. La pandémie a attiré l'attention sur la violence fondée sur le sexe, la sécurité économique des femmes, la prestation des soins et le rôle économique central joué par les services de garde d'enfants.
Les femmes ont subi de lourdes pertes économiques, et c'est encore plus prononcé pour les femmes à faible revenu qui subissent des inégalités croisées et fondées sur la race, un handicap, l'éducation, le colonialisme, le statut migratoire et le statut d'immigration. Un ralentissement historique de l'emploi des femmes, aggravé par l'incertitude quant à la capacité de notre fragile secteur des services de garde d'enfants à rouvrir pleinement, pourrait nuire grandement à la sécurité économique des femmes. On peut s'attendre à ce que les femmes des communautés diverses et marginalisées aient le plus de difficulté à sortir de cette crise.
L'ampleur des pertes d'emplois subies par les femmes est énorme. À la fin du mois de mai, 1,5 million de femmes avaient perdu leur emploi et 1,2 million d'autres avaient perdu la majorité de leurs heures de travail, ce qui touche plus du quart de l'ensemble des travailleuses. Ce sont les salariées les moins bien payées qui ont été les plus durement touchées. En effet, 58 % des femmes qui gagnaient 14 $ de l'heure ou moins ont été mises à pied ou ont perdu la majeure partie de leurs heures de travail en avril. Dans l'ensemble, les femmes dont le salaire se situe parmi les 10 % les moins élevés ont subi des pertes d'emplois 50 fois plus élevées que les femmes qui gagnent les salaires les plus élevés. Ce sont les types de données granulaires révélées par l'analyse intersectionnelle fondée sur le sexe qui sont nécessaires pour soutenir les décisions liées aux prochaines mesures qui seront prises.
Les mères perdent leur emploi de façon disproportionnée. En effet, elles représentent 57 % des parents qui avaient perdu leur emploi ou la plupart de leurs heures de travail à la fin du mois de mai et seulement 41 % des gains d'emploi. Plus d'un quart des mères d'enfants de moins de 12 ans qui travaillaient en février étaient au chômage ou travaillaient moins qu'à mi-temps à la fin du mois d'avril. Les mères qui élevaient seules leurs enfants étaient plus susceptibles de perdre leur emploi que celles des familles biparentales.
Les femmes quittent le marché du travail et assument une plus grande partie des responsabilités familiales à la maison. Le nombre de femmes dans la force de l'âge à l'extérieur du marché du travail a augmenté de 34 % entre le mois de février et la fin d'avril. Cela inclut les femmes qui ont cessé de chercher du travail en raison de la montée en flèche du chômage ou pour assumer des responsabilités familiales. La sécurité économique des femmes est donc menacée.
L'accès aux services de garde d'enfants sous-tend l'accès des mères au marché du travail, et sans l'intervention du gouvernement, les services de garde d'enfants seront plus rares et plus coûteux. Un centre de garde d'enfants sur trois n'a pas confirmé sa réouverture. Les exigences en matière d'éloignement physique réduisent le nombre de places. L'équipement de protection individuelle et la désinfection des lieux feront augmenter les coûts, ce qui entraînera une hausse des frais pour les parents et mettra les services de garde d'enfants hors de la portée financière d'un plus grand nombre de familles. Les parents de tous les sexes ont besoin des services de garde d'enfants pour travailler, mais pour les femmes, qui assument toujours une part disproportionnée des responsabilités familiales, c'est essentiel. La fermeture d'urgence des garderies et des écoles a fait peser un triple fardeau sur les mères qui travaillent à temps plein à domicile et qui s'occupent à la fois des enfants et des tâches ménagères.
La prestation de soins s'est retrouvée au cœur de la réponse à la pandémie. Le personnel de nos systèmes de soins primaires et de soins de longue durée est en grande partie composé de femmes. Plus d'une travailleuse sur trois occupe un emploi à risque élevé et est plus exposée à la COVID-19. Les femmes représentent plus des deux tiers des personnes qui nettoient et désinfectent les édifices et près de 90 % des préposés aux services de soutien à la personne. Après deux décennies d'austérité dans les soins de santé et les services communautaires, les travailleurs les plus mal payés — une main-d’œuvre à forte majorité féminine et racialisée — constituent la première ligne de défense contre les maladies catastrophiques et la dépression économique. L'économie canadienne des soins est fracturée, et les femmes, surtout celles qui sont racialisées, noires, migrantes et sans papiers, en font les frais.
Le retrait du gouvernement a ouvert la voie à la prolifération de chaînes à but lucratif dans le secteur des soins, ce qui a réduit la qualité des soins, les niveaux de personnel et les avantages et les protections en matière d'emploi, avec des conséquences négatives pour les bénéficiaires de soins, la main-d’œuvre racialisée et sexospécifique et la réponse du Canada à la pandémie.
Au Canada, le travail de prestation des soins repose également sur des travailleurs migrants hautement qualifiés, mais peu rémunérés, qui occupent désormais des postes dans des maisons privées et des établissements de soins de santé, mais qui ont de moins en moins la chance d'obtenir le statut de résident permanent et la protection de leurs droits. Les conséquences de la pandémie sur les travailleurs migrants sont notamment la mise à pied par les employeurs qui travaillent désormais à domicile ou qui ont été mis à pied, le confinement 24 heures sur 24, sept jours sur sept dans les maisons privées des employeurs et la perte du statut d'immigrant en raison des délais de traitement au sein du gouvernement.
L'obligation de rester à la maison augmente le risque de violence familiale et réduit la capacité des femmes de quitter un foyer violent pour la sécurité des refuges, ce qui souligne l'importance du secteur de la prévention de la violence, tout en exerçant une pression supplémentaire sur les services de lutte contre la violence déjà surchargés. La fermeture d'espaces physiques et le passage à des services à distance ont créé des obstacles uniques à l'accès aux centres d'aide pour les victimes d'agression sexuelle.
Dans le meilleur des cas, les services de lutte contre la violence fondée sur le sexe sont sous-financés et n'arrivent pas à répondre à la demande. En effet, la demande d'accès aux refuges pour femmes dépasse constamment la capacité d'accueil. Des lacunes importantes persistent dans les services d'hébergement pour les femmes handicapées, les femmes sourdes, les femmes des régions rurales et isolées et les femmes qui ont besoin de services adaptés à leur culture. Les femmes des Premières Nations, les Métisses ou les Inuites ont accès à quatre refuges pour femmes sur cinq au pays, mais seulement un refuge sur cinq peut souvent offrir des programmes adaptés à la culture, et 70 % des membres des communautés inuites n'ont pas accès à un refuge.
Avec l'essor du mouvement « Me Too », les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle ont reçu un nombre beaucoup plus élevé d'appels sans que le financement augmente en conséquence. Au déclenchement de la pandémie, d'un bout à l'autre du Canada, des victimes d'agression sexuelle, dont certaines présentaient un risque élevé de suicide, étaient bloquées sur une liste d'attente pour obtenir des services de counseling. La responsable d'un centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle a parlé de la transition vers le travail à distance en disant que le centre avait dû investir dans un système téléphonique, car le système existant était un don qui datait de 1980. Le centre n'avait pas non plus de fonds pour l'équipement de protection individuelle pour le personnel et les bénévoles qui accompagnent les femmes dans les hôpitaux, dans les services de police et chez le médecin. Même si cette responsable était reconnaissante du financement de 25 000 $ reçu par le centre, elle a été obligée d'admettre que ce n'était pas suffisant, car le centre a commencé à manquer d'équipement de protection individuelle, les bénévoles ont commencé à montrer des signes d'épuisement et le centre reçoit en moyenne de 60 à 80 appels urgents par jour.
Comme vous le savez sans doute, le secteur des services aux femmes désigne des organismes à but non lucratif et des organismes de bienfaisance qui fournissent des services expressément destinés aux femmes, afin de faire progresser l'égalité des femmes par l'entremise de politiques, de la défense des droits et de la mobilisation du public. Cela comprend les refuges pour femmes, les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et les centres pour femmes qui offrent un filet de sécurité aux femmes et à leur famille. Ces services sont essentiels pour maintenir un système d'État-providence sain et pour atteindre l'égalité des sexes.
Le confinement lié à la pandémie a mis en évidence et exacerbé les problèmes existants dans le modèle de financement du secteur des services aux femmes. Ce secteur est financé partiellement et irrégulièrement par une combinaison imprévisible de dons individuels, de dons d'entreprises et de subventions de fondations et de l'État. Ces processus sont lents et inefficaces, et il faut constamment les renouveler en communiquant avec les intervenants. Les organismes recherchent, sollicitent et renouvellent constamment des financements qui sont en grande partie fondés sur des projets et qui sont souvent temporaires. Les rapports produits par le secteur des services aux femmes indiquent une crise imminente.
Tout comme la meilleure réponse d'urgence à la pandémie élaborée par les responsables de la santé publique, dont beaucoup sont des femmes, la planification de la relance en tenant compte des femmes et de l'égalité des sexes nécessite une analyse approfondie, des résultats cibles précis et fondés sur des preuves, des approches méthodiques pour la mise en œuvre et un leadership responsable avec une vision et du cœur.
Si de vastes mesures d'urgence devaient être remises en œuvre pour une autre période indéterminée, la Fondation canadienne des femmes recommande d'adopter les mesures suivantes, en rappelant qu'une analyse inclusive fondée sur le sexe et comprenant une optique intersectionnelle est essentielle à la planification de tous les investissements du gouvernement visant la relance à court ou à long terme. En ce qui concerne la sécurité économique des femmes, nous recommandons de rétablir la Prestation canadienne d'urgence pendant toute période de ralentissement économique, de rétablir la Subvention salariale d'urgence du Canada avec un mécanisme administratif plus simple pendant toute période de ralentissement économique, d'élargir l'accès à l'assurance-emploi, afin que toutes les femmes qui cotisent puissent avoir accès aux prestations, de collaborer avec les provinces et les territoires pour offrir 10 jours de congé de maladie payés comme il a été annoncé, de mettre en œuvre un financement qui permettra de rouvrir en toute sécurité les services de garde d'enfants et de les ramener au niveau de services antérieurs à la pandémie et de continuer d'élargir l'accès jusqu'à atteindre l'accès universel.
En ce qui concerne les femmes et le travail de prestation des soins, il faut collaborer avec les provinces et les territoires pour veiller...
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Merci beaucoup, madame la présidente et membres du Comité, de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.
L'organisme Un Enfant, Une Place, aussi connu sous le nom d'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, a été créé en 1982 pour agir au nom d'organismes et de particuliers qui souhaitent que des services d'éducation précoce et de garde d'enfants abordables, inclusifs et de grande qualité soient offerts à toutes les familles et à tous les enfants, quels que soient leur lieu de résidence et leur situation.
Nous tenons à féliciter le Comité permanent de la condition féminine d'avoir entrepris un examen des effets de la COVID-19 sur les femmes et d'avoir reconnu qu'un tel examen serait incomplet s'il ne portait pas également sur les effets de la COVID-19 sur l'accès des femmes aux services de garde d'enfants.
J'ai comparu devant votre comité il y a trois ans dans le cadre de votre étude sur la sécurité économique des femmes. Comme beaucoup d'autres témoins, j'ai alors déclaré que les Canadiennes n'atteindraient pas et ne pourraient pas atteindre la sécurité économique sans un accès complet à la main-d’œuvre rémunérée et à un travail adéquatement rémunéré. Cela ne se fera pas et ne peut pas se faire sans un système de garde d'enfants financé et géré par l'État. Il a fallu une crise de santé publique pour prouver une fois de plus notre argument. Aujourd'hui, les multiples rôles essentiels joués par les services de garde d'enfants sont enfin reconnus, notamment par notre . La COVID-19 a également exposé la fragilité de l'offre de services de garde d'enfants au Canada. Toutefois, il reste à voir ce que les gouvernements feront, le cas échéant, pour y remédier.
L'Enquête sur la population active de Statistique Canada confirme les effets dévastateurs de la pandémie sur l'emploi des femmes, et en particulier sur l'emploi des mères qui ont des enfants de moins de 12 ans. Si le Rapport sur l'emploi du mois de mai révèle une certaine reprise de l'emploi dans l'ensemble, les femmes ne représentent que 29 % de cette reprise. Le retour des femmes sur le marché du travail rémunéré est essentiel pour leur sécurité économique, mais leur participation en plus grand nombre est également essentielle pour une reprise économique durable pour tout le monde. La mise sur pied d'un système de garde d'enfants accessible, abordable, inclusif et de qualité est essentielle si le Canada veut se forger un avenir résilient et équitable et devenir le meilleur endroit possible pour les enfants.
Les services de garde d'enfants au Canada étaient fragiles avant même que la pandémie ne se déclenche, car ils sont fondés sur le marché, ils sont fragmentés et ils sont nettement sous-financés.
Les parents canadiens sont donc obligés d'acheter des services sur un marché de services de garde d'enfants où certains services sont réglementés, mais la plupart ne le sont pas, et où certains services sont à but non lucratif, mais d'autres sont une source de profits. C'est un marché qui offre un éventail déroutant de services rares, dont un trop grand nombre sont de mauvaise qualité. De plus, ces services sont presque tous inabordables pour la plupart des familles. Cette situation contribue à l'inégalité économique et sociale et aggrave ces problèmes. Les familles autochtones, les familles racialisées et les ménages à faible revenu sont exclus de façon disproportionnée.
Le marché des services de garde d'enfants est également particulièrement inadéquat pour répondre aux besoins des enfants handicapés, des enfants dont les parents travaillent selon des horaires atypiques ou irréguliers et des enfants qui vivent dans des collectivités rurales et éloignées.
Cette approche de marché ne fonctionne pas mieux pour les fournisseurs de services de garde d'enfants. En effet, presque tous les programmes à l'extérieur du Québec dépendent principalement des frais payés par les parents pour rester en activité. La main-d’œuvre, composée majoritairement de femmes, gagne de faibles salaires. Toute augmentation de la rémunération se traduit par des frais de garde plus élevés pour les parents. En raison de la rémunération inadéquate, le recrutement et la rétention d'éducatrices de la petite enfance qualifiées représentent perpétuellement une grave préoccupation.
Par conséquent, l'approche consistant à confier la prestation de services de garde au marché ne fonctionne pas mieux pour les garderies qu'elle ne fonctionnerait pour les soins de santé, l'enseignement primaire ou secondaire ou d'innombrables autres secteurs dans lesquels les gouvernements sont intervenus dans l'intérêt de tous les Canadiens et parce qu'il est économiquement judicieux de le faire.
La COVID-19 a exposé tous les problèmes liés aux services de garde d'enfants fondés sur le marché et l'absence d'un système de garde d'enfants entièrement financé et géré par l'État. Lorsque les provinces et les territoires ont ordonné la fermeture des services de garde d'enfants pendant la phase d'intervention d'urgence de la pandémie, avec des services limités pour les travailleurs essentiels, ce secteur a été perturbé plus profondément que l'a été celui de l'éducation publique ou d'autres parties du secteur public. Le niveau de perturbation dépendait de l'approche adoptée par chaque gouvernement provincial et territorial.
Dans les endroits où le soutien nécessaire a été fourni, les programmes de garde d'enfants sont en bien meilleure position pour rouvrir et répondre aux besoins des enfants et des parents, mais une enquête sur les garderies agréées au Canada réalisée en mai dernier a révélé que plus d'un tiers des centres sont incertains quant à leur réouverture.
Il est maintenant temps que le gouvernement intervienne de manière significative dans le secteur de l'éducation précoce et de la garde d'enfants. L'organisme Un Enfant, Une Place a proposé une stratégie fédérale pour y arriver. Bien entendu, nous reconnaissons que le rétablissement des services de garde d'enfants ne peut être laissé au seul gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral devra travailler avec les provinces, les territoires et les gouvernements et les communautés autochtones, mais il devra aussi assurer un leadership politique, soutenu par son pouvoir de dépenser, pour répondre aux répercussions économiques et sociales immédiates de la COVID-19 et établir les fondements de l'établissement d'un système à plus long terme.
Notre stratégie préconise une approche en deux phases. Dans la première phase, nous voulons que le gouvernement fédéral dépense 2,5 milliards de dollars pour soutenir le rétablissement sécuritaire et complet des services d'éducation préscolaire et de garde d'enfants réglementés et pour répondre aux besoins immédiats en matière de soins des enfants d'âge scolaire. Dans la deuxième phase, nous proposons que le gouvernement fédéral augmente ses dépenses en matière de garde d'enfants à 2 milliards de dollars en 2021-2022 et que cette base soit augmentée de 2 milliards de dollars par année par la suite.
Ces fonds fédéraux seraient utilisés pour faire évoluer le Canada vers un système entièrement financé par l'État, en partenariat avec les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones. Il faudrait affecter 20 % de ces fonds au soutien du Cadre d'apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones. Selon notre plan, le gouvernement fédéral exigerait que les provinces et les territoires utilisent les fonds fédéraux pour améliorer de façon mesurable l'accessibilité, l'abordabilité, la qualité et l'inclusion. En outre, le gouvernement fédéral établirait et financerait un secrétariat fédéral pour l'éducation précoce et la garde d'enfants, et ce secrétariat serait responsable de diriger et de coordonner les travaux du gouvernement fédéral. Enfin, le gouvernement proposerait des mesures législatives qui enchâsseraient l'engagement du Canada à donner à tous les enfants le droit à des services d'éducation précoce et de garde d'enfants de qualité.
Permettez-moi d'expliquer très brièvement ce que nous voulons retrouver dans la première phase, qui commencerait maintenant et se poursuivrait jusqu'à la fin de l'exercice financier en cours.
Le gouvernement fédéral a promis 14 milliards de dollars en nouveaux transferts fédéraux aux provinces et aux territoires, et ces fonds seront versés au cours des derniers mois de 2020. Ces transferts doivent aider à financer la relance sécuritaire de l'économie. Nous proposons que le gouvernement fédéral alloue 2,5 milliards de dollars de ces transferts promis aux dépenses en matière de garde d'enfants. Des ententes avec chaque province et territoire garantiraient que les fonds du gouvernement fédéral seraient utilisés pour, tout d'abord, la réouverture sécuritaire des programmes de garde d'enfants, deuxièmement, le rétablissement et l'augmentation du nombre de places en garderies agréées qui existaient avant la pandémie, et troisièmement, la création et l'exécution de programmes de garde d'enfants d'âge scolaire jusqu'à 12 ans pendant les mois d'été, ainsi qu'à l'automne et à l'hiver. Les parents doivent avoir accès à des programmes de qualité avant et après les heures de classe et pendant les heures normales de classe si les écoles ne sont pas ouvertes en raison de préoccupations de santé publique.
En outre, nous voulons que les fonds fédéraux soient utilisés pour améliorer le salaire des personnes qui travaillent dans le secteur de l'éducation précoce et de la garde d'enfants, afin d'assurer le retour et la rétention du personnel qualifié dans ce secteur.
Le secrétariat fédéral mandaté par le du Canada serait mis en place dans la première phase. Il aurait pour mandat de conseiller, de suivre et d'évaluer la mise en œuvre de la phase 1 et de planifier la phase 2, y compris l'élaboration de stratégies complètes liées à la main-d’œuvre et à l'élargissement de la portée.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je vous encourage à lire le texte intégral de notre stratégie; vous le trouverez sur notre site Web, à l'adresse timeforchildcare.ca.
Bien entendu, je serai heureuse de répondre à vos questions.
Je vous remercie de votre invitation aux audiences d'aujourd'hui.
La question posée par votre mandat touche directement un des enjeux fondamentaux pour atteindre l'égalité entre les Canadiennes et les Canadiens, soit la reconnaissance et la valorisation du travail invisible. C'est sous cet angle particulier que l'Afeas aborde cette consultation aujourd'hui.
Déjà, en 1968, dans le cadre de la commission Bird, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, communément appelée l'Afeas, soulignait l'importance de reconnaître le travail non rémunéré des femmes au sein de la famille et de la société. Elle faisait valoir que ce travail considéré comme le rôle social des femmes appauvrit celles-ci tout au long de leur vie. Cette situation perdure encore aujourd'hui, comme l'a révélé la pandémie de la COVID-19.
Personne n'avait, semble-t-il, anticipé une crise sanitaire de cette ampleur. Dès son début, elle a fait ressortir des inégalités flagrantes entre les femmes et les hommes, surtout pour les femmes racisées et immigrantes.
Parallèlement, la pandémie a mis en lumière le travail des personnes restées en poste pour que l'essentiel de la société continue à tourner et que les personnes malades puissent être soignées. Dans le milieu de la santé, 80 % du personnel est féminin, les proches aidantes sont généralement des femmes et le milieu de l'éducation compte aussi sur de nombreuses travailleuses.
Depuis le début de la pandémie, ce sont en majorité les femmes qui sont au front. Pourtant, les femmes, les principales intéressées, sont exclues des cellules décisionnelles, et ce, même si les décisions prises au jour le jour les concernent directement. Pour se préparer à une deuxième vague de la pandémie, de même qu'à la relance ou au retour à une normalité à définir, l'Afeas propose diverses mesures à court et à moyen terme.
D'entrée de jeu, l'Afeas propose deux balises incontournables pour s'assurer que les lois, politiques, programmes et mesures prévoient la participation des femmes, principales intéressées. Pour cela, il faut non seulement impliquer les femmes députées, mais aussi les organisations de femmes et communautaires, tout comme les chercheurs qui, année après année, travaillent pour et avec les femmes. La sortie de crise, qui sera sociale, économique et environnementale, ne peut se faire sans les femmes.
L'Afeas demande que le gouvernement du Canada instaure une obligation de parité pour toutes les instances concernées mises en place pour gérer cette crise et ses suivis et utilise de l'analyse comparative selon les sexes, ou ACS+, pour s'assurer que le point de vue et les besoins des femmes sont entendus et pris en compte.
Pour obtenir une réelle reconnaissance de leur travail, pour rendre visible la contribution des Canadiennes et Canadiens qui effectuent du travail invisible, l'Afeas demande au gouvernement fédéral de décréter que soit instituée la journée nationale du travail invisible le premier mardi d'avril de chaque année et, surtout, d'évaluer et d'intégrer la valeur économique du travail non rémunéré dit « invisible » au produit intérieur brut, ou PIB. À titre d'information, en 1992, Statitisque Canada a estimé que ce travail égalait entre 34 et 54 % du PIB, soit entre 235 milliards et 374 milliards de dollars canadiens.
En lien avec certains défis particuliers pour les femmes durant la pandémie de la COVID-19 et après, l'Afeas propose certaines mesures. Sur la question de la santé et la sécurité des femmes, la gestion de cette crise n'est pas sans créer du stress, de l'anxiété et de l'angoisse pour les femmes qui gèrent le quotidien, mais aussi pour les personnes dont elles ont la charge, les enfants comme les personnes âgées ou handicapées. De plus, pour de nombreuses femmes, la perte de leur emploi, même remplacé temporairement par la PCU, ajoute encore un stress. Parlons aussi de la recrudescence de la violence conjugale et familiale dont sont victimes un nombre plus important de femmes et d'enfants en cette période d'isolement.
Afin de pallier cette situation, le gouvernement du Canada et les instances provinciales et locales concernées doivent, en cas de retour au confinement, mettre en place des services pour les enfants et les personnes aînées ou autrement dans le besoin; assurer un suivi régulier des personnes fragilisées pouvant être victimes de violence, femmes et enfants, afin de briser leur isolement; et consolider le réseau des maisons d'hébergement pour les personnes en situation de violence.
Pour ce qui est des répercussions économiques, le Conseil du statut de la femme estime que 120 000 femmes ont perdu leur emploi, comparativement à 55 100 hommes, et que deux fois plus de femmes travaillent à temps partiel, ce qui n'est pas sans conséquence pour elles. Ces données concernent évidemment le Québec.
Au Canada, il en coûterait entre 4 milliards et 10 milliards de dollars pour embaucher 1,2 million de professionnels à temps complet pour remplacer les heures effectuées par les proches aidants, dont 54 % sont des femmes.
Selon le Regroupement des aidants naturels du Québec, seulement 3,2 % des proches aidants ont obtenu un crédit d'impôt en 2017, dont le montant moyen était de 559 $. De plus, les critères d'admissibilité étant restrictifs, nombreux sont les proches aidants qui n'ont pu obtenir le crédit d'impôt.
Par ailleurs, les recherches démontrent que, au Canada, les proches aidants dépensent en moyenne 7 600 $ par année pour la personne aidée, peu importe leur niveau de revenu initial, et que 20 % des proches aidants vivent de l'insécurité financière.
Pour soutenir et valoriser la contribution des parents, des proches aidants et de toutes les personnes qui font du travail invisible, l'Afeas demande au gouvernement fédéral de convertir les crédits d'impôt non remboursables existants en crédits d'impôt remboursables pour les parents et les personnes proches aidantes et de créer de nouvelles mesures fiscales réellement adaptées à leur réalité.
De plus, l'Afeas demande au gouvernement de modifier les prestations de compassion, d'aide aux proches adultes et d'aide aux proches enfants du régime d'assurance-emploi en supprimant la semaine de carence obligatoire, en octroyant 35 semaines de prestations pour chacune des trois prestations et en remplaçant la définition actuelle d'un enfant ou d'un adulte gravement malade par une définition qui autorise l'accès aux prestations dans le cas d'une maladie chronique.
Plus que tout, l'Afeas demande que l'on crée l'obligation d'instaurer des programmes d'équité salariale à tous les niveaux, tant dans les institutions gouvernementales que dans les entreprises relevant du fédéral, et dans les entreprises qui se prévalent de contrats, de subventions ou de prêts du gouvernement.
On le sait, les femmes subissent des pressions et font face à des obstacles sociaux. Comme on l'a vu avec tous les intervenants précédents, la pandémie liée au coronavirus a obligé le gouvernement à confiner à la maison les personnes de 70 ans et plus ainsi que les écoliers et à fermer les commerces non essentiels. Du jour au lendemain, il a fallu trouver des façons différentes de faire les courses, d'occuper les enfants à la maison, de les scolariser, de prendre soin des proches en perte d'autonomie ou confinés, tout en poursuivant un travail rémunéré en télétravail ou dans les services essentiels, si cette crise n'avait pas eu pour effet de vous faire perdre votre emploi. Il fallait aussi, et surtout, éviter de se faire contaminer et de contaminer d'autres personnes. Toute une charge supplémentaire, à laquelle personne n'était préparé, est tombée sur les épaules des femmes.
Pour soutenir les femmes au cours des mois à venir, le gouvernement du Canada et ses partenaires provinciaux doivent mettre en place des mesures pour assurer un partage égalitaire des tâches et des responsabilités familiales; consolider les organismes et les services à la famille; et développer des ententes avec les employeurs, entre autres pour diminuer les exigences de productivité, même en télétravail, tout en maintenant le salaire hebdomadaire complet.
En terminant, pour alimenter la boîte à idées du Comité, l'Afeas demande au gouvernement fédéral de développer, d'un océan à l'autre, un réseau public de garderies; de mettre en place 10 jours de congés payés; et de mettre en place rapidement des programmes de logement abordable, des services de santé et des services sociaux à domicile complets et cohérents de qualité et en quantité suffisante.
Plus que tout, l’Afeas demande au gouvernement fédéral de résister à instaurer des mesures d’austérité lors de la reprise des activités, ce qui ne ferait qu’appauvrir les personnes déjà dans le besoin et détruire les services publics et le système de sécurité sociale. Nous avons déjà vu ce scénario.
Enfin, l'Afeas demande aussi d'apporter une attention particulière aux communautés autochtones dans les réserves et à l'extérieur des réserves. Comment peut-on s'isoler si on est contagieux quand les familles vivent dans des conditions de surpopulation, faute de logements adéquats? Comment peut-on respecter les mesures d’hygiène...
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L'Afeas est un groupe d'éducation et d'action sociale qui se consacre à la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes au Québec et au Canada. Elle ne travaille pas directement avec des clientèles comme les services de garde et les femmes violentées, notamment. Elle est de nature un peu plus généraliste. Son dossier de fond, depuis plus de 50 ans, soit depuis sa fondation, en 1966, est vraiment le travail non rémunéré des femmes. Dès cette époque, les femmes se sont aperçues qu'elles et leurs filles resteraient pauvres toute leur vie si ce travail n'était pas reconnu, compensé et, à l'occasion, rémunéré.
Vous avez mentionné le Régime de rentes du Québec. Je n'en ai pas parlé dans mon allocution, faute de temps. Pour l'Afeas, le fait qu'au Québec on retire du total des années travaillées les années où l'on est resté à la maison auprès des enfants, sans revenu, n'est pas suffisant. Il faut que, pour ces années, on compense par un pourcentage du salaire canadien moyen. Je n'ai pas la formule exacte. Qu'il s'agisse des mères auprès des enfants, des personnes proches aidantes auprès des aînés, des personnes handicapées, mineures ou adultes, ou des personnes malades, atteintes d'un cancer par exemple, tout le temps où ces personnes ont dû se retirer du marché du travail doit être compensé pour que leurs revenus de retraite reflètent le travail qu'elles ont accompli dans la société et non pas seulement celui qu'elles ont accompli sur le marché du travail, pour un employeur, en échange d'une rémunération.
C'est un type de mesure. Les crédits d'impôt en sont un autre. Quand ils sont non remboursables, qui y a droit? Vous avez vu les chiffres du Regroupement des aidants naturels du Québec. Certaines personnes font de très bons salaires. Pour celles dont le salaire est peu élevé, il n'y a rien à faire. Si la personne aînée a un revenu un tant soit peu substantiel, soit environ 20 000 $ ou plus, elle perd tout le crédit d'impôt. Il faut donc que ce soit remboursable, de façon à ce que même les proches aidantes ou les parents sans revenu y aient droit, comme on a droit au crédit pour la TPS ou au crédit d'impôt pour solidarité du Québec.
Il en va de même pour les prestations destinées aux aidants. Dans le cas des prestations de compassion, par exemple, on a droit à un certain nombre de semaines — il me semble que c'est cinq ou six — si un membre de sa famille présente un risque élevé de décès à l'intérieur d'une période de 26 semaines. Or une semaine de carence est imposée à la première personne qui touche ces prestations. Elle peut partager les prestations avec sa sœur, par exemple, et cette deuxième personne n'aura pas à subir une semaine de carence. Il y a donc toujours une personne qui perd au moins une semaine de revenus représentant 55 % de son salaire, ce qui n'est pas élevé. On ne fait pas de miracle avec cela. Pourtant, cette personne se dévoue entièrement à celle qui est en fin de vie.
Ce sont des mesures nécessaires et essentielles pour que les femmes atteignent une certaine égalité. En l'absence de telles mesures, il n'y aura jamais d'égalité. Si la question de l'équité salariale était soulevée, on pourrait passer des heures à en débattre.
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Merci. Je crois que vous avez demandé précisément quelle est la différence entre les services proposés actuellement et les services de garde d'enfants financés par l'État. Essentiellement, il n'y a actuellement aucun système en place. Ce que j'ai tenté d'expliquer dans ma présentation, c'est que les gouvernements ont essentiellement cédé la responsabilité de la garde d'enfants aux marchés. La seule exception, c'est le Québec. Parler uniquement du Québec nécessiterait une longue réponse, et Mme Cornellier en a parlé un peu.
Il incombe à la plupart des parents d'obtenir des services de garde d'enfants, et non à l'État. Fournir des services de garde d'enfants revient aussi aux particuliers, donc, dans la plupart des cas, les services offerts à l'extérieur du Québec existent parce qu'un groupe de personnes a décidé de les offrir. Il s'agit peut-être d'organismes sans but lucratif ou d'organismes privés, mais il ne s'agit pas vraiment d'un système public. Ce qu'on a constaté au cours de la pandémie de COVID-19, c'est que, quand on laisse des éléments aussi essentiels que la sécurité et la prestation des services de garde d'enfants entre les mains du marché, ils finissent par s'effondrer.
Par exemple, beaucoup de parents doivent se tourner vers des services de garde informels et non réglementés, notamment des proches. Cette option n'était simplement plus possible avec la pandémie de COVID-19. À mon avis, c'est pourquoi il a fallu la pandémie de COVID-19 pour que tout le monde comprenne que nous avions réellement un problème parce qu'il n'y avait vraiment aucun recours pour la garde d'enfants. Selon nous, la crise sanitaire offre une véritable occasion de repenser à nos pratiques afin qu'on arrête de compter sur des solutions individuelles pour la prestation de services de garde d'enfants et qu'on examine les solutions collectives, à savoir les solutions gouvernementales. Seul le gouvernement a le pouvoir de financer adéquatement ou d'organiser des services pour que nous ne nous retrouvions pas dans une situation où on offre des services de garde d'enfants où ils ne sont pas vraiment nécessaires ou qu'on n'en offre pas du tout ailleurs, ce qu'on appelle des déserts de garderie.
La seule façon d'y arriver est que le gouvernement intervienne. Oui, constitutionnellement, la garde d'enfants relève de la compétence des provinces et des territoires. Néanmoins, comme nous l'avons vu au cours de la pandémie de COVID-19, quand le gouvernement fédéral veut intervenir et faire avancer les choses, il le peut. Il n'a qu'à le faire. Pour ce faire, il doit débloquer des fonds et dire aux provinces et aux territoires: « Discutons un peu. Nous sommes prêts à vous aider en vous accordant de l'argent, mais examinons aussi les mesures qui ont du sens. Inspirons-nous des éléments qui constituent un bon programme, arrêtons de reproduire les mêmes erreurs et commençons à reproduire les réussites. »
Voilà ce que nous souhaitons.
Je m'appelle Vicki Saunders et je suis la fondatrice de SheEO. Bonjour.
J'ai fondé SheEO. Je vais donner un aperçu de SheEO, de la façon dont nous réagissons à ce qui se passe avec la COVID-19 et des possibilités qui s'offriront à nous après la crise.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent peut-être pas bien notre organisme, il a été lancé au Canada il y a cinq ans et propose une refonte complète du capital de risque. Si on recommençait à zéro et que les systèmes étaient conçus par des femmes, ils seraient complètement différents des systèmes actuellement en place dans le monde.
Nous avons conçu et mis sur pied cet organisme pour régler l'un des gros problèmes de la planète, soit que 51 % de la population obtient 2,2 % des capitaux disponibles dans le monde. C'est un problème mondial: nous vivons dans un monde conçu principalement par des hommes, pour les hommes. Beaucoup d'éléments manquent au monde dans lequel nous vivons actuellement. Les structures et les systèmes manquent profondément d'objectivité, et ce n'est pas un avenir dans lequel je veux vivre. Ainsi, avec SheEO, nous nous attaquons à ce gros problème.
Nous sommes des femmes qui se réunissent d'une façon assez unique. Nous proposons un modèle de sociofinancement et d'externalisation ouverte. Des centaines de femmes de chaque pays unissent leurs efforts, et chacune d'elles verse une contribution de 1 100 $. Cet argent est mis en commun, puis il est prêté à un taux d'intérêt de 0 % à des entrepreneures qui s'efforcent d'atteindre les objectifs de développement durable avec leur entreprise. Chaque entreprise que nous finançons appartient en majorité à des femmes, est dirigée par des femmes, s'efforce d'atteindre les objectifs de développement durable, a un potentiel d'exportation et génère des recettes.
À ce jour, nous avons appliqué ce modèle dans cinq pays. Nous l'avons exporté du Canada aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Royaume-Uni, et 70 autres pays ont communiqué avec nous pour reproduire ce modèle. Nous accordons des prêts à 0 % d'intérêt aux entrepreneures, qui doivent le rembourser sur cinq ans, puis nous prêtons cet argent de nouveau. Au lieu du modèle économique en place dans le monde actuellement, qui incite les gens à investir pour obtenir un rendement 10 fois plus important, soit un énorme rendement, puis à conserver ce capital et à l'accumuler, ce qui entraîne de plus en plus d'inégalité dans le monde, nous proposons un modèle où les femmes offrent leur capital en cadeau, mais où elles apportent d'autres formes de capital — leur capital social, leur pouvoir d'achat, leurs réseaux, leur expertise et leur influence — pour contribuer à la croissance des entreprises.
C'est un modèle assez amusant à suivre. Les activatrices de notre réseau, c'est ainsi que nous appelons les femmes qui investissent du capital, votent pour les entreprises qui les intéressent. Ainsi, notre processus de sélection est entièrement démocratique. Nous ne disposons ni d'un quelconque groupe d'experts, qui s'accompagne d'un ensemble de préjugés, ni d'un quelconque comité d'investissement, qui décide quelles sont les dernières tendances à la mode. Nous faisons appel à l'intuition de centaines de femmes, qui choisissent les entreprises qui apportent des innovations incroyables afin de régler les gros problèmes qui nous touchent. Ensuite, nous appuyons ces entreprises par tous les moyens possibles pour contribuer à leur croissance.
Cette approche écosystémique a permis à notre réseau de développer une incroyable capacité de résilience au cours de la pandémie de COVID-19. Aucune de nos entreprises n'a dû fermer ses portes. Nous avons financé 68 entreprises, nous avons prêté 5 millions de dollars et nous avons un taux de remboursement de 97 %. Aussitôt que la pandémie de COVID-19 a frappé, l'une des premières choses que nous avons faites a été d'appeler toutes nos entreprises dans le monde afin d'examiner rapidement comment elles se portaient en leur attribuant la couleur rouge, jaune, ou verte, puis nous avons immédiatement investi nos ressources dans celles qui étaient classées rouge afin de les aider.
Il s'agit d'entreprises comme celle à Calgary qui embauche des sans-abri pour faire la lessive des restaurants de toute la ville et qui leur paie un salaire suffisant, ce qui est un modèle incroyable appelé CMNGD. À cause de la pandémie, l'entreprise a perdu 95 % de ses recettes dès le premier jour parce que tous les restaurants ont dû fermer leurs portes. L'entrepreneure, qui était en larmes, je dois avouer, car c'était un moment chargé d'émotion, s'est jointe à l'appel et a dit: « Que vais-je faire? Je ne peux pas mettre à pied des sans-abri à ce moment-ci. C'est terrible. » Puis, les entreprises de notre réseau se sont mobilisées et ont dit: « De quoi as-tu besoin? Combien d'argent dois-tu verser en salaires ce mois-ci? », et elles lui ont prêté de l'argent afin qu'elle puisse traverser la crise et trouver une façon de réorienter son entreprise.
Notre réseau regorge d'histoires comme celle-là, des histoires de femmes qui unissent leurs efforts — ce que nous appelons la générosité profonde —, parce que nous sommes là pour nous entraider, et, ce jour-là, nous devions trouver une solution pour que personne ne perde son emploi et qu'aucune entreprise ne ferme ses portes. C'est l'engagement que la communauté avait pris. Par conséquent, ce qui s'est passé est probablement une bonne nouvelle. Néanmoins, une partie du problème est que...
J'y pense, il y a quelques semaines, j'ai fait un exposé au Comité permanent des finances. J'ai tenté de trouver la façon la plus simple, la plus facile... Je sais que vous avez un million de choses à faire. Je suis vraiment ravie que vous soyez présents aujourd'hui et non endormis comme le reste des fonctionnaires que je connais. Je sais que vous avez accompli un travail exceptionnel au cours de la pandémie de COVID-19.
Si on examine toutes les choses que vous pouvez faire, j'aimerais inviter tous les députés ici présents aujourd'hui à bien vouloir faire ce qu'ils peuvent pour mettre fin au cauchemar entourant la garde d'enfants qui continue à nous hanter année après année. C'est l'un des problèmes les plus faciles à régler au monde. Si des femmes et des hommes avaient participé aux négociations entourant la conception de nos structures, nous aurions réglé ce problème dès le départ parce qu'il n'est pas difficile à régler.
Les femmes qui ont des enfants et qui restent chez elles souffrent énormément. Les entrepreneures dans cette situation souffrent énormément. Ce qui se passe au cours de la pandémie de COVID-19 nuira aux femmes de nombreuses façons parce que les gens doivent choisir entre garder leur entreprise ou prendre soin de leurs enfants.
Comment règle-t-on ces problèmes?
La demande pour ces services est très forte. Nous avons remarqué que nos entreprises éprouvent vraiment des difficultés à ce chapitre. Avec le nombre de mécanismes d'allègement que le gouvernement a mis en place... Par exemple, sur la côte Est, nous avons une incroyable innovatrice agricole. Elle est capable d'obtenir une subvention salariale pour embaucher quelqu'un ou garder un membre de son personnel, mais ce dont elle a vraiment besoin, c'est d'être capable d'utiliser cet argent pour des services de garde d'enfants. Or, elle n'a pas le droit de le faire.
Elle peut embaucher quelqu'un pour accomplir le travail qu'elle veut faire, mais elle ne peut pas embaucher quelqu'un pour garder ses enfants. Les structures d'allègement comportent de nombreux préjugés parce que nous ne valorisons pas les soins non rémunérés. On a monnayé tous ces différents éléments des marchés. Je crois que c'est l'un des éléments sur lequel j'aimerais vraiment me concentrer.
Qui plus est, pour la suite des choses, j'aimerais que le gouvernement accorde plus d'importance à l'innovation qui ne réside pas dans les technologies. L'approche novatrice que nous avons créée avec SheEO, où nous n'utilisons pas seulement les capitaux financiers pour créer des emplois et de la prospérité économique, mais où nous avons aussi recours à toutes les autres ressources à notre disposition — notre influence, nos réseaux et notre expertise —, donne des résultats incroyables.
Je tiens à dire quelque chose très rapidement. Au cours de la dernière année, nous avons reçu des fonds destinés aux femmes en entrepreneuriat du ministère de la pour nous aider à mettre ce modèle à l'échelle. Au cours de la dernière année, nous avons créé 276,4 emplois au Canada dans nos 27 entreprises et par l'entremise de SheEO. Nous avons obtenu 750 000 $ du gouvernement fédéral, soit l'équivalent de 2 164 $ par emploi créé. J'aimerais que quelqu'un tente de trouver un organisme qui en fait autant que nous.
Les femmes utilisent extrêmement efficacement les capitaux. C'est incroyable. C'est insensé ce que nous pouvons faire avec un petit montant d'argent. Quand vous examinerez les nouveaux modèles économiques et les processus novateurs, j'espère que, à l'avenir, vous porterez attention à SheEO.
Je vous transmettrai un petit dossier de présentation une fois qu'il aura été traduit en français.
Merci beaucoup.
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Merci. J'ai compris quel était le problème, alors tout devrait fonctionner maintenant.
Je m'appelle Sara Wolfe, et je suis directrice de l'Initiative d’innovation autochtone chez Grands Défis Canada. Je vous remercie sincèrement de nous avoir invitées aujourd'hui à parler des répercussions sexospécifiques de la pandémie de COVID-19 au Canada. Comme je l'ai mentionné, c'est la première fois que je m'adresse au comité permanent, alors j'espère qu'on m'invitera de nouveau à témoigner un jour en personne.
Je tiens à reconnaître la longue histoire et la présence durable des Autochtones, notamment les Premières Nations, les Métis et les Inuits, sur l'île de la Tortue. En tant qu'Anishinaabekwe qui a des liens étroits avec la Première Nation de Brunswick House, située dans le Nord de l'Ontario, je tiens aussi à reconnaître le territoire du peuple algonquin anishinabe de la Première Nation Shabot Obaadjiwan, où je suis actuellement en visite. Nous connaissons actuellement une période très chaude de la lune framboise, qui, selon les enseignements anishinabes, coïncide avec le début de grands changements. J'attends donc avec un intérêt particulier les questions que vous aurez au sujet de ma déclaration.
Au cours des 10 dernières années, Grands Défis Canada s’est engagé à soutenir des idées audacieuses ayant un grand impact. Grâce à l’apport financier du gouvernement du Canada et d’autres partenaires, nous appuyons les innovateurs qui s'attaquent avec vigueur à certains des problèmes les plus urgents du monde. Les idées audacieuses dans lesquelles investit Grands Défis Canada reposent sur des connaissances scientifiques, technologiques, sociales et commerciales ainsi que, maintenant, le savoir autochtone dans le but de sauver et d’améliorer la vie des gens au Canada et dans les pays à faible et moyen revenu.
Notre organisme a appuyé plus de 1 300 innovations dans 106 pays, et nous estimons que ces innovations pourraient sauver jusqu’à 1,8 million de vies et améliorer la vie de jusqu’à 64 millions de personnes d’ici 2030.
Au cours des quatre derniers mois, nous avons écouté nos innovateurs, nos partenaires et les membres de la collectivité pour découvrir l'incidence que la COVID-19 a eue sur leur vie. Partout dans le monde, la pandémie aggrave les inégalités qui existent déjà, surtout pour les personnes pauvres et racialisées, et elle révèle les vulnérabilités des systèmes sociaux, politiques et économiques, qui, à leur tour, augmentent l'incidence de la pandémie. Qui plus est, des données décourageantes commencent à indiquer que les personnes aux prises avec de nombreuses vulnérabilités, comme les femmes vivant dans la pauvreté, subissent des répercussions encore plus importantes.
Par conséquent, il est nécessaire de comprendre cette intersectionnalité pour nous remettre de la pandémie de COVID-19 de la bonne façon au Canada et partout dans le monde. Selon la note de synthèse intitulée L'impact de la COVID-19 sur les femmes et les filles que les Nations unies ont publiée le 9 avril, les répercussions de la COVID-19 sont plus graves pour les femmes et les filles uniquement en raison de leur sexe, et ce, dans tous les domaines, de la santé à l'économie, en passant par la sécurité et la protection sociale. Nous avons déjà entendu parler de l'augmentation du travail non rémunéré. De plus, on a réaffecté des ressources et on s'en est pris directement aux services de santé sexuelle et reproductive. Par ailleurs, il y a eu une augmentation de la violence faite aux femmes. Plus une personne était pauvre au début de la pandémie, plus il est probable que sa situation se soit envenimée.
Au Canada, on a tendance à penser que les choses sont pires dans le reste du monde, mais, en réalité, la situation pour certains Canadiens n’est pas très différente.
Par conséquent, je comparais devant le Comité aujourd'hui pour parler des répercussions sexospécifiques de la pandémie sur les Autochtones au Canada. Je tiens aussi à parler de ce que fait l’Initiative d’innovation autochtone à ce chapitre et de tout ce qu'on pourrait faire de plus.
Historiquement, quand on parle de pauvreté, de discrimination, de criminalisation et de violence, mes sœurs ont dû porter un fardeau plus lourd que moi. Il existe une pléthore de rapports sur les répercussions sexospécifiques liées au fait d’être une femme, une fille ou une personne de diverses identités de genre d’origine autochtone au Canada, notamment les conclusions cruciales du rapport Réclamer notre pouvoir et notre place: le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Le rapport final a confirmé que la violence familiale, la traite des personnes et les préoccupations en matière de santé comptaient déjà parmi les autres problèmes importants que ces groupes avaient, et ce, avant même que ne survienne la COVID-19. J’espère sincèrement que tous les membres du Comité connaissent déjà bien le rapport et ses appels à la justice connexes.
Les communautés autochtones attendent le plan d’action du gouvernement. Toutefois, de nouveaux rapports ont également été publiés récemment sur les répercussions sexospécifiques de la COVID-19 sur les Autochtones. Le mois dernier, l’Association des femmes autochtones du Canada a publié une enquête en ligne menée auprès de 750 femmes et personnes de diverses identités de genre d’origine autochtone et elle a noté une hausse préoccupante du nombre de femmes autochtones victimes de violence au cours de la période de confinement. Près d'une femme sur cinq a signalé un incident violent au cours des trois derniers mois.
En fait, parmi les femmes autochtones interrogées, un plus grand nombre étaient préoccupées davantage par la violence que par le virus lui-même. Une forte corrélation entre les répercussions financières de la COVID-19 et la violence contre les femmes autochtones est une autre constatation importante du sondage.
Par ailleurs, en juin dernier, Pam Palmater, présidente de la gouvernance autochtone à l'Université Ryerson, a publié un article intitulé « Des mesures sexospécifiques de lutte contre la pandémie sont nécessaires pour répondre aux besoins particuliers des femmes autochtones ». On peut y lire ceci:
Le Canada, dans son incapacité à appliquer une optique des genres à la mise en œuvre de ses mesures de lutte contre la pandémie, ignore les nombreux effets que la pandémie de la COVID-19 a plus particulièrement sur les femmes.
Plus loin, l'auteure ajoute:
Considérons maintenant le double désavantage subi par les femmes autochtones, elles qui sont en plus forcées de composer avec une « infrastructure de violence » [...]
L'article présente ensuite plusieurs façons dont les femmes et les personnes de diverses identités de genre d'origine autochtone ont été frappées de manière disproportionnée. Il explique qu'un plan de lutte contre la pandémie propre à ce groupe démographique doit être établi de toute urgence.
Dans une vie antérieure, j'ai été sage-femme auprès de familles autochtones en milieu urbain pendant près de 20 ans. Mes amis et anciens collègues des soins de santé me rapportent que, sur le terrain, les surdoses d'opioïdes, les infections transmissibles sexuellement non traitées, les agressions, la traite de personnes, la prostitution de rue, l'itinérance, les problèmes de santé mentale et les grossesses non planifiées sont tous à la hausse, en particulier pour les Autochtones.
Le maintien du statu quo signifie que les écarts continueront de se creuser et que la situation des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre d'origine autochtone continuera de s'aggraver. Cela dit, il pourrait en être autrement. Les causes profondes des inégalités genrées et racialisées liées à la pandémie actuelle vont bien au-delà du manque de masques et de désinfectant pour les mains. Il faut se concentrer sur l'élaboration de solutions durables à long terme. Le Canada a l'occasion de s'engager sur la voie d'une réponse sexospécifique, une réponse qui inclut une approche adaptée aux besoins des femmes et des personnes de diverses identités de genre d'origine autochtone et qui tient compte du contexte de violence à caractère racial et de pauvreté.
Comme nous le savons tous, les petites et moyennes entreprises jouent un rôle prépondérant dans l'économie canadienne. Les femmes — autochtones et non autochtones — sont le fondement des familles et des communautés. De 2013 à 2017, les petites et moyennes entreprises ont représenté 85 % de la création nette d'emplois dans le secteur privé. En 2017, elles employaient près de 90 % de la main-d'œuvre du secteur privé au Canada. Toutefois, seulement 1,4 % de ces entreprises appartenaient à des Autochtones, en dépit du fait qu'ils représentent 5 % de la population du pays, et seulement 25 % de ce 1,4 % appartenaient majoritairement à des femmes autochtones. Il y a beaucoup de travail à faire.
Pour les femmes et les personnes de diverses identités de genre d'origine autochtone, la réconciliation économique est une étape critique de leur épanouissement. Des investissements durables dans des efforts ciblés de relance économique seront nécessaires. Imaginez ce qui se passerait si, dans le cadre du plan de relance économique à la suite de la COVID-19, nous investissions dans les femmes et les personnes de diverses identités de genre d'origine autochtone afin qu'elles puissent se positionner pour prospérer lorsque l'activité économique, au Canada et dans le monde, reprendra.
Grâce à des fonds de contrepartie de 10 millions de dollars provenant du ministère des Femmes et de l'Égalité des genres du gouvernement du Canada, nous avons déjà commencé ce travail à Grands Défis Canada. Nous avons été submergés par les réponses à notre récent appel de propositions visant à accélérer l'égalité des genres au moyen de l'innovation autochtone et l'entrepreneuriat social. Nous avons reçu 238 demandes englobant l'innovation commerciale, sanitaire, sociale, technologique, environnementale et culturelle. Malheureusement, nous ne pourrons financer que les 3 % les plus prometteurs au cours de cette ronde, c'est-à-dire de cinq à sept projets.
Pensez aux retombées pour les femmes et les filles autochtones une fois que les meilleurs projets seront opérationnels. Pensez aux effets potentiels pour les femmes et les filles autochtones si nous pouvions financer ne serait-ce que les 10 % les plus prometteurs. Que se passerait-il si nous investissions encore plus dans l'innovation autochtone en tenant compte de l'équité entre les sexes pour donner à ces femmes et à ces filles, ainsi qu'à la génération suivante, une chance encore meilleure d'atteindre leur plein potentiel? Après tout, cette approche les aiderait aussi à prendre soin de leur famille.
Pourquoi ne pas commencer par bonifier les fonds de secours d'urgence et par compenser les dépenses liées au chômage à long terme pour les Autochtones qui ont perdu leur emploi en raison du ralentissement de l'économie? Je connais un groupe d'innovateurs autochtones qui ont d'excellentes idées, beaucoup de soutien de leur communauté et des tonnes de courage.
Il est essentiel que tout plan de relance après la crise de la COVID-19, à l'échelle mondiale et au Canada, place les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre — leur inclusion, leur représentation, leurs droits, leur situation socioéconomique, leur égalité et leur protection — au centre des préoccupations si nous voulons qu'il ait les effets souhaités. Ce plan de relance est aussi l'occasion d'investir dans l'égalité en adoptant une perspective sexospécifique et anti-oppression. Donnons au monde une plus grande part du Canada auquel nous aspirons tous, un pays où chacun a la possibilité d'atteindre son plein potentiel.
Meegwetch.
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Bonjour et merci de l'invitation. Je m'appelle Kaitlin Geiger-Bardswich et je suis gestionnaire de la communication et du développement à Hébergement femmes Canada.
L'organisme national Hébergement femmes Canada représente plus de 550 refuges et maisons de transition pour les femmes et leurs enfants qui fuient la violence faite aux femmes et la violence contre un partenaire intime. Il a été créé par des associations provinciales et territoriales de refuges, qui voulaient avoir une voix sur la scène nationale. Aujourd'hui, ces 14 associations sont des membres à part entière de l'organisme et forment son conseil consultatif.
Au plus fort de la pandémie de COVID-19, nous avons organisé des rencontres hebdomadaires sur Zoom avec notre conseil consultatif dans deux objectifs: permettre aux membres d'apprendre les uns des autres et avoir une idée de la situation à l'échelle du pays. Mon exposé s'appuie sur leurs expériences.
Je précise d'abord que, même si l'objectif global d'Hébergement femmes Canada est de mettre fin à toutes les formes de violence faite aux femmes, mon exposé est axé sur la violence conjugale, qui inclut la violence familiale et la violence contre un partenaire intime. Je ne doute pas que d'autres témoins parleront d'autres répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les femmes, comme les restrictions imposées aux choix et à la liberté en matière de reproduction, la perte disproportionnée d'emplois, les responsabilités accrues en ce qui concerne les soins aux enfants et la violence policière contre les personnes autochtones et racialisées.
Avant l'arrivée de la pandémie de COVID-19 au Canada, la réalité des femmes qui fuyaient la violence était déjà bien sombre. En fait, beaucoup ont qualifié la violence faite aux femmes de pandémie au sein de la pandémie. Les données statistiques sont révélatrices: tous les six jours, une femme est tuée par son partenaire intime actuel ou un ancien partenaire. Les femmes autochtones sont 2,7 fois plus susceptibles d'être victimes de violence que les femmes non autochtones. Pire encore, les taux de féminicide pour les femmes autochtones sont six fois plus élevés que pour les femmes non autochtones. Nous savons également que certains groupes, comme les femmes âgées de 15 à 24 ans, les femmes racialisées, les femmes ayant un handicap et les personnes LGBTQ+, sont victimes de violence à des taux disproportionnés.
Pendant la pandémie de COVID-19, cette violence n'a pas disparu. Elle s'est plutôt aggravée. À l'échelle du pays, on signale des hausses de 20 à 30 % des taux de violence conjugale. Dans certaines régions, les services de police ont également remarqué une augmentation du nombre d'appels pour violence conjugale. En Ontario, l'Assaulted Women's Helpline offre un service de consultation d'urgence tous les jours, 24 heures sur 24. Cet organisme a constaté une hausse totale de seulement 5 % du volume d'appels, mais il reçoit maintenant quatre fois plus d'appels de femmes à la recherche d'un refuge. Plusieurs refuges nous ont dit qu'ils ont remarqué une hausse des appels, mais aussi le signalement de cas plus graves.
Le site web d'Hébergement femmes Canada, hebergementfemmes.ca, offre une carte cliquable pour aider les femmes, ou des amis et des proches, à trouver le refuge le plus près et sa ligne d'urgence disponible en tout temps. En avril 2020, le site hebergementfemmes.ca a enregistré le double de visites par rapport à mars 2020 et avril 2019. Les visites en mai 2020 ont triplé par rapport à celles de mai 2019. Des refuges de partout au pays nous ont dit qu'ils reçoivent plus d'appels de proches et d'amis qui veulent aider leurs êtres chers.
En revanche, le nombre d'appels a chuté à certains endroits comme les Territoires du Nord-Ouest et l'Île-du-Prince-Édouard, les collectivités autochtones du Manitoba et d'autres régions rurales et nordiques. Pour certains refuges, le téléphone ne sonnait plus, et les installations étaient presque vides. Cette situation pouvait se révéler encore plus terrifiante qu'une augmentation du nombre de cas signalés de violence conjugale: les femmes, qui restaient à la maison selon les recommandations, étaient potentiellement coincées avec leur agresseur et incapables de demander de l'aide.
D'ailleurs, nos membres nous ont dit que les agresseurs avaient ajouté la pandémie de COVID-19 à leur coffre à outils. Certains refuges nous ont raconté que des femmes leur téléphonaient à partir de la salle de bain et qu'elles n'avaient que quelques minutes. D'autres ont indiqué que les agresseurs disaient à leur victime qu'elle attraperait la COVID-19 si elle sortait de la maison ou menaçaient de dire à leurs proches et amis qu'ils avaient cette maladie.
Divers facteurs liés à la COVID-19 ont probablement influé sur l'augmentation des taux de violence faite aux femmes. Diverses études ont démontré que le stress, la perte d'emploi, la consommation d'alcool et les problèmes de santé mentale peuvent tous exacerber la violence. Nous tenons cependant à insister sur le fait que la COVID-19 ne transforme pas les gens en agresseurs. S'il est vrai que la pandémie peut accentuer le stress et la violence, on ne peut pas attribuer la faute à la pandémie en elle-même.
Parfois, les mesures imposées par les différents ordres de gouvernement ont eu des conséquences imprévues. La distanciation physique crée des conditions idéales pour les agresseurs. Comme cette distanciation est maintenant sanctionnée par le gouvernement, la situation des femmes victimes de violence s'est aggravée. Les fermetures de frontières ont également entraîné des problèmes pour certaines femmes. Par exemple, une femme qui fuyait son agresseur en Alberta a tenté de se rendre dans les Territoires du Nord-Ouest pour vivre avec sa mère, à Yellowknife. On lui a refusé le passage en lui disant de trouver un refuge en Alberta.
Trop souvent, la violence conjugale peut mener à un homicide au sein de la famille ou à un féminicide. Au cours du premier mois de confinement à la suite de la pandémie au Canada, au moins neuf femmes et filles ont été tuées dans des cas présumés d'homicide au sein de la famille. Ce chiffre n'inclut pas les fusillades en Nouvelle-Écosse à la mi-avril, qui ont fauché la vie à 9 hommes et 13 femmes. Le meurtrier a d'abord attaqué sa partenaire dans un cas de violence conjugale.
Pour les refuges pour femmes à l'échelle du pays, la COVID-19 a mis en évidence un point qu'Hébergement femmes Canada fait valoir depuis quelques années: le lieu de résidence d'une femme fuyant la violence ne devrait pas définir les services qui lui sont accessibles. Pendant la pandémie, nous avons demandé aux associations membres de nous expliquer ce qui se passait dans leur province ou territoire en répondant à cinq questions. Les résultats ont été mis à jour à la fin de juin.
Premièrement, dans votre province ou territoire, les refuges et les maisons de transition pour les femmes victimes de violence reçoivent-ils des fonds provinciaux ou territoriaux réservés à la réponse à la COVID-19? Sept associations ont répondu non, et deux ont répondu oui. Trois ont indiqué que la situation était compliquée, par exemple, que seulement certains refuges recevaient des fonds.
Deuxièmement, votre gouvernement provincial ou territorial veille-t-il à ce que les refuges aient de l'équipement de protection individuelle et du nettoyant respectant la norme de l'Agence de protection de l'environnement? Quatre ont répondu non, deux ont répondu oui et six ont indiqué que la situation était compliquée.
Troisièmement, les refuges pour femmes victimes de violence sont-ils considérés comme un service essentiel dans votre province ou territoire? Deux ont répondu non, six ont répondu oui et quatre ont indiqué que la situation était compliquée.
Quatrièmement, dans votre province ou territoire, les refuges pour femmes victimes de violence ont-ils un accès prioritaire aux tests de dépistage de la COVID-19? Cinq ont répondu non, y compris l'Île-du-Prince-Édouard, qui a affirmé que ce n'était pas nécessaire. Deux ont dit oui, et cinq ont indiqué que la situation était compliquée.
Cinquièmement, le premier ministre de votre province ou territoire ou son gouvernement a-t-il déclaré publiquement qu'il ne faut pas rester à la maison si on n'y est pas en sécurité? Trois ont répondu non, cinq ont répondu oui et quatre ont indiqué que la situation était compliquée.
Même si le gouvernement fédéral ne finance en général que les refuges dans les réserves — les autres reçoivent des fonds des provinces ou des territoires —, il a alloué 26 millions de dollars aux refuges et aux maisons de transition partout au pays à la suite de la COVID-19. Le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres a demandé à Hébergement femmes Canada de distribuer 20,5 millions de dollars de ces fonds. Nous avons accepté comme nous savions à quel point il était important pour les refuges de recevoir l'argent rapidement.
Les fonds d'urgence visant la COVID-19 ont été distribués à plus de 400 refuges partout au pays. Cela dit, les organismes au Québec ont dû attendre des semaines supplémentaires, voire des mois, pour recevoir l'argent de leur gouvernement provincial. Par ailleurs, plusieurs refuges s'inquiètent que leur gouvernement provincial prenne éventuellement des mesures de récupération à partir de leurs fonds de fonctionnement parce qu'ils ont reçu une partie de ces fonds d'urgence fédéraux.
Bien sûr, il n'y a pas que de mauvaises nouvelles. Hébergement femmes Canada a constaté une hausse des dons provenant de particuliers et d'organismes. Le mois dernier, la famille Rogers nous a remis le plus gros don de notre histoire. Nous recevons constamment des courriels ou des messages sur les médias sociaux de personnes qui veulent aider les refuges à l'échelle du pays. Les journaux ont parlé davantage de la violence conjugale pendant la pandémie. Nous avons aussi accueilli favorablement l'engagement du gouvernement fédéral à construire 10 refuges dans les réserves et deux dans les territoires. Nous espérons que cet enjeu occupe maintenant une place de choix dans la vision d'avenir des gouvernements et des particuliers partout au pays.
Je passe maintenant aux recommandations en cas d'une possible deuxième vague de COVID-19. Nous en avons cinq.
Premièrement, les refuges ont besoin d'un financement de base accru. Avant la pandémie, ils étaient déjà nettement sous-financés. Selon le rapport Plus qu'un lit que nous avons publié l'an dernier, 56 % des refuges ont dit ne pas pouvoir couvrir leurs coûts de fonctionnement sans organiser des collectes de fonds, et 11 % n'étaient pas en mesure de le faire même avec de telles activités. Même si les 26 millions de dollars du gouvernement fédéral répondent à un besoin criant et qu'ils sont acceptés avec gratitude, ils sont bien loin d'être suffisants. Nous faisons aussi écho à l'appel lancé par l'organisme Pauktuutit Inuit Women of Canada qui demande au gouvernement fédéral de prévoir 20 millions de dollars dans son prochain budget pour les refuges et les maisons de transition dans l'Inuit Nunangat et à Ottawa pour les Inuites et leurs enfants qui fuient la violence.
Deuxièmement, tous les ordres de gouvernement doivent insister sur le fait qu'il faut rester à la maison seulement si on y est en sécurité. Pendant la pandémie, notre secteur n'a ménagé aucun effort, en utilisant les médias sociaux, la publicité traditionnelle et de multiples entrevues aux médias, pour marteler le message que les refuges étaient ouverts et que les femmes ne devaient pas rester à la maison si elles n'y étaient pas en sécurité. Dans le cas d'une deuxième vague, tous les ordres de gouvernement devraient transmettre ce message.
Troisièmement, le Canada doit étudier les pratiques prometteuses des quatre coins du monde en ce qui concerne la violence conjugale et la COVID-19. Par exemple, en Tunisie, on a établi un centre de quarantaine pour les femmes fuyant la violence conjugale. En Inde, les services de police ont vérifié comment allaient les femmes qui avaient signalé des cas de violence conjugale avant le confinement. En France, on a prévu le financement de 20 000 nuitées à l'hôtel pour les survivantes de violence conjugale. La Nouvelle-Zélande a inclus des mesures ciblant la violence conjugale dans ses plans de confinement dès le début.
Quatrièmement, il faut lancer l'élaboration et la mise en œuvre d'un plan d'action national pluriannuel sur la violence faite aux femmes et la violence fondée sur le sexe. Nous le réclamons depuis plus de cinq ans avec une coalition d'organismes de partout au pays. Comme on vous l'a déjà dit, les situations vécues par les femmes fuyant la violence et les refuges ont différé selon les régions du pays pendant la pandémie. Nous nous réjouissons de l'engagement du gouvernement actuel d'établir un plan d'action national et l'exhortons à lancer son élaboration sans délai. Ce plan doit être robuste et disposer des ressources nécessaires.
Cinquièmement, nous appuyons également les recommandations de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et la mise en œuvre d'un plan d'action national pour y donner suite.
Merci.
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D'accord. Je me rapproche du micro.
Vous m'avez tous demandé d'être avec vous aujourd'hui pour parler des effets de la pandémie de COVID-19 sur les femmes autochtones. Je suis heureuse d'avoir cette occasion de vous transmettre quelques observations de l'Association des femmes autochtones du Canada ainsi que nos préoccupations.
Je suis ici aujourd'hui pour parler de la pandémie, mais aussi de la violence, car ces deux enjeux sont liés.
Je n'ai pas besoin de vous dire que lorsque la pandémie de COVID-19 est devenue une réalité pour les femmes autochtones, leurs enfants formaient l'une des populations les plus vulnérables du Canada. Je n'ai pas besoin de vous dire que, bien que les femmes et les filles des Premières Nations, métisses ou inuites soient particulièrement nombreuses à disparaître ou à être assassinées, le gouvernement fédéral n'a pas encore élaboré le plan d'action national qu'il a promis d'élaborer pour concrétiser les appels à la justice de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées.
Ce plan d'action doit être un document évolutif, qui sera bonifié au fil du temps. Il n'a pas besoin d'être parfait dès sa première version. Il doit simplement marquer le début de la fin de cette violence qui, selon l'enquête nationale, constitue un génocide. Alors que la COVID-19 a malheureusement pour effet d'accroître le niveau de risque auquel les femmes autochtones sont exposées, le gouvernement prend la pandémie comme prétexte pour ne pas communiquer de plan d'action. Nous exhortons donc les membres de ce comité à faire pression sur le gouvernement afin qu'il nous écoute et qu'il tienne promesse. Cela dit, regardons les effets de la pandémie.
Lorsque la menace de la pandémie s'est intensifiée, l'AFAC a mené une évaluation des besoins auprès de ses membres affiliés provinciaux et territoriaux. Tous ont répondu sauf deux d'entre eux, et leurs réponses ont tracé un portrait effrayant de la situation. À titre d'exemple, l'Association des femmes inuites du Nunavut, un organisme auquel nous sommes affiliés, s'est dite extrêmement inquiète de voir la violence augmenter à cause de la pandémie. Ailleurs au Canada, certaines Premières Nations n'avaient pas de ressources médicales pour tester les personnes en apparence symptomatiques. Les services de soutien tels que le counselling communautaire ont pris fin, tout comme les mécanismes établis pour répondre aux besoins spéciaux de nos gens.
Du 1er au 29 mai, nous avons fait un sondage auprès de 750 femmes et personnes non binaires autochtones, sondage qui a été vérifié par Nanos Research. Les réponses indiquent que la violence familiale inquiète beaucoup plus les femmes autochtones que la pandémie de COVID, qu'elles subissent davantage de violence depuis le début de la pandémie, que les plus vulnérables d'entre elles ont moins de 35 ans ou vivent dans le Nord, que les partenaires intimes sont considérés comme la principale source de violence, et que les conséquences financières de la pandémie font grimper les risques.
Oui, la COVID préoccupe grandement l'AFAC et les femmes autochtones du Canada. Quand nous avons soumis nos conseils au gouvernement à propos de la création d'un plan d'action, nous lui avons fait des recommandations. Ainsi, nous avons demandé que la soit l'hôte d'un sommet international virtuel sur les pratiques exemplaires, qui viserait à discuter des effets de la COVID sur les peuples autochtones du Canada et d'ailleurs et à proposer des solutions pratiques. Nous n'avons pas eu de réponse, mais nous continuons de faire des suivis auprès de la Couronne au sujet de ces discussions et de ces négociations.
Dans son document sur les effets de la COVID-19 sur les femmes, l'Organisation des Nations unies dit que les États membres devraient s'assurer d'avoir une représentation paritaire entre les femmes et les hommes lorsqu'ils prennent des décisions et planifient des interventions relatives à la COVID-19. Par ailleurs, dans son document sur les effets de la COVID-19 sur les peuples autochtones, l'ONU dit notamment que les États membres devraient soutenir les communautés autochtones qui ont imposé des restrictions ou un confinement pour éviter la propagation de la maladie.
Nous demandons ce soutien, nous aussi. Nous demandons au gouvernement de tendre une main secourable aux femmes autochtones qui sont exposées à des risques accrus en raison de la COVID et des problèmes financiers qu'elle entraîne.
Nous demandons au comité d'insister auprès du gouvernement afin qu'il prenne son engagement au sérieux et mette fin à la violence qui écourte la vie de trop de nos femmes, une violence qui s'est aggravée pendant la pandémie.
Wela'lin. Thank you. Merci beaucoup.
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Je vous remercie. Bon après-midi à tous. Je suis ravie d'être ici.
Je suis ici à titre de directrice générale par intérim du Women's Enterprise Centre de la Colombie-Britannique, pour représenter les femmes entrepreneures qui jouent un rôle primordial dans la relance économique du pays. Avant de parler des effets de la COVID-19 sur les femmes entrepreneures, il faut comprendre les avancées que nous avons réalisées jusqu'ici.
D'après une étude menée en 2019 par la Banque de développement du Canada, 28 % des entrepreneurs canadiens sont des femmes. Selon les projections faites avant la pandémie, l'augmentation du pouvoir économique des femmes pourrait ajouter 150 milliards de dollars au PIB du Canada d'ici 2026, la participation accrue des femmes à l'entrepreneuriat étant évidemment considérée comme une stratégie cruciale.
L'entrepreneuriat permet aussi de corriger des inégalités et de favoriser la participation des femmes au marché du travail, notamment la participation des femmes immigrantes, des femmes autochtones, de celles qui vivent en région rurale ou éloignée, et de celles qui ont besoin d'une structure de travail plus souple. Malgré cela, les femmes entrepreneures sont sous-représentées au Canada, et elles doivent relever de multiples défis de nature financière, systémique et personnelle. Elles gagnent en moyenne 58 % de moins que les entrepreneurs masculins, ont accès à moins de 3 % du capital de risque, reçoivent 14 % des prêts et détiennent seulement 0,48 $ de capital pour chaque dollar que détiennent les hommes qui ont fondé une entreprise.
Les raisons de ces écarts sont multiples, et vous en connaissez probablement plusieurs. Elles découlent principalement du fait que les systèmes en place n'ont pas été conçus pour être accessibles à tout le monde et ne tiennent pas compte des besoins particuliers des femmes entrepreneures.
Dans le but de combler ces écarts, Diversification de l'économie de l'Ouest a lancé, il y a 25 ans, l'Initiative pour les femmes entrepreneurs dans les quatre provinces de l'Ouest. Cette initiative se concentre sur quatre volets; elle offre des prêts pouvant atteindre 150 000 $, des services-conseils, du perfectionnement et du mentorat. Si on les compare aux femmes entrepreneures qui ne participent pas à cette initiative, les femmes qui en ont bénéficié affichent une meilleure croissance en matière d'emplois et de ventes, restent en affaires plus longtemps et obtiennent une productivité supérieure. Nous savons que ce programme holistique fonctionne et qu'il produit des retombées considérables.
Depuis 1995, le Women's Enterprise Centre de la Colombie-Britannique a versé plus de 72,8 millions de dollars de financement direct et de financement à effet de levier et créé plus de 2,18 milliards de dollars d'activité économique seulement en Colombie-Britannique, ce qui a permis de créer ou de conserver plus de 3 000 emplois. Il ne faudrait pas perdre ce dynamisme.
La collaboration est évidemment au cœur de cette réussite. Ainsi, en 2010, on a mis sur pied le regroupement Organisations d'entreprises de femmes du Canada, ou OEFC. Il rassemble des organismes de partout au pays qui soutiennent l'entrepreneuriat au féminin afin d'échanger des pratiques exemplaires et de défendre d'une même voix les intérêts des femmes entrepreneures. Ajoutons que, comme le savent plusieurs d'entre vous, le gouvernement du Canada a lancé en 2018 la Stratégie pour les femmes en entrepreneuriat, qui vise à doubler le nombre d'entreprises appartenant à des femmes d'ici 2025. Le Women's Enterprise Centre et OEFC ont tous deux reçu du financement dans le cadre de cette stratégie.
Ces efforts combinés produisent beaucoup de changements prometteurs. Ainsi, le niveau de littératie financière des femmes s'améliore, tout comme leur accès aux capitaux, qui a augmenté de 20 % entre 2007 et 2017. Plus de femmes exportent: le pourcentage de femmes entrepreneures qui exportent a presque doublé, passant de 5,9 % à 11,2 %. Près de 40 % des femmes entrepreneures s'adonnent à au moins un type d'innovation, et on peut constater une évolution générale de leur croissance. De tels résultats sont possibles, je le rappelle, grâce à une sensibilisation accrue, à un soutien constant, à de meilleures ressources et à une meilleure collaboration entre les organismes d'un océan à l'autre.
Nous sommes maintenant confrontés à de nouveaux défis en raison de la COVID-19. Je suis devenue directrice générale par intérim à la fin mars — un moment décidément hors de l'ordinaire —, alors qu'on commençait à comprendre les effets de la pandémie. Je connais bien l'écosystème canadien. J'ai siégé au conseil d'administration du Women's Enterprise Centre pendant huit ans et je suis active dans le domaine depuis 20 ans. J'y ai occupé divers postes de gestion, et j'ai vu toutes sortes de choses. Je suis aussi cofondatrice et coprésidente du congrès annuel We For She, qui regroupe des chefs d'entreprise de tous les sexes, de même que des jeunes femmes de la prochaine génération, actuellement élèves de la 10e à la 12e année, dans le but de promouvoir le progrès économique des femmes. Je siège également au conseil d'administration de Technologies du développement durable du Canada, du Forum for Women Entrepreneurs et d'Organisations d'entreprises de femmes du Canada. Je le mentionne simplement pour montrer que je travaille depuis longtemps à promouvoir l'équité entre les genres, avec un accent particulier sur les femmes entrepreneures et la création de nouveaux modèles. C'est un grand honneur d'occuper mon poste actuel en cette période déterminante.
Depuis le début de la pandémie, beaucoup de gens d'affaires ont dû interrompre leurs activités en raison des mesures sanitaires mises en place ou d'une absence de clients. Les femmes entrepreneures ont été particulièrement touchées, puisque leurs entreprises œuvrent souvent dans le secteur des services, par exemple dans la vente au détail, l'hébergement, le tourisme et les services alimentaires. Certaines ont pu s'adapter rapidement au contexte changeant et plusieurs ont commencé à travailler de la maison, bien entendu. Au Canada, 24 % des femmes propriétaires de petites entreprises ont des enfants de moins de 18 ans. On peut donc craindre que leurs responsabilités familiales se soient alourdies, notamment en matière de soin des enfants et des aînés, et que les écarts mentionnés plus tôt se creusent davantage.
Au cours des trois derniers mois, le Women's Enterprise Centre a relevé le défi. Il a même profité de l'occasion, en quelque sorte, pour fournir un soutien accru aux femmes entrepreneures de la Colombie-Britannique en se fondant sur son modèle en place, qui a déjà fait ses preuves. Nous avons donc offert davantage de webinaires et de services-conseils. Les rendez-vous individuels pour des services-conseils en affaires ont augmenté de 39 %, tandis que la participation aux formations a grimpé de 202 %.
Pour ce qui est des prêts de développement que nous consentons, nous avons pu offrir un report des paiements et l'annulation des intérêts, une offre acceptée par 90 % des emprunteurs. Comme nous travaillons de façon proactive avec les emprunteurs pour tenir compte de leurs circonstances personnelles, notre taux de remboursement s'établit depuis plusieurs années à 94 %. Notre modèle répond bien aux besoins des femmes entrepreneures, et il sera plus essentiel que jamais à l'avenir.
Nous aidons les entrepreneures à comprendre leurs options, à créer un plan de rétablissement solide et, à l'heure actuelle, à naviguer parmi les nombreux programmes gouvernementaux, dont le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes, qui prévoit des prêts de 40 000 $. À noter que seulement 50 % de nos emprunteuses y sont admissibles, et ce, pour trois raisons.
La première raison concerne la structure des entreprises. Comme on le sait, comparativement à leurs collègues masculins, les femmes entrepreneures sont plus susceptibles d'en être à leur première entreprise, d'être l'unique propriétaire ou d'être une travailleuse autonome sans employés.
La deuxième raison concerne les prêts. Bon nombre des programmes de soutien gouvernementaux prennent la forme de prêts. Cela présente des défis étant donné la structure d'entreprise que je viens de mentionner, qui fait que les entreprises détenues par des femmes sont généralement dans une situation financière plus fragile et n'ont pas les moyens de s'endetter davantage.
La troisième raison concerne le risque. Devant les risques, les femmes entrepreneures ne sont pas frileuses, mais plutôt astucieuses. Elles préfèrent obtenir un autre genre de soutien et de conseils. Comme elles ont peu d'exemples à suivre, elles ont avantage à obtenir un soutien holistique individuel lorsqu'elles cherchent du financement, puisqu'elles souhaitent comprendre et évaluer toutes les conséquences d'une décision.
C'est pourquoi les programmes de l'Initiative pour les femmes entrepreneurs sont absolument essentiels. Ce moment que nous vivons nous donne l'occasion de repenser et de réimaginer des systèmes et des modèles plus inclusifs et plus holistiques. Nous savons que les diverses étapes de la relance prendront un certain temps. Nous continuons donc d'être proactifs et d'offrir aux emprunteurs de payer seulement l'intérêt sur leurs prêts pendant les six prochains mois, histoire de leur laisser plus de liquidités, de réduire leur stress financier et de donner aux propriétaires d'entreprise le temps de s'adapter, de planifier et d'être en mode proactif plutôt que réactif.
Du côté des nouveaux modèles, je tiens à mentionner le partenariat lancé le mois dernier entre le Women's Enterprise Centre et Vancity, l'une des principales coopératives de crédit du Canada, qui est établie en Colombie-Britannique. En consultation avec le Women's Enterprise Centre, Vancity a lancé un nouveau type de prêt conçu spécialement pour les femmes entrepreneures et adapté à leurs besoins particuliers. Ce programme combine un prêt de Vancity et les services du Women's Enterprise Centre, qui fournit un soutien global.
Nous avons reçu une multitude de demandes depuis le lancement de ce programme à la fin juin, ce qui montre qu'il reste des besoins à combler. Rappelons que selon un sondage mené l'an dernier, moins de 30 % des femmes propriétaires d'entreprise sont d'avis que les banques, les coopératives de crédit et les prêteurs financés par le gouvernement connaissent leurs objectifs, leurs souhaits et leurs besoins et savent y répondre. Nous voulons que cela change, une coopérative de crédit et une institution financière à la fois.
Notre équipe dédiée cherche avant tout à aider les entrepreneures afin qu'elles puissent naviguer parmi tous les programmes et les ressources, adapter des modèles d'affaires et gérer le flux de trésorerie tout en conservant un état d'esprit positif et en jonglant avec des responsabilités familiales accrues. C'est aussi ce que font nos collègues partout au pays. Dans cette optique, nous souhaitons porter les recommandations que voici à votre attention.
La première recommandation porte sur la collecte de données, car nous sommes conscients de son importance. Nous demandons que les institutions financières et les investisseurs ajoutent des critères relatifs à la diversité et à l'inclusion aux principaux indicateurs de rendement des secteurs et divisions de leur entreprise qui travaillent avec des femmes entrepreneures ou pour elles. Nous souhaitons que le gouvernement tienne compte des considérations liées au genre et à la diversité quand il est question de développement économique, de recherche et d'innovation, et du soutien des petites entreprises, y compris pour les programmes de relance liés à la COVID-19. À titre d'exemple, connaître le pourcentage de femmes entrepreneures qui se prévalent des prêts du Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes permettrait de mieux comprendre la situation et de repérer des besoins à combler.
La deuxième recommandation, que le Comité a souvent entendue, j'en suis consciente, serait d'instaurer une politique nationale sur les garderies. Ainsi, les femmes auraient le temps et l'énergie requis pour se concentrer sur la croissance de leur entreprise pendant les années où elles peuvent avoir des enfants.
On pourrait aussi envisager comme solution à court terme la création d'une allocation aux aidants: elle procurerait une allocation aux femmes entrepreneures qui ont dû assumer davantage de responsabilités familiales et ont vu leur productivité chuter...
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Je vous remercie. C'est un honneur de témoigner devant le Comité.
J'ai occupé différents postes au Universal Learning Institute, où je travaille depuis maintenant 25 ans. À titre de femme, d'aînée, d'employée dans le secteur privé de l'éducation postsecondaire et de personne ayant un grave trouble de l'audition, la COVID-19 a eu un impact significatif sur mon bien-être et mon sentiment de sécurité. On peut dire qu'il en a été de même à la grandeur de l'école.
Les femmes au Universal Learning Institute sont des membres de l'équipe, du personnel enseignant et administratif ou des étudiantes d'ici et de l'étranger. L'équipe de direction du Universal Learning Institute est féminine. J'occupe le poste de première vice-présidente et j'ai déjà eu ma propre école, je comprends donc les besoins des entreprises sur le marché du travail. Aujourd'hui, je vais parler de la façon dont les choses se sont passées pour la population féminine de notre institution.
En raison de la COVID-19, de nombreuses femmes ont perdu leur emploi à temps partiel ou ont vu une réduction dans leurs heures de travail. Elles ont été privées de leurs liens sociaux et elles n'ont pas toujours réussi à se doter des moyens technologiques nécessaires pour étudier ou travailler de la maison, ce qui a mené à tout un casse-tête, tant pour ces femmes que pour les entreprises. Le Universal Learning Institute a perdu des recettes attendues, et le personnel et les étudiantes ont dû faire preuve de résilience face à tous les changements et toutes les préoccupations qui sont arrivés en même temps. Je vais vous faire part de certaines réflexions inspirées de vos lignes directrices.
Je me trouve dans la situation unique d'avoir eu à planifier, gérer et vivre la difficile transition de l'enseignement en classe à l'enseignement en ligne. Comme l'école devait se transposer à la maison par mesure de précaution pendant que nous luttions ensemble contre la pandémie, j'ai déplacé toutes les activités de l'école — la totalité d'entre-elles — pour qu'elles se fassent de la maison. Les plus gros freins pour les étudiantes et le personnel ont été le savoir-faire technologique, la disponibilité de matériel adéquat et la responsabilité des enfants. La courbe d'apprentissage a été très abrupte pour les employées, qui n'ont pas été embauchées pour enseigner ou travailler en ligne, mais aussi pour les étudiantes, qui ne s'étaient pas inscrites à des cours en ligne.
Les classes et la diffusion en continu se sont déroulées parfois avec et parfois sans la bonne largeur de bande, le bon matériel ou les ressources appropriées. Les difficultés d'utilisation de la technologie et de nouvelles plateformes ont causé beaucoup de stress aux étudiantes et aux enseignantes, de même que la perte soudaine des interactions sociales.
Pour bien des femmes, étudier et travailler à la maison est source de conflits et de tensions. Par exemple, s'acquitter des exigences liées aux classes était difficile puisque les enfants avaient eux aussi besoin d'un ordinateur pour faire leurs devoirs et leurs leçons. Les enfants et leur mère qui travaille, mais qui s'occupe aussi d'eux avaient tous besoin de ressources informatiques limitées au même moment.
Il y a des logis surpeuplés où des colocataires demandent sans crier gare d'utiliser un espace ou du matériel. La recherche d'un équilibre entre les dynamiques domestiques et les exigences professionnelles et scolaires, sans compter le surcroît de travail ménager non rémunéré, a fait en sorte qu'il est devenu encore plus difficile de mener à terme les programmes. La quantité de travail non rémunéré ainsi que les obligations familiales ont augmenté puisque les enfants ne sont pas à l'école et les personnes âgées ont des besoins accrus. Les personnes qui habitent avec des personnes âgées ne veulent pas leur transmettre la COVID-19. Les parents s'inquiètent du développement personnel et cognitif de leurs enfants en l'absence des stimuli dont ceux-ci ont besoin. Ajoutons à cela la perte des interactions sociales et l'on constate que la capacité de résilience diminue alors que le risque de frustration augmente.
Les étudiantes étrangères ont semblé porter un très lourd fardeau, car leur réseau au Canada n'est pas très développé et leurs familles sont séparées. Bien des personnes à l'école, d'ici ou d'ailleurs, sont monoparentales, ont un conjoint à distance, vivent dans un logement surpeuplé ou habitent seules ou, dans le cas des étudiantes étrangères qui cherchent à se perfectionner, ont des enfants ou d'autres membres de leur famille restés dans leur pays d'origine, où la COVID-19 sévit davantage qu'au Canada.
Heureusement, en Colombie-Britannique et au Canada, il y a de nombreuses ressources. Grâce à des publications et des annonces, nous avons été en mesure de rendre facilement accessible l'information sur la santé mentale et de créer des cercles d'études et des cercles sociaux sur Zoom et sur des sites de médias sociaux qui ont semblé utiles pour atténuer certaines pressions, mais, surtout, pour rapprocher les étudiantes et le personnel et créer de nouvelles communautés.
Il nous a fallu répondre aux besoins de femmes pour qui le fait d'avoir, ou de ne pas avoir, du pouvoir à la maison a exacerbé le défi d'étudier avec une enseignante qui doit, de son côté, répondre aux exigences d'un programme, rendre compte des présences à des organismes de réglementation et faire avancer le curriculum.
Bien des étudiantes ont pris du retard en raison d'interruptions à la maison. Cette situation a coûté cher aux écoles, car il a fallu organiser des cours et des classes supplémentaires pour assurer la réussite des étudiantes. Il s'agit là d'une dépense additionnelle en période de pénurie de recettes, car au faible taux d'inscription s'ajoutent des annulations. Cette situation n'est pas idéale pour avoir des assises financières solides.
Nous nous réjouissons de la très grande efficacité que certains programmes du gouvernement fédéral ont eue, et ont encore, comme la Prestation canadienne d'urgence et la Prestation canadienne d'urgence pour les étudiants, l'aide pour le loyer, la subvention salariale et d'autres programmes pour assurer la viabilité des entreprises ainsi que pour la subsistance de nos étudiantes qui ont perdu leur emploi, leur stabilité financière, leur filet de sécurité sociale et leurs réseaux de soutien.
Il y a une mesure qui nous a beaucoup aidés, soit l'ajustement fait par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada qui nous permet d'enseigner en ligne aux étudiants étrangers ayant un visa étudiant. Les étudiantes étrangères ont ainsi la possibilité de poursuivre leurs études afin d'obtenir un diplôme, même si la formule d'enseignement a dû être modifiée rapidement. Il est à espérer que cet ajustement continuera de s'appliquer au besoin pour offrir des services aux étudiantes d'ici et d'outre-mer pendant la durée de la pandémie.
La valeur ajoutée de cette politique tient à la possibilité de conserver des recettes dans une industrie qui, sur le plan de l'enseignement et au Universal Learning Institute, est majoritairement féminine dans le domaine des soins de santé et de la gestion. Pour la deuxième vague, on pourrait faciliter la facette technologique en offrant de l'aide pour l'acquisition du bon nombre d'ordinateurs dans les foyers ainsi que dans les écoles, mais aussi pour l'obtention de la bonne largeur de bande Internet pour la diffusion en continu des classes, et d'ordinateurs, de caméras et de microphones.
Le gouvernement du Canada s'est montré fort généreux dans l'aide accordée aux étudiants canadiens cet été. Je pense que cela facilitera la gestion du ménage et permettra de libérer des ressources que la famille pourra utiliser afin de se procurer le matériel dont elle a besoin. Un bon moyen d'atténuer le stress et l'anxiété de la deuxième vague serait d'offrir du soutien supplémentaire aux gens et aux entreprises en matière de technologie.
Avec la réouverture de l'économie, de nombreux étudiants reprennent leur travail à temps partiel. Nous savons maintenant qu'il est possible de faire face au poids des pressions financières et de l'isolement social et que la situation sera moins effrayante advenant un nouveau confinement puisque nous savons tous maintenant que c'est temporaire.
La difficulté de travailler et d'étudier à la maison pour une femme est énorme. Quand viendra la deuxième vague, il y a des aspects de la transition qui seront plus faciles, mais à certains égards, ce sera un plus gros défi, car les gens commencent à ressentir une certaine fatigue par rapport à la pandémie.
Je vois que le gouvernement offre des programmes d'aide, comme des crédits d'impôt pour du matériel, de l'information sur la pandémie pour que les gens conservent la volonté de rester en sécurité à la maison. Il continue aussi d'insister sur la distanciation sanitaire, le port du masque et les comportements à adopter en temps de pandémie, y compris l'équilibre entre le maintien du cap et tous les aspects de la vie des femmes.
Rendre les règles du jeu plus équitables entre les institutions postsecondaires publiques et privées est un aspect stratégique de l'expérience qui pourrait aider nos étudiantes à poursuivre leur parcours. On pourrait, par exemple, permettre aux nombreuses étudiantes admissibles de venir au Canada si elles choisissent de fréquenter une école de formation professionnelle. Il faudra aussi se pencher sur la question du permis de travail après l'obtention d'un diplôme et celle des visas pour le conjoint ou la famille. Les étudiantes qui ont des visas d'études seront motivées de terminer leurs études si leurs familles ont la possibilité de venir au Canada elles aussi.
Nous venons de diplômer 8 soignantes et 35 infirmières auxiliaires, qui ont toutes surmonté certaines des difficultés que j'ai évoquées. La majorité des infirmières auxiliaires travaillent toujours, soit comme stagiaire du programme alternance travail-étude, soit à titre d'employée parrainée dans le domaine de la santé. Témoins des ravages de la COVID-19 dans leur pays d'origine, nous ne savons pas encore quel chemin elles suivront ni ce qu'elles accompliront.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'avoir présenté leurs idées aujourd'hui. C'est un sujet très important pour la relance économique dans le cadre de la pandémie actuelle.
Ma première question s'adresse à Mme Jill Earthy.
[Traduction]
Madame Earthy, vous avez parlé des femmes entrepreneures. Je veux simplement parler au Comité d'une entreprise. Avec Covergalls Workwear, Alicia Woods, qui vient de Sudbury, dans le Nord de l'Ontario, a d'abord cherché à fabriquer des vêtements adaptés aux femmes qui travaillent dans le secteur minier. Maintenant, elle cherche à se faire une place dans l'industrie des sables bitumineux. Elle a adapté beaucoup d'équipement de protection individuelle pour les femmes. Je vous invite à jeter un coup d'œil au travail que fait Covergalls Workwear un peu partout au pays.
Vous avez parlé de financement. C'est vraiment important. Vous avez parlé des agences de développement régional, de Diversification de l'économie de l'Ouest, et du programme de 2018 qui a octroyé des fonds pour développer l'entrepreneuriat féminin. Je ne connais pas votre opinion de la Banque de développement du Canada, mais selon moi, elle a fait peu de cas des entreprises en milieu rural, de celles qui ont une femme à leur tête ou de celles qui œuvrent dans le secteur des ressources. Elle ne leur a pas vraiment offert de soutien. J'aimerais donc avoir votre opinion à ce sujet.
Pendant la pandémie, le gouvernement fédéral devrait-il étendre le programme pour l'entrepreneuriat féminin établi en 2018? Serait-ce une bonne idée? Nous cherchons des recommandations à faire pour l'automne.
Vous avez aussi indiqué que de nombreuses entreprises ayant une femme à leur tête n'ont pas accès aux programmes actuels. Le fonds d'aide de l'agence de développement régional a été mis en place il y a quelques semaines pour régler ce problème. Croyez-vous qu'il faudrait l'élargir à l'automne?
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Tout d'abord, il y a le volet culturel, car nous défendons et représentons les femmes inuites, métisses et issues des Premières Nations, nous nous assurons que ce volet est présent afin qu'elles se sentent à l'aise là où elles obtiendront de l'aide. Cela s'applique aussi aux maisons d'hébergement. Il n'y a que quelques maisons d'hébergement autochtones au Canada. Bien des femmes refusent d'aller dans une maison d'hébergement qui ne l'est pas, car les gens sur place ne connaissent pas leur culture ou leur histoire. Elles ne chercheront donc pas à aller là. Les maisons d'hébergement sont bien pourvues pour aider les femmes, mais il n'y a aucun volet culturel pour les Autochtones.
Pour ce qui est du volet de la santé, nous avons remarqué une augmentation de la violence, mais aussi des problèmes de santé mentale. Nous avons remarqué une augmentation plus marquée, avec la COVID, en raison de la violence. Les gens sont isolés. Ils vivent dans la même maison que l'agresseur, l'abuseur. Il n'est pas possible d'obtenir l'aide nécessaire parce que les bureaux sont fermés ou sont situés en dehors de la communauté. Il y a beaucoup de lacunes. Même s'il y a eu des fonds pour les personnes qui vivent à l'extérieur d'une réserve, ceux-ci n'ont pas entièrement été octroyés aux femmes autochtones et à leurs enfants.
Pour ce qui est de la sécurité, le lendemain de l'enquête nationale, Chantel Moore au Nouveau-Brunswick a été abattue de cinq balles par un policier. Sur le plan de la sécurité, je crois qu'il y avait une meilleure façon de procéder. Nous pouvons toujours dire « si ceci » et « si cela », mais je suis convaincue que s'ils avaient été en mesure de communiquer avec un aîné de la communauté ou d'avoir une liste d'aînés, de différents porteurs de savoir, ils auraient pu faire appel à l'un d'eux pour aider cette jeune femme autochtone. Il aurait peut-être été possible de désamorcer la situation. Si nous pouvions intégrer cet aspect à la sécurité...
Pour ce qui est de la justice, nous voyons de plus en plus de femmes, un groupe d'hommes et de femmes marginalisés de nos communautés, qui sont en prison et qui ne devraient pas y être. Avec la COVID, pour les protéger, ils ont été mis dans une cellule pour quelqu'un qui a mal agi, mais ces personnes n'ont rien fait de mal. C'était pour les protéger, mais en fait, cela n'a pas été le cas. Ces femmes ont été démoralisées par la situation dans laquelle elles se trouvaient. Nous étions censés les protéger, mais nous les mettions dans des cellules d'isolement. Voilà les aspects qui concernent la justice.
Par conséquent, non, nous n'avons pas vu beaucoup d'améliorations. Nous travaillons à améliorer les choses. J'espère qu'en poursuivant les partenariats, nous parviendrons à répondre aux besoins des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre, ce qui aidera nos communautés dans leur ensemble.
Wela'lin pour la question. Merci.
Je tiens à souligner que je prends la parole aujourd'hui sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe et à remercier le Comité de cette importante occasion de contribuer à l'étude.
Je me nomme Anita Khanna. Je suis la directrice nationale des politiques publiques et des relations avec les gouvernements pour Centraide United Way Canada.
Au nom du réseau Centraide United Way, j'aimerais remercier le gouvernement fédéral, les députés et les fonctionnaires de leur travail absolument crucial pour épauler les Canadiens pendant la pandémie. J'aimerais aussi souligner le travail accompli par les travailleurs essentiels qui sont aux premières lignes: nettoyeurs, éducatrices en garderie, travailleurs migrants, personnel des épiceries, infirmiers, préposés aux services de soutien à la personne, médecins et intervenants en violence familiale et dans les maisons d'hébergement pour les sans-abri.
Le réseau Centraide United Way arrive au deuxième rang derrière le gouvernement pour ce qui est du financement de services communautaires essentiels dont la mission est d'éliminer la pauvreté et les obstacles à l'inclusion sociale des personnes vulnérables. Centraide United Way est présent dans toutes les régions du Canada et soutient plus de 3 400 organismes communautaires et 5 600 programmes. Il verse aussi un financement direct de plus de 11 millions de dollars à des services d'aide pour les victimes de violence familiale ou sexuelle qui sont utilisés par 122 000 personnes par année.
Centraide United Way Canada et son réseau sont aux premières lignes depuis le début de la pandémie au Canada. Notre travail touche à de multiples facettes. Nous dirigeons et soutenons des tables d'action communautaire et versons directement des fonds pour subvenir à des besoins essentiels, comme un accès aux denrées alimentaires et à la livraison pour les personnes âgées et les familles isolées, un soutien aux personnes sans abri et un soutien pour le maintien des services communautaires de première ligne. Nous avons aussi prodigué activement des conseils aux gouvernements sur les besoins des membres de la communauté et du secteur caritatif, sur lequel bien des gens comptent en ce moment et continueront de compter plus tard. Nous avons aussi établi de nouveaux partenariats et coordonné des réponses sectorielles, comme l'achat en gros volume d'équipement de protection individuelle et de nourriture dont nous avons organisé la distribution.
L'ensemble de notre réseau a recueilli jusqu'ici plus de 30 millions de dollars qui seront investis dans des mesures locales de soutien communautaire d'urgence partout au pays. Nous sommes également très honorés d'avoir été choisis comme partenaire pour distribuer des fonds fédéraux essentiels pour répondre aux urgents besoins engendrés par la COVID. Nous veillons à ce que le financement pour le programme Nouveaux Horizons pour les aînés et une partie du Fonds d'urgence pour l'appui communautaire soient distribués à des organismes communautaires au service de personnes en situation d'extrême vulnérabilité.
Notre expérience sur le terrain montre que les femmes, les enfants, les aînés, les personnes noires et autochtones, les gens de couleur, les travailleurs en situation de précarité et les personnes handicapées sont, tout comme d'autres personnes marginalisées, parmi les plus touchées par la pandémie. Les femmes qui ont des identités qui se recoupent — racialisées, diverses identités de genre, handicapées — et celles qui ont des enfants se trouvent souvent à occuper un emploi précaire, à gagner moins d'argent sur le marché du travail ou à travailler dans des conditions risquées. En travaillant comme préposées aux services de soutien à la personne ou dans une épicerie, elles courent un plus grand risque d'infection en raison du manque d'équipement de protection individuelle et de leurs déplacements en transport en commun pour aller travailler. Elles peuvent être exposées au travail et en se rendant à celui-ci, sans compter le risque de transmission à la maison.
Une femme, qu'elle s'occupe du logis, ait perdu son emploi ou accomplisse des tâches essentielles, est beaucoup plus susceptible de travailler sans arrêt, notamment pour s'occuper des enfants ou de personnes âgées. Cette tendance n'a fait que s'amplifier avec la fermeture des garderies et des écoles. Dans l'agenda bien rempli des femmes figurent aussi l'achat en magasin de nourriture, mais aussi de fournitures scolaires, de médicaments et d'autres articles essentiels pour la maisonnée, ce qui représente un autre risque d'infection.
La distanciation sanitaire et l'isolement ont exacerbé la violence fondée sur le sexe. Les femmes qui ont un conjoint violent sont plus vulnérables, et le fait de vivre à l'étroit, les difficultés financières, le stress familial et d'autres pressions rendent les femmes encore plus vulnérables à des situations qui pourraient devenir abusives. Bien des femmes ont l'impression qu'elles n'ont pas le choix de rester dans un foyer violent parce que vivre à l'étroit dans une maison d'hébergement présente un risque d'infection. Cette situation a entraîné une hausse de l'itinérance invisible au pays.
Vu ces tendances inquiétantes, il importe de veiller à ce que la COVID-19 ne fasse pas reculer les gains économiques et sociaux des femmes. Les menaces à la progression de l'égalité des sexes, à l'accroissement de la participation au marché du travail et à la croissance économique du Canada sont beaucoup trop grandes.
La distribution de financement communautaire au pays a montré que bon nombre d'inégalités et de problèmes sociaux se sont aggravés et complexifiés en raison de la pandémie. Nous avons constaté la vulnérabilité encore plus grande des familles à faible revenu, une hausse de la demande pour de la nourriture et des services de santé mentale, et une augmentation soutenue de la violence envers les femmes.
Centraide United Way a distribué des fonds pour aider les femmes. Grâce au programme Nouveaux Horizons pour les aînés, plus de 930 programmes ont reçu du soutien, et 60 % d'entre eux s'adressent aux aînées.
Grâce au Fonds d'urgence pour l'appui communautaire, Centraide United Way a jusqu'à présent appuyé 116 programmes destinés principalement aux femmes et aux filles et 280 programmes qui s'adressent indirectement aux femmes et aux jeunes filles. À ce jour, plus de 3 millions de dollars ont été accordés pour soutenir des programmes axés sur les femmes et les filles et les processus de financement sont toujours en cours.
Le gouvernement fédéral a mis en œuvre des politiques et des programmes essentiels pour assurer la sécurité des Canadiens, notamment la Prestation canadienne d'urgence, le financement des programmes de lutte contre les agressions sexuelles et la violence familiale, la hausse du financement de Vers un chez-soi et beaucoup plus. Ces réalisations méritent des éloges.
Nous pouvons également améliorer les programmes existants et mettre en œuvre d'autres programmes essentiels qui permettront de soutenir davantage les femmes. Si nous voulons nous préparer pour une deuxième vague éventuelle, réaliser la reprise au féminin dont Armine Yalnizyan a parlé et rebâtir en mieux le Canada, il est essentiel d'instaurer un programme national de garde d'enfants, de prioriser l'accès au logement abordable et la réduction du risque d'itinérance, d'améliorer l'accès à de bons emplois, d'accroître la sécurité du revenu et d'établir un meilleur secteur caritatif qui vise à servir les femmes et à leur fournir de bons emplois stables.
La pandémie a montré clairement que les services de garde d'enfants sont essentiels au bon fonctionnement de l'économie. Il est temps d'instaurer une stratégie nationale de garde d'enfants qui assure un accès abordable à des places dans des garderies de qualité. Les femmes et leur famille ne peuvent pas se remettre sur pied si le gouvernement n'investit pas dans un système fiable de garderies qui offre à la main-d'œuvre majoritairement féminine la rémunération qu'elle mérite à titre de véritable moteur économique essentiel.
La COVID-19 nous a également montré qu'il faut prioriser davantage les mesures qui visent à éliminer l'itinérance et à permettre l'accès à un logement sûr et abordable. Étant donné le grand nombre de femmes pauvres ayant des problèmes de santé mentale ou vivant dans des situations de violence qui peinent à trouver et à conserver un logement, il est évident que des obstacles systémiques entrent en jeu. Nous exhortons le gouvernement fédéral à prendre des mesures accélérées pour éliminer l'itinérance, à renforcer le soutien aux femmes et aux personnes de diverses identités de genre qui sont sans-abri et à nommer un défenseur fédéral du logement et les membres d'un conseil fédéral du logement, conformément à la loi fédérale sur le droit au logement.
Les pertes d'emploi attribuables à la COVID-19 sont nettement plus élevées chez les femmes, car les secteurs des services, de l'hôtellerie et de la vente au détail sont les plus touchés et ont beaucoup de mal à se rétablir, ce qui nuira à l'économie puisque les femmes dépensent une grande partie de leurs revenus localement. Il faut prioriser l'établissement d'un programme d'emplois stables et de qualité qui offrent un salaire décent et les femmes doivent aussi avoir accès à de l'équipement de protection individuelle dans ces secteurs. De plus, il va sans dire que les services de garde d'enfants seront essentiels au retour au travail des femmes et à la stimulation de l'économie. C'est également le cas des programmes de prestations de revenu qui augmentent les revenus des ménages afin que personne ne soit laissé pour compte, qu'il travaille ou non.
Il est également essentiel que le Canada poursuive ses efforts collectifs visant à lutter contre le racisme et à établir des relations avec des organismes appartenant à des personnes de couleur. Il s'agit d'une solution communautaire clé que nous devons adopter pour traverser la pandémie et répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables. Tout le monde devrait agir ainsi en ce moment; c'est plus important que jamais. Nous devons continuer d'œuvrer à la vérité et à la réconciliation et de lutter contre le racisme et le sexisme anti-Noirs ou nous risquons de régresser dans ces domaines.
Enfin, je parlerai de la stabilisation du secteur caritatif et à but non lucratif. Étant donné le nombre de femmes qui reçoivent des services de notre secteur et qui y travaillent, il est essentiel de prendre des mesures dans celui-ci. Les femmes représentent entre 75 et 80 % de notre main-d'œuvre. En tant que bailleur de fonds pour le secteur communautaire, Centraide United Way sait que les organismes qui travaillent avec les femmes et les enfants sont soumis à d'énormes pressions alors qu'ils continuent d'offrir des services essentiels.
La pandémie a engendré des coûts supplémentaires pour les organismes et ils doivent donc rapidement modifier leurs modèles pour répondre aux exigences en matière de santé publique en fonction de leur capacité réduite, surtout les refuges. En raison de l'annulation d'activités de financement printanières et estivales importantes comme des tournois de golf, des galas et autres événements, la viabilité financière de ces organismes suscite de vives inquiétudes. Dans le contexte d'un financement de base déjà limité pour les organisations féminines, la COVID-19 représente une menace pour l'existence des organismes axés sur l'égalité entre les sexes.
Il est urgent de stabiliser le secteur caritatif et à but non lucratif et sa main-d'œuvre. Sans cela, le secteur ne pourra pas soutenir les membres de la collectivité pendant une deuxième vague ou après cela. La stabilisation du secteur et sa reconstruction en mieux contribueront à promouvoir l'égalité entre les sexes. Les femmes représentent une grande proportion de notre main-d'œuvre et nous devons veiller à ce qu'elles puissent rester sur le marché du travail, surtout avec les divers programmes scolaires et de garde d'enfants au Canada.
Nous savons que de nombreux employés dans diverses organisations sont stressés. Ils doivent fournir davantage de services, d'une manière différente et plus coûteuse, à des gens qui en ont plus besoin que jamais. Cela suscite de grandes inquiétudes relativement à la santé mentale de leur personnel et de leurs équipes, qui souffrent de traumatismes indirects et d'épuisement alors qu'ils s'attaquent à la faim et à la violence et répondent aux besoins en santé mentale dans leurs collectivités. De nombreux employés craignent pour la viabilité financière de leur organisation et se demandent comment ils pourront poursuivre leurs activités alors que leur organisation fait des choix difficiles et licencie du personnel.
Je remercie les membres du Comité de m'avoir donné l'occasion de parler de ce sujet important. En tant que chefs de file en matière d'investissements fondés sur des données probantes qui visent à avoir des répercussions sociales durables, nos membres sont fermement résolus à bâtir des collectivités fortes et résilientes en collaboration avec les membres des collectivités locales, tous les ordres de gouvernement, nos partenaires commerciaux et syndicaux, et nos donateurs individuels pendant la pandémie de COVID-19 et par après.
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Merci. J'ai passé toute la journée en discussion avec le gouvernement sur cet ordinateur au moyen de Zoom et de Teams. Comme cela a été mentionné, je suis Rhonda Barnet, présidente et chef de la direction d'Avit Manufacturing à Peterborough.
De 2016 à 2018, j'ai présidé la plus grande association professionnelle du Canada, à savoir Manufacturiers et exportateurs du Canada. J'ai été la première femme dans l'histoire canadienne à le faire. Avec l'appui sans réserve du secteur et du conseil d'administration national, j'ai lancé l'initiative d'avancement des femmes dans le secteur manufacturier, dont je veux vous parler aujourd'hui.
Je suis l'une des neuf Canadiens qui ont été choisis pour siéger au Conseil sur la stratégie industrielle avec Monique Leroux en vue d'aider le gouvernement. Il s'agit d'une stratégie industrielle visant à conseiller le gouvernement sur neuf secteurs essentiels à la croissance de l'économie. J'ai passé toute la journée en réunion avec trois ministres à porter constamment le flambeau de l'égalité entre les sexes et à bâtir une économie et une reprise paritaires à l'aube de la prochaine phase.
Je tiens à vous parler un peu des événements qui ont fait progresser les femmes dans le secteur manufacturier, des mesures prises par le gouvernement fédéral, des contributions que nous avons apportées, ainsi que des problèmes causés par la COVID, de la reprise et du processus de mise en œuvre de cette reprise paritaire. Le secteur manufacturier est un secteur où l'écart salarial entre les hommes et les femmes est très négligeable, surtout dans les emplois de premier échelon, et nous travaillons très fort à cette fin. Nous avons une véritable occasion d'engager plus de femmes dans ce secteur et de les promouvoir dans l'économie.
J'aimerais vous donner un peu de contexte. Le secteur manufacturier est l'un des trois moteurs de l'économie canadienne, les deux autres étant le secteur minier et le secteur agricole. Nous devons fabriquer des produits, cultiver de la nourriture et développer des choses, et y ajouter de la valeur pour faire de l'argent. Nous établissons une économie de services sur ces moteurs. Le secteur manufacturier est un secteur très important de l'économie canadienne. Il est responsable de 10 % des emplois, soit environ 1,8 million d'emplois, ainsi que de 10 % du PIB, ce qui représente 620 milliards de dollars au Canada. Pour chaque emploi direct dans le secteur manufacturier, jusqu'à trois autres emplois sont créés dans l'économie.
La reprise nous offre une excellente occasion de développer ce secteur, d'embaucher plus de femmes et d'établir une économie paritaire. Le secteur manufacturier est d'une importance vitale pour l'économie. Les femmes sont d'une importance vitale pour le succès du secteur.
Historiquement, les femmes étaient largement sous-représentées dans le secteur manufacturier. La situation n'a pas changé au cours des 30 dernières années. En ce qui concerne le nombre brut d'emplois, environ 460 000 des 1,8 million d'emplois qui existent dans ce secteur sont occupés par des femmes.
Lorsque je suis entrée en poste en 2016, nous voulions apporter une contribution importante.
Nous avons travaillé avec la et le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres pour mettre en place un programme et faire avancer les choses. Nous avions besoin de talents pour assurer la croissance de notre secteur. Les femmes étaient largement sous-représentées. Nous avons mis en place un tas de programmes. Vous pouvez consulter notre site Web à womeninmanufacturing.ca. Il est de calibre mondial. Je voyage dans le monde entier pour parler de ce que nous faisons au Canada. Beaucoup de pays commencent à apprendre de notre expérience.
Nous avons établi ces programmes ensemble. Nous avons reçu une subvention de près d'un demi-million de dollars sur trois ans pour mettre en place le programme. Nous offrons des choses comme des trousses à outils gratuites sur la diversité qui s'appliquent aux industries à prédominance masculine. Vous y trouverez d'excellents outils; n'hésitez pas à aller les voir. Il y a des tonnes d'outils et de programmes.
Un an et demi après la mise en œuvre du programme, la situation s'était vraiment améliorée. Nous appelons ce programme « On peut le faire »; il s'agit d'une Rosie la riveteuse des temps modernes. Notre objectif était d'ajouter 100 000 nouveaux emplois nets pour les femmes dans notre secteur sur une période de cinq ans. Selon les données de février de Statistique Canada, en un an et demi, nous avons ajouté près de 55 000 nouveaux emplois nets pour les femmes dans ce secteur. Nous n'avons même pas eu l'occasion de célébrer cette réalisation. Nous avons atteint la moitié de notre objectif en seulement un an et demi. Le pourcentage d'emplois occupés par des femmes est passé de 28 à 29,6 % du nombre total d'emplois dans le secteur manufacturier. C'est une énorme victoire pour le secteur, les femmes et le Canada. Puis, le mois de mars est arrivé et la pandémie de COVID a eu lieu.
Je veux vous en parler. Je veux vous parler de la session de la femme. Aujourd'hui, alors que je siégeais au conseil, on m'a exhortée à fournir des points de données solides. Je suis ici aujourd'hui pour vous donner les données et vous informer de la gravité de la situation et du travail qu'il faut faire pour redoubler d'efforts. Nous disposons des outils nécessaires. Nous avons le gouvernement, les politiques et les personnes nécessaires pour faire participer les femmes à l'économie. Nous devons redoubler d'efforts et en faire davantage en raison de ce qui s'est passé.
En avril, le secteur manufacturier a perdu un peu plus de 300 000 emplois par rapport à février. Les femmes représentaient 29 % de la population active, mais occupaient 38 % des emplois perdus. En revanche, les hommes représentaient 70 % de la main-d'œuvre, mais occupaient 62 % des emplois perdus. Les pertes d'emploi chez les femmes étaient disproportionnées par rapport au pourcentage d'emplois qu'elles occupaient dans le secteur. Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que le secteur se mobilise, ce qui est une bonne chose. La reprise est en cours. On réembauche des employés. En mai, le secteur a récupéré 79 100 emplois. Je crois que les données de juin seront publiées ce vendredi. De toute évidence, ces données indiquent un certain rebondissement partiel chez les hommes et les femmes, mais les hommes ont été rappelés en bien plus grand nombre.
J'ai demandé à notre statisticien de se pencher en profondeur sur ces données parce que je voulais vous faire part d'une partie de ces renseignements. Seulement 15 % des emplois récupérés dans le secteur ont été pourvus par des femmes. Nous avons perdu plus d'emplois et nous en récupérons moins. L'écart se creuse. Il s'agit d'un grave problème. Les hommes occupent 85 % des emplois récupérés. Nous avons examiné la situation — que je vais décortiquer pour vous — et il s'agit d'hommes ayant des enfants de plus de 18 ans. C'est même des hommes de l'extérieur du secteur qui ont été embauchés. Vos arguments concernant la garde d'enfants sont bien fondés et j'ai d'autres observations à faire à ce sujet.
Je souhaite partager avec vous aujourd'hui mon hypothèse concernant ce problème, c'est-à-dire qu'il est possible que les femmes aient volontairement subi plus de pertes d'emploi et réintégré leur emploi en moins grand nombre. Dans notre secteur, les femmes se sont peut-être portées volontaires en raison du besoin direct de s'occuper de leurs enfants et de leurs parents âgés. Je suis convaincue que vous avez parlé de ce sujet toute la journée.
Afin de confirmer mon hypothèse, j'ai examiné les fichiers de microdonnées à grande diffusion et les données compilées sur l'âge du plus jeune enfant à la maison et le sexe du travailleur — c'est-à-dire que je me suis penchée sur le sexe du travailleur et le plus jeune enfant à la maison — pour déterminer l'incidence de la garde d'enfants. Comme il fallait s'y attendre, les femmes dans des ménages dont le plus jeune enfant tombe dans la catégorie des moins de six ans ou des six à douze ans ont subi les plus grandes pertes d'emploi, soit 33 000 pertes d'emploi. Les hommes dans des ménages dont le plus jeune enfant avait moins de six ans ont également connu des pertes d'emploi importantes, soit 18 000 pertes d'emploi. Dans les faits, tant les hommes que les femmes ayant de jeunes enfants d'âge scolaire ou préscolaire ont subi de nombreux licenciements dans notre secteur.
Nous avons entendu que de nombreux parents, surtout les femmes, arrivaient à peine à conserver leur emploi et à s'occuper de leurs enfants. C'est un problème très grave. Nous sommes principalement des travailleurs de production. Nous avons d'autres options qui permettent, entre autres, aux gens de travailler à domicile ou de faire des quarts de travail partiels, mais il existe un problème très grave.
Encore une fois, la statistique intéressante est que les hommes dans des ménages dont le plus jeune enfant avait entre 18 et 24 ans ont connu une hausse d'emploi de 13 % au cours de la pandémie. D'ailleurs, le taux d'emploi des travailleurs qui appartiennent à cette catégorie a augmenté plutôt que diminué dans notre secteur. Par conséquent, lorsque le secteur est retourné sur le marché du travail pour accroître sa capacité en mai, les nouveaux emplois nets ont été attribués à des hommes, essentiellement ceux qui avaient des enfants adultes, ce qui n'est pas surprenant. Nous avions besoin de main-d'œuvre. Ce sont les personnes qui pourraient possiblement être rappelées des secteurs perturbés.
Les données portent à croire que la garde des enfants est un facteur important dont il faut tenir compte dans les plans visant à rebâtir l'économie, surtout ceux qui favorisent la création d'emplois. Je parle plus particulièrement de mon propre secteur, c'est-à-dire le secteur manufacturier.
Quelles sont les prochaines étapes et mes recommandations? Le secteur manufacturier constitue tout à fait une occasion de croissance pour l'économie. Nous avions déjà mis en place un plan pour doubler la production manufacturière et cherchions désespérément des travailleurs. Nous reviendrons à ce plan et nous voulons redoubler d'efforts et collaborer avec les programmes de Manufacturiers et exportateurs du Canada qui visent à faire avancer les femmes dans le secteur manufacturier. Ces programmes fonctionnaient. Nous avions amélioré la situation. C'était tellement excitant. Nous avons gagné 55 000 emplois, mais en avons perdu 100 000 du jour au lendemain. Nous accusons donc beaucoup de retard.
Il faut maintenant redoubler d'efforts et vraiment réintégrer les femmes dans l'économie. Il faut rétablir le taux de femmes dans tous les secteurs, dont le nôtre, à ce qu'il était avant la pandémie. C'est un problème très grave.
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Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous ceux qui ont passé toute la journée à écouter des témoins.
Je sais qu'il fait chaud et que nous sommes en plein été. Je sais aussi que nous éprouvons tous beaucoup de difficulté. Je vous remercie beaucoup d'avoir décidé de me consacrer votre temps et de m'avoir invitée à témoigner devant cet auguste comité. J'espère que vous pourrez changer le monde, car nous avons besoin que vous le fassiez.
Il y a un mois, la Banque du Canada nous a dit que l'économie pourrait bientôt avoir passé le pire — c'était une excellente nouvelle. De toute évidence, la rapidité de la reprise et du retour à la soi-disant normale est loin d'être certaine. Comme Mmes Khanna et Barnet l'ont dit, la reprise ne saurait tarder pour les travailleurs canadiens.
Dans l'Enquête sur la population active d'avril, Statistique Canada a indiqué que plus d'un tiers, soit 36,7 %, de la population active potentielle ne travaillait pas ou travaillait moins de la moitié de ses heures habituelles. Selon les données recueillies il y a un mois en mai, le Canada a plutôt connu une « reprise au masculin » qu'une « reprise au féminin », c'est-à-dire que plus d'hommes que de femmes sont retournés au travail. Espérons que les histoires que nous entendons tous, lorsque les prochaines statistiques sur la main-d'œuvre seront publiées vendredi, ne se traduiront pas par la hausse du nombre de femmes qui abandonnent et quittent le marché du travail parce qu'elles ne peuvent simplement pas s'acquitter de toutes leurs responsabilités tandis qu'elles s'occupent de leurs enfants et leur enseignent à domicile.
Les tendances sont très problématiques pour les ménages et le potentiel de l'économie. Il ne s'agit pas d'une question féministe, mais d'une question macroéconomique. En effet, les dépenses des ménages représentaient plus de 56 % du PIB avant la pandémie. Elles constituent un moteur croissant du PIB depuis un certain temps, car nous exportons moins et les entreprises investissent moins. Il ne reste donc que le secteur des ménages et les mesures gouvernementales pour continuer à assurer la croissance du PIB.
Le pouvoir d'achat des ménages propulse l'économie canadienne, et les revenus des femmes sont essentiels au maintien du pouvoir d'achat des ménages. Au cours des dernières décennies, on a demandé aux femmes de contribuer davantage. Il y a une dizaine d'années, elles représentaient la moitié de la population active. Les revenus des femmes sont vraiment essentiels au maintien du pouvoir d'achat des ménages, mais beaucoup de femmes ont été jugées non essentielles lors de la fermeture. La plupart d'entre elles sont des femmes dont la réembauche sera entravée par la garde des enfants, un facteur qui restreint le retour au travail des femmes. Mathématiquement parlant, il nous est tout simplement impossible de procéder à une reprise, de récupérer le PIB ou de rétablir le nombre d'emplois sans le plein retour au travail des femmes.
Bref — répétez après moi, car c'est le succès retentissant de l'été 2020 —, il n'y aura pas de reprise sans reprise au féminin et pas de reprise au féminin sans garde d'enfants. Soyons clairs. Si nous ne le faisons pas, nous votons en faveur d'élaborer des politiques qui favorisent une dépression économique — je ne parle pas d'une récession, mais d'une contraction prolongée du PIB. Vous ne pouvez pas vous tourner vers vos collègues, quel que soit leur parti, et leur dire que vous ne le saviez pas, car je viens de vous le dire. De plus, il est mathématiquement impossible que cela se passe autrement.
En ce qui concerne l'accélération des projets d'infrastructure prêts à démarrer, il est certain que cela contribuera à accélérer la reprise. C'est fantastique. Cependant, mathématiquement parlant, la croissance des emplois à prédominance masculine ne peut pas compenser le nombre d'emplois perdus par les femmes. En outre, vous pouvez réparer toutes les infrastructures physiques essentielles que vous voulez, mais vous ne faites pas votre travail si vous restez les bras croisés, sans rien faire pour contrer la perte d'infrastructures sociales essentielles, et c'est exactement ce que nous sommes sur le point de faire.
Les frais de garderie représentent le deuxième coût le plus important pour les jeunes familles, après les dépenses de logement. De nombreuses familles qui ont perdu leurs revenus ont renoncé à leur place dans les garderies en raison du coût élevé qu'elles auraient dû payer pour conserver quelque chose qu'elles n'utilisaient pas. Les frais de garderie augmenteront sans doute aussi en raison des nouvelles exigences en matière de distanciation physique, ce qui augmentera énormément les ratios employés-enfants et ajoutera de nouveaux coûts fixes pour l'espace, l'équipement de protection individuelle et le nettoyage.
Étant donné que nous ne mesurons pas notre écosystème de garderies, qui est géré par le système public et des fournisseurs privés à but lucratif et non lucratif au Canada, nous ne savons pas combien de garderies devront fermer leurs portes à la suite de la pandémie. Aux États-Unis, il est estimé que la moitié de leur écosystème de garderies est menacé. Autrement dit, 4,5 des 9 millions de places en garderie sont sur le point de disparaître. Il en coûterait 9,6 milliards de dollars par mois rien que pour maintenir la capacité qui existe. De plus, il va de soi que moins il y a de places disponibles, moins les femmes seront en mesure de retourner au travail, même si elles ont un emploi.
L'ironie de la chose, c'est que les services de garde subventionnés s'autofinancent, littéralement. Une étude de l'éminent économiste québécois Pierre Fortin a montré, en 2008, que chaque tranche de 100 $ de subvention versée par le gouvernement du Québec pour des services de garde d'enfants génère 104 $ de recettes fiscales provinciales et une retombée de 43 $ pour le gouvernement fédéral, sans qu'il doive investir quoi que ce soit. Ce service s'autofinance, littéralement.
Les services de garde d'enfants peuvent d'ailleurs jouer un triple rôle dans la reprise. Non seulement ces services facilitent-ils le retour des femmes au travail et créent effectivement des emplois, mais la décision d'assurer des services de garde d'enfants abordables et l'accessibilité à toutes les familles à une éducation préscolaire de qualité va maximiser l'avenir de la prochaine génération d'enfants canadiens, à laquelle on demandera en retour d'améliorer le sort des personnes trop vieilles, trop jeunes ou trop malades pour travailler, ce qui diminuerait les dépenses publiques et augmenterait les recettes pour les gouvernements et la société. Ces services s'autofinancent à court terme et à long terme.
Nous pouvons choisir de ne pas agir, comme le gouvernement fédéral — ou pas — mais nous récolterons ce que nous aurons semé. Les données américaines montrent — et cela interpelle — le rendement de l'investissement dans les services de garde d'enfants. Une éducation préscolaire de qualité subventionnée pour les enfants à risque rapporte entre 4 et 8,75 $ pour chaque dollar investi. Il ne s'agit pas d'un endroit où laisser les enfants pour que maman puisse aller travailler, mais un système qui vise les quartiers où les enfants risquent davantage d'entrer à l'école mal préparés pour apprendre et de ne pas recevoir d'aide une fois à l'école pour continuer à apprendre.
Les répercussions ne se font pas sentir uniquement chez les enfants d'âge préscolaire. Les données canadiennes, notre propre évaluation, montrent que les dépenses consacrées aux cheminements éducatifs, qui ont reçu l'appui tant des gouvernements libéraux que des gouvernements conservateurs, mais ne sont jamais devenus la norme, se sont traduites par un avantage net de plus de 2 000 $ pour les gouvernements en sus de ce qu'ils ont dépensé par élève au programme et de près de 5 500 $ pour chaque élève. C'est une formule gagnante.
Pourquoi ne le faisons-nous pas? En quoi consiste la résistance? Nous laissons littéralement de l'argent sur la table en n'utilisant pas la possibilité que nous avons dès maintenant d'améliorer notre infrastructure sociale. En lançant des initiatives accélérées dans nos plus grandes villes, où l'on trouve les plus grandes concentrations d'enfants et les plus grandes concentrations de pauvreté, nous pourrions maximiser notre potentiel collectif et notre potentiel individuel.
En investissant dans les services de garde d'enfants, nous pourrions améliorer l'avenir de la société et l'avenir de chaque personne. Préparer tous les enfants à apprendre et les y aider à mesure qu'ils vieillissent est une nécessité du XXIe siècle en raison du vieillissement de la population. Alors qu'on demande à une cohorte en âge de travailler de plus en plus petite d'en faire plus pour un nombre croissant de gens qui sont trop vieux, trop jeunes ou trop malades pour travailler, nous ne pouvons pas nous permettre de lésiner sur le développement des compétences de qui que ce soit. Cela signifie que ce ne sont pas les forces du marché qui devraient décider si nous allons offrir des services de garde d'enfants et d'éducation préscolaire de qualité. Cette offre doit plutôt être intégrée au système d'éducation public parce que c'est un service collectif dont l'offre n'a jamais été assurée suffisamment par les marchés.
Je crois que, dans les circonstances, il faut une approche nationale et un rôle fédéral et je comprends que c'est controversé. Pourquoi confierions-nous les services de garde d'enfants au fédéral ou leur donnerions-nous un rôle à jouer alors que, selon la Constitution, ce secteur relève de la compétence des provinces?
J'ai une réponse pour vous. C'est parce que ces services sont plus coûteux à faire fonctionner après la pandémie, parce que les provinces et les villes sont à court d'argent, parce que le gouvernement fédéral finance aussi la santé et l'éducation postsecondaire et administre l'assurance-emploi, et parce que, même si nous ne prélevons pas de taxes pour les payer immédiatement en raison des pressions financières qui suivront la pandémie, l'endettement fédéral est le moins risqué et, de toutes les dettes des agents économiques de la société — ménages, entreprises, municipalités et administrations municipales — celle qui coûte le moins cher. Nous serions fous de ne pas le faire, même s'il faut emprunter pour cela.
Je m'en voudrais de ne pas mentionner le nombre d'immigrants récents et de travailleurs migrants qui ont été plus malades ou sont même morts en raison de la pandémie et des dispositions inadéquates pour une réouverture sûre. Nous devons...
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Je vous remercie de vous soucier de la santé et du bien-être des gens dans le secteur à but non lucratif et des travailleurs.
Il y a deux choses que je distinguerais ici. La première est la nécessité de soutenir les travailleurs dont nous avons parlé et la souplesse nécessaire pour réagir à la seconde vague et par la suite. La seconde est de comprendre que, collectivement, dans notre secteur, nous travaillons de manière créative dans différents réseaux, comme vous l'avez mentionné, et différents secteurs. Nous travaillons avec le secteur privé, les administrations municipales et les gouvernements provinciaux, outre le gouvernement fédéral et d'autres acteurs, pour soutenir et aider les communautés.
C'est pour cette raison qu'il est primordial que nous travaillions aux tables communautaires pour allouer les fonds, tellement, que, si une communauté ou un organisme est poussé au maximum ou ne peut pas maintenir ses services faute de pouvoir se procurer de l'équipement de protection individuelle, par exemple, ou pour d'autres raisons, un autre intervenant peut prendre la relève pour que les populations qu'on souhaite servir ne souffrent pas parce qu'on a de la difficulté à se procurer de l'équipement de protection individuelle et à maintenir le service.
Dans nos activités, nous nous sommes concentrés sur la continuité du service et la sécurité pour la communauté et nous continuerons de le faire. La collaboration entre les secteurs et les tables a véritablement permis d'acheminer les fonds où il y a des besoins et où ils peuvent le mieux aider la communauté.
Je vais donner un exemple de la région de Montréal. Il était assez étonnant que le Centraide du Grand Montréal ait été approché par une administration locale, je crois, pour qu'il l'aide à se procurer de l'équipement de protection individuelle au début de la crise, en raison de ses étroites relations avec le secteur privé et les fabricants d'équipement de protection individuelle, pour s'assurer de disposer de l'équipement nécessaire pour maintenir le service, que ce soit dans les banques alimentaires ou dans les services de santé publique. Notre secteur, comme bien des parents, des mères et d'autres, sent la pression, mais il répond à l'appel avec créativité pour mener à bien sa tâche.