Passer au contenu

PROC Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

Les fonctions parlementaires et la pandémie de la COVID-19

Introduction

En réaction à la pandémie de COVID-19, la Chambre des communes a adopté à l’unanimité, le 13 mars 2020, une motion visant à annuler les séances prévues au calendrier jusqu’au 20 avril 2020. Actuellement, la Chambre est ajournée jusqu'au 25 mai 2020. La décision d'annuler les séances était extraordinaire, puisque la Chambre n’a jamais modifié, depuis 1867, son calendrier à cause de circonstances ou d’événements nationaux ou mondiaux.

Assemblée délibérante la plus importante du pays, la Chambre des communes compte 338 élus qui représentent la population et la géographie de tout le pays. À bien des égards, les édifices sur la Colline du Parlement et de la Cité parlementaire incarnent les aspects constitutionnels, physiques et intellectuels de la démocratie canadienne. Il importe que la Chambre fasse de son mieux pour se réunir malgré les circonstances mondiales ou nationales les plus difficiles et les plus éprouvantes.

i.       Étude sur les fonctions parlementaires et la pandémie de COVID-19 menée par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre

Le 11 avril 2020, la Chambre des communes a adopté un ordre de renvoi qui donne instruction au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre d’entreprendre une étude sur la façon dont les députés peuvent exercer leurs fonctions parlementaires alors que la Chambre est ajournée pour des raisons de santé publique liées à la pandémie de COVID-19.

Au titre de cet ordre de renvoi, la Chambre proposait que le Comité se penche sur les éléments suivants :

  • les modifications temporaires à certaines procédures;
  • les séances en différents lieux;
  • les solutions technologiques, dont l’idée d’un parlement virtuel.

Dans le cadre de l’étude, le Comité est autorisé à étudier des motions portant adoption d’un rapport provisoire qui doit être présenté à la Chambre au plus tard le 15 mai 2020. En outre, la Chambre précise dans ses instructions, que :

  • le Comité peut tenir des réunions dans le seul but d’entendre des témoignages concernant des enjeux liés à la pandémie de COVID-19;
  • le Comité doit se réunir au moins une fois par semaine, sauf si les whips de tous les partis reconnus acceptent de ne pas tenir de réunion;
  • les membres et les témoins du Comité doivent participer aux réunions par téléconférence ou par vidéoconférence;
  • les membres du Comité participant aux réunions par vidéoconférence ou téléconférence sont comptés dans le calcul du quorum;
  • les avis de substitution des membres, en vertu de l’article 114(2) du Règlement, sont remis au greffier de chaque comité par courriel;
  • le Comité peut recevoir des témoignages qui, autrement, pourraient excéder son mandat en vertu de l’article 108 du Règlement;
  • les délibérations sont rendues publiques sur le site Web de la Chambre des communes;
  • le Comité se réunit dans les 48 heures suivant l’avis reçu par courriel, par le greffier du comité, d’une demande signée par quatre de ses membres.

En ce qui concerne la partie l)(iii) de la motion adoptée à l’unanimité par la Chambre le 11 avril 2020, laquelle porte que « les délibérations soient rendues disponibles au public via le site Web de la Chambre des communes », le Comité souhaite faire part à la Chambre que certains membres du Comité ont dit craindre que le fait d’examiner une ébauche de rapport confidentiel pendant une réunion publique nuisait à leur capacité de discuter ouvertement et avec franchise du contenu du rapport, et en particulier des témoignages. Toutefois, d’autres membres du Comité ont estimé que le fait de tenir une discussion publique sur le contenu de l’ébauche du rapport rendait les délibérations transparentes et était une façon de rendre des comptes.

Le 16 avril 2020, le Comité a entrepris son étude sur le sujet; depuis il a tenu neuf réunions et entendu 38 témoins. Il souhaite d’ailleurs remercier ceux-ci de leurs observations et précieuses contributions à cette étude. Le Comité tient également à exprimer sa sincère gratitude envers tous les employés qui l’épaulent; sans leurs efforts et expertise, cette étude n’aurait pas pu être réalisée.

Pour finir, le Comité manquerait à ses obligations s’il entreprenait une étude sur des éléments d’un régime parlementaire sans revenir sur les origines du régime canadien en Nouvelle-Écosse, la première région au Canada à se doter d’une assemblée représentative en 1758, puis d’un gouvernement responsable en 1848[1].

ii.      Autres décisions importantes de la Chambre des communes sur l’étude du Comité

Lors de la séance du 20 avril 2020, les députés ont adopté une motion visant à prolonger la suspension des séances de la Chambre inscrites au calendrier à compter du jour même jusqu’au 25 mai 2020. La motion établissait aussi un Comité spécial sur la pandémie de la COVID-19, composé de tous les députés, et son horaire des réunions pendant l’ajournement de la Chambre.

La motion prévoit une réunion hebdomadaire en personne, le mercredi. Ces réunions comprennent une période de questions aux ministres de 2 heures et 15 minutes, suivie de débats exploratoires. Chaque semaine, il y aura aussi deux séances virtuelles de la Chambre, le mardi et le jeudi, comprenant une période de questions de 95 minutes. Pendant ces trois jours, les réunions commenceront par une période d’annonces ministérielles et de présentation de pétitions.

Contexte

A.      La pandémie de COVID-19 au Canada

i.       Résumé des données sur la santé au Canada concernant la COVID-19

En raison de la nature de la pandémie, les statistiques sur l'épidémie sont en constante évolution. Le 23 avril 2020, la Dre Barbara Raymond, de l'Agence de santé publique, a déclaré au Comité que le Canada compte plus de 38 000 cas de COVID-19 confirmés et plus de 1 800 décès signalés. Plus d’un tiers de ces cas impliquent des personnes âgées de plus de 60 ans, et le virus s’est révélé mortel dans 4,5 % d’entre eux. Toutefois, le rythme auquel le nombre de cas signalés double au Canada a ralenti. Au lieu de doubler tous les trois ou quatre jours, comme durant la deuxième moitié de mars, le nombre a doublé environ tous les cinq à huit jours depuis la fin mars jusqu’à la mi-avril[2].

Au 6 mai 2020, le nombre total de cas au Canada était de 62 458 et le nombre de décès était de 4 111[3]. Le Comité fait observer que les indicateurs statistiques de la pandémie démontrent qu’elle demeure une grave menace à la santé publique.

ii.      Difficultés que présente la COVID-19 pour la tenue de séances parlementaires en personne

Selon les autorités canadiennes de santé publique, la transmission de personne à personne du nouveau coronavirus, dont la maladie s’appelle COVID-19, se fait principalement par des gouttelettes respiratoires infectieuses[4]. Ces gouttelettes peuvent se répandre d’une personne à l’autre à une distance d’environ deux mètres, tandis que le virus peut survivre sur des surfaces de plusieurs heures à trois jours, selon les conditions et d’autres facteurs. En outre, la période d’incubation du virus est longue et varie d'un à 14 jours, période au cours de laquelle peut se produire une transmission accompagnée de symptômes ou asymptomatique (y compris de personnes pré-symptomatiques et post-symptomatiques).

En réponse à la pandémie nationale de COVID-19, les autorités fédérales et provinciales de santé ont mis en place des protocoles et des restrictions à l’égard des activités de la population, dont les suivants concernent l’étude du Comité :

  • maintenir une distance physique de deux mètres entre les personnes;
  • limiter la taille des rassemblements à l’intérieur et à l’extérieur;
  • exhorter les gens à rester chez eux dans la mesure du possible.

Les parlementaires désireux de se réunir physiquement en un même lieu pour s’acquitter de leurs fonctions sont confrontés à un autre problème : la baisse marquée des services offerts par les compagnies de transport aérien et ferroviaire en raison de la pandémie de COVID‑19.

Qui plus est, certaines provinces imposent l’isolement obligatoire de 14 jours aux personnes qui voyagent entre provinces. Elles en ont exonéré certaines personnes, mais elles n’ont pas expressément nommé les députés de la Chambre des communes.

Christian Leuprecht, du Collège militaire royal du Canada, a indiqué au Comité que la pandémie de COVID-19 représentait, à ses yeux, le test par excellence des 50 dernières années pour l’ordre constitutionnel et les institutions démocratiques du Canada[5].

iii.     Protocoles de santé et sécurité au travail instaurés à la Chambre des communes en réaction à l’éclosion de la COVID-19

En temps normal, la Cité parlementaire accueille plus d’un millier de travailleurs, notamment les parlementaires et leurs employés, le personnel du Parlement et l’équipe de la sécurité[6]. Pour une séance habituelle de la Chambre comme pour une séance à laquelle assiste un nombre réduit de députés, le nombre d’employés de l’Administration de la Chambre requis est de 55[7]. Le Président de la Chambre des communes est responsable de la santé et sécurité des employés de l’Administration de la Chambre, tandis que les députés sont responsables de celles des membres de leur personnel[8].

En réaction à la pandémie de COVID-19, le Bureau de régie interne a instauré de nombreux protocoles et interdictions dans les parties de la Cité parlementaire qui relèvent de la Chambre des communes. Notons la fermeture des édifices au public et la suspension des visites guidées; l’arrêt des déplacements de comités et des voyages à l’étranger; l’accès aux édifices réservé à un petit groupe de travailleurs essentiels et l’imposition du télétravail aux employés de l’Administration de la Chambre, dans toute la mesure du possible[9].

Pour protéger les employés qui travaillent sur place, d’autres mesures ont été prises : le nettoyage des endroits très passants, comme les entrées, les ascenseurs et les mains courantes, effectué désormais trois fois par jour; l’installation de distributeurs de désinfectant additionnels et l’offre de lingettes désinfectantes au personnel de première ligne; et l’installation de panneaux de plexiglas aux endroits où il est parfois impossible de respecter la distanciation physique. Le port de l’équipement de protection personnelle n’est pas encore obligatoire pour les employés sur place, mais la Chambre des communes dispose déjà de masques et de gants au cas où les responsables en santé publique modifieraient leurs recommandations[10].

Le Comité estime que pareilles améliorations en matière de santé et de sécurité doivent se poursuivre de manière récurrente. Récemment, le Comité a appris que les fauteuils qui se trouvaient dans l’antichambre de l’opposition adjacente à la Chambre ont été enlevés, que les portes sont laissées ouvertes dans la mesure du possible et qu’on avait aménagé des entrées et sorties à sens unique. L’Administration de la Chambre continue également de travailler avec les interprètes pour trouver des façons de protéger leur santé et leur bien-être.

Plusieurs témoins, dont le Président de la Chambre et la Dre Raymond, ont également confié au Comité que les séances de la Chambre et les séances d’information ministérielles tenues dans l’édifice de l’Ouest pendant la pandémie avaient été entièrement conformes aux lignes directrices de la santé publique en ce qui concerne la distanciation physique[11].

B.      Considérations juridiques de la modification des séances en réaction à la pandémie de COVID-19

i.       Privilège parlementaire

Les droits et immunités, protégés par la Constitution, qui garantissent aux députés la capacité de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires de manière indépendante sont englobés sous la notion de privilège parlementaire.

La finalité intrinsèque du privilège parlementaire consiste à permettre à l’institution de faire son travail. Le Parlement, tout comme ses membres, doit être indépendant des tribunaux, de la Couronne et du pouvoir exécutif afin d’exercer ses fonctions de surveillance et d’application de la loi, des politiques et des programmes gouvernementaux ainsi que des finances publiques.

Ces droits protégés par la Constitution s’appliquent autant aux parlementaires individuels qu’au Parlement lui-même et à ses composantes. Le privilège parlementaire s’applique aussi aux personnes qui participent aux délibérations parlementaires, comme les témoins et le personnel de la Chambre des communes.

Bien établies et reconnues par la loi, les catégories de droits et de privilèges dont jouit le Parlement et qui méritent considération pour les besoins de l’étude comprennent le droit de la Chambre à réglementer ses affaires internes, le droit d’être maître de ses débats et du déroulement de ses travaux ainsi que son pouvoir de prendre des mesures disciplinaires à l’égard de ses députés et de non-membres ayant porté atteinte à l’efficacité et la dignité du Parlement[12].

Les catégories de droits et de privilèges individuels dont jouissent les parlementaires à considérer pour les besoins de l’étude comprennent la liberté de parole et la protection contre l’obstruction, l’ingérence, l’intimidation et la brutalité pendant qu’ils se livrent à leurs activités parlementaires à la Chambre[13].

ii.      Privilège parlementaire et tribunaux

Les tribunaux du Canada de même que ceux du Royaume-Uni et d’autres pays du Commonwealth ont toujours soutenu que le privilège parlementaire avait un statut constitutionnel et faisait partie de la loi[14].

L’existence d’une catégorie de privilège parlementaire peut être remise en cause et examinée par les tribunaux. Ces derniers peuvent déterminer si la catégorie de privilège parlementaire demeure, encore aujourd’hui, nécessaire au bon fonctionnement de l’organe législatif[15]. Pour ce faire, les tribunaux proposent une interprétation large afin de déterminer si la catégorie revendiquée de privilège parlementaire demeure essentielle pour maintenir l’efficacité et la dignité du Parlement et de ses membres.

Lorsque l’existence et l’étendue du privilège revendiqué ont été établies péremptoirement par les tribunaux, c’est au Parlement qu’il revient de déterminer si l’exercice de ce privilège est nécessaire ou approprié[16].

De l’avis de Phillipe Dufresne, légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes, les tribunaux canadiens ont reconnu l’autonomie et la compétence exclusive du Parlement pour ce qui est de ses travaux, ce qui comprend le Règlement, les ordres sessionnels et les décisions de la présidence[17]. Autrement dit, les tribunaux ne se saisissent pas d’affaires de procédure parlementaire.

Par ailleurs, Benoît Pelletier, de l’Université d’Ottawa, a déclaré que les privilèges, immunités et pouvoirs, tels qu’ils sont codifiés à l’article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada, peuvent excéder ceux en vigueur au Royaume-Uni, puisque l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 confère au Parlement du Canada le droit exclusif de modifier sa Constitution, notamment en ce qui a trait à la Chambre des communes[18]. Dans la même veine, Cristine de Clercy, de l’Université Western Ontario, et Joseph Maingot, ancien légiste et conseiller parlementaire, ont tous deux déclaré que la Chambre possédait le droit de modifier ses règles internes et d’autoriser les séances virtuelles[19].

M. Pelletier a ajouté que le droit du Parlement d’être maître de ses débats, garanti par la Constitution, est indiqué dans les articles 7 à 9 de la Loi sur le Parlement du Canada et qu’il doit rester une caractéristique essentielle de la Chambre des communes[20].

iii.     Quorum à la Chambre des communes

Le quorum, soit le nombre minimal prédéterminé de députés qui doivent être présents, figure parmi les conditions de base à la tenue d’une séance de la Chambre des communes afin qu’elle soit jugée constitutionnelle et valable sur le plan juridique.

L’article 48 de la Loi constitutionnelle de 1867 prescrit la présence d’au moins 20 députés pour constituer le quorum d’une assemblée de la Chambre nécessaire à l’exercice de ses pouvoirs.

M. Dufresne a indiqué au Comité que seule la Chambre a le pouvoir de déterminer la façon de calculer le quorum prévu par la Constitution pour une de ses séances, en vertu du privilège parlementaire établi péremptoirement à l’égard des débats et des travaux du Parlement[21].

Le Comité a pris connaissance de l’avis juridique de M. Dufresne à ce sujet, qui peut se résumer ainsi : La Chambre des communes demeure maître de ses travaux, et les tribunaux le reconnaissent. Or, ces derniers ont le rôle bien reconnu d’examiner les lois du Parlement et d’en vérifier la conformité avec la Constitution. Pour interpréter les lois, ils ont systématiquement recours à une analyse souple des réalités de la vie moderne, qui se compare à un arbre vivant « susceptible de croître et de se développer à l’intérieur de ses limites naturelles » au lieu d’« une interprétation étroite et littérale[22] ». Toutefois, M. Dufresne a précisé qu’il était possible qu’un tribunal rejette cette interprétation et que si un tribunal concluait que le quorum prévu n’est pas respecté en raison des présences virtuelles, la conséquence la plus grave serait que les mesures adoptées lors de la séance contestée pourraient être invalidées[23].

Le Comité remarque que Greg Tardi, de l’Institut de droit parlementaire et politique, a donné lors de son témoignage un avis juridique sur le quorum[24] qui est très ressemblant sur le fond, voire identique, à celui de M. Dufresne. M. Tardi a aussi ajouté que selon lui, il fallait désormais voir le quorum non plus comme la présence physique simultanée des participants, mais plutôt comme la rencontre virtuelle de leurs esprits, en quelque sorte[25].

iv.      Droits linguistiques au Parlement

Le droit des personnes de parler français ou anglais à la Chambre des communes est garanti par l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. L’article stipule que l’usage de la langue française ou de la langue anglaise sera facultatif dans les débats parlementaires, mais obligatoire dans la rédaction des archives, procès-verbaux et journaux du Parlement[26].

Qui plus est, les garanties linguistiques sont énoncées dans la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). En effet, les articles 16 à 19 garantissent l’égalité du français et de l’anglais au Parlement et l’impression dans les deux langues des lois, des archives, des comptes rendus et des procès-verbaux du Parlement.

La Loi sur les langues officielles confirme que le français et l’anglais sont les langues officielles du Parlement et que le droit d’employer l’une ou l’autre dans les débats et autres travaux du Parlement est garanti. La partie I de la Loi protège aussi le droit de bénéficier d’interprétation simultanée dans les débats et autres délibérations du Parlement[27]. En outre, la Loi sur le Bureau de la traduction stipule aussi que le Bureau de la traduction est responsable de la traduction des documents parlementaires, en plus de l’interprétation simultanée des débats et des délibérations de la Chambre et des comités[28].

Par ailleurs, un processus a été établi pour l’emploi et la reconnaissance des langues autochtones à la Chambre des communes. Ce processus est décrit dans le Rapport 66 du Comité, déposé à la 1re session de la 42e législature, et adopté par la Chambre le 29 novembre 2018.

Le Comité souligne que plus les délibérations de la Chambre se complexifient, plus il nécessite d’interprètes.

v.       Siège du Parlement du Canada

L’article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 dicte qu’Ottawa sera le siège du gouvernement du Canada jusqu’à ce qu’il plaise à la reine d’en ordonner autrement.

M. Dufresne a affirmé au Comité qu’à son avis, rien sur le plan juridique n’empêche la Chambre de tenir des séances particulières ailleurs à Ottawa ou au Canada[29]. Il a fait observer que la Chambre s’est déjà réunie ailleurs à Ottawa (l’Édifice commémoratif Victoria) après l’incendie désastreux de 1916 qui a réduit l’édifice du Centre en cendres.

M. Tardi s’est dit d’avis qu’en temps normal, on pouvait s’attendre légitimement à ce que le Parlement se réunisse à Ottawa, mais que cette attente était réfutable[30].

La Dre Raymond a fait une mise en garde. Selon elle, il convient d’adopter une approche plus globale au moment de décider de changer l’emplacement des séances. Elle a souligné qu’il y avait en effet de nombreux facteurs à considérer avant de prendre une telle décision. Par exemple, les gens se retrouveraient à travailler dans un milieu qu’ils ne connaissent pas, un milieu qu’il faudrait évaluer pour savoir s’il peut satisfaire aux exigences de nettoyage et de sécurité, entre autres[31].

C.      Considérations procédurales concernant la modification des séances de la Chambre en réponse à la pandémie de COVID-19

Les fonctions parlementaires des députés sont multiples. En temps normal, la majorité du travail qu’exécutent les députés dans l’environnement parlementaire consiste à débattre, légiférer, représenter leurs électeurs, examiner les crédits, travailler en comités et demander des comptes au gouvernement. Les fonctions parlementaires doivent par ailleurs être exercées en public et assorties d’un accès accordé aux médias dans la mesure du possible[32].

Une séance au Parlement et une réunion de comité reposent sur des éléments de base, dont l’inclusion serait à envisager dans l’éventualité où la procédure et les usages de la Chambre étaient modifiés en réaction à la pandémie de COVID-19. Notons parmi ceux‑ci :

  • la présence d’un président de séance habilité, entre autres choses, à accorder la parole aux députés désireux de s’exprimer, à maintenir l’ordre et le décorum et à régler les questions de procédure;
  • le quorum;
  • la capacité pour les députés de prendre la parole, de proposer des motions et de voter;
  • une série de procédures et d’usages convenus pour que les travaux se déroulent de manière ordonnée et efficace, et qui protègent la capacité des députés de pleinement participer aux délibérations;
  • la présence de personnel technique et de soutien (p. ex. conseillers à la procédure, interprétation simultanée, soutien technique, sécurité);
  • le matériel technologique pour enregistrer les délibérations et les rendre facilement accessibles à un large public et aux médias dans des formats accessibles.

Il vaut la peine de signaler qu’il existe depuis longtemps une procédure pour soulever et régler les questions de privilège et d’outrages au Parlement durant les séances normales de la Chambre.

D.     Considérations technologiques et pratiques concernant la modification des séances de la Chambre en réaction à la COVID-19

Lors de son premier témoignage devant le Comité, l’honorable Anthony Rota, Président de la Chambre des communes, a déclaré que l’Administration de la Chambre et ses partenaires parlementaires ont le souci d’assurer le soutien opérationnel dont les députés ont besoin pour siéger et participer à des réunions, selon les protocoles de santé et de sécurité[33]. Or, il a fait remarquer que les députés doivent prendre conscience de la limite des capacités technologiques et opérationnelles de la Chambre et qu’il n’est pas possible de tout faire pendant la pandémie.

Par exemple, pour les premières réunions de comités virtuelles de la Chambre, il a fallu deux fois plus d’employés de soutien que pour les réunions physiques[34]. Toutefois, le Comité a entendu que les effectifs de soutien requis pour les séances de la Chambre se chiffrent à 55, que la séance compte 338 députés ou moins[35]. C’est pourquoi le Comité estime que les besoins en effectifs varieront sans doute avec l’intégration de la technologie au fonctionnement des délibérations de la Chambre, et que ces besoins pourraient bien diminuer au fur et à mesure que la technologie s’améliorera et que les gens s’y habitueront.

Charles Robert, greffier de la Chambre des communes, a fait valoir au Comité que l’Administration de la Chambre collabore étroitement avec les whips à propos du soutien aux députés afin de répondre à leurs besoins[36].

Notons les principales préoccupations d’ordre technologique des membres du Comité :

  • La connectivité Internet et la vitesse de la connexion sont très variables au Canada. Les députés de zones rurales ou éloignées pourraient éprouver des difficultés causées par une connexion Internet déficiente lorsqu’ils tenteraient de participer à des réunions ou séances virtuelles. Mumilaaq Qaqqaq, députée de la circonscription du Nunavut, et Niki Ashton, députée de Churchill—Keewatinook Aski, ont toutes deux signalé durant leur témoignage que la connectivité Internet déficiente empêchera les parlementaires des régions rurales et éloignées de participer aux séances virtuelles. Mme Qaqqaq a déclaré : « Je ne peux pas affirmer en toute confiance que je pourrais participer à une séance de l’Assemblée législative ou d’un comité si j’étais dans ma circonscription[37]. » Mme Ashton a ajouté qu’« en mettant sur pied un Parlement virtuel, nous devons reconnaître que nous ne sommes pas égaux en tant que députés[38] » à cause d’un accès Internet lacunaire dans les régions rurales et éloignées.
  • Il importe d’évaluer soigneusement les risques pour la cybersécurité et de choisir les dispositifs et mesures les plus adaptés à mettre en place pour sécuriser et protéger les délibérations virtuelles contre les perturbations et autres intrusions de personnes malintentionnées. Le Comité a été informé que l’emploi de TI en milieu de travail suscite toujours des risques pour la cybersécurité et la protection des renseignements personnels[39]. Ces risques sont provoqués par l’utilisation d’un logiciel pour les réunions virtuelles, le comportement des gens et l’équipement informatique en tant que tel (p. ex. un appareil déjà compromis)[40]. Par conséquent, il revient à l’institution de déterminer le niveau acceptable de risques.

E.      Procédures modifiées par les parlements nationaux en réaction à la COVID-19

i.       Écosse

a)      Généralités

Le Parlement de l’Écosse a pris des mesures en réaction à la pandémie qui lui permettent de se réunir d’une façon ou d’une autre et d’assurer une reddition de comptes de la part du gouvernement[41]. Le 1er avril 2020, il s’est réuni avec un nombre réduit de sièges pour les députés qui souhaitaient y participer en personne, afin de respecter la consigne de distanciation physique (soit 79 sièges au lieu de 129). Pendant cette séance, le Parlement a adopté un projet de loi d’urgence, en plus d’élire un autre vice-président pour parer à l’éventualité où les autres présidents de séance ne peuvent s’acquitter de leurs fonctions[42].

Le 9 avril 2020, le Parlement de l’Écosse a télédiffusé sa première période des questions virtuelle à laquelle les chefs des partis de l’opposition ont eu la possibilité de poser des questions à la première ministre sur l’intervention du gouvernement en réaction à la pandémie[43]. La semaine suivante, la période des questions a été élargie et a compté jusqu’à 20 députés.

Le Parlement de l’Écosse a formé un comité spécial chargé d’étudier les mesures prises par le gouvernement en réaction à la pandémie de COVID-19, qui tiendra des réunions virtuelles[44].

Après consultation d’autres assemblées d’Europe, le Parlement de l’Écosse a choisi d’éviter la plateforme Zoom pour sa période des questions et ses réunions de comités virtuelles[45]. Toutefois, Bill Ward, chef de la télédiffusion du Parlement de l’Écosse, a déclaré que Zoom ne présentait pas plus de risques que les autres plateformes et qu’« elles ont toutes des failles semblables[46] ». Le Parlement de l’Écosse se sert pour l’instant des plateformes vMix et BlueJeans pour tenir ses délibérations virtuelles[47].

b)     Modifications au Règlement

Davis McGill, greffier et administrateur général du Parlement de l’Écosse, a affirmé au Comité que le Règlement restreint le lieu où la Chambre et les comités peuvent se réunir[48]. En conséquence, les modifications et la suspension de plusieurs articles du Règlement ont permis la tenue des débats et des réunions en mode virtuel[49].

Pour ce qui est du vote, le libellé du Règlement a été modifié : en remplaçant « le système de vote électronique » par « un système de vote électronique[50] ». M. McGill a expliqué que « ce changement mineur, mais important » a permis à l’Administration de choisir n’importe quel système de vote utilisable à distance pour les mises aux voix de la Chambre et dans les comités[51].

M. McGill a ajouté qu’il était difficile d’établir la durée de validité de ces modifications au Règlement, car nul ne sait quand les mesures prises en réaction à la pandémie de COVID‑19 prendront fin[52]. Pour l’heure, les règles modifiées demeurent en vigueur jusqu’à l’été, moment où la présidence décidera de les reconduire au besoin[53].

c)      Plans pour l’avenir

Le Parlement de l’Écosse s’emploie en ce moment à prolonger le temps consacré aux questions pour la prochaine période des questions virtuelle. L’Administration passe aussi en revue tous les moyens de faire participer la totalité des députés au lieu de seulement ceux figurant sur la liste des personnes autorisées à poser une question.

Le Parlement de l’Écosse travaille également à augmenter le nombre de réunions de comités virtuelles.

Selon M. McGill, les principales difficultés que le Parlement de l’Écosse doit régler pour poursuivre ses travaux portent principalement sur les moyens d’étudier les projets de loi, de tenir des débats et de voter dans un environnement virtuel[54].

d)     Plan d’intervention en cas de pandémie

M. McGill a fait observer que le Parlement de l’Écosse a simulé en décembre 2019 une intervention pour une pandémie. Le but de la simulation consistait à déterminer les services parlementaires absolument essentiels à l’exercice des principales fonctions du Parlement et à établir le nombre minimal d’employés requis pour assurer ces services[55]. Au début de la pandémie de COVID-19, l’examen de ces points a quelque peu aidé le Parlement de l’Écosse, mais le plan restait muet au chapitre des séances et des votes à la Chambre[56].

ii.      Royaume-Uni

a)      Généralités

La Chambre des communes du Royaume-Uni a adopté un certain nombre de mesures pour que les affaires parlementaires puissent se poursuivre tout en appliquant les mesures d’éloignement social. Elle tient en ce moment des séances et des réunions de comités virtuelles. Lors de son témoignage devant le Comité, Matthew Hamlyn de la Chambre des communes du Royaume-Uni a affirmé que la pandémie de COVID-19 a provoqué « les changements les plus importants jamais apportés au fonctionnement de la Chambre en 700 ans[57] ».

b)     Chambre des communes hybride

Pendant l’ajournement de la Chambre, l’Administration de la Chambre a travaillé étroitement avec le Président de la Chambre, le gouvernement et les partis d’opposition afin de parvenir à un consensus sur la future formule d’une Chambre virtuelle[58].

Le 21 avril 2020, la Chambre a adopté un modèle hybride pour les séances de la Chambre. Selon ce modèle, jusqu’à 120 députés (remarque : la Chambre compte 650 députés au total) pourront assister virtuellement aux séances sur la plateforme de vidéoconférence Zoom, alors que les mesures de distanciation physique limiteront à une cinquantaine le nombre de députés autorisés à participer en Chambre. Des écrans placés partout dans la salle permettront au Président et à l’assistance de voir les députés « virtuels ». Selon M. Hamlyn, ce sont les limites techniques qui ont dicté le nombre de 120 députés comme point de départ d’une participation virtuelle[59].

M. Hamlyn a ajouté que le modèle hybride a été retenu parce que le Président n’a pas voulu empêcher les députés de se rendre à Westminster, un « droit très ancien[60] » selon lui.

La première séance hybride a eu lieu le 22 avril 2020 et elle a comporté une période des questions au premier ministre (où seul le premier ministre répond aux questions). Ce jour-là, la Chambre a adopté des motions qui autorisent l’application du modèle hybride à d’autres travaux parlementaires, notamment les projets de loi. La Chambre a également approuvé en principe l’emploi du vote électronique à distance[61].

De l’avis de M. Hamlyn, le modèle hybride tente certes de reproduire certaines activités parlementaires, mais de nombreux usages ont été adaptés ou éliminés pour des raisons techniques. Par exemple, il n’est plus possible d’intervenir durant les discours, car les intervenants sont inscrits à une liste publiée des intervenants, et que l’équipe de diffusion respecte leur ordre d’apparition prévu. Les députés disposent par ailleurs de plus de temps pour faire connaître leur intention de participer aux délibérations. La diffusion de chaque séance virtuelle demande énormément de préparatifs, et il faut également voir à ce que les participants virtuels n’éprouvent pas de problèmes techniques[62].

M. Hamlyn a ajouté que tous les députés participant aux délibérations, à la Chambre ou à distance, bénéficient tous également du privilège parlementaire[63].

Après son témoignage devant le Comité, M. Hamlyn a écrit au Comité pour préciser que la Chambre du Royaume-Uni avait terminé la mise à l’essai du vote à distance et que le système avait été approuvé. Le Comité fait remarquer que le système est fondé sur une plateforme appelée MemberHub, à laquelle peuvent accéder les députés et le personnel autorisé. L’accès se fait par connexion unique avec authentification à facteurs multiples. De plus, les députés ont la responsabilité personnelle de veiller à l’intégrité du système.

Le 12 mai 2020, la Chambre a adopté une motion pour prolonger jusqu’au 20 mai 2020 le règlement temporaire adopté les 21 et 22 avril 2020 au sujet des délibérations en format hybride et du vote à distance.

iii.     Pays de Galles

a)      Généralités

L’Assemblée nationale du pays de Galles[64], appelé le « Senedd », tient en ce moment des séances plénières et des réunions de comités en mode virtuel. Selon Siwan Davies, directrice des affaires de l’Assemblée nationale du pays de Galles, le Senedd a choisi dès le début de la pandémie de prioriser la capacité de tous les députés de poser questions au pouvoir exécutif[65]. Il s’est donc efforcé dès le départ de voir à ce que l’assemblée plénière puisse continuer à se réunir.

b)     Modifications au Règlement

Le Senedd a approuvé des modifications urgentes à son Règlement, notamment de nouvelles dispositions sur la convocation, un quorum réduit (passant de dix à quatre députés) et sur la pondération des votes[66]. Selon ce mode de scrutin, le Llywydd (Président du Senedd) invite un porte-parole de chaque formation politique à exprimer les voix au nom de tous les membres de sa formation, et viennent ensuite les députés indépendants[67].

Le Senedd a également adopté une disposition qui autorise l’élection d’un président temporaire de séance ou des délibérations dans l’éventualité où le président ou le vice‑président ne sont pas disponibles[68].

Mme Davies a signalé au Comité que l’établissement d’une Chambre virtuelle n’appelle pas de modifications particulières au Règlement. D’après elle, rien n’y indique un lieu précis de réunion ni le nombre de députés présents, et les députés sont simplement tenus d’y participer[69].

Elle a ajouté que les délibérations virtuelles ont eu une incidence sur une seule obligation légale : leur tenue en deux langues (remarque : le Senedd offre l’interprétation simultanée du gallois vers l’anglais seulement[70]). Par conséquent, le Senedd a choisi de tenir ses délibérations virtuelles sur Zoom, car la plateforme offre plusieurs canaux audios pour les interprètes.

c)      Difficultés

De l’avis de Mme Davies, le fait que les députés n’occupent pas tous le même espace physique que les greffiers et les conseillers suscite quelques problèmes. Elle ajoute que l’ordre est difficile à maintenir dans une assemblée plénière virtuelle[71].

iv.      Australie

Le 23 mars 2020, la Chambre des représentants de l’Australie s’est ajournée « à une date et à une heure à déterminer par le Président [traduction] », et le Sénat a décidé de suspendre ses travaux jusqu’au 11 août[72]. Afin d’autoriser les comités à se réunir à distance, les deux Chambres ont adopté d’autres modifications à la procédure, dont celle autorisant de tenir des rencontres « selon des modalités non prévues [traduction] » par le Règlement[73]. Le Président de la Chambre des représentants a aussi annoncé des règles spéciales relativement à la disposition des sièges afin de prévoir plus d’espace dans la Chambre.

Le 8 avril 2020, les deux Chambres se sont réunies pour adopter des projets de loi d’aide d’urgence en raison de la pandémie de COVID-19, puis elles ont ajourné leurs travaux à une date à déterminer par les présidents.

v.       Nouvelle-Zélande

Le 25 mars 2020, le Parlement de la Nouvelle-Zélande a annoncé ceci :

Afin que la surveillance et la représentation parlementaires puissent se poursuivre pendant la pandémie de COVID-19, les députés ont convenu d’autoriser le recours à des mesures spéciales en cas d’épidémie pendant la période de confinement [traduction][74].

Le Parlement s’est ajourné jusqu’au 28 avril 2020, bien que certains comités continuent de tenir des réunions à distance par vidéoconférence. La Chambre des représentants a autorisé le Président à approuver les dispositions spéciales permettant aux comités de se réunir à distance[75]. Les témoins doivent faire leur témoignage par téléconférence ou vidéoconférence, et toute exception doit être approuvée par le Président de la Chambre[76].

Étant donné que de nombreux députés ne peuvent pas se déplacer à cause de la pandémie, le comité de la régie interne de la Nouvelle-Zélande a aussi modifié les règles de la Chambre sur les votes par procuration[77]. Normalement, le nombre de votes par procuration ne peut pas dépasser 25 % des députés d’un parti à la Chambre. Le 25 mars 2020, le comité de la régie interne a levé cette limite jusqu’à nouvel ordre[78].

Le Comité fait observer que la Chambre des représentants s’est réunie six fois depuis le 28 avril 2020, incluant une rencontre le 12 mai 2020.

vi.     États-Unis

Le Sénat américain ne semble pas avoir adopté de mesures précises pour mener ses activités par voie électronique pendant la pandémie de COVID-19. Le 19 mars 2020, il a adopté une résolution permettant aux sénateurs de voter à distance plutôt qu’en personne, et l’usage du Sénat ne requiert pas qu’un quorum soit atteint pour que la Chambre puisse mener ses activités quotidiennes[79]. Le Sénat continue donc de siéger, mais la résolution n’en est qu’à la première étape du processus législatif (remarque : pareille résolution serait normalement examinée en comité avant d’être envoyée à l’ensemble de la Chambre ou du Sénat).

Le 23 mars 2020, les membres majoritaires du comité du Règlement (Rules Committee) de la Chambre des représentants ont publié un rapport faisant état des difficultés que pourrait poser le vote à distance. Parmi les principales difficultés relevées, mentionnons la question de la sécurité, les questions logistiques et la constitutionnalité du vote à distance[80]. Il convient de préciser que ce rapport a été préparé par les membres majoritaires et n’a pas été officiellement adopté par le Comité.

Le 7 avril 2020, le Président de la Chambre des représentants a annoncé que les représentants pourraient, à compter du 19 avril 2020, soumettre des projets de loi, des résolutions et d’autres documents au Bulletin du congrès en format électronique[81].

F.       Procédure modifiée dans les législatures provinciales et territoriales en raison de la COVID-19

i.       Colombie-Britannique

L’Assemblée législative s’est ajournée jusqu’à nouvel ordre. Selon le site Web de l’Assemblée législative, le Comité permanent des finances et des services gouvernementaux et le Comité spécial chargé d’examiner la Personal Information Protection Act, notamment, se réunissent en ligne. Aucune information n’est fournie quant à la manière dont se dérouleront ces réunions virtuelles.

Dans le passé, l’Assemblée a autorisé la présence ou la participation des membres de comités soit par vidéoconférence, soit par téléconférence, mais n’a pas traité la question dans un rapport de comité ou sur le plan administratif.

Les règles de procédure de l’Assemblée législative ne disent rien au sujet du vote par procuration ou du vote électronique durant les votes par appel nominal. En revanche, les membres doivent être physiquement présents pour pouvoir voter.

Le Comité fait aussi remarquer qu’en date du 11 mai 2020, on avait recensé 2 330 cas en Colombie-Britannique, dont 1 659 (soit 71 %) se sont rétablis. Il y a eu 129 décès. La province demeure en état d’urgence, ce qui veut dire que les commerces non essentiels sont fermés, que les grands rassemblements sont interdits et que certaines autoroutes demeurent fermées.

ii.      Alberta

L’Assemblée législative a repris ses travaux le 6 mai 2020 et a siégé jusqu’au 8 mai 2020, après quoi elle s’est ajournée. Des réunions du Comité permanent des comptes publics sont prévues tout au long du mois de mai. La majorité des employés de l’Assemblée législative font du télétravail.

En vertu de la loi, les députés de l’Assemblée sont autorisés à participer pleinement aux réunions des comités par téléphone ou tout autre moyen de communication approprié. Dans le passé, les comités de l’Assemblée ont autorisé leurs membres à prendre part à des réunions par téléconférence. Les membres participant à une réunion de cette façon peuvent présenter des motions et voter.

Les règles de procédure de l’Assemblée législative ne disent rien sur le vote par procuration ou le vote électronique. Les membres doivent plutôt être physiquement présents pour voter.

Le Comité fait observer qu’en date du 11 mai 2020, l’Alberta avait recensé 6 253 cas, dont 4 389 (soit 70 %) se sont rétablis. Il y a eu 117 décès. La province demeure en état d’urgence, ce qui veut dire que les commerces non essentiels sont fermés et que les grands rassemblements sont interdits.

iii.     Saskatchewan

L’Assemblée législative s’est ajournée jusqu’à ce que le Président la convoque à nouveau à la demande du gouvernement. Aucune réunion de comité n’est prévue pour le moment.

En outre, les règles et les procédures de l’Assemblée ne disent rien sur la participation à distance des députés aux travaux de la Chambre et des comités. Ces derniers doivent être physiquement présents à la Chambre pour pouvoir voter.

Le Comité fait remarquer qu’en date du 11 mai 2020, on avait recensé 564 cas en Saskatchewan, dont 349 (soit 62 %) se sont rétablis. Il y a eu 6 décès. La province demeure en état d’urgence sanitaire, ce qui veut dire que les commerces non essentiels sont fermés, que les déplacements transfrontaliers sont restreints et que les grands rassemblements sont interdits.

iv.      Manitoba

L’Assemblée législative a convenu de reprendre ses travaux le 6 mai 2020. Une journée de séance se tiendra chaque semaine, la première étant celle du 6 mai, suivie de séances les 13, 20 et 27 mai. Les séances se dérouleront selon l’horaire habituel et comprendront des périodes de questions et pour l’étude des affaires du gouvernement.

Le Règlement de l’Assemblée ne dit rien au sujet de la participation des membres aux séances et aux réunions des comités sans y être physiquement présents. En outre, ces derniers doivent être physiquement présents à la Chambre pour pouvoir voter.

Le Comité souligne qu’en date du 11 mai 2020, le Manitoba avait recensé 287 cas, dont 247 (soit 86 %) se sont rétablis. Il y a eu sept décès. La province demeure en état d’urgence sanitaire, ce qui veut dire que la plupart des commerces non essentiels sont fermés, bien que la province ait levé certaines restrictions, que les déplacements sont limités au nord de la province et que les grands rassemblements sont interdits.

v.       Ontario

L’Assemblée législative s’est réunie le 12 mai 2020 et sa prochaine séance est prévue pour le 19 mai 2020. Toutes les réunions des comités sont annulées jusqu’à ce que le leader du gouvernement à la Chambre informe le Président qu’il est dans l’intérêt public que les comités permanents se réunissent.

En Ontario, les règles de procédure de l’Assemblée législative ne disent rien au sujet de la participation à distance des membres aux réunions des comités. Ils doivent y être physiquement présents pour pouvoir y prendre part. Ils doivent aussi être physiquement présents à la Chambre pour pouvoir voter.

Le Comité fait remarquer qu’en date du 11 mai 2020, l’Ontario avait recensé 20 546 cas, dont 15 131 (soit 74 %) se sont rétablis. Il y a eu 1 669 décès. La province demeure en état d’urgence sanitaire, ce qui veut dire que la plupart des commerces non essentiels sont fermés, bien que la province ait levé certaines restrictions, et que les grands rassemblements sont interdits.

vi.     Québec

Un communiqué du 5 mai 2020 annonçait le rappel de l’Assemblée nationale le 13 mai 2020. Un nombre réduit de députés y siégeront et deux périodes des questions par jour auront lieu. De plus, quatre réunions de comité virtuelles se tiendront à compter de la semaine du 4 mai, et d’autres réunions s’ajouteront chaque semaine.

Le Règlement de l’Assemblée reste silencieux quant à la participation à distance des députés aux travaux de la Chambre et des comités. En outre, ces derniers doivent être physiquement présents à la Chambre pour pouvoir voter.

Le Comité souligne qu’en date du 11 mai 2020, le Québec avait recensé 37 721 cas, dont 9 526 (soit 25 %) se sont rétablis. Il y a eu 2 928 décès. La province demeure en état d’urgence sanitaire, ce qui veut dire que la plupart des commerces non essentiels sont fermés, bien que la province ait levé certaines restrictions, que les déplacements interprovinciaux demeurent limités et que les grands rassemblements sont interdits.

vii.    Nouveau-Brunswick

Le Président a donné avis que l’Assemblée législative se réunira le 26 mai 2020 pour traiter ses affaires.

Le Règlement de l’Assemblée ne dit rien sur la participation virtuelle des membres aux séances et aux réunions des comités. En outre, ces derniers doivent être physiquement présents à la Chambre pour pouvoir voter.

Le Comité fait observer qu’en date du 11 mai 2020, le Nouveau-Brunswick avait recensé 120 cas, dont 118 (soit 98 %) se sont rétablis. On ne déplore aucun décès. La province demeure en état d’urgence sanitaire, ce qui veut dire que la plupart des commerces non essentiels sont fermés, bien que la province ait levé certaines restrictions, que les déplacements interprovinciaux sont limités et que les grands rassemblements sont interdits.

viii.   Nouvelle-Écosse

L’Assemblée législative demeure ajournée, et toutes les réunions des comités des services à la communauté, de la santé, des ressources naturelles et du développement économique, ainsi que des anciens combattants sont annulées jusqu’à nouvel ordre.

Le Règlement de l’Assemblée est silencieux quant à la participation à distance des députés aux travaux de la Chambre et des comités. Les députés doivent être physiquement présents à la Chambre pour pouvoir voter.

Le Comité note qu’en date du 11 mai 2020, la Nouvelle-Écosse avait recensé 1 018 cas, dont 749 (soit 74 %) se sont rétablis. Il y a eu 47 décès. La province demeure en état d’urgence sanitaire, ce qui veut dire que les déplacements interprovinciaux sont limités et que les grands rassemblements sont interdits. Les commerces non essentiels qui sont capables de respecter la consigne de distanciation sociale ont été autorisés à rouvrir.

ix.     Île-du-Prince-Édouard

Le Président de l’Assemblée législative a suspendu la séance du printemps jusqu’à nouvel ordre en réponse aux préoccupations actuelles en matière de santé publique. Aucune réunion de comité n’est actuellement prévue.

Le Règlement ne dit rien sur la participation à distance des députés aux travaux de la Chambre et des comités. En outre, ces derniers doivent être physiquement présents à la Chambre pour pouvoir voter.

Le Comité fait observer qu’en date du 11 mai 2020, l’Île-du-Prince-Édouard avait recensé 27 cas, dont 27 (soit 100 %) se sont rétablis. On ne déplore aucun décès. La province demeure en état d’urgence sanitaire, ce qui veut dire que les déplacements interprovinciaux sont limités et que les commerces non essentiels restent fermés.

x.      Terre-Neuve-et-Labrador

Le 5 mai 2020, la Chambre d’assemblée a adopté une résolution visant la mise sur pied d’un Comité spécial sur les règles et procédures régissant les délibérations virtuelles de la Chambre d’assemblée. Ce comité a le pouvoir de déterminer comment les délibérations virtuelles pourront se dérouler, et permet qu’un agencement de députés soient présents en Chambre pendant que d’autres siègent à distance par des moyens technologiques alternatifs. La résolution appelle au dépôt du rapport au greffier de la Chambre d’assemblée le plus tôt possible, mais au plus tard le 1er juillet 2020.

La Chambre d’assemblée s’est ajournée jusqu’à ce que le Président la convoque à nouveau.

Le Règlement de la Chambre d’assemblée ne dit rien sur la participation à distance des députés aux travaux de la Chambre et des comités. En outre, ceux-ci doivent être physiquement présents à la Chambre pour pouvoir voter.

Le Comité souligne qu’en date du 11 mai 2020, Terre-Neuve-et-Labrador avait recensé 261 cas, dont 244 (soit 93 %) se sont rétablis. Il y a eu trois décès. La province demeure en état d’urgence sanitaire, ce qui veut dire que les grands rassemblements sont interdits et que les commerces non essentiels restent fermés.

xi.     Nunavut

Dans un communiqué publié le 1er mai 2020, le Président de l’Assemblée législative a annoncé l’annulation de la session du printemps 2020 de la 2e session de la 5e Assemblée législative.

Aucune disposition du Règlement n’autorise les députés à participer à distance aux travaux de la Chambre et des comités. En outre, ces derniers doivent être physiquement présents à la Chambre pour pouvoir voter.

Le Comité souligne qu’en date du 11 mai 2020, aucun cas n’avait été recensé au Nunavut. Le territoire demeure en état d’urgence sanitaire, ce qui veut dire que les voyages non essentiels provenant de l’extérieur y sont limités et que les grands rassemblements sont interdits.

xii.    Territoires du Nord-Ouest

Les travaux de l’Assemblée législative demeurent suspendus jusqu’au 26 mai 2020. Le Comité permanent des règles et des procédures s’est réuni le 1er mai par téléconférence et vidéoconférence.

Le Règlement de l’Assemblée ne dit rien sur la participation à distance des députés aux séances de la Chambre et des comités. Toutefois, dans le passé, des comités leur ont parfois permis de participer aux réunions de comités permanents et spéciaux par téléconférence. Les membres participant par téléphone peuvent présenter des motions et voter.

Le Comité souligne qu’en date du 11 mai 2020, on avait recensé cinq cas dans les Territoires du Nord-Ouest, dont 5 (soit 100 %) se sont rétablis. On ne déplore aucun décès. Le territoire province demeure en état d’urgence sanitaire, ce qui veut dire que les voyages non essentiels provenant de l’extérieur y sont limités et que les grands rassemblements sont interdits.

xiii.   Yukon

L’Assemblée législative s’est ajournée jusqu’au 1er octobre 2020. Des réunions de comité sont inscrites au calendrier et permettent aux députés de poursuivre les travaux de l’Assemblée législative. La salle de comité à l’Assemblée législative dispose d’équipement de téléconférence et de vidéoconférence qui permet aux comités permanents de tenir des réunions avec les membres à distance. De plus, les comités peuvent se réunir dans la Chambre d’assemblée puisque la disposition des sièges permet une distanciation de plus de deux mètres entre les personnes.

Le Règlement de l’Assemblée législative ne dit rien sur la participation à distance des députés aux travaux de la Chambre et des comités; toutefois, les délibérations des comités se poursuivent de cette manière. En outre, ces derniers doivent être physiquement présents à la Chambre pour pouvoir voter.

Le Comité souligne qu’en date du 11 mai 2020, le Yukon avait recensé 11 cas, dont 11 (soit 100 %) se sont rétablis. On ne déplore aucun décès. Le territoire province demeure en état d’urgence sanitaire, ce qui veut dire que les voyages non essentiels provenant de l’extérieur y sont limités et que les grands rassemblements sont interdits.

Discussion

A.      Observations et recommandations

i.       Principes directeurs

a)      Priorisation de la santé et de la sécurité des députés et de tous les travailleurs dans la Cité parlementaire

De l’avis du Comité, la santé et la sécurité des députés et des personnes qui travaillent dans la Cité parlementaire doivent rester une priorité absolue. La Dre Raymond a déclaré au Comité qu’il est obligatoire de mener une évaluation des risques très rigoureuse avant le retour physique au travail, notamment un examen des risques encourus par le personnel additionnel sur place et leurs familles à domicile ainsi que des risques liés aux déplacements[82]. L’évaluation des risques doit aussi comporter un plan qui vise la réintroduction rapide des mesures si d’autres cas sont signalés[83]. La Dre Raymond a fait une autre mise en garde : un changement de lieux ne se résume pas à une question de distanciation physique; un environnement non familier peut provoquer d’autres questions, notamment les besoins pour le nettoyage et la désinfection, le lavage des mains et le contrôle de l’accès aux lieux[84].

Le Comité est également d’avis que la garantie de la santé et du bien-être physique et mental des interprètes en simultanée travaillant pendant la pandémie pour interpréter les travaux du Parlement doit également être une priorité.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que la santé et la sécurité de toutes les personnes travaillant dans la Cité parlementaire et celles travaillant à distance soient une priorité.

Que la Chambre élabore un plan à suivre en cas de pandémie et de catastrophe, que tous les parlementaires soient informés du plan, et que le plan soit régulièrement mis à jour et répété à l’aide d’exercices de simulation.

b)     Nature temporaire des modifications de la procédure

Les témoins qui ont comparu devant le Comité étaient unanimes : les modifications à la procédure et aux usages de la Chambre des communes effectuées pour régler les difficultés découlant de la pandémie de COVID-19 doivent rester de nature temporaire[85].

Le Comité précise que la première réunion du Comité spécial sur la pandémie de COVID‑19 s’est tenue le 28 avril 2020. Le Président, qui préside le Comité spécial, a confié à notre comité qu’il avait été impressionné par l’expérience, autant en ce qui concerne la fonctionnalité de la technologie que la qualité du débat et des échanges[86].

Voici quelques observations des témoins au sujet des séances virtuelles de la Chambre et de ses comités avant la première réunion du Comité spécial sur la pandémie de la COVID-19 :

  • Un parlement réduit ne peut pas nous offrir des débats et des délibérations aussi vastes et approfondis avec possibilité de poser des questions et responsabilité de voter sur les projets de loi et les motions pour tous nos représentants élus[87];
  • Les séances virtuelles devraient rarement se produire, et il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une mesure à court terme adoptée durant une période extraordinaire. Il faut mener d’autres recherches pour bien comprendre les conséquences d’une telle modification[88];
  • Les séances de la Chambre comptant un nombre limité de députés, ou les séances virtuelles, ne permettent pas des « débats rigoureux et sains », mais elles demeurent une solution temporaire nécessaire à cause de la pandémie actuelle[89];
  • Le Parlement doit certes trouver une manière de rester fonctionnel et actif durant la pandémie, mais il est tenu de retourner aux usages traditionnels de siéger physiquement après la crise de COVID-19[90].

Dans les circonstances actuelles, une incertitude pèse sur le futur calendrier de la Chambre des communes. Si la Chambre se saisit une date ultérieure des projets de modification au Règlement, le Comité souscrit à l’avis du Président de la Chambre que tous les députés doivent être autorisés à assister aux délibérations sur la question et à exprimer leur vote[91].

Par conséquent, le Comité recommande :

Que la Chambre des communes établisse une deuxième version du Règlement permettant la mise en œuvre d’un Parlement virtuel afin que la Chambre puisse poursuivre ses travaux en cas de crise ou de circonstances exceptionnelles telles que celles découlant de la pandémie actuelle. Le Comité recommande en outre que cette version modifiée du Règlement ne puisse entrer en vigueur qu’avec l’accord de tous les partis reconnus pendant une période prédéterminée et convenue qui ne puisse être prolongée qu’avec l’accord de tous les partis reconnus.

Que le greffier de la Chambre des communes dresse la liste de toutes les dispositions du Règlement qui pourraient devoir être modifiées pendant la situation actuelle empêchant les députés de se réunir au complet en personne pour les travaux de la Chambre des communes, et qu’il présente cette liste au Comité.

c)      Approche progressive pour l’élargissement des opérations technologiques de la Chambre

Pendant le mois où le Comité étudiait la modification des procédures pour s’adapter à la pandémie de COVID-19, plusieurs comités de la Chambre, ainsi qu’un comité spécial composé de la totalité des députés, ont tenu des réunions.

Le Président de la Chambre a déclaré au Comité que, pour organiser des réunions virtuelles de comités, la Chambre a choisi de renforcer les capacités techniques et d’améliorer la fonctionnalité des systèmes. En parallèle, l’Administration de la Chambre a grandement aidé les députés à participer à ces réunions en leur offrant de la formation, des lignes directrices et des mises à l’essai[92]. L’objectif consistait à offrir davantage de moyens aux députés de participer à des réunions virtuelles qui ressemblent le plus possible à une séance typique de la Chambre et à assurer efficacement la pleine participation de tous les députés[93].

M. Robert a par ailleurs ajouté que des marches à suivre sur l’utilisation d’un environnement virtuel pour bien répondre aux besoins des députés étaient en développement [94]. Il s’agit de veiller à ce que les députés soient plus à l’aise d’utiliser la technologie pour participer aux réunions virtuelles afin d’exercer leurs fonctions correctement et avec satisfaction[95].

Lors de son second témoignage devant le Comité, M. Robert a conseillé à la Chambre que l’adoption des technologies et des changements temporaires au Règlement se fasse graduellement et lentement[96]. Il a déclaré que la première chose à faire était de veiller à ce que les députés soient satisfaits du plan global sur les séances virtuelles, puis d’examiner en détail la procédure et les usages, comme les exigences relatives aux avis, la structure du Feuilleton et la façon dont les autres informations sont relayées aux députés sur leurs appareils[97].

Le Président a admis que des défaillances et autres problèmes de TI se produiront durant le renforcement des capacités techniques de la Chambre à organiser des réunions et séances virtuelles. Il a souligné que de tels problèmes devront probablement être résolus rapidement et qu’il s’en inquiétait[98]. Il a fait également observer que les députés doivent continuer à se de se rendre disponibles, de faire preuve de patience et à laisser du temps aux gens pour résoudre les difficultés[99].

Durant son témoignage devant le Comité, Marc Bosc, ancien greffier par intérim de la Chambre des communes, a dit approuver l’approche par étapes choisie par la Chambre. Ainsi, celle-ci a la possibilité de reprendre graduellement tous les travaux à mesure que la technologie nécessaire est adaptée aux exigences des délibérations parlementaires et que la situation sanitaire s’apaise[100]. Dans la même veine, Gary O’Brien, ancien greffier du Sénat, a déclaré que le choix d’une approche par étapes respecte en quelque sorte les valeurs fondamentales du Parlement qui sont inscrites dans la Constitution[101].

Selon le Comité, l’Administration de la Chambre doit continuer de soutenir les députés sous forme de formation, de conseils et d’aide technique. Cela demeure l’approche la plus efficace et prudente pour utiliser la technologie afin de tenir des réunions virtuelles durant la pandémie de COVID-19. Le Comité presse aussi les députés de garder des attentes raisonnables et de faire preuve de patience à mesure que la capacité technique de la Chambre se renforce.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que la Chambre des communes prenne les mesures nécessaires pour élargir sa capacité et son fonctionnement afin de permettre le déploiement d’un Parlement virtuel entièrement fonctionnel, avec la possibilité d’employer un modèle hybride entre-temps, en cas de circonstances exceptionnelles.

Qu’un système électronique de demande de prise de parole pour les rappels au Règlement soit mis en place afin d’éviter la cacophonie et que ceux dont la langue n’est pas la même que celle de la présidence ne soient pas entendus puisque le volume de leur micro est alors plus faible.

Qu’un système électronique de tour de parole dans le cadre des débats virtuels soit mis en place afin de pallier le concept habituel selon lequel les députés doivent se lever pour prendre la parole (article 17 du Règlement).

Que la Chambre des communes procède à un exercice de simulation du Parlement virtuel avant le déploiement des plateformes qui serviront aux activités parlementaires et que tous les députés soient invités à participer à tout exercice de simulation.

Que la Chambre des communes poursuive l’adoption progressive, lors de circonstances exceptionnelles, d’activités parlementaires supplémentaires sous forme virtuelle, tout en tenant compte des contraintes et de la nécessité d’effectuer des tests et d’apporter des améliorations, et que toute activité parlementaire supplémentaire soit d’abord entérinée par les partis reconnus.

Que le greffier de la Chambre des communes prépare un rapport définissant quels travaux de la Chambre sont prêts à être instaurés sous forme virtuelle et l’ordre dans lequel ils le seront, et qu’il présente son rapport au Comité.

d)     Respect des droits, immunités et privilèges de la Chambre et de ses députés

Il est essentiel que toute modification à la procédure et aux usages de la Chambre effectuée en réaction à la pandémie de COVID-19 respecte intégralement les droits dont jouissent les députés en vertu du privilège parlementaire, notamment la liberté de parole et la protection contre la brutalité, l’obstruction et l’ingérence (à savoir un accès sans restriction à la Cité parlementaire) pendant qu’ils se livrent à leurs activités parlementaires à la Chambre. De plus, les députés ont le droit de participer de façon pleine et égale aux travaux parlementaires dans l’exercice de leurs droits conférés par le privilège parlementaire.

Des témoins ont fait état de l’importance de soutenir la participation et les droits entiers des députés :

  • optimiser ce qui peut être fait virtuellement est le meilleur moyen de favoriser la pleine participation des élus pendant cette situation d’urgence qui perdure. Aucun électeur dans quelque circonscription que ce soit ne mérite d’avoir un représentant qui ne peut remplir que partiellement le rôle qui lui incombe dans l’ordre normal des choses[102];
  • les privilèges rattachés au discours politique seront difficiles à garantir et à préserver dans une séance virtuelle; en effet, le député ne dispose pas d’une manière claire et efficace d’exprimer sa dissidence dans une telle séance, car les personnes n’ayant pas la parole sont carrément réduites au silence (faire éteindre le microphone de leur ordinateur)[103].

Certains membres du Comité craignent aussi que des défaillances technologiques nuisent, par inadvertance, à la capacité des députés de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires. À cet égard, Mme Qaqqaq a déclaré au Comité, lors de son témoignage, qu’elle se sentirait désavantagée à « 100% » dans son travail si elle devait dépendre des services Internet[104]. Il est à noter que lorsqu’un membre du Comité lui a demandé si elle avait soulevé une question de privilège à ce sujet auprès du Président de la Chambre, Mme Qaqqaq a répondu que jusqu’ici, elle ne l’avait pas fait.

Le Comité a par ailleurs été informé qu’il est impossible pour le moment de déterminer s’il y a eu des atteintes hypothétiques aux droits des députés protégés par le privilège parlementaire. Au contraire, des témoins comme MM. Dufresne et Bosc ont fait une mise en garde : le Président et la Chambre doivent étudier chaque cas individuellement, à la lumière de leurs facteurs, circonstances et mérites[105].

Selon M. Maingot, les situations où les députés ont eu du mal à accéder aux séances virtuelles ne constituent pas une atteinte au privilège à moins qu’ils ne subissent de l’obstruction. Il faut au contraire classer ces situations dans la catégorie des problèmes techniques à signaler à la Chambre[106]. De même, M. O’Brien a avancé qu’à son avis, une obstruction empêchant un député de prendre part à des délibérations parlementaires est nécessairement intentionnelle pour constituer une atteinte au privilège parlementaire[107]. M. Barnhart s’est également dit d’avis que les défaillances technologiques relèvent plus de la frustration que d’une atteinte au privilège[108].

De plus, à la question d’une membre du Comité, qui se demandait si on ne risquait pas de brimer le privilège parlementaire de certains députés plus susceptibles de contracter la COVID-19 (ceux qui ont p. ex. des problèmes de santé ou qui sont plus « à risque » que la population générale) en les obligeant à assister à des séances en personne, le Président a répondu que c’était une possibilité, du moment qu’ils étaient empêchés de faire leur travail à la Chambre[109].

Par conséquent, le Comité recommande :

Que les droits, immunités et privilèges de la Chambre et des députés soient protégés et respectés.

Que la Chambre garantisse à tous les députés l’accès aux infrastructures de télécommunications, y compris un accès standard et uniforme au matériel, aux logiciels et à la connectivité Internet, dont ils ont besoin pour participer à des délibérations virtuelles dans leur circonscription, le tout payé à partir du budget central; et que, d’ici là, les députés qui ne sont pas en mesure de participer aux délibérations virtuelles lorsqu’elles sont nécessaires en raison d’infrastructures de télécommunications insuffisantes dans leur circonscription reçoivent des indemnités pour leurs déplacements et disposent du matériel et des locaux nécessaires pour participer aux délibérations virtuelles à partir d’un lieu doté des infrastructures de télécommunications nécessaires situé hors de leur circonscription, mais à proximité.

e)      Respect des droits linguistiques

L’avis du Comité est sans équivoque. Il estime que toutes les séances et réunions de comités virtuelles de la Chambre, ou les séances tenues selon une procédure modifiée ou dans des lieux différents, doivent se dérouler dans le respect des droits constitutionnels des députés de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires en français et en anglais, notamment avec le service d’interprétation simultanée habituellement offert par la Chambre.

En outre, le Président de la Chambre a déclaré au Comité qu’à son avis, « [l]es mécanismes permettant l’interprétation des travaux en langues autochtones doivent eux aussi être maintenus[110] ». Le Comité abonde dans le sens du Président. Le Comité fait aussi observer qu’il n’a entendu aucun témoignage sur les capacités technologiques de la Chambre d’offrir l’interprétation simultanée des langues autochtones pendant la pandémie. Le Comité encourage la Chambre à examiner les façons de maintenir les services d’interprétation des langues autochtones pendant la pandémie.

Lors de leur témoignage devant le Comité, les représentants du Bureau de la traduction ont fourni des explications sur les conséquences de la pandémie pour leurs services. Alors que la traduction se prête bien au télétravail, il en est tout autrement pour l’interprétation, car les interprètes doivent se rendre dans la Cité parlementaire pour exécuter leur travail.

Qui plus est, les réunions virtuelles de comités obligent les interprètes à faire de l’interprétation à distance lorsqu’au moins un participant ne se trouve pas dans la même pièce qu’eux. Le Comité a été informé que l’interprétation à distance présente des difficultés pour les interprètes, surtout en ce qui concerne la qualité du son des interlocuteurs et la charge cognitive des interprètes. Nathalie Laliberté, du Bureau de la traduction, a fait état au Comité de l’inadéquation des conditions actuelles des interprètes, qui signalent un nombre supérieur de problèmes de santé comme les maux de tête, les douleurs aux oreilles et la fatigue[111].

Selon Greg Phillips, de l’Association canadienne des employés professionnels (ACEP), sur les 70 interprètes salariés travaillant dans les langues officielles, environ 40 sont actuellement incapables de travailler soit en raison de problèmes de santé liés aux présentes conditions moins qu’optimales, soit parce qu’ils doivent s’occuper de leurs enfants durant la pandémie. Selon lui, on s’approche dangereusement du pire scénario, celui où l’on ne disposerait pas de suffisamment d’interprètes qualifiés pour soutenir le travail parlementaire[112].

Pour régler ces problèmes, le Bureau de la traduction a réduit la charge de travail des interprètes, qui travailleront quatre heures en moyenne au lieu des six heures habituelles. Par ailleurs, comme l’a affirmé Nicole Gagnon, de l’Association internationale des interprètes de conférence, on peut aussi faire appel à des interprètes pigistes accrédités par le gouvernement en plus des interprètes employés par le Bureau de la traduction[113].

Par ailleurs, les représentants du Bureau de la traduction ont expliqué qu’il est impossible d’éliminer complètement les risques d’interruption du service d’interprétation dans un environnement virtuel[114]. Ces risques peuvent être atténués si :

  • les participants portent un casque d’écoute avec un microphone intégré pour une bonne qualité sonore;
  • les participants prennent part par vidéoconférence pour que les interprètes voient leurs expressions faciales et ajustent le ton de leur voix;
  • un technicien est présent en tout temps dans la salle où se trouvent les interprètes;
  • des tests de son sont effectués avant chaque rencontre;
  • les participants font parvenir d’avance leurs déclarations écrites aux interprètes dans la mesure du possible
  • les participants utilisent des appareils avec une connexion Internet par fil[115].

Les autres témoins ayant parlé des services d’interprétation souscrivaient généralement à ces recommandations, mais M. Phillips a fait remarquer qu’il était sans doute plus difficile pour les témoins qui comparaissent devant des comités parlementaires que pour les députés de trouver le casque d’écoute qui convient[116]. Mme Gagnon a aussi souligné que les réunions hybrides, auxquelles des gens participent en personne et d’autres par téléphone, présentaient un risque accru pour les interprètes[117].

Par conséquent, le Comité recommande :

Que la Chambre des communes continue de respecter le statut et l’usage des langues officielles du Canada, conformément à la Loi sur les langues officielles. En outre, le Comité encourage la Chambre à examiner les façons de maintenir les services d’interprétation des langues autochtones pendant la pandémie.

Que la Chambre des communes adopte une règle énonçant que les députés ou les témoins qui participent aux délibérations virtuelles de la Chambre, y compris aux délibérations où l’on se sert d’un casque d’écoute ou d’un micro, doivent respecter les normes minimales qu’établira le greffier de la Chambre en collaboration avec le Bureau de la traduction.

Que la Chambre adopte des normes pour éviter que les interprètes en simultanée subissent des blessures et de la fatigue, notamment

  • faire installer des limiteurs de compression pour prévenir le choc acoustique;
  • procéder à une vérification du son avec un coordonnateur et un technicien avant le début de chaque réunion, lorsque c’est possible;
  • accroître le nombre d’interprètes travaillant vers le français, par affectation, étant donné que la majeure partie de l’interprétation se fait dans cette langue;
  • prévoir des pauses suffisantes entre les affectations pour se rétablir en cas de fatigue excessive;
  • appliquer les deux mesures précédentes de soutien aux interprètes autant aux employés du Bureau de la traduction qu’aux pigistes.

Que le Comité porte à la connaissance des députés que, pendant la pandémie de COVID‑19, la majeure partie du fardeau d’interprétation dans les langues officielles repose sur les interprètes francophones, ce qui pourrait être atténué par le choix des témoins et députés de parler français lorsque c’est possible.

f)       Garantie d’un accès aux délibérations

Conformément aux conseils donnés par les autorités fédérales et provinciales de santé publique, le Bureau de régie interne a fermé la Chambre des communes et les édifices de la Cité parlementaire au public à titre de mesure de santé et de sécurité publiques durant la pandémie de COVID-19. Le Comité convient que la fermeture est justifiée et nécessaire.

En même temps, les travaux de la Chambre et de ses comités, sans égard à leur tenue durant l’ajournement de la Chambre pendant la pandémie de COVID-19, doivent continuer d’être accessibles au public selon les normes et usages habituels de la Chambre.

Le Président a affirmé au Comité que, à son avis, toute vidéo des délibérations de la Chambre enregistrée durant son ajournement pendant la pandémie de COVID-19 doit :

  • être accessible en français et en anglais et comporter un sous-titrage;
  • être diffusée en direct et sur demande sur ParlVu;
  • continuer d’être transmise aux médias en vue de sa rediffusion ainsi qu’à CPAC afin d’être retransmise aux téléspectateurs de toutes les régions du Canada[118].

Le Comité abonde encore ici dans le sens du Président.

Par ailleurs, le Comité a été informé que les médias exercent une surveillance essentielle des travaux de la Chambre et qu’ils devraient avoir accès aux délibérations de la Chambre d’une façon respectueuse des droits de la Chambre des communes conférés par le privilège parlementaire.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que toutes les audiences publiques de la Chambre des communes soient rendues publiques par Webdiffusion ou télédiffusion, et qu’elles soient rendues pleinement accessibles dans la mesure du possible.

g)      Garantie de la sécurité numérique des délibérations

Durant la pandémie, les télétravailleurs se sont faits plus nombreux. Le Comité a été informé que l’espace physique et le réseau informatique sont souvent partagés avec autrui à domicile. Pour les parlementaires et les membres de leur personnel, le télétravail augmente les risques pour la cybersécurité (p. ex. des documents confidentiels compromis physiquement, d’autres qui sont transférés sur des appareils ou à des adresses électroniques personnels, ou encore le prêt de leurs appareils électroniques du gouvernement ou la divulgation de mots de passe[119]).

John Weigelt, de Microsoft Canada inc., a fait remarquer que les parlements virtuels doivent être suffisamment sécurisés afin de protéger l’intégrité de leurs délibérations contre les « débordements » de « personnes indisciplinées », tout comme s’il s’agissait d’assurer la sécurité des délibérations dans la Chambre en tant que telle[120]. Robert J. Deibert, de l’Université de Toronto, a fait valoir que « les parlementaires et leur personnel s’exposent à des risques plus grands qu’à l’habitude » en matière de cybersécurité et que « les personnes malveillantes tirent profit de la nouvelle situation » quand les gens sont de plus en plus forcés de télétravailler[121]. Martyn Turcotte, du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, a également fait les observations suivantes : « On rapporte également que la pandémie de la COVID-19 a créé un climat propice à de nouvelles possibilités de cyberattaques et de nouvelles cibles pour les pirates informatiques. C’est pourquoi il est d’autant plus important de s’assurer que des mesures de protection adéquates permettent de prévenir les atteintes à la sécurité des renseignements personnels[122]. »

Pourtant, des témoins ont admis que, si les délibérations de la Chambre sont publiques, les rencontres virtuelles ne provoquent pas de risques pour la protection de la vie privée et pour la sécurité[123]. Chantal Bernier, de Dentons Canada, a expliqué que, sauf si les délibérations se font à huis clos, les séances en ligne garantissent la transparence du Parlement plus qu’elles ne provoquent de risques pour la sécurité de l’information[124]. M. Leuprecht a renchéri : « Il est difficile de jouer avec vos délibérations, car elles se déroulent en temps réel et sont publiques[125]. »

Pour réduire tout risque, M. Turcotte a recommandé :

  • d’examiner les politiques de confidentialité et les conditions d’utilisation des logiciels de vidéoconférence envisagés;
  • de vérifier que les messages privés partagés lors de vidéoconférences demeurent privés;
  • de désactiver certaines fonctionnalités au besoin pour empêcher des individus non invités de rejoindre la vidéoconférence;
  • de faire attention à ce que des informations confidentielles ne soient pas révélées en arrière-plan lorsque les parlementaires participent à des vidéoconférences;
  • d’utiliser une nouvelle fenêtre de navigation sans onglets si les parlementaires participent à la vidéoconférence à partir d’un navigateur Web;
  • d’adapter les consignes et marches à suivre[126].

M. Turcotte a également ajouté que les services internes ou indépendants au sein de l’organisation, par opposition aux services Web, minimiseraient les risques puisque « l’organisation aura le plein contrôle des infrastructures[127] ».

Le Comité a été mis au courant que toutes les solutions technologiques ne conviennent pas toutes à un Parlement virtuel. D’après M. Turcotte, « [e]n premier lieu, le Parlement devrait déterminer ses besoins. Il devrait ensuite évaluer les mesures de protection techniques, les risques d’atteinte à la sécurité et les politiques de confidentialité de chaque service de vidéoconférence avant d’opter pour une plateforme en particulier[128] ». Dans la même optique, il a été rappelé au Comité qu’« il y a toujours un compromis entre la commodité et la sécurité. Qui dit sécurité accrue, dit contraintes accrues[129] ». Mme Bernier a affirmé au Comité qu’il faut déterminer, avec les experts en cybersécurité du gouvernement, le niveau de sécurité dont il a besoin, justement en fonction de la confidentialité du débat[130].

La Chambre des communes se sert actuellement de la plateforme de vidéoconférence Zoom pour ses délibérations virtuelles publiques. Stéphan Aubé, dirigeant principal de l’information, Services numériques et biens immobiliers, a confié au Comité que la Chambre avait examiné quelques plateformes, comme Skype for Business, Microsoft Teams et Cisco WebEx[131]. La plateforme Zoom a été sélectionnée parce qu’elle répondait à toutes les exigences de l’Administration de la Chambre à l’égard des délibérations publiques. Celle-ci exige notamment des capacités intégrées d’interprétation simultanée et de diffusion. De même, Zoom peut fonctionner sur tous les appareils qu’utilise la Chambre et est considéré comme étant convivial.

M. Aubé a aussi précisé que la plateforme Zoom avait été sélectionnée pour les réunions virtuelles publiques parce qu’elle comportait d’importantes caractéristiques de sécurité. Par exemple, tous les participants à une réunion doivent d’abord passer par une « salle d’attente virtuelle » pour faire vérifier leur autorisation avant d’accéder à la réunion[132]. De même, la Chambre peut autoriser les participants à l’aide des serveurs de la Chambre des communes[133].

Pour les réunions à huis clos, l’Administration de la Chambre a approuvé le logiciel Skype for Business[134]. Cette décision de la Chambre d’avoir recours à une autre plateforme pour ses réunions à huis clos fait écho au témoignage de M. Deibert, qui a déclaré au Comité qu’il ne recommanderait pas Zoom pour la communication de renseignements délicats ou les réunions à huis clos tant que la plateforme n’aurait pas amélioré ses caractéristiques de sécurité[135].

M. Aubé a fait valoir qu’il était important de tenir compte de la nature délicate ou confidentielle des sujets à l’ordre du jour avant une réunion. Il a laissé entendre que s’il y avait une possibilité qu’une réunion ou qu’une partie de réunion exige des délibérations à huis clos, il valait mieux utiliser Skype[136].

Par conséquent, le Comité recommande :

Que la plateforme numérique sélectionnée par la Chambre des communes réponde à toutes les exigences en matière de convivialité, de fonctionnalité et de sécurité, et que la Chambre travaille avec le Centre canadien pour la cybersécurité pour satisfaire aux exigences de sécurité.

Qu’un protocole de branchement Internet et des directives techniques précises concernant le matériel informatique à utiliser soient émis par le Service du soutien technique et le Bureau de régie interne du Parlement afin d’assurer la qualité et un niveau de sécurité acceptable lors des séances virtuelles tenues dans le cadre des travaux parlementaires.

Que le greffier de la Chambre des communes voie à ce que toutes les réunions de comité et de caucus de parti aient accès à une plateforme sûre et privée permettant de tenir des réunions à huis clos pendant la situation actuelle et les futures situations d’urgence où les réunions ne pourront pas se faire en personne.

ii.      Questions d’ordre juridique et de procédure

a)      Quorum

Le Comité est bien conscient qu’aucun des travaux parlementaires effectués durant une séance de la Chambre des communes ne sera jugé valable sur le plan juridique en l’absence du quorum de 20 députés fixé par la Loi constitutionnelle de 1867.

Le Comité a entendu plusieurs juristes et constitutionnalistes, dont MM. Dufresne, Pelletier, Tardi et Maingot ainsi que Mme de Clercy, affirmer que la Chambre, dans le cadre du droit établi qu’elle possède d’effectuer ses travaux librement et sans ingérence extérieure, est la seule habilitée à fixer et modifier ses règles internes concernant ses débats et ses délibérations parlementaires.

Selon ce raisonnement juridique, comme l’a énoncé M. Dufresne, la Chambre et les tribunaux jouent des rôles distincts, mais complémentaires en ce qui concerne l’existence, la portée et l’exercice du privilège parlementaire. Le rôle des tribunaux, pour ce qui est de déterminer l’existence et la portée d’un privilège parlementaire, consiste à veiller au respect de l’exigence constitutionnelle selon laquelle il faut la présence de 20 députés pour que la Chambre soit constituée.

Toutefois, la Chambre, dans l’exercice d’un privilège établi, possède la compétence exclusive sur les aspects procéduraux du quorum, comme la nature de la présence des députés pour obtenir quorum. En effet, M. Dufresne a suggéré à la Chambre d’adopter un ordre permanent ou sessionnel qui préciserait explicitement que la Chambre, aux fins du contrôle de ses procédures et du déroulement de ses travaux, la présence virtuelle d’un député (c.-à-d. un député qui participe à une séance de la Chambre à distance par téléconférence) compte dans le calcul du quorum[137]. Le Comité prend également note de l’avis juridique de M. Dufresne au sujet de l’interprétation judiciaire de la Constitution (que l’on trouvera à la section B. iii du présent rapport, Quorum à la Chambre des communes), ainsi que de l’opinion de M. Tardi selon laquelle on pouvait voir le quorum comme étant participatif et comme une rencontre virtuelle de l’esprit des participants.

M. O’Brien a déclaré au Comité que, à son avis, les députés doivent être physiquement à leur siège de la Chambre pour que leur présence soit calculée dans le quorum. Il a donc soutenu que le quorum actuel ne permet pas d’inclure les députés participant aux séances virtuelles dans le calcul du quorum[138].

Néanmoins, il demeure possible qu’un tribunal rejette l’interprétation juridique ci-haut sur le quorum et que si un tribunal concluait qu’une séance n’a pas le quorum exigé en raison des présences virtuelles, la conséquence la plus grave serait que les mesures adoptées lors de la séance contestée pourraient être invalidées[139].

M. Dufresne a fait valoir que, si la Chambre décidait de tenir des séances virtuelles, le Comité peut envisager trois options de recommandations, qui ne sont pas mutuellement exclusives, pour prendre compte la présence de tous les députés assistant aux délibérations virtuelles :

  • La Chambre modifie son Règlement, soit de façon temporaire par la voie d’un ordre sessionnel ou spécial, soit de façon permanente, montrant clairement qu’elle exerce son droit de mener ses travaux comme elle l’entend et qu’elle inclura les députés présents à une séance virtuelle dans le calcul du quorum;
  • Il doit y avoir au moins 20 députés sur place à la Chambre durant la séance;
  • Modifie l’article 48 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour qu’il soit entendu que la présence virtuelle des députés compte pour une présence aux fins de l’article 48[140].

Par conséquent, le Comité recommande :

Que, conformément à la recommandation donnée au Comité par le légiste de la Chambre des communes, en cas de circonstances exceptionnelles, la présence virtuelle des députés satisfasse à l’exigence relative au quorum énoncée à l’article 48 de la Loi constitutionnelle de 1867.

b)     Modèle hybride des séances de la Chambre

Au fil de son étude, le Comité a entendu des opinions divergentes sur les moyens à prendre pour assurer la continuité des séances de la Chambre. Fait à noter, des témoins se sont dits d’avis que la Chambre doit envisager un modèle hybride selon lequel certains députés se présentent en personne à Ottawa et d’autres participent à distance. Le Comité prend acte du fait que la Chambre des communes du Royaume-Uni a adopté le modèle hybride dans le cadre des mesures prises en réaction à la pandémie.

M. Bosc a évoqué un modèle hybride de séances qui permettrait à des députés de participer en personne à Ottawa, et à d’autres, de manière virtuelle. Ce modèle évite toute question liée aux articles 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 sur Ottawa à titre de siège du gouvernement et à l’article 48 sur le quorum[141]. Il a ajouté que le rassemblement physique de députés dans un endroit familier à Ottawa revêtait une immense importance pour les citoyens, car il est visuellement impressionnant et apporte aux travaux le sérieux qu’ils méritent[142].

D’après l’honorable Gordon Barnhart, ancien greffier du Sénat, l’adoption d’un modèle hybride ne constituerait pas à une atteinte à la Constitution ou au Règlement. Il a affirmé au Comité que la combinaison des séances en personne et en virtuel permettrait de respecter le quorum obligatoire qui dicte la présence physique de 20 députés à la Chambre ainsi que les consignes de distanciation physique, sans compter que « les députés qui participeraient en ligne s’ajouteraient au quorum présent à la Chambre[143] ».

Le Président de la Chambre s’est dit d’avis qu’avec un modèle hybride, la décision d’assister à la réunion en personne dans la Chambre ou d’y participer virtuellement revenait à chaque député[144]. Il a ajouté que les délibérations tenues au moyen d’un modèle hybride n’exigeraient que peu de modifications au Règlement. Il a informé le Comité que l’Administration de la Chambre était en train de faire des simulations pour mettre le modèle hybride à l’essai et qu’elle serait bientôt en mesure de dépasser ce qui a déjà été fait pour les réunions virtuelles du Comité spécial sur la COVID-19[145].

Or, M. O’Brien a exprimé des craintes à propos des séances virtuelles et des conséquences pour la règle de la présence en vigueur depuis 1867. Selon lui, le principe de la présence physique des députés est essentiel pour que la Chambre s’acquitte de ses fonctions constitutionnelles et il s’agit d’un thème récurrent quand on discute du fonctionnement d’une assemblée législative. À cette fin, il a proposé de modifier la note marginale à l’article 15 du Règlement, qui exige la présence de tous les députés, afin qu’il autorise l’utilisation de plateformes virtuelles[146].

Par conséquent, le Comité recommande :

Que, étant donné que les séances virtuelles du Comité spécial sur la pandémie de la COVID-19 ont bien fonctionné et que plus de 300 députés ont réussi à y participer simultanément, et compte tenu des bons résultats des délibérations virtuelles actuelles, le Comité recommande que la Chambre des communes tienne davantage de délibérations virtuelles, pendant la pandémie actuelle, pour toutes les affaires courantes de la Chambre.

c)      Différents lieux

En ce qui a trait à la procédure et aux usages de la Chambre, la pandémie de COVID-19 a provoqué deux conséquences principales : les autorités fédérales et provinciales de santé publique ont interdit les gros rassemblements et tous doivent se tenir en permanence à deux mètres des autres. Ces directives visent toutes deux à atténuer, voire à prévenir, la propagation du virus entre personnes.

Dans l’ensemble, le Comité a entendu très peu de témoignages sur la tenue potentielle de séances de la Chambre en d’autres lieux. M. Patrice s’est fait demander par un membre du Comité s’il serait possible que la Chambre siège en des lieux disposant de tout l’espace et du nombre de sièges nécessaires pour respecter la distanciation physique, ainsi que de l’équipement audiovisuel sur place, comme ’ le Centre Shaw et le Centre Canadian Tire’’[147]. À cette question, M. Patrice a admis que l’idée était « très intéressante » et qu’elle pourrait être examinée plus avant, si tel était le désir de la Chambre.

Le Comité rappelle aussi les dires de la Dre Raymond, selon lesquels il faudrait procéder à une évaluation minutieuse des risques avant de proposer aux députés et au personnel de se rendre dans un autre lieu de travail physique, et tenir compte des risques auxquels s’exposent le personnel supplémentaire sur place ainsi que leurs familles à la maison, sans parler des risques liés aux déplacements[148].

Un membre du Comité a aussi mentionné que certaines législatures provinciales étudiaient la possibilité de siéger en d’autres lieux ou même de faire asseoir les députés dans les tribunes. Ce inclut partie les législatures du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard, du Manitoba et de la Colombie-Britannique.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que les séances de la Chambre et des comités se déroulant en présence physique ne soient tenues en d’autres lieux que sur la Colline du Parlement à Ottawa, à moins que lesdits lieux aient fait l’objet d’un audit et qu’ils aient été approuvés par l’Agence de la santé publique, et ce, afin d’assurer la santé et la sécurité de tous les députés et de leur personnel, du personnel de l’Administration, du personnel de sécurité et des interprètes.

d)     Ordre et décorum

Le maintien de l’ordre et du décorum durant les délibérations de la Chambre repose essentiellement sur l’adhésion des députés aux règles et usages qu’ils ont eux-mêmes établis. En cas d’écart, le Président est habilité à imposer une série de mesures disciplinaires pour la bonne observation des normes reconnues.

Le Président de la Chambre a affirmé au Comité que les usages de longue date assurant la dignité de la Chambre doivent continuer d’être observés durant les séances virtuelles. Notons parmi ces usages, le fait de :

  • s’adresser à la Chambre par l’intermédiaire de la présidence;
  • débattre de manière respectueuse;
  • porter une tenue professionnelle si l’on veut intervenir[149].

Par ailleurs, dans une lettre adressée à la présidente du Comité, le Président de la Chambre a exprimé son avis selon lequel, lors de séances virtuelles, il demeurait nécessaire de maintenir l’autorité et la dignité du Parlement et de ses travaux autant que faire se peut. Comme exemple, M. Rota a évoqué la règle de décorum établie de longue date interdisant les étalages, pièces et accessoires. Il a écrit qu’il serait reconnaissant au Comité de recommander à la Chambre des lignes directrices qui assureraient le respect du décorum lors des réunions tenues par vidéoconférence.

Le Président a aussi souligné, lors de son premier témoignage devant le Comité, le caractère peu pratique de certaines règles de décorum pour les députés siégeant à distance, notamment lorsqu’il s’agit de se lever pour demander la parole.

M. Rota a poursuivi en indiquant que le Président doit avoir le droit d’imposer les mesures disciplinaires habituelles durant les séances virtuelles, notamment celle de couper la parole à un député.

L’honorable Peter Milliken, ancien Président de la Chambre des communes, s’est fait l’écho du Président actuel. Il s’est dit préoccupé par les difficultés éprouvées par un président de séance durant une séance virtuelle à laquelle participent des centaines de députés, quand il doit gérer les cas de désordre grave impliquant un grand nombre de députés[150].

Le Comité a également entendu la préoccupation de Mme de Clercy, selon laquelle « [l]ors du passage à des séances virtuelles, l’un des défis consiste à nous assurer que ces séances ne seront pas uniquement un sondage d’opinion en ligne épisodique effectué sans trop de conviction[151] ».

Par conséquent, le Comité recommande :

Que l’on maintienne l’autorité et la dignité du Parlement, y compris toutes les questions de décorum dans la Chambre.

Que la participation des députés à des délibérations virtuelles respecte les lignes directrices suivantes :

  • s’adresser à la Chambre par l’intermédiaire de la présidence;
  • débattre de manière respectueuse;
  • porter une tenue professionnelle si l’on veut intervenir;
  • interdire les étalages, pièces et accessoires;
  • installer en arrière-plan un signe uniforme symbolisant le Parlement afin de préserver le décorum et le sérieux des affaires parlementaires, d’éviter toute forme de partisanerie, d’assurer la sécurité des participants et de protéger leur vie privée;
  • un éclairage suffisant pour qu’on reconnaisse le visage des députés;
  • une caméra en position fixe;
  • la vidéo doit être en fonction pour qu’un député obtienne la parole. De façon plus générale, le personnel technique recommande que la vidéo demeure en fonction quand les députés participent à une séance virtuelle; toutefois, les députés peuvent à leur choix allumer ou éteindre la vidéo lorsqu’ils n’ont pas la parole.
e)      Vote

En temps normal, le vote fait partie des principales responsabilités des députés dans l’exercice de leurs fonctions parlementaires. Le vote des députés constitue le mécanisme par lequel la Chambre des communes prend des décisions à titre d’assemblée délibérante.

Durant son étude, le Comité a entendu divers avis sur les mécanismes de vote pour les séances virtuelles. Lors de son premier témoignage, le Président de la Chambre des communes a déclaré au Comité qu’il ne croyait « pas qu’il puisse y avoir des votes [électroniques] dans un avenir rapproché[152] ». Il a expliqué ensuite que la Chambre devra elle-même mettre au point un système sécurisé qui garantisse le droit des députés à voter en toute sécurité. Toutefois, lors de son deuxième témoignage, le Président a déclaré aux membres que si le Comité décidait de formuler des recommandations sur la façon dont la Chambre pourrait exercer sa fonction décisionnelle pendant qu’elle ne siège pas à cause de la pandémie, l’Administration de la Chambre proposerait des options que la Chambre examinerait. M. Rota a précisé que ces options cadreraient avec l’approche graduelle qu’il recommande fortement de suivre pour l’adaptation de la procédure et les usages de la Chambre à la pandémie[153].

Emmett Macfarlane, de l’Université de Waterloo, a fait savoir que le vote à distance appelle la modification des articles 48 et 49 de la Loi constitutionnelle de 1867, car l’article 48 renvoie à la présence des députés aux fins de quorum et l’article 49 sous‑entend la présence physique du député à la Chambre pour le vote. Cependant, M. Macfarlane a déclaré que le Parlement détient le pouvoir unilatéral de modifier ces articles par la formule de modification prévue à l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982. Pour finir, il a fait remarquer que les modifications à la Constitution ou aux lois pour faciliter la procédure virtuelle devront être expressément désignées à titre de mesures d’urgence[154].

À l’inverse, M. Pelletier a dit au Comité que, à son avis, la Loi constitutionnelle de 1867 n’exigeait pas la présence physique des députés pour voter et que les votes de la Chambre pouvaient se tenir virtuellement[155].

M. Barnhart a déclaré que la mise en place d’un système de vote électronique à la Chambre soulèvera des difficultés et que ce système devra garantir la validité de chaque vote. Il a néanmoins affirmé que le vote électronique peut très bien respecter les règles si le système montre bien le nombre de personnes qui ont exprimé leur voix et leur façon de voter[156].

Mis à part les considérations constitutionnelles et techniques à l’égard du vote électronique, M. O’Brien s’est dit d’avis que l’autorisation d’un vote électronique peut aller à l’encontre des principes de la procédure parlementaire qui tirent leur origine d’une forte tradition[157].

M. Bosc a fait valoir au Comité que ce dernier peut tabler sur l’usage déjà établi des votes appliqués par le whip[158]. Selon cet usage, les résultats d’un vote sont appliqués à d’autres à condition qu’il y ait un vote unanime.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que la Chambre des communes mette sur pied un système électronique de vote sécurisé pour la tenue des votes dans le cadre des séances virtuelles, et ce, aussitôt que possible, afin de garantir le droit des députés à voter en toute sécurité en cas de pandémie ou dans toute autre circonstance exceptionnelle menaçant leur sécurité et/ou celle de leurs proches et de leurs communautés.

f)       Période des questions

Obtenir de l’information auprès du gouvernement et lui demander des comptes sur ses décisions et ses orientations stratégiques constituent des principes fondamentaux du gouvernement parlementaire. Ces principes sont affirmés lorsque les députés posent des questions dans la Chambre pendant les Questions orales (mieux connues sous le nom de Période des questions).

Maintenant qu’il a vécu l’expérience de présider une Période des questions virtuelle, le Président a déclaré au Comité qu’il jugeait bon de structurer les échanges virtuels entre députés différemment de leurs échanges en personne. Par exemple, M. Rota a proposé que l’on accorde plus de 35 secondes pour poser les questions et y répondre, afin que les intervenants puissent approfondir leurs questions, tout autant que leurs réponses[159]. Il a aussi précisé qu’il était possible de savoir, grâce aux listes d’intervenants fournies par les partis, qui poserait des questions, mais pas nécessairement qui y répondrait[160].

Selon le Président, consentir à allonger les échanges pour les questions et réponses lors de séances virtuelles n’exigerait pas une modification officielle du Règlement de la Chambre[161].

Pour l’instant, le Comité ne formule pas de recommandation à ce sujet.

B.      Futurs travaux du Comité pour l’établissement d’une procédure et d’usages de la Chambre à suivre dans les situations d’urgence similaires

Plusieurs témoins ont indiqué au Comité que, dès que la Chambre siégera à nouveau, le Comité doit songer à entreprendre une étude, en vertu du sous-alinéa 108(3)a)(iii) du Règlement, sur l’établissement d’une procédure et d’usages à suivre dans les situations d’urgence semblables.

Le Président de la Chambre a encouragé le Comité à étudier diverses options « pour permettre au Parlement de continuer à siéger dans l’éventualité d’une autre crise comparable ou pire encore[162] ». Il a proposé que l’étude porte notamment sur l’élaboration d’un ensemble de procédures modifiées, l’établissement de conditions à satisfaire pour décider quand mettre en vigueur ces nouvelles procédures et la préparation à différents scénarios. M. Robert a approuvé cette suggestion et indiqué que le Comité pourrait envisager l’élaboration d’autres procédures dont la Chambre disposerait si elle se retrouve dans des circonstances similaires, sans devoir passer à travers le même processus qu’en ce moment[163].

M. Barnhart a souligné que d’autres pandémies semblables risquaient fort de se reproduire et qu’il vaudrait la peine d’envisager la création de deux versions du Règlement. Il a déclaré qu’il fallait « que le Parlement demeure capable de s’adapter aux circonstances » pour assurer la continuité des activités parlementaires[164]. Également, M. Macfarlane a déclaré au Comité qu’il était d’avis que « l’officialisation des dispositions permettant les activités virtuelles, y compris le vote, s’impose non seulement pour les prochains mois, mais aussi dans l’éventualité d’une nouvelle situation d’urgence[165] ».

M. O’Brien a déclaré au Comité qu’il serait bon d’élaborer un modèle pour la version modifiée du Règlement[166]. Toutefois, il incite à la prudence pour ce qui serait de modifier le Règlement sans saisir parfaitement les répercussions que les modifications pourraient avoir sur les caractéristiques essentielles de la Chambre. Il a également suggéré que l’Administration de la Chambre, en collaboration avec le Comité, entreprenne une étude exhaustive du Règlement afin de mieux évaluer les répercussions que les nouvelles technologies, dont les plateformes virtuelles, auraient sur les diverses procédures de la Chambre. Les résultats de l’étude fourniraient les premières étapes vers la mise en œuvre d’une plateforme de séances virtuelles[167].

Mme de Clercy a confié au Comité que la pandémie ne devrait pas servir de tremplin accidentel pour l’adoption d’une méthode permanente pour tenir des séances virtuelles qui n’est pas bien comprise et qui a de lourdes répercussions sur la démocratie au Canada[168].

M. Bosc a fait observer que le Comité ne dispose pas de suffisamment de temps pour analyser le problème complexe des séances virtuelles. Il a proposé que le Comité envisage de « présenter un rapport initial et [de] poursuivre l’étude de ce sujet au-delà de la période prévue par son mandat[169] ».

Par conséquent, le Comité recommande :

Que le Comité entreprenne une étude de suivi sur les leçons tirées de l’expérience d’un Parlement virtuel afin d’examiner les moyens d’améliorer et de moderniser cette expérience, y compris la période des questions et le vote.

Que le Comité poursuive son étude afin qu’il puisse entendre d’autres témoignages et effectuer une analyse complète et approfondie des questions à l’étude, en vue d’être prêt à répondre promptement à une nouvelle crise.

Que la Chambre des communes mène une étude sur la représentation hommes-femmes et sur la représentation régionale par rapport aux décisions de la Chambre des communes pendant la pandémie de COVID-19.


[1]              Eugene A. Forsey, Les Canadiens et leur système de gouvernement, 9e éd., Bibliothèque du Parlement, Ottawa, p. 3.

[2]              Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 11, 23 avril 2020, 1115 (Dre Barbara Raymond, Agence de la santé publique).

[3]              Gouvernement du Canada, « Coronavirus (COVID-19) : Mise à jour sur l’éclosion. »

[4]              La teneur du paragraphe provient de : Gouvernement du Canada, « Maladie à coronavirus (COVID-19) : Résumé des hypothèses », mis à jour le 13 avril 2020.

[5]              Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 12, 29 avril 2020, 1740 (Christian Leuprecht, Collège militaire royal du Canada).

[6]              Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 10, 21 avril 2020, 1205 (Charles Robert, greffier de la Chambre des communes).

[7]              Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 14, 23 avril 2020, 1540 (Michel Patrice, sous-greffier, Administration, Chambre des communes).

[8]              Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 10, 21 avril 2020, 1210 (l’honorable Anthony Rota, député et Président de la Chambre des communes).

[9]              Robert, 1145.

[10]            Patrice, réunion no 11, 1105.

[11]            Raymond, 1120; et Rota, réunion no 14, 1540.

[12]            Marc Bosc et André Gagnon, dir., « Les droits collectifs de la Chambre », chapitre 3 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, Ottawa, 2017.

[13]            Ibid.

[14]            Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 10, 21 avril 2020, 1245 (Philippe Dufresne, légiste et conseiller parlementaire, Chambre des communes).

[15]            Canada (Chambre des communes) c. Vaid, 2005 RCS 30, par. 29.

[16]            Ibid.

[17]            Dufresne, 1245.

[18]            Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 11, 23 avril 2020, 1305 (Benoît Pelletier, Université d’Ottawa).

[19]            Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 12, 29 avril 2020, 1850 (Cristine de Clercy, Université Western Ontario) ; Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 13, 30 avril 2020, 1323, 1330 et 1335 (Joseph Maingot, ancien légiste et conseiller parlementaire).

[20]            Pelletier, 1305.

[21]            Dufresne, 1250.

[22]            Ibid.

[23]            Ibid.

[24]            Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 11, 23 avril 2020, 1305 (Greg Tardi, Institut de droit parlementaire et politique).

[25]            Ibid.

[26]            Loi constitutionnelle de 1867, art. 133.

[27]            Loi sur les langues officielles, partie I.

[28]            Loi sur le Bureau de la traduction, L.R.C., 1985, ch. T-16.

[29]            Dufresne, 1250.

[30]            Tardi, 1305.

[31]            Raymond, 1125.

[32]            Pelletier, 1400.

[33]            Rota, réunion no 10, 1120.

[34]            Rota, réunion no 10, 1150.

[35]            Patrice, réunion no 14, 1540.

[36]            Robert, réunion no 10, 1155.

[37]            Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 12, 29 avril 2020, 1705 (Mumilaaq Qaqqaq, députée, Nunavut).

[38]            Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 12, 29 avril 2020, 1715 (Niki Ashton, députée, Churchill—Keewatinook Aski).

[39]            Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 12, 29 avril 2020, 1755 (Martyn Turcotte, directeur, Direction de l’analyse des technologies, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada).

[40]            Leuprecht, 1735.

[41]            Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 13, 30 avril 2020, 1135 (David McGill, greffier et administrateur général, Parlement de l’Écosse).

[42]            Ibid.

[43]            McGill, 1140.

[44]            Ibid.

[45]            McGill, 1145.

[46]            Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 13, 30 avril 2020, 1150 (Bill Ward, chef de la télédiffusion, Parlement de l’Écosse).

[47]            Ward, 1145.

[48]            McGill, 1140.

[49]            McGill, 1155.

[50]            Remarque : Au Parlement, les députés expriment habituellement leur voix soit à l’aide de la console placée sur leur bureau en séance plénière, soit à main levée dans les réunions de comité. Voir McGill, 1135.

[51]            McGill, 1140.

[52]            McGill, 1155.

[53]            Ibid.

[54]            McGill, 1140.

[55]            McGill, 1210.

[56]            Ibid.

[57]            Ibid.

[58]            Ibid.

[59]            Hamlyn, 1150.

[60]            Hamlyn, 1220.

[61]            Hamlyn, 1105.

[62]            Hamlyn, 1110.

[63]            Hamlyn, 1200.

[64]            Le 6 mai 2020, l’Assemblée nationale du pays de Galle a pris le nom de Senedd Cymru, ou Parlement gallois.

[65]            Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, réunion no 13, 30 avril 2020, 1155 (Siwan Davies, directrice des affaires de l’Assemblée nationale du pays de Galles).

[66]            Davies, 1110.

[67]            Davies, 1115.

[68]            Ibid.

[69]            Ibid.

[70]            Davies, 1145.

[71]            Davies, 1120.

[72]            Parlement de l’Australie, COVID-19 and parliamentary sittings, 2 avril 2020.

[73]            Ibid.

[74]            Parlement de la Nouvelle-Zélande, FAQ : Parliament during COVID-19 alert level four, 25 mars 2020.

[75]            Ibid.

[76]            Parlement de la Nouvelle-Zélande, Select Committees.

[77]            Les votes par procuration permettent à un député d’autoriser un autre député à voter ou à signaler son abstention en son nom. Voir : Parlement de la Nouvelle-Zélande, Parliamentary Practice in New Zealand – Chapter 17 Voting.

[78]            Parlement de la Nouvelle-Zélande, FAQ : Parliament during COVID-19 alert level four, 25 mars 2020.

[80]            Comité du Règlement de la Chambre des représentants des États-Unis, Office of the Majority, Majority Staff Report Examining Voting Options During the COVID-19 Pandemic, 23 mars 2020.

[81]            Chambre des représentants des États-Unis, House Floor Activities – Legislative Day of April 07, 2020.

[82]            Raymond, 1145.

[83]            Raymond, 1155.

[84]            Raymond, 1125.

[85]            Par exemple, voir Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 11, 23 avril 2020, 1240 (Emmett Macfarlane, Université de Waterloo); Rota, 1120.

[86]            Rota, réunion no 14, 1530.

[87]            Macfarlane, 1240.

[88]            De Clercy, 1855.

[89]            Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 13, 30 avril 2020, 1250 (l’hon. Gordon Barnhart, ancien greffier du Sénat).

[90]            Barnhart, 1255,1325 et 1355.

[91]            Rota, réunion no 10, 1155.

[92]            Rota, réunion no 10, 1120.

[93]            Ibid.

[94]            Robert, réunion no 10, 1300.

[95]            Robert, réunion no 10, 1320.

[96]            Robert, réunion no 14, 1650.

[97]            Ibid.

[98]            Rota, réunion no 10, 1130.

[99]            Rota, réunion no 10, 1120.

[100]          Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 11, 23 avril 2020, 1340 (Marc Bosc, ancien greffier par intérim de la Chambre des communes).

[101]          Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 13, 30 avril 2020, 1340 (Gary O’Brien, ancien greffier du Sénat).

[102]          Macfarlane, 1240.

[103]          De Clercy, 1855.

[104]          Qaqqaq, 1800.

[105]          Dufresne, 1300; et Bosc, 1320.

[106]          Maingot, 1323, 1330 et 1335.

[107]          O’Brien, 1350.

[108]          Barnhart, 1355.

[109]          Rota, réunion no 14, 1555.

[110]          Rota, réunion no 10, 1120.

[111]          Chambre des communes, Comité spécial de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 12, 29 avril 2020, 1945 et 1950 (Nathalie Laliberté, ministère des Services publics et de l’Approvisionnement).

[112]          Chambre des communes, Comité spécial de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 14, 4 mai 2020, 1410 et 1435 (Greg Phillips, Association canadienne des employés professionnels).

[113]          Chambre des communes, Comité spécial de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 14, 4 mai 2020, 1500 (Nicole Gagnon, Association internationale des interprètes de conférence).

[114]          Laliberté, 1915.

[115]          Chambre des communes, Comité spécial de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 12, 29 avril 2020, 1955, Matthew Ball, ministère des Services publics et de l’Approvisionnement) et Laliberté, 1915.

[116]          Phillips, 1455.

[117]          Gagnon, 1430.

[118]          Rota, réunion no 10, 1120.

[119]          Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 12, 29 avril 2020, 1730 (Chantal Bernier, Dentons Canada); Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 12, 29 avril 2020, 1900 (Ronald J. Deibert, Université de Toronto).

[120]          Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 12, 29 avril 2020, 1925 (John Weigelt, Microsoft Canada inc.).

[121]          Deibert, 1905.

[122]          Turcotte, 1750.

[123]          Bernier, 1730.

[124]          Ibid.

[125]          Leuprecht, 1735.

[126]          Turcotte, 1750 et 1830.

[127]          Turcotte, 1830.

[128]          Turcotte, 1750.

[129]          Leuprecht, 1810.

[130]          Bernier, 1810.

[131]          Aubé, 1610.

[132]          Aubé, 1625.

[133]          Ibid.

[134]          Rota, 1635.

[135]          Deibert, 2010.

[136]          Aubé, 1640.

[137]          Dufresne, 1250.

[138]          O’Brien, 1310.

[139]          Ibid.

[140]          Dufresne, 1245 et 1250.

[141]          Bosc, 1235.

[142]          Bosc, 1335.

[143]          Barnhart, 1255 et 1325.

[144]          Rota, 4 mai 2020, 1550.

[145]          Rota, 4 mai 2020, 1535.

[146]          O’Brien, 1305 et 1310.

[147]          Patrice, réunion no 11, 1125.

[148]          Raymond, 1145.

[149]          Rota, réunion no 10, 1120.

[150]          Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion no 11, 23 avril 2020, 1250 (l’honorable Peter Milliken, ancien Président de la Chambre des communes).

[151]          de Clercy, 1850.

[152]          Rota, réunion no 10, 1210.

[153]          Rota, réunion no 14, 1535.

[154]          Macfarlane, 1240.

[155]          Pelletier, 1330.

[156]          Barnhart, 1255.

[157]          O’Brien, 1310.

[158]          Bosc, 1240.

[159]          Rota, réunion no 14, 1645.

[160]          Rota, réunion no 14, 1530.

[161]          Ibid.

[162]          Rota, réunion no 10, 1220.

[163]          Robert, réunion no 10, 1305.

[164]          Barnhart, 1340.

[165]          Macfarlane, 1240.

[166]          O’Brien, 1340.

[167]          O’Brien, 1305; 1330.

[168]          de Clercy, 1855.

[169]          Bosc, 1240.