Bienvenue à tous. D'entrée de jeu, permettez-moi de remercier notre équipe d'interprétation et notre équipe technique d'avoir tout organisé pour que tout le monde soit prêt à commencer.
Bienvenue à la quatrième séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
Conformément à la motion adoptée par le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le 20 février 2020, le Sous-comité se réunit pour étudier la situation des droits de la personne du peuple ouïghour.
Les témoins d'aujourd'hui comparaissent principalement par vidéoconférence, et les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
Pour assurer le bon déroulement de la séance, j'aimerais énoncer quelques règles à suivre pour nos témoins. L'interprétation, dans le cadre de cette vidéoconférence, fonctionnera à peu près de la même façon que lors d'une réunion régulière du Comité. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre l'anglais et le français.
Pendant que vous parlez, si vous prévoyez alterner d'une langue à l'autre, vous devrez également changer le canal d'interprétation pour qu'il corresponde à la langue que vous parlez. Il est peut-être bon de prévoir une courte pause pour changer de langue.
Avant de parler, veuillez attendre que je vous donne la parole. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro.
Veuillez vous exprimer lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro devrait être en sourdine.
Si des difficultés techniques surviennent, par exemple en ce qui concerne l'interprétation ou un problème d'audio, veuillez me le signaler immédiatement, et l'équipe technique s'efforcera de les résoudre.
Nous accueillons aujourd'hui de nombreux témoins extraordinaires et courageux. Avant de commencer, j'aimerais mettre l'accent sur les Ouïghours. Plusieurs de nos témoins sont des experts en matière de droits de la personne en général, et certains sont plus axés sur la Chine. Les occasions ne manqueront pas, au cours des prochaines réunions du Comité et d'autres comités gouvernementaux, d'aborder de nombreuses questions concernant la Chine et d'autres enjeux liés aux droits de la personne. Je dis cela parce que nos témoins sont ici pour partager leur expertise sur les Ouïghours. Je le répète, nous devons nous concentrer sur les Ouïghours.
Tout le monde semble prêt à commencer. Je souhaite la bienvenue aux témoins. Vous disposez de six minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
Tout d'abord, nous allons entendre M. Adrian Zenz, agrégé supérieur de recherches sur la Chine, Victims of Communism Memorial Foundation. Nous entendrons ensuite, à titre personnel, M. Olsi Jazexhi, professeur et journaliste.
Après cela, David Kilgour, ancien membre et ancien président du Comité, partagera une période de six minutes. Nous profitons de votre expérience, monsieur Kilgour. Nous accueillons également Mme Raziya Mahmut, vice-présidente, International Support for Uyghurs. Je crois comprendre que Mme Mahmut aura cinq minutes et que M. Kilgour aura une minute.
Ensuite, à titre personnel, nous accueillerons Jacob Kovalio, professeur agrégé, Université Carleton.
Si les témoins sont prêts, nous allons entendre M. Zenz pour sa déclaration de six minutes. Vous avez la parole, monsieur Zenz.
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Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner à cette audience.
Depuis 2017, jusqu'à 1,8 million d'Ouïghours et d'autres groupes ethniques minoritaires dans la région nord-ouest du Xinjiang, en Chine, ont été victimes de la plus importante incarcération d'une minorité ethno-religieuse depuis l'Holocauste. Des Ouïghours et des chercheurs exilés ont décrit cette campagne comme un génocide culturel.
De nouvelles recherches montrent clairement que les actions de Beijing au Xinjiang répondent également au critère du génocide physique mentionné à l'alinéa d) de l'article II de la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, « Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ».
À compter de 2018, un nombre croissant de survivantes des camps d'internement ont déclaré avoir reçu des injections qui ont coïncidé avec des changements dans leur cycle menstruel ou son arrêt. D'autres ont déclaré qu'on leur avait inséré de force un stérilet, avant de les interner ou de leur faire subir une chirurgie de stérilisation.
Toujours en 2018, les taux de croissance naturels officiels de la population du Xinjiang ont chuté. À Kashgar et Hotan, deux villes au coeur de la région ouïghoure, les taux combinés de croissance de la population naturelle ont chuté de 84 % entre 2015 et 2018. En 2019, les taux de natalité dans les régions de minorités ethniques ont encore diminué de 30 % pour s'établir à 56 %. Pour 2020, une préfecture minoritaire a fixé un objectif de croissance de la population naturelle proche de zéro, soit 1,05 par 1 000 habitants, un creux record et une chute importante de la croissance de la population naturelle de cette même région.
De nouvelles données montrent que les baisses drastiques de la croissance démographique ne sont pas seulement liées à la campagne d'internement de masse, mais aussi à une politique d'État systématique visant à entraver les naissances dans les régions minoritaires. Étant donné que de nombreux hommes, maris et dirigeants communautaires sont détenus dans des camps, rien n'empêche l'État de prendre le plein contrôle des systèmes reproducteurs des femmes des minorités.
Premièrement, trois documents gouvernementaux différents montrent que ceux qui violent les politiques de prévention des naissances sont punis par l'internement. Les peines pour violation des politiques de contraception sont devenues beaucoup plus draconiennes, surtout en 2018.
Deuxièmement, en 2018, en tenant compte des retraits de stérilet, une proportion sidérante, soit 80 % de tous les nouveaux stérilets posés en Chine l'ont été au Xinjiang, même si la région ne représente que 1,8 % de la population du pays. D'ici 2019, le Xinjiang a prévu de soumettre plus de 80 % des femmes en âge de procréer dans les quatre préfectures minoritaires du Sud à des mesures de contraception ayant — et je cite — « une efficacité à long terme ». Il s'agit des stérilets ou des stérilisations.
Troisièmement, la commission de la santé du Xinjiang a prévu 260 millions de yuans chinois, ou 50 millions de dollars canadiens, en 2019 et 2020, pour financer des chirurgies gratuites de prévention des naissances. Les documents de planification familiale de deux comtés ouïghours montrent des cibles précises pour la stérilisation massive des femmes, indiquant respectivement que 14 % et 34 % de toutes les femmes en âge de procréer en milieu rural seront soumises à la stérilisation par ligature des trompes. L'ensemble du programme régional disposait de fonds suffisants en 2019 et 2020 pour des centaines de milliers de stérilisations, et certaines régions ont indiqué que des fonds supplémentaires du gouvernement central avaient été consacrés à cette campagne.
De plus, en 2019 et 2020, le Xinjiang a prévu dans son budget environ 1,5 milliard de yuans chinois, soit 291 millions de dollars canadiens, pour récompenser financièrement les femmes qui ont volontairement choisi d'avoir un stérilet ou de se faire stériliser, même si la loi leur permet d'avoir plus d'enfants.
À mon avis, prises ensemble, toutes ces mesures permettent à l'État chinois de maintenir de façon permanente les taux de croissance naturels de la population ouïghoure à des niveaux de 85 à 95 % inférieurs à ceux des deux dernières décennies. Le gouvernement peut faire monter et descendre le taux de natalité des minorités à volonté, comme s'il ouvrait ou fermait un robinet.
Ces nouvelles preuves reflètent non seulement ce que nous pourrions appeler un génocide démographique, mais aussi une stratégie de suprématie ethno-raciale. Entre 2015 et 2018, on estime à deux millions le nombre de migrants chinois han qui ont quitté d'autres régions de la Chine pour s'installer au Xinjiang, attirés par des offres d'emploi lucratives, des logements gratuits et des terres gratuites.
Je demande au gouvernement canadien de condamner publiquement ces pratiques, de rendre une décision judiciaire complète sur la nature des atrocités qui se produisent dans la région et d'imposer des sanctions aux dirigeants politiques du Xinjiang.
Merci.
Je m'appelle Olsi Jazexhi. Je suis historien et spécialiste de l'islam.
En 2019, je voulais comprendre la situation des musulmans au Xinjiang. C'est pourquoi j'ai visité le Xinjiang du 16 au 25 août. Nous étions un groupe de journalistes invités par le Bureau d'information du Conseil d'État de Chine et le Xinjiang.
Au cours de notre visite, qui a duré près de neuf jours, nous avons eu la chance d'assister à un certain nombre de conférences données par des représentants du Parti communiste, et aussi de voir la situation sur le terrain. Nous avons visité trois villes: Urumqi, Aksu et Kashgar.
Nous sommes restés environ trois jours à Urumqi, la capitale du Xinjiang. Nous avons reçu un certain nombre de livres blancs publiés par le gouvernement chinois sur la situation au Xinjiang ou au Turkestan oriental. Les auteurs de ces livres blancs étaient des représentants du Parti communiste, des gens comme Xu Guixiang et Ma Pinyan.
Dans les exposés historiques que nous avons entendus, du moins en ce qui me concerne en tant qu'historien professionnel, les représentants du Parti communiste chinois nous ont dit que le Xinjiang avait toujours été chinois han. Il avait été de culture bouddhiste, mais les Turkmènes du Xinjiang, les Ouïghours, qui forment la majorité, les Kazakhs, les Kirghizes, les Tatars et d'autres groupes ethniques, étaient arrivés plus tard.
Les représentants officiels du Parti communiste nous ont dit que l'islam était une religion étrangère, une religion imposée par la force aux Ouïghours. En quelques mots, le Parti communiste de Chine avait le devoir d'éliminer tout lien avec la culture islamique de ces gens et de les ramener à leur culture et à leur religion dites autochtones, liées au bouddhisme et à la culture chinoise han.
Nous avons visité le musée du Xinjiang à Urumqi, le musée d'Aksu et le musée de Kashgar. Dans ces musées, le gouvernement chinois a livré le même genre de récit historique, où les Ouïghours et leur religion, l'islam, étaient dépeints comme étant étrangers et source d'extrémisme et de terrorisme. Tout ce récit était pour dire que la région avait historiquement appartenu à la Chine impériale.
En plus de visiter ces musées, nous avons aussi visité deux centres de formation professionnelle, ou ce que nous appelons, dans l'Ouest, des camps de concentration.
Le premier centre de formation professionnelle que nous avons visité se trouvait dans la ville d'Aksu. C'était le Centre de formation professionnelle du comté d'Onsu. Le gouvernement chinois voulait nous présenter, en tant que journalistes étrangers, ce premier centre de formation professionnelle comme étant une école et non pas une prison. Il s'agissait en fait d'une prison.
Les gens ont vu mes vidéos sur YouTube. Je les ai téléchargés quand j'étais à Aksu, à l'époque où j'ai visité le camp de concentration. J'ai posé plusieurs questions à nos hôtes chinois.
Premièrement, je leur ai demandé: « Qui sont ces personnes que vous gardez ici dans ces centres? » Les Chinois ont prétendu que c'étaient des étudiants. Je leur ai ensuite demandé: « Ces gens ont-ils le droit d'aller chez eux? » La réponse a été non.
Deuxièmement, j'ai fait enquête sur ce qu'ils faisaient dans ces camps de concentration. Ces personnes n'avaient pas accès à un téléphone, à Internet ou à leur famille. Elles avaient été enlevées de chez elles deux ans auparavant.
Nous sommes entrés dans le camp de concentration, que les autorités chinoises avaient conçu comme une école. Elles voulaient que nous filmions ces gens qui chantaient et dansaient pour montrer au monde extérieur que ce n'étaient pas des camps de concentration, mais des écoles. Nous avons commencé à interroger ces prisonniers sur leurs conditions de vie. Premièrement, nous avons commencé à leur parler dans leur langue turque. Nous les avons salués dans leur langue maternelle. Nous avons dit « As-salaam alaikum » ou « Yahshi mu siz », ce qui signifie « que la paix soit avec vous » et « comment allez-vous ». Les Ouïghours, qui nous ont très bien compris, avaient peur de répondre dans leur langue maternelle. Ils nous ont répondu en chinois.
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Je vous remercie, monsieur le président, chers députés et chères députées.
[Traduction]
Mme Mahmut parle parfaitement le français, alors vous pouvez lui parler en français.
Je serai très bref. Je dirai simplement qu'en décembre dernier, à Bruxelles, lors d'un événement parrainé par le Congrès mondial ouïghour, j'ai fait valoir que le pillage des organes des Ouïghours du Xinjiang est antérieur à celui des membres du Falun Gong qui, comme vous le savez sans doute, a commencé vers 2001. En 1995, le chirurgien Enver Tohti, à Urumqi, a reçu l'ordre de se rendre sur un terrain d'exécution pour prélever des organes vitaux sur un prisonnier blessé, mais toujours vivant. Horrifié par ce qu'il avait fait, Tohti a par la suite quitté la Chine.
Dans son ouvrage intitulé The Slaughter, Ethan Gutmann estime que les organes de 65 000 adeptes du Falun Gong et de 2 000 à 4 000 Ouïghours, Tibétains et chrétiens ont été prélevés entre 2000 et 2008.
Enfin, Mme Mahmut est une Canadienne originaire du Turkestan oriental. Elle a deux maîtrises, l'une de l'Université de Montréal et l'autre de Bruxelles. Elle a un doctorat en biologie de l'Université Carleton. C'est une scientifique, mais elle comparaît au nom de l'International Support for Uyghurs et à titre privé.
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Bonjour, monsieur le président et chers députés.
[Traduction]
C'est un honneur pour moi d'être ici.
Pour commencer, je vais passer directement à notre sujet, qui est la pire tragédie en matière de droits de la personne dans mon pays. Nous l'appelons le Turkestan oriental, mais la Chine l'appelle le Xinjiang.
Les Ouïghours ont toujours été victimes de discrimination systémique et ont une longue et douloureuse histoire de violations des droits de la personne sous le régime du Parti communiste chinois.
Par exemple, il y a 60 ans, la région a été choisie comme site d'essais nucléaires. C'était le seul site d'essais nucléaires utilisé en Chine, mais c'était le plus grand au monde. Ces essais nucléaires ont eu des répercussions terribles à long terme sur notre pays. Par exemple, notre patrie et notre mode de vie traditionnel ont disparu. Il y a une dégradation généralisée de l'environnement et les problèmes de santé sont énormes. Par exemple, le taux de cancer est de 30 à 35 % plus élevé que la moyenne de l'État et les anomalies congénitales sont courantes.
Malheureusement, les essais nucléaires ont lieu depuis 60 ans. Malheureusement, l'impérialisme et le mépris total du PCC à l'égard des Ouïghours ne s'arrêtent pas à ses ambitions en matière d'essais nucléaires. Nous sommes en 2020 et des preuves publiques de plus en plus nombreuses montrent que des atrocités sans précédent sont commises dans le Turkestan oriental occupé. On estime que jusqu'à trois millions d'Ouïghours et d'autres membres de la minorité kazakhe sont enfermés dans des camps de concentration.
Les Turkestanais ont été détenus dans des camps de concentration où ils subissent des conditions horribles, la torture et le lavage de cerveau. Les enfants dont les parents ont été détenus dans des camps de concentration sont envoyés dans des orphelinats gérés par l'État. Ils sont obligés de s'assimiler. Il y a les séjours invasifs à domicile des autorités chinoises, les préoccupations concernant le prélèvement d'organes, les produits de beauté fabriqués à partir des cheveux des détenues, et j'en passe.
Plus tôt cette année, les Australiens ont lancé une initiative publique visant à mettre au jour le grand nombre d'Ouïghours et d'autres Turkestanais transférés dans des camps de travaux forcés, ainsi que les premiers produits de consommation fabriqués pour être exportés vers l'ouest, comme les textiles, les pièces d'automobile, l'électronique et bien plus encore.
Tout récemment, nous avons appris que Beijing pratique la stérilisation forcée et l'avortement à grande échelle sur les femmes ouïghoures. M. Zenz est un expert en la matière. Le monde est au courant depuis 2016 des camps de concentration du PCC qui font partie de sa stratégie officielle de déshumanisation, d'assimilation et de génocide sous le prétexte de la guerre du peuple contre le terrorisme.
Même avant cela, Beijing a fait fi des droits de la personne des Ouïghours. Par exemple, l'activiste ouïghour et citoyen canadien Huseyin Celil est emprisonné en Chine depuis 2006.
Le PCC a transformé le Turkestan oriental en un État policier totalitaire brutal. Tout ce qui nous rend uniques a été ciblé: notre langue, notre culture, notre histoire, notre religion et notre identité. Nos livres et notre histoire ont été réécrits. Des milliers de nos mosquées, sanctuaires, cimetières et autres sites d'importance culturelle et religieuse ont été détruits alors que le PCC vise à effacer des traces même de notre existence.
Nous, les Ouïghours, nous nous considérons maintenant comme un peuple détruit.
Comme vous le savez, le Comité a tenu une audience sur cette question en 2018. J'étais ici, et cela ne semble pas avoir incité le gouvernement canadien à agir. Espérons que l'audience d'aujourd'hui aura une plus grande incidence.
Votre comité pourrait apporter son aide en faisant une déclaration officielle exigeant que le président Xi Jinping abolisse immédiatement les camps de concentration et libère les détenus. Nous demandons au gouvernement canadien d'utiliser sa loi Magnitski pour cibler les dirigeants communistes chinois qui commettent des violations graves et systématiques des droits de la personne contre les Ouïghours.
Nous demandons au gouvernement d'accorder l'asile aux Ouïghours et aux Kazakhs en provenance de la Chine, en refusant catégoriquement leur expulsion.
La communauté ouïghoure souffre profondément et nous espérons que le Canada nous aidera à mettre fin à cette horreur.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'avoir l'occasion de participer à cette table ronde virtuelle sur la situation des droits de la personne des Ouïghours en Chine. Je vais d'abord aborder cette question, puis je ferai mon évaluation du régime de Beijing.
La région autonome ouïghoure du Xinjiang, que la population autochtone ouïghoure de la région appelle le Turkestan oriental, couvre une très grande superficie de 1,7 million de kilomètres carrés. Elle est relativement peu peuplée, très riche en ressources naturelles et située stratégiquement au cœur de l'initiative de la Ceinture et la Route, de Xi Jinping.
La Chine a une culture non monothéiste où la religion a toujours été soumise à l'État, contrairement à la culture ouïghoure, où l'islam fait partie intégrante de la vie, comme le bouddhisme au Tibet. Le prétexte des politiques anti-Ouïghours de la dernière décennie est ce que Beijing appelle le séparatisme, l'extrémisme et le terrorisme.
Ce sont les mesures appliquées depuis la campagne Frapper fort contre le terrorisme violent au Xinjiang, en mai 2014, et surtout depuis 2016, lorsque Chen Quanguo est devenu le chef du Parti communiste du Xinjiang. Il y a une surveillance incessante utilisant la télévision en circuit fermé, l'intelligence artificielle, la reconnaissance faciale et les données biométriques. Un nouveau système de surveillance en grille, où chaque carré contient 500 personnes pour une surveillance plus rigoureuse, vient d'être achevé. Il y a des centaines de camps dits de rééducation professionnelle et de camps de travaux forcés, où environ 1,2 million d'Ouïghours, dont des centaines de milliers d'écoliers, sont incarcérés. L'accent est mis sur l'enseignement du mandarin, l'endoctrinement nationaliste han intense et une discipline rigoureuse.
De nombreux Ouïghours sont forcés d'accueillir des agents chinois han dans leur famille en tant que soi-disant membres de la famille qui forment leurs hôtes en mandarin et en nationalisme chinois. La barbe et le hijab sont fortement déconseillés. Les femmes font l'objet d'une contraception et d'une stérilisation forcée, comme on l'a déjà dit. Muhammad et Medina ne sont pas des prénoms autorisés pour les nouveau-nés. Toutes ces étapes visent l'assimilation par la sinisation ou le monoculturalisme. La sinisation s'accélère lorsque des colons han s'installent au Xinjiang.
Selon quel genre de régime la « république populaire », seulement de nom, est-elle dirigée par le Parti communiste chinois, seulement de nom également? Un cas intrigant d'histoire sombre répétée, un processus lancé par Deng Xiaoping en 1978 et achevé par Xi Jinping en mars 2018, a fait passer la Chine du communisme maoïste à ce que j'appelle, de façon purement descriptive, le fascisme ou le fascisme confucéen avec des caractéristiques de la Chine han pour la nouvelle ère.
Tout comme Mussolini disait « tout dans l'État, rien contre l'État et rien en dehors de l'État fasciste », le slogan de Xi Jinping est que le pays, l'armée, la société, les écoles, le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest, tous appartiennent à l'État du Parti communiste. Weiwen, la préservation de la stabilité sociale, est le fondement de la politique intérieure du régime, la version chinoise de la Gleichschaltung.
Le marxisme et le fascisme ne diffèrent que sur une chose, et c'est la propriété privée, que le fascisme permet. Cependant, contrairement aux démocraties libérales, le régime de Beijing dirigé depuis 2012 par Xi Jinping, homme fort à vie, jamais élu, a aussi, en raison de son pouvoir politique écrasant, le dernier mot sur les grandes entreprises privées. La plupart des principaux hommes d'affaires chinois sont membres du Parti communiste chinois. Marx et Mao, les héros de Xi Jinping, sont probablement en train de se retourner dans leur tombe.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie infiniment les témoins de leur témoignage percutant.
Je remercie aussi tous ceux qui nous regardent à la maison. Tous ceux qui suivent nos audiences participent également à cet important récit attestant de ces atrocités. Je sais que ceux qui nous regardent en parleront aux autres, et c'est très important.
J'ai quelques observations préliminaires à formuler.
Je tiens à remercier la greffière d'avoir dressé une liste incroyable de témoins. Au cours des prochains jours, nous accueillerons des experts de premier plan qui nous aideront vraiment à comprendre la situation et à y réagir.
De plus, je dois dire que je tiens beaucoup à ce que le comité Canada-Chine se penche sur d'autres questions liées à cette relation. Nous nous concentrons aujourd'hui sur une question précise, soit le génocide des Ouïghours, mais nous avons déjà entendu certains témoignages, surtout celui de M. Kovalio, qui soulignent la nécessité d'un réexamen plus vaste et plus approfondi. J'ai bon espoir qu'en continuant à défendre ces intérêts, nous pourrons amener le comité Canada-Chine à travailler également sur ce dossier.
Je tiens à souligner qu'aujourd'hui, le 20 juillet, est aussi une journée très importante pour la communauté Falun Gong, soit l'anniversaire du début de sa persécution. Comme David Kilgour l'a mentionné, il y a un lien important entre les Ouïghours et les adeptes du Falun Gong qui sont victimes de prélèvements d'organes. Nous saluons donc la communauté Falun Gong et toutes les autres communautés qui ont été victimes d'horribles persécutions en République populaire de Chine.
Nous avons entendu les témoins discuter d'un certain nombre de questions importantes en ce qui concerne la réaction du Canada à ces événements, notamment les décisions juridiques, la reconnaissance du génocide et le recours aux sanctions Magnitski.
Ma première question s'adresse à M. Zenz.
En ce qui concerne un autre aspect de notre réponse, notre engagement auprès des sociétés commerciales, je sais que vous avez récemment fait des commentaires sur Twitter au sujet de Nuctech. Nous venons d'apprendre que le gouvernement canadien embauche Nuctech pour fournir des technologies de sécurité à nos ambassades. Vous avez mentionné que Nuctech vend de la technologie au Bureau de la sécurité publique du Xinjiang, qui est sanctionné par les États-Unis relativement aux violations des droits de la personne contre les Ouïghours.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de la façon dont nous devrions ou non collaborer avec les entreprises qui pourraient être présentes dans le Xinjiang.
Dans le même ordre d'idées, les États-Unis ont adopté une nouvelle loi sévère, la Uighur Forced Labour Prevention Act, qui vise à sanctionner les entreprises et à s'attaquer aux chaînes d'approvisionnement afin que nous ne soyons pas complices de ce qui se passe au Xinjiang.
Pourriez-vous nous en parler, monsieur Zenz? Ensuite, si d'autres témoins veulent intervenir sur ce point également, j'aimerais les entendre.
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C'est un excellent point. Il y a trois choses que les pays occidentaux, les pays démocratiques, peuvent faire.
Premièrement, nous pouvons appeler très clairement les choses par leur nom, soit les atrocités commises au Xinjiang. Deuxièmement, nous pouvons imposer des sanctions aux fonctionnaires. Mais le sujet que vous soulevez ici est, à mon avis, le plus stratégique, c'est-à-dire l'imposition de conséquences.
Tout d'abord, il est très important de découvrir, de mettre en évidence et de nommer les entreprises impliquées, notamment les entreprises chinoises, qui sont complices des atrocités commises au Xinjiang, comme Huawei, comme Nuctech — selon ce que j'ai lu, oui — et d'autres entreprises. C'est quelque chose que nous pouvons faire, parce qu'à mon avis, il est approprié d'imposer des conséquences aux entreprises chinoises qui sont impliquées dans le Xinjiang. Il y a des entreprises occidentales, bien sûr, mais elles ont tendance à être moins actives dans la région. Toutefois, ces entreprises fournissent directement des technologies de sécurité et de surveillance qui permettent à l'État policier de fonctionner. À mon avis, il serait tout à fait approprié que les gouvernements nomment ces compagnies et tiennent ensuite des discussions à leur sujet. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on leur impose certaines formes de sanctions, de conséquences ou de pénalités.
Je tiens à remercier tous nos témoins d'aujourd'hui pour leurs témoignages extrêmement convaincants et très opportuns sur un sujet sur lequel, comme vous le savez, le Comité a déjà travaillé. Nous avons fait une étude. C'était à l'automne 2018. À l'époque, je crois que c'était probablement l'un des témoignages les plus troublants que j'avais entendus.
À ce moment-là, il n'y avait pas grand-chose dans le domaine public. C'est surtout indirectement dont nous en avions entendu parler. Les autorités du Xinjiang tenaient absolument à ce que cette information ne soit pas diffusée à l'échelle internationale. Aujourd'hui, nous avons des témoignages directs et nous avons des études comme celle de M. Zenz, qui documentent les choses d'une façon beaucoup plus concrète.
J'aimerais beaucoup entendre les témoins parler un peu de ce qui s'est passé depuis décembre 2018, depuis notre étude. Je sais qu'en janvier 2019, lorsque nous avons publié le résumé des témoignages, le lendemain, la Chine a autorisé des observateurs de l'ONU à entrer dans les camps. Je crois comprendre, bien sûr, qu'il y a eu beaucoup de mise en scène. Pourriez-vous nous parler de ce qui s'est passé là-bas et de ce qui s'est passé en ce qui concerne certains observateurs internationaux et ce qu'ils ont documenté?
Je vais commencer par vous, monsieur Zenz. Votre témoignage sur la stérilisation a été très troublant. Peut-être pourriez-vous nous dire dans quelle mesure cela a été documenté, où cela se passe et dans quelle mesure cela a changé depuis 2018.
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J'ai visité ces camps de concentration au Xinjiang, en 2019. Je pourrais peut-être ajouter quelque chose à ce qui a été dit.
Le gouvernement chinois s'inquiète beaucoup de ce que nous disons en Occident au sujet de la présence de ces camps de concentration. Je faisais partie d'un groupe de journalistes et de diplomates que le gouvernement chinois avait invité tout au long de 2019 afin de vendre une fausse histoire au monde extérieur, en particulier à l'Occident. Lors de notre visite en 2019, nous avons constaté que le gouvernement chinois était tellement préoccupé par ce que nous disions en Occident qu'il essayait de tromper le monde.
Après avoir quitté le Xinjiang, en septembre, dès mon retour en Europe, j'ai condamné publiquement et décris au monde ce qu'il faisait avec ces camps d'internement de masse. J'ai été attaqué par le Global Times, qui est l'un des journaux officiels du gouvernement chinois, où j'ai été accusé, entre autres, d'être un faux journaliste. Les autorités chinoises ont dit qu'elles avaient fait venir, avant moi, environ 1 000 journalistes et diplomates.
Une grande question à laquelle nous sommes confrontés en Occident, c'est pourquoi, sur 1 000 journalistes et diplomates, très peu témoignent. La raison en est que le gouvernement chinois est très prudent dans l'organisation de visites guidées pour les étrangers, même pour les observateurs de l'ONU.
Il ne permet pas aux étrangers d'interviewer des gens dans la rue. De plus, même pour nous, les journalistes, lorsqu'il nous envoie dans ces centres de formation professionnelle, il ne veut pas que nous posions des questions. Il nous monte un spectacle. Il veut nous faire sentir, et montrer au monde extérieur, que la Chine traite bien les Ouïghours, qu'ils sont heureux, qu'ils adoptent la culture chinoise de leur propre chef et qu'ils abandonnent leur langue et leur religion de leur propre gré.
Si la Chine donnait plein accès aux étrangers pour enquêter et interroger les gens, il y aurait une énorme explosion. Le problème avec la Chine, c'est qu'elle est très inquiète à ce sujet et qu'elle dépense beaucoup...
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie sincèrement tous les témoins. Nous avons besoin d'eux dans ce sous-comité. Ils ont fourni des témoignages assez exceptionnels qui nous ont tous touchés.
D'ailleurs, je remercie les employés de la Chambre des communes qui nous permettent d'accomplir ce travail aujourd'hui.
Je veux remercier tous mes honorables collègues qui ont décidé de s'unir et de faire ce travail. Il faut maintenant s'assurer que ce sous-comité arrive à avoir un impact et qu'il ne s'agisse pas juste de palabres et de mots.
Je n'étais pas là en 2018. J'imagine que la situation a changé, mais, en tant que parlementaires, nous avons le devoir de proposer quelque chose de concret et d'être capables de nommer les choses telles qu'elles sont. Je suis bien heureux d'être avec vous aujourd'hui, et j'espère que c'est vraiment l'objectif que nous atteindrons tous ensemble.
D'abord et avant tout, madame Mahmut, j'aimerais vous poser une question.
Nous parlons d'impact. Je viens d'en parler. Quelle réponse attendez-vous du gouvernement canadien, à court terme et le plus rapidement possible?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup à tous d'être ici et de nous faire profiter de votre expertise. C'est un sujet très important, et je suis donc très heureuse de participer à cette réunion.
Je remercie tous les membres du Comité qui ont posé d'excellentes questions, et je voulais en poser un grand nombre d'entre elles. J'ai donc été heureuse d'entendre cela.
Je suis une nouvelle parlementaire et l'une des choses qui me déçoivent un peu, c'est que nous ayons déjà étudié ce sujet, que nous nous soyons penchés sur cette question et qu'il y ait, ici, des gens qui estiment que le gouvernement canadien n'en a pas fait assez pour appuyer le peuple ouïghour en Chine.
Ma première question s'adresse à Mme Mahmut.
Vous avez parlé un peu de ce que le Canada a fait dans le passé et de ce que vous espérez nous voir faire à l'avenir. Vous avez dit, je pense, que nous devions prendre très clairement position sur ce qui se passait et envisager des sanctions ainsi que l'asile pour les Ouïghours.
Pourriez-vous nous parler un peu plus de ce que vous aimeriez que le Canada fasse et de ce que nous avons fait de positif? Selon vous, quelles sont les choses que nous avons eu raison de faire en ce qui concerne notre réponse, et certaines des choses que d'autres pays ont faites et dont nous pourrions nous inspirer?
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Merci beaucoup. Je suis très impressionné par les opinions de tous les participants. Je vais aller droit au but. Je comprends maintenant pourquoi l'aéroport de Kashgar a une voie spéciale pour les voyageurs qui exportent des organes.
On a parlé de l'atmosphère, surtout dans les camps de formation professionnelle, appelés des camps d'éducation, destinés aux enfants. Il y a une note de service de 2017 concernant la façon dont ils doivent être gérés par ceux qui les dirigent. Je parle bien sûr des enfants ouïghours. Cette note parle de faire de l'apprentissage du mandarin une priorité, d'assurer une surveillance vidéo complète, sans angle mort, des dortoirs et des salles de classe, de prévenir les évasions, d'imposer des mesures disciplinaires sévères et des sanctions en cas de non-respect des règles de comportement, de promouvoir le repentir et la confession, et de veiller à assurer une véritable transformation des élèves.
Enfin, et je ne pense pas que ce soit la suggestion la moins importante sur le plan politique, il doit y avoir, du moins à mon avis, plus de coopération et de coordination pour ce qui est d'exercer des pressions sur la Chine, divers types de pressions, afin que la situation des Ouïghours s'améliore.
Par exemple, Chen Quanguo, le chef du Parti communiste, a été sanctionné la semaine dernière par le Congrès américain. Je pense que c'est quelque chose que nous devrions envisager également. De plus — et il y a là un certain lien —, la semaine dernière, le Royaume-Uni a annoncé qu'il abandonnait Huawei pour son réseau 5G et qu'il se tournait plutôt vers la technologie et les entreprises japonaises.
Autrement dit, nous — c'est-à-dire les démocraties du Canada, des États-Unis, de l'Europe et du Japon — devrions en faire davantage pour faire comprendre au régime chinois et, d'abord et avant tout, bien sûr, à Xi Jinping, ce que nous en pensons, parce que c'est une menace grave, non seulement pour les Ouïghours, d'abord et avant tout, mais aussi pour le reste du monde démocratique.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
M. Olsi Jazexhi a fait valoir un excellent point. J'espère que nous en tiendrons compte. Je suis certain que si vous retracez le problème des Rohingyas en Birmanie, vous constaterez que l'argent du Parti communiste chinois manipule également le gouvernement birman, persécutant les musulmans rohingyas là-bas, tout comme les musulmans ouïghours. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit.
Monsieur le président, j'ai l'air de ratisser large, mais je vais vite me focaliser.
Monsieur Kovalio, avec la révolution culturelle, le Grand Bond en avant, les nombreuses purges, les Cent Fleurs, Mao Zedong a été responsable de la mort de dizaines de millions de Chinois han et de minorités. Xi Jinping me semble être le chef qui s'apparente le mieux à Mao Zedong ces jours-ci. Êtes-vous d'accord, monsieur Kovalio?
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Oui, monsieur Sweet. J'apprécie votre question; elle est très pertinente.
Je répondrai à votre question très judicieuse en disant que c'est entièrement de notre faute. En Occident, nous avons, sans hésiter, accepté d'entretenir des relations normales, non seulement économiques, mais aussi politiques, avec un régime dont le principal penseur et fondateur est sans aucun doute le pire chef génocidaire de la seconde moitié du XXe siècle et même avant, dont l'image orne la place Tiananmen et s'étale sur les billets de banque, sans même y réfléchir un instant. Cette attitude me semble être déconnectée de la réalité.
Comment pouvons-nous, pour l'amour du ciel, entretenir des relations régulières avec un régime qui incarne le génocide, d'abord et avant tout de son propre peuple, dans le Grand Bond en avant de la soi-disant révolution culturelle, et en « plus petit nombre » en 1989, sur la place Tiananmen? Maintenant, à cause de cette terrible pandémie, dont l'origine est certainement à Wuhan et qui nous a frappés, peut-être allons-nous commencer à réfléchir plus en profondeur à la façon de réévaluer et modifier très largement notre relation avec le régime chinois.
Selon les nouvelles informations dont nous disposons, comme vous l'avez mentionné, la Chine montre clairement que ces camps existent, qu'ils sont gérés comme des prisons, et qu'il ne s'agit pas simplement d'une formation professionnelle anodine.
Ensuite, nous avons plus de données sur le terrain quant au pourcentage. Dans certaines régions, jusqu'à 28 % de tous les Ouïghours, surtout les hommes, sont internés dans des régions ouïghoures. Nous avons des preuves plus systématiques que les documents du gouvernement chinois prouvent que ces camps sont conçus pour leur laver le cerveau, une citation littérale tirée de documents chinois. Nous avons des preuves que le travail forcé est une politique gouvernementale systématique à différents niveaux, tant pour les camps d'internement que pour tous les hommes ou adultes de la société. Nous avons de nouvelles données probantes sur la séparation des parents et des enfants comme pratique et politique systématiques et, tout récemment, des données probantes sur le génocide démographique et la stérilisation.
Nous disposons d'un énorme corpus de nouvelles données probantes.
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J'aimerais revenir sur ce point.
Vous avez mentionné qu'il y a énormément de données probantes qui établissent que des fuites du Parti de la communauté chinoise nous permettent de vérifier cela de façon indépendante. Il ne s'agit pas simplement d'informations anecdotiques comme c'était le cas auparavant.
Nous savons que la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui date du 9 décembre 1948, communément appelée Convention sur le génocide, dit ceci à l'alinéa d) de l'article II: « Dans la présente convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». On y donne un certain nombre d'exemples comme « meurtre de membres du groupe », « atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ». On poursuit avec l'alinéa d), qui est « entraver les naissances au sein du groupe ». L'alinéa e) porte sur le « transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ».
Compte tenu de ce que je viens de mentionner, à savoir la Convention sur le génocide, dont la Chine et le Canada sont signataires, et compte tenu de ce que vous venez de mentionner, monsieur Zenz, au sujet des nouveaux renseignements que nous avons pour les titulaires de doctorat et les professeurs, avez-vous l'impression maintenant que nous pouvons dire avec certitude que ce que nous voyons correspond à la définition de génocide selon la Convention?
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Dans une certaine mesure, oui. Il y a eu une campagne. La Chine se préoccupe de son image, peut-être encore plus parmi les pays de l'initiative La ceinture et la Route. Je crois que la Chine cherche encore plus à garantir son statut et son image dans les pays de La ceinture et la Route. Elle fait particulièrement attention de ne pas s'aliéner les pays musulmans, parce qu'elle sait que les populations musulmanes pourraient se retourner de manière très significative contre elle, ce qui serait un vrai problème.
Cependant, je pense qu'il n'y a eu d'impact que sur la forme. Il n'y a pas eu de véritable changement de politique. Il faudrait que je fasse une évaluation très objective de l'impact réel de l'attention occidentale sur le Xinjiang, au Xinjiang même. À mon avis, il est beaucoup plus probable de changer la situation sur le terrain en se concentrant sur le travail forcé et l'éthique du travail forcé.
Plus tôt, j'ai mentionné que les entreprises occidentales ne sont pas aussi impliquées; je parlais de l'État policier et de la technologie de sécurité. Les entreprises occidentales sont impliquées dans leur chaîne d'approvisionnement, surtout dans le textile, et dans une certaine mesure dans d'autres produits. C'est également spécial parce que la main-d'oeuvre ouïghoure est transférée dans d'autres provinces et utilisée dans d'autres usines, dans d'autres régions de la Chine. Je pense qu'il est très important de mettre l'accent sur le travail forcé et l'éthique du travail forcé, sur la sensibilisation des consommateurs.
La deuxième voie vraiment importante est celle des pays musulmans. Comme on l'a déjà mentionné, l'OCI, l'Organisation de coopération islamique, a été cooptée à un haut niveau par la Chine. Elle a été achetée par la Chine, pour ainsi dire, de sorte que sensibiliser encore plus la population générale de ces pays musulmans, trouver un moyen... Et, bien sûr, si des pays comme le Canada infligent des sanctions et font de grandes choses qui font les manchettes, cela pourrait être très utile.
Je voulais simplement répondre à votre question et à celle de M. Kovalio lorsqu'il a demandé où se trouvent l'OCI, la Turquie, l'Iran et le Pakistan.
Il y a quelque chose que nous ne faisons pas bien dans le dossier du Xinjiang et des Ouïghours. Premièrement, les États-Unis ont pris les devants. Il faut savoir que dans les pays musulmans, les États-Unis n'ont pas une très bonne image. Ce que la Chine est en train de faire, c'est essayer de faire passer cela comme une sorte d'intervention impérialiste dans ses affaires internes.
Les Canadiens se doivent d'aider les organisations de la société civile et les pays musulmans à dénoncer ce que l'on fait aux Ouïghours. Comme je l'ai dit, il s'agit après tout de musulmans et le monde musulman est très touché par cela. Nous avons vu des manifestations et des articles à ce sujet, de la Bosnie à l'Indonésie. Mais, de façon très intelligente, la Chine corrompt les dirigeants de beaucoup de ces pays. Elle leur donne des armes et des produits de haute et moyenne technologie, et elle leur dit: « Regardez, tout va bien au Xinjiang. Nous ne faisons rien aux Ouïghours; les Américains mentent. » En fait, nous ne savons pas nous y prendre pour aborder les pays islamiques et leur dire de se tenir debout.
Vous devez savoir quelque chose. Après avoir quitté le Xinjiang, j'ai écrit un article intitulé « Que peut faire le monde musulman pour sauver les Ouïghours et l'islam en Chine? » Une semaine plus tard, l'ambassadeur de la Chine à Ankara m'a répondu que j'attaquais les membres du Parti communiste chinois. Les Chinois ont prétendu que j'étais un menteur. J'ai répondu à l'ambassadeur de la Chine à Ankara. Je lui ai dit que je m'appuyais sur des faits, que j'avais des vidéos.
Vous devez être conscients que les Chinois redoutent une réaction du monde musulman, parce que ça porterait tort à leur portefeuille.
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C'est un bon point. Je vous remercie de la question.
La situation générale s'aggrave considérablement, surtout dans le cas des Ouïghours, ainsi que des Tibétains, soit dit en passant, car c'est exactement ce que Chen Quanguo a fait au Tibet. Il a fait pression sur les Tibétains et leur économie, méthodes qu'il a importées en partie au Xinjiang. C'est pourquoi, comme je le disais plus tôt, il a été sanctionné la semaine dernière par le Congrès américain.
En général, le genre d'État que Xi Jinping essaie de construire en Chine depuis décembre 2012 a consisté à imposer — à toute la population et de toutes les manières possibles — une forme d'identité han. Techniquement, cela commence bien sûr par la langue. C'est pourquoi les autorités exercent des pressions constantes dans le domaine de l'enseignement, non seulement dans les écoles, mais aussi par le détachement de Chinois han auprès de familles ouïghoures pour les former à la culture chinoise, si vous voulez, et bien sûr, aussi en nationalisme chinois, qui est redevenu extrêmement fort depuis décembre 2012. On constate le même genre de politique au Tibet.
Lorsque nous parlons de la différence entre la tradition ouïghoure et la tradition chinoise, c'est un aspect que nous ne pouvons pas négliger, et c'est très fondamental. Lorsqu'on parle d'un groupe autochtone très important comme les Ouïghours, qui sont monothéistes, et de la tradition chinoise, qui non seulement n'est pas monothéiste, mais dans laquelle la religion a toujours été — au moins depuis 2 000 ans, si vous voulez, dans le contexte du confucianisme, qui n'est pas une religion — totalement subordonnée à l'État, il y a un conflit de valeurs — faute d'un meilleur terme — qui se manifeste chaque fois et qui va rendre très difficile la recherche d'un modus vivendi plus humain, entre le régime chinois de Xi Jinping et la population autochtone ouïghoure du Xinjiang.
Je n'envisage pas l'avenir de façon très positive, pas du tout.
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Merci, monsieur le président. Je vais essayer de partager mon temps avec M. Sweet.
Ce que je vais dire pourra sembler un peu bizarre, mais je crois que c'est important. Il vaut la peine de souligner, je pense, que le confucianisme ne renvoie pas uniquement au genre de système en place en Chine. La Corée du Sud et Taiwan sont profondément influencés par le confucianisme. Les dirigeants autoritaires détournent les idéaux du confucianisme en matière de piété filiale, et ils oublient la bienveillance à laquelle ils sont tenus et qui est profondément ancrée dans la philosophie confucianiste. Il est important de le souligner pour contredire une partie de la propagande de la République populaire de Chine sur la culture chinoise et le confucianisme.
J'aimerais revenir sur les points soulevés par Mme McPherson au sujet des chaînes d'approvisionnement et demander à M. Zenz s'il a des réflexions sur la Uighur Forced Labour Prevention Act aux États-Unis, et si cela constitue un bon modèle.
Je me demande également si quelqu'un a d'autres commentaires à faire sur la question de la collaboration avec les pays musulmans. Il me semble que nous devons faire une distinction entre les dirigeants des pays à majorité musulmane et les peuples de ces pays, parce que les dirigeants de ces pays ont malheureusement, dans bien des cas, choisi de fermer les yeux et, dans certains cas, ont même été complices de la promotion de discours antimusulmans dans d'autres pays, peut-être pour justifier leur propre oppression intérieure. Je pense que nous pourrions jouer un rôle important en essayant de mobiliser les dirigeants de la société civile dans les pays à majorité musulmane et de bâtir des coalitions, non seulement au niveau du gouvernement, mais au niveau de la société civile, pour faire avancer ces questions. Est-ce que le Canada ou d'autres pays occidentaux pourraient jouer un rôle de chef de file à cet égard?
Donc, sur ces deux points, les chaînes d'approvisionnement et la participation de la société civile dans les pays à majorité musulmane, j'aimerais entendre M. Zenz et quiconque veut intervenir.
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La portée est... Dans la plupart des cas, un parent est écarté et l'autre reste à la maison, même s'il travaille à temps plein. Un scénario très problématique est celui où les maris sont dans des camps, ou dans des lieux de travail éloignés, et les femmes sont dans des usines, des usines satellites locales pourvues de pouponnières, et il y a des écoles maternelles, alors même les bébés sont pris en charge par le gouvernement, du moins le jour.
Il y a de plus en plus de cas où les deux sont internés et où les enfants sont pratiquement orphelins, étant pris en charge par des membres de la famille ou par le gouvernement. Il y a des documents qui montrent qu'ils sont placés dans des orphelinats, des foyers d'aide sociale. C'est très vaste, mais le scénario encore plus courant est celui où tous les enfants, même lorsque les parents sont à la maison, ou peu importe la situation, sont dirigés vers un pensionnat, et ce, pour des périodes de plus en plus longues. À partir du préscolaire, mais surtout du primaire... Des écoles primaires sont en train d'être installées dans des complexes d'écoles intermédiaires, parce que ce sont de grands complexes. On y trouve des dortoirs, des installations. Ils y restent toute la semaine, et peut-être qu'ils peuvent rentrer chez eux un jour par semaine. Dans certains cas, cependant, c'est toutes les deux semaines.
Avec la sécurisation de toute la société, nous devons aussi regarder au-delà de la campagne d'internement et voir l'impact à long terme de la pratique de séparer les familles et les enfants pendant longtemps, même lorsqu'il n'y a pas d'internement ou que les parents ont été libérés. C'est énorme. C'est un système de séparation intergénérationnelle à très long terme.
Je tiens à remercier tout le monde. Nous venons d'entendre un excellent premier groupe de témoins, et je suis certain que celui-ci ne fera pas exception.
Bienvenue à la quatrième séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes. Les témoins d'aujourd'hui comparaissent principalement par vidéoconférence, et les délibérations seront mises à la disposition de tous nos téléspectateurs sur le site Web de la Chambre des communes.
Si des problèmes techniques surviennent, par exemple en ce qui concerne l'interprétation ou votre audio, veuillez en informer immédiatement le président, et l'équipe technique travaillera à les résoudre.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Notre premier témoin sera Rayhan Asat, présidente de l'American Turkic International Lawyers Association. Nous entendrons ensuite Alex Neve, secrétaire général d'Amnistie internationale Canada, puis l'honorable Irwin Cotler, président fondateur du Centre Raoul Wallenberg des droits de la personne.
Sur ce, je remercie les témoins. Chaque témoin aura six minutes pour faire une déclaration préliminaire. Nous allons commencer par Rayhan Asat.
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Bonjour, mesdames et messieurs.
Je comparais devant vous aujourd'hui à titre d'avocate, de porte-parole, de sœur et de membre de la communauté ouïghoure.
L'année 2020 marque le quatrième anniversaire de la crise des droits de la personne des Ouïghours, un génocide dévastateur, et pourtant nous n'avons pas dépassé le stade des palabres. J'espère qu'après ces audiences nous aurons compris que nous n'avons plus de temps à perdre pour sensibiliser les gens. Il faut agir.
Il y a un peu plus de quatre ans, j'étais sur le point d'obtenir mon diplôme en droit de Harvard et de commencer ma carrière d'avocate à Washington, D.C. J'avais de grands espoirs et de grands rêves pour mon avenir. Je n'avais jamais pensé passer les quatre années suivantes de ma vie à rechercher mon frère et à me demander s'il était vivant.
Mon frère, Ekpar Asat, est le fondateur d'une plateforme médiatique à plusieurs volets, Bagdax; c'est un philanthrope. Par-dessus tout, il est mon point d'ancrage et mon meilleur ami. En 2016, il est venu aux États-Unis avec huit Chinois han dans le cadre d'un parrainage du département d'État dont de nombreuses personnes ont bénéficié pendant des décennies.
Au retour de ce voyage, il a été jeté dans le tristement célèbre camp d'internement ou de concentration et, plus tard, il aurait été emprisonné. Encore un avenir prometteur coupé court. Mon frère a été salué par le gouvernement local comme un bâtisseur de ponts et une force positive pour sa contribution à la société, mais comme il est ouïghour, il subit le même sort que des millions d'autres. Le cas de mon frère devrait dissiper toute illusion quant à savoir s'il s'agit de transformer les Ouïghours en Chinois modèles.
Les sentiments de perte sont encore vifs et douloureux. J'ai appris à composer avec cela, mais son absence se fait de plus en plus sentir. Les paroles écrites par Michael Kovrig dans sa petite cellule m'interpellent personnellement: « Soyez assurés que je demeure résolu et résilient. Vous devez être inlassables. » Je ne peux m'empêcher de penser que mon frère demande la même chose. Je suis donc inlassable et vous devriez l'être aussi.
Faire la lumière sur la vérité peut être une question de vie ou de mort en ce qui concerne la Chine. Au moment où je prends la parole aujourd'hui, je suis terrifiée à l'idée que mon frère puisse être soumis à la torture, au simulacre de noyade ou à l'électrocution, car il s'agit là de traitements cruels courants que les détenus doivent subir dans ces camps d'internement.
Le plus affligeant dans tout cela, c'est que le produit du travail forcé de mon frère a peut-être alimenté et entaché les échanges internationaux. Nos entreprises profitent, sans le savoir ou en toute connaissance de cause, du travail forcé des Ouïghours, et nous, comme consommateurs, sommes complices de l'utilisation de ces produits. Selon le New York Times, les masques produits par le travail forcé des Ouïghours sont maintenant écoulés sur les côtes de l'Amérique du Nord.
La route vers la dignité humaine fondamentale pour le peuple ouïghour, pour le monde entier, a été longue et tortueuse. Le monde se réveille peut-être enfin devant les atrocités de masse qui se produisent au Xinjiang en raison des récents événements hautement publics qui choquent la conscience.
Le premier est un rapport qui fait autorité et qui documente la stérilisation systématique de masse forcée des femmes ouïghoures. La deuxième est une vidéo montrant des centaines d'hommes ouïghours yeux bandés, enchaînés et rasés qui sont conduits dans des trains au Xinjiang. Certains ne se rendent peut-être même pas compte que ces images ont près d'un an. Les méthodes d'éradication ont certainement augmenté depuis. Le troisième est la saisie de 13 tonnes de cheveux humains soupçonnés d'avoir été enlevés de force aux prisonniers ouïghours. Comme femme ouïghoure instruite en Occident, quand je suis confrontée à des pratiques aussi odieuses, cela me brise vraiment le cœur. Cela aurait pu être moi si je n'avais pas quitté la maison il y a plus de 10 ans.
Le gouvernement chinois est en train de mettre en œuvre un programme systématique à plusieurs volets, avancé sur le plan technologique, visant à détruire l'ensemble des Ouïghours. La semaine dernière, dans Foreign Policy, j'ai publié un article avec l'avocat spécialisé en droits de la personne, Yonah Diamond, de la principale ONG de défense des droits de la personne au Canada, le Centre Wallenberg. Il expose les preuves accablantes d'un génocide au sens de la Convention des Nations unies sur le génocide, y compris la stérilisation massive des femmes et la détention massive d'hommes, la torture et la détention généralisées ainsi que l'enlèvement d'enfants ouïghours sanctionné par l'État.
Il convient de noter que des hommes chinois han sont même affectés à la surveillance des femmes ouïghoures dans leur chambre à coucher pendant que les hommes sont détenus dans des camps d'internement.
La campagne de Beijing a maintenant l'effet escompté. Le taux de natalité au Xinjiang est en chute libre et les stérilisations forcées montent en flèche. Les femmes sont incapables d'avoir des enfants et les hommes sont incapables de partir; ils ont besoin de nous et il sera trop tard si nous ne prenons pas des mesures urgentes.
Je demande donc au gouvernement canadien de bien vouloir déclarer officiellement que ce qui arrive au peuple ouïghour est un génocide. Qualifier cela de génocide inciterait d'autres pays à se joindre à un effort concerté pour mettre fin au génocide qui se poursuit au Xinjiang. Il inciterait également les consommateurs à rejeter plus de 80 marques internationales qui profitent de ce génocide.
Je demande en outre au gouvernement canadien d'infliger des sanctions découlant de la loi Magnitski aux architectes du génocide et de former et de diriger une coalition de pays au Conseil des droits de l'homme des Nations unies pour adopter une résolution afin que les Nations unies puissent envoyer une mission d'enquête au Xinjiang pour documenter davantage et préserver les preuves de génocide.
J'espère que dans toutes vos rencontres bilatérales, vous allez parler au nom de mes frères et soeurs.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
L'étude par le Sous-comité de la crise des droits de la personne à laquelle sont confrontés les Ouïghours dans la région autonome du Xinjiang, dans l'Ouest de la Chine, est bienvenue et urgente.
La crise n'est évidemment pas nouvelle. La répression incessante du peuple ouïghour par la Chine remonte à des décennies. Pendant des décennies, toutefois, les gouvernements, y compris celui du Canada, n'ont pas clairement fait comprendre à la Chine que c'était inacceptable et qu'il fallait y mettre un terme. Cela est symptomatique de l'incapacité de la communauté internationale de placer les droits de la personne au coeur des relations avec la Chine, en accordant constamment la priorité aux perspectives de commerce et d'investissement au détriment d'une défense concertée des droits de la personne et de la diplomatie.
L'ampleur de la souffrance est inimaginable. Depuis 2017, les autorités du Xinjiang mènent une vaste campagne de surveillance intrusive, de détention arbitraire, de torture, d'endoctrinement politique et d'assimilation culturelle forcée, ciblant les Ouïghours, les Kazakhs et d'autres musulmans de la région. Facilement plus d'un million de personnes ont été détenues dans ce qu'on appelle des « centres de transformation par l'éducation » ou « centres de formation professionnelle » où elles ont subi une litanie de violations des droits de la personne.
Pensons aux manchettes concernant six mesures d'urgence prises par Amnistie internationale au cours des huit dernières semaines, qui témoignent de la nature incessante de la répression: « Le rédacteur en chef Qurban Mamut, âgé de 70 ans, gardé au secret »; « L'homme d'affaires ouïghour Abuduaini Kadier emprisonné suite à un procès secret »; « Graves préoccupations pour la santé du Ouïghour Gulshan Abbas porté manquant »; « Mahira Yakub, une Ouïghoure accusée d'avoir transféré de l'argent à ses parents »; « Le Ouïghour Ekpar Asat emprisonné pendant 15 ans suite à un procès secret »; et « L'universitaire ouïghour Iminjan Seydin réapparaît dans une émission d'une chaîne d'État après trois ans de détention au secret ».
La répression a été dénoncée par le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale et mise au jour par des journalistes d'enquête. Confronté à des preuves indéniables d'internement de masse, de châtiment arbitraire et de torture, le gouvernement chinois a fini par reconnaître l'existence des camps, mais a prétendu de façon absurde qu'il s'agissait de centres de formation professionnelle à participation volontaire. La véritable portée et la nature de ce qui s'est passé au Xinjiang ne sont pas encore entièrement connues parce que le gouvernement chinois résiste fermement aux appels pour laisser venir des observateurs indépendants dans la région.
Le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a demandé « l'accès complet à une évaluation indépendante des rapports qui continuent de faire état d'un grand nombre de disparitions forcées et de détentions arbitraires » au Xinjiang. Au cours de la dernière année, notamment il y a à peine trois semaines, le Canada, avec plus de 20 autres pays, s'est joint à trois déclarations sans précédent au Conseil des droits de l'homme des Nations unies et à l'Assemblée générale des Nations unies pour réclamer un accès sans entrave et des enquêtes indépendantes. Le gouvernement chinois n'a tenu compte d'aucune de ces interventions.
Partout dans le monde, les Ouïghours, les Kazakhs et d'autres musulmans ethniques ont désespérément besoin d'information sur les membres de leur famille au Xinjiang. Beaucoup ont hésité à parler, craignant des représailles. Amnistie a recueilli des centaines de témoignages qui documentent la façon dont les autorités chinoises dans 22 pays les ont harcelés systématiquement.
Comme membre de la Coalition canadienne pour les droits de la personne en Chine, créée il y a plus de 20 ans, Amnistie internationale a publié un rapport en mai, qui faisait suite à un rapport similaire publié en 2017 et qui documentait une campagne de plus en plus intense d'ingérence, de menaces et de violence à l'endroit de Ouïghours et d'autres défenseurs des droits de la personne au Canada qui attirent activement l'attention sur le bilan atroce de la Chine en matière de droits de la personne. Aucune des mesures recommandées formulées à l'intention du gouvernement canadien par la coalition n'a encore été mise en oeuvre.
Le Canada peut et doit faire une différence dans des cas individuels. Trois Ouïghours, Ayub Mohammed, Salahadin Abdulahad et Khalil Mamut, ont subi plus de 20 ans de violations des droits de l'homme, d'abord au Xinjiang, puis cinq ans d'emprisonnement illégal à Guantanamo Bay, et maintenant, malgré l'exonération du gouvernement américain, l'exil forcé en Albanie et aux Bermudes, où ils attendent depuis plus de cinq longues années, pendant que le gouvernement canadien retarde leurs demandes de réunification avec leur femme et leurs enfants qui sont citoyens canadiens. Il est inadmissible qu'ils n'aient pas réussi à mettre fin à leur cauchemar en matière de droits de la personne.
Vous entendrez aujourd'hui Kamila Talendibaevai et l'avocat de sa famille, Chris MacLeod. En 2006, le mari de Kamila, Huseyin Celil, un Canadien ouïghour, a été arbitrairement arrêté par l'Ouzbékistan. Il a été expulsé illégalement, ce qui équivaut à une extradition, et il est maintenant injustement emprisonné en Chine. Depuis 14 ans, ce citoyen canadien n'a même pas eu droit à une visite consulaire de la part de représentants chinois. Kamila n'a eu aucun contact avec la famille de Huseyin en Chine au cours des quatre dernières années. Elle ne connaît rien de son sort et craint particulièrement pour sa santé.
Il est bien sûr important que le gouvernement canadien insiste pour que Michael Kovrig et Michael Spavor soient libérés. Il est essentiel d'exercer des pressions tout aussi fortes pour d'autres Canadiens injustement emprisonnés, dont Huseyin Celil, qui a manqué 14 années de la vie de ses quatre jeunes fils qui grandissent.
Permettez-moi de terminer par six brèves recommandations.
Premièrement, le gouvernement canadien devrait mettre en oeuvre une stratégie pangouvernementale des droits de la personne pour les relations avec la Chine, en veillant à ce que les préoccupations relatives aux droits de la personne, y compris la crise ouïghoure, soient systématiquement prioritaires dans toutes les relations avec le gouvernement chinois et les intérêts commerciaux chinois.
Deuxièmement, élaborer une réponse globale à la crise ouïghoure, y compris des efforts bilatéraux et multilatéraux pour presser la Chine de libérer immédiatement toutes les personnes détenues dans des installations de « désextrémification » et de « transformation par l'éducation » et abroger toutes les mesures qui restreignent l'exercice des droits de la personne par les Ouïghours et les autres minorités musulmanes. Tirer parti de toutes les possibilités d'exercer une pression, par exemple, l'imposition possible de sanctions individuelles en vertu des lois canadiennes, et faire en sorte que, dans l'ensemble de leurs chaînes d'approvisionnement, les entreprises canadiennes ne contribuent pas aux violations des droits de la personne qui peuvent être associées au travail forcé au Xinjiang, ou n'en profitent pas.
Troisièmement, travailler avec la communauté internationale pour accroître la pression sur le gouvernement chinois afin de permettre un accès indépendant et sans restriction au Xinjiang pour des missions d'enquête menées par des observateurs internationaux.
Quatrièmement, il faut prendre des mesures immédiates pour contrer le harcèlement et l'intimidation des Ouïghours et d'autres défenseurs des droits de la personne qui examinent les préoccupations en matière de droits de la personne au Canada liées aux Chinois.
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J'ajoute mes remarques à celles de Mme Asat et M. Neve que je tiens à féliciter pour leur travail acharné et leur engagement.
Nous nous réunissons à un moment important pour le devoir de mémoire et le rappel de la nécessité de témoigner, comme le permet cette audience, et d'agir, comme Mme Asat et M. Neve le demandent.
Nous nous réunissons à l'occasion du 21e anniversaire du lancement de la campagne d'élimination du Falun Gong. Cela fait 21 ans que les adeptes du Falun Gong sont victimes de persécution et de poursuites, d'exécutions extrajudiciaires, de torture et d'autres traitements semblables pour la seule raison qu'ils adhèrent aux anciennes valeurs chinoises que sont la vérité, la compassion et la tolérance.
Nous nous réunissons également à la suite de l'imposition d'une loi draconienne sur la sécurité nationale contre le peuple de Hong Kong, qui marque un moment décisif dans l'offensive chinoise contre les règles mondiales qui fondent l'ordre international. Cette loi a aussi des répercussions sur toute mobilisation à l'échelle internationale, que ce soit au nom des adeptes du Falun Gong ou au nom des Ouïghours, qui risquent donc d'être criminalisés en vertu de cette loi, quand bien même cela se produirait au Canada.
Nous nous réunissons à l'occasion de la répression massive et brutale des Ouïghours, qui, comme vous l'avez dit au cours de vos audiences aujourd'hui, passe par l'incarcération massive de 1,8 million de musulmans dans des camps de détention.
Mme Asat a décrit avec éloquence la surveillance de masse, le travail forcé, la torture et les mauvais traitements, les techniques massives de contrôle et de répression de la population, la stérilisation massive, les avortements forcés, les injections coercitives, la séparation forcée de plus d'un demi-million d'enfants ouïghours d'avec leurs familles, et les attaques massives contre leur religion, leur culture, leur identité, leurs traditions et leur mémoire. Le cas d'Ekpar Asat, comme l'a montré Mme Asat, est un miroir de la situation des personnes disparues et caractéristique de ces violations massives des droits de la personne.
Que faire?
Premièrement, nous devons non seulement révéler ces crimes contre l'humanité et les exposer au grand jour, mais aussi prendre des mesures pour obtenir justice pour les victimes et pour responsabiliser les auteurs des violations des droits de la personne.
Deuxièmement, nous devons invoquer et concrétiser la responsabilité de protéger. Nous nous réunissons à l'occasion du 15e anniversaire de l'adoption unanime de cette doctrine par l'ONU. Le Canada en est l'un des architectes. Nous devons maintenant matérialiser cette doctrine à l'égard des Ouïghours au vu de leur souffrance et de leur détresse.
Troisièmement, nous devons imposer les sanctions prévues dans la loi Magnitski. Les preuves sont claires et irréfutables. Joignez-vous aux États-Unis et au Royaume-Uni, qui sont déjà sur cette voie, et joignez-vous à l'Alliance interparlementaire sur la Chine, dont je suis coprésident avec Garnett Genuis, du Canada. Plus de 600 parlementaires réclament maintenant l'imposition de ces sanctions.
Quatrièmement, nous devons envisager des recours interétatiques devant la Cour internationale de Justice.
Cinquièmement, le Parlement devrait prendre l'initiative de déclarer que ces atrocités de masse constituent effectivement des actes de génocide. Nous avons été le premier Parlement à définir comme génocide ce qui arrivait aux Rohingyas. Nous devrions être le premier Parlement à définir comme génocide ce qui arrive aux Ouïghours.
Sixièmement, nous devons dénoncer le prélèvement illégal et forcé d'organes sur des Ouïghours et des adeptes du Falun Gong, que les défenseurs des droits de la personne en Chine ont récemment qualifié de crimes contre l'humanité, sinon d'actes de génocide. Nous devons utiliser les procédures et recours spéciaux des Nations unies pour obtenir justice et reddition des comptes.
Enfin, nous devons défendre la cause de Huseyin Celil et obtenir sa libération. Comme l'a rappelé M. Neve, il croupit dans une prison chinoise depuis 15 ans. Nous devons considérer le cas d'Ekpar Asat, le frère de Mme Asat, qui a disparu, comme le miroir de ces atrocités de masse. Les deux doivent s'inscrire dans notre mémoire et nous rappeler la nécessité d'un appel à l'action à l'échelle internationale.
Merci, monsieur le président.
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En 2005, quand j'étais ministre de la Justice, cette doctrine a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale des Nations unies. Le principe est simple; si, dans un pays, nous sommes témoins de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et, Dieu nous en préserve, de l'impensable qu'est le génocide, et si le gouvernement de ce pays ne veut pas ou ne peut pas agir ou, pire encore, est l'auteur de ces crimes, voire d'un génocide, la communauté internationale a la responsabilité d'intervenir et d'agir pour prévenir, punir et sanctionner ces crimes de guerre, ces crimes contre l'humanité et ce génocide. Dans le cas des Ouïghours, nous avons devant nous un exemple classique de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et, comme d'autres le pensent également, d'actes constitutifs d'un génocide. Cela justifie notre participation, en vertu de la doctrine de la responsabilité de protéger, à l'adoption et à la mise en oeuvre des mesures recommandées jusqu'ici devant le Comité, dont certaines que j'ai recommandées dans mon témoignage et qui relèvent de la responsabilité de protéger.
J'ajouterais une dernière chose. Je n'oublie pas que nous nous réunissons dans la foulée du 26e anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda. Ce qui rend le génocide des Tutsis si innommable, ce n'est pas seulement l'horreur du génocide proprement dit, au cours duquel quelque 10 000 Tutsis ont été assassinés tous les jours pendant trois mois, mais aussi le fait que c'était évitable. Personne ne pouvait prétendre l'ignorer. Nous le savions, mais nous n'avons rien fait. Pour les Ouïghours, aujourd'hui, personne ne peut prétendre ignorer la situation. Nous le savons et nous devons agir.
Pour citer mon mentor et lauréat du Prix Nobel de la paix, Elie Wiesel, qui m'a enseigné quelques-unes des leçons les plus fondamentales que je connaisse sur les droits de la personne, le silence devant le mal finit par être complice du mal lui-même. L'indifférence à l'égard des atrocités de masse, sans parler du génocide, signifie toujours que l'on se range du côté de l'agresseur et non du côté des victimes. Notre responsabilité de protéger, c'est la justice pour les victimes et la responsabilité pour les agresseurs.
J'aimerais qu'on discute du travail forcé.
Nous savons qu'un institut australien, l'Australian Strategic Policy Institute, a signalé que 27 usines, dont 9 dans des provinces chinoises, acceptent des transferts de main-d'oeuvre ouïghoure contrainte au travail forcé. Plus de 80 entreprises, dont Apple, Dell, Mercedes-Benz et Nike, profiteraient de chaînes d'approvisionnement comprenant du travail forcé. Selon vous, quelles mesures les entreprises peuvent-elles prendre pour l'empêcher? Deuxièmement, quelles mesures les gouvernements peuvent-ils prendre, notamment le gouvernement du Canada?
J'aimerais connaître l'opinion des témoins. N'hésitez pas, s'il vous plaît.
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Nous savons tous que l'intérêt supérieur des enfants est le grand souci de leurs parents, mais lorsque ces enfants leur sont retirés et sont placés dans des orphelinats d'État, ils sont essentiellement sous la tutelle de l'État.
Ce n'est pas le genre de gouvernement dont on puisse être sûr qu'il élèvera ces enfants dans les valeurs souhaitées par leurs parents. Ce qui arrive souvent, c'est que ces enfants, dès leur plus jeune âge, sont soumis à un endoctrinement politique qui les prive de leur langue et de leur culture, et ils n'ont plus aucun lien avec l'identité de leur peuple.
En fait, on essaie d'élever ces enfants dans un contexte complètement différent, très étranger à leur culture. Cela me brise vraiment le coeur, parce que c'est aussi, à mon avis, une façon très efficace de détruire la culture, de détruire la population, parce que ces enfants ne deviendront pas des Ouïghours. Ce genre de pratique fait tristement partie de l'histoire de beaucoup de pays, mais, en Chine, c'est en ce moment même que cela se passe.
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Merci beaucoup de cette question, madame McPherson.
Les deux derniers commentaires étaient très axés sur des préoccupations particulières. Il faut, bien sûr, prendre des mesures multilatérales énergiques. Il faut agir dans le cadre des Nations unies. Il faut examiner les mesures à prendre sous forme de sanctions, le rôle des entreprises, etc.
Par ailleurs, comme Mme Asat nous l'a rappelé avec force, cette crise concerne essentiellement la situation de personnes et de familles, et nous devons nous concentrer aussi sur ce qu'il est possible de faire à cet égard.
J'ai souligné deux situations ayant des liens très étroits avec le Canada et qui, je l'espère, donneront lieu à des réactions beaucoup plus vigoureuses au Canada. La première est celle de trois hommes, Ayub Mohammed, Salahidin Abdulahad et Khalil Mamut, qui ont déjà été détenus illégalement à Guantanamo Bay. Ils ont été libérés, puis exilés de force en Albanie et aux Bermudes et, depuis plus de cinq ans maintenant, leur demande de réunification avec leur femme et leurs enfants, qui sont citoyens canadiens, a été reportée et retardée. L'angoisse et l'injustice qui affligent ces personnes et ces familles sont franchement inadmissibles. Le Canada pourrait régler cette situation en quelques jours ou en quelques semaines, et je demande instamment que cela se fasse immédiatement.
Il y a aussi, bien sûr, le cas de Huseyin Celil, emprisonné injustement depuis 14 ans. Cela fait 14 ans que ses quatre fils grandissent sans lui, 14 ans de séparation d'avec sa femme Kamila et 14 ans que le gouvernement chinois refuse une simple visite consulaire. Et cela fait quatre ans maintenant que nous n'avons aucune nouvelle de lui.
Le Canada doit intensifier ses efforts. Le premier ministre Trudeau devrait insister pour que, à tout le moins, une visite de santé et de bien-être soit autorisée sans plus tarder, et nous devons envisager certaines stratégies novatrices, comme la nomination d'un envoyé spécial ayant d'excellentes relations et qui pourrait se consacrer à temps plein à ce cas pour mettre un terme à cette tragédie qui dure depuis 14 ans.
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Comme le gouvernement du Canada a fait sienne la priorité de protéger un ordre international démocratique fondé sur le droit, nous avons la responsabilité de demander des comptes à ceux qui s'attaquent massivement à cet ordre international.
Je le répète, l'imposition récente d'une loi draconienne sur la sécurité nationale est, à mon avis, un événement marquant, un franchissement de la ligne rouge, une attaque frontale et ouverte contre la primauté du droit, en violation d'un traité international que nous avons la responsabilité de faire respecter. Le Royaume-Uni a signé un traité qui a été manifestement violé, sans parler de la criminalisation des libertés fondamentales et de la violation de la Loi fondamentale de Hong Kong, etc.
Cela m'amène aux Ouïghours. Nous sommes témoins, et nous le sommes depuis un certain temps dans la Chine de Xi Jinping — j'utilise cette formulation pour en distinguer le peuple chinois, qui est par ailleurs victime d'une oppression de masse —, d'une culture de criminalité et de corruption orchestrée par l'État, et, non moins importante, d'une impunité qui sera confortée et nourrie si la communauté des démocraties ne prend pas des mesures concertées.
C'est pourquoi je suis heureux que nous ayons créé une Alliance interparlementaire sur la Chine pour réunir des parlementaires de la communauté des démocraties. Un pays démocratique, qu'il s'agisse de l'Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande ou d'autres pays, peut être menacé individuellement, mais, si nous unissons nos efforts dans une alliance concertée de parlementaires, une alliance intergouvernementale concertée, que j'appellerais le « D10 » — soit le G7 plus l'Australie, l'Inde, la Corée du Sud, et j'y ajouterais d'autres pays — pour que les sanctions Magnitski soient imposées de façon concertée, nous pouvons obtenir justice et reddition de comptes grâce à l'action pangouvernementale de démocraties agissant de concert.
Le temps est venu de mettre Xi Jinping et les dirigeants du gouvernement chinois au banc des accusés. Le temps est venu pour nous de laisser de côté le dossier particulier de Xi Jinping et de devenir des plaignants, des défenseurs, des demandeurs qui protègent l'ordre international fondé sur le droit, qui tiennent les dirigeants chinois responsables au nom du peuple chinois et qui prennent les mesures nécessaires.
M. Neve a parlé de personnes que nous pouvons aider en ce moment, qu'il s'agisse de Huseyin Celil ou des trois Ouïghours qui ont été séparés, ou encore d'Ekpar Asat, le frère de Mme Asat. Nous devons agir en considérant ces personnes comme un miroir des crimes contre l'humanité qui continuent d'être commis. Si nous n'agissons pas, ils seront finalement commis à cause de notre silence ou notre indifférence.
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Bon retour à tous. Voici notre troisième groupe de témoins.
Merci beaucoup de votre patience, docteure Turpie. La technologie est une route cahoteuse. Nous le savons tous, et nous en faisons l'expérience la plupart du temps, surtout en cette période de COVID-19.
Je voudrais commencer sur cette note. Si nous avons des problèmes techniques — par exemple du côté de l'interprétation — ou s'il y a un problème de son, veuillez m'en informer aussitôt. L'équipe technique vous aidera à trouver des solutions.
Nous en sommes à la quatrième séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes. Aujourd'hui, les trois témoins comparaîtront par vidéoconférence. Cette vidéoconférence sera disponible sur le site Web de la Chambre des communes.
Je vais présenter nos trois prochains témoins, qui s'exprimeront dans le même ordre.
Nous accueillons d'abord Mehmet Tohti, directeur général du Uyghur Rights Advocacy Project. Nous accueillons également la Dre Irene Turpie, représentant Canadians in Support of Refugees in Dire Need. Le pharmacien Hasimu Ailixiati comparaît, lui, à titre personnel. J'espère avoir bien prononcé votre nom. Sinon, j'espère que vous nous le ferez savoir — oh, désolé, notre pharmacien ne sera pas présent. Il n'est pas en mesure d'être parmi nous aujourd'hui.
Monsieur Tohti, vous avez six minutes pour faire votre exposé préliminaire.
Ils stérilisent 80 % des femmes ouïghoures, détiennent 80 % des hommes ouïghours dans des camps de concentration, des prisons ou des usines de la Chine continentale, et séparent les enfants ouïghours de leur famille. Les Ouïghours seront éteints en l'espace d'une génération seulement.
Arkin Kurban, un homme de Montréal, a vu disparaître 76 membres de sa famille immédiate et élargie. Abdukerim Seyit, un réfugié ouïghour de Toronto, a vu plus de 30 membres de sa famille enfermés dans des camps, dont sa fille de 25 ans. Quatre de ses proches ont été tués dans les camps. Nuriam Abla est une Canadienne d'origine ouïghoure vivant en Ontario; sa sœur aînée, Malikim Abla, âgée de 63 ans, a été tuée dans un camp de concentration où cinq membres de sa famille immédiate se trouvent aussi. Ma mère, qui a 78 ans, et 38 membres de ma famille ont disparu il y a quatre ans. Aujourd'hui, j'ai reçu un message glaçant d'un agent chinois inconnu me disant en des termes très grossiers que ma mère était morte. La liste est longue.
Je vous demande de visualiser 13 tonnes de cheveux humains. Il faut les cheveux de plus de 300 000 femmes ouïghoures pour arriver à 13 tonnes. Dans le musée commémoratif d'Auschwitz, on peut voir des tas de cheveux prélevés sur des victimes juives après leur assassinat dans des chambres à gaz. L'État chinois vient d'instaurer le commerce des cheveux, ainsi que de tous les organes des victimes ouïghoures.
Je n'entrerai pas dans les détails. J'aimerais plutôt vous soumettre mes propositions.
Le silence qui entoure le génocide ouïghour constitue une approbation tacite de ce génocide. Les Nations unies et les représentants de gouvernements du monde entier sont au fait de la situation. Le temps des préoccupations raisonnées, soulevées en privé auprès des représentants chinois dans le contexte des droits de la personne sans que cela ait de répercussions commerciales, est dépassé. L'ampleur et la profondeur du mal commis par le Parti communiste chinois devraient choquer la conscience du monde civilisé, même si ce que nous en savons jusqu'à maintenant n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan.
Je tiens à vous rappeler que le prix payé par les Ouïghours est le plus élevé parce qu'ils sont perçus par la Chine comme un obstacle à son plan d'expansion par l'entremise de l'initiative de la route de la soie.
Voici quelques propositions auxquelles j'aimerais que notre gouvernement donne suite à tout le moins.
Le Comité doit reconnaître les atrocités commises contre les Ouïghours comme un génocide et amener le monde à prendre conscience qu'il faut y mettre fin. Le Comité doit présenter à notre gouvernement une proposition ferme et réalisable sur le génocide des Ouïghours. Il faut faire savoir à Xi Jinping et à Pékin que notre gouvernement subit des pressions de la part du public et des parlementaires canadiens et que nous sommes unis dans cette cause. Une proposition ferme et réalisable est nécessaire pour renforcer la position de notre gouvernement, afin de protéger nos intérêts nationaux avec la Chine.
Il faut imposer les sanctions prévues dans la loi Magnitski, comme d'autres l'ont déjà mentionné. Nous portons gravement atteinte à notre propre crédibilité en appliquant cette loi aux ressortissants de certains pays, mais en la mettant de côté lorsqu'il s'agit de la Chine.
Il faut interdire tous les produits en provenance de Chine qui sont associés au travail forcé des Ouïghours, comme les États-Unis l'ont proposé et l'ont fait. Il devrait incomber aux entreprises de prouver que leurs produits et leurs chaînes d'approvisionnement n'ont pas de liens avec le travail forcé.
Il faut exiger et adopter un projet de loi sur la transplantation d'organes pour interdire tout organe humain en provenance de Chine, comme l'ont fait Israël, l'Espagne, et récemment, la Belgique.
Il faut exhorter notre ministère de l'Immigration à accepter les quelque 2 380 familles de réfugiés et enfants apatrides ouïghours qui sont emprisonnés en Turquie ou sont vulnérables dans d'autres pays parce qu'ils risquent d'être renvoyés en Chine à tout moment.
Il faut rappeler à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié d'accepter sans plus tarder les demandes d'asile des Ouïghours dont l'identité ouïghoure est prouvée qui sont présentées ici, au Canada. Il n'est pas nécessaire d'obliger ces réfugiés ouïghours à raconter leur horrible histoire en larmes devant des arbitres. J'ai assisté à un certain nombre d'audiences de ce genre à la CISR, et c'est douloureux. C'est pour cette raison que la Suède a décidé d'accepter collectivement tous les Ouïghours comme réfugiés. Il s'agit de la bonne chose à faire, parce que la Chine cible tous les Ouïghours, et tous les Ouïghours sans distinction courent des risques.
La Commission de l'immigration et du statut de réfugié continue de demander aux réfugiés ouïghours de présenter tous les documents officiels de la Chine, documents que la Chine refuse de fournir, pour traiter leurs demandes de parrainage familial. Pour cette seule raison, des familles de réfugiés ouïghours sont détruites et séparées, sans possibilité de réunification. Pouvons-nous adapter certaines exigences techniques comme celle-ci à la situation réelle sur le terrain et faire en sorte qu'il soit plus facile pour les réfugiés ouïghours d'assurer la réunification de leur famille sans être doublement sanctionnés?
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Merci à vous, monsieur le président, et tous les membres du Comité. Je suis reconnaissante de pouvoir m'adresser à vous. C'est un privilège de me joindre à vous et de pouvoir parler au nom de Canadians in Support of Refugees in Dire Need, un groupe multidisciplinaire et multiconfessionnel.
Je ne vais pas m'excuser de répéter des choses que vous avez déjà entendues aujourd'hui, car je pense qu'il vaut la peine de le faire.
Depuis un certain temps, notre groupe en particulier, comme d'autres groupes, est très préoccupé par la situation des droits de la personne en Chine. Depuis au moins six ans, des rapports crédibles et répétés font état d'une répression systématique et généralisée du peuple ouïghour dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, dans le Nord-Ouest de la Chine.
Les Ouïghours musulmans ont été soumis à des campagnes impitoyables de répression, de contrôle de la population, de détention de masse, de travail forcé et de surveillance grâce à la technologie de pointe. Ils ont été persécutés pour avoir pratiqué leur religion, un droit humain fondamental. Leurs enfants leur ont été enlevés et placés dans des orphelinats, ce qui devrait être un signal d'alarme pour nous, Canadiens.
Un million de représentants du Parti communiste chinois se sont fait héberger de force dans des foyers ouïghours. La plupart des mosquées ont été détruites et fermées. La langue ouïghoure a été interdite dans les écoles — un autre élément qui devrait nous interpeller — et entre un million et trois millions de personnes ont été détenues dans des camps de concentration — ou des centres de rééducation, comme on les appelle — où elles sont maltraitées physiquement, soumises à des sévices psychologiques et forcées d'apprendre le mandarin.
La police chinoise déploie certaines des technologies de surveillance les plus perfectionnées au monde pour contrôler et restreindre tous les aspects de la vie des Ouïghours. Les foules sont surveillées au moyen de caméras de reconnaissance faciale; toutes les communications sont interceptées et inspectées au moyen de programmes d'intelligence artificielle; et les personnes sont fichées, comptabilisées et suivies au moyen de bases de données génétiques, d'empreintes digitales et d'empreintes vocales.
Cependant, ce sont deux éléments particulièrement cruels et cruciaux de cette répression qui préoccupent particulièrement notre organisme.
Premièrement, nous sommes préoccupés par les nombreux rapports faisant état de pratiques de contraception, de stérilisation, de ligature des trompes et d'avortement forcés, qui modifient radicalement la démographie du Xinjiang. Au cours des trois dernières semaines, il y a eu deux rapports complémentaires — de M. Adrian Zenz, que vous avez entendu à ce sujet ce matin, et de l'Associated Press —qui documentent ces activités. Le secrétaire britannique aux Affaires étrangères en a parlé au Parlement ce week-end, comme vous le savez probablement tous.
Ces politiques ont entraîné une baisse énorme du taux de natalité des Ouïghours en trois ans.
Deuxièmement, il y a la pratique prédatrice du trafic d'organes qui, depuis des années, fait en sorte que la Chine prélève des organes humains sur des prisonniers pour financer un programme lucratif de transplantation d'organes. Au cours de la dernière année, notre organisme a mené une campagne concernant l'information de plus en plus répandue selon laquelle la Chine utilise des prisonniers d'opinion ouïghours pour leurs organes, afin d'appuyer le commerce florissant des greffes d'organes, et la crainte croissante que cela suscite. Nous avons envoyé une lettre aux Nations unies, signée par plus de 1 000 médecins d'Amérique du Nord.
Comme nous le savons tous, les organes à transplanter sont souvent difficiles à trouver au Canada, mais ils sont facilement disponibles en Chine et font l'objet de publicité à l'échelle internationale, des correspondances parfaites fondées sur l'analyse génétique étant disponibles dans les trois semaines suivant une demande. Pourtant, il est difficile de retracer la source de ces organes, et les résultats sont délibérément trompeurs. Il y a des preuves très convaincantes que les chiffres sont falsifiés.
L'an dernier, comme vous l'avez déjà entendu, le tribunal chinois indépendant, qui est basé à Londres et est dirigé par sir Geoffrey Nice, qui a déjà dirigé les poursuites pour crimes contre l'humanité de Slobodan Milosevic, a conclu à l'unanimité que la Chine continue de compter énormément sur le prélèvement forcé d'organes de prisonniers d'opinion pour alimenter une entreprise de transplantation d'organes dont le chiffre d'affaires est d'un milliard de dollars par année.
Nous exhortons les parlementaires canadiens à condamner sans équivoque ces crimes contre l'humanité et à prendre des mesures pour éliminer toute participation possible du Canada au prélèvement d'organes par les Chinois. Nous vous demandons d'adopter immédiatement le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (trafic d'organes humains). Comme vous le savez, malgré l'appui unanime des deux chambres, ce projet de loi est mort au Feuilleton à la fin de la dernière législature. Le projet de loi, sans préciser directement la Chine, interdirait essentiellement aux Canadiens de se rendre à l'étranger pour acheter ou recevoir des organes à des fins de transplantation contre le gré du donneur. Il viendrait modifier nos lois sur l'immigration, afin que ne puissent être admis au Canada les résidents permanents ou les étrangers qui ont participé à des prélèvements d'organes non autorisés.
Vous avez le pouvoir d'accélérer l'adoption du projet de loi et de porter un coup immédiat et concret au traitement génocidaire des Ouïghours par la Chine.
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Merci beaucoup, docteure Turpie et monsieur Tohti.
J'aimerais poursuivre dans la même veine. Tout d'abord, sachez que nous sympathisons avec vous au sujet de votre mère, mais aussi avec tous ces gens qui éprouvent tant de peur et de souffrances. L'intimidation et le harcèlement... Vous avez même dit que des membres des familles servent d'otages. Permettez-moi de dire que nous admirons vraiment le courage dont vous faites preuve en vous exprimant ainsi.
Je sais que beaucoup de gens seraient effrayés et le sont dans les faits. Une chose que j'ai remarquée lorsque j'en ai parlé précédemment à certains étudiants canadiens, c'est qu'ils ne connaissent pas les Ouïghours. S'il savait que les produits qu'il consomme sont le résultat du travail forcé, je pense que le public canadien prendrait certainement des mesures à cet égard. Mais la sensibilisation est moins grande que, par exemple, pour les Rohingyas et d'autres groupes. Cela vient-il en partie du harcèlement des journalistes, des organisations de la société civile et des militants ouïghours? Si c'est le cas, qu'est-ce que le Canada...?
On nous a dit ce matin que nous pourrions aider les organisations de la société civile d'autres pays à dénoncer la situation. Que pouvons-nous faire pour protéger et habiliter des gens comme vous, qui font preuve d'autant de courage en étant prêts à s'exprimer même si cela met leur famille en danger?
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Comme d'autres intervenants l'ont mentionné, le Canada devrait simplement examiner la politique globale de la Chine. Il devrait avoir un mécanisme pour protéger les dissidents comme moi et d'autres parce que nous dénonçons les atrocités commises par l'un des régimes autoritaires les plus puissants. Ce n'est pas facile, comme vous l'avez dit. Il faut tout sacrifier pour ne révéler qu'un mot de la vérité, une phrase de la vérité. C'est ce que nous avons fait, tous les Ouïghours et les Tibétains en exil.
Des mesures de protection sont nécessaires. Si vous examinez la Uighur Human Rights Policy Act adoptée par les États-Unis, vous constaterez qu'elle comprend une disposition visant à protéger les citoyens américains d'origine ouïghoure et les membres de leur famille, mais nous n'avons pas ce genre de protection.
De nombreux politiciens et d'autres personnes pensent souvent que la Chine est un pays normal. La Chine n'est pas un pays normal. Lorsque nous traitons avec d'autres pays dans le monde, nous avons une approche fondée sur des règles, la liberté et la démocratie, des valeurs universelles, et nous pouvons revendiquer ces valeurs, mais la Chine est un régime totalement différent. La tromperie, la tricherie et l'affaiblissement de la démocratie occidentale sont les principales missions du Parti communiste chinois. Il est donc très risqué de s'opposer à ce régime.
À cet égard, le Canada devrait au moins adopter une disposition législative, non seulement pour protéger les Ouïghours, mais aussi les Tibétains, le mouvement préconisant la démocratie en Chine et d'autres. Il s'agit d'un segment important de la communauté canadienne.
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Ce sont 2 380 familles, des familles dans le besoin. Oui, il y en a peut-être 30 000 ou 40 000. Il n'y a pas de statistiques précises à ce sujet; je ne connais pas le chiffre exact. En novembre 2017, notre organisation a envoyé deux Canadiens en Turquie simplement pour interviewer des gens et parler avec eux de leurs problèmes. La plupart des enfants nés en Turquie sont apatrides parce que le gouvernement chinois ne leur a pas donné de papiers d'identité. Le gouvernement turc ne leur a donné qu'un certificat de naissance. Il ne leur a pas fourni de pièces d'identité. Ils sont donc apatrides; ils sont nés apatrides.
Dans le cas des familles ouïghoures, ces 2 380 familles vulnérables, les maris sont dans des camps de concentration ou ont disparu. Les femmes, des mères seules, se retrouvent sans soutien. Le bureau du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a fermé ses portes. Il n'y a pas d'endroit où demander de la protection. Il y a un bureau d'immigration en Turquie, qui relève du ministère de l'Intérieur. Cela est différent de l'autorité impartiale que nous avons au Canada, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il faut donc qu'ils présentent une demande au bureau d'immigration turc. C'est aux partis politiques qu'il revient d'évaluer le lien entre la Chine et leurs propres intérêts. S'il y a une entente de prêt ou un intérêt financier quelconque, ils peuvent facilement refuser une demande. Lorsqu'une demande est refusée, le demandeur est expulsé. C'est pour cette raison que les Ouïghours ne peuvent pas présenter de demande d'immigration à la Turquie, et il n'y a pas de bureau du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Si vous vous souvenez, en 2018, j'avais soulevé cette question devant le Comité.
Au moins, le père du a fait venir près de 3 000 Tibétains dans les années 1970. Ces Tibétains sont devenus de très bons Canadiens. Dans ces circonstances, pourquoi ne pouvons-nous pas aider ces Ouïghours vulnérables? Au total, il y a entre 1 500 et 2 000 Canadiens ouïghours, si l'on inclut les enfants.
Le gouvernement chinois a interdit notre langue, notre histoire, tout. Cette population n'est pas suffisante pour conserver notre culture. Il est question de milliers d'années de culture. Les pays occidentaux sont devenus le seul endroit où nous pouvons préserver notre culture, enseigner notre langue et transmettre notre culture à la prochaine génération, sinon la Chine les effacera complètement. Le Canada devrait donc aider à faire venir ces 2 300 familles ouïghoures.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais d'abord vous remercier, monsieur Tohti et madame Turpie.
Vous faites un travail essentiel. Il faut informer la société civile des situations inacceptables vécues par les Ouïghours. C'est le nerf de la guerre. Si l'on veut arriver à changer cette situation, il faut informer de manière constante la société civile. Je trouve qu'on n'entend pas suffisamment parler de ce qui se passe. En particulier, vous avez parlé de stérilisation et de prélèvement d'organe. Dans l'ignominie, il y a quelque chose de vraiment frappant.
Monsieur Tohti, j'ai aussi beaucoup été touché par votre histoire. Vous avez dit être la cible de menaces. Tout à l'heure, vous avez parlé de cette diplomatie de prise d'otages qui s'est installée au cours des dix dernières années.
J'aimerais savoir si cet état de fait est un peu documenté. Selon vous, qu'est-ce qui pourrait être fait par le gouvernement canadien pour aider à améliorer cette situation, à tout le moins, ou pour vous offrir un soutien?
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Je dois insister sur le fait que la dernière fois que je me suis rendu à Ottawa, c'était ma 117
e visite en 20 ans. J'ai parlé à des fonctionnaires d'Affaires mondiales et à tous les hauts fonctionnaires. Le 17 janvier, par exemple, j'ai remis à la division des sanctions d'Affaires mondiales la liste des responsables chinois à sanctionner. Le 9 mars, j'ai passé près d'une heure et demie avec le lors d'un déjeuner sur les relations Chine-Canada et d'une réunion d'évaluation de celles-ci. J'ai fait état de toutes sortes d'histoires horribles. Le 11 décembre 2018, j'ai discuté brièvement avec . Je parle souvent à . Il est dans ma circonscription, dans mon quartier, et lorsque je lui ai écrit, il m'a dit qu'il avait transmis mon message au .
Il n'y a aucune excuse pour que les politiciens du Canada ne soient pas au courant de cela. Ils sont au fait de tout cela. J'en suis la preuve. Je leur ai personnellement parlé et j'ai soulevé cette question. Mais même si vous leur parlez mille fois, s'ils ne veulent pas écouter ou s'ils ne veulent pas agir...
Je suis un simple Canadien. Je n'ai qu'un vote. Je suis aussi un contribuable. Prenez par exemple les 180 millions de dollars pour la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, la banque qui finance le rêve impérialiste d'expansion du gouvernement chinois. Pourquoi mes impôts devraient-ils financer l'expansionnisme chinois et la souffrance des Ouïghours aujourd'hui, simplement à cause de l'initiative chinoise de la route de la soie? L'argent de mes impôts appuie la persécution de mon propre peuple par les Chinois.
Comme je l'ai mentionné, j'ai soulevé cette question plus souvent que quiconque au Canada, dans mes temps libres et à mes propres frais. Pour une réunion d'une demi-heure à Ottawa, j'ai dû faire 10 heures de voyage. Honnêtement, je ne sais pas ce que nous pouvons faire d'autre. Nous avons témoigné devant le Parlement. C'est mon quatrième témoignage au cours de la présente législature. Nous avons soulevé cette question. Il existe des preuves de cela.
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Personnellement, je préfère suivre la procédure et la loi. C'est très clair.
J'ai soulevé la question des Ouïghours parce que c'est une situation très particulière. Les réfugiés ouïghours présentent des demandes d'asile au Canada, et ils laissent derrière eux leurs parents, leurs conjoints et leurs enfants dans des pays instables. Ces conjoints risquent d'être renvoyés en Chine à tout moment. C'est pourquoi non seulement la réunification des familles est-elle une meilleure option pour eux, mais en même temps, il est important d'assurer leur sécurité. À l'heure actuelle, à cause de la COVID-19, tout est reporté et les délais sont longs. C'est un aspect sur lequel je veux insister.
Deuxièmement, j'ai participé à un certain nombre d'audiences. Cela fend le cœur. Les gens pleurent et souffrent, se rappelant les atrocités que les membres de leur famille et eux-mêmes ont vécues. Pourquoi obligeons-nous ces gens à revivre cette douleur et ces horreurs devant un interprète et un arbitre? Le monde entier sait ce qui se passe. Le monde entier sait que le gouvernement chinois cible tous les Ouïghours sans discrimination.
La Suède a déclaré qu'elle accepterait tous les Ouïghours comme réfugiés tant qu'ils peuvent prouver leur identité comme Ouïghours. Pourquoi ne pas suivre l'exemple de la Suède et apporter un peu de réconfort à ces gens?
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Tohti et docteure Turpie, de votre témoignage aujourd'hui.
Monsieur Tohti, je veux simplement dire que l'an dernier, j'étais au MuslimFest à Mississauga. Je tiens à vous remercier, vous et la communauté ouïghoure du Canada, d'avoir mis en valeur la beauté de votre culture et de vos traditions. Je comprends vos frustrations, mais il ne fait aucun doute que vous avez un impact. Vous élevez la voix et vous préservez cette culture. Je vous en remercie.
Je vais m'adresser à la Dre Turpie très rapidement.
Docteure Turpie, en décembre 2019, des représentants du gouvernement chinois de la province du Xinjiang ont déclaré que des gens avaient été libérés ou avaient obtenu leur diplôme de ces camps de rééducation. J'espère que vous pourrez nous éclairer davantage à ce sujet.
Nous avons aussi entendu parler des Chinois han qui s'établissent au Xinjiang. Nous avons également entendu dire que les communautés ouïghoures sont expulsées de cette province. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce mouvement de personnes et nous dire si, au bout du compte, on permet aux gens de quitter ces centres de rééducation? Merci.
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Je vous remercie de la question. Tout d'abord, je suis reconnaissant de votre appui.
Comme je l'ai dit, nous n'avons pas une grande population; à l'échelle du pays, il y a 1 500 Ouïghours, et je ne parle pas de familles. Ce sont tous de nouveaux immigrants. Ils ont des problèmes de langue. Ils arrivent à peine à joindre les deux bouts et travaillent pour subvenir aux besoins de leur famille. Nous n'avons pas beaucoup d'activistes. Peu importe où nous nous trouvons, nous ne pouvons pas simplement faire du travail de défense des droits et donner des explications dans le cadre de rassemblements publics avec des conférenciers. C'est un problème. Je dois me déplacer d'un endroit à l'autre. C'est un élément.
Cela fait partie de notre communauté. Nous ne pouvons pas être présents à chaque événement dans chaque collectivité. Nous faisons de notre mieux pour passer le mot au Canada, pour éduquer nos amis canadiens, les citoyens de tout le pays, et pour travailler avec différents groupes confessionnels.
Je suis allé dans la circonscription que vous représentez à plusieurs reprises. Il y a une mosquée. L'Institut islamique de Toronto, je crois, se trouve également dans votre circonscription. J'y suis allé pour une conférence. J'ai parlé avec les principaux intervenants.
Nous travaillons constamment, mais en même temps, il est vraiment difficile de se débarrasser des idées préconçues des gens sur la Chine ou le gouvernement chinois.
Je pense qu'un certain nombre de nos parlementaires ont sur leur site Web personnel une fenêtre concernant les Ouïghours, ou une mise à jour instantanée sur la situation des Ouïghours, qu'ils affichent sur leur propre site Web parlementaire ou personnel. C'est là une façon. L'honorable David Kilgour a une fenêtre concernant les Ouïghours sur son site Web, et chaque jour, il la met à jour et diffuse des nouvelles. Vous pourriez peut-être faire cela.
Deuxièmement, au cours d'une assemblée publique avec vos électeurs dans votre circonscription, vous pouvez en parler. Il s'agit de notre avenir. J'essaie d'insister là-dessus. J'ai un fils, qui n'a que deux semaines. Mon fils va grandir ici, au Canada. Il va vivre dans ce monde. Si la Chine dirige les destinées du monde grâce à ce plan ambitieux, dans quel monde vivront nos générations futures? Il ne s'agit pas uniquement de la situation ou de la tragédie des Ouïghours. Il s'agit de nous tous.
Nous aimerions offrir un monde pacifique à la génération qui nous suit. Nous jouissons de la primauté du droit, de la liberté et des valeurs démocratiques fondamentales, et nous devons les préserver. La Chine remet en question nos valeurs. Il faut examiner la question d'un point de vue plus large et éduquer les électeurs de vos circonscriptions et les gens qui vous entourent. Parlez-en autour de vous. C'est peut-être la meilleure façon de commencer.
Vous savez quoi? Gandhi a dit que chaque voyage commence par un petit pas. Je pense que nous vous avons donné beaucoup d'idées aujourd'hui sur ce que vous pouvez faire. J'espère que vous examinerez le projet de loi .
D'autres pays, je crois que la Suède en est un, et le Royaume-Uni aussi... Je pense que même les États-Unis ont pris des sanctions et mis en œuvre des mesures. Il n'y a aucune raison pour que le Canada ne fasse pas de même.
Ce serait merveilleux si le Canada avait le courage d'appeler cela un génocide, ce qu'il n'a pas fait pour les Rohingyas. On a laissé à un petit pays africain le soin de le faire. Je pense que nous pourrions défendre cette position.
En particulier, il faut faire quelque chose au sujet du prélèvement forcé d'organes. Je suis médecin. J'ai prêté serment de ne jamais faire de mal. Je ne causerais jamais de tort à des patients. Si je garde le silence là-dessus, si nous gardons le silence là-dessus, nous causons du tort. S'il vous plaît, faisons quelque chose au sujet du prélèvement forcé d'organes.
Nous avons tous appris que la technologie n'est jamais facile. Comme nous l'avons dit, il s'agit souvent d'un chemin très cahoteux. Nous essayons de joindre l'un de nos témoins en ligne, mais nous avons de la difficulté à le faire.
Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui peuvent nous entendre et nous voir. Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes. Les témoins d'aujourd'hui comparaissent par vidéoconférence. Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
Si des problèmes techniques surgissent, et je ne dis pas cela à la légère, en ce qui concerne l'interprétation, par exemple, ou s'il y a un problème avec votre Audio Arise, veuillez en informer immédiatement le président. L'équipe technique travaillera à les résoudre.
Gani Stambekov assurera l'interprétation consécutive en kazakh par Zoom. La traduction est consécutive en raison de la disponibilité des interprètes et des considérations technologiques. Il doit y avoir six cabines pour l'interprétation consécutive d'une troisième langue, et en raison de la distanciation physique, on ne peut en avoir que quatre. Lorsque vous posez des questions, veuillez faire une pause pour permettre l'interprétation. Nous essayons de limiter le temps de parole à environ deux minutes avant que l'interprétation consécutive ne commence avec M. Stambekov sur Zoom. Je vous remercie.
Notre quatrième groupe de témoins se réunira jusqu'à 17 h 45 aujourd'hui. Je crois comprendre que tous les membres sont d'accord pour que nous poursuivions à huis clos pendant les 15 dernières minutes.
Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins dans l'ordre dans lequel ils feront leur déclaration préliminaire. Nous accueillons M. Chris MacLeod, avocat et partenaire fondateur, Cambridge LLP.
Bienvenue, monsieur MacLeod.
Nous recevons Mme Kamila Talendibaevai, militante des droits ouïghours. Nous tentons de faire en sorte qu'elle puisse participer en ligne.
Nous accueillons, à titre personnel, Mme Jewher Ilham, auteure et militante pour les droits humains.
Nous recevons également, à titre personnel, Mme Sayragul Sauytbay, activiste de la minorité du Turkestan oriental et récipiendaire du prix International Women of Courage 2020.
Je m'excuse si j'ai mal prononcé vos noms. Vous pourrez nous donner la prononciation exacte lorsque vous interviendrez.
Nous allons commencer par M. MacLeod. Si Mme Talendibaevai peut se joindre à nous, ils partageront leur temps de parole.
Vous avez six minutes, monsieur MacLeod.
Je suis le conseiller juridique de Huseyin Celil et de sa famille depuis sa détention en 2006.
D'abord, je vous remercie de vous intéresser à cet important dossier. Je sais que le temps presse et je vais parler vite pour couvrir le plus de terrain possible, avant de céder la parole à Kamila Talendibaevai, l'épouse de M. Celil.
Je commence. Il est utile de situer un peu le contexte de l'affaire Huseyin Celil. Je sais que certains députés n'étaient pas à la Chambre en 2006. Je sais que le député David y était et qu'il est intervenu activement dans cette affaire.
Huseyin Celil est originaire du Nord-Ouest de la Chine. Il est un Ouïghour musulman de la communauté ouïghoure. En Chine, il se prononce en faveur du droit de parler sa langue et de vivre sa foi. Pour cela, il risque la persécution et la détention en Chine. À la fin des années 1990, il part parcourir l'Asie, jusqu'en Turquie. À Istanbul, il réclame et obtient le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Cette fois, Mme Talendibaevai et lui et leurs trois garçons finissent par immigrer au Canada en tant que réfugiés du Haut Commissariat des Nations unies en 2001, deviennent résidents permanents et, à la fin, citoyens canadiens.
En 2006, M. Celil, Mme Talendibaevai et leurs trois fils, désormais citoyens canadiens, décident de se rendre en Ouzbékistan avec des passeports canadiens et des permis de voyage temporaires obtenus de l'Ouzbékistan pour visiter la famille de Mme Talendibaevai. Là-bas, un des garçons tombe malade. M. Celil décide, conformément à la réglementation applicable, de renouveler ce visa de voyage. Aux services compétents en Ouzbékistan, où il s'adresse pour le renouveler avec son passeport canadien, un drapeau rouge est levé parce que l'Ouzbékistan et la Chine ont un traité, ce que M. Celil ignore à l'époque. Ils font partie du Shanghai Besh, sept pays qui se partagent de l'information sur les dissidents politiques.
Le 27 mars, M. Celil est détenu en Ouzbékistan. Il passe environ 90 jours en Ouzbékistan, et les Canadiens et les gens du terrain cherchent quoi faire. La communauté ouïghoure du Canada a clamé haut et fort, tout comme nous le crions au gouvernement canadien, que c'est le temps de sortir M. Celil. C'est la Chine qui veut l'avoir. Finalement, en juillet 2006 ou à peu près, l'Ouzbékistan transfère M. Celil en Chine. Il est traduit en justice. Il est condamné à mort et, au bout du compte, grâce aux interventions du ministre des Affaires étrangères de l'époque, Peter MacKay, sa peine de mort est commuée en emprisonnement à perpétuité.
Le gouvernement canadien n'a jamais eu d'accès consulaire à Huseyin Celil. Mme Talendibaevai et la famille avaient des nouvelles par la famille de M. Celil dans le Nord-Ouest de la Chine jusqu'en 2016, puis plus rien. Nous n'avons pas la moindre nouvelle des proches de M. Celil là-bas. Nous n'avons jamais eu de communication directe avec lui. Il s'agit vraiment d'une tragédie canadienne de longue date où nous avons un citoyen canadien détenu en Chine, qui n'est pas entré en Chine avec un passeport canadien ni même avec un autre passeport. Il est allé dans l'Ouzbékistan voisin en tant que citoyen canadien visiter la parenté de son épouse. Rendu là, et c'est ici que nous avons un cas d'extradition, M. Celil a finalement été transporté en Chine par les Ouzbeks, ou les Chinois sont venus le cueillir en Ouzbékistan pour l'amener chez eux.
Le procès a eu lieu. À l'époque, le premier ministre Harper a ordonné au personnel de l'ambassade à Pékin d'aller tous les jours attendre au tribunal pour voir quand il y aurait un procès et essayer d'y avoir accès. En fin de compte, ils n'ont jamais été autorisés à assister au procès. Un appel a été interjeté.
Telle est la longue saga inutile de l'affaire Huseyin Celil.
Nous avons toujours demandé deux choses, et je vais les demander encore une fois. La première est que le nomme un envoyé spécial chargé expressément de réclamer la libération et le retour de Huseyin Celil. Nous voulons un envoyé spécial, plutôt qu'un employé de l'ambassade ou l'ambassadeur, qui aura pour seule tâche de demander la libération et le retour de M. Celil, de voir ce qu'il faut faire pour cela. Cela fait 14 longues années.
Quant à Mme Talendibaevai, j'ignore si elle est dans la salle en ce moment, mais nous allons maintenant entrer dans le détail des défis qu'elle a dû surmonter avec ses quatre jeunes enfants. Les quatre garçons, les enfants de M. Celil et de Mme Talendibaevai, n'ont pas vu leur père depuis 14 ans. L'un d'eux, Zubeyir, est né après la détention de son père. C'est une tragédie canadienne. Il languit depuis longtemps. Au début des mesures de répression contre la communauté ouïghoure dans le Nord-Ouest de la Chine, nous n'avions déjà pas d'accès consulaire. Depuis 2016, nous sommes absolument sans nouvelles sur son état de santé et sa situation.
Premièrement, le devrait nommer un envoyé spécial pour réclamer la libération et le retour de Huseyin Celil. Deuxièmement, il faudrait la collaboration de tous les partis à cet égard. Je me rappelle que, du temps que les conservateurs étaient au pouvoir, le ministre MacKay a commué la peine de mort en emprisonnement à vie. Le député Sweet et le député Kenney étaient deux conservateurs actifs à l'époque. La députée a aussi été active, mais il n'y a pas eu d'action non partisane où tous les députés à la Chambre, à l'unanimité, ont tiré dans le même sens.
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Merci, monsieur le président, de m'accueillir aujourd'hui.
Je m'appelle Jewher Ilham. Je m'adresse à vous aujourd'hui non pas en tant qu'universitaire ou spécialiste de la politique et des politiques chinoises, mais en tant que fille d'un homme qui a été et qui est toujours victime de violations des droits de la personne ciblant les Ouïghours en Chine.
Mon père est Ilham Tohti, le lauréat du prix Sakharov 2019. Il a aussi reçu de nombreux autres prix. Il a été mis en nomination trois fois pour le prix Nobel de la paix. Je ne l'ai pas vu depuis le 2 février 2013, le jour où je l'ai laissé dans une minuscule salle blanche de l'aéroport de Pékin pour prendre un avion à destination des États-Unis. Nous étions en route vers l'Université de l'Indiana, où mon père allait travailler comme chercheur invité. J'avais 18 ans.
Au début, j'ai refusé de partir sans lui. Je ne pensais pas que c'était une bonne idée de laisser mon père seul à l'aéroport. J'ignorais ce qui allait lui arriver. Allait-on l'interroger? Le torturer? Le reverrais-je jamais? Un million de questions me traversaient l'esprit. Il a insisté pour que je monte dans l'avion. Je partais pour les États-Unis, où je ne connaissais personne, où je n'avais rien, et dont je ne parlais même pas la langue. L'idée de devoir commencer une nouvelle vie à partir de zéro en terre inconnue me terrifiait. Mais ce n'est pas pour parler de moi que je suis là aujourd'hui; c'est pour parler de mon père et du peuple ouïghour.
Mon père est né en 1969 dans la petite ville d'Artush de la région ouïghoure, d'où sont originaires certains des meilleurs gens d'affaires de la région. C'était un homme d'affaires prospère qui parlait de nombreuses langues, et il était un professeur d'économie fort respecté à l'Université Minzu de Pékin. C'est un homme cultivé, un homme de compassion, un bon père de famille. Mon père était, et sera toujours, un ardent partisan de l'égalité pour tous.
Avant son arrestation en 2014, mon père consacrait le plus clair de son temps à la promotion du dialogue entre les minorités ethniques et la majorité han en Chine. Il a voyagé dans de nombreux pays, et compris que des gens différents peuvent vivre en harmonie. C'est ce qu'il voulait pour la Chine. Mon père a créé le site Web Uyghurbiz.com en tant que lieu de libre échange d'idées. Il espérait pouvoir aider les Hans à comprendre les nombreux aspects de la vie ouïghoure, la riche culture, la belle langue, ainsi que les disparités économiques et sociales. Il a aussi donné de nombreuses entrevues en Chine et de par le monde. Il a publié des articles pour attirer l'attention sur cet enjeu et promouvoir le dialogue.
Tout cela dans un effort de bonne foi pour contrer les médias et les manuels scolaires approuvés par l'État chinois où les Ouïghours étaient présentés comme des amuseurs, des tire-laine et des voleurs et désormais des extrémistes violents.
Mon père a été détenu contre son gré pendant trois jours après nos derniers adieux à l'aéroport international de Pékin. Il a passé les 11 mois suivants en détention à domicile. Pendant que j'étais en Indiana, nous nous parlions au moins trois fois par jour, pour vérifier que nous étions l'un et l'autre en sécurité et que nous savions nous adapter à notre nouvelle situation. Il m'a prévenue qu'il serait probablement arrêté. Quelques mois plus tard, il a été emmené, le 15 janvier 2014.
Je suis née dans le monde de mon père. Je n'avais pas le choix. Jeune fille en Chine, j'ai connu les intrusions de la sécurité de l'État dans notre foyer, la surveillance constante, les restrictions scolaires, la détention à la campagne et les multiples menaces de mort, tout cela parce que mon père se consacrait à la promotion d'un dialogue pacifique entre les Chinois han et les Ouïghours.
En 2013, j'ai fait le choix de quitter la Chine. Ce choix m'a permis de garder vivante l'œuvre de mon père. Mon père savait que les Chinois tenteraient de le réduire au silence en le disant séparatiste et le confinant en solitaire. De fait, mon père a été le premier prisonnier politique depuis la révolution culturelle à être condamné à l'emprisonnement à perpétuité en Chine. Je tiens à souligner qu'il essayait de rapprocher les gens, mais qu'il a quand même été accusé et reconnu coupable d'être séparatiste.
Quand tout cela a commencé, j'avais l'impression d'être parmi le petit nombre, mais j'ai fini par comprendre en 2017 que je faisais partie d'une génération d'enfants ouïghours qui ignoraient où étaient leurs parents.
On estime aujourd'hui à plus d'un million le nombre d'Ouïghours enfermés dans des camps de concentration. Comme vous le savez probablement, cela a été documenté par des photos de satellites de surveillance, des vidéos et des documents du parti qui ont fait l'objet de fuites et le témoignage de survivants.
Plus tôt aujourd'hui, M. Adrian Zenz vous a parlé de la stérilisation forcée pour réduire, voire détruire, la population ouïghoure dans l'Ouest de la Chine.
Il faut que cela cesse. Le ciblage systématique des Ouïghours anéantit ma culture, mes traditions, ma langue, ma religion et mon ethnicité. Nombreux sont ceux qui demandent si mon père a été transféré dans un camp. C'est le genre de question qu'on pose à beaucoup de mes concitoyens ouïghours ces jours-ci, et je réponds que je ne sais pas où il est ni même s'il est vivant. Personne n'a eu de contact avec lui depuis près de trois ans, et je ne sais tout simplement pas.
Mais je sais que mon père est un sage qui savait que l'unité autour d'une cause commune est plus forte que l'isolement. Le temps est venu de nous retrouver et de nous unir dans nos aspirations de liberté. Sur ce, je lance quelques appels à l'action au Canada.
Premièrement, il faut cesser de laisser le gouvernement chinois politiser la situation de milliers, voire de millions, d'Ouïghours détenus dans des camps. Nous savons tous que ce n'est pas une affaire interne. Il s'agit d'une mission mondiale, et Affaires mondiales Canada doit revenir constamment sur la question avec ses homologues à Pékin. Il doit leur faire savoir que le gouvernement du Canada ne tolérera pas ces violations des droits de la personne. Il doit demander à la Chine de fermer les camps et de mettre fin aux persécutions et, sur une note personnelle, de libérer mon père, Ilham Tohti.
Deuxièmement, il doit parler au nom du million ou à peu près de prisonniers dans le camp. Il y a deux ans, votre comité a exhorté le gouvernement du Canada à s'attaquer à cette crise, qui s'aggravait; mais le gouvernement chinois a continué d'enfermer des gens comme mon père et d'en réduire d'autres au silence. J'exhorte le gouvernement du Canada à faire adopter une loi en bonne et due forme comme la récente loi sur la politique des droits des Ouïghours aux États-Unis.
Troisièmement, incitez les fabricants canadiens à cesser de faire affaire avec des fournisseurs et des sous-traitants qui vendent des matériaux produits par le travail ouïghour forcé. J'encourage tous les citoyens canadiens à ne pas acheter de produits de marques qui continuent de dépendre de biens fabriqués par des prisonniers ouïghours. Ces listes sont faciles à trouver dans Internet.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, je viens ici en tant qu'Ouïghoure et fille d'Ilham Tohti. J'estime que ce n'est pas seulement mon devoir, mais aussi le devoir de chacun d'entre nous de protéger les droits fondamentaux des victimes de persécution.
Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au Comité.
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Le témoin s'exprime en kazakh et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Chers invités, qui participent à cette conférence, mesdames et messieurs, je suis très heureuse d'être là avec tout le monde.
Je m'appelle Sayragul Sauytbay. Je suis d'origine ethnique kazakhe. Je remercie vivement le gouvernement canadien, qui organise cette conférence. Je suis très reconnaissante aussi à toutes les personnes qui ont participé à l'organisation de cette conférence.
Encore une fois, je m'appelle Sayragul Sauytbay. Je suis d'origine ethnique kazakhe et je suis un témoin vivant du camp de concentration fasciste du XXIe siècle, organisé principalement par le Parti communiste chinois.
Je suis née sur la terre ancestrale de mon peuple, qui s'appelait à l'origine le Turkestan oriental. Après l'arrivée du Parti communiste chinois, le Turkestan oriental est devenu le Xinjiang. J'y ai travaillé comme médecin, enseignante et directrice d'école.
Lorsque le Parti communiste chinois s'est attaqué à la vie quotidienne de notre peuple, ma famille et moi avons décidé de partir au Kazakhstan. Lorsque j'ai voulu déménager avec ma famille au Kazakhstan, on m'a arraché mon passeport et on m'a interdit de partir avec ma famille.
Après le déménagement de ma famille au Kazakhstan, j'ai communiqué avec elle par WeChat, une application de média social, après quoi le Parti communiste chinois m'a empêchée de communiquer avec ma famille par WeChat.
Le Parti communiste chinois a commencé sa politique génocidaire pour détruire, tuer tout le peuple du Turkestan oriental à la fin de 2016. Officiellement, il a lancé cette politique à ce moment. Sur la foi de beaucoup de mensonges, il a arrêté des innocents, qu'il a enfermés dans des camps de concentration et jetés en prison.
Je n'étais coupable de rien, mais du simple fait que je suis kazakhe et que ma famille vit au Kazakhstan, je suis devenue victime de la politique cruelle; et, en janvier 2017, comme je l'ai dit, parce que ma famille vivait au Kazakhstan, des agents venaient me chercher tous les soirs à minuit. Ils me sortaient de chez moi. Ils faisaient enquête sur moi, me faisaient peur, me battaient et me mettaient la pression.
En novembre 2017, j'ai été expédiée dans l'un des camps de concentration organisés par le Parti communiste chinois, où les Kazakhs et les Kurdes étaient emprisonnés. Je leur enseignais le chinois. Parce que j'étais enseignante au camp de concentration, j'ai aussi dû signer un contrat secret. Selon ce contrat, si je laissais fuir de l'information sur ce que je voyais dans le camp de concentration, je serais condamnée à mort.
Dans le camp de concentration fasciste où j'étais emprisonnée, il y avait environ 2 500 personnes, tous des innocents envoyés en camp de concentration sous de faux prétextes. La fourchette d'âge des prisonniers allait de 13 à 80 ans. Tous les hommes avaient les cheveux coupés. Les prisonniers étaient tous pieds et poings liés. Tous les coins, de même que le milieu de la prison, étaient munis de caméras de télévision en circuit fermé. Il y avait des caméras dans tous les couloirs également, et chaque geste que nous faisions était contrôlé, 24 heures sur 24.
Les prisonniers du camp de concentration ont été forcés d'apprendre les traditions, la culture et les chants chinois. Ils ont aussi appris l'esprit du 19e Congrès national du Parti communiste de Chine, ses politiques et ses notions, et les prisonniers devaient faire l'éloge du Parti communiste chinois et de Xi Jinping.
Ces camps de concentration chinois opprimaient les prisonniers. Ils détruisaient leur âme et les torturaient tous. De même, dans ces camps de concentration, les prisonniers étaient stérilisés de force et obligés de prendre une médication spéciale. Après cela, les femmes perdaient leurs menstruations et les hommes leur capacité d'avoir une famille. Ce genre de torture était monnaie courante. Toutes les femmes, même les jeunes, étaient violées quotidiennement par les travailleurs de leur camp de concentration.
De même, chaque camp de concentration avait une salle ou une maison noire spéciale sans caméras. Ceux qui y étaient envoyés étaient cruellement torturés. Cette salle noire était le théâtre de différents types de torture. Lorsque j'enseignais, il arrivait que des gardiens ou des agents de sécurité s'amènent dans ma classe et parlent aux prisonniers, qu'ils emmenaient dans cette maison noire, la salle noire. Par après, pendant mes cours, nous entendions leurs cris, leurs voix. Ils suppliaient et appelaient à l'aide...
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Merci, monsieur le président.
Je m'adresse à M. MacLeod.
Veuillez transmettre mes meilleurs vœux aux membres de la famille Celil. Je suis désolé, il semble bien que nous ne pourrons pas entendre leur témoignage de leur bouche même.
J'aimerais savoir quels sont vos échanges avec le gouvernement du Canada à l'heure actuelle. Nous avons reçu un témoignage franchement des plus troublants au comité Canada-Chine en février dernier lorsque j'ai interrogé notre ambassadeur sur l'affaire Celil. Au départ, il semblait ne pas être au courant, puis il a dit:
Je suis en train d'examiner ce cas. Je l'appelle Huseyin. Essentiellement, comme Huseyin n'a pas la citoyenneté canadienne, nous n'avons pas accès à lui en service consulaire. Nous avons essayé, car c'est quelqu'un que j'aimerais voir. Je sais que c'est un dossier de longue date, mais...
Ces mots sont de notre ambassadeur à Pékin, Dominic Barton. Je lui ai répondu en disant que M. Celil était citoyen canadien.
Je n'en revenais pas à l'époque. D'une certaine façon, je n'en reviens toujours pas. Dans son témoignage où il a parlé régulièrement de divers cas importants de Canadiens détenus en Chine, non seulement n'a-t-il pas mentionné l'affaire Celil de façon proactive, mais encore il s'est trompé sur la citoyenneté de M. Celil.
Je sais qu'il est important que vous collaboriez avec le gouvernement dans ce dossier, monsieur MacLeod, et j'aimerais donc vous demander si vous avez été en mesure de revenir sur la question avec l'ambassadeur Barton? A-t-il reconnu la réalité de la citoyenneté de M. Celil, et prend-il la chose aussi au sérieux qu'il le fait pour d'autres Canadiens détenus en Chine?
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Merci de la question. Ce serait peut-être l'occasion de prendre quelques minutes pour entendre Mme Talendibaevai.
Ensuite — et je comprends votre déception que l'ambassadeur n'ait pas été bien informé —, vous vous rappellerez qu'aux premières étapes, en 2007, 2008 et 2009, et par la suite, il y a eu des consultations très poussées. Le premier ministre Harper exerçait d'intenses pressions, avec le ministre MacKay, le ministre Kenney, M. Sweet et bien d'autres, de sorte qu'il était décevant d'apprendre que l'ambassadeur n'était pas parfaitement au courant.
Cependant, je pense que Mme Talendibaevai pourrait en parler, si nous pouvions la brancher aujourd'hui — pour lui accorder au moins quelques minutes, je pense que ce serait justifié —, que l'ambassadeur l'a appelée et lui a parlé directement et personnellement de son erreur. Bien sûr, il a reconnu que Huseyin est un citoyen canadien, et c'est pourquoi je voulais prendre au moins deux minutes au début de mes remarques pour rappeler à tout le monde que Huseyin a voyagé seulement avec un passeport canadien. Le plus troublant, c'est que certains des problèmes, et la justification de sa détention viennent peut-être de ses activités au Canada, de ses propos sur la liberté de religion et la liberté d'expression sur la religion.
Merci de soulever la question maintenant. C'est notamment pour cela que nous avons toujours réclamé un envoyé spécial. Un ambassadeur a des rôles multiples à jouer dans son ambassade, particulièrement en Chine, où les relations sont tellement multilatérales et multidimensionnelles. Un envoyé spécial ferait rapport directement au , ou peut-être à votre comité, sur ce que nous devons faire pour obtenir la libération et le retour d'un citoyen canadien qui languit en prison en Chine...
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Le témoin s'exprime en kazakh et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Pour les personnes emprisonnées dans les camps de concentration, comme elle l'a déjà dit, dans toutes les cellules de prison, partout, il y avait toujours des caméras, des caméras de télévision en circuit fermé.
Quant aux familles vivant à l'extérieur qui n'étaient pas encore dans les camps de concentration, le gouvernement chinois les a divisées en trois catégories. D'abord, la catégorie des familles dangereuses. Ensuite, celle des moyennement dangereuses. Et enfin, celle des familles non dangereuses, ou sûres. Les familles de la catégorie sûre étaient des Chinois d'origine ethnique, des Hans.
Les deux premières catégories — dangereuses et moyennement dangereuses — étaient d'origine ethnique kazakhe, ouïghoure, tartare et ouzbèke, des personnes originaires du Turkestan oriental. Toutes les personnes, les familles et les membres de familles vivant à l'extérieur des camps de concentration s'y retrouveront un jour ou l'autre. Ces personnes seront envoyées dans des camps de concentration également. Ce n'est qu'une question de temps.
Les documents du gouvernement chinois révèlent que toutes les familles dangereuses et moyennement dangereuses — 100 % d'entre elles — aboutiront un jour ou l'autre dans des camps de concentration. Si elles n'y sont pas déjà toutes, c'est qu'il n'y a pas assez de place pour elles, mais ce n'est qu'une question de temps. Le maire du Turkestan oriental, Chen Quanguo, fait peur en poussant les gens qui vivent en dehors des camps de concentration.
Pour aller d'un village à l'autre visiter ses proches, il faut passer par sept ou huit services différents, et obtenir la permission de sortir de chez soi ou de son village. De même, le gouvernement contrôle 100 % des téléphones, des textes... enfin de tout.
En général, toutes les familles, toutes les personnes, 100 % d'entre elles, vivent dans un régime de censure. C'est une grosse prison.
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Je disais qu'en 2006, nous avons dû prolonger notre séjour en Ouzbékistan et, en juillet de la même année, mon mari a été déporté en Chine. Les tribunaux chinois ont ordonné son expulsion vers la Chine. Depuis 2006, je n'ai eu aucun contact avec lui, ni par courriel, ni par téléphone. Cela fait maintenant 14 ans.
J'ai eu des contacts avec sa famille deux ou trois fois par année depuis que cela a commencé en 2014. En 2016, j'ai perdu le contact avec les membres de sa famille qui habitent au Turkestan oriental, dans la ville de Kashgar. Ils allaient le visiter tous les six mois à Urumqi.
Il n'a pas obtenu d'accès consulaire, il n'a jamais eu l'autorisation de communiquer avec le consulat, malgré les demandes que nous adressons chaque année à l'ambassadeur du Canada. Vous savez, nous devons vérifier son état de santé, savoir comment il va, s'il est toujours vivant, comment il va dans la prison en Chine. Nous n'avons jamais eu de réponse. Tous les six mois, nous obtenions un peu de nouvelles par le biais de sa famille. Cela fait combien de temps de cela? Cela fait quatre ou cinq ans que je n'ai eu aucune communication, aucune nouvelle. Je ne peux pas appeler les membres de sa famille sur leurs cellulaires, ni au moyen des applications WeChat ou WhatsApp parce qu'elles ont été bloquées. Je n'ai aucune nouvelle de sa famille.
Il semble que nous ne puissions rien faire pour lui... Je n'ai rien à dire. C'est très frustrant. Vous savez, cela fait 14 ans que je porte un lourd fardeau et que j'éprouve une terrible frustration.
J'ai quatre fils. Ils ont grandi et sont devenus des adolescents. Ils vont tous à l'école secondaire et se préparent à entrer à l'université. Cela a été très difficile. Je ne peux pas décrire en quelques mots mes 14 dernières années et tout ce que j'ai vécu durant cette période.
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Je remercie tous les témoins pour la force dont ils font preuve aujourd'hui. C'est très émouvant de vous entendre et de vous voir et de sentir votre émotion à l'écran. Je vous en remercie.
Je veux revenir sur un point soulevé par M. MacLeod, l'avocat de Huseyin Celil. C'est peut-être passé inaperçu, mais nous entendons dire dans les médias que le gouvernement chinois prétend que Huseyin Celil est un ressortissant chinois; or, en vertu de la loi sur la nationalité de la République populaire de Chine, plus précisément des articles 3 et 9... D'abord, l'article 3 dit que « ... la Chine ne reconnaît pas la double nationalité ». L'article 9 dit que si une personne a adopté une autre nationalité ou a été naturalisée dans un autre pays, elle perd automatiquement sa nationalité chinoise.
Aux fins du compte rendu, je veux que nous établissions qu'en vertu de la loi chinoise, Huseyin Celil est un ressortissant canadien et non chinois. Je veux souligner ce point parce que nous entendons souvent les fonctionnaires canadiens dire que Huseyin Celil est, selon les Chinois, un ressortissant chinois, alors qu'en vertu de la loi chinoise, il est un ressortissant canadien.
J'aimerais demander à Mme Talendibaevai et à M. MacLeod s'ils ont constaté des différences, dans le contexte mondial ou international, au sujet de la Chine et des Ouïghours, ou encore ici au Canada depuis 2015, en ce qui a trait à la défense de Huseyin Celil? Que pouvons-nous faire pour renforcer la défense de ses droits, à part désigner un envoyé spécial, comme vous l'avez mentionné?
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Je vais répondre en premier et je céderai la parole à Mme Talendibaevai.
Depuis 2015, la Chine exerce une forte répression contre la minorité ouïghoure, mais nous constatons également un grand vide sur le front politique canadien. Le gouvernement actuel, comme je l'indique dans mon mémoire, n'a pas fait tout ce qu'il pouvait, ou n'en fait pas assez. Il faut faire beaucoup plus. La désignation d'un envoyé spécial est la première mesure à prendre, la deuxième étant, dans la mesure du possible, une action bipartisane à la Chambre.
Je préconise le recours à un envoyé spécial, comme l'ont souvent fait dans le passé nos amis et voisins américains. Le Canada peut faire appel à d'anciens chefs d'État. Les anciens premiers ministres Chrétien, Harper, Mulroney et Martin, pour n'en nommer que quatre, feraient d'excellents envoyés spéciaux. D'anciens députés, qu'ils soient libéraux, conservateurs ou néo-démocrates, ont parfois joué un rôle de premier plan pour promouvoir les droits de la personne sur la scène internationale. Misons sur nos forces et désignons un envoyé spécial sans plus tarder. Cela fait 14 ans.
Je cède la parole à Mme Talendibaevai, mais pour répondre à votre question, il est citoyen canadien. Après tout, il a pris l'avion avec un passeport canadien et un visa ouzbek, vous avez donc un argument béton. En vertu de la loi chinoise, il est clairement un citoyen canadien, point à la ligne.
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Le témoin s'exprime en kazakh et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
D'abord, je vous remercie beaucoup pour votre question. Je vais vous donner un peu plus de détails sur la violence sexuelle.
Dans les camps de concentration, les gardes du Parti communiste chinois violent les femmes et les filles de leur choix tous les jours. Ils arrivent, choisissent une femme et la ramènent le lendemain.
Je me souviens d'un exemple. J'étais en train de donner un cours de chinois quand ils ont ramené une jeune femme. Quand elle est entrée dans la classe, elle ne pouvait même pas s'asseoir sur la chaise. Elle est tombée par terre. Ils ont commencé à appeler toutes les filles par leur numéro. Chaque fille avait un numéro spécial. Ils ne les appellent pas par leur nom, mais par leur numéro. Quand ils ont appelé cette fille par son numéro, elle a répondu: « Je ne suis plus une fille parce qu'ils m'ont violée. » Je me souviens de ce cas horrible.
Je vais vous donner un autre exemple, un exemple atroce. Un jour, les gardes du camp de concentration nous — environ 200 personnes — ont emmenés dans la cour et nous ont tous testés. Ils faisaient des expériences sur nous. Chaque fois qu'ils faisaient des expériences, ils voulaient voir si nous avions changé notre mentalité, si nous devenions normaux ou non.
Cette fois-là, ils ont emmené 200 détenues dans la cour principale et ils ont choisi une jeune fille d'environ 20 ans. Ils l'ont forcée à accepter la culpabilité pour une chose qu'elle n'avait jamais faite. Elle pleurait et disait qu'elle était coupable, même si ce n'était pas vrai. Elle a accepté le blâme devant 200 prisonnières. Ensuite, les gardes chinois ont commencé à la violer à tour de rôle devant ces 200 détenues. Ils se sont mis en ligne et l'ont violée l'un après l'autre devant tout le monde.
Si l'une de ces 200 personnes montrait de la douleur ou une émotion sur son visage ou dans son regard, ou laissait transparaître une hésitation ou une émotion négative, ils disaient que cette personne n'avait pas changé, qu'elle n'était pas devenue normale. Ils la faisaient sortir du groupe et commençaient à la torturer parce qu'elle n'avait pas changé.
Après avoir assisté à cela, nous devions accepter la situation et louanger le parti. C'est l'un des exemples dont j'ai été témoin.
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D'accord, je vous remercie.
D'abord, j'élève quatre enfants, quatre garçons qui sont maintenant adolescents. J'étais enceinte de trois mois quand ils ont arrêté mon mari. Et j'étais mère. Pouvez-vous imaginer un instant?
Cela fait 14 ans. Mon fils aura 14 ans en août. Je ne vois pas...
Ça fait si longtemps. Des mois, des semaines et des années ont passé. Même si nous avons eu quelques nouvelles et échangé des courriels et des appels par le biais de sa famille, ces nouvelles... Ce serait un soulagement pour nous d'avoir un peu d'information, que les enfants soient en contact avec leur père. Il est encore vivant, mais il est en prison. On essaie de le ramener là où il devrait être.
Nous avons beau être au XXIe siècle et disposer d'une technologie très avancée, nous n'avons rien. Nous n'avons pas d'appels, pas de nouvelles, pas de courriels, pas de lettres, rien du tout.
Je suis très reconnaissante envers le gouvernement canadien. Je suis chanceuse de vivre au Canada. J'élève mes quatre garçons [Inaudible] ici au Canada. Je fais mon possible pour qu'ils aient une bonne éducation au Canada et je ne cesse de leur répéter qu'ils doivent être très fiers de leur papa. Il est absent depuis 14 ans. Je ne sais pas combien de temps il restera là-bas. Je ne veux même pas penser à ce que sera la situation dans un ou deux ans dans ce monde frappé par la pandémie et avec ce qui se passe en Chine actuellement, à cause de la situation actuelle au Canada, de la pandémie...
Je veux d'abord remercier le gouvernement du Canada. Il a saisi toutes les occasions. Le comité mis en place par les conservateurs a fait tout son possible, mais la Chine est un pays différent. La Chine a refusé de reconnaître la citoyenneté canadienne de mon mari et ne lui a pas accordé l'accès consulaire. Le gouvernement a fait des efforts, mais ce n'était pas assez. À l'époque, ce n'était pas suffisant. Durant la première année où il nous a offert son aide, il aurait dû intervenir rapidement, immédiatement, mais il a tardé à agir.
Maintenant, cela fait 14 ans que mon mari est en prison. Je ne sais pas dans quelles conditions il est détenu. Je ne peux même pas... Depuis 2015, nous ne savons pas s'il est encore vivant. Peut-être a-t-il subi un lavage de cerveau et été forcé d'adhérer au Parti communiste. C'est une chose qui peut arriver en Chine.
Je termine en m'adressant aux conservateurs, aux libéraux et aux néo-démocrates. Ils doivent tous agir ensemble sur ce dossier. Je ne veux pas qu'ils le mettent de côté. Je sais qu'il y a aussi le cas des deux Michael, mais je veux saisir toutes les occasions pour faire avancer ce cas, je veux que la Chambre des communes s'en occupe. Je veux sensibiliser les gens à son cas. Je demande aux députés ce qu'il advient de ce [Inaudible] cas? Qu'est-ce qui se passe? Qu'allons-nous faire? Ils doivent examiner ce cas et prendre la décision d'envoyer... Je suis d'accord avec Chris MacLeod qu'il faut dépêcher un envoyé spécial en Chine.