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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 004 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 20 juillet 2020

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

     Bienvenue à tous. D'entrée de jeu, permettez-moi de remercier notre équipe d'interprétation et notre équipe technique d'avoir tout organisé pour que tout le monde soit prêt à commencer.
    Bienvenue à la quatrième séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
    Conformément à la motion adoptée par le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le 20 février 2020, le Sous-comité se réunit pour étudier la situation des droits de la personne du peuple ouïghour.
    Les témoins d'aujourd'hui comparaissent principalement par vidéoconférence, et les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
    Pour assurer le bon déroulement de la séance, j'aimerais énoncer quelques règles à suivre pour nos témoins. L'interprétation, dans le cadre de cette vidéoconférence, fonctionnera à peu près de la même façon que lors d'une réunion régulière du Comité. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre l'anglais et le français.
    Pendant que vous parlez, si vous prévoyez alterner d'une langue à l'autre, vous devrez également changer le canal d'interprétation pour qu'il corresponde à la langue que vous parlez. Il est peut-être bon de prévoir une courte pause pour changer de langue.
    Avant de parler, veuillez attendre que je vous donne la parole. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro.
    Veuillez vous exprimer lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro devrait être en sourdine.
    Si des difficultés techniques surviennent, par exemple en ce qui concerne l'interprétation ou un problème d'audio, veuillez me le signaler immédiatement, et l'équipe technique s'efforcera de les résoudre.
    Nous accueillons aujourd'hui de nombreux témoins extraordinaires et courageux. Avant de commencer, j'aimerais mettre l'accent sur les Ouïghours. Plusieurs de nos témoins sont des experts en matière de droits de la personne en général, et certains sont plus axés sur la Chine. Les occasions ne manqueront pas, au cours des prochaines réunions du Comité et d'autres comités gouvernementaux, d'aborder de nombreuses questions concernant la Chine et d'autres enjeux liés aux droits de la personne. Je dis cela parce que nos témoins sont ici pour partager leur expertise sur les Ouïghours. Je le répète, nous devons nous concentrer sur les Ouïghours.
     Tout le monde semble prêt à commencer. Je souhaite la bienvenue aux témoins. Vous disposez de six minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
    Tout d'abord, nous allons entendre M. Adrian Zenz, agrégé supérieur de recherches sur la Chine, Victims of Communism Memorial Foundation. Nous entendrons ensuite, à titre personnel, M. Olsi Jazexhi, professeur et journaliste.
    Après cela, David Kilgour, ancien membre et ancien président du Comité, partagera une période de six minutes. Nous profitons de votre expérience, monsieur Kilgour. Nous accueillons également Mme Raziya Mahmut, vice-présidente, International Support for Uyghurs. Je crois comprendre que Mme Mahmut aura cinq minutes et que M. Kilgour aura une minute.
     Ensuite, à titre personnel, nous accueillerons Jacob Kovalio, professeur agrégé, Université Carleton.
     Si les témoins sont prêts, nous allons entendre M. Zenz pour sa déclaration de six minutes. Vous avez la parole, monsieur Zenz.
(1110)
     Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner à cette audience.
    Depuis 2017, jusqu'à 1,8 million d'Ouïghours et d'autres groupes ethniques minoritaires dans la région nord-ouest du Xinjiang, en Chine, ont été victimes de la plus importante incarcération d'une minorité ethno-religieuse depuis l'Holocauste. Des Ouïghours et des chercheurs exilés ont décrit cette campagne comme un génocide culturel.
    De nouvelles recherches montrent clairement que les actions de Beijing au Xinjiang répondent également au critère du génocide physique mentionné à l'alinéa d) de l'article II de la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, « Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ».
    À compter de 2018, un nombre croissant de survivantes des camps d'internement ont déclaré avoir reçu des injections qui ont coïncidé avec des changements dans leur cycle menstruel ou son arrêt. D'autres ont déclaré qu'on leur avait inséré de force un stérilet, avant de les interner ou de leur faire subir une chirurgie de stérilisation.
    Toujours en 2018, les taux de croissance naturels officiels de la population du Xinjiang ont chuté. À Kashgar et Hotan, deux villes au coeur de la région ouïghoure, les taux combinés de croissance de la population naturelle ont chuté de 84 % entre 2015 et 2018. En 2019, les taux de natalité dans les régions de minorités ethniques ont encore diminué de 30 % pour s'établir à 56 %. Pour 2020, une préfecture minoritaire a fixé un objectif de croissance de la population naturelle proche de zéro, soit 1,05 par 1 000 habitants, un creux record et une chute importante de la croissance de la population naturelle de cette même région.
    De nouvelles données montrent que les baisses drastiques de la croissance démographique ne sont pas seulement liées à la campagne d'internement de masse, mais aussi à une politique d'État systématique visant à entraver les naissances dans les régions minoritaires. Étant donné que de nombreux hommes, maris et dirigeants communautaires sont détenus dans des camps, rien n'empêche l'État de prendre le plein contrôle des systèmes reproducteurs des femmes des minorités.
    Premièrement, trois documents gouvernementaux différents montrent que ceux qui violent les politiques de prévention des naissances sont punis par l'internement. Les peines pour violation des politiques de contraception sont devenues beaucoup plus draconiennes, surtout en 2018.
    Deuxièmement, en 2018, en tenant compte des retraits de stérilet, une proportion sidérante, soit 80 % de tous les nouveaux stérilets posés en Chine l'ont été au Xinjiang, même si la région ne représente que 1,8 % de la population du pays. D'ici 2019, le Xinjiang a prévu de soumettre plus de 80 % des femmes en âge de procréer dans les quatre préfectures minoritaires du Sud à des mesures de contraception ayant — et je cite — « une efficacité à long terme ». Il s'agit des stérilets ou des stérilisations.
    Troisièmement, la commission de la santé du Xinjiang a prévu 260 millions de yuans chinois, ou 50 millions de dollars canadiens, en 2019 et 2020, pour financer des chirurgies gratuites de prévention des naissances. Les documents de planification familiale de deux comtés ouïghours montrent des cibles précises pour la stérilisation massive des femmes, indiquant respectivement que 14 % et 34 % de toutes les femmes en âge de procréer en milieu rural seront soumises à la stérilisation par ligature des trompes. L'ensemble du programme régional disposait de fonds suffisants en 2019 et 2020 pour des centaines de milliers de stérilisations, et certaines régions ont indiqué que des fonds supplémentaires du gouvernement central avaient été consacrés à cette campagne.
    De plus, en 2019 et 2020, le Xinjiang a prévu dans son budget environ 1,5 milliard de yuans chinois, soit 291 millions de dollars canadiens, pour récompenser financièrement les femmes qui ont volontairement choisi d'avoir un stérilet ou de se faire stériliser, même si la loi leur permet d'avoir plus d'enfants.
    À mon avis, prises ensemble, toutes ces mesures permettent à l'État chinois de maintenir de façon permanente les taux de croissance naturels de la population ouïghoure à des niveaux de 85 à 95 % inférieurs à ceux des deux dernières décennies. Le gouvernement peut faire monter et descendre le taux de natalité des minorités à volonté, comme s'il ouvrait ou fermait un robinet.
(1115)
     Ces nouvelles preuves reflètent non seulement ce que nous pourrions appeler un génocide démographique, mais aussi une stratégie de suprématie ethno-raciale. Entre 2015 et 2018, on estime à deux millions le nombre de migrants chinois han qui ont quitté d'autres régions de la Chine pour s'installer au Xinjiang, attirés par des offres d'emploi lucratives, des logements gratuits et des terres gratuites.
    Je demande au gouvernement canadien de condamner publiquement ces pratiques, de rendre une décision judiciaire complète sur la nature des atrocités qui se produisent dans la région et d'imposer des sanctions aux dirigeants politiques du Xinjiang.
    Merci.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Olsi Jazexhi, pour six minutes, s'il vous plaît.
    Je m'appelle Olsi Jazexhi. Je suis historien et spécialiste de l'islam.
    En 2019, je voulais comprendre la situation des musulmans au Xinjiang. C'est pourquoi j'ai visité le Xinjiang du 16 au 25 août. Nous étions un groupe de journalistes invités par le Bureau d'information du Conseil d'État de Chine et le Xinjiang.
    Au cours de notre visite, qui a duré près de neuf jours, nous avons eu la chance d'assister à un certain nombre de conférences données par des représentants du Parti communiste, et aussi de voir la situation sur le terrain. Nous avons visité trois villes: Urumqi, Aksu et Kashgar.
    Nous sommes restés environ trois jours à Urumqi, la capitale du Xinjiang. Nous avons reçu un certain nombre de livres blancs publiés par le gouvernement chinois sur la situation au Xinjiang ou au Turkestan oriental. Les auteurs de ces livres blancs étaient des représentants du Parti communiste, des gens comme Xu Guixiang et Ma Pinyan.
     Dans les exposés historiques que nous avons entendus, du moins en ce qui me concerne en tant qu'historien professionnel, les représentants du Parti communiste chinois nous ont dit que le Xinjiang avait toujours été chinois han. Il avait été de culture bouddhiste, mais les Turkmènes du Xinjiang, les Ouïghours, qui forment la majorité, les Kazakhs, les Kirghizes, les Tatars et d'autres groupes ethniques, étaient arrivés plus tard.
    Les représentants officiels du Parti communiste nous ont dit que l'islam était une religion étrangère, une religion imposée par la force aux Ouïghours. En quelques mots, le Parti communiste de Chine avait le devoir d'éliminer tout lien avec la culture islamique de ces gens et de les ramener à leur culture et à leur religion dites autochtones, liées au bouddhisme et à la culture chinoise han.
    Nous avons visité le musée du Xinjiang à Urumqi, le musée d'Aksu et le musée de Kashgar. Dans ces musées, le gouvernement chinois a livré le même genre de récit historique, où les Ouïghours et leur religion, l'islam, étaient dépeints comme étant étrangers et source d'extrémisme et de terrorisme. Tout ce récit était pour dire que la région avait historiquement appartenu à la Chine impériale.
    En plus de visiter ces musées, nous avons aussi visité deux centres de formation professionnelle, ou ce que nous appelons, dans l'Ouest, des camps de concentration.
    Le premier centre de formation professionnelle que nous avons visité se trouvait dans la ville d'Aksu. C'était le Centre de formation professionnelle du comté d'Onsu. Le gouvernement chinois voulait nous présenter, en tant que journalistes étrangers, ce premier centre de formation professionnelle comme étant une école et non pas une prison. Il s'agissait en fait d'une prison.
    Les gens ont vu mes vidéos sur YouTube. Je les ai téléchargés quand j'étais à Aksu, à l'époque où j'ai visité le camp de concentration. J'ai posé plusieurs questions à nos hôtes chinois.
    Premièrement, je leur ai demandé: « Qui sont ces personnes que vous gardez ici dans ces centres? » Les Chinois ont prétendu que c'étaient des étudiants. Je leur ai ensuite demandé: « Ces gens ont-ils le droit d'aller chez eux? » La réponse a été non.
(1120)
     Deuxièmement, j'ai fait enquête sur ce qu'ils faisaient dans ces camps de concentration. Ces personnes n'avaient pas accès à un téléphone, à Internet ou à leur famille. Elles avaient été enlevées de chez elles deux ans auparavant.
    Nous sommes entrés dans le camp de concentration, que les autorités chinoises avaient conçu comme une école. Elles voulaient que nous filmions ces gens qui chantaient et dansaient pour montrer au monde extérieur que ce n'étaient pas des camps de concentration, mais des écoles. Nous avons commencé à interroger ces prisonniers sur leurs conditions de vie. Premièrement, nous avons commencé à leur parler dans leur langue turque. Nous les avons salués dans leur langue maternelle. Nous avons dit « As-salaam alaikum » ou « Yahshi mu siz », ce qui signifie « que la paix soit avec vous » et « comment allez-vous ». Les Ouïghours, qui nous ont très bien compris, avaient peur de répondre dans leur langue maternelle. Ils nous ont répondu en chinois.
    Merci.
    Nous allons passer à nos prochains témoins, Mme Raziya Mahmut et M. David Kilgour.
    Vous avez six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président, chers députés et chères députées.

[Traduction]

    Mme Mahmut parle parfaitement le français, alors vous pouvez lui parler en français.
    Je serai très bref. Je dirai simplement qu'en décembre dernier, à Bruxelles, lors d'un événement parrainé par le Congrès mondial ouïghour, j'ai fait valoir que le pillage des organes des Ouïghours du Xinjiang est antérieur à celui des membres du Falun Gong qui, comme vous le savez sans doute, a commencé vers 2001. En 1995, le chirurgien Enver Tohti, à Urumqi, a reçu l'ordre de se rendre sur un terrain d'exécution pour prélever des organes vitaux sur un prisonnier blessé, mais toujours vivant. Horrifié par ce qu'il avait fait, Tohti a par la suite quitté la Chine.
    Dans son ouvrage intitulé The Slaughter, Ethan Gutmann estime que les organes de 65 000 adeptes du Falun Gong et de 2 000 à 4 000 Ouïghours, Tibétains et chrétiens ont été prélevés entre 2000 et 2008.
     Enfin, Mme Mahmut est une Canadienne originaire du Turkestan oriental. Elle a deux maîtrises, l'une de l'Université de Montréal et l'autre de Bruxelles. Elle a un doctorat en biologie de l'Université Carleton. C'est une scientifique, mais elle comparaît au nom de l'International Support for Uyghurs et à titre privé.
    Merci.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président et chers députés.

[Traduction]

     C'est un honneur pour moi d'être ici.
    Pour commencer, je vais passer directement à notre sujet, qui est la pire tragédie en matière de droits de la personne dans mon pays. Nous l'appelons le Turkestan oriental, mais la Chine l'appelle le Xinjiang.
    Les Ouïghours ont toujours été victimes de discrimination systémique et ont une longue et douloureuse histoire de violations des droits de la personne sous le régime du Parti communiste chinois.
    Par exemple, il y a 60 ans, la région a été choisie comme site d'essais nucléaires. C'était le seul site d'essais nucléaires utilisé en Chine, mais c'était le plus grand au monde. Ces essais nucléaires ont eu des répercussions terribles à long terme sur notre pays. Par exemple, notre patrie et notre mode de vie traditionnel ont disparu. Il y a une dégradation généralisée de l'environnement et les problèmes de santé sont énormes. Par exemple, le taux de cancer est de 30 à 35 % plus élevé que la moyenne de l'État et les anomalies congénitales sont courantes.
    Malheureusement, les essais nucléaires ont lieu depuis 60 ans. Malheureusement, l'impérialisme et le mépris total du PCC à l'égard des Ouïghours ne s'arrêtent pas à ses ambitions en matière d'essais nucléaires. Nous sommes en 2020 et des preuves publiques de plus en plus nombreuses montrent que des atrocités sans précédent sont commises dans le Turkestan oriental occupé. On estime que jusqu'à trois millions d'Ouïghours et d'autres membres de la minorité kazakhe sont enfermés dans des camps de concentration.
    Les Turkestanais ont été détenus dans des camps de concentration où ils subissent des conditions horribles, la torture et le lavage de cerveau. Les enfants dont les parents ont été détenus dans des camps de concentration sont envoyés dans des orphelinats gérés par l'État. Ils sont obligés de s'assimiler. Il y a les séjours invasifs à domicile des autorités chinoises, les préoccupations concernant le prélèvement d'organes, les produits de beauté fabriqués à partir des cheveux des détenues, et j'en passe.
    Plus tôt cette année, les Australiens ont lancé une initiative publique visant à mettre au jour le grand nombre d'Ouïghours et d'autres Turkestanais transférés dans des camps de travaux forcés, ainsi que les premiers produits de consommation fabriqués pour être exportés vers l'ouest, comme les textiles, les pièces d'automobile, l'électronique et bien plus encore.
    Tout récemment, nous avons appris que Beijing pratique la stérilisation forcée et l'avortement à grande échelle sur les femmes ouïghoures. M. Zenz est un expert en la matière. Le monde est au courant depuis 2016 des camps de concentration du PCC qui font partie de sa stratégie officielle de déshumanisation, d'assimilation et de génocide sous le prétexte de la guerre du peuple contre le terrorisme.
    Même avant cela, Beijing a fait fi des droits de la personne des Ouïghours. Par exemple, l'activiste ouïghour et citoyen canadien Huseyin Celil est emprisonné en Chine depuis 2006.
     Le PCC a transformé le Turkestan oriental en un État policier totalitaire brutal. Tout ce qui nous rend uniques a été ciblé: notre langue, notre culture, notre histoire, notre religion et notre identité. Nos livres et notre histoire ont été réécrits. Des milliers de nos mosquées, sanctuaires, cimetières et autres sites d'importance culturelle et religieuse ont été détruits alors que le PCC vise à effacer des traces même de notre existence.
    Nous, les Ouïghours, nous nous considérons maintenant comme un peuple détruit.
    Comme vous le savez, le Comité a tenu une audience sur cette question en 2018. J'étais ici, et cela ne semble pas avoir incité le gouvernement canadien à agir. Espérons que l'audience d'aujourd'hui aura une plus grande incidence.
    Votre comité pourrait apporter son aide en faisant une déclaration officielle exigeant que le président Xi Jinping abolisse immédiatement les camps de concentration et libère les détenus. Nous demandons au gouvernement canadien d'utiliser sa loi Magnitski pour cibler les dirigeants communistes chinois qui commettent des violations graves et systématiques des droits de la personne contre les Ouïghours.
    Nous demandons au gouvernement d'accorder l'asile aux Ouïghours et aux Kazakhs en provenance de la Chine, en refusant catégoriquement leur expulsion.
    La communauté ouïghoure souffre profondément et nous espérons que le Canada nous aidera à mettre fin à cette horreur.
(1125)
    Merci.
    Merci, madame Mahmut et monsieur Kilgour.
    Nous allons maintenant passer à notre dernier témoin du premier groupe, M. Jacob Kovalio, professeur agrégé à l'Université Carleton.
(1130)
    Je suis heureux d'avoir l'occasion de participer à cette table ronde virtuelle sur la situation des droits de la personne des Ouïghours en Chine. Je vais d'abord aborder cette question, puis je ferai mon évaluation du régime de Beijing.
    La région autonome ouïghoure du Xinjiang, que la population autochtone ouïghoure de la région appelle le Turkestan oriental, couvre une très grande superficie de 1,7 million de kilomètres carrés. Elle est relativement peu peuplée, très riche en ressources naturelles et située stratégiquement au cœur de l'initiative de la Ceinture et la Route, de Xi Jinping.
    La Chine a une culture non monothéiste où la religion a toujours été soumise à l'État, contrairement à la culture ouïghoure, où l'islam fait partie intégrante de la vie, comme le bouddhisme au Tibet. Le prétexte des politiques anti-Ouïghours de la dernière décennie est ce que Beijing appelle le séparatisme, l'extrémisme et le terrorisme.
    Ce sont les mesures appliquées depuis la campagne Frapper fort contre le terrorisme violent au Xinjiang, en mai 2014, et surtout depuis 2016, lorsque Chen Quanguo est devenu le chef du Parti communiste du Xinjiang. Il y a une surveillance incessante utilisant la télévision en circuit fermé, l'intelligence artificielle, la reconnaissance faciale et les données biométriques. Un nouveau système de surveillance en grille, où chaque carré contient 500 personnes pour une surveillance plus rigoureuse, vient d'être achevé. Il y a des centaines de camps dits de rééducation professionnelle et de camps de travaux forcés, où environ 1,2 million d'Ouïghours, dont des centaines de milliers d'écoliers, sont incarcérés. L'accent est mis sur l'enseignement du mandarin, l'endoctrinement nationaliste han intense et une discipline rigoureuse.
    De nombreux Ouïghours sont forcés d'accueillir des agents chinois han dans leur famille en tant que soi-disant membres de la famille qui forment leurs hôtes en mandarin et en nationalisme chinois. La barbe et le hijab sont fortement déconseillés. Les femmes font l'objet d'une contraception et d'une stérilisation forcée, comme on l'a déjà dit. Muhammad et Medina ne sont pas des prénoms autorisés pour les nouveau-nés. Toutes ces étapes visent l'assimilation par la sinisation ou le monoculturalisme. La sinisation s'accélère lorsque des colons han s'installent au Xinjiang.
    Selon quel genre de régime la « république populaire », seulement de nom, est-elle dirigée par le Parti communiste chinois, seulement de nom également? Un cas intrigant d'histoire sombre répétée, un processus lancé par Deng Xiaoping en 1978 et achevé par Xi Jinping en mars 2018, a fait passer la Chine du communisme maoïste à ce que j'appelle, de façon purement descriptive, le fascisme ou le fascisme confucéen avec des caractéristiques de la Chine han pour la nouvelle ère.
    Tout comme Mussolini disait « tout dans l'État, rien contre l'État et rien en dehors de l'État fasciste », le slogan de Xi Jinping est que le pays, l'armée, la société, les écoles, le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest, tous appartiennent à l'État du Parti communiste. Weiwen, la préservation de la stabilité sociale, est le fondement de la politique intérieure du régime, la version chinoise de la Gleichschaltung.
    Le marxisme et le fascisme ne diffèrent que sur une chose, et c'est la propriété privée, que le fascisme permet. Cependant, contrairement aux démocraties libérales, le régime de Beijing dirigé depuis 2012 par Xi Jinping, homme fort à vie, jamais élu, a aussi, en raison de son pouvoir politique écrasant, le dernier mot sur les grandes entreprises privées. La plupart des principaux hommes d'affaires chinois sont membres du Parti communiste chinois. Marx et Mao, les héros de Xi Jinping, sont probablement en train de se retourner dans leur tombe.
    Excusez-moi, monsieur Kovalio, mais pourriez-vous baisser un peu votre microphone?
    Oui.
    Est-ce mieux ainsi?
    Bien. Merci.
    M. Jacob Kovalio: Il ne me reste que quelques phrases.
    Le président: Nous avons très peu de temps, alors c'est bien.
    En ce qui concerne les intérêts fondamentaux de la Chine, heshin ri'i est le terme utilisé pour désigner la politique étrangère agressive et non pas affirmée de Beijing au cours des 15 dernières années. En fait, c'est la version chinoise du Lebensraum, la politique étrangère de l'« espace vital » de l'Allemagne jusqu'en 1945.
    La Chine et la Russie sont les deux puissances impérialistes les plus prospères de l'histoire. En 2020, elles codirigent la version du XXIe siècle de l'axe antidémocratique de jadis, qui comprend également le Pakistan, l'Iran et la Turquie.
    Dans le contexte des aspects juridiques de la crise actuelle dans les relations entre Ottawa et Beijing, les observations de Mme Samantha Hoffman, de l'Australian Strategic Policy Institute sont très pertinentes:
En Chine, la primauté du droit n'existe pas. Les règlements qui peuvent être en grande partie apolitiques à première vue peuvent être politiques lorsque le Parti communiste chinois (PCC) décide de les utiliser à des fins politiques.
Il n'y a pas de véritable protection pour les personnes et les entités assujetties au système.
    J'ai raccourci ma présentation initiale pour respecter les six minutes qui m'étaient allouées. Merci beaucoup.
(1135)
     Merci beaucoup, monsieur Kovalio.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leurs observations.
    Nous allons maintenant passer aux membres du Comité, qui auront l'occasion de poser des questions aux témoins. Chaque député disposera de sept minutes.
    Nous allons commencer par M. Genuis, pour les sept premières minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie infiniment les témoins de leur témoignage percutant.
    Je remercie aussi tous ceux qui nous regardent à la maison. Tous ceux qui suivent nos audiences participent également à cet important récit attestant de ces atrocités. Je sais que ceux qui nous regardent en parleront aux autres, et c'est très important.
    J'ai quelques observations préliminaires à formuler.
    Je tiens à remercier la greffière d'avoir dressé une liste incroyable de témoins. Au cours des prochains jours, nous accueillerons des experts de premier plan qui nous aideront vraiment à comprendre la situation et à y réagir.
    De plus, je dois dire que je tiens beaucoup à ce que le comité Canada-Chine se penche sur d'autres questions liées à cette relation. Nous nous concentrons aujourd'hui sur une question précise, soit le génocide des Ouïghours, mais nous avons déjà entendu certains témoignages, surtout celui de M. Kovalio, qui soulignent la nécessité d'un réexamen plus vaste et plus approfondi. J'ai bon espoir qu'en continuant à défendre ces intérêts, nous pourrons amener le comité Canada-Chine à travailler également sur ce dossier.
     Je tiens à souligner qu'aujourd'hui, le 20 juillet, est aussi une journée très importante pour la communauté Falun Gong, soit l'anniversaire du début de sa persécution. Comme David Kilgour l'a mentionné, il y a un lien important entre les Ouïghours et les adeptes du Falun Gong qui sont victimes de prélèvements d'organes. Nous saluons donc la communauté Falun Gong et toutes les autres communautés qui ont été victimes d'horribles persécutions en République populaire de Chine.
    Nous avons entendu les témoins discuter d'un certain nombre de questions importantes en ce qui concerne la réaction du Canada à ces événements, notamment les décisions juridiques, la reconnaissance du génocide et le recours aux sanctions Magnitski.
    Ma première question s'adresse à M. Zenz.
    En ce qui concerne un autre aspect de notre réponse, notre engagement auprès des sociétés commerciales, je sais que vous avez récemment fait des commentaires sur Twitter au sujet de Nuctech. Nous venons d'apprendre que le gouvernement canadien embauche Nuctech pour fournir des technologies de sécurité à nos ambassades. Vous avez mentionné que Nuctech vend de la technologie au Bureau de la sécurité publique du Xinjiang, qui est sanctionné par les États-Unis relativement aux violations des droits de la personne contre les Ouïghours.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de la façon dont nous devrions ou non collaborer avec les entreprises qui pourraient être présentes dans le Xinjiang.
    Dans le même ordre d'idées, les États-Unis ont adopté une nouvelle loi sévère, la Uighur Forced Labour Prevention Act, qui vise à sanctionner les entreprises et à s'attaquer aux chaînes d'approvisionnement afin que nous ne soyons pas complices de ce qui se passe au Xinjiang.
    Pourriez-vous nous en parler, monsieur Zenz? Ensuite, si d'autres témoins veulent intervenir sur ce point également, j'aimerais les entendre.
    C'est un excellent point. Il y a trois choses que les pays occidentaux, les pays démocratiques, peuvent faire.
    Premièrement, nous pouvons appeler très clairement les choses par leur nom, soit les atrocités commises au Xinjiang. Deuxièmement, nous pouvons imposer des sanctions aux fonctionnaires. Mais le sujet que vous soulevez ici est, à mon avis, le plus stratégique, c'est-à-dire l'imposition de conséquences.
     Tout d'abord, il est très important de découvrir, de mettre en évidence et de nommer les entreprises impliquées, notamment les entreprises chinoises, qui sont complices des atrocités commises au Xinjiang, comme Huawei, comme Nuctech — selon ce que j'ai lu, oui — et d'autres entreprises. C'est quelque chose que nous pouvons faire, parce qu'à mon avis, il est approprié d'imposer des conséquences aux entreprises chinoises qui sont impliquées dans le Xinjiang. Il y a des entreprises occidentales, bien sûr, mais elles ont tendance à être moins actives dans la région. Toutefois, ces entreprises fournissent directement des technologies de sécurité et de surveillance qui permettent à l'État policier de fonctionner. À mon avis, il serait tout à fait approprié que les gouvernements nomment ces compagnies et tiennent ensuite des discussions à leur sujet. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on leur impose certaines formes de sanctions, de conséquences ou de pénalités.
(1140)
     Merci.
    Vous avez parlé de Nuctech. Vous avez parlé de Huawei. Je me demande si vous pourriez nous parler de Dahua et de Hikvision. La raison pour laquelle je mentionne ces deux entreprises, c'est que nous avons appris, l'an dernier, que le Régime de pensions du Canada avait investi dans ces sociétés.
    D'après ce que vous savez, est-ce que ces entreprises sont également impliquées au Xinjiang?
     Je n'ai pas effectué autant de recherches sur le sujet que plusieurs organisations, comme l'ASPI, l'Australian Strategic Policy Institute, l'an dernier. J'ai des renseignements précis sur Huawei et Nuctech. De plus, IPVM a publié des articles à ce sujet, plus précisément sur Hikvision. Il est clair que Hikvision recevait des appels d'offres en matière de sécurité publique au Xinjiang. Elle est fortement impliquée.
    Merci beaucoup.
    Dans la minute qu'il me reste, y a-t-il d'autres témoins qui veulent intervenir précisément sur la question des sociétés d'État chinoises ou d'autres sociétés qui sont impliquées dans le Xinjiang et la relation entre le gouvernement canadien et ces sociétés?
    Oui. Récemment, en ce qui concerne les produits capillaires, par exemple, l'agence frontalière américaine a bloqué certains types de produits probablement fabriqués avec des cheveux provenant de détenus dans des camps de concentration, de femmes détenues. Ces produits proviennent du Turkestan oriental, alors il est fort possible qu'ils soient fabriqués avec des cheveux d'Ouïghours ou d'autres Turkestanais qui sont détenus. Habituellement, une fois qu'ils ont enfermé des gens, ils les rasent de temps à autre, régulièrement. Ils ont tous rasé...
    Merci.
    Nous allons passer à Mme Vandenbeld, pour sept minutes.
    Je tiens à remercier tous nos témoins d'aujourd'hui pour leurs témoignages extrêmement convaincants et très opportuns sur un sujet sur lequel, comme vous le savez, le Comité a déjà travaillé. Nous avons fait une étude. C'était à l'automne 2018. À l'époque, je crois que c'était probablement l'un des témoignages les plus troublants que j'avais entendus.
    À ce moment-là, il n'y avait pas grand-chose dans le domaine public. C'est surtout indirectement dont nous en avions entendu parler. Les autorités du Xinjiang tenaient absolument à ce que cette information ne soit pas diffusée à l'échelle internationale. Aujourd'hui, nous avons des témoignages directs et nous avons des études comme celle de M. Zenz, qui documentent les choses d'une façon beaucoup plus concrète.
    J'aimerais beaucoup entendre les témoins parler un peu de ce qui s'est passé depuis décembre 2018, depuis notre étude. Je sais qu'en janvier 2019, lorsque nous avons publié le résumé des témoignages, le lendemain, la Chine a autorisé des observateurs de l'ONU à entrer dans les camps. Je crois comprendre, bien sûr, qu'il y a eu beaucoup de mise en scène. Pourriez-vous nous parler de ce qui s'est passé là-bas et de ce qui s'est passé en ce qui concerne certains observateurs internationaux et ce qu'ils ont documenté?
     Je vais commencer par vous, monsieur Zenz. Votre témoignage sur la stérilisation a été très troublant. Peut-être pourriez-vous nous dire dans quelle mesure cela a été documenté, où cela se passe et dans quelle mesure cela a changé depuis 2018.
(1145)
     En 2018, le gouvernement a pris plusieurs décisions importantes et établi des politiques qui ont influencé tout ce qui s'est passé depuis. La première a été le travail forcé. En 2018, sa politique a été de transférer les détenus des camps d'internement vers différents placements de travail forcé. Cette politique a été lancée au premier semestre de 2018. Elle a été renforcée par la construction de nombreux « ateliers de réduction de la pauvreté », comme on les appelle, au deuxième semestre de 2018. Nous avons la preuve qu'en 2019, de nombreux détenus des camps d'internement professionnel, qui ne sont qu'un type de camp de rééducation extrajudiciaire, ont été transférés dans des placements de travail forcé et cela continue. L'autre chose, c'est qu'en 2019, pour ce qui est du contrôle des naissances, on a cherché, de façon beaucoup plus intrusive, à stériliser les femmes, particulièrement dans les régions rurales. On a intensifié de façon draconienne la prévention des naissances, le travail forcé et la séparation parent-enfant en convertissant également un grand nombre de prématernelles en pensionnats.
    Essentiellement, de 2018 à 2019, on est passé d'une campagne d'internement à court et à moyen terme à un État policier à long terme. Le maintien de l'ordre et la sécurisation de l'ensemble de la société, ainsi que la répression et les atrocités commises dans la société ouïghoure en général, ont pris beaucoup d'ampleur en 2019. C'est un virage vers la stratégie à long terme que nous voyons. Cela s'accompagne d'une normalisation apparente, d'une réduction de la présence policière visible, ainsi que d'une réduction et d'une fermeture de certains camps d'internement professionnel, bien que cela ne soit pas clair non plus. Il s'agit apparemment d'une normalisation superficielle de la vie des Ouïghours, alors qu'en réalité, l'État policier est entièrement déployé et s'installe dans la durée.
    Merci.
    Est-ce que d'autres témoins aimeraient faire des commentaires à ce sujet?
    Madame Mahmut...
    Puis-je intervenir?
    Certainement.
    J'ai visité ces camps de concentration au Xinjiang, en 2019. Je pourrais peut-être ajouter quelque chose à ce qui a été dit.
    Le gouvernement chinois s'inquiète beaucoup de ce que nous disons en Occident au sujet de la présence de ces camps de concentration. Je faisais partie d'un groupe de journalistes et de diplomates que le gouvernement chinois avait invité tout au long de 2019 afin de vendre une fausse histoire au monde extérieur, en particulier à l'Occident. Lors de notre visite en 2019, nous avons constaté que le gouvernement chinois était tellement préoccupé par ce que nous disions en Occident qu'il essayait de tromper le monde.
    Après avoir quitté le Xinjiang, en septembre, dès mon retour en Europe, j'ai condamné publiquement et décris au monde ce qu'il faisait avec ces camps d'internement de masse. J'ai été attaqué par le Global Times, qui est l'un des journaux officiels du gouvernement chinois, où j'ai été accusé, entre autres, d'être un faux journaliste. Les autorités chinoises ont dit qu'elles avaient fait venir, avant moi, environ 1 000 journalistes et diplomates.
    Une grande question à laquelle nous sommes confrontés en Occident, c'est pourquoi, sur 1 000 journalistes et diplomates, très peu témoignent. La raison en est que le gouvernement chinois est très prudent dans l'organisation de visites guidées pour les étrangers, même pour les observateurs de l'ONU.
    Il ne permet pas aux étrangers d'interviewer des gens dans la rue. De plus, même pour nous, les journalistes, lorsqu'il nous envoie dans ces centres de formation professionnelle, il ne veut pas que nous posions des questions. Il nous monte un spectacle. Il veut nous faire sentir, et montrer au monde extérieur, que la Chine traite bien les Ouïghours, qu'ils sont heureux, qu'ils adoptent la culture chinoise de leur propre chef et qu'ils abandonnent leur langue et leur religion de leur propre gré.
    Si la Chine donnait plein accès aux étrangers pour enquêter et interroger les gens, il y aurait une énorme explosion. Le problème avec la Chine, c'est qu'elle est très inquiète à ce sujet et qu'elle dépense beaucoup...
(1150)
     Merci.
    Merci.
    Nous passons maintenant à notre prochain intervenant, M. Brunelle-Duceppe, pour sept minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie sincèrement tous les témoins. Nous avons besoin d'eux dans ce sous-comité. Ils ont fourni des témoignages assez exceptionnels qui nous ont tous touchés.
    D'ailleurs, je remercie les employés de la Chambre des communes qui nous permettent d'accomplir ce travail aujourd'hui.
    Je veux remercier tous mes honorables collègues qui ont décidé de s'unir et de faire ce travail. Il faut maintenant s'assurer que ce sous-comité arrive à avoir un impact et qu'il ne s'agisse pas juste de palabres et de mots.
    Je n'étais pas là en 2018. J'imagine que la situation a changé, mais, en tant que parlementaires, nous avons le devoir de proposer quelque chose de concret et d'être capables de nommer les choses telles qu'elles sont. Je suis bien heureux d'être avec vous aujourd'hui, et j'espère que c'est vraiment l'objectif que nous atteindrons tous ensemble.
    D'abord et avant tout, madame Mahmut, j'aimerais vous poser une question.
    Nous parlons d'impact. Je viens d'en parler. Quelle réponse attendez-vous du gouvernement canadien, à court terme et le plus rapidement possible?
    Je vous remercie de la question, monsieur Brunelle-Duceppe.
    À court terme, nous voulons que le gouvernement inflige une sanction officielle aux représentants chinois, parce que j'imagine qu'ils ont beaucoup de biens ici. J'ai entendu dire que tous les biens des représentants du gouvernement se situaient en premier lieu aux États-Unis, et au Canada en deuxième lieu.
    Le Canada pourrait d'abord geler tous les biens des représentants chinois, puis sanctionner directement ces derniers. Ce serait très efficace.
    Oui, je pense qu'on est...
    Il pourrait le faire à court terme.
    C'est une situation très difficile pour le gouvernement. On peut aussi boycotter les produits chinois. Certains viennent de notre région, le Turkestan oriental.
    Je vous remercie beaucoup, madame Mahmut.
    Je vais poser ma prochaine question à M. Zenz.
    Monsieur Zenz, j'ai beaucoup apprécié votre témoignage. Vos propos ouvrent les yeux des gens. J'espère que les gens vont s'en rendre compte assez rapidement.
    Ce système ira-t-il en empirant s'il ne se passe rien et si l'on ne fait rien, monsieur Zenz? Y a-t-il des indices qui le montrent?

[Traduction]

    Les preuves que nous découvrons montrent certainement que cela va en empirant, en ce moment même. La nature de l'oppression et ses effets sur la vie des gens sont très préoccupants. C'est une atrocité sans précédent. Cela vise à briser les Ouïghours. Cela vise à briser leur âme, leur dos, les forcer à travailler et les encercler de toutes parts. C'est une assimilation parfaite.
    C'est une sorte d'Holocauste 2.0, si je puis dire, mais beaucoup plus subtile. Cela ne répond pas aux définitions d'atrocité et de génocide classiques, mais c'est d'autant plus terrifiant à long terme. Il s'agit d'un plan à long terme. C'est tout à fait sans précédent.
    Si toutes ces choses continuent de se produire, elles auront des répercussions mentales et physiques inqualifiables sur les Ouïghours, année après année. C'est tout ce que nous pouvons dire à ce sujet. Cela justifie une réponse urgente.

[Français]

    Étant donné que j'ai encore du temps de parole, monsieur le président, je vais poser une question à M. Jazexhi.
    Monsieur Jazexhi, vous êtes allé sur le terrain. On nous dit que les femmes et les hommes sont dans des camps de travail forcé et que les femmes se font carrément stériliser chimiquement.
    Quelle est la situation pour ce qui est des enfants ouïghours? Pouvez-vous nous parler d'eux, monsieur Jazexhi?
(1155)

[Traduction]

     Quand nous étions là-bas, nous avons fait une visite guidée et nous n'avons pas eu beaucoup de liberté pour enquêter et comprendre ce qui se passait. Lors de notre visite dans de grandes villes comme Aksu et Kashgar, nous avons essayé de parler aux gens du coin, mais les responsables communistes chinois nous ont violemment séparés de nos interlocuteurs.
    Ce que nous avons vu dans ces centres de formation professionnelle, c'est que les autorités chinoises retiraient les adultes et les gens de la rue. Les personnes que nous avons vues étaient probablement âgées de 17 à 50 ans. Ils les enfermaient de force dans ces camps de concentration, les forçant à manger du porc — ce qui est haram selon la religion islamique —, leur interdisant de pratiquer leur religion, leur foi et leurs croyances, les empêchant de parler leur langue et les forçant à adopter la culture chinoise.
    Ce que les représentants du Parti communiste en Chine font au Xinjiang a pour objectif d'assimiler totalement les Ouïghours. Pourquoi? C'est parce que le Xinjiang se trouve dans la province la plus importante de la Chine pour son projet impérialiste, l'initiative de La Ceinture et la Route. L'immense réseau de routes et d'autoroutes que la Chine est en train de construire et grâce auquel le gouvernement chinois veut coloniser économiquement l'Asie et l'Afrique, passe par le Xinjiang. Les peuples indigènes du Xinjiang, qui sont des musulmans turkestanais, représentent la principale menace pour le projet impérialiste du XXIe siècle de la Chine, soit la colonisation économique de l'Asie et de l'Afrique.

[Français]

    Je vous remercie.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?

[Traduction]

    Il vous reste 30 secondes.

[Français]

    Je vais passer mon tour. J'aurai d'autres questions plus tard.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Notre dernière intervenante pour ce tour est Mme McPherson, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup à tous d'être ici et de nous faire profiter de votre expertise. C'est un sujet très important, et je suis donc très heureuse de participer à cette réunion.
    Je remercie tous les membres du Comité qui ont posé d'excellentes questions, et je voulais en poser un grand nombre d'entre elles. J'ai donc été heureuse d'entendre cela.
    Je suis une nouvelle parlementaire et l'une des choses qui me déçoivent un peu, c'est que nous ayons déjà étudié ce sujet, que nous nous soyons penchés sur cette question et qu'il y ait, ici, des gens qui estiment que le gouvernement canadien n'en a pas fait assez pour appuyer le peuple ouïghour en Chine.
    Ma première question s'adresse à Mme Mahmut.
    Vous avez parlé un peu de ce que le Canada a fait dans le passé et de ce que vous espérez nous voir faire à l'avenir. Vous avez dit, je pense, que nous devions prendre très clairement position sur ce qui se passait et envisager des sanctions ainsi que l'asile pour les Ouïghours.
    Pourriez-vous nous parler un peu plus de ce que vous aimeriez que le Canada fasse et de ce que nous avons fait de positif? Selon vous, quelles sont les choses que nous avons eu raison de faire en ce qui concerne notre réponse, et certaines des choses que d'autres pays ont faites et dont nous pourrions nous inspirer?
    Merci. C'est une excellente question.
    Jusqu'à maintenant, le Canada a fait beaucoup de choses, mais c'est principalement dans le cadre des questions que nous soulevons à l'ONU et sur la scène mondiale. Cependant, c'est surtout sous la forme de dialogues. Nous n'avons pas vraiment vu de plan d'action significatif jusqu'à maintenant.
    Des mesures importantes pourraient être... Par exemple, les États-Unis imposent des sanctions, en vertu de la loi Magnitski, aux représentants chinois, plus particulièrement ceux qui travaillent au Turkestan oriental et au Xinjiang. Ils gèlent beaucoup d'entreprises qui ont fourni la technologie pour les atrocités commises au Turkestan oriental. Un grand nombre d'entreprises s'exposent à des sanctions. Ils ont aussi identifié beaucoup de fabricants dont la production est le fruit du travail forcé; ce genre de choses.
    Le gouvernement canadien peut faire la même chose.
(1200)
    Merveilleux. Merci.
    J'ai une autre chose à ajouter, rapidement.
    En ce qui concerne notre engagement au niveau multilatéral, croyez-vous que le Canada en a fait assez, ou aimeriez-vous voir plus d'action au niveau multilatéral?
     Je ne pense pas que le Canada en ait fait assez, parce que jusqu'à maintenant, la diplomatie entre le Canada et la Chine n'a pas été normale, mais le Canada a réagi de façon très modérée. Il devrait adopter une ligne dure dans sa réponse. Nous demandons également que le comité des relations Chine-Canada se réunisse le plus tôt possible et très souvent. Nous n'avons rien entendu et nous n'avons rien vu au sujet d'une réunion de ce comité ou de ce qu'il pourrait faire. Ce devrait être la prochaine étape urgente.
    Je dirais que si d'autres témoins qui se joignent à nous par vidéoconférence voulaient ajouter quelque chose, ce serait formidable.
    Merci beaucoup. Je suis très impressionné par les opinions de tous les participants. Je vais aller droit au but. Je comprends maintenant pourquoi l'aéroport de Kashgar a une voie spéciale pour les voyageurs qui exportent des organes.
    On a parlé de l'atmosphère, surtout dans les camps de formation professionnelle, appelés des camps d'éducation, destinés aux enfants. Il y a une note de service de 2017 concernant la façon dont ils doivent être gérés par ceux qui les dirigent. Je parle bien sûr des enfants ouïghours. Cette note parle de faire de l'apprentissage du mandarin une priorité, d'assurer une surveillance vidéo complète, sans angle mort, des dortoirs et des salles de classe, de prévenir les évasions, d'imposer des mesures disciplinaires sévères et des sanctions en cas de non-respect des règles de comportement, de promouvoir le repentir et la confession, et de veiller à assurer une véritable transformation des élèves.
     Enfin, et je ne pense pas que ce soit la suggestion la moins importante sur le plan politique, il doit y avoir, du moins à mon avis, plus de coopération et de coordination pour ce qui est d'exercer des pressions sur la Chine, divers types de pressions, afin que la situation des Ouïghours s'améliore.
    Par exemple, Chen Quanguo, le chef du Parti communiste, a été sanctionné la semaine dernière par le Congrès américain. Je pense que c'est quelque chose que nous devrions envisager également. De plus — et il y a là un certain lien —, la semaine dernière, le Royaume-Uni a annoncé qu'il abandonnait Huawei pour son réseau 5G et qu'il se tournait plutôt vers la technologie et les entreprises japonaises.
    Autrement dit, nous — c'est-à-dire les démocraties du Canada, des États-Unis, de l'Europe et du Japon — devrions en faire davantage pour faire comprendre au régime chinois et, d'abord et avant tout, bien sûr, à Xi Jinping, ce que nous en pensons, parce que c'est une menace grave, non seulement pour les Ouïghours, d'abord et avant tout, mais aussi pour le reste du monde démocratique.
    Merci.
     Je n'ai qu'une très brève question, complémentaire en fait, pour M. Zenz.
     Monsieur Zenz, vous avez parlé un peu du fait que les entreprises occidentales ne participent pas autant à leurs chaînes d'approvisionnement. Pourriez-vous nous en parler un peu? Je crois savoir qu'il y a un certain nombre de multinationales ou de sociétés occidentales qui sont impliquées, et j'aimerais savoir ce que vous pensez de la façon dont nous pourrions travailler avec elles à cet égard.
    Les entreprises de l'Ouest vendent des produits. Certaines comme Heinz produisent du ketchup à la tomate et Volkswagen fabrique des voitures. La participation la plus directe à cet État policier se fait par la technologie, qui est fournie par des entreprises chinoises et la technologie chinoise, mais je pense que la participation occidentale est beaucoup plus active dans la chaîne d'approvisionnement, ainsi que le coton et les textiles, surtout les textiles, alors...
    Cela met fin à notre premier tour. Nous passons maintenant à notre deuxième série de questions, qui seront de cinq minutes par député.
    Nous allons passer à Mme Khalid pour les cinq premières minutes.
(1205)
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins. Je vous suis vraiment reconnaissante de vos efforts et de votre témoignage. J'ai essayé de décortiquer certaines des recommandations que certains d'entre vous ont formulées. Je vais faire de mon mieux dans les cinq minutes qui me sont allouées.
    Monsieur Zenz, dans l'une de vos recommandations, vous dites qu'il faut une détermination judiciaire complète de la nature des atrocités.
    Selon vous, qui devrait faire cette détermination judiciaire? Suggérez-vous que ce soit le Canada ou la communauté internationale, dans le cadre d'une organisation?
     J'aimerais voir les deux. Je pense que chaque nation a une responsabilité. Il existe parfois un précédent juridique permettant de déterminer la nature de l'atrocité. Par exemple, je sais que le Département d'État des États-Unis est en mesure de le faire, mais ne l'a pas fait, ce qui est une omission notable. Je ne suis pas certain de la situation au Canada, mais je crois que chaque pays démocratique occidental devrait le faire, et en plus, au niveau multilatéral avec les Nations unies également. Nous avons là le problème de la cooptation de l'élite par la Chine.
    Merci.
     Je pense que l'objectif ultime d'un grand nombre de ces recommandations est d'inciter la Chine à mettre fin à ces atrocités contre la communauté ouïghoure.
    Monsieur Olsi, dans votre témoignage, vous avez dit que vous aviez été invité à filmer les camps de concentration ou de rééducation. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Pourquoi avez-vous été invité à filmer? Pensez-vous que c'est parce que la Chine ressent des pressions de la part de la communauté internationale qu'elle a dû répondre à ces pressions en vous invitant?
    Oui, c'est exact. La Chine subit beaucoup de pressions. Nous avons vu, même lors de notre visite au Xinjiang, le traitement de première classe que les autorités chinoises nous ont accordé dans l'espoir de donner, au monde extérieur, une vision plus positive de ce qu'est le Xinjiang aujourd'hui et de la situation des Ouïghours.
    J'aimerais ajouter une chose, si vous me le permettez. La question des Ouïghours est aussi une question musulmane, en plus d'être une question de droits de la personne. Une suggestion que j'aimerais faire au Canada et aux politiciens canadiens, c'est que nous devrions aussi en parler avec les pays musulmans. Ce que font les Chinois, ce que je décris dans mes articles et ce que les autorités chinoises nous ont dit lorsque nous étions là-bas, c'est que les autorités chinoises ont pour objectif d'éradiquer l'islam. Elles ont fermé des mosquées, détruit des mosquées. Si une personne de moins de 60 ans se fait prendre à pratiquer l'islam sans autorisation, autrement dit, si vous voulez prier Dieu, vous devez vous adresser aux responsables locaux du parti pour obtenir une autorisation... Les Chinois ciblent l'islam parce qu'ils considèrent que cette idéologie menace leur processus de sinisation. Je crois donc qu'en plus des démocraties occidentales, nous devrions aussi en parler avec les pays musulmans.
    Il faut savoir quelque chose après tout...
    Je suis désolée, mais je vais vous interrompre. J'ai une autre question, mais pas beaucoup de temps.
    Bien. Je suis désolé.
    Madame Mahmut, vous avez recommandé que le Canada examine les options en matière d'asile. Par le passé, nous avons entendu des témoins parler de la surveillance de la communauté ouïghoure en Chine, mais aussi ici, au Canada. Quelles seraient les conséquences si le Canada lui accordait l'asile, par exemple?
    En quoi cela entrerait-il en conflit avec la surveillance et la protection de la communauté ouïghoure au Canada et à l'étranger?
    C'est une excellente question. Merci.
    Oui, nous faisons l'objet d'une surveillance très étroite. À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas faire venir nos gens, notre famille ou qui que ce soit dans un autre pays. C'est un fait. Cependant, plus de 30 000 Ouïghours fuient partout au pays et dans le monde, surtout en Turquie. Nous pourrions leur accorder l'asile pour les faire venir ici. Nous pourrions le faire immédiatement pour les gens qui restent et souffrent dans les camps de concentration. Pour les 30 000 Ouïghours qui fuient, ils sont apatrides, ils se trouvent partout en Turquie, au Moyen-Orient et même en Thaïlande, partout. Nous pouvons leur donner...
(1210)
    Merci, madame Khalid.
    Nous allons maintenant accorder cinq minutes au vice-président du Comité qui nous a incités à tenir ces audiences. Nous devrions remercier M. David Sweet.
    Merci, monsieur le président.
    M. Olsi Jazexhi a fait valoir un excellent point. J'espère que nous en tiendrons compte. Je suis certain que si vous retracez le problème des Rohingyas en Birmanie, vous constaterez que l'argent du Parti communiste chinois manipule également le gouvernement birman, persécutant les musulmans rohingyas là-bas, tout comme les musulmans ouïghours. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit.
     Monsieur le président, j'ai l'air de ratisser large, mais je vais vite me focaliser.
    Monsieur Kovalio, avec la révolution culturelle, le Grand Bond en avant, les nombreuses purges, les Cent Fleurs, Mao Zedong a été responsable de la mort de dizaines de millions de Chinois han et de minorités. Xi Jinping me semble être le chef qui s'apparente le mieux à Mao Zedong ces jours-ci. Êtes-vous d'accord, monsieur Kovalio?
     Oui, monsieur Sweet. J'apprécie votre question; elle est très pertinente.
    Je répondrai à votre question très judicieuse en disant que c'est entièrement de notre faute. En Occident, nous avons, sans hésiter, accepté d'entretenir des relations normales, non seulement économiques, mais aussi politiques, avec un régime dont le principal penseur et fondateur est sans aucun doute le pire chef génocidaire de la seconde moitié du XXe siècle et même avant, dont l'image orne la place Tiananmen et s'étale sur les billets de banque, sans même y réfléchir un instant. Cette attitude me semble être déconnectée de la réalité.
    Comment pouvons-nous, pour l'amour du ciel, entretenir des relations régulières avec un régime qui incarne le génocide, d'abord et avant tout de son propre peuple, dans le Grand Bond en avant de la soi-disant révolution culturelle, et en « plus petit nombre » en 1989, sur la place Tiananmen? Maintenant, à cause de cette terrible pandémie, dont l'origine est certainement à Wuhan et qui nous a frappés, peut-être allons-nous commencer à réfléchir plus en profondeur à la façon de réévaluer et modifier très largement notre relation avec le régime chinois.
    Merci, monsieur Kovalio.
     Je dois revenir en arrière parce que je veux faire valoir un point pour mes collègues.
    Oui.
    Dans ce cas, monsieur Zenz, nous ne pouvons que nous attendre à ce que la persécution des Ouïghours s'aggrave dans les jours à venir, d'après les témoignages que nous avons entendus depuis 2018 jusqu'à maintenant, ainsi que le profil du chef que nous avons. Êtes-vous d'accord, monsieur Zenz, ou avez-vous d'autres commentaires à faire à ce sujet?
    Cela dépend de votre définition de « s'aggrave ».
    À mon avis, le plan de la Chine est de briser et d'assimiler les Ouïghours. De cette façon, je crois que ce n'est pas la même chose que le plan nazi qui visait à anéantir et à éradiquer les Juifs. Cependant, le plan de Beijing qui vise à assujettir et à assimiler les Ouïghours suppose une augmentation de la mortalité, une augmentation des décès, la torture, un contrôle brutal de la population et peut-être même une réduction de la population dans une mesure inconnue.
    Le problème, c'est que si leurs plans échouent ou ne donnent pas les résultats escomptés, il est toujours possible que les choses se détériorent encore plus. Ils sont capables de faire n'importe quoi et sont très, très impitoyables. Par conséquent, la situation est extrêmement préoccupante. Je suis d'accord sur ce point.
    Monsieur Zenz, avez-vous vu la vidéo des hommes ouïghours retenus à l'aide d'attaches autobloquantes, masqués d'une cagoule dans certains cas, à côté des voies ferrées avec les gardiens, que la BBC dit avoir tout récemment vérifiée auprès de sources de sécurité occidentales?
(1215)
    Oui.
    Qu'est-ce que cela vous dit au sujet du traitement des Ouïghours en ce moment?
    Des centaines de milliers d'Ouïghours ont été et sont toujours condamnés à de longues peines d'emprisonnement pour les écarter, surtout sur le plan culturel, et les universitaires, les musiciens, les artistes, les éducateurs et les traducteurs en font partie.
    Il y a un plan à long terme pour envoyer les gens dans les prisons et différents systèmes carcéraux de travail coercitif, et beaucoup ne survivront pas. D'autres sont transférés dans des camps d'internement de formation professionnelle et dans des camps de travaux forcés, de sorte que la situation est compliquée et qu'il y a des transferts dans des prisons sordides. Vous avez vu des détenus du centre de détention de Kashgar qui étaient transférés de Kashgar à Korla. C'est la normalité au Xinjiang. C'est un État policier. Les gens sont déplacés, et ils sont déplacés vers d'autres endroits...
    Merci.
    Monsieur Zuberi, vous avez cinq minutes.
    J'aimerais remercier tous les témoins de leurs témoignages sur cette question très importante, tous les parlementaires de prendre le temps d'étudier cette question et tous ceux qui nous écoutent.
    J'aimerais poser une question qui fait suite à celle d'un collègue qui a parlé de la différence entre les renseignements qui nous sont présentés aujourd'hui et ceux que nous avons obtenus en 2018 lorsque le Comité a étudié cette question. Quelle est la différence en ce qui concerne les renseignements que nous avons?
    D'après ce que je comprends — et peut-être pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet —, jusqu'en 2018, nous avions des renseignements anecdotiques. Des survivants des camps de concentration se sont exprimés. Au cours de cette période, je crois savoir que le consortium de journalistes a publié les documents du PCC qui avaient fait l'objet d'une fuite, et ces documents montraient qu'il y avait un programme en place.
    Peut-être que M. Zenz, M. Kovalio, Mme Mahmut et d'autres pourraient nous dire ce qu'ils en pensent.
     Je vais être bref.
    Selon les nouvelles informations dont nous disposons, comme vous l'avez mentionné, la Chine montre clairement que ces camps existent, qu'ils sont gérés comme des prisons, et qu'il ne s'agit pas simplement d'une formation professionnelle anodine.
    Ensuite, nous avons plus de données sur le terrain quant au pourcentage. Dans certaines régions, jusqu'à 28 % de tous les Ouïghours, surtout les hommes, sont internés dans des régions ouïghoures. Nous avons des preuves plus systématiques que les documents du gouvernement chinois prouvent que ces camps sont conçus pour leur laver le cerveau, une citation littérale tirée de documents chinois. Nous avons des preuves que le travail forcé est une politique gouvernementale systématique à différents niveaux, tant pour les camps d'internement que pour tous les hommes ou adultes de la société. Nous avons de nouvelles données probantes sur la séparation des parents et des enfants comme pratique et politique systématiques et, tout récemment, des données probantes sur le génocide démographique et la stérilisation.
    Nous disposons d'un énorme corpus de nouvelles données probantes.
    J'aimerais revenir sur ce point.
    Vous avez mentionné qu'il y a énormément de données probantes qui établissent que des fuites du Parti de la communauté chinoise nous permettent de vérifier cela de façon indépendante. Il ne s'agit pas simplement d'informations anecdotiques comme c'était le cas auparavant.
    Nous savons que la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui date du 9 décembre 1948, communément appelée Convention sur le génocide, dit ceci à l'alinéa d) de l'article II: « Dans la présente convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». On y donne un certain nombre d'exemples comme « meurtre de membres du groupe », « atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ». On poursuit avec l'alinéa d), qui est « entraver les naissances au sein du groupe ». L'alinéa e) porte sur le « transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ».
    Compte tenu de ce que je viens de mentionner, à savoir la Convention sur le génocide, dont la Chine et le Canada sont signataires, et compte tenu de ce que vous venez de mentionner, monsieur Zenz, au sujet des nouveaux renseignements que nous avons pour les titulaires de doctorat et les professeurs, avez-vous l'impression maintenant que nous pouvons dire avec certitude que ce que nous voyons correspond à la définition de génocide selon la Convention?
    À mon avis, cela répond à la définition de génocide, plus précisément en ce qui concerne la prévention des naissances, et en partie et dans une certaine mesure, à d'autres critères, comme les atteintes à l'intégrité mentale et la séparation des enfants de leurs parents. L'intention est de briser et d'assimiler les Ouïghours. En ce sens, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un génocide comme le génocide nazi qui visait littéralement à anéantir le groupe ethnique dans son ensemble, mais il est conçu pour détruire le groupe ethnique en partie sur le plan de l'identité et même de la taille de la population.
(1220)
    Il vous reste 30 secondes.
    Merci. Je vais laisser le temps aux autres de répondre.
    Merci.
    Nous allons passer à...
    La définition de génocide en est un exemple simple. Pendant l'Holocauste, les cheveux étaient rasés et servaient à faire des perruques. C'était durant l'Holocauste. C'est la même chose à l'heure actuelle. Ce n'est qu'un exemple simple.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Brunelle-Duceppe, pour cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Kilgour, nous n'avons pas encore eu la chance de vous poser des questions.
    Plus tôt, nous avons parlé des pays qui ont infligé des sanctions à la Chine au sujet de ce qui se passe au Xinjiang. Savez-vous si cela a eu un effet sur les relations entre la Chine et ces pays?
    D'abord, je dois faire une remarque sur ce qui a été dit. J'imagine que tous les députés ont vu ce qui s'est passé à Auschwitz. Vous pouvez voir des cheveux exposés dans les musées là-bas. Comme Mme Mahmut vient de le dire, c'est vraiment horrible. Il y a 13 tonnes de cheveux d'Ouïghours.

[Traduction]

    Il s'agissait de produits capillaires, y compris des perruques.

[Français]

    Bref, j'ai appris beaucoup de choses sur la question que vous avez soulevée.
    Notre déficit en matière d'exportations vers la Chine se chiffre maintenant à 40 milliards de dollars. Combien de vos électeurs sont en chômage à cause de cela?
    Les Américains et les Européens ont éliminé beaucoup d'emplois. J'espère que M. Zenz et les autres témoins en parleront aussi. Par exemple, aux États-Unis, des milliers d'usines sont fermées à cause de la Chine.
    M. Zenz pourrait peut-être formuler des commentaires à ce sujet.
    Monsieur Zenz, pouvez-vous répondre à la question que j'ai posée à M. Kilgour?
    C'est au sujet des pays qui ont infligé des sanctions à la Chine à cause de ce qui se passe sur leur territoire. Quels en ont été les effets sur leurs relations avec la Chine?

[Traduction]

    Sur des sanctions par les États-Unis...? Je ne suis pas particulièrement au courant de cela.

[Français]

    D'accord.
    Monsieur Kilgour, je continue avec vous.
    Nous parlons des sanctions infligées en vertu de la loi de Magnitski. Je pense que la plupart des gens ici s'entendent pour que ce soit fait rapidement.
    Quelles autres mesures serait-il également approprié d'entreprendre quant aux pratiques troublantes de la Chine touchant les adeptes du Falun Dafa?
    Je n'ai pas bien compris votre question.
    Que pouvons-nous faire? Quels effets pouvons-nous avoir rapidement et à court terme?
    Nous avons appliqué la loi de Magnitski à des gens du Venezuela et de bien d'autres pays, mais, bizarrement, nous ne l'avons pas appliquée à une seule personne de la Chine. Pour faire suite à ce dont nous avons parlé aujourd'hui, il semble que nous n'avons pas le droit d'appliquer la loi de Magnitski à des gens de ce régime criminel en Chine. C'est absolument bizarre.
    J'aimerais poursuivre avec M. Kovalio, à qui je n'ai pas eu la chance de parler.
    Pouvez-vous citer des situations s'étant produites au cours de l'histoire et jusqu'à aujourd'hui qui ressemblent à ce qui se passe actuellement au Xinjiang?

[Traduction]

    Je dirais presque instantanément que les politiques de Xi Jinping en particulier — autrement dit, depuis décembre 2012 — nous rappellent les politiques de Staline en matière de soviétisme et de russianisation qui, bien sûr, ont déplacé les Tatars de la Crimée, par exemple, dans environ trois autres endroits de l'Union soviétique de l'époque.
    J'aimerais également parler d'un point soulevé par M. Jazexhi. Si je prononce mal votre nom, monsieur, je m'en excuse, car ce que vous avez dit est extrêmement important. Il y a l'Organisation de la Conférence islamique, qui compte 57 nations. Quelle est la réaction de ces nombreuses entités, particulièrement les trois que j'ai mentionnées dans le contexte de mon interprétation historique de l'accès renouvelé, c'est-à-dire la Turquie, l'Iran et, bien sûr, le Pakistan, qui est très près de la Chine depuis de nombreuses décennies? C'est quelque chose qu'il faut vraiment mettre en lumière.
    En plus de M. Brunelle-Duceppe, d'autres points ont été soulevés ou demandés...
(1225)
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à Mme Vandenbeld, pour cinq minutes.
    Je remercie mes collègues des excellentes questions qu'ils ont posées aujourd'hui.
    J'aimerais revenir sur quelque chose qui a été dit plus tôt.
    De toute évidence, la Chine déploie beaucoup d'efforts pour s'assurer que la communauté internationale ne voie pas nécessairement ce qui se passe. On a parlé de la mise en scène — je crois que M. Zenz a parlé de « visites guidées » —, mais aussi des communications, et du fait d'empêcher les communications du Xinjiang vers le reste du monde.
    Cela indique-t-il que les pressions exercées par la communauté internationale modifient la politique chinoise et ont des répercussions sur la Chine?
     Dans une certaine mesure, oui. Il y a eu une campagne. La Chine se préoccupe de son image, peut-être encore plus parmi les pays de l'initiative La ceinture et la Route. Je crois que la Chine cherche encore plus à garantir son statut et son image dans les pays de La ceinture et la Route. Elle fait particulièrement attention de ne pas s'aliéner les pays musulmans, parce qu'elle sait que les populations musulmanes pourraient se retourner de manière très significative contre elle, ce qui serait un vrai problème.
    Cependant, je pense qu'il n'y a eu d'impact que sur la forme. Il n'y a pas eu de véritable changement de politique. Il faudrait que je fasse une évaluation très objective de l'impact réel de l'attention occidentale sur le Xinjiang, au Xinjiang même. À mon avis, il est beaucoup plus probable de changer la situation sur le terrain en se concentrant sur le travail forcé et l'éthique du travail forcé.
    Plus tôt, j'ai mentionné que les entreprises occidentales ne sont pas aussi impliquées; je parlais de l'État policier et de la technologie de sécurité. Les entreprises occidentales sont impliquées dans leur chaîne d'approvisionnement, surtout dans le textile, et dans une certaine mesure dans d'autres produits. C'est également spécial parce que la main-d'oeuvre ouïghoure est transférée dans d'autres provinces et utilisée dans d'autres usines, dans d'autres régions de la Chine. Je pense qu'il est très important de mettre l'accent sur le travail forcé et l'éthique du travail forcé, sur la sensibilisation des consommateurs.
    La deuxième voie vraiment importante est celle des pays musulmans. Comme on l'a déjà mentionné, l'OCI, l'Organisation de coopération islamique, a été cooptée à un haut niveau par la Chine. Elle a été achetée par la Chine, pour ainsi dire, de sorte que sensibiliser encore plus la population générale de ces pays musulmans, trouver un moyen... Et, bien sûr, si des pays comme le Canada infligent des sanctions et font de grandes choses qui font les manchettes, cela pourrait être très utile.
    Merci.
    Je vais donner la parole aux autres témoins, si vous le permettez.
    Allez-y, monsieur Jazexhi.
    Oui, merci.
    Je voulais simplement répondre à votre question et à celle de M. Kovalio lorsqu'il a demandé où se trouvent l'OCI, la Turquie, l'Iran et le Pakistan.
    Il y a quelque chose que nous ne faisons pas bien dans le dossier du Xinjiang et des Ouïghours. Premièrement, les États-Unis ont pris les devants. Il faut savoir que dans les pays musulmans, les États-Unis n'ont pas une très bonne image. Ce que la Chine est en train de faire, c'est essayer de faire passer cela comme une sorte d'intervention impérialiste dans ses affaires internes.
    Les Canadiens se doivent d'aider les organisations de la société civile et les pays musulmans à dénoncer ce que l'on fait aux Ouïghours. Comme je l'ai dit, il s'agit après tout de musulmans et le monde musulman est très touché par cela. Nous avons vu des manifestations et des articles à ce sujet, de la Bosnie à l'Indonésie. Mais, de façon très intelligente, la Chine corrompt les dirigeants de beaucoup de ces pays. Elle leur donne des armes et des produits de haute et moyenne technologie, et elle leur dit: « Regardez, tout va bien au Xinjiang. Nous ne faisons rien aux Ouïghours; les Américains mentent. » En fait, nous ne savons pas nous y prendre pour aborder les pays islamiques et leur dire de se tenir debout.
    Vous devez savoir quelque chose. Après avoir quitté le Xinjiang, j'ai écrit un article intitulé « Que peut faire le monde musulman pour sauver les Ouïghours et l'islam en Chine? » Une semaine plus tard, l'ambassadeur de la Chine à Ankara m'a répondu que j'attaquais les membres du Parti communiste chinois. Les Chinois ont prétendu que j'étais un menteur. J'ai répondu à l'ambassadeur de la Chine à Ankara. Je lui ai dit que je m'appuyais sur des faits, que j'avais des vidéos.
    Vous devez être conscients que les Chinois redoutent une réaction du monde musulman, parce que ça porterait tort à leur portefeuille.
(1230)
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson, pour cinq minutes.
    Merci à tous de vos questions.
    Je suis désolée de vous interrompre.
    J'ai quelques questions à poser. La première s'adresse à M. Zenz, et elle concerne la participation des entreprises occidentales aux chaînes d'approvisionnement.
    Pourriez-vous nous parler un peu du rôle que le gouvernement du Canada pourrait jouer pour s'assurer que nos sociétés canadiennes ou les sociétés internationales fassent preuve de diligence raisonnable pour satisfaire... que leurs chaînes d'approvisionnement n'aient pas recours au travail forcé? Je pense que nous savons que plus de 80 multinationales sont impliquées dans cette affaire. Je me demande si vous pourriez nous en parler un peu, s'il vous plaît.
     Je pense que la première possibilité est de sensibiliser le public. Quand les gouvernements émettent des avertissements sur la chaîne d'approvisionnement, comme l'ont fait les gouvernements du Royaume-Uni et des États-Unis lorsqu'ils ont émis des avertissements précis sur la chaîne d'approvisionnement pour leurs entreprises ou pour les entreprises en général, cela a une grande incidence. Je pense que c'est une chose que les gouvernements doivent absolument faire. Ils doivent sensibiliser les gens et nommer les choses par leur nom.
    Le deuxième aspect est d'ordre juridique. Aux États-Unis, le Customs and Border Protection peut intercepter des envois sur simples soupçons d'association à du travail forcé. Le fardeau de la preuve incombe à l'entreprise importatrice. Au Royaume-Uni, on peut invoquer une loi contre l'esclavage, qui est cependant contestée. Le gouvernement peut être poursuivi pour l'appliquer, même s'il n'a pas vraiment eu tendance à l'appliquer.
    Je ne connais pas la législation canadienne, mais je crois qu'il faudrait exploiter absolument toutes les possibilités juridiques. Si les instruments juridiques n'existent pas, il serait grand temps d'adopter une loi pertinente ciblant la place du travail forcé dans les chaînes d'approvisionnement des entreprises qui font des affaires avec le Canada.
    Nous avons un ombudsman des entreprises, mais il n'a pas les pouvoirs voulus pour bien faire son travail. C'est peut-être quelque chose que nous pourrions examiner.
    Monsieur Jazexhi, j'ai une brève question au sujet de votre séjour en Chine. Vous étiez au Xinjiang pour observer. Un outil que nous pourrions utiliser serait de promouvoir d'autres missions d'observation par l'entremise des Nations unies. Nous pourrions demander cela et exercer des pressions en ce sens.
    Pouvez-vous nous dire si vous pensez que ce serait une prochaine étape appropriée pour le Canada?
    Oui, ce serait une mesure très appropriée pour le Canada. Cependant, les observateurs, si la Chine les accepte, devraient être très exigeants et ne devraient pas permettre aux Chinois de déterminer leur programme. Je connais beaucoup de diplomates et de journalistes qui ont été envoyés au Xinjiang, où ils ont participé à des visites guidées. À leur retour, ils n'avaient rien à signaler. C'est à cause de la façon dont les Chinois manipulent les étrangers sur place. Ils leur font visiter de grandes usines et des mégaprojets. Ils leur présentent des familles ouïghoures à qui les autorités ont soufflé d'avance ce qu'elles devraient dire. Pendant tout ce temps, ils sont accompagnés d'agents du gouvernement.
    Ces observations n'ont aucune consistance. Nous devrions envoyer de vraies équipes d'observation pour enquêter, et ne pas permettre aux Chinois de les interrompre et de contrôler leur programme.
(1235)
    Merci beaucoup.
    J'ai encore une minute et une très brève question pour Mme Mahmut.
    Nous avons un peu parlé des Ouïghours au Canada qui font l'objet d'intimidation et d'une possible surveillance. Selon vous, le gouvernement canadien en a-t-il fait assez pour protéger cette communauté installée au Canada?
    Jusqu'à maintenant, je n'ai pas vu de mesure législative précise visant à protéger les Ouïghours. Oui, nous recevions des appels auparavant; maintenant, plus rien. Tout est coupé. Nous craignons toujours d'être sous la surveillance de l'ambassade de la Chine. C'est le sentiment que nous avons. Nous sommes inquiets. Lorsque nous avons des activités de défense des droits, par exemple, il y a toujours une présence de l'ambassade. C'est intimidant.
    Je n'ai pas vu de projet de loi précis visant à nous protéger. Ce devrait être une prochaine étape, oui, une étape de plus, je ne sais pas, pour assurer la protection des droits de la personne des Ouïghours au Canada.
    Merci.
    Ce qui nous amène à notre dernier tour. Chaque parti aura cinq minutes.
    Nous allons commencer par Mme Khalid.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur certaines des choses que vous avez tous abordées aujourd'hui.
    Monsieur Kovalio, dans votre témoignage, vous avez parlé un peu de l'histoire et des raisons officielles pour lesquelles la Chine persécute la communauté ouïghoure. Sur le terrain, au sein de la communauté ouïghoure en Chine, je crois comprendre que certains Ouïghours aimeraient avoir plus d'autonomie en Chine. Il y en a d'autres qui aimeraient avoir de l'autonomie ou se séparer de la Chine. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? La réponse de la Chine a été de porter des accusations de terrorisme ou d'extrémisme religieux.
    Vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus à ce sujet, monsieur Kovalio, puis j'aimerais entendre Mme Mahmut sur la même question.
    Merci.
     C'est un bon point. Je vous remercie de la question.
    La situation générale s'aggrave considérablement, surtout dans le cas des Ouïghours, ainsi que des Tibétains, soit dit en passant, car c'est exactement ce que Chen Quanguo a fait au Tibet. Il a fait pression sur les Tibétains et leur économie, méthodes qu'il a importées en partie au Xinjiang. C'est pourquoi, comme je le disais plus tôt, il a été sanctionné la semaine dernière par le Congrès américain.
    En général, le genre d'État que Xi Jinping essaie de construire en Chine depuis décembre 2012 a consisté à imposer — à toute la population et de toutes les manières possibles — une forme d'identité han. Techniquement, cela commence bien sûr par la langue. C'est pourquoi les autorités exercent des pressions constantes dans le domaine de l'enseignement, non seulement dans les écoles, mais aussi par le détachement de Chinois han auprès de familles ouïghoures pour les former à la culture chinoise, si vous voulez, et bien sûr, aussi en nationalisme chinois, qui est redevenu extrêmement fort depuis décembre 2012. On constate le même genre de politique au Tibet.
    Lorsque nous parlons de la différence entre la tradition ouïghoure et la tradition chinoise, c'est un aspect que nous ne pouvons pas négliger, et c'est très fondamental. Lorsqu'on parle d'un groupe autochtone très important comme les Ouïghours, qui sont monothéistes, et de la tradition chinoise, qui non seulement n'est pas monothéiste, mais dans laquelle la religion a toujours été — au moins depuis 2 000 ans, si vous voulez, dans le contexte du confucianisme, qui n'est pas une religion — totalement subordonnée à l'État, il y a un conflit de valeurs — faute d'un meilleur terme — qui se manifeste chaque fois et qui va rendre très difficile la recherche d'un modus vivendi plus humain, entre le régime chinois de Xi Jinping et la population autochtone ouïghoure du Xinjiang.
    Je n'envisage pas l'avenir de façon très positive, pas du tout.
(1240)
    Merci.
    Madame Mahmut, pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Je suis tout à fait d'accord avec M. Kovalio. De plus, j'ai grandi là-bas et j'ai tout vu. Je pourrais vous donner des tas d'exemples, mais compte tenu du temps dont nous disposons, ça ne me sera pas possible. Cependant, sachez que l'autonomie que nous avons depuis longtemps n'est que théorique; elle n'a rien de concret, de réel. Cette atrocité n'est pas un génocide d'un ou deux jours; c'est un long, très long génocide qui se déroule au ralenti.
    Le gouvernement chinois veut faire main basse sur notre territoire et nos ressources. Tout ce qui diffère des Chinois han, une culture différente, est considéré comme une menace pour le pays. Je ne crois pas que nous aurons une région démocratique autonome ou quelque chose du genre.
    Merci, madame Mahmut.
    Nous passons maintenant à M. Genuis, pour cinq minutes.
     Merci, monsieur le président. Je vais essayer de partager mon temps avec M. Sweet.
    Ce que je vais dire pourra sembler un peu bizarre, mais je crois que c'est important. Il vaut la peine de souligner, je pense, que le confucianisme ne renvoie pas uniquement au genre de système en place en Chine. La Corée du Sud et Taiwan sont profondément influencés par le confucianisme. Les dirigeants autoritaires détournent les idéaux du confucianisme en matière de piété filiale, et ils oublient la bienveillance à laquelle ils sont tenus et qui est profondément ancrée dans la philosophie confucianiste. Il est important de le souligner pour contredire une partie de la propagande de la République populaire de Chine sur la culture chinoise et le confucianisme.
    J'aimerais revenir sur les points soulevés par Mme McPherson au sujet des chaînes d'approvisionnement et demander à M. Zenz s'il a des réflexions sur la Uighur Forced Labour Prevention Act aux États-Unis, et si cela constitue un bon modèle.
    Je me demande également si quelqu'un a d'autres commentaires à faire sur la question de la collaboration avec les pays musulmans. Il me semble que nous devons faire une distinction entre les dirigeants des pays à majorité musulmane et les peuples de ces pays, parce que les dirigeants de ces pays ont malheureusement, dans bien des cas, choisi de fermer les yeux et, dans certains cas, ont même été complices de la promotion de discours antimusulmans dans d'autres pays, peut-être pour justifier leur propre oppression intérieure. Je pense que nous pourrions jouer un rôle important en essayant de mobiliser les dirigeants de la société civile dans les pays à majorité musulmane et de bâtir des coalitions, non seulement au niveau du gouvernement, mais au niveau de la société civile, pour faire avancer ces questions. Est-ce que le Canada ou d'autres pays occidentaux pourraient jouer un rôle de chef de file à cet égard?
    Donc, sur ces deux points, les chaînes d'approvisionnement et la participation de la société civile dans les pays à majorité musulmane, j'aimerais entendre M. Zenz et quiconque veut intervenir.
     Je pense que la loi sur la prévention du travail forcé, que j'apprécie au plus haut point, est une mesure législative proposée très efficace. Premièrement, elle crée la présomption réfutable que tous les biens fabriqués au Xinjiang sont issus du travail forcé. C'est approprié, non pas parce que tous les biens le sont littéralement, mais parce que c'est impossible à dire, étant donné qu'il s'agit d'une politique très répandue. Par conséquent, il est tout à fait approprié de créer cette présomption réfutable.
    La mesure législative précise en outre qu'il faut enquêter sur la façon dont le travail coercitif passe du Xinjiang à d'autres régions de la Chine, dans le cadre du programme d'aide au jumelage mutuel. Je recommanderais fortement à d'autres pays de se pencher sur cette question. La loi sur la prévention du travail forcé chez les Ouïghours, qui est très solide, s'appuie en grande partie sur le résultat de mes recherches. C'est très bien.
    Voulez-vous que je commente le deuxième point?
    Ça va comme ça, à moins que vous n'insistiez.
    Quelqu'un veut-il commenter ce deuxième point en particulier?
    Oui, si vous me le permettez.
    Excellent.
    Pour répondre à votre question sur ce que le Canada devrait faire, votre argument concernant la participation de la société civile dans les pays musulmans est très bon. Comme nous le savons, de nombreux pays musulmans n'ont pas de démocratie. Par contre, nous avons des pays musulmans qui pratiquent la démocratie, de l'Indonésie à la Malaisie, en passant par la Turquie. Il y a là un énorme débat sur la question des Ouïghours, surtout en ce qui concerne la Turquie. Nous devrions réfléchir à la façon dont nous pouvons jeter des ponts avec de nombreux pays musulmans démocratiques dans le monde, et même engager la société civile dans d'autres pays, parce que la société civile peut être une voix très puissante pour faire pression sur les gouvernements afin qu'ils trouvent l'audace de se lever et de dire quelque chose.
    Permettez-moi d'ajouter une chose. D'après mes observations suite à ma visite au Xinjiang, je dois vous dire que la Chine est très préoccupée par les musulmans, parce qu'elle perçoit le monde musulman comme son arrière-cour, comme son espace d'impérialisme chinois; donc, si le monde musulman se tient debout, la Chine va modifier son comportement.
(1245)
    Merci.
    Puis-je donner la parole à M. Sweet pour une minute?
    Il vous reste environ 20 secondes.
    Nous allons passer à M. Brunelle-Duceppe, pour cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Madame Mahmut, la crise liée à la COVID-19 complique-t-elle vos démarches et votre travail? Pensez-vous que le gouvernement chinois profitera de ce contexte pour accélérer le génocide culturel visant les Ouïghours?
    Le gouvernement chinois profite en effet de la crise liée à la COVID-19. Des preuves déjà publiées indiquent que la majorité des entreprises de la Chine manque de travailleurs à cause de la COVID-19. On envoie les Ouïghours dans les entreprises de première ligne pour remplacer les travailleurs chinois en Chine.
    Beaucoup d'usines ont fermé leurs portes, mais le travail forcé dans notre région se poursuit. Les Ouïghours sont toujours en train de travailler. Cela veut dire que le gouvernement chinois a profité du fait que d'autres Chinois ne pouvaient pas travailler, à cause de la COVID-19, pour les remplacer par les Ouïghours.
    J'ajoute que l'on ne sait pas ce qui s'est passé relativement à la COVID-19. Je pense qu'il y a beaucoup de gens malades là-bas, mais l'information est très contrôlée. Le gouvernement a envoyé une masse de gens pour remplacer des Chinois, à l'intérieur de la Chine ou dans des régions éloignées.
    Je vous remercie beaucoup, madame Mahmut.
    Monsieur Zenz, dans votre rapport, vous dites que « quand Beijing cite le nombre d'Ouïghours du Xinjiang, il retranche jusqu'à 8 à 10 millions de personnes du chiffre réel » parce que la naissance de beaucoup de ces gens « contreviendrait aux politiques de planification familiale ». De plus, on dit que les recensements sont moins rigoureux depuis quelques années.
    Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le recensement de la population du Xinjiang est moins rigoureux que par le passé?

[Traduction]

     L'argument que je fais valoir dans mes recherches, c'est que les chiffres les plus récents sur la population ouïghoure sont probablement exacts. Ils ont rattrapé leur retard. Certaines années, la population ouïghoure a beaucoup augmenté.
     La croissance de la population ouïghoure a été l'une des plus fortes en Chine. Beaucoup sont nés en violation des politiques de contraception. Par conséquent, il y a une importante population ouïghoure qui n'a pas été consignée, et il n'y a aucun registre à cet égard. Ça a été un gros problème pour le gouvernement. Je crois que c'est l'une des principales raisons pour lesquelles il se livre à ce génocide démographique, à la prévention des naissances, pour exercer un contrôle plus serré sur la population. On constate des pics soudains de population dans les régions ouïghoures.
    Je pense que les chiffres les plus récents concernant la population ouïghoure sont assez exacts et reflètent une diminution spectaculaire de sa croissance démographique.
(1250)

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Zenz.
    Monsieur Jazexhi, plus tôt, vous avez parlé de l'impérialisme chinois en Asie. Pouvez-vous préciser en quoi consiste cet impérialisme chinois en Asie?

[Traduction]

    Ce qui se passe aujourd'hui sur notre planète, c'est qu'il y a un conflit entre l'impérialisme chinois, d'une part, et l'héritage des empires anglo-américains du passé, d'autre part. Aujourd'hui, la Chine est un empire en croissance, un empire ambitieux en expansion.
     Au cours de notre visite au Xinjiang, dans tous les établissements que nous avons visités, tout le parti, l'État et les gens travaillaient à la réalisation du grand projet de Xi Jinping, qui consiste à construire une ceinture et une route. Dans chaque institution et musée où nous sommes allés, les Chinois faisaient la propagande de leur ambitieux projet la Ceinture et la Route qu'ils veulent faire passer du Maroc à Istanbul et même en Europe. Les Chinois sont en train de bâtir un nouvel empire économique dans toute l'Asie et toute l'Afrique, et leur ambition vise fort probablement même l'Europe, grâce à leur production bon marché.
    Merci.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Jazexhi.

[Traduction]

    Madame McPherson, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    J'ai quelques questions. J'aimerais revenir sur certains points concernant la contraception et la stérilisation, sachant qu'il s'agit d'un élément clé du génocide et qu'il est conforme à la déclaration universelle de génocide. J'aimerais parler un peu de certains effets sexospécifiques.
     Je suis une ardente défenseure d'une politique féministe en matière d'affaires étrangères pour le Canada. Je sais que M. Zenz a fait beaucoup de travail à ce sujet, et je cite: « les femmes qui ont au moins deux enfants de plus que le nombre maximal prévu doivent prendre des mesures contraceptives efficaces à long terme et suivre une formation professionnelle ».
    Pourriez-vous nous dire si ces politiques ciblent uniquement les femmes qui ne respectent pas le quota des naissances, ou si les pères sont également envoyés à la formation professionnelle pour la même raison?
     Je crois que les données dont nous disposons indiquent que si une famille contrevient aux politiques de contraception, les maris sont souvent punis. Beaucoup des personnes qui sont visées par l'internement sont des hommes. Je crois que l'une des raisons est d'accroître le contrôle sur la société ouïghoure, qui est très patriarcale. Vous avez plus de contrôle sur des familles entières, et sur les femmes, si les hommes ont été écartés, et aussi si ce sont les hommes qui sont brisés, battus jusqu'à ce qu'ils se soumettent, puis soumis au travail forcé.
    Les femmes, cependant, sont ciblées par des mesures de prévention des naissances, par l'insertion de DIU. La stérilisation est réservée aux femmes. Nous pouvons le constater à partir des documents budgétaires. Les femmes font l'objet de vérifications trimestrielles de DIU, de vérifications bimensuelles de la grossesse, de visites mensuelles. Les femmes sont soumises à ces visites intrusives. Des cadres chinois han, souvent des hommes, restent avec elles, passent du temps avec elles, ce qui soulève également de réelles questions sur le potentiel d'abus dans ces contextes.
    Les hommes sont écartés. Cependant, il y a des femmes qui sont placées dans des camps d'internement. Il y a des exemples de femmes qui ont été envoyées dans des camps pour avoir enfreint ces politiques.
    Dans les exemples où les femmes et les hommes sont tous les deux envoyés dans les camps et écartés, je pense que vous avez fait mention des enfants qui sont placés dans des orphelinats. Pourriez-vous nous parler un peu de la situation et de l'ampleur du problème?
    La portée est... Dans la plupart des cas, un parent est écarté et l'autre reste à la maison, même s'il travaille à temps plein. Un scénario très problématique est celui où les maris sont dans des camps, ou dans des lieux de travail éloignés, et les femmes sont dans des usines, des usines satellites locales pourvues de pouponnières, et il y a des écoles maternelles, alors même les bébés sont pris en charge par le gouvernement, du moins le jour.
    Il y a de plus en plus de cas où les deux sont internés et où les enfants sont pratiquement orphelins, étant pris en charge par des membres de la famille ou par le gouvernement. Il y a des documents qui montrent qu'ils sont placés dans des orphelinats, des foyers d'aide sociale. C'est très vaste, mais le scénario encore plus courant est celui où tous les enfants, même lorsque les parents sont à la maison, ou peu importe la situation, sont dirigés vers un pensionnat, et ce, pour des périodes de plus en plus longues. À partir du préscolaire, mais surtout du primaire... Des écoles primaires sont en train d'être installées dans des complexes d'écoles intermédiaires, parce que ce sont de grands complexes. On y trouve des dortoirs, des installations. Ils y restent toute la semaine, et peut-être qu'ils peuvent rentrer chez eux un jour par semaine. Dans certains cas, cependant, c'est toutes les deux semaines.
    Avec la sécurisation de toute la société, nous devons aussi regarder au-delà de la campagne d'internement et voir l'impact à long terme de la pratique de séparer les familles et les enfants pendant longtemps, même lorsqu'il n'y a pas d'internement ou que les parents ont été libérés. C'est énorme. C'est un système de séparation intergénérationnelle à très long terme.
(1255)
    Merci beaucoup.
    Je crois connaître la réponse à cette question, mais existe-t-il des moyens de contester les décisions prises en matière de stérilisation ou de contraception?
    Par des gouvernements étrangers? Vraiment, à quoi servent les Nations unies? Sur quelle planète vivons-nous?
     Je commence à laisser tomber ce que j'ai à dire et à penser à ce sujet. C'est ridicule. Cela dure depuis 2017. Mon rapport de recherche sur les camps a été publié en 2018. En 2019, il y a eu les China Cables, etc., et maintenant ceci. Qu'attendons-nous?
    Certes, la Chine est un grand pays à qui aucun gouvernement de la planète n'ose s'opposer. Tout le monde s'exprime à mots couverts. Il faudrait commencer par là, puis, dans un second temps, envisager d'imposer des sanctions et d'intervenir aux Nations unies...
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Cela met fin à notre premier groupe de témoins.
     Au nom du Comité, je tiens à remercier les témoins de leurs témoignages convaincants. Je tiens également à remercier tous les membres du Comité de leurs excellentes questions, les analystes et les interprètes qui sont avec nous aujourd'hui, ainsi que tout le personnel qui nous suit — il faut beaucoup de technologie et de savoir-faire pour nous aider — et tous ceux qui nous regardent.
    Je tiens à remercier notre greffière, Erica Pereira, d'avoir organisé tout cela et de nous avoir permis de rester sur la bonne voie.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance pendant 15 minutes, le temps que notre deuxième groupe de témoins s'installe. Merci.
(1255)

(1315)
     La séance est ouverte.
    Je tiens à remercier tout le monde. Nous venons d'entendre un excellent premier groupe de témoins, et je suis certain que celui-ci ne fera pas exception.
    Bienvenue à la quatrième séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes. Les témoins d'aujourd'hui comparaissent principalement par vidéoconférence, et les délibérations seront mises à la disposition de tous nos téléspectateurs sur le site Web de la Chambre des communes.
    Si des problèmes techniques surviennent, par exemple en ce qui concerne l'interprétation ou votre audio, veuillez en informer immédiatement le président, et l'équipe technique travaillera à les résoudre.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Notre premier témoin sera Rayhan Asat, présidente de l'American Turkic International Lawyers Association. Nous entendrons ensuite Alex Neve, secrétaire général d'Amnistie internationale Canada, puis l'honorable Irwin Cotler, président fondateur du Centre Raoul Wallenberg des droits de la personne.
    Sur ce, je remercie les témoins. Chaque témoin aura six minutes pour faire une déclaration préliminaire. Nous allons commencer par Rayhan Asat.
    Je comparais devant vous aujourd'hui à titre d'avocate, de porte-parole, de sœur et de membre de la communauté ouïghoure.
    L'année 2020 marque le quatrième anniversaire de la crise des droits de la personne des Ouïghours, un génocide dévastateur, et pourtant nous n'avons pas dépassé le stade des palabres. J'espère qu'après ces audiences nous aurons compris que nous n'avons plus de temps à perdre pour sensibiliser les gens. Il faut agir.
    Il y a un peu plus de quatre ans, j'étais sur le point d'obtenir mon diplôme en droit de Harvard et de commencer ma carrière d'avocate à Washington, D.C. J'avais de grands espoirs et de grands rêves pour mon avenir. Je n'avais jamais pensé passer les quatre années suivantes de ma vie à rechercher mon frère et à me demander s'il était vivant.
    Mon frère, Ekpar Asat, est le fondateur d'une plateforme médiatique à plusieurs volets, Bagdax; c'est un philanthrope. Par-dessus tout, il est mon point d'ancrage et mon meilleur ami. En 2016, il est venu aux États-Unis avec huit Chinois han dans le cadre d'un parrainage du département d'État dont de nombreuses personnes ont bénéficié pendant des décennies.
    Au retour de ce voyage, il a été jeté dans le tristement célèbre camp d'internement ou de concentration et, plus tard, il aurait été emprisonné. Encore un avenir prometteur coupé court. Mon frère a été salué par le gouvernement local comme un bâtisseur de ponts et une force positive pour sa contribution à la société, mais comme il est ouïghour, il subit le même sort que des millions d'autres. Le cas de mon frère devrait dissiper toute illusion quant à savoir s'il s'agit de transformer les Ouïghours en Chinois modèles.
    Les sentiments de perte sont encore vifs et douloureux. J'ai appris à composer avec cela, mais son absence se fait de plus en plus sentir. Les paroles écrites par Michael Kovrig dans sa petite cellule m'interpellent personnellement: « Soyez assurés que je demeure résolu et résilient. Vous devez être inlassables. » Je ne peux m'empêcher de penser que mon frère demande la même chose. Je suis donc inlassable et vous devriez l'être aussi.
    Faire la lumière sur la vérité peut être une question de vie ou de mort en ce qui concerne la Chine. Au moment où je prends la parole aujourd'hui, je suis terrifiée à l'idée que mon frère puisse être soumis à la torture, au simulacre de noyade ou à l'électrocution, car il s'agit là de traitements cruels courants que les détenus doivent subir dans ces camps d'internement.
    Le plus affligeant dans tout cela, c'est que le produit du travail forcé de mon frère a peut-être alimenté et entaché les échanges internationaux. Nos entreprises profitent, sans le savoir ou en toute connaissance de cause, du travail forcé des Ouïghours, et nous, comme consommateurs, sommes complices de l'utilisation de ces produits. Selon le New York Times, les masques produits par le travail forcé des Ouïghours sont maintenant écoulés sur les côtes de l'Amérique du Nord.
    La route vers la dignité humaine fondamentale pour le peuple ouïghour, pour le monde entier, a été longue et tortueuse. Le monde se réveille peut-être enfin devant les atrocités de masse qui se produisent au Xinjiang en raison des récents événements hautement publics qui choquent la conscience.
    Le premier est un rapport qui fait autorité et qui documente la stérilisation systématique de masse forcée des femmes ouïghoures. La deuxième est une vidéo montrant des centaines d'hommes ouïghours yeux bandés, enchaînés et rasés qui sont conduits dans des trains au Xinjiang. Certains ne se rendent peut-être même pas compte que ces images ont près d'un an. Les méthodes d'éradication ont certainement augmenté depuis. Le troisième est la saisie de 13 tonnes de cheveux humains soupçonnés d'avoir été enlevés de force aux prisonniers ouïghours. Comme femme ouïghoure instruite en Occident, quand je suis confrontée à des pratiques aussi odieuses, cela me brise vraiment le cœur. Cela aurait pu être moi si je n'avais pas quitté la maison il y a plus de 10 ans.
    Le gouvernement chinois est en train de mettre en œuvre un programme systématique à plusieurs volets, avancé sur le plan technologique, visant à détruire l'ensemble des Ouïghours. La semaine dernière, dans Foreign Policy, j'ai publié un article avec l'avocat spécialisé en droits de la personne, Yonah Diamond, de la principale ONG de défense des droits de la personne au Canada, le Centre Wallenberg. Il expose les preuves accablantes d'un génocide au sens de la Convention des Nations unies sur le génocide, y compris la stérilisation massive des femmes et la détention massive d'hommes, la torture et la détention généralisées ainsi que l'enlèvement d'enfants ouïghours sanctionné par l'État.
(1320)
     Il convient de noter que des hommes chinois han sont même affectés à la surveillance des femmes ouïghoures dans leur chambre à coucher pendant que les hommes sont détenus dans des camps d'internement.
    La campagne de Beijing a maintenant l'effet escompté. Le taux de natalité au Xinjiang est en chute libre et les stérilisations forcées montent en flèche. Les femmes sont incapables d'avoir des enfants et les hommes sont incapables de partir; ils ont besoin de nous et il sera trop tard si nous ne prenons pas des mesures urgentes.
    Je demande donc au gouvernement canadien de bien vouloir déclarer officiellement que ce qui arrive au peuple ouïghour est un génocide. Qualifier cela de génocide inciterait d'autres pays à se joindre à un effort concerté pour mettre fin au génocide qui se poursuit au Xinjiang. Il inciterait également les consommateurs à rejeter plus de 80 marques internationales qui profitent de ce génocide.
    Je demande en outre au gouvernement canadien d'infliger des sanctions découlant de la loi Magnitski aux architectes du génocide et de former et de diriger une coalition de pays au Conseil des droits de l'homme des Nations unies pour adopter une résolution afin que les Nations unies puissent envoyer une mission d'enquête au Xinjiang pour documenter davantage et préserver les preuves de génocide.
    J'espère que dans toutes vos rencontres bilatérales, vous allez parler au nom de mes frères et soeurs.
    Merci.
    Merci de votre déclaration préliminaire, madame Asat.
    Nous allons maintenant passer à M. Neve pour sa déclaration préliminaire de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    L'étude par le Sous-comité de la crise des droits de la personne à laquelle sont confrontés les Ouïghours dans la région autonome du Xinjiang, dans l'Ouest de la Chine, est bienvenue et urgente.
    La crise n'est évidemment pas nouvelle. La répression incessante du peuple ouïghour par la Chine remonte à des décennies. Pendant des décennies, toutefois, les gouvernements, y compris celui du Canada, n'ont pas clairement fait comprendre à la Chine que c'était inacceptable et qu'il fallait y mettre un terme. Cela est symptomatique de l'incapacité de la communauté internationale de placer les droits de la personne au coeur des relations avec la Chine, en accordant constamment la priorité aux perspectives de commerce et d'investissement au détriment d'une défense concertée des droits de la personne et de la diplomatie.
    L'ampleur de la souffrance est inimaginable. Depuis 2017, les autorités du Xinjiang mènent une vaste campagne de surveillance intrusive, de détention arbitraire, de torture, d'endoctrinement politique et d'assimilation culturelle forcée, ciblant les Ouïghours, les Kazakhs et d'autres musulmans de la région. Facilement plus d'un million de personnes ont été détenues dans ce qu'on appelle des « centres de transformation par l'éducation » ou « centres de formation professionnelle » où elles ont subi une litanie de violations des droits de la personne.
    Pensons aux manchettes concernant six mesures d'urgence prises par Amnistie internationale au cours des huit dernières semaines, qui témoignent de la nature incessante de la répression: « Le rédacteur en chef Qurban Mamut, âgé de 70 ans, gardé au secret »; « L'homme d'affaires ouïghour Abuduaini Kadier emprisonné suite à un procès secret »; « Graves préoccupations pour la santé du Ouïghour Gulshan Abbas porté manquant »; « Mahira Yakub, une Ouïghoure accusée d'avoir transféré de l'argent à ses parents »; « Le Ouïghour Ekpar Asat emprisonné pendant 15 ans suite à un procès secret »; et « L'universitaire ouïghour Iminjan Seydin réapparaît dans une émission d'une chaîne d'État après trois ans de détention au secret ».
    La répression a été dénoncée par le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale et mise au jour par des journalistes d'enquête. Confronté à des preuves indéniables d'internement de masse, de châtiment arbitraire et de torture, le gouvernement chinois a fini par reconnaître l'existence des camps, mais a prétendu de façon absurde qu'il s'agissait de centres de formation professionnelle à participation volontaire. La véritable portée et la nature de ce qui s'est passé au Xinjiang ne sont pas encore entièrement connues parce que le gouvernement chinois résiste fermement aux appels pour laisser venir des observateurs indépendants dans la région.
    Le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a demandé « l'accès complet à une évaluation indépendante des rapports qui continuent de faire état d'un grand nombre de disparitions forcées et de détentions arbitraires » au Xinjiang. Au cours de la dernière année, notamment il y a à peine trois semaines, le Canada, avec plus de 20 autres pays, s'est joint à trois déclarations sans précédent au Conseil des droits de l'homme des Nations unies et à l'Assemblée générale des Nations unies pour réclamer un accès sans entrave et des enquêtes indépendantes. Le gouvernement chinois n'a tenu compte d'aucune de ces interventions.
    Partout dans le monde, les Ouïghours, les Kazakhs et d'autres musulmans ethniques ont désespérément besoin d'information sur les membres de leur famille au Xinjiang. Beaucoup ont hésité à parler, craignant des représailles. Amnistie a recueilli des centaines de témoignages qui documentent la façon dont les autorités chinoises dans 22 pays les ont harcelés systématiquement.
    Comme membre de la Coalition canadienne pour les droits de la personne en Chine, créée il y a plus de 20 ans, Amnistie internationale a publié un rapport en mai, qui faisait suite à un rapport similaire publié en 2017 et qui documentait une campagne de plus en plus intense d'ingérence, de menaces et de violence à l'endroit de Ouïghours et d'autres défenseurs des droits de la personne au Canada qui attirent activement l'attention sur le bilan atroce de la Chine en matière de droits de la personne. Aucune des mesures recommandées formulées à l'intention du gouvernement canadien par la coalition n'a encore été mise en oeuvre.
    Le Canada peut et doit faire une différence dans des cas individuels. Trois Ouïghours, Ayub Mohammed, Salahadin Abdulahad et Khalil Mamut, ont subi plus de 20 ans de violations des droits de l'homme, d'abord au Xinjiang, puis cinq ans d'emprisonnement illégal à Guantanamo Bay, et maintenant, malgré l'exonération du gouvernement américain, l'exil forcé en Albanie et aux Bermudes, où ils attendent depuis plus de cinq longues années, pendant que le gouvernement canadien retarde leurs demandes de réunification avec leur femme et leurs enfants qui sont citoyens canadiens. Il est inadmissible qu'ils n'aient pas réussi à mettre fin à leur cauchemar en matière de droits de la personne.
    Vous entendrez aujourd'hui Kamila Talendibaevai et l'avocat de sa famille, Chris MacLeod. En 2006, le mari de Kamila, Huseyin Celil, un Canadien ouïghour, a été arbitrairement arrêté par l'Ouzbékistan. Il a été expulsé illégalement, ce qui équivaut à une extradition, et il est maintenant injustement emprisonné en Chine. Depuis 14 ans, ce citoyen canadien n'a même pas eu droit à une visite consulaire de la part de représentants chinois. Kamila n'a eu aucun contact avec la famille de Huseyin en Chine au cours des quatre dernières années. Elle ne connaît rien de son sort et craint particulièrement pour sa santé.
(1325)
    Il est bien sûr important que le gouvernement canadien insiste pour que Michael Kovrig et Michael Spavor soient libérés. Il est essentiel d'exercer des pressions tout aussi fortes pour d'autres Canadiens injustement emprisonnés, dont Huseyin Celil, qui a manqué 14 années de la vie de ses quatre jeunes fils qui grandissent.
    Permettez-moi de terminer par six brèves recommandations.
    Premièrement, le gouvernement canadien devrait mettre en oeuvre une stratégie pangouvernementale des droits de la personne pour les relations avec la Chine, en veillant à ce que les préoccupations relatives aux droits de la personne, y compris la crise ouïghoure, soient systématiquement prioritaires dans toutes les relations avec le gouvernement chinois et les intérêts commerciaux chinois.
    Deuxièmement, élaborer une réponse globale à la crise ouïghoure, y compris des efforts bilatéraux et multilatéraux pour presser la Chine de libérer immédiatement toutes les personnes détenues dans des installations de « désextrémification » et de « transformation par l'éducation » et abroger toutes les mesures qui restreignent l'exercice des droits de la personne par les Ouïghours et les autres minorités musulmanes. Tirer parti de toutes les possibilités d'exercer une pression, par exemple, l'imposition possible de sanctions individuelles en vertu des lois canadiennes, et faire en sorte que, dans l'ensemble de leurs chaînes d'approvisionnement, les entreprises canadiennes ne contribuent pas aux violations des droits de la personne qui peuvent être associées au travail forcé au Xinjiang, ou n'en profitent pas.
    Troisièmement, travailler avec la communauté internationale pour accroître la pression sur le gouvernement chinois afin de permettre un accès indépendant et sans restriction au Xinjiang pour des missions d'enquête menées par des observateurs internationaux.
    Quatrièmement, il faut prendre des mesures immédiates pour contrer le harcèlement et l'intimidation des Ouïghours et d'autres défenseurs des droits de la personne qui examinent les préoccupations en matière de droits de la personne au Canada liées aux Chinois.
(1330)
    Merci, monsieur Neve.
    Il y a deux autres recommandations concernant la réunification et l'affaire Huseyin Celil.
    Merci.
    Je suis sûr que nous aurons l'occasion de les entendre.
    Nous accueillons maintenant le président fondateur du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, l'honorable Irwin Cotler, pour six minutes.
     J'ajoute mes remarques à celles de Mme Asat et M. Neve que je tiens à féliciter pour leur travail acharné et leur engagement.
    Nous nous réunissons à un moment important pour le devoir de mémoire et le rappel de la nécessité de témoigner, comme le permet cette audience, et d'agir, comme Mme Asat et M. Neve le demandent.
    Nous nous réunissons à l'occasion du 21e anniversaire du lancement de la campagne d'élimination du Falun Gong. Cela fait 21 ans que les adeptes du Falun Gong sont victimes de persécution et de poursuites, d'exécutions extrajudiciaires, de torture et d'autres traitements semblables pour la seule raison qu'ils adhèrent aux anciennes valeurs chinoises que sont la vérité, la compassion et la tolérance.
    Nous nous réunissons également à la suite de l'imposition d'une loi draconienne sur la sécurité nationale contre le peuple de Hong Kong, qui marque un moment décisif dans l'offensive chinoise contre les règles mondiales qui fondent l'ordre international. Cette loi a aussi des répercussions sur toute mobilisation à l'échelle internationale, que ce soit au nom des adeptes du Falun Gong ou au nom des Ouïghours, qui risquent donc d'être criminalisés en vertu de cette loi, quand bien même cela se produirait au Canada.
    Nous nous réunissons à l'occasion de la répression massive et brutale des Ouïghours, qui, comme vous l'avez dit au cours de vos audiences aujourd'hui, passe par l'incarcération massive de 1,8 million de musulmans dans des camps de détention.
     Mme Asat a décrit avec éloquence la surveillance de masse, le travail forcé, la torture et les mauvais traitements, les techniques massives de contrôle et de répression de la population, la stérilisation massive, les avortements forcés, les injections coercitives, la séparation forcée de plus d'un demi-million d'enfants ouïghours d'avec leurs familles, et les attaques massives contre leur religion, leur culture, leur identité, leurs traditions et leur mémoire. Le cas d'Ekpar Asat, comme l'a montré Mme Asat, est un miroir de la situation des personnes disparues et caractéristique de ces violations massives des droits de la personne.
    Que faire?
    Premièrement, nous devons non seulement révéler ces crimes contre l'humanité et les exposer au grand jour, mais aussi prendre des mesures pour obtenir justice pour les victimes et pour responsabiliser les auteurs des violations des droits de la personne.
    Deuxièmement, nous devons invoquer et concrétiser la responsabilité de protéger. Nous nous réunissons à l'occasion du 15e anniversaire de l'adoption unanime de cette doctrine par l'ONU. Le Canada en est l'un des architectes. Nous devons maintenant matérialiser cette doctrine à l'égard des Ouïghours au vu de leur souffrance et de leur détresse.
    Troisièmement, nous devons imposer les sanctions prévues dans la loi Magnitski. Les preuves sont claires et irréfutables. Joignez-vous aux États-Unis et au Royaume-Uni, qui sont déjà sur cette voie, et joignez-vous à l'Alliance interparlementaire sur la Chine, dont je suis coprésident avec Garnett Genuis, du Canada. Plus de 600 parlementaires réclament maintenant l'imposition de ces sanctions.
    Quatrièmement, nous devons envisager des recours interétatiques devant la Cour internationale de Justice.
    Cinquièmement, le Parlement devrait prendre l'initiative de déclarer que ces atrocités de masse constituent effectivement des actes de génocide. Nous avons été le premier Parlement à définir comme génocide ce qui arrivait aux Rohingyas. Nous devrions être le premier Parlement à définir comme génocide ce qui arrive aux Ouïghours.
    Sixièmement, nous devons dénoncer le prélèvement illégal et forcé d'organes sur des Ouïghours et des adeptes du Falun Gong, que les défenseurs des droits de la personne en Chine ont récemment qualifié de crimes contre l'humanité, sinon d'actes de génocide. Nous devons utiliser les procédures et recours spéciaux des Nations unies pour obtenir justice et reddition des comptes.
    Enfin, nous devons défendre la cause de Huseyin Celil et obtenir sa libération. Comme l'a rappelé M. Neve, il croupit dans une prison chinoise depuis 15 ans. Nous devons considérer le cas d'Ekpar Asat, le frère de Mme Asat, qui a disparu, comme le miroir de ces atrocités de masse. Les deux doivent s'inscrire dans notre mémoire et nous rappeler la nécessité d'un appel à l'action à l'échelle internationale.
    Merci, monsieur le président.
(1335)
    Merci, monsieur Cotler.
    Voilà qui ouvre aux membres du Comité la possibilité de poser des questions.
    La parole est à M. Genuis, pour sept minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Les témoignages ont tous été éloquents. Il semble que, jusqu'ici, les témoins que nous avons entendus soient unanimes à considérer la situation comme un génocide. Je vais commencer par là.
    Monsieur Cotler, certains diraient que ce n'est pas le rôle des parlements nationaux d'attester un génocide, mais que c'est plutôt le rôle d'organismes internationaux. Qu'en pensez-vous?
    Je pense qu'un génocide nous oblige tous, à l'échelle internationale et nationale, à l'échelle des gouvernements, des parlements et des sociétés civiles, et, ici, à l'échelle du Parlement canadien, qui assume un rôle distinctif, à le dénoncer. La Convention sur le génocide prévoit la responsabilité de prévenir et de punir les actes de génocide.
    C'est d'abord et avant tout au Parlement de définir les actes visant les Ouïghours comme des actes de génocide, ainsi que les témoins l'ont si éloquemment et si fermement exposé devant le Comité, et donc, ayant défini ces actes, d'assumer la responsabilité de prendre les mesures nécessaires. Nous l'avons fait dans le cas des Rohingyas. Je rappelle que la décision a été prise après des audiences devant ce même sous-comité des affaires étrangères, dont j'étais alors membre et qui a documenté les atrocités subies par les Rohingyas à l'époque. Le Parlement du Canada a été le premier à définir la situation des Rohingyas comme un génocide. C'est également ce qui a donné lieu aux initiatives prises à la Cour internationale de justice, auxquelles, je l'espère, le Canada adhérera, dans ce cas avec la Gambie, et à celles de la Cour pénale internationale.
    Nous avons la responsabilité de dénoncer la situation et d'agir en conséquence.
    Merci beaucoup, monsieur Cotler.
    C'est sans équivoque et très important. En vertu de ces conventions, les parlements nationaux ont la responsabilité de définir et d'agir, et de ne pas se contenter de renvoyer cette responsabilité à quelque autre organisme informe. Nous devons participer aux activités des organismes internationaux pour obtenir des mesures collectives, mais nous avons aussi des responsabilités précises en vertu de la Convention, n'est-ce pas?
    En effet.
    Très bien. Merci.
    Pourriez-vous nous parler de la doctrine de la responsabilité de protéger et des obligations qu'elle entraîne? Si le gouvernement acceptait aujourd'hui votre recommandation et déclarait que la situation des musulmans ouïghours en Chine est un génocide, quelles mesures devrait-il nécessairement prendre à la suite de cette déclaration?
(1340)
    En 2005, quand j'étais ministre de la Justice, cette doctrine a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale des Nations unies. Le principe est simple; si, dans un pays, nous sommes témoins de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et, Dieu nous en préserve, de l'impensable qu'est le génocide, et si le gouvernement de ce pays ne veut pas ou ne peut pas agir ou, pire encore, est l'auteur de ces crimes, voire d'un génocide, la communauté internationale a la responsabilité d'intervenir et d'agir pour prévenir, punir et sanctionner ces crimes de guerre, ces crimes contre l'humanité et ce génocide. Dans le cas des Ouïghours, nous avons devant nous un exemple classique de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et, comme d'autres le pensent également, d'actes constitutifs d'un génocide. Cela justifie notre participation, en vertu de la doctrine de la responsabilité de protéger, à l'adoption et à la mise en oeuvre des mesures recommandées jusqu'ici devant le Comité, dont certaines que j'ai recommandées dans mon témoignage et qui relèvent de la responsabilité de protéger.
    J'ajouterais une dernière chose. Je n'oublie pas que nous nous réunissons dans la foulée du 26e anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda. Ce qui rend le génocide des Tutsis si innommable, ce n'est pas seulement l'horreur du génocide proprement dit, au cours duquel quelque 10 000 Tutsis ont été assassinés tous les jours pendant trois mois, mais aussi le fait que c'était évitable. Personne ne pouvait prétendre l'ignorer. Nous le savions, mais nous n'avons rien fait. Pour les Ouïghours, aujourd'hui, personne ne peut prétendre ignorer la situation. Nous le savons et nous devons agir.
    Pour citer mon mentor et lauréat du Prix Nobel de la paix, Elie Wiesel, qui m'a enseigné quelques-unes des leçons les plus fondamentales que je connaisse sur les droits de la personne, le silence devant le mal finit par être complice du mal lui-même. L'indifférence à l'égard des atrocités de masse, sans parler du génocide, signifie toujours que l'on se range du côté de l'agresseur et non du côté des victimes. Notre responsabilité de protéger, c'est la justice pour les victimes et la responsabilité pour les agresseurs.
    Merci beaucoup.
    Comme l'a dit William Wilberforce, « Vous pouvez décider de fermer les yeux, mais vous ne pourrez plus jamais dire que vous ne saviez pas. »
    Dans la minute qu'il me reste, je voudrais m'adresser à Mme Asat.
    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Vous ai-je bien entendu dire qu'il y a des preuves de travail forcé dans la production de masques en provenance de Chine?
    Oui, effectivement. Cette information a été révélée hier à la suite d'une enquête incroyablement détaillée du New York Times. Tout le monde sait qu'il existe un document de recherche très bien documenté, intitulé « Ouïghours à vendre », qui identifie et dénonce plus de 80 marques internationales mêlées à l'utilisation du travail forcé des Ouïghours. Je pense que cela s'est également étendu à la production de masques pendant la pandémie de COVID. Comme les gens portent des masques pour se déplacer, ils utilisent peut-être des masques ainsi produits. Cela pourrait même être le produit du travail de mon frère en prison.
    Merci.
    Je crois que vous témoignez depuis les États-Unis. Avez-vous des commentaires sur les initiatives prises par le Congrès et le Sénat des États-Unis pour régler les problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement? J'ai parlé de la loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours et d'autres initiatives bipartites visant à régler ce problème.
    Il vous reste environ 30 secondes.
    Oui, bien sûr. Outre l'adoption de la loi sur la protection des droits des Ouïghours, nous avons maintenant un projet de loi en attente, qui est, comme vous l'avez justement dit, la loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours. J'espère que, compte tenu du recours massif au travail forcé des Ouïghours, qui entache la chaîne d'approvisionnement mondiale, nous ne nous limiterons pas à ce projet de loi et que nous en adopterons d'autres. C'est aussi une pratique courante. Au Royaume-Uni, il y a la loi sur l'esclavage moderne, et il y a une loi du même genre en Australie. J'espère que cela s'étendra à d'autres administrations, mais la situation à l'ordre du jour [Inaudible] serait le travail forcé.
(1345)
    Merci, madame Asat.
    La parole est à M. Zuberi, pour sept minutes.
    Nous avons entendu M. Cotler, mais j'aimerais entendre l'opinion d'expert des deux autres témoins sur la situation du peuple ouïghour du point de vue de la définition de la notion de génocide dans la Convention. Je suis sûr que vous êtes au courant puisque vous êtes tous les deux avocats et que vous participez à ce genre de travaux. Si vous ne connaissez pas la définition, je peux vous la lire, mais, d'après votre connaissance du droit et des faits sur le terrain, cela correspond-il à la définition de génocide?
    J'ai une série d'autres questions, et j'aimerais donc que vous répondiez brièvement.
    Je vais répondre.
    Je pense que nous avons de très solides arguments pour étayer le fait qu'il s'agit bien d'un génocide parce que la situation répond à la fois à l'intention... Je pense qu'avec tout ce que nous avons vu jusqu'à maintenant, la stérilisation massive des femmes et la détention de personnes en âge de procréer dans les camps d'internement pendant de longues périodes — des peines de 15 à 20 ans sont une norme de base —, puis la séparation des enfants d'avec leurs familles et leur placement dans des orphelinats de l'État, le gouvernement chinois fait tout pour éliminer l'ensemble du peuple ouïghour. Non seulement cela répond au principe du mens rea, qui est l'intention du législateur dans la Convention sur le génocide, mais nous avons aussi des preuves bien documentées attestant que le gouvernement chinois a effectivement commis tous ces crimes. La situation remplit les deux critères et correspond parfaitement à la définition de génocide dans la Convention.
    Merci.
    Monsieur Neve, je suis sûr que vous connaissez très bien l'article II de la Convention, qui comprend « l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », etc., et qui définit certains exemples de génocide, dont la prévention des naissances et le transfert forcé d'enfants, ainsi que d'autres éléments.
    Pensez-vous que le seuil de la définition est atteint, monsieur Neve?
     Eh bien, je dois préciser que je ne suis pas en mesure de donner mon opinion personnelle à ce sujet en ma qualité de secrétaire général d'Amnistie internationale Canada.
    Ce que je peux dire, c'est qu'Amnistie — et ce, à l'échelle mondiale — n'a pas encore déclaré si, selon elle, il s'agit ou non d'un génocide. Il est évident que nous continuerons d'examiner la situation de très près. Il est entendu que beaucoup des très graves préoccupations qui sont les nôtres et celles de beaucoup d'autres vont dans cette direction, mais nous n'en sommes pas encore arrivés à une conclusion définitive.
     Oui, nous sommes en présence de crimes contre l'humanité de grande ampleur. Même à ce seuil, le Canada et la communauté internationale ont l'obligation d'agir à tous les niveaux. Qu'il s'agisse ou non d'un génocide, le débat se poursuit, mais rien ne devrait nous empêcher de prendre des mesures énergiques, significatives et beaucoup plus vigoureuses que celles que nous avons vues jusqu'à maintenant.
    Si ce que M. Cotler a dit est vrai, c'est-à-dire qu'il s'agit bien d'un génocide, comment la doctrine de la responsabilité de protéger intervient-elle dans ce cas, monsieur Neve?
    Je suis tout à fait d'accord avec les importantes remarques de M. Cotler. À chaque fois que l'on débat sur la responsabilité de protéger, on s'intéresse au dernier stade de ce continuum, l'intervention armée, l'envoi de troupes, pour répondre à une situation d'atrocités de masse. La responsabilité de protéger est bien plus que cela. Il s'agit de ce qui est constamment court-circuité par la communauté internationale, l'obligation de prendre des mesures préventives par divers moyens, qu'il s'agisse de sanctions ou d'actions très vigoureuses et énergiques à l'échelle multilatérale ou de mesures de justice et de reddition de comptes — tout ce dont la communauté internationale s'est détournée pendant des décennies au sujet de la Chine, le commerce et l'investissement étant plus intéressant que ce genre de mesures préventives.
    Nous avons besoin d'un programme très solide, avec des mesures renvoyant à la justice et la reddition de comptes, à la compétence juridique universelle, à la possibilité de sanctions individuelles, etc., et nous en avons besoin dès maintenant.
(1350)
    Merci.
    J'aimerais qu'on discute du travail forcé.
    Nous savons qu'un institut australien, l'Australian Strategic Policy Institute, a signalé que 27 usines, dont 9 dans des provinces chinoises, acceptent des transferts de main-d'oeuvre ouïghoure contrainte au travail forcé. Plus de 80 entreprises, dont Apple, Dell, Mercedes-Benz et Nike, profiteraient de chaînes d'approvisionnement comprenant du travail forcé. Selon vous, quelles mesures les entreprises peuvent-elles prendre pour l'empêcher? Deuxièmement, quelles mesures les gouvernements peuvent-ils prendre, notamment le gouvernement du Canada?
    J'aimerais connaître l'opinion des témoins. N'hésitez pas, s'il vous plaît.
    Permettez-moi de répondre.
    Il faut comprendre que le travail forcé des Ouïghours a deux caractéristiques inhabituelles et déterminantes. La première concerne les efforts déployés par le gouvernement chinois pour éliminer l'intégralité de la culture ouïghoure, mais, contrairement au travail forcé produit par la traite des personnes et les cartels de la drogue, le travail forcé des Ouïghours est un système de transfert de main-d'oeuvre conçu par le gouvernement. Les éléments de preuve donnent à penser qu'il s'agit d'un système parfaitement coordonné dans le cadre duquel les autorités de l'État choisissent les ouvriers et supervisent directement le travail forcé.
    Je pense donc que nos dirigeants doivent s'exprimer avec force. Nos responsables politiques doivent veiller à ce que la population soit tout à fait informée. Pour exiger des changements, les consommateurs doivent être informés.
    J'espère qu'il y aura au Parlement du Canada une intervention consultative vigoureuse comme celle que nous avons ici au département d'État. J'espère aussi qu'il y aura moyen de demander à nos entreprises de cesser de profiter du travail forcé ouïghour pour pouvoir modifier indirectement le comportement du gouvernement chinois.
    Merci.
    Écoutons maintenant M. Brunelle-Duceppe.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs témoignages, et spécialement Mme Asat.
    Madame Asat, votre témoignage était très touchant et très troublant. Nous sommes de tout cœur avec vous, avec votre frère et avec votre peuple.
    Dans votre témoignage, vous avez parlé d'enlèvements d'enfants. Sait-on ce qui arrive à ces enfants, une fois qu'ils ont été enlevés?

[Traduction]

     Nous allons suspendre la séance un instant. Nous avons des problèmes du côté de l'interprétation et avec le micro de Mme Asat, je crois.
(1350)

(1355)
    Pour reprendre, nous avons besoin que tout le monde accepte de renoncer à l'interprétation des interventions de Mme Asat en raison de difficultés techniques.
    Je vois que tout le monde est d'accord. Nous pouvons continuer et nous accorderons bien sûr plus de temps à M. Duceppe.

[Français]

    Je vous ai remerciée de votre témoignage, madame Asat. Je vous ai dit que nous étions avec vous, avec votre frère et avec votre peuple.
    Pendant votre témoignage, vous avez parlé d'enlèvements d'enfants. Sait-on ce qui se passe une fois qu'ils ont été enlevés? En avez-vous une idée?

[Traduction]

    Madame Asat, vous n'entendez pas la question?
    Non, la traduction ne passe pas.

[Français]

    C'est dommage, parce que c'était une question importante pour moi.
    Je ne peux pas poser de questions à Mme Asat. Est-ce exact?

[Traduction]

    Madame Asat, c'est encore moi, Erica Pereira. Voyez-vous le bouton d'interprétation au bas de votre écran, le petit globe?
    Oh, oui.
    Cliquez dessus et cliquez sur « English ».
    D'accord, oui. Tout va bien. Désolée.

[Français]

    Il n'y a pas de problème.
    Maintenant, est-ce que vous m'entendez?

[Traduction]

    Reprenez.

[Français]

    D'accord.
    Je recommence, parce que je veux que vous sachiez ce que j'ai dit.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages aujourd'hui et de leur présence.
    Madame Asat, votre témoignage m'a vraiment touché. Je veux que vous sachiez que nous sommes avec vous, avec votre frère et avec votre peuple. Nous sommes ici pour cela, aujourd'hui.
    Vous avez parlé d'enlèvements d'enfants, si j'ai bien compris. Avez-vous une idée de ce qui arrive à ces enfants après leur enlèvement?

[Traduction]

    Nous savons tous que l'intérêt supérieur des enfants est le grand souci de leurs parents, mais lorsque ces enfants leur sont retirés et sont placés dans des orphelinats d'État, ils sont essentiellement sous la tutelle de l'État.
    Ce n'est pas le genre de gouvernement dont on puisse être sûr qu'il élèvera ces enfants dans les valeurs souhaitées par leurs parents. Ce qui arrive souvent, c'est que ces enfants, dès leur plus jeune âge, sont soumis à un endoctrinement politique qui les prive de leur langue et de leur culture, et ils n'ont plus aucun lien avec l'identité de leur peuple.
    En fait, on essaie d'élever ces enfants dans un contexte complètement différent, très étranger à leur culture. Cela me brise vraiment le coeur, parce que c'est aussi, à mon avis, une façon très efficace de détruire la culture, de détruire la population, parce que ces enfants ne deviendront pas des Ouïghours. Ce genre de pratique fait tristement partie de l'histoire de beaucoup de pays, mais, en Chine, c'est en ce moment même que cela se passe.

[Français]

    Je vous remercie.
    Madame Asat, comment la loi en cours aux États-Unis sur la chaîne d'approvisionnement va-t-elle s'articuler? Êtes-vous en mesure de nous l'expliquer?

[Traduction]

    Effectivement. Quel que soit le sort du projet de loi dont le Parlement américain est saisi, nous avons une loi sur la protection des victimes de traite des personnes, qui criminalise non seulement les entreprises, mais aussi les cadres supérieurs qui ferment sciemment les yeux sur l'utilisation du travail forcé dans la chaîne d'approvisionnement mondiale.
    J'espère que ce projet de loi, qui porte précisément sur le travail forcé des Ouïghours, sera mis en oeuvre, mais, quoi qu'il en soit, nous avons une loi. C'est pour cette raison que les services des douanes et de protection des frontières viennent d'intensifier leurs mesures et prennent très sérieusement des mesures énergiques contre le recours au travail forcé.
    Je dois aussi souligner qu'ils ont récemment travaillé avec l'organisation de Hong Kong qui possède des connaissances et des techniques de partage de données très sophistiquées pour s'attaquer au travail forcé et le combattre dans la chaîne d'approvisionnement mondiale.
(1400)

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    J'ai une brève question pour M. Cotler, que j'apprécie beaucoup et que je respecte énormément.
    Monsieur Cotler, si l'on ne fait rien, ne risque-t-on pas de voir la situation s'envenimer et de constater dans quelques années que notre inaction aura coûté la vie à des milliers d'innocents? J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

[Traduction]

     Ce que je veux dire, c'est que l'indifférence et l'inaction de notre part nous amèneront à nous ranger du côté de l'agresseur, du côté de celui qui viole la loi et non du côté des victimes. Nous avons la responsabilité d'intervenir, de protéger, d'obtenir justice pour les victimes, et de responsabiliser les agresseurs en imposant les sanctions de la loi Magnitski, si nous ne voulons pas finir, nous aussi, en raison de notre indifférence et de notre inaction, par être des complices.
     J'ajoute que, étant donné que nous avons imposé les sanctions prévues par la loi Magnitski contre des contrevenants de Russie, du Venezuela, du Myanmar, d'Arabie saoudite et du Soudan du Sud, je ne vois pas pourquoi nous n'avons pas encore imposé ces sanctions aux responsables de crimes contre l'humanité et de crimes constituant des actes de génocide.
    C'est notre responsabilité, et nous devons agir. Nous avons les moyens d'agir. Nous n'avons ni pris ni appliqué ces mesures. Le recours aux sanctions Magnitski n'est qu'un exemple, et mes deux collègues témoins en ont signalé d'autres.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Merci, monsieur Cotler.
    Ce sera la dernière personne à poser des questions à ce groupe de témoins. Madame McPherson, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup.
     Merci à tous nos témoins. Je sens l'émotion et la passion dans vos voix, et j'en suis très touchée.
    L'un des rôles essentiels des parlementaires est de déterminer les mesures de suivi que le gouvernement devrait prendre, et j'aimerais donc commencer par demander à M. Neve de nous donner des détails au sujet de ses deux derniers commentaires et de nous dire comment, selon lui, le gouvernement du Canada pourrait agir. S'il vous plaît.
    Merci beaucoup de cette question, madame McPherson.
    Les deux derniers commentaires étaient très axés sur des préoccupations particulières. Il faut, bien sûr, prendre des mesures multilatérales énergiques. Il faut agir dans le cadre des Nations unies. Il faut examiner les mesures à prendre sous forme de sanctions, le rôle des entreprises, etc.
    Par ailleurs, comme Mme Asat nous l'a rappelé avec force, cette crise concerne essentiellement la situation de personnes et de familles, et nous devons nous concentrer aussi sur ce qu'il est possible de faire à cet égard.
    J'ai souligné deux situations ayant des liens très étroits avec le Canada et qui, je l'espère, donneront lieu à des réactions beaucoup plus vigoureuses au Canada. La première est celle de trois hommes, Ayub Mohammed, Salahidin Abdulahad et Khalil Mamut, qui ont déjà été détenus illégalement à Guantanamo Bay. Ils ont été libérés, puis exilés de force en Albanie et aux Bermudes et, depuis plus de cinq ans maintenant, leur demande de réunification avec leur femme et leurs enfants, qui sont citoyens canadiens, a été reportée et retardée. L'angoisse et l'injustice qui affligent ces personnes et ces familles sont franchement inadmissibles. Le Canada pourrait régler cette situation en quelques jours ou en quelques semaines, et je demande instamment que cela se fasse immédiatement.
    Il y a aussi, bien sûr, le cas de Huseyin Celil, emprisonné injustement depuis 14 ans. Cela fait 14 ans que ses quatre fils grandissent sans lui, 14 ans de séparation d'avec sa femme Kamila et 14 ans que le gouvernement chinois refuse une simple visite consulaire. Et cela fait quatre ans maintenant que nous n'avons aucune nouvelle de lui.
    Le Canada doit intensifier ses efforts. Le premier ministre Trudeau devrait insister pour que, à tout le moins, une visite de santé et de bien-être soit autorisée sans plus tarder, et nous devons envisager certaines stratégies novatrices, comme la nomination d'un envoyé spécial ayant d'excellentes relations et qui pourrait se consacrer à temps plein à ce cas pour mettre un terme à cette tragédie qui dure depuis 14 ans.
(1405)
    Merci beaucoup, monsieur Neve.
    J'ai une autre question concernant les mesures prises jusqu'ici par le gouvernement du Canada. Je sais que nous avons exprimé nos préoccupations assez discrètement. Nos interventions à l'échelle multilatérale et à l'échelle bilatérale n'ont peut-être pas été aussi énergiques que nous l'aurions souhaité. La Chine n'a guère réagi à la diplomatie d'influence.
    Monsieur Cotler, pourriez-vous nous dire ce que serait, selon vous, une réponse diplomatique plus appropriée de la part du gouvernement canadien?
    Comme le gouvernement du Canada a fait sienne la priorité de protéger un ordre international démocratique fondé sur le droit, nous avons la responsabilité de demander des comptes à ceux qui s'attaquent massivement à cet ordre international.
    Je le répète, l'imposition récente d'une loi draconienne sur la sécurité nationale est, à mon avis, un événement marquant, un franchissement de la ligne rouge, une attaque frontale et ouverte contre la primauté du droit, en violation d'un traité international que nous avons la responsabilité de faire respecter. Le Royaume-Uni a signé un traité qui a été manifestement violé, sans parler de la criminalisation des libertés fondamentales et de la violation de la Loi fondamentale de Hong Kong, etc.
    Cela m'amène aux Ouïghours. Nous sommes témoins, et nous le sommes depuis un certain temps dans la Chine de Xi Jinping — j'utilise cette formulation pour en distinguer le peuple chinois, qui est par ailleurs victime d'une oppression de masse —, d'une culture de criminalité et de corruption orchestrée par l'État, et, non moins importante, d'une impunité qui sera confortée et nourrie si la communauté des démocraties ne prend pas des mesures concertées.
    C'est pourquoi je suis heureux que nous ayons créé une Alliance interparlementaire sur la Chine pour réunir des parlementaires de la communauté des démocraties. Un pays démocratique, qu'il s'agisse de l'Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande ou d'autres pays, peut être menacé individuellement, mais, si nous unissons nos efforts dans une alliance concertée de parlementaires, une alliance intergouvernementale concertée, que j'appellerais le « D10 » — soit le G7 plus l'Australie, l'Inde, la Corée du Sud, et j'y ajouterais d'autres pays — pour que les sanctions Magnitski soient imposées de façon concertée, nous pouvons obtenir justice et reddition de comptes grâce à l'action pangouvernementale de démocraties agissant de concert.
    Le temps est venu de mettre Xi Jinping et les dirigeants du gouvernement chinois au banc des accusés. Le temps est venu pour nous de laisser de côté le dossier particulier de Xi Jinping et de devenir des plaignants, des défenseurs, des demandeurs qui protègent l'ordre international fondé sur le droit, qui tiennent les dirigeants chinois responsables au nom du peuple chinois et qui prennent les mesures nécessaires.
    M. Neve a parlé de personnes que nous pouvons aider en ce moment, qu'il s'agisse de Huseyin Celil ou des trois Ouïghours qui ont été séparés, ou encore d'Ekpar Asat, le frère de Mme Asat. Nous devons agir en considérant ces personnes comme un miroir des crimes contre l'humanité qui continuent d'être commis. Si nous n'agissons pas, ils seront finalement commis à cause de notre silence ou notre indifférence.
(1410)
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Voilà qui met fin à l'audition de notre deuxième groupe de témoins.
    Au nom des membres du Comité, je tiens à remercier les trois témoins de leurs plaidoyers remarquables. Je sais que l'honorable Irwin Cotler était président de ce comité...
    Allez-y, monsieur Sweet.
    Je suis désolé de vous interrompre. Est-ce tout le temps que nous avons pour ce groupe de témoins?
     Effectivement.
    Si nous avons des questions précises à poser à certains témoins, pouvons-nous les mettre par écrit et leur proposer de nous faire part de leurs réflexions par écrit?
     Oui. Les témoins peuvent présenter des mémoires au Comité. Les députés peuvent aussi poser ces questions.
    Nous allons maintenant suspendre la séance. Merci.
(1410)

(1430)
     Bon retour à tous. Voici notre troisième groupe de témoins.
    Merci beaucoup de votre patience, docteure Turpie. La technologie est une route cahoteuse. Nous le savons tous, et nous en faisons l'expérience la plupart du temps, surtout en cette période de COVID-19.
    Je voudrais commencer sur cette note. Si nous avons des problèmes techniques — par exemple du côté de l'interprétation — ou s'il y a un problème de son, veuillez m'en informer aussitôt. L'équipe technique vous aidera à trouver des solutions.
    Nous en sommes à la quatrième séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes. Aujourd'hui, les trois témoins comparaîtront par vidéoconférence. Cette vidéoconférence sera disponible sur le site Web de la Chambre des communes.
    Je vais présenter nos trois prochains témoins, qui s'exprimeront dans le même ordre.
    Nous accueillons d'abord Mehmet Tohti, directeur général du Uyghur Rights Advocacy Project. Nous accueillons également la Dre Irene Turpie, représentant Canadians in Support of Refugees in Dire Need. Le pharmacien Hasimu Ailixiati comparaît, lui, à titre personnel. J'espère avoir bien prononcé votre nom. Sinon, j'espère que vous nous le ferez savoir — oh, désolé, notre pharmacien ne sera pas présent. Il n'est pas en mesure d'être parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Tohti, vous avez six minutes pour faire votre exposé préliminaire.
    Merci de votre invitation, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Lorsque j'ai témoigné devant le Parlement, le 2 octobre 2018, j'ai déclaré que l'exemple classique du nettoyage ethnique, des punitions collectives et de la déshumanisation des Ouïghours était devenu une habitude, et j'ai exprimé mes craintes et mes inquiétudes sur la suite des choses. Ces inquiétudes visaient le risque de génocide du peuple ouïghour par la Chine.
    Qu'y a-t-il de nouveau depuis? Il semble que la Chine ait terminé la phase du génocide culturel à grande échelle et qu'elle en soit à l'étape de l'extermination de tout un groupe ethnique qui possédait le territoire ancestral connu sous le nom de Turkestan oriental, occupé par la Chine en 1949.
    Imaginez seulement stériliser 80 % des femmes ouïghoures et détenir 80 % des hommes ouïghours dans des camps de concentration ou...
    Vous m'entendez?
    Oui, nous vous entendons.
    Ma propre voix me revient.
    Nous vous entendons très clairement, alors si cela ne vous dérange pas trop, vous pouvez continuer.
     D'accord.
    Ils stérilisent 80 % des femmes ouïghoures, détiennent 80 % des hommes ouïghours dans des camps de concentration, des prisons ou des usines de la Chine continentale, et séparent les enfants ouïghours de leur famille. Les Ouïghours seront éteints en l'espace d'une génération seulement.
     Arkin Kurban, un homme de Montréal, a vu disparaître 76 membres de sa famille immédiate et élargie. Abdukerim Seyit, un réfugié ouïghour de Toronto, a vu plus de 30 membres de sa famille enfermés dans des camps, dont sa fille de 25 ans. Quatre de ses proches ont été tués dans les camps. Nuriam Abla est une Canadienne d'origine ouïghoure vivant en Ontario; sa sœur aînée, Malikim Abla, âgée de 63 ans, a été tuée dans un camp de concentration où cinq membres de sa famille immédiate se trouvent aussi. Ma mère, qui a 78 ans, et 38 membres de ma famille ont disparu il y a quatre ans. Aujourd'hui, j'ai reçu un message glaçant d'un agent chinois inconnu me disant en des termes très grossiers que ma mère était morte. La liste est longue.
    Je vous demande de visualiser 13 tonnes de cheveux humains. Il faut les cheveux de plus de 300 000 femmes ouïghoures pour arriver à 13 tonnes. Dans le musée commémoratif d'Auschwitz, on peut voir des tas de cheveux prélevés sur des victimes juives après leur assassinat dans des chambres à gaz. L'État chinois vient d'instaurer le commerce des cheveux, ainsi que de tous les organes des victimes ouïghoures.
    Je n'entrerai pas dans les détails. J'aimerais plutôt vous soumettre mes propositions.
    Le silence qui entoure le génocide ouïghour constitue une approbation tacite de ce génocide. Les Nations unies et les représentants de gouvernements du monde entier sont au fait de la situation. Le temps des préoccupations raisonnées, soulevées en privé auprès des représentants chinois dans le contexte des droits de la personne sans que cela ait de répercussions commerciales, est dépassé. L'ampleur et la profondeur du mal commis par le Parti communiste chinois devraient choquer la conscience du monde civilisé, même si ce que nous en savons jusqu'à maintenant n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan.
    Je tiens à vous rappeler que le prix payé par les Ouïghours est le plus élevé parce qu'ils sont perçus par la Chine comme un obstacle à son plan d'expansion par l'entremise de l'initiative de la route de la soie.
    Voici quelques propositions auxquelles j'aimerais que notre gouvernement donne suite à tout le moins.
    Le Comité doit reconnaître les atrocités commises contre les Ouïghours comme un génocide et amener le monde à prendre conscience qu'il faut y mettre fin. Le Comité doit présenter à notre gouvernement une proposition ferme et réalisable sur le génocide des Ouïghours. Il faut faire savoir à Xi Jinping et à Pékin que notre gouvernement subit des pressions de la part du public et des parlementaires canadiens et que nous sommes unis dans cette cause. Une proposition ferme et réalisable est nécessaire pour renforcer la position de notre gouvernement, afin de protéger nos intérêts nationaux avec la Chine.
    Il faut imposer les sanctions prévues dans la loi Magnitski, comme d'autres l'ont déjà mentionné. Nous portons gravement atteinte à notre propre crédibilité en appliquant cette loi aux ressortissants de certains pays, mais en la mettant de côté lorsqu'il s'agit de la Chine.
    Il faut interdire tous les produits en provenance de Chine qui sont associés au travail forcé des Ouïghours, comme les États-Unis l'ont proposé et l'ont fait. Il devrait incomber aux entreprises de prouver que leurs produits et leurs chaînes d'approvisionnement n'ont pas de liens avec le travail forcé.
    Il faut exiger et adopter un projet de loi sur la transplantation d'organes pour interdire tout organe humain en provenance de Chine, comme l'ont fait Israël, l'Espagne, et récemment, la Belgique.
    Il faut exhorter notre ministère de l'Immigration à accepter les quelque 2 380 familles de réfugiés et enfants apatrides ouïghours qui sont emprisonnés en Turquie ou sont vulnérables dans d'autres pays parce qu'ils risquent d'être renvoyés en Chine à tout moment.
    Il faut rappeler à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié d'accepter sans plus tarder les demandes d'asile des Ouïghours dont l'identité ouïghoure est prouvée qui sont présentées ici, au Canada. Il n'est pas nécessaire d'obliger ces réfugiés ouïghours à raconter leur horrible histoire en larmes devant des arbitres. J'ai assisté à un certain nombre d'audiences de ce genre à la CISR, et c'est douloureux. C'est pour cette raison que la Suède a décidé d'accepter collectivement tous les Ouïghours comme réfugiés. Il s'agit de la bonne chose à faire, parce que la Chine cible tous les Ouïghours, et tous les Ouïghours sans distinction courent des risques.
(1435)
     La Commission de l'immigration et du statut de réfugié continue de demander aux réfugiés ouïghours de présenter tous les documents officiels de la Chine, documents que la Chine refuse de fournir, pour traiter leurs demandes de parrainage familial. Pour cette seule raison, des familles de réfugiés ouïghours sont détruites et séparées, sans possibilité de réunification. Pouvons-nous adapter certaines exigences techniques comme celle-ci à la situation réelle sur le terrain et faire en sorte qu'il soit plus facile pour les réfugiés ouïghours d'assurer la réunification de leur famille sans être doublement sanctionnés?
    Merci, monsieur Tohti.
    Nous vous avons très bien entendu. Vous aurez l'occasion d'élaborer davantage pendant la période de questions.
    Nous allons maintenant passer à la Dre Turpie, pour six minutes.
     Merci à vous, monsieur le président, et tous les membres du Comité. Je suis reconnaissante de pouvoir m'adresser à vous. C'est un privilège de me joindre à vous et de pouvoir parler au nom de Canadians in Support of Refugees in Dire Need, un groupe multidisciplinaire et multiconfessionnel.
     Je ne vais pas m'excuser de répéter des choses que vous avez déjà entendues aujourd'hui, car je pense qu'il vaut la peine de le faire.
    Depuis un certain temps, notre groupe en particulier, comme d'autres groupes, est très préoccupé par la situation des droits de la personne en Chine. Depuis au moins six ans, des rapports crédibles et répétés font état d'une répression systématique et généralisée du peuple ouïghour dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, dans le Nord-Ouest de la Chine.
    Les Ouïghours musulmans ont été soumis à des campagnes impitoyables de répression, de contrôle de la population, de détention de masse, de travail forcé et de surveillance grâce à la technologie de pointe. Ils ont été persécutés pour avoir pratiqué leur religion, un droit humain fondamental. Leurs enfants leur ont été enlevés et placés dans des orphelinats, ce qui devrait être un signal d'alarme pour nous, Canadiens.
    Un million de représentants du Parti communiste chinois se sont fait héberger de force dans des foyers ouïghours. La plupart des mosquées ont été détruites et fermées. La langue ouïghoure a été interdite dans les écoles — un autre élément qui devrait nous interpeller — et entre un million et trois millions de personnes ont été détenues dans des camps de concentration — ou des centres de rééducation, comme on les appelle — où elles sont maltraitées physiquement, soumises à des sévices psychologiques et forcées d'apprendre le mandarin.
    La police chinoise déploie certaines des technologies de surveillance les plus perfectionnées au monde pour contrôler et restreindre tous les aspects de la vie des Ouïghours. Les foules sont surveillées au moyen de caméras de reconnaissance faciale; toutes les communications sont interceptées et inspectées au moyen de programmes d'intelligence artificielle; et les personnes sont fichées, comptabilisées et suivies au moyen de bases de données génétiques, d'empreintes digitales et d'empreintes vocales.
    Cependant, ce sont deux éléments particulièrement cruels et cruciaux de cette répression qui préoccupent particulièrement notre organisme.
    Premièrement, nous sommes préoccupés par les nombreux rapports faisant état de pratiques de contraception, de stérilisation, de ligature des trompes et d'avortement forcés, qui modifient radicalement la démographie du Xinjiang. Au cours des trois dernières semaines, il y a eu deux rapports complémentaires — de M. Adrian Zenz, que vous avez entendu à ce sujet ce matin, et de l'Associated Press —qui documentent ces activités. Le secrétaire britannique aux Affaires étrangères en a parlé au Parlement ce week-end, comme vous le savez probablement tous.
    Ces politiques ont entraîné une baisse énorme du taux de natalité des Ouïghours en trois ans.
    Deuxièmement, il y a la pratique prédatrice du trafic d'organes qui, depuis des années, fait en sorte que la Chine prélève des organes humains sur des prisonniers pour financer un programme lucratif de transplantation d'organes. Au cours de la dernière année, notre organisme a mené une campagne concernant l'information de plus en plus répandue selon laquelle la Chine utilise des prisonniers d'opinion ouïghours pour leurs organes, afin d'appuyer le commerce florissant des greffes d'organes, et la crainte croissante que cela suscite. Nous avons envoyé une lettre aux Nations unies, signée par plus de 1 000 médecins d'Amérique du Nord.
    Comme nous le savons tous, les organes à transplanter sont souvent difficiles à trouver au Canada, mais ils sont facilement disponibles en Chine et font l'objet de publicité à l'échelle internationale, des correspondances parfaites fondées sur l'analyse génétique étant disponibles dans les trois semaines suivant une demande. Pourtant, il est difficile de retracer la source de ces organes, et les résultats sont délibérément trompeurs. Il y a des preuves très convaincantes que les chiffres sont falsifiés.
    L'an dernier, comme vous l'avez déjà entendu, le tribunal chinois indépendant, qui est basé à Londres et est dirigé par sir Geoffrey Nice, qui a déjà dirigé les poursuites pour crimes contre l'humanité de Slobodan Milosevic, a conclu à l'unanimité que la Chine continue de compter énormément sur le prélèvement forcé d'organes de prisonniers d'opinion pour alimenter une entreprise de transplantation d'organes dont le chiffre d'affaires est d'un milliard de dollars par année.
(1440)
     Nous exhortons les parlementaires canadiens à condamner sans équivoque ces crimes contre l'humanité et à prendre des mesures pour éliminer toute participation possible du Canada au prélèvement d'organes par les Chinois. Nous vous demandons d'adopter immédiatement le projet de loi S-204, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (trafic d'organes humains). Comme vous le savez, malgré l'appui unanime des deux chambres, ce projet de loi est mort au Feuilleton à la fin de la dernière législature. Le projet de loi, sans préciser directement la Chine, interdirait essentiellement aux Canadiens de se rendre à l'étranger pour acheter ou recevoir des organes à des fins de transplantation contre le gré du donneur. Il viendrait modifier nos lois sur l'immigration, afin que ne puissent être admis au Canada les résidents permanents ou les étrangers qui ont participé à des prélèvements d'organes non autorisés.
    Vous avez le pouvoir d'accélérer l'adoption du projet de loi S-204 et de porter un coup immédiat et concret au traitement génocidaire des Ouïghours par la Chine.
(1445)
    Je vous remercie de vos présentations.
    Docteure Turpie, vous aurez également l'occasion de poursuivre votre témoignage en répondant à des questions, comme vous le souhaitez certainement.
    Nous allons commencer par M. Sweet, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup. Je suis d'accord avec vous. Je pense qu'il vaut la peine de répéter à chaque séance que nos préoccupations vont principalement au peuple ouïghour, mais il faut aussi préciser que ces actes sont le fait du Parti communiste chinois et non pas de citoyens chinois innocents, dont beaucoup ont immigré ici et ont apporté des contributions positives importantes au Canada. Notre principale préoccupation concerne le régime de Xi Jinping, le Parti communiste chinois, et sa nature totalitaire.
     Merci, docteure Turpie, d'avoir cité le nombre d'agents chinois han du Parti communiste chinois qui sont envoyés dans les foyers des Ouïghours. D'autres témoins l'ont mentionné, mais je n'avais aucune idée que le chiffre était aussi élevé qu'un million. Avez-vous une source pour le chiffre que vous avez mentionné?
    Je n'ai pas la référence devant moi, mais je peux certainement l'obtenir pour vous, monsieur Sweet. Je tiens l'information d'une source très fiable.
    Merci beaucoup, docteure Turpie. Je l'apprécie.
    Je vais vous l'envoyer.
    D'accord.
    Mehmet Tohti, je suis heureux de vous revoir, monsieur. Je pense à vous chaque fois qu'il est question de la tragédie des deux Michael et qu'on ne parle pas de Huseyin Celil, qui est incarcéré depuis 13 ou 14 ans.
     Nous avons entendu un témoignage plus tôt, monsieur Tohti, selon lequel le prélèvement d'organes des Ouïghours était en fait antérieur à celui chez les adeptes du Falun Gong, et pourtant, nous n'avons été mis au courant que longtemps après. Selon vous, pourquoi en est-il ainsi?
    Le cas de Huseyin Celil est troublant, car lorsqu'on regarde les déclarations des représentants du gouvernement, et lorsqu'on parle des deux Michael, même si le cas de Huseyin Celil est en tout point similaire... Si vous regardez les accusations portées par le gouvernement chinois, il est question de secrets d'État ou de menaces à la sécurité de l'État. La situation est la même pour les trois Canadiens, mais pour une raison ou une autre, nous avons oublié Huseyin Celil. En fait, cela a en quelque sorte donné le feu vert au gouvernement chinois pour qu'il continue de refuser l'accès aux services consulaires. Comme vous le savez, le gouvernement chinois prétend qu'il est un citoyen chinois, même si la loi sur la nationalité chinoise nous dit le contraire.
    Le cas des deux Michael fait en sorte que nous débattons de la Chine dans les médias et dans l'arène politique, mais les erreurs que nous avons commises en tentant de sauver Huseyin Celil ont débouché sur la détention des deux Michael. La situation des deux Michael ne s'est pas produite du jour au lendemain. Le Canada a jugé suffisant de soulever la question dans le cadre d'une réunion bilatérale. La question a été soulevée et on a considéré que le travail était fait. En fait, nous ne nous sommes pas occupés de Huseyin Celil et de faire appliquer nos lois pour le sauver parce qu'il est citoyen canadien. C'est l'aspect tragique de la politique.
(1450)
     Plus tôt aujourd'hui, deux témoins nous ont dit que nous devons trouver un moyen pour que les nations musulmanes du monde se rendent compte que nous avons besoin de leur voix. Nous avons deux grandes communautés musulmanes, les Rohingyas, qui sont persécutés par le gouvernement birman, qui est manipulé par le Parti communiste chinois, et les Ouïghours.
    Pouvez-vous donner au Comité une idée de la façon dont nous pourrions jeter des ponts pour que ces autres nations musulmanes se fassent entendre davantage? L'un des témoins qui ont mentionné cela a dit que c'est exactement ce que le Parti communiste chinois craint, parce que son initiative de la route de la soie serait gravement compromise si ces pays se levaient et exigeaient justice pour le peuple ouïghour.
    Merci. C'est une excellente question.
    Je suis en partie en désaccord avec la conclusion du témoin précédent. Si vous regardez la réalité maintenant, l'argent chinois provient des marchés occidentaux, mais il n'est pas le fruit de la vente de produits uniquement, mais aussi de nos marchés boursiers et de nos investissements. Nous avons donc le pouvoir d'imposer nos exigences à la Chine, tout simplement parce que le gouvernement de la Chine applique depuis longtemps la politique de diviser pour mieux régner, afin que les pays occidentaux se dissocient les uns des autres, et que nous essayons maintenant de revenir aux bases de nos attaques contre ce pays.
    Je suggère au gouvernement canadien de faire ceci... Récemment, le gouvernement américain a lancé une initiative, une solution de rechange à l'initiative chinoise de la route de la soie. Le Canada devrait retirer de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures son très petit investissement de 180 ou 280 millions de dollars, se joindre aux États-Unis, donner le choix aux pays d'Asie centrale et du monde musulman, et leur montrer des perspectives de développement mutuellement avantageuses. Cela peut être la meilleure option.
    Vous avez mentionné que vous avez reçu un appel au sujet de votre mère. Dans quelle mesure la communauté ouïghoure est-elle intimidée ici, au Canada, dans un pays libre comme le Canada, par les agents du Parti communiste chinois, ici même sur ce territoire?
     Ce cas a été signalé à notre gouvernement au début des années 2000. Imaginez. J'ai quitté mon pays d'origine en 1991. Depuis, je n'ai pas pu rendre visite à ma mère et à mes frères et sœurs, ni à aucun membre de ma famille. Je ne pouvais rien faire, et mes parents, y compris ma mère, n'avaient aucun moyen d'avoir accès à un passeport pour venir me rendre visite. L'intimidation et la menace qui pèsent sur les Ouïghours remontent donc à loin.
    Au départ, en 2000, il y a eu des attaques sur des sites Web, des courriels ou des logiciels malveillants, ce genre de choses; maintenant, ce sont les membres des familles qui sont directement tenus en otage. Si vous consultez les dossiers d'Affaires mondiales, vous constaterez que cela fait 10 ans que je soulève la question de la diplomatie des otages. Le gouvernement chinois prend les familles ouïghoures en otage et nous force à faire ce qu'il veut que nous fassions. Cette situation ne date pas d'hier.
    Pas plus tard que ce matin, j'ai reçu un message Twitter d'un Chinois, qui l'a par la suite supprimé et qui disait: « Ta foutue mère est déjà morte. » Quel langage vulgaire. Quelle impolitesse.
    Merci.
    Mme Vandenbeld a maintenant la parole, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, docteure Turpie et monsieur Tohti.
    J'aimerais poursuivre dans la même veine. Tout d'abord, sachez que nous sympathisons avec vous au sujet de votre mère, mais aussi avec tous ces gens qui éprouvent tant de peur et de souffrances. L'intimidation et le harcèlement... Vous avez même dit que des membres des familles servent d'otages. Permettez-moi de dire que nous admirons vraiment le courage dont vous faites preuve en vous exprimant ainsi.
    Je sais que beaucoup de gens seraient effrayés et le sont dans les faits. Une chose que j'ai remarquée lorsque j'en ai parlé précédemment à certains étudiants canadiens, c'est qu'ils ne connaissent pas les Ouïghours. S'il savait que les produits qu'il consomme sont le résultat du travail forcé, je pense que le public canadien prendrait certainement des mesures à cet égard. Mais la sensibilisation est moins grande que, par exemple, pour les Rohingyas et d'autres groupes. Cela vient-il en partie du harcèlement des journalistes, des organisations de la société civile et des militants ouïghours? Si c'est le cas, qu'est-ce que le Canada...?
    On nous a dit ce matin que nous pourrions aider les organisations de la société civile d'autres pays à dénoncer la situation. Que pouvons-nous faire pour protéger et habiliter des gens comme vous, qui font preuve d'autant de courage en étant prêts à s'exprimer même si cela met leur famille en danger?
(1455)
     Merci, madame Vandenbeld. Est-ce que la question s'adresse à moi?
    Effectivement, oui.
    Comme d'autres intervenants l'ont mentionné, le Canada devrait simplement examiner la politique globale de la Chine. Il devrait avoir un mécanisme pour protéger les dissidents comme moi et d'autres parce que nous dénonçons les atrocités commises par l'un des régimes autoritaires les plus puissants. Ce n'est pas facile, comme vous l'avez dit. Il faut tout sacrifier pour ne révéler qu'un mot de la vérité, une phrase de la vérité. C'est ce que nous avons fait, tous les Ouïghours et les Tibétains en exil.
    Des mesures de protection sont nécessaires. Si vous examinez la Uighur Human Rights Policy Act adoptée par les États-Unis, vous constaterez qu'elle comprend une disposition visant à protéger les citoyens américains d'origine ouïghoure et les membres de leur famille, mais nous n'avons pas ce genre de protection.
    De nombreux politiciens et d'autres personnes pensent souvent que la Chine est un pays normal. La Chine n'est pas un pays normal. Lorsque nous traitons avec d'autres pays dans le monde, nous avons une approche fondée sur des règles, la liberté et la démocratie, des valeurs universelles, et nous pouvons revendiquer ces valeurs, mais la Chine est un régime totalement différent. La tromperie, la tricherie et l'affaiblissement de la démocratie occidentale sont les principales missions du Parti communiste chinois. Il est donc très risqué de s'opposer à ce régime.
    À cet égard, le Canada devrait au moins adopter une disposition législative, non seulement pour protéger les Ouïghours, mais aussi les Tibétains, le mouvement préconisant la démocratie en Chine et d'autres. Il s'agit d'un segment important de la communauté canadienne.
    Merci beaucoup.
    Vous avez donné un chiffre pour les Ouïghours qui sont à l'extérieur du Canada. Vous avez dit que 2 380 Ouïghours risquaient d'être renvoyés en Chine. Nous avons entendu ce matin qu'il y a environ 30 000 Ouïghours dans le monde, à l'extérieur du Xinjiang. D'où vient ce chiffre de 2 380?
    Ce sont 2 380 familles, des familles dans le besoin. Oui, il y en a peut-être 30 000 ou 40 000. Il n'y a pas de statistiques précises à ce sujet; je ne connais pas le chiffre exact. En novembre 2017, notre organisation a envoyé deux Canadiens en Turquie simplement pour interviewer des gens et parler avec eux de leurs problèmes. La plupart des enfants nés en Turquie sont apatrides parce que le gouvernement chinois ne leur a pas donné de papiers d'identité. Le gouvernement turc ne leur a donné qu'un certificat de naissance. Il ne leur a pas fourni de pièces d'identité. Ils sont donc apatrides; ils sont nés apatrides.
    Dans le cas des familles ouïghoures, ces 2 380 familles vulnérables, les maris sont dans des camps de concentration ou ont disparu. Les femmes, des mères seules, se retrouvent sans soutien. Le bureau du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a fermé ses portes. Il n'y a pas d'endroit où demander de la protection. Il y a un bureau d'immigration en Turquie, qui relève du ministère de l'Intérieur. Cela est différent de l'autorité impartiale que nous avons au Canada, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il faut donc qu'ils présentent une demande au bureau d'immigration turc. C'est aux partis politiques qu'il revient d'évaluer le lien entre la Chine et leurs propres intérêts. S'il y a une entente de prêt ou un intérêt financier quelconque, ils peuvent facilement refuser une demande. Lorsqu'une demande est refusée, le demandeur est expulsé. C'est pour cette raison que les Ouïghours ne peuvent pas présenter de demande d'immigration à la Turquie, et il n'y a pas de bureau du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Si vous vous souvenez, en 2018, j'avais soulevé cette question devant le Comité.
    Au moins, le père du premier ministre a fait venir près de 3 000 Tibétains dans les années 1970. Ces Tibétains sont devenus de très bons Canadiens. Dans ces circonstances, pourquoi ne pouvons-nous pas aider ces Ouïghours vulnérables? Au total, il y a entre 1 500 et 2 000 Canadiens ouïghours, si l'on inclut les enfants.
    Le gouvernement chinois a interdit notre langue, notre histoire, tout. Cette population n'est pas suffisante pour conserver notre culture. Il est question de milliers d'années de culture. Les pays occidentaux sont devenus le seul endroit où nous pouvons préserver notre culture, enseigner notre langue et transmettre notre culture à la prochaine génération, sinon la Chine les effacera complètement. Le Canada devrait donc aider à faire venir ces 2 300 familles ouïghoures.
(1500)
     Je vais utiliser mes 30 dernières secondes pour permettre à la Dre Turpie d'intervenir.
     Je sais que vous vous êtes aussi beaucoup occupée de cette question.
     Docteure Turpie, vous avez environ 20 secondes.
    Que puis-je ajouter de plus à ce que M. Tohti a déjà dit?
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Simard, pour sept minutes.
    Bienvenue.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord vous remercier, monsieur Tohti et madame Turpie.
    Vous faites un travail essentiel. Il faut informer la société civile des situations inacceptables vécues par les Ouïghours. C'est le nerf de la guerre. Si l'on veut arriver à changer cette situation, il faut informer de manière constante la société civile. Je trouve qu'on n'entend pas suffisamment parler de ce qui se passe. En particulier, vous avez parlé de stérilisation et de prélèvement d'organe. Dans l'ignominie, il y a quelque chose de vraiment frappant.
    Monsieur Tohti, j'ai aussi beaucoup été touché par votre histoire. Vous avez dit être la cible de menaces. Tout à l'heure, vous avez parlé de cette diplomatie de prise d'otages qui s'est installée au cours des dix dernières années.
    J'aimerais savoir si cet état de fait est un peu documenté. Selon vous, qu'est-ce qui pourrait être fait par le gouvernement canadien pour aider à améliorer cette situation, à tout le moins, ou pour vous offrir un soutien?

[Traduction]

    Je dois insister sur le fait que la dernière fois que je me suis rendu à Ottawa, c'était ma 117e visite en 20 ans. J'ai parlé à des fonctionnaires d'Affaires mondiales et à tous les hauts fonctionnaires. Le 17 janvier, par exemple, j'ai remis à la division des sanctions d'Affaires mondiales la liste des responsables chinois à sanctionner. Le 9 mars, j'ai passé près d'une heure et demie avec le ministre Champagne lors d'un déjeuner sur les relations Chine-Canada et d'une réunion d'évaluation de celles-ci. J'ai fait état de toutes sortes d'histoires horribles. Le 11 décembre 2018, j'ai discuté brièvement avec l'honorable Chrystia Freeland. Je parle souvent à Omar Alghabra. Il est dans ma circonscription, dans mon quartier, et lorsque je lui ai écrit, il m'a dit qu'il avait transmis mon message au premier ministre Justin Trudeau.
    Il n'y a aucune excuse pour que les politiciens du Canada ne soient pas au courant de cela. Ils sont au fait de tout cela. J'en suis la preuve. Je leur ai personnellement parlé et j'ai soulevé cette question. Mais même si vous leur parlez mille fois, s'ils ne veulent pas écouter ou s'ils ne veulent pas agir...
    Je suis un simple Canadien. Je n'ai qu'un vote. Je suis aussi un contribuable. Prenez par exemple les 180 millions de dollars pour la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, la banque qui finance le rêve impérialiste d'expansion du gouvernement chinois. Pourquoi mes impôts devraient-ils financer l'expansionnisme chinois et la souffrance des Ouïghours aujourd'hui, simplement à cause de l'initiative chinoise de la route de la soie? L'argent de mes impôts appuie la persécution de mon propre peuple par les Chinois.
    Comme je l'ai mentionné, j'ai soulevé cette question plus souvent que quiconque au Canada, dans mes temps libres et à mes propres frais. Pour une réunion d'une demi-heure à Ottawa, j'ai dû faire 10 heures de voyage. Honnêtement, je ne sais pas ce que nous pouvons faire d'autre. Nous avons témoigné devant le Parlement. C'est mon quatrième témoignage au cours de la présente législature. Nous avons soulevé cette question. Il existe des preuves de cela.
(1505)

[Français]

    Monsieur Tohti, si je vous comprends bien, ce sont peut-être des impératifs économiques qui font en sorte qu'on accepte quelquefois de fermer les yeux sur les atrocités que vous avez amplement dénoncées.
    Souvent, pour arriver à faire pencher la balance, on doit alerter l'opinion publique, qui réussit à influencer les décideurs publics et qui les oblige à passer à l'action. Trouvez-vous que vous avez un soutien suffisant pour informer le public des atrocités qui se produisent actuellement à l'égard des Ouïghours?

[Traduction]

     Merci.
    Les médias parlent souvent des atrocités commises contre les Ouïghours. Je pense que la majorité des Canadiens savent déjà ce qui se passe. Cela s'explique probablement en partie par le code génétique des Canadiens; nous ne sommes pas très actifs sur le plan politique. Il y a tellement d'atrocités qui se produisent les unes après les autres dans le monde que nous ne pouvons pas tout suivre.
    De plus, de nombreux Canadiens ne comprennent pas le danger que représente le Parti communiste chinois pour notre avenir, pour les générations futures. De nombreux politiciens du reste du monde viennent de se réveiller et d'avouer qu'ils sont naïfs. Si des politiciens bien informés ont été naïfs, nous ne pouvons pas blâmer les Canadiens.
    Maintenant, l'information circule, et ce témoignage devant le Comité est important. Nous devons confier beaucoup plus de tâches à notre gouvernement avec nos propositions de politiques. Le gouvernement devrait jouer un rôle de chef de file.

[Français]

    Au cours de notre histoire, au Canada, nous avons appris à reconnaître ce qu'est un génocide culturel. Cette expression est utilisée notamment pour traduire la manière injuste dont on a traité les Autochtones.
    Selon les informations que vous nous transmettez, peut-on dire qu'il ne s'agit plus d'un génocide culturel, mais d'un génocide tout court, dont l'objectif est un peu différent? Il ne s'agit pas de mesurer les atrocités, mais il me semble que si l'on arrivait à désigner cette situation comme étant un génocide tout court, peut-être y aurait-il une résonance plus grande chez les décideurs.
    Partagez-vous cette opinion?

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord. Aucun qualificatif n'est nécessaire. Il n'est ni « culturel » ni « démographique »; c'est un génocide, un point c'est tout.
    Je suis d'accord avec cela. Je ne pense pas que nous ayons besoin d'autres preuves pour qualifier cette situation de « génocide ». Je pense que les Canadiens devraient être très sensibles à ce qui est arrivé au peuple ouïghour.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson, pour sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Dans les témoignages que nous avons entendus de la part de tous nos témoins, y compris les deux que nous avons aujourd'hui, ce que je constate, c'est cette frustration concernant la reconnaissance si lente, le manque de mouvement, le manque d'action de la part du gouvernement canadien, et je suppose que je pourrais dire de la part de la communauté internationale.
    J'aimerais aborder quelques sujets différents. J'ai pensé commencer par vous, docteure Turpie. Vous avez parlé un peu du prélèvement d'organes. Bien sûr, nous savons que c'est un affront horrible aux droits de la personne. Nous savons que le gouvernement chinois a procédé à une vaste collecte de données génétiques et d'autres renseignements personnels. Pouvez-vous confirmer ou présumer, je suppose, que la collecte de ces données sert au prélèvement d'organes?
    Je ne peux pas confirmer que c'est seulement pour le prélèvement d'organes, mais si vous avez des données sur l'ADN des prisonniers dans un centre de rééducation, à quoi l'utiliseriez-vous normalement? Je sais qu'ils s'en servent pour suivre les gens. Je crois qu'ils les utilisent aussi pour le prélèvement d'organes.
    Si je peux poursuivre dans la même veine, avez-vous l'impression que les répercussions ont augmenté ou se sont accélérées pendant la crise de la COVID-19, pas nécessairement le prélèvement d'organes, mais le fait que le gouvernement chinois utilise la COVID-19 comme couverture pour continuer d'intensifier ses attaques contre le peuple ouïghour?
(1510)
    Honnêtement, je ne sais pas. J'en ai un peu entendu parler ce matin. Je sais qu'on s'inquiète de la propagation de la COVID-19 dans ces centres de détention. Il est certain que si des gens sont forcés de travailler dans des régions où ils n'ont pas de protection, cela n'est pas dans ce qu'on pourrait appeler leur intérêt supérieur.
    Est-ce que cela répond à votre question?
     Oui.
    Je pensais plutôt à l'utilisation de la pandémie pour donner à la Chine l'espace nécessaire pour intensifier ou accélérer ses attaques contre les Ouïghours, car la communauté internationale n'a pas la même capacité de surveillance à l'heure actuelle. Nous sommes tous très concentrés sur nos propres collectivités.
    C'est peut-être le cas. Je n'ai vu aucune information à ce sujet. Je ne sais pas si M. Tohti est au courant. Je sais seulement que le prélèvement forcé d'organes est un affront à tous les droits de la personne que je connais, et nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour y mettre fin.
    Évidemment.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez tous les deux de la question suivante. En ce qui concerne la réponse du Canada aux Ouïghours qui demandent l'asile, particulièrement pendant la pandémie, quelles seraient les principales choses que vous aimeriez que le gouvernement canadien fasse pour s'assurer que nous fournissons le plus de soutien possible aux demandeurs d'asile, en particulier, compte tenu des défis qui se posent au chapitre des déplacements internationaux en ce moment?
    Personnellement, je préfère suivre la procédure et la loi. C'est très clair.
     J'ai soulevé la question des Ouïghours parce que c'est une situation très particulière. Les réfugiés ouïghours présentent des demandes d'asile au Canada, et ils laissent derrière eux leurs parents, leurs conjoints et leurs enfants dans des pays instables. Ces conjoints risquent d'être renvoyés en Chine à tout moment. C'est pourquoi non seulement la réunification des familles est-elle une meilleure option pour eux, mais en même temps, il est important d'assurer leur sécurité. À l'heure actuelle, à cause de la COVID-19, tout est reporté et les délais sont longs. C'est un aspect sur lequel je veux insister.
    Deuxièmement, j'ai participé à un certain nombre d'audiences. Cela fend le cœur. Les gens pleurent et souffrent, se rappelant les atrocités que les membres de leur famille et eux-mêmes ont vécues. Pourquoi obligeons-nous ces gens à revivre cette douleur et ces horreurs devant un interprète et un arbitre? Le monde entier sait ce qui se passe. Le monde entier sait que le gouvernement chinois cible tous les Ouïghours sans discrimination.
    La Suède a déclaré qu'elle accepterait tous les Ouïghours comme réfugiés tant qu'ils peuvent prouver leur identité comme Ouïghours. Pourquoi ne pas suivre l'exemple de la Suède et apporter un peu de réconfort à ces gens?
    Je ne crois pas vraiment que la pandémie de COVID devrait empêcher cela. Je pense que les gens peuvent être mis en quarantaine là d'où ils viennent et qu'ils peuvent l'être de nouveau lorsqu'ils arrivent au Canada. Mis à part les problèmes bureaucratiques, je ne crois pas qu'il devrait être difficile de faire venir des réfugiés.
     D'accord.
    De façon plus particulière, lorsque vous parlez des enfants qui sont apatrides, puis-je supposer que vous verriez le Canada jouer un rôle important pour veiller à ce qu'ils obtiennent la citoyenneté canadienne?
    Nous avons des documents contenant 125 000 pages de renseignements personnels qui ont été recueillis au cours des entrevues et des enquêtes que nous avons menées, il y a deux ans. Je les ai envoyés à des membres de la communauté en Turquie. Il y a des histoires déchirantes. Nous avons entendu leurs témoignages, le nombre de membres de leurs familles qu'ils ont perdus, qui ont disparu, qui ont été tués ou qui ont été internés dans des camps de concentration. Ces gens ont été laissés sans soutien.
    Ce qui importe encore plus, c'est qu'il n'y a aucun moyen pour eux de demander de l'aide. Par exemple, le bureau du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a fermé en Turquie. Le ministre turc de l'Intérieur contrôle le bureau de l'immigration. Lorsqu'ils demandent l'asile, ils craignent d'être rejetés à cause du jeu politique entre la Turquie et la Chine. Maintenant, comme vous le savez, la Turquie se distancie de l'OTAN et de l'Alliance occidentale. Elle se rapproche de plus en plus de la Russie et de la Chine et reçoit une aide financière de cette dernière. Ces personnes sont devenues une monnaie d'échange, des victimes. C'est pour cette raison qu'on en dénombre peut-être 20 000, 30 000, mais de façon réaliste, au moins 2 300 à 2 400 familles avec plusieurs enfants. Ces personnes sont très vulnérables. Pouvons-nous leur offrir de l'aide? C'est ce qui me préoccupe.
(1515)
     Merci.
    Nous allons maintenant faire un bref tour de table. Nous allons accorder trois minutes à chaque parti.
    Nous allons commencer par Mme Khalid, pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Tohti et docteure Turpie, de votre témoignage aujourd'hui.
    Monsieur Tohti, je veux simplement dire que l'an dernier, j'étais au MuslimFest à Mississauga. Je tiens à vous remercier, vous et la communauté ouïghoure du Canada, d'avoir mis en valeur la beauté de votre culture et de vos traditions. Je comprends vos frustrations, mais il ne fait aucun doute que vous avez un impact. Vous élevez la voix et vous préservez cette culture. Je vous en remercie.
    Je vais m'adresser à la Dre Turpie très rapidement.
    Docteure Turpie, en décembre 2019, des représentants du gouvernement chinois de la province du Xinjiang ont déclaré que des gens avaient été libérés ou avaient obtenu leur diplôme de ces camps de rééducation. J'espère que vous pourrez nous éclairer davantage à ce sujet.
    Nous avons aussi entendu parler des Chinois han qui s'établissent au Xinjiang. Nous avons également entendu dire que les communautés ouïghoures sont expulsées de cette province. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce mouvement de personnes et nous dire si, au bout du compte, on permet aux gens de quitter ces centres de rééducation? Merci.
    Vous devez comprendre que l'information que nous obtenons de cette province est très, très limitée. Certains rapports de presse que nous avons dépendent de certains universitaires avec lesquels nous avons des contacts, et ils sont le fait de comptes rendus et de témoignages personnels comme ceux que vous avez entendus aujourd'hui.
    Je crois savoir que ces gens sont hébergés de force chez les Ouïghours. On peut supposer, encore une fois, qu'ils prennent le contrôle de leur maison. Ils prennent leurs emplois, car les hommes ouïghours, en particulier, se trouvent dans des centres de rééducation.
    Je ne peux pas imaginer les qualifications dont ils ont besoin pour obtenir leur diplôme de ces centres. On peut supposer qu'ils ont admis leur allégeance au Parti communiste chinois. On peut supposer qu'ils ont appris à parler un peu le mandarin. On peut supposer qu'ils ont peut-être renié leur religion. Je ne crois pas qu'il n'y ait rien de bon dans l'obtention d'un diplôme de l'un de ces établissements.
    Merci.
    Monsieur Tohti, avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Dans ma déclaration préliminaire, j'ai donné l'exemple de trois Canadiens. J'ai parlé des membres de la famille de trois Canadiens. Aucun d'entre eux, aucun membre de leur famille, n'a été libéré des camps de concentration. Arkin Kurban vit à Montréal, et 76 membres de sa famille élargie sont toujours dans des camps de concentration; 38 de mes parents sont toujours dans des camps de concentration. Nuriam Abla, une autre femme, a des parents dans des camps de concentration. Vous pouvez parler aux Canadiens ouïghours d'un océan à l'autre. Personne n'a déclaré que des membres de sa famille avaient été libérés des camps de concentration.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Chiu, pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur participation au Comité.
    Monsieur Tohti, en tant que Chinois han, je peux vous dire que je ne suis pas fier de ce que le Parti communiste chinois a fait et fait encore au nom de la Chine. Comme beaucoup d'autres Canadiens, je suis très sensible au sort de votre peuple. Nous travaillons très fort pour mettre fin à cette situation et réparer certains des dommages qui ont été causés.
    Dans la circonscription que je représente, il y a une « autoroute vers le paradis », un long tronçon de route où s'alignent des institutions religieuses et des lieux de culte. Parmi eux, trois appartiennent à la religion musulmane. J'ai essayé d'attirer l'attention de leurs fidèles sur la souffrance des Ouïghours. Cela les a littéralement laissés indifférents. Pourquoi en est-il ainsi? Comment suggérez-vous de contrer cela, afin de sensibiliser les gens pour qu'ils vous appuient?
(1520)
     Je vous remercie de la question. Tout d'abord, je suis reconnaissant de votre appui.
    Comme je l'ai dit, nous n'avons pas une grande population; à l'échelle du pays, il y a 1 500 Ouïghours, et je ne parle pas de familles. Ce sont tous de nouveaux immigrants. Ils ont des problèmes de langue. Ils arrivent à peine à joindre les deux bouts et travaillent pour subvenir aux besoins de leur famille. Nous n'avons pas beaucoup d'activistes. Peu importe où nous nous trouvons, nous ne pouvons pas simplement faire du travail de défense des droits et donner des explications dans le cadre de rassemblements publics avec des conférenciers. C'est un problème. Je dois me déplacer d'un endroit à l'autre. C'est un élément.
    Cela fait partie de notre communauté. Nous ne pouvons pas être présents à chaque événement dans chaque collectivité. Nous faisons de notre mieux pour passer le mot au Canada, pour éduquer nos amis canadiens, les citoyens de tout le pays, et pour travailler avec différents groupes confessionnels.
    Je suis allé dans la circonscription que vous représentez à plusieurs reprises. Il y a une mosquée. L'Institut islamique de Toronto, je crois, se trouve également dans votre circonscription. J'y suis allé pour une conférence. J'ai parlé avec les principaux intervenants.
    Nous travaillons constamment, mais en même temps, il est vraiment difficile de se débarrasser des idées préconçues des gens sur la Chine ou le gouvernement chinois.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Simard, pour trois minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Tohti, j'ai toujours eu l'impression que l'un des moteurs de l'action politique était l'indignation. Lorsqu'on s'indigne devant une situation, on est plutôt porté à passer à l'action. Après votre témoignage, je me sens indigné. L'indignation, c'est beau, mais c'est encore mieux quand c'est suivi de mesures concrètes.
    Vous allez peut-être trouver ma question banale. Vous venez de dire qu'il n'y a pas suffisamment d'activistes pour informer les gens de la situation problématique vécue par les Ouïghours. En ma qualité de législateur de l'opposition, mais aussi en tant que citoyen, que pourrais-je faire, concrètement, pour vous donner un coup de main? Quelles mesures concrètes ou quelle stratégie pourrais-je prendre pour arriver à informer la population de ce que vivent les Ouïghours?

[Traduction]

    Merci.
    Je pense qu'un certain nombre de nos parlementaires ont sur leur site Web personnel une fenêtre concernant les Ouïghours, ou une mise à jour instantanée sur la situation des Ouïghours, qu'ils affichent sur leur propre site Web parlementaire ou personnel. C'est là une façon. L'honorable David Kilgour a une fenêtre concernant les Ouïghours sur son site Web, et chaque jour, il la met à jour et diffuse des nouvelles. Vous pourriez peut-être faire cela.
    Deuxièmement, au cours d'une assemblée publique avec vos électeurs dans votre circonscription, vous pouvez en parler. Il s'agit de notre avenir. J'essaie d'insister là-dessus. J'ai un fils, qui n'a que deux semaines. Mon fils va grandir ici, au Canada. Il va vivre dans ce monde. Si la Chine dirige les destinées du monde grâce à ce plan ambitieux, dans quel monde vivront nos générations futures? Il ne s'agit pas uniquement de la situation ou de la tragédie des Ouïghours. Il s'agit de nous tous.
    Nous aimerions offrir un monde pacifique à la génération qui nous suit. Nous jouissons de la primauté du droit, de la liberté et des valeurs démocratiques fondamentales, et nous devons les préserver. La Chine remet en question nos valeurs. Il faut examiner la question d'un point de vue plus large et éduquer les électeurs de vos circonscriptions et les gens qui vous entourent. Parlez-en autour de vous. C'est peut-être la meilleure façon de commencer.
    Vous avez 20 secondes pour poursuivre.

[Français]

    Qu'est-ce qui explique la virulence des actions du gouvernement chinois contre les Ouïghours? Est-ce que l'existence d'un projet d'émancipation ou d'autonomie politique explique en partie ces actions?
(1525)

[Traduction]

    La Chine veut éliminer les Ouïghours et prendre nos terres ancestrales. Les Ouïghours veulent conserver leur territoire et leur identité nationale. Voilà la difficulté. Si vous posez la question à tous les Ouïghours à l'étranger, vous verrez qu'ils souhaitent un État indépendant. Il n'y a pas moyen de vivre avec le peuple chinois, parce que beaucoup de Chinois...
    Je vous remercie.
    Nous allons passer à Mme McPherson pour trois minutes.
    Merci beaucoup.
    Je vais poser deux questions et vous demander à tous les deux d'y répondre, si vous le voulez bien. Premièrement, comparativement aux autres pays occidentaux, comment décririez-vous la réponse du Canada aux mesures prises par le gouvernement de la Chine contre la population ouïghoure? Y a-t-il des exemples de la communauté internationale que vous aimeriez que nous examinions de plus près, des exemples internationaux de choses qui se sont bien passées et de choses que nous pourrions imiter?
    En terminant aujourd'hui, si vous pouviez tous les deux nous parler de cette question, ce serait merveilleux.
     Docteure Turpie, allez-y.
    D'accord.
    Vous savez quoi? Gandhi a dit que chaque voyage commence par un petit pas. Je pense que nous vous avons donné beaucoup d'idées aujourd'hui sur ce que vous pouvez faire. J'espère que vous examinerez le projet de loi S-204.
    D'autres pays, je crois que la Suède en est un, et le Royaume-Uni aussi... Je pense que même les États-Unis ont pris des sanctions et mis en œuvre des mesures. Il n'y a aucune raison pour que le Canada ne fasse pas de même.
    Ce serait merveilleux si le Canada avait le courage d'appeler cela un génocide, ce qu'il n'a pas fait pour les Rohingyas. On a laissé à un petit pays africain le soin de le faire. Je pense que nous pourrions défendre cette position.
     En particulier, il faut faire quelque chose au sujet du prélèvement forcé d'organes. Je suis médecin. J'ai prêté serment de ne jamais faire de mal. Je ne causerais jamais de tort à des patients. Si je garde le silence là-dessus, si nous gardons le silence là-dessus, nous causons du tort. S'il vous plaît, faisons quelque chose au sujet du prélèvement forcé d'organes.
    Une chose que le Canada a bien faite sur la scène internationale, tout comme le bureau de l'ONU à Genève, c'est de se joindre fréquemment à d'autres alliés occidentaux pour soulever la question des Ouïghours auprès du gouvernement chinois.
    Nous parlons de mesures concrètes. Nous n'avons pas de mesures concrètes. Nous pouvons suivre l'exemple du Royaume-Uni et des États-Unis.
    Ce qui importe plus encore, comme je l'ai dit, c'est que le Canada a un immense pouvoir de convaincre. Si la Chine veut éradiquer les Ouïghours, pourquoi n'aidez-vous pas les Ouïghours? Si la Chine veut éradiquer notre culture, pourquoi ne pas construire un institut ouïghour? Il est important de comprendre l'expérience des Ouïghours pour comprendre la Chine.
    En utilisant ce pouvoir de persuasion, nous pourrions faire tellement de choses. La loi Magnitski... Le prélèvement d'organes et le travail forcé... C'est notre obligation. Nous devons le faire, non pas pour les Ouïghours, mais pour nous-mêmes. Autrement, nous sommes complices d'un génocide.
    Merci beaucoup.
    Voilà qui conclut notre troisième groupe de témoignages.
    Je tiens à vous remercier, docteure Turpie, pour votre travail de défense des droits, et vous, monsieur Tohti, pour votre témoignage sincère, pour nous avoir fait part de vos connaissances et de votre expérience personnelle. Le Comité vous félicite pour votre courage et votre bravoure.
    Soit dit en passant, je vis à Mississauga. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises.
    Oui. Vive Mississauga.
    Nous allons suspendre la séance pendant 30 minutes pour que la salle soit nettoyée pour respecter les normes relatives à la COVID-19.
(1525)

(1615)
     Bon retour à tous.
    Nous avons tous appris que la technologie n'est jamais facile. Comme nous l'avons dit, il s'agit souvent d'un chemin très cahoteux. Nous essayons de joindre l'un de nos témoins en ligne, mais nous avons de la difficulté à le faire.
    Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui peuvent nous entendre et nous voir. Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes. Les témoins d'aujourd'hui comparaissent par vidéoconférence. Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
    Si des problèmes techniques surgissent, et je ne dis pas cela à la légère, en ce qui concerne l'interprétation, par exemple, ou s'il y a un problème avec votre Audio Arise, veuillez en informer immédiatement le président. L'équipe technique travaillera à les résoudre.
    Gani Stambekov assurera l'interprétation consécutive en kazakh par Zoom. La traduction est consécutive en raison de la disponibilité des interprètes et des considérations technologiques. Il doit y avoir six cabines pour l'interprétation consécutive d'une troisième langue, et en raison de la distanciation physique, on ne peut en avoir que quatre. Lorsque vous posez des questions, veuillez faire une pause pour permettre l'interprétation. Nous essayons de limiter le temps de parole à environ deux minutes avant que l'interprétation consécutive ne commence avec M. Stambekov sur Zoom. Je vous remercie.
    Notre quatrième groupe de témoins se réunira jusqu'à 17 h 45 aujourd'hui. Je crois comprendre que tous les membres sont d'accord pour que nous poursuivions à huis clos pendant les 15 dernières minutes.
     Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins dans l'ordre dans lequel ils feront leur déclaration préliminaire. Nous accueillons M. Chris MacLeod, avocat et partenaire fondateur, Cambridge LLP.
     Bienvenue, monsieur MacLeod.
    Nous recevons Mme Kamila Talendibaevai, militante des droits ouïghours. Nous tentons de faire en sorte qu'elle puisse participer en ligne.
    Nous accueillons, à titre personnel, Mme Jewher Ilham, auteure et militante pour les droits humains.
    Nous recevons également, à titre personnel, Mme Sayragul Sauytbay, activiste de la minorité du Turkestan oriental et récipiendaire du prix International Women of Courage 2020.
     Je m'excuse si j'ai mal prononcé vos noms. Vous pourrez nous donner la prononciation exacte lorsque vous interviendrez.
    Nous allons commencer par M. MacLeod. Si Mme Talendibaevai peut se joindre à nous, ils partageront leur temps de parole.
    Vous avez six minutes, monsieur MacLeod.
    Je suis le conseiller juridique de Huseyin Celil et de sa famille depuis sa détention en 2006.
    D'abord, je vous remercie de vous intéresser à cet important dossier. Je sais que le temps presse et je vais parler vite pour couvrir le plus de terrain possible, avant de céder la parole à Kamila Talendibaevai, l'épouse de M. Celil.
    Je commence. Il est utile de situer un peu le contexte de l'affaire Huseyin Celil. Je sais que certains députés n'étaient pas à la Chambre en 2006. Je sais que le député David Sweet y était et qu'il est intervenu activement dans cette affaire.
    Huseyin Celil est originaire du Nord-Ouest de la Chine. Il est un Ouïghour musulman de la communauté ouïghoure. En Chine, il se prononce en faveur du droit de parler sa langue et de vivre sa foi. Pour cela, il risque la persécution et la détention en Chine. À la fin des années 1990, il part parcourir l'Asie, jusqu'en Turquie. À Istanbul, il réclame et obtient le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Cette fois, Mme Talendibaevai et lui et leurs trois garçons finissent par immigrer au Canada en tant que réfugiés du Haut Commissariat des Nations unies en 2001, deviennent résidents permanents et, à la fin, citoyens canadiens.
    En 2006, M. Celil, Mme Talendibaevai et leurs trois fils, désormais citoyens canadiens, décident de se rendre en Ouzbékistan avec des passeports canadiens et des permis de voyage temporaires obtenus de l'Ouzbékistan pour visiter la famille de Mme Talendibaevai. Là-bas, un des garçons tombe malade. M. Celil décide, conformément à la réglementation applicable, de renouveler ce visa de voyage. Aux services compétents en Ouzbékistan, où il s'adresse pour le renouveler avec son passeport canadien, un drapeau rouge est levé parce que l'Ouzbékistan et la Chine ont un traité, ce que M. Celil ignore à l'époque. Ils font partie du Shanghai Besh, sept pays qui se partagent de l'information sur les dissidents politiques.
    Le 27 mars, M. Celil est détenu en Ouzbékistan. Il passe environ 90 jours en Ouzbékistan, et les Canadiens et les gens du terrain cherchent quoi faire. La communauté ouïghoure du Canada a clamé haut et fort, tout comme nous le crions au gouvernement canadien, que c'est le temps de sortir M. Celil. C'est la Chine qui veut l'avoir. Finalement, en juillet 2006 ou à peu près, l'Ouzbékistan transfère M. Celil en Chine. Il est traduit en justice. Il est condamné à mort et, au bout du compte, grâce aux interventions du ministre des Affaires étrangères de l'époque, Peter MacKay, sa peine de mort est commuée en emprisonnement à perpétuité.
    Le gouvernement canadien n'a jamais eu d'accès consulaire à Huseyin Celil. Mme Talendibaevai et la famille avaient des nouvelles par la famille de M. Celil dans le Nord-Ouest de la Chine jusqu'en 2016, puis plus rien. Nous n'avons pas la moindre nouvelle des proches de M. Celil là-bas. Nous n'avons jamais eu de communication directe avec lui. Il s'agit vraiment d'une tragédie canadienne de longue date où nous avons un citoyen canadien détenu en Chine, qui n'est pas entré en Chine avec un passeport canadien ni même avec un autre passeport. Il est allé dans l'Ouzbékistan voisin en tant que citoyen canadien visiter la parenté de son épouse. Rendu là, et c'est ici que nous avons un cas d'extradition, M. Celil a finalement été transporté en Chine par les Ouzbeks, ou les Chinois sont venus le cueillir en Ouzbékistan pour l'amener chez eux.
    Le procès a eu lieu. À l'époque, le premier ministre Harper a ordonné au personnel de l'ambassade à Pékin d'aller tous les jours attendre au tribunal pour voir quand il y aurait un procès et essayer d'y avoir accès. En fin de compte, ils n'ont jamais été autorisés à assister au procès. Un appel a été interjeté.
     Telle est la longue saga inutile de l'affaire Huseyin Celil.
    Nous avons toujours demandé deux choses, et je vais les demander encore une fois. La première est que le premier ministre nomme un envoyé spécial chargé expressément de réclamer la libération et le retour de Huseyin Celil. Nous voulons un envoyé spécial, plutôt qu'un employé de l'ambassade ou l'ambassadeur, qui aura pour seule tâche de demander la libération et le retour de M. Celil, de voir ce qu'il faut faire pour cela. Cela fait 14 longues années.
(1620)
     Quant à Mme Talendibaevai, j'ignore si elle est dans la salle en ce moment, mais nous allons maintenant entrer dans le détail des défis qu'elle a dû surmonter avec ses quatre jeunes enfants. Les quatre garçons, les enfants de M. Celil et de Mme Talendibaevai, n'ont pas vu leur père depuis 14 ans. L'un d'eux, Zubeyir, est né après la détention de son père. C'est une tragédie canadienne. Il languit depuis longtemps. Au début des mesures de répression contre la communauté ouïghoure dans le Nord-Ouest de la Chine, nous n'avions déjà pas d'accès consulaire. Depuis 2016, nous sommes absolument sans nouvelles sur son état de santé et sa situation.
    Premièrement, le premier ministre devrait nommer un envoyé spécial pour réclamer la libération et le retour de Huseyin Celil. Deuxièmement, il faudrait la collaboration de tous les partis à cet égard. Je me rappelle que, du temps que les conservateurs étaient au pouvoir, le ministre MacKay a commué la peine de mort en emprisonnement à vie. Le député Sweet et le député Kenney étaient deux conservateurs actifs à l'époque. La députée Gould a aussi été active, mais il n'y a pas eu d'action non partisane où tous les députés à la Chambre, à l'unanimité, ont tiré dans le même sens.
(1625)
    Merci, monsieur MacLeod.
    Nous voulons être sûrs que Mme Sauytbay comprend bien ce que disent les autres témoins. Je vais demander à notre interprète kazakh, M. Stambekov, s'il peut faire un résumé d'une minute après que chacun des témoins aura parlé. Seriez-vous en mesure de faire cela, monsieur Stambekov?
    M. Stambekov va tout de suite prendre une minute pour résumer ce que M. MacLeod avait à dire, après quoi nous passerons au prochain témoin. Et il fera la même chose après le prochain témoin.
    Mme Ilham dispose de six minutes. Elle est auteure et militante pour les droits humains.
    Madame Ilham.
     Merci, monsieur le président, de m'accueillir aujourd'hui.
    Je m'appelle Jewher Ilham. Je m'adresse à vous aujourd'hui non pas en tant qu'universitaire ou spécialiste de la politique et des politiques chinoises, mais en tant que fille d'un homme qui a été et qui est toujours victime de violations des droits de la personne ciblant les Ouïghours en Chine.
    Mon père est Ilham Tohti, le lauréat du prix Sakharov 2019. Il a aussi reçu de nombreux autres prix. Il a été mis en nomination trois fois pour le prix Nobel de la paix. Je ne l'ai pas vu depuis le 2 février 2013, le jour où je l'ai laissé dans une minuscule salle blanche de l'aéroport de Pékin pour prendre un avion à destination des États-Unis. Nous étions en route vers l'Université de l'Indiana, où mon père allait travailler comme chercheur invité. J'avais 18 ans.
    Au début, j'ai refusé de partir sans lui. Je ne pensais pas que c'était une bonne idée de laisser mon père seul à l'aéroport. J'ignorais ce qui allait lui arriver. Allait-on l'interroger? Le torturer? Le reverrais-je jamais? Un million de questions me traversaient l'esprit. Il a insisté pour que je monte dans l'avion. Je partais pour les États-Unis, où je ne connaissais personne, où je n'avais rien, et dont je ne parlais même pas la langue. L'idée de devoir commencer une nouvelle vie à partir de zéro en terre inconnue me terrifiait. Mais ce n'est pas pour parler de moi que je suis là aujourd'hui; c'est pour parler de mon père et du peuple ouïghour.
    Mon père est né en 1969 dans la petite ville d'Artush de la région ouïghoure, d'où sont originaires certains des meilleurs gens d'affaires de la région. C'était un homme d'affaires prospère qui parlait de nombreuses langues, et il était un professeur d'économie fort respecté à l'Université Minzu de Pékin. C'est un homme cultivé, un homme de compassion, un bon père de famille. Mon père était, et sera toujours, un ardent partisan de l'égalité pour tous.
    Avant son arrestation en 2014, mon père consacrait le plus clair de son temps à la promotion du dialogue entre les minorités ethniques et la majorité han en Chine. Il a voyagé dans de nombreux pays, et compris que des gens différents peuvent vivre en harmonie. C'est ce qu'il voulait pour la Chine. Mon père a créé le site Web Uyghurbiz.com en tant que lieu de libre échange d'idées. Il espérait pouvoir aider les Hans à comprendre les nombreux aspects de la vie ouïghoure, la riche culture, la belle langue, ainsi que les disparités économiques et sociales. Il a aussi donné de nombreuses entrevues en Chine et de par le monde. Il a publié des articles pour attirer l'attention sur cet enjeu et promouvoir le dialogue.
    Tout cela dans un effort de bonne foi pour contrer les médias et les manuels scolaires approuvés par l'État chinois où les Ouïghours étaient présentés comme des amuseurs, des tire-laine et des voleurs et désormais des extrémistes violents.
    Mon père a été détenu contre son gré pendant trois jours après nos derniers adieux à l'aéroport international de Pékin. Il a passé les 11 mois suivants en détention à domicile. Pendant que j'étais en Indiana, nous nous parlions au moins trois fois par jour, pour vérifier que nous étions l'un et l'autre en sécurité et que nous savions nous adapter à notre nouvelle situation. Il m'a prévenue qu'il serait probablement arrêté. Quelques mois plus tard, il a été emmené, le 15 janvier 2014.
    Je suis née dans le monde de mon père. Je n'avais pas le choix. Jeune fille en Chine, j'ai connu les intrusions de la sécurité de l'État dans notre foyer, la surveillance constante, les restrictions scolaires, la détention à la campagne et les multiples menaces de mort, tout cela parce que mon père se consacrait à la promotion d'un dialogue pacifique entre les Chinois han et les Ouïghours.
    En 2013, j'ai fait le choix de quitter la Chine. Ce choix m'a permis de garder vivante l'œuvre de mon père. Mon père savait que les Chinois tenteraient de le réduire au silence en le disant séparatiste et le confinant en solitaire. De fait, mon père a été le premier prisonnier politique depuis la révolution culturelle à être condamné à l'emprisonnement à perpétuité en Chine. Je tiens à souligner qu'il essayait de rapprocher les gens, mais qu'il a quand même été accusé et reconnu coupable d'être séparatiste.
    Quand tout cela a commencé, j'avais l'impression d'être parmi le petit nombre, mais j'ai fini par comprendre en 2017 que je faisais partie d'une génération d'enfants ouïghours qui ignoraient où étaient leurs parents.
    On estime aujourd'hui à plus d'un million le nombre d'Ouïghours enfermés dans des camps de concentration. Comme vous le savez probablement, cela a été documenté par des photos de satellites de surveillance, des vidéos et des documents du parti qui ont fait l'objet de fuites et le témoignage de survivants.
(1630)
    Plus tôt aujourd'hui, M. Adrian Zenz vous a parlé de la stérilisation forcée pour réduire, voire détruire, la population ouïghoure dans l'Ouest de la Chine.
    Il faut que cela cesse. Le ciblage systématique des Ouïghours anéantit ma culture, mes traditions, ma langue, ma religion et mon ethnicité. Nombreux sont ceux qui demandent si mon père a été transféré dans un camp. C'est le genre de question qu'on pose à beaucoup de mes concitoyens ouïghours ces jours-ci, et je réponds que je ne sais pas où il est ni même s'il est vivant. Personne n'a eu de contact avec lui depuis près de trois ans, et je ne sais tout simplement pas.
    Mais je sais que mon père est un sage qui savait que l'unité autour d'une cause commune est plus forte que l'isolement. Le temps est venu de nous retrouver et de nous unir dans nos aspirations de liberté. Sur ce, je lance quelques appels à l'action au Canada.
    Premièrement, il faut cesser de laisser le gouvernement chinois politiser la situation de milliers, voire de millions, d'Ouïghours détenus dans des camps. Nous savons tous que ce n'est pas une affaire interne. Il s'agit d'une mission mondiale, et Affaires mondiales Canada doit revenir constamment sur la question avec ses homologues à Pékin. Il doit leur faire savoir que le gouvernement du Canada ne tolérera pas ces violations des droits de la personne. Il doit demander à la Chine de fermer les camps et de mettre fin aux persécutions et, sur une note personnelle, de libérer mon père, Ilham Tohti.
    Deuxièmement, il doit parler au nom du million ou à peu près de prisonniers dans le camp. Il y a deux ans, votre comité a exhorté le gouvernement du Canada à s'attaquer à cette crise, qui s'aggravait; mais le gouvernement chinois a continué d'enfermer des gens comme mon père et d'en réduire d'autres au silence. J'exhorte le gouvernement du Canada à faire adopter une loi en bonne et due forme comme la récente loi sur la politique des droits des Ouïghours aux États-Unis.
(1635)
    Troisièmement, incitez les fabricants canadiens à cesser de faire affaire avec des fournisseurs et des sous-traitants qui vendent des matériaux produits par le travail ouïghour forcé. J'encourage tous les citoyens canadiens à ne pas acheter de produits de marques qui continuent de dépendre de biens fabriqués par des prisonniers ouïghours. Ces listes sont faciles à trouver dans Internet.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, je viens ici en tant qu'Ouïghoure et fille d'Ilham Tohti. J'estime que ce n'est pas seulement mon devoir, mais aussi le devoir de chacun d'entre nous de protéger les droits fondamentaux des victimes de persécution.
    Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au Comité.
     Merci, madame Ilham. Merci de votre courage et merci de nous avoir fait part de votre expérience personnelle de la persécution de votre père, de votre famille et des Ouïghours.
    Nous allons maintenant demander à M. Stambekov, notre interprète kazakh, de nous résumer en une minute — c'est bien peu, je le sais — le témoignage de Mme Ilham.
    Nous passons à Mme Sauytbay pour sa déclaration.
     Monsieur Stambekov, pourriez-vous lui expliquer la règle du temps de parole? Si elle s'arrête toutes les deux minutes, et que vous prenez une minute ou deux pour l'interprétation consécutive, elle peut probablement diviser sa déclaration en trois blocs.
     [Le témoin s'exprime en kazakh et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Chers invités, qui participent à cette conférence, mesdames et messieurs, je suis très heureuse d'être là avec tout le monde.
    Je m'appelle Sayragul Sauytbay. Je suis d'origine ethnique kazakhe. Je remercie vivement le gouvernement canadien, qui organise cette conférence. Je suis très reconnaissante aussi à toutes les personnes qui ont participé à l'organisation de cette conférence.
    Encore une fois, je m'appelle Sayragul Sauytbay. Je suis d'origine ethnique kazakhe et je suis un témoin vivant du camp de concentration fasciste du XXIe siècle, organisé principalement par le Parti communiste chinois.
    Je suis née sur la terre ancestrale de mon peuple, qui s'appelait à l'origine le Turkestan oriental. Après l'arrivée du Parti communiste chinois, le Turkestan oriental est devenu le Xinjiang. J'y ai travaillé comme médecin, enseignante et directrice d'école.
    Lorsque le Parti communiste chinois s'est attaqué à la vie quotidienne de notre peuple, ma famille et moi avons décidé de partir au Kazakhstan. Lorsque j'ai voulu déménager avec ma famille au Kazakhstan, on m'a arraché mon passeport et on m'a interdit de partir avec ma famille.
    Après le déménagement de ma famille au Kazakhstan, j'ai communiqué avec elle par WeChat, une application de média social, après quoi le Parti communiste chinois m'a empêchée de communiquer avec ma famille par WeChat.
    Le Parti communiste chinois a commencé sa politique génocidaire pour détruire, tuer tout le peuple du Turkestan oriental à la fin de 2016. Officiellement, il a lancé cette politique à ce moment. Sur la foi de beaucoup de mensonges, il a arrêté des innocents, qu'il a enfermés dans des camps de concentration et jetés en prison.
(1640)
     Je n'étais coupable de rien, mais du simple fait que je suis kazakhe et que ma famille vit au Kazakhstan, je suis devenue victime de la politique cruelle; et, en janvier 2017, comme je l'ai dit, parce que ma famille vivait au Kazakhstan, des agents venaient me chercher tous les soirs à minuit. Ils me sortaient de chez moi. Ils faisaient enquête sur moi, me faisaient peur, me battaient et me mettaient la pression.
    En novembre 2017, j'ai été expédiée dans l'un des camps de concentration organisés par le Parti communiste chinois, où les Kazakhs et les Kurdes étaient emprisonnés. Je leur enseignais le chinois. Parce que j'étais enseignante au camp de concentration, j'ai aussi dû signer un contrat secret. Selon ce contrat, si je laissais fuir de l'information sur ce que je voyais dans le camp de concentration, je serais condamnée à mort.
    Dans le camp de concentration fasciste où j'étais emprisonnée, il y avait environ 2 500 personnes, tous des innocents envoyés en camp de concentration sous de faux prétextes. La fourchette d'âge des prisonniers allait de 13 à 80 ans. Tous les hommes avaient les cheveux coupés. Les prisonniers étaient tous pieds et poings liés. Tous les coins, de même que le milieu de la prison, étaient munis de caméras de télévision en circuit fermé. Il y avait des caméras dans tous les couloirs également, et chaque geste que nous faisions était contrôlé, 24 heures sur 24.
    Les prisonniers du camp de concentration ont été forcés d'apprendre les traditions, la culture et les chants chinois. Ils ont aussi appris l'esprit du 19e Congrès national du Parti communiste de Chine, ses politiques et ses notions, et les prisonniers devaient faire l'éloge du Parti communiste chinois et de Xi Jinping.
(1645)
     Ces camps de concentration chinois opprimaient les prisonniers. Ils détruisaient leur âme et les torturaient tous. De même, dans ces camps de concentration, les prisonniers étaient stérilisés de force et obligés de prendre une médication spéciale. Après cela, les femmes perdaient leurs menstruations et les hommes leur capacité d'avoir une famille. Ce genre de torture était monnaie courante. Toutes les femmes, même les jeunes, étaient violées quotidiennement par les travailleurs de leur camp de concentration.
    De même, chaque camp de concentration avait une salle ou une maison noire spéciale sans caméras. Ceux qui y étaient envoyés étaient cruellement torturés. Cette salle noire était le théâtre de différents types de torture. Lorsque j'enseignais, il arrivait que des gardiens ou des agents de sécurité s'amènent dans ma classe et parlent aux prisonniers, qu'ils emmenaient dans cette maison noire, la salle noire. Par après, pendant mes cours, nous entendions leurs cris, leurs voix. Ils suppliaient et appelaient à l'aide...
(1650)
    Monsieur Stambekov, dites à Mme Sauytbay qu'il lui reste une minute pour conclure sa déclaration; et elle aura la possibilité de nous en dire plus long pendant la période de questions.
     [Le témoin s'exprime en kazakh et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Ce que fait le Parti communiste chinois dans le Turkestan oriental au XXIe siècle est le même genre de génocide que les Allemands fascistes ont commis il y a 70 ans contre les Juifs. De plus, au XXIe siècle, le but premier de cette action génocidaire du Parti communiste chinois est de détruire les ethnies, de détruire les personnes. Le Turkestan oriental connaît le même sort que les Juifs de jadis.
    Je demande au gouvernement canadien d'aider le peuple du Turkestan oriental et de faire tout en son pouvoir pour mettre fin à ce crime.
    Monsieur Stambekov, je sais que nous avons beaucoup parlé de technologie aujourd'hui. C'est parfois difficile, mais en ces temps extraordinaires de COVID-19, nous avons la chance d'avoir cette technologie et de pouvoir avoir un interprète kazakh à Washington — monsieur Stambekov, merci beaucoup — et d'avoir la chance d'entendre Mme Sauytbay nous raconter son histoire à distance aujourd'hui.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par le vice-président et responsable de notre présence ici aujourd'hui, M. Sweet, pour sept minutes.
     Merci, monsieur le président, et merci encore une fois de votre bienveillance. Je reviens au dernier témoin, qui vient de nous livrer sa déclaration préliminaire.
     Madame Sauytbay, je vous félicite d'avoir fui au Kazakhstan, puis de vous être enfuie en Suède. Vous êtes une personne extraordinaire, et vous méritez le prix et la reconnaissance que vous avez reçus pour votre courage en 2020.
(1655)
    [Le témoin s'exprime en kazakh et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci beaucoup.
     Je vous rendrai l'hommage que vous méritez et appellerai votre terre natale le Turkestan oriental. Vous devez avoir vu, étant donné le temps que vous avez passé là-bas avant de fuir, la naissance de ce qu'un de nos témoins a appelé un « État policier », où la surveillance n'a pas cessé de s'intensifier.
    Est-il juste de dire que ce n'est pas seulement une affaire d'incarcérations, mais que c'est entièrement un État de police et de surveillance?
     [Le témoin s'exprime en kazakh et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Oui, je confirme que le Turkestan oriental est devenu une grande prison. Tout ce qui est dit, partout, et tout ce qui se fait, 24 heures sur 24, est enregistré, et tout et tous sont surveillés dans le Turkestan oriental.
    Madame Sauytbay, enfin, Adrian Zenz a témoigné aujourd'hui que, à son avis, c'est l'Holocauste 2.0 et que la seule différence est que l'objectif est de briser et d'écraser le peuple ouïghour plutôt que de l'exterminer. Seriez-vous d'accord sur cette observation également?
     [Le témoin s'exprime en kazakh et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Dans le Turkestan oriental, il y a les natifs de cette terre: les Ouïghours, les Kazakhs, les Ouzbeks, les Tartares, les Kirghizes. Tous ces peuples sont actuellement ciblés par la politique de l'Holocauste, qui vient directement de Pékin et dont l'objet est de détruire et d'éradiquer tous ces autochtones du Turkestan oriental.
    Je vais partager le reste de mon temps avec mon collègue, monsieur le président, mais je voulais dire une dernière chose à M. MacLeod: je vous remercie beaucoup de tout ce que vous faites pour Huseyin Celil. Je déplore que nous ne soyons pas plus avancés après toutes ces années, mais nous continuerons de faire du mieux que nous pouvons pour obtenir sa libération ultime.
    Monsieur Genuis, M. Sweet a utilisé seulement trois minutes et demie environ. Nous avons arrêté le temps lorsque l'interprète kazakh prenait la parole. Il vous reste trois minutes et demie.
     Merci, monsieur le président.
    Je m'adresse à M. MacLeod.
    Veuillez transmettre mes meilleurs vœux aux membres de la famille Celil. Je suis désolé, il semble bien que nous ne pourrons pas entendre leur témoignage de leur bouche même.
    J'aimerais savoir quels sont vos échanges avec le gouvernement du Canada à l'heure actuelle. Nous avons reçu un témoignage franchement des plus troublants au comité Canada-Chine en février dernier lorsque j'ai interrogé notre ambassadeur sur l'affaire Celil. Au départ, il semblait ne pas être au courant, puis il a dit:
Je suis en train d'examiner ce cas. Je l'appelle Huseyin. Essentiellement, comme Huseyin n'a pas la citoyenneté canadienne, nous n'avons pas accès à lui en service consulaire. Nous avons essayé, car c'est quelqu'un que j'aimerais voir. Je sais que c'est un dossier de longue date, mais...
    Ces mots sont de notre ambassadeur à Pékin, Dominic Barton. Je lui ai répondu en disant que M. Celil était citoyen canadien.
    Je n'en revenais pas à l'époque. D'une certaine façon, je n'en reviens toujours pas. Dans son témoignage où il a parlé régulièrement de divers cas importants de Canadiens détenus en Chine, non seulement n'a-t-il pas mentionné l'affaire Celil de façon proactive, mais encore il s'est trompé sur la citoyenneté de M. Celil.
    Je sais qu'il est important que vous collaboriez avec le gouvernement dans ce dossier, monsieur MacLeod, et j'aimerais donc vous demander si vous avez été en mesure de revenir sur la question avec l'ambassadeur Barton? A-t-il reconnu la réalité de la citoyenneté de M. Celil, et prend-il la chose aussi au sérieux qu'il le fait pour d'autres Canadiens détenus en Chine?
(1700)
    Merci de la question. Ce serait peut-être l'occasion de prendre quelques minutes pour entendre Mme Talendibaevai.
    Ensuite — et je comprends votre déception que l'ambassadeur n'ait pas été bien informé —, vous vous rappellerez qu'aux premières étapes, en 2007, 2008 et 2009, et par la suite, il y a eu des consultations très poussées. Le premier ministre Harper exerçait d'intenses pressions, avec le ministre MacKay, le ministre Kenney, M. Sweet et bien d'autres, de sorte qu'il était décevant d'apprendre que l'ambassadeur n'était pas parfaitement au courant.
    Cependant, je pense que Mme Talendibaevai pourrait en parler, si nous pouvions la brancher aujourd'hui — pour lui accorder au moins quelques minutes, je pense que ce serait justifié —, que l'ambassadeur l'a appelée et lui a parlé directement et personnellement de son erreur. Bien sûr, il a reconnu que Huseyin est un citoyen canadien, et c'est pourquoi je voulais prendre au moins deux minutes au début de mes remarques pour rappeler à tout le monde que Huseyin a voyagé seulement avec un passeport canadien. Le plus troublant, c'est que certains des problèmes, et la justification de sa détention viennent peut-être de ses activités au Canada, de ses propos sur la liberté de religion et la liberté d'expression sur la religion.
    Merci de soulever la question maintenant. C'est notamment pour cela que nous avons toujours réclamé un envoyé spécial. Un ambassadeur a des rôles multiples à jouer dans son ambassade, particulièrement en Chine, où les relations sont tellement multilatérales et multidimensionnelles. Un envoyé spécial ferait rapport directement au premier ministre, ou peut-être à votre comité, sur ce que nous devons faire pour obtenir la libération et le retour d'un citoyen canadien qui languit en prison en Chine...
    Avant de manquer de temps, puis-je poser une brève question de suivi?
    Désolé, monsieur Genuis.
    Votre temps est presque écoulé.
    Mme Talendibaevai est maintenant disponible. Nous pouvons lui accorder 30 secondes ou une minute, si vous voulez lui...
    Si elle est disponible, je proposerais de lui permettre de rendre un témoignage complet, pas seulement de prononcer quelques mots pour épuiser le temps qu'il me reste.
    Pouvons-nous interrompre les questions et la faire témoigner?
    Voulez-vous dire entendre sa déclaration?
    Exactement.
    Elle devait le faire sur le temps de M. MacLeod, dont les six minutes sont écoulées.
    Oui, mais je demanderais au Comité de voir s'il y a consensus à ce sujet et proposerais d'entendre son témoignage.
     Je vois que les membres du Comité sont d'accord, si bien que nous voulons entendre Mme Talendibaevai. J'espère que le son et tout fonctionne bien.
    Madame la greffière, nous allons essayer tout de suite; espérons que Mme Talendibaevai sera là.
    Nous n'entendons toujours pas Mme Talendibaevai. Mes excuses, nous n'avons pas encore...
     Je vais peut-être prendre les 30 dernières secondes, mais si nous réussissons pendant ce temps, nous pourrons toujours revenir entendre...
    Bien sûr.
    Monsieur MacLeod, il m'apparaîtrait certainement important que le gouvernement canadien et notre ambassadeur s'intéressent autant au cas des détenus ayant une double nationalité en Chine — des personnes comme M. Celil, Fan Wei et d'autres ayant la double nationalité — qu'à d'autres affaires, comme Kovrig, Spavor et Schellenberg, par exemple, qui n'ont pas la double nationalité. C'est important parce que, bien que la Chine traite différemment ce genre de cas, le Canada ne devrait évidemment pas faire de distinction. Pourriez-vous nous en parler dans les secondes qui restent?
(1705)
    Une quinzaine de secondes.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Tout citoyen canadien détenu est un Canadien dont nous devons nous occuper.
    Pour être clair, je dirais que Huseyin Celil n'a pas la double nationalité. Il est citoyen canadien et seulement citoyen canadien. En vertu de la loi constitutionnelle chinoise sur la citoyenneté, celui qui obtient la citoyenneté d'un autre pays — la citoyenneté canadienne dans le cas qui nous occupe — renonce à sa citoyenneté chinoise.
    Je reconnais quand même le bien-fondé de ce que vous dites, et je ne saurais être plus d'accord avec vous. Tout Canadien...
    Merci.
    Au tour de M. Brunelle-Duceppe, pour sept minutes.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je veux remercier tous les témoins de leur présence et de leurs témoignages. Ce qu'ils ont dit n'est pas facile à entendre pour nous, parlementaires, mais cela n'a pas de commune mesure avec ce que cela doit être de le vivre. Maintenant, il faut faire en sorte que votre présence et vos témoignages n'aient pas été vains et que le gouvernement canadien agisse de façon concrète.
    Madame Sauytbay, vous nous avez dit que, dans le camp où vous avez travaillé, il y avait des gens dont l'âge variait de 15 à 80 ans. Savez-vous ce qui arrive aux enfants ouïghours dont les parents sont emprisonnés dans ces camps?

[Traduction]

     [Le témoin s'exprime en kazakh et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
     J'aimerais répondre à votre question. Des enfants de 13 ans étaient détenus dans ces camps de concentration. On ne faisait pas de distinction entre enfants et adultes. Ils subissaient les mêmes tortures que les adultes. Par exemple, un enfant de 13 ans a été détenu dans un camp de concentration parce qu'on lui reprochait faussement d'avoir communiqué et d'avoir des liens avec le Kazakhstan. C'est pour cela qu'il a été envoyé dans le camp de concentration, où il a subi les mêmes tortures que les adultes.

[Français]

    Je vous remercie.
    J'ai une autre question, madame Sauytbay. J'aimerais savoir comment vivent les familles ouïghoures qui ne sont pas emprisonnées dans ces camps. Sont-elles opprimées, font-elles l'objet de menaces? Comment est la vie des Ouïghours qui ne sont pas emprisonnés dans des camps?

[Traduction]

     [Le témoin s'exprime en kazakh et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
     Pour les personnes emprisonnées dans les camps de concentration, comme elle l'a déjà dit, dans toutes les cellules de prison, partout, il y avait toujours des caméras, des caméras de télévision en circuit fermé.
    Quant aux familles vivant à l'extérieur qui n'étaient pas encore dans les camps de concentration, le gouvernement chinois les a divisées en trois catégories. D'abord, la catégorie des familles dangereuses. Ensuite, celle des moyennement dangereuses. Et enfin, celle des familles non dangereuses, ou sûres. Les familles de la catégorie sûre étaient des Chinois d'origine ethnique, des Hans.
    Les deux premières catégories — dangereuses et moyennement dangereuses — étaient d'origine ethnique kazakhe, ouïghoure, tartare et ouzbèke, des personnes originaires du Turkestan oriental. Toutes les personnes, les familles et les membres de familles vivant à l'extérieur des camps de concentration s'y retrouveront un jour ou l'autre. Ces personnes seront envoyées dans des camps de concentration également. Ce n'est qu'une question de temps.
    Les documents du gouvernement chinois révèlent que toutes les familles dangereuses et moyennement dangereuses — 100 % d'entre elles — aboutiront un jour ou l'autre dans des camps de concentration. Si elles n'y sont pas déjà toutes, c'est qu'il n'y a pas assez de place pour elles, mais ce n'est qu'une question de temps. Le maire du Turkestan oriental, Chen Quanguo, fait peur en poussant les gens qui vivent en dehors des camps de concentration.
    Pour aller d'un village à l'autre visiter ses proches, il faut passer par sept ou huit services différents, et obtenir la permission de sortir de chez soi ou de son village. De même, le gouvernement contrôle 100 % des téléphones, des textes... enfin de tout.
    En général, toutes les familles, toutes les personnes, 100 % d'entre elles, vivent dans un régime de censure. C'est une grosse prison.
(1710)
    Vous pouvez poser une dernière question et nous aurons ensuite Mme Talendibaevai en ligne.

[Français]

    Madame Ilham, je vous remercie de votre témoignage.
    Selon vous, est-ce que l'introduction de technologies chinoises en Amérique du Nord et en Europe pourrait compromettre la capacité des activistes comme vous d'agir en les exposant à des représailles de la Chine?

[Traduction]

    Désolée, je n'arrive pas à entendre l'interprétation en anglais.
    Oui, allez-y, madame la greffière.
(1715)
    Désolée, madame Ilham. Au bas de votre écran, il y a un globe. Cliquez sur l'icône de l'interprétation et sélectionnez la langue.
    C'est fait.

[Français]

    Est-ce que vous m'entendez? Avez-vous l'interprétation pendant que je vous parle?

[Traduction]

    Oh, maintenant, je vous entends.

[Français]

    Très bien. Vous m'en voyez ravi.
    Je vais être bref. Selon vous, est-ce que l'introduction de technologies chinoises en Amérique du Nord et en Europe pourrait compromettre la capacité d'activistes comme vous d'agir en les exposant à des représailles de la Chine?

[Traduction]

    Je suis convaincue que la technologie de surveillance chinoise a été utilisée... la plupart des gens dans le monde. Qu'est-ce que je veux dire par là?
    Je crois que mon portable et mon cellulaire sont constamment surveillés par le gouvernement chinois. Il y a quelques années, j'ai été invitée à un mariage ouïghour. Comme mes conversations étaient sur écoute, la police chinoise savait que j'allais assister à ce mariage parce que nous en avions parlé au téléphone. Les jeunes mariés ont été avertis de ne pas inviter des personnes comme moi à leur mariage.
    De plus, mes conversations et celles de ma famille sont surveillées depuis longtemps, y compris sur mon ordinateur. Je vois très souvent la caméra s'allumer et la souris bouger toute seule. Chaque fois que je vérifie l'adresse IP de la personne qui a regardé mes courriels, je constate que c'est une adresse chinoise. Je ne crois pas être la seule dans cette situation; cela arrive à beaucoup d'autres personnes qui vivent aux États-Unis et au Canada.
    Très bien, je vous remercie.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame Ilham.

[Traduction]

    Nous avions Mme Talendibaevai en ligne, mais je pense que nous venons juste de perdre la communication. Espérons qu'elle sera bientôt avec nous.
    J'ai fait une erreur pendant ce tour de questions et je m'en excuse.
    Nous entendrons maintenant M. Zuberi. Vous avez sept minutes... oh, un moment, monsieur Zuberi.
    M. Sameer Zuberi: Pas de problème.
    Le président: Madame Talendibaevai, nous entendez-vous? Pouvez-vous mettre le son?
    Très bien. Madame Talendibaevai, nous allons maintenant entendre votre déclaration, je vous en prie.
    Merci.
    Je veux d'abord vous remercier tous de me donner l'occasion de parler des droits des Ouïghours, en particulier du cas de mon mari. Cela fait maintenant 14 ans. Comme l'a dit M. MacLeod, ces 14 années ont été longues. Beaucoup de députés sont peut-être déjà au courant de ce cas, et...
    Je dois faire une rapide intervention, madame Talendibaevai. Je m'en excuse. M'entendez-vous?
    C'est très difficile pour l'interprétation. Nous demandons le consentement unanime pour poursuivre en anglais. Êtes-vous d'accord?
    Je vois que tout le monde est d'accord.
    Madame Talendibaevai, veuillez poursuivre. Merci.
    Je disais qu'en 2006, nous avons dû prolonger notre séjour en Ouzbékistan et, en juillet de la même année, mon mari a été déporté en Chine. Les tribunaux chinois ont ordonné son expulsion vers la Chine. Depuis 2006, je n'ai eu aucun contact avec lui, ni par courriel, ni par téléphone. Cela fait maintenant 14 ans.
    J'ai eu des contacts avec sa famille deux ou trois fois par année depuis que cela a commencé en 2014. En 2016, j'ai perdu le contact avec les membres de sa famille qui habitent au Turkestan oriental, dans la ville de Kashgar. Ils allaient le visiter tous les six mois à Urumqi.
    Il n'a pas obtenu d'accès consulaire, il n'a jamais eu l'autorisation de communiquer avec le consulat, malgré les demandes que nous adressons chaque année à l'ambassadeur du Canada. Vous savez, nous devons vérifier son état de santé, savoir comment il va, s'il est toujours vivant, comment il va dans la prison en Chine. Nous n'avons jamais eu de réponse. Tous les six mois, nous obtenions un peu de nouvelles par le biais de sa famille. Cela fait combien de temps de cela? Cela fait quatre ou cinq ans que je n'ai eu aucune communication, aucune nouvelle. Je ne peux pas appeler les membres de sa famille sur leurs cellulaires, ni au moyen des applications WeChat ou WhatsApp parce qu'elles ont été bloquées. Je n'ai aucune nouvelle de sa famille.
    Il semble que nous ne puissions rien faire pour lui... Je n'ai rien à dire. C'est très frustrant. Vous savez, cela fait 14 ans que je porte un lourd fardeau et que j'éprouve une terrible frustration.
    J'ai quatre fils. Ils ont grandi et sont devenus des adolescents. Ils vont tous à l'école secondaire et se préparent à entrer à l'université. Cela a été très difficile. Je ne peux pas décrire en quelques mots mes 14 dernières années et tout ce que j'ai vécu durant cette période.
(1720)
    Merci beaucoup, madame Talendibaevai. Merci de nous avoir raconté votre difficile histoire et toutes les épreuves que vous avez traversées depuis 14 ans. Je vous remercie.
    C'est maintenant au tour de notre prochain intervenant de poser des questions. Allez-y, monsieur Zuberi.
    Je remercie tous les témoins pour la force dont ils font preuve aujourd'hui. C'est très émouvant de vous entendre et de vous voir et de sentir votre émotion à l'écran. Je vous en remercie.
    Je veux revenir sur un point soulevé par M. MacLeod, l'avocat de Huseyin Celil. C'est peut-être passé inaperçu, mais nous entendons dire dans les médias que le gouvernement chinois prétend que Huseyin Celil est un ressortissant chinois; or, en vertu de la loi sur la nationalité de la République populaire de Chine, plus précisément des articles 3 et 9... D'abord, l'article 3 dit que « ... la Chine ne reconnaît pas la double nationalité ». L'article 9 dit que si une personne a adopté une autre nationalité ou a été naturalisée dans un autre pays, elle perd automatiquement sa nationalité chinoise.
    Aux fins du compte rendu, je veux que nous établissions qu'en vertu de la loi chinoise, Huseyin Celil est un ressortissant canadien et non chinois. Je veux souligner ce point parce que nous entendons souvent les fonctionnaires canadiens dire que Huseyin Celil est, selon les Chinois, un ressortissant chinois, alors qu'en vertu de la loi chinoise, il est un ressortissant canadien.
    J'aimerais demander à Mme Talendibaevai et à M. MacLeod s'ils ont constaté des différences, dans le contexte mondial ou international, au sujet de la Chine et des Ouïghours, ou encore ici au Canada depuis 2015, en ce qui a trait à la défense de Huseyin Celil? Que pouvons-nous faire pour renforcer la défense de ses droits, à part désigner un envoyé spécial, comme vous l'avez mentionné?
    Je vais répondre en premier et je céderai la parole à Mme Talendibaevai.
    Depuis 2015, la Chine exerce une forte répression contre la minorité ouïghoure, mais nous constatons également un grand vide sur le front politique canadien. Le gouvernement actuel, comme je l'indique dans mon mémoire, n'a pas fait tout ce qu'il pouvait, ou n'en fait pas assez. Il faut faire beaucoup plus. La désignation d'un envoyé spécial est la première mesure à prendre, la deuxième étant, dans la mesure du possible, une action bipartisane à la Chambre.
    Je préconise le recours à un envoyé spécial, comme l'ont souvent fait dans le passé nos amis et voisins américains. Le Canada peut faire appel à d'anciens chefs d'État. Les anciens premiers ministres Chrétien, Harper, Mulroney et Martin, pour n'en nommer que quatre, feraient d'excellents envoyés spéciaux. D'anciens députés, qu'ils soient libéraux, conservateurs ou néo-démocrates, ont parfois joué un rôle de premier plan pour promouvoir les droits de la personne sur la scène internationale. Misons sur nos forces et désignons un envoyé spécial sans plus tarder. Cela fait 14 ans.
    Je cède la parole à Mme Talendibaevai, mais pour répondre à votre question, il est citoyen canadien. Après tout, il a pris l'avion avec un passeport canadien et un visa ouzbek, vous avez donc un argument béton. En vertu de la loi chinoise, il est clairement un citoyen canadien, point à la ligne.
(1725)
    Avez-vous pensé promouvoir l'idée d'un envoyé spécial dans le cas des deux Michael?
    Personnellement, je ne sais pas si le Canada a eu recours à des envoyés spéciaux dans le passé pour des cas similaires. Je me demande si vous préconisez cette solution. S'il y a déjà eu un précédent, cela justifierait cette mesure.
    Il y en a eu. Le premier ministre Harper a nommé Jason Kenney, qui était député à l'époque, pour faciliter et sécuriser la libération et le retour au pays de Michael Kapoustin, qui avait été détenu en Bulgarie pendant au moins 14 ans. En fait, l'avocat de Michael Kapoustin, Dean Peroff, et Jason Kenney ont agi à titre d'envoyés spéciaux et ont obtenu la libération et le retour de Michael Kapoustin. Ce n'est là qu'un exemple parmi d'autres.
    Dans le cas de Maher Arar, je crois que le sénateur De Bané a agi comme envoyé spécial, jusqu'à un certain point. Je ne me souviens plus de tous les détails de ce dossier et de la nomination du sénateur De Bané.
    Il y a certes eu des précédents, et la personne désignée aurait le rang d'ambassadeur. Cette solution pourrait-elle s'appliquer aux deux Michael et à d'autres Canadiens? Ce serait logique. Je pense que cela mérite réflexion.
    Dans le cas de Huseyin, en particulier, comme il est détenu et qu'il attend depuis si longtemps, et dans le contexte de la persécution de la population ouïghoure dans le Nord-Ouest de la Chine, il est nécessaire de redoubler d'efforts.
    Je vous remercie.
    Je vais partager mon temps avec ma collègue Mme Vandenbeld.
    Vous avez deux minutes.
    Merci beaucoup.
    Ma question s'adresse à Mme Sauytbay. Quand vous avez décrit les terribles conditions de détention dans les camps, vous avez parlé de la violence sexuelle exercée contre les femmes détenues, en plus de la stérilisation. Si cela n'est pas trop pénible pour vous, j'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur ces conditions de détention.
    Bien entendu, de très nombreuses personnes ne savent pas ce qu'il est advenu de leurs proches. D'après vous, quel sort attend les personnes qui sont toujours détenues dans ces camps?
     [ Le témoin s'exprime en kazakh et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    D'abord, je vous remercie beaucoup pour votre question. Je vais vous donner un peu plus de détails sur la violence sexuelle.
    Dans les camps de concentration, les gardes du Parti communiste chinois violent les femmes et les filles de leur choix tous les jours. Ils arrivent, choisissent une femme et la ramènent le lendemain.
    Je me souviens d'un exemple. J'étais en train de donner un cours de chinois quand ils ont ramené une jeune femme. Quand elle est entrée dans la classe, elle ne pouvait même pas s'asseoir sur la chaise. Elle est tombée par terre. Ils ont commencé à appeler toutes les filles par leur numéro. Chaque fille avait un numéro spécial. Ils ne les appellent pas par leur nom, mais par leur numéro. Quand ils ont appelé cette fille par son numéro, elle a répondu: « Je ne suis plus une fille parce qu'ils m'ont violée. » Je me souviens de ce cas horrible.
(1730)
    Je vais vous donner un autre exemple, un exemple atroce. Un jour, les gardes du camp de concentration nous — environ 200 personnes — ont emmenés dans la cour et nous ont tous testés. Ils faisaient des expériences sur nous. Chaque fois qu'ils faisaient des expériences, ils voulaient voir si nous avions changé notre mentalité, si nous devenions normaux ou non.
    Cette fois-là, ils ont emmené 200 détenues dans la cour principale et ils ont choisi une jeune fille d'environ 20 ans. Ils l'ont forcée à accepter la culpabilité pour une chose qu'elle n'avait jamais faite. Elle pleurait et disait qu'elle était coupable, même si ce n'était pas vrai. Elle a accepté le blâme devant 200 prisonnières. Ensuite, les gardes chinois ont commencé à la violer à tour de rôle devant ces 200 détenues. Ils se sont mis en ligne et l'ont violée l'un après l'autre devant tout le monde.
    Si l'une de ces 200 personnes montrait de la douleur ou une émotion sur son visage ou dans son regard, ou laissait transparaître une hésitation ou une émotion négative, ils disaient que cette personne n'avait pas changé, qu'elle n'était pas devenue normale. Ils la faisaient sortir du groupe et commençaient à la torturer parce qu'elle n'avait pas changé.
    Après avoir assisté à cela, nous devions accepter la situation et louanger le parti. C'est l'un des exemples dont j'ai été témoin.
(1735)
    Merci encore d'avoir eu le courage de faire ce très difficile témoignage.
    Cela nous amène à notre dernière intervenante, Mme McPherson. Vous avez sept minutes.
    C'est très difficile de poursuivre après avoir entendu ce témoignage.
    Je tiens d'abord à remercier tous nos témoins. Je ne peux imaginer ce que vous vivez, de ne pas savoir où est votre père ou votre mari. Veuillez m'excuser...
    Je suis profondément touchée par le courage dont vous faites preuve pour venir nous raconter vos expériences. Je suis désolée que vous ayez à revivre cette douleur en la partageant avec nous.
    J'ai quelques questions à poser. La première est pour Mme Talendibaevai. Je sais que vous élevez vos enfants toute seule, que vous n'avez pas vu votre mari depuis 14 ans, et que vous ne savez même pas où il est, ni comment il va.
    Je sais que Christopher MacLeod a parlé brièvement de ce que le Canada pourrait faire maintenant et de ce que nous pouvons faire pour favoriser le retour de M. Celil. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Nous n'avons pas eu le temps de vous entendre dire ce que vous souhaitez que le Canada fasse pour faire avancer le cas de votre mari. J'aimerais vraiment entendre votre opinion, si cela est possible.
    D'accord, je vous remercie.
    D'abord, j'élève quatre enfants, quatre garçons qui sont maintenant adolescents. J'étais enceinte de trois mois quand ils ont arrêté mon mari. Et j'étais mère. Pouvez-vous imaginer un instant?
    Cela fait 14 ans. Mon fils aura 14 ans en août. Je ne vois pas...
    Ça fait si longtemps. Des mois, des semaines et des années ont passé. Même si nous avons eu quelques nouvelles et échangé des courriels et des appels par le biais de sa famille, ces nouvelles... Ce serait un soulagement pour nous d'avoir un peu d'information, que les enfants soient en contact avec leur père. Il est encore vivant, mais il est en prison. On essaie de le ramener là où il devrait être.
    Nous avons beau être au XXIe siècle et disposer d'une technologie très avancée, nous n'avons rien. Nous n'avons pas d'appels, pas de nouvelles, pas de courriels, pas de lettres, rien du tout.
    Je suis très reconnaissante envers le gouvernement canadien. Je suis chanceuse de vivre au Canada. J'élève mes quatre garçons [Inaudible] ici au Canada. Je fais mon possible pour qu'ils aient une bonne éducation au Canada et je ne cesse de leur répéter qu'ils doivent être très fiers de leur papa. Il est absent depuis 14 ans. Je ne sais pas combien de temps il restera là-bas. Je ne veux même pas penser à ce que sera la situation dans un ou deux ans dans ce monde frappé par la pandémie et avec ce qui se passe en Chine actuellement, à cause de la situation actuelle au Canada, de la pandémie...
    Je veux d'abord remercier le gouvernement du Canada. Il a saisi toutes les occasions. Le comité mis en place par les conservateurs a fait tout son possible, mais la Chine est un pays différent. La Chine a refusé de reconnaître la citoyenneté canadienne de mon mari et ne lui a pas accordé l'accès consulaire. Le gouvernement a fait des efforts, mais ce n'était pas assez. À l'époque, ce n'était pas suffisant. Durant la première année où il nous a offert son aide, il aurait dû intervenir rapidement, immédiatement, mais il a tardé à agir.
    Maintenant, cela fait 14 ans que mon mari est en prison. Je ne sais pas dans quelles conditions il est détenu. Je ne peux même pas... Depuis 2015, nous ne savons pas s'il est encore vivant. Peut-être a-t-il subi un lavage de cerveau et été forcé d'adhérer au Parti communiste. C'est une chose qui peut arriver en Chine.
    Je termine en m'adressant aux conservateurs, aux libéraux et aux néo-démocrates. Ils doivent tous agir ensemble sur ce dossier. Je ne veux pas qu'ils le mettent de côté. Je sais qu'il y a aussi le cas des deux Michael, mais je veux saisir toutes les occasions pour faire avancer ce cas, je veux que la Chambre des communes s'en occupe. Je veux sensibiliser les gens à son cas. Je demande aux députés ce qu'il advient de ce [Inaudible] cas? Qu'est-ce qui se passe? Qu'allons-nous faire? Ils doivent examiner ce cas et prendre la décision d'envoyer... Je suis d'accord avec Chris MacLeod qu'il faut dépêcher un envoyé spécial en Chine.
(1740)
    Merci beaucoup. Je trouve que vos quatre fils ont beaucoup de chance d'avoir une mère comme vous, qui travaille si fort pour eux et pour leur père.
    C'est tellement difficile.
    Désolée, je n'ai pas bien entendu?
    C'est très dur. C'est très difficile, vous savez. C'est difficile de leur donner une éducation. Pour leur éducation et les programmes parascolaires, je me suis beaucoup démenée. C'est un très gros défi.
    J'ai moi-même deux enfants, je peux donc imaginer ce que ce doit être avec quatre garçons, ne serait-ce que pour les nourrir.
    Surtout durant la pandémie. Nous sommes actuellement... Oui, cela a été difficile.
    Je vous remercie d'avoir dit que les partis à la Chambre doivent travailler ensemble. Je m'engage à faire en sorte que ce soit le cas.
    J'ai une dernière question à poser à tous les témoins concernant notre soutien à la communauté ouïghoure. Qui ont été les alliés les plus efficaces dans la lutte pour mettre fin à ces violations des droits de la personne? Quelles sont les voix que nous devons amplifier en ce moment? Que pouvons-nous faire d'autre pour vous en ce moment?
    En guise de conclusion, je pose la question à tous les témoins de ce groupe.
    Un grand nombre de Ouïghours travaillent en ce moment pour faire respecter les droits des personnes détenues dans les camps de concentration. Beaucoup de gens travaillent sur le dossier des droits de la personne.
    Ce que je propose, c'est de sensibiliser les Canadiens à ce cas pour qu'ils sachent qu'il s'agit d'un citoyen canadien. Tous les Canadiens doivent être au courant et exercer des pressions sur le gouvernement. Il faut ensuite travailler ensemble.
    Les partis doivent aussi travailler ensemble dans ce dossier. Les efforts ne doivent pas venir d'un seul parti. Les libéraux, les conservateurs et les néo-démocrates doivent travailler ensemble et collaborer avec Amnistie internationale. En ce qui concerne les droits de la personne, nous sommes tous solidaires.
    Nous envoyons des lettres. Nous faisons notre possible pour inciter les jeunes du secondaire à envoyer des lettres. Nous avons fait beaucoup de présentations dans les écoles secondaires et devant des groupes communautaires. Nous n'avons aucune nouvelle des autorités chinoises, mais le gouvernement canadien nous dit qu'il travaille toujours sur ce dossier, qu'il ne l'a pas oublié. Le plus important, c'est de sensibiliser les Canadiens.
    Merci.
    Cela met fin aux témoignages de notre quatrième groupe de témoins.
    Au nom de tous les membres du Comité, de tout le personnel ici présent — des interprètes et des techniciens — ainsi que des gens qui nous suivent en ligne, je remercie les témoins pour leurs émouvants témoignages qui ont été consignés au compte rendu. Nous avons tous été profondément touchés par vos témoignages. Merci d'avoir eu le courage de nous faire part de vos expériences personnelles aujourd'hui.
    Demain, ce sera notre deuxième journée consacrée à des groupes de témoins. Pour ceux qui nous regardent en ligne et qui souhaitent suivre nos travaux, les témoignages débuteront à 11 heures et se poursuivront toute la journée.
    Nous allons maintenant poursuivre à huis clos. Je crois que tous les membres sont d'accord.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
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