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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la cinquième séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes. Conformément à la motion adoptée par le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international le 20 février 2020, nous tenons aujourd'hui notre deuxième séance sur l'étude de la situation des droits de la personne des Ouïghours.
Les témoins d'aujourd'hui comparaissent par vidéoconférence, et les délibérations du Sous-comité seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
L'interprétation de la vidéoconférence fonctionnera de manière très semblable à celle des séances ordinaires du Sous-comité. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre « parquet », « anglais » et « français ». Si vous prévoyez changer de langue quand vous avez la parole, vous devrez changer également de canal d'interprétation en fonction de la langue que vous employez. Vous pourriez prendre une brève pause après le changement de langue.
Quand vous parlez, articulez lentement et intelligiblement. Quand vous ne parlez pas, votre micro devrait être désactivé. Si des difficultés techniques surviennent, sur les plans de l'interprétation ou de l'audio, par exemple, veuillez en aviser immédiatement la présidence, et l'équipe technique s'emploiera à résoudre le problème.
Avant de commencer, nous voudrions souligner que notre étude porte sur les Ouïghours. Plusieurs des témoins que nous avons entendus sont des experts des droits de la personne en général, et certains traiteront plus particulièrement de la Chine. Il y a et aura, lors de séances futures du Sous-comité et d'autres comités du gouvernement, des occasions d'examiner de nombreuses questions en ce qui concerne la Chine et d'autres affaires relatives aux droits de la personne. Je le souligne, car nos témoins sont ici pour nous faire part de leur expérience sur les Ouïghours. Je répète donc que nous mettrons l'accent sur les Ouïghours.
Je félicite tous les témoins qui ont comparu hier. Ils étaient vraiment excellents. Nous avons entendu des experts, des défenseurs des droits de la personne et des universitaires, qui nous ont relaté des histoires personnelles de courage et de bravoure. Nous les remercions d'avoir accepté de témoigner.
Je vais maintenant accueillir les témoins d'aujourd'hui. Le présent groupe est composé de William Browder, directeur de la Global Magnitsky Justice Campaign; d'Olga Alexeeva, sinologue et professeure d'histoire de la Chine contemporaine, et d'Azeezah Kanji, professeur de droit et journaliste, qui témoignent à titre personnel; et d'Errol Mendes, professeur de droit et président de la Commission internationale des juristes Canada.
Madame la greffière, je pense que c'est dans cet ordre que nous entendrons les témoins.
Monsieur Browder, c'est vous qui prendrez la parole en premier. Vous disposez de six minutes pour nous présenter votre exposé, après quoi les membres du Sous-comité vous poseront des questions.
Vous pouvez commencer.
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Monsieur le président, distingués membres du Sous-comité, je vous remercie de m'offrir l'occasion de vous parler aujourd'hui de la persécution choquante de la minorité ouïghoure en Chine.
Je m'intéresse à la question sous un angle légèrement différent des autres personnes du groupe et d'autres témoins. Certains d'entre vous me connaissent peut-être. Pendant de nombreuses années, je suis venu à Ottawa pour préconiser l'adoption de la loi Magnitski au Canada. J'ai vécu bien des années en Russie et Sergeï Magnitsky était mon avocat. Il a découvert et révélé une affaire de corruption à grande échelle, ce qui lui a valu d'être arrêté, torturé et tué par mesure de représailles. M'est alors venu le concept de la loi Magnitski, qui permettrait de geler les actifs et d'interdire les visas.
Je me suis d'abord rendu aux États-Unis, qui ont adopté la loi Magnitski en 2012. Je suis ensuite venu au Canada, qui a adopté cette loi en 2017. C'est maintenant un total de sept pays qui se sont dotés de lois Magnitski.
Cette loi constitue un outil très puissant de lutte contre la violation des droits de la personne. Il y a 40 ans, des personnes comme les Khmers rouges n'allaient pas en vacances à Saint-Tropez, alors qu'aujourd'hui, des personnes commettant des violations des droits de la personne dans divers pays voyagent à l'étranger, achètent des propriétés et font toutes sortes de choses. La Loi permet de leur imposer des conséquences dans des situations où il n'y en avait pas auparavant dans le monde.
Par conséquent, j'ai été approché dans de nombreux pays par bien des gens à propos d'un éventail de questions. Il y a environ deux ans et demi, j'étais à Washington, D.C., cherchant à faire en sorte qu'un nombre accru de personnes soient sanctionnées en vertu de la Loi. Un fonctionnaire américain qui s'intéressait à la situation des Ouïghours m'a alors demandé si je pouvais rencontrer pendant une demi-heure une membre de la communauté ouïghoure que je devais, selon lui, rencontrer. J'ai accepté, et c'est ainsi que j'ai fait la connaissance d'une dénommée Gulchehra Hoja.
Mme Gulchehra est ouïghoure. Elle vit à Washington, D.C. et travaille pour Radio Free Asia, une organisation médiatique financée par les États-Unis qui fait état de ce qu'il se passe en Asie, et ce, sans ingérence de la part du gouvernement chinois. Elle travaille pour le service en langue ouïghoure. Elle s'est assise avec moi et m'a raconté son histoire, qui était absolument remarquable. Elle est la première à avoir pu interroger une personne sortant du camp de concentration ouïghour. Elle a interrogé une femme qui était sortie d'un camp et qui a raconté ce qui s'était passé. Par mesure de représailles, 25 membres de sa famille ont été arrêtés en Chine et envoyés dans les camps de concentration.
Quand j'ai entendu cette histoire, j'ignorais tout des camps de concentration. J'ai donc commencé à travailler avec elle afin d'apprendre ce qu'il se passait et d'obtenir plus d'information. Comme en parleront certainement de nombreux témoins aujourd'hui, j'ai été mis au fait de la stérilisation forcée de femmes, de l'arrestation de littéralement des centaines de milliers, voire de millions de personnes, et de la séparation forcée d'enfants et de leur famille. Il m'est devenu apparent qu'il s'agit probablement là du plus important problème de droits de la personne auquel nous sommes confrontés dans le monde actuel.
En plus de mon contact personnel avec Mme Gulchehra, je descends d'une réfugiée de l'Holocauste. Ma mère a, en effet, dû fuir Vienne pendant l'Holocauste. Voyant qu'un génocide se déroule sous nos yeux alors que nous avons affirmé « plus jamais », je ressens le besoin impérieux de faire ce que je peux pour le peuple ouïghour, Mme Gulchehra et d'autres victimes.
En pareille situation, nous pouvons appliquer les sanctions Magnitski aux fonctionnaires chinois qui commettent ces violations. Cette loi a été créée expressément à cette fin. Les États-Unis ont imposé des sanctions en vertu de la loi Magnitski à quatre fonctionnaires chinois, notamment à un membre du bureau politique, et je me gratte la tête en me demandant pourquoi le Canada, qui a adopté la loi Magnitski précisément dans ce but, n'impose pas ces sanctions actuellement.
Je témoigne aujourd'hui pour exhorter le Canada à imiter les États-Unis et à sanctionner les fonctionnaires chinois responsables de la situation, dans l'espoir d'élargir la liste des sanctions pour qu'un nombre bien plus élevé de personnes perpétrant ce génocide soient tenues responsables de leurs actes.
Je vous remercie beaucoup.
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Mesdames et messieurs, bonjour.
Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de vous parler aujourd'hui du contexte politique qui entoure la répression des Ouïghours en Chine.
Comme vous le savez, depuis 2017, des centaines de milliers d’Ouïghours ont été envoyés en détention dans ce qu'on appelle les centres de rééducation, qui visent, selon les autorités chinoises, à lutter contre l'extrémisme musulman. En fait, l'ouverture de ces camps n'est qu'un tout dernier dispositif dans une très longue série de mesures répressives adoptées par le gouvernement chinois à l'encontre d'Ouïghours.
La région autonome du Xinjiang, où vit la majorité des Ouïghours, n'a été intégrée à l'espace chinois qu'au XIXe siècle. Depuis ce temps, les Ouïghours mènent une lutte contre les pratiques d'assimilation chinoises, et cette lutte est aujourd'hui animée par de multiples courants indépendantistes, violents ou non, basés sur diverses idéologies, notamment le « panturquisme », le mouvement pour la démocratie et l'islamisme radical. Tous poursuivent le même objectif: fonder un État ouïghour indépendant au Xinjiang.
On peut donc dire que le Xinjiang a toujours constitué pour Pékin un défi en matière de contrôle, mais, depuis les années 1990, la lutte des Ouïghours pour leur indépendance s'est intensifiée. Beaucoup de facteurs expliquent cela. En tant qu'historienne, je pourrais continuer pendant des heures à vous les expliquer, mais, à mon sens, la raison principale est que les Ouïghours se sentent aujourd'hui marginalisés sur leur propre territoire. De plus en plus de migrants chinois viennent aujourd'hui s'installer au Xinjiang. Ils accaparent les terres arables et les ressources en eau et profitent de l'aide gouvernementale pour se lancer en affaires, alors que les Ouïghours, eux, s'appauvrissent.
Les Chinois prédominent également dans l'administration locale. Le sentiment d'être dominés par la Chine au profit des Chinois et à leurs dépens a généré chez les Ouïghours, comme vous pouvez l'imaginer, un très profond mal-être. Cette frustration s'est vite transformée en contestation, ce qui est normal, qui prend des formes différentes au Xinjiang, allant d'attentats à la bombe et d'émeutes spontanées à des manifestations étudiantes et à un militantisme pacifique animé par les activistes ouïghours réfugiés à l'étranger.
Pékin qualifie néanmoins toutes ces actions d'actes terroristes qui seraient inspirés par la mouvance islamiste internationale. Aux yeux de Pékin, l'existence de quelques groupuscules djihadistes ouïghours ayant des liens avec Al-Qaïda légitime donc l'intensification de la répression au Xinjiang. Ce durcissement se traduit par des milliers d'arrestations et par la banalisation de la torture et des mauvais traitements infligés aux prisonniers ouïghours.
En réaction, comme vous le savez peut-être, une nouvelle vague d'attaques meurtrières est survenue en Chine en 2013 et en 2014. Ces attentats, en particulier celui de la place Tiananmen, à Pékin, ont eu un effet de coup de tonnerre au sein des dirigeants chinois, qui voient désormais le problème ouïghour comme une menace à la stabilité nationale. Cela justifie, à leurs yeux, la reprise en main autoritaire de toute la population ouïghoure et non plus seulement des militants, des sympathisants ou des gens qu'ils qualifient de terroristes.
À partir de 2014, on a augmenté les effectifs des forces de l'ordre chinoises qui patrouillent dans le territoire du Xinjiang. Celles-ci comptent aujourd'hui plus de 100 000 personnes. On a installé partout des caméras dotées d'outils de reconnaissance faciale et vocale qui permettent de suivre les personnes et les véhicules partout, y compris dans les zones rurales. On a lancé aussi la collecte des données biométriques, y compris l'ADN, visant toute la population ouïghoure. On s'entend que ces mesures de surveillance sont extrêmement intrusives. Le problème, c'est qu'elles s'accompagnent également d'arrestations arbitraires, de fouilles d’habitations, de confiscations de passeports et d'interdictions de certaines pratiques religieuses. En parallèle, on a aussi ouvert plus de 20 camps d'internement disséminés dans toute la région du Xinjiang. Les critères d'envoi dans ces camps sont arbitraires et flous.
Il suffit de posséder une édition non approuvée du Coran, de ne pas boire d'alcool, de faire le ramadan ou encore de voyager trop souvent en Turquie ou en Égypte pour se retrouver dans l'un de ces camps pour une durée indéterminée. En effet, les procédures légales sont également très opaques.
Les Ouïghours sont aujourd'hui victimes de pratiques répressives. Ils en sont victimes depuis des décennies, mais l'ampleur des répressions actuelles est sans précédent. Plus de 1 million d'Ouïghours, c'est-à-dire 10 % de la population, sont aujourd'hui détenus dans des camps au Xinjiang. Aux yeux de Pékin, cette région stratégique, qui regorge de ressources naturelles, serait une partie inaliénable du territoire national. Il est inconcevable pour Pékin d'y renoncer ou d'accorder à sa population une autonomie quelconque. Il faut dire aussi que l'instabilité, au Xinjiang, fait peser des risques sur le projet chinois. Comme on le sait, la nouvelle route de la soie est très chère aux yeux de Xi Jinping.
Ce contexte politique très grave, très tendu et très particulier place les Ouïghours dans une impasse. Il nourrit le terreau du ressentiment et de la haine à l'égard des autorités de Pékin et des Chinois, plus généralement. À mon avis, la dureté de la répression ne pourrait que propulser de jeunes militants, frustrés par cette injustice incroyable, dans une logique plus violente. Par conséquent, on ne peut qu'imaginer qu'à long terme, cette politique pourra mener à un conflit.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner.
La région du Xinjiang, en Chine, est le théâtre d’actions que nous espérions ne « plus jamais » revoir après la Seconde Guerre mondiale. Je parle de la détention de plus d’un million d’Ouïghours, un groupe ethnique et religieux qui est la cible d'une campagne de stérilisation forcée du gouvernement chinois afin de réduire sa population. Même si le gouvernement chinois prétend qu’il s’agit de camps d’entraînement ou de formation, des médias crédibles rapportent qu’on y impose des séances de propagande obligatoires, du travail forcé et de la violence physique. D'aucuns ont fait état de morts alléguées.
Personne n’est épargné. Par exemple, j’ai fait la connaissance d’une éminente professeure musulmane dans le cadre d’un projet de recherche en Chine auquel j'ai participé pendant de nombreuses années. Gulazat Tursun est professeure de droit et superviseure d’étudiants au doctorat de l’Université du Sichuan. Cette universitaire de renommée internationale qui s'intéresse aux droits de la personne a été chercheuse invitée au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, à l’Université Harvard et à l’Institut danois des droits de l’homme. Malgré ses compétences, elle a essentiellement été détenue dans l’un de ces camps, et à ce jour, on ignore encore si elle a été libérée ou non.
Le sort réservé à d'autres universitaires est pire encore. L'un d'eux risque la mort. En septembre 2019, le réseau Scholars at Risk soupçonnait que M. Tashpolat Tiyip, professeur de géographie réputé et ancien président de l'Université du Xinjiang, risquait d'être exécuté une fois expiré le sursis de deux ans de sa peine de mort. Nous ne savons pas non plus ce qu'il est advenu de lui.
Je suis d’accord avec mon ami et ancien ministre de la Justice Irwin Cotler: nous devrions, comme les États-Unis et d’autres pays, imposer des sanctions ciblées aux principaux responsables de la planification de la détention massive des Ouïghours au Xinjiang. J'ai proposé d'imposer des sanctions Magnitski aux architectes de la répression et de la détention des Ouïghours, et je donnerai des noms, notamment ceux de Shohrat Zakir, gouverneur du Xinjiang et chef du parti dans la région, et Chen Quanguo, membre du bureau politique dans les plus hautes sphères du gouvernement chinois.
Il y en a d'autres, mais ces deux hommes sont, selon moi, les principaux responsables de la détention. Les deux hommes ont affirmé que ces allégations de graves crimes internationaux contre les Ouïghours, et dont j'aimerais parler, sont un tissu de mensonges absurdes. En fait, Shohrat Zakir va jusqu’à qualifier les camps de pensionnats où les droits des étudiants sont protégés.
En 2017, le Parlement a adopté la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, qui met en œuvre les sanctions Magnitski et permet d’imposer des saisies de biens et des interdictions de séjour à des fonctionnaires précis. Comme mon ami Bill Browder l'a indiqué, des lois semblables ont été adoptées par les États-Unis et d'autres pays européens. Grâce à ses démarches, l’Union européenne envisage également l’élargissement des sanctions Magnitski à l'ensemble de son territoire.
Comme on le sait, Bill Browder figure parmi les principaux défenseurs de cette mesure parce que son avocat, Sergueï Magnitsky, a été assassiné par des fonctionnaires russes. J’ai eu le privilège de l’appuyer dans une faible mesure, l'aidant à venir au Canada afin d'y préconiser l'adoption de la loi Magnitski.
Je voudrais maintenant parler brièvement de l’opinion d’un autre collègue avocat, qui est également notre prochain ambassadeur aux Nations unies: Bob Rae. Dans une entrevue accordée au Globe and Mail, il a affirmé que le gouvernement du Canada doit réfléchir aux conséquences avant d’imposer des sanctions à de hauts fonctionnaires chinois pour des violations des droits de la personne commises contre des groupes minoritaires.
Même si je suis d’accord avec lui sur le fait qu’un gouvernement ne peut jamais se permettre d’établir des plans ou d’agir sans tenir compte des conséquences, il semble laisser entendre que les représailles pourraient toucher les deux Canadiens qui sont détenus là-bas, Michael Spavor et Michael Kovrig, et prendre la forme de mesures commerciales supplémentaires ciblant le bois d’œuvre et les produits agricoles d’ici. Cependant, le Canada, en tant que société de droit, ne peut pas trahir ses engagements fondamentaux. Il ne peut pas désavouer ses promesses souvent répétées de promotion et de protection des droits universels de la personne, enchâssés dans le principe du « plus jamais ». Nous ne pouvons pas être vus comme de simples spectateurs des derniers crimes internationaux qui sont, encore une fois, commis et qui correspondent à la définition de crime contre l’humanité, de crime de guerre, de torture et de génocide.
Nous ne pouvons rester silencieux ou inactifs devant de telles atrocités ou renoncer à notre droit d'être considérés comme les défenseurs de la dignité humaine et des droits de la personne de tous les habitants de la terre. L'histoire nous a montré que le silence est le partenaire complice du génocide.
Le Canada ne peut rester silencieux ou inactif devant ce que je considère comme des crimes contre l'humanité de plus en plus graves, notamment les gestes génocidaires commis contre les Ouïghours. Je suis d'avis que les actes du gouvernement chinois constituent des crimes contre l'humanité et un génocide, d'autant plus que les mesures de contrôle forcé des naissances à l'encontre des Opuïghours se poursuivent.
Les fonctionnaires que je propose de cibler pourraient n’avoir aucun bien gelé au Canada ou même avoir l’intention de voyager ici. Toutefois, l’imposition de sanctions ciblées ferait comprendre non seulement à la Chine, mais au monde entier que nous agissons au nom de l’humanité. Nous espérons que nos alliés traditionnels suivront notre exemple et envisageront peut-être même de se joindre à nous.
En ce qui concerne les possibles mesures punitives de la Chine, étant donné que les procédures d’extradition de Meng Wanzhou ont déjà entraîné la détention de deux Canadiens, je ferais valoir que nous devons mettre au point une politique et une stratégie à long terme concernant la Chine, lesquelles couvriraient les cas de diplomatie des otages et le recours aux sanctions commerciales et à d'autres mesures punitives, qui contreviennent aux règles commerciales internationales. Je pense que le Canada et son gouvernement doivent élaborer une stratégie à long terme avec ses alliés démocratiques traditionnels, qui inclurait — espérons-le — la collaboration de l’administration américaine future, pour établir des mesures multilatérales, sociales et économiques qui dissuaderaient la Chine de recourir à la diplomatie des otages et qui réduiraient la capacité de cet État de cibler les pays démocratiques tenus par leurs valeurs, leurs principes et leur constitution d’adhérer à la primauté du droit.
Nous pourrions ainsi adopter des approches communes afin d'assujettir les multinationales chinoises à une surveillance au chapitre de la sécurité nationale, des droits de la personne et de la lutte contre la corruption, et les pénaliser pour être complices des actes de leur gouvernement, lesquels constituent des crimes internationaux gravissimes. Compte tenu des nouvelles venant de Xinjiang, je pense que le sous-comité ou le comité qui le chapeaute devraient s'intéresser à certaines des marques qui recourent au travail forcé pour fabriquer des produits qui font leur chemin jusqu'aux États-Unis et au Canada. En fait, l'ACEUM signé récemment avec les États-Unis et le Mexique prévoit une interdiction à cet égard.
Je vous remercie.
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Je vous remercie beaucoup.
Des documents officiels prescrivant la stérilisation forcée et la surveillance de masse; des images prises par satellite prouvant la destruction de lieux culturels anciens et la prolifération des camps de concentration; des films captés par des drones montrant des hommes amenés vers des trains, tête rasée, menottés et les yeux bandés: ce ne sont là que quelques aperçus que nous avons eus des pratiques de la Chine sur le territoire traditionnel des Ouïghours, dans l'Est du Turkestan, dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, malgré le mur de secret que la Chine y maintient. Nous ne savons même pas avec exactitude combien de centaines de milliers — voire de millions — d'Ouïghours sont incarcérés sous ce que nous soupçonnons être le plus grand régime d'incarcération d'une minorité depuis l'Holocauste nazi.
Le tristement célèbre réseau de camps de concentration de la Chine ne constitue qu'une composante d'un projet de bien plus grande envergure. Dans ce réseau d'une vaste étendue géographique, l'État surveille attentivement les villages, les résidences, les chambres à coucher, les téléphones cellulaires et même l'ADN des Ouïghours grâce à la collecte massive de données biométriques, allant même jusqu'à cibler des Ouïghours vivant au Canada et ailleurs. Ce réseau existe aussi depuis longtemps, les mesures actuelles ne constituant que la dernière phase de ce que les universitaires considèrent comme le projet que la Chine met en oeuvre depuis des décennies, voire des siècles aux fins de colonialisme invasif et de changement démographique délibéré dans le riche territoire qu'elle appelle Xinjiang, un nom qui signifie littéralement « nouvelle frontière ».
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Les camps de concentration ne constituent qu'une composante d'un projet de grande envergure temporelle et géographique, les mesures actuelles n'étant que la dernière phase de ce que les universitaires considèrent comme le projet que la Chine met en œuvre depuis des décennies, voire des siècles, aux fins de colonialisme invasif et de changement démographique délibéré dans le riche territoire qu'elle appelle Xinjiang, qui se traduit littéralement par « nouvelle frontière ».
Le spécialiste du colonialisme bien connu, Patrick Wolfe, a prononcé les paroles célèbres suivantes: « Quand on parle de colonialisme invasif, la question du génocide n'est jamais loin. » Dans le cas des politiques de la Chine contre les Ouïghours, la question du génocide n'est pas abstraite ou métaphorique, mais imminente et littérale.
Dans la Convention des Nations unies sur le génocide et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le génocide se définit comme étant l'un des cinq actes suivants: un, le fait de tuer; deux, l'infliction de graves blessures corporelles ou mentales; trois, l'imposition de conditions calculées pour causer la destruction physique; quatre, l'imposition de mesures visant à empêcher des naissances; ou cinq, le transfert forcé d'enfants. L'un ou l'autre de ces actes, lorsqu'il est posé dans l'intention de détruire un peuple en tant que peuple « en tout ou en partie », se qualifie de génocide lorsqu'il est commis dans le but génocidaire requis.
Dans le cas des Ouïghours, toutefois, des preuves montrent que ces cinq actes ont été commis, des rapports faisant état de morts dans des camps de concentration; de tortures comme l'électrocution et la noyade simulée; de jeûne forcé et d'exposition aux maladies, y compris au coronavirus, dans des camps de concentration et de travail forcé; d'une campagne de stérilisation, dans le cadre de laquelle 80 % des nouveaux dispositifs de contrôle des naissances intra-utérins ont été installés dans la région chinoise de Xinjiang, où habite pourtant moins de 2 % de la population chinoise; et de la séparation de près d'un demi-million d'enfants de leurs familles et de leurs communautés.
Pour ce qui est de la question de l'intention, quand des fonctionnaires décrivent l'islam comme un « virus idéologique », « une tumeur maligne incurable » et une « mauvaise herbe » envahissant les « cultures », les efforts d'éradication sont une conséquence logique.
Témoignant de la gravité du crime, la Convention sur le génocide n'inclut pas que l'obligation de punir le génocide après les faits, mais oblige tous les États à prévenir le génocide. Selon la Cour internationale de Justice, un État a l'obligation de prévenir le génocide et d'agir en conséquence dès qu'il apprend qu'un génocide risque fortement de se produire. Ce seuil de risque grave est dépassé depuis belle lurette.
En 2014, le Bureau des Nations unies sur la prévention du génocide a publié un cadre afin de détecter les signes avant-coureurs d'un génocide ou d'autres atrocités. Pratiquement tous ces signes sont présents dans la région du Xinjiang.
Ayant également travaillé à la défense des droits des Rohingyas, dont le génocide se trouve maintenant devant la Cour internationale de Justice et la Cour pénale internationale, j'ai vu que les États évitent pendant longtemps d'admettre que la situation constitue un génocide ou qu'un génocide est en préparation afin d'éviter d'assumer leur devoir de prévention, comme certains États ont refusé d'admettre le génocide rwandais alors même qu'il se déroulait sous les yeux du monde entier en 1994.
Même en face d'une preuve éclatante, la capacité de déni est forte, tout comme le sont la honte, la repentance et l'horreur éprouvées a posteriori lorsque quelque chose qui devait ne « plus jamais » survenir est autorisé à se produire encore et encore.
Je vous remercie.
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Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion d'intervenir, monsieur le président.
Monsieur Browder, je tiens à vous remercier beaucoup de tout l'excellent travail que vous avez accompli. Vous, qui avez comparu devant le Comité en un certain nombre d'occasions, êtes un formidable exemple d'homme d'affaires doté d'une conscience. Vous empruntez la voie juridique pour un ami, un avocat de votre entreprise qui a été torturé et assassiné, comme vous l'avez souligné. Je veux vous exprimer ma gratitude pour tout le travail que vous avez fait pour faire en sorte que des pays comme le nôtre aient une loi Magnitski, non seulement en mémoire de M. Magnitsky, mais aussi pour que nous puissions corriger d'autres violations des droits de la personne.
Monsieur Mendes, Mme Kanji vient d'expliquer avec force éloquence que le seuil du génocide a été atteint. De toute évidence, notre comité fera un énoncé et publiera un rapport après tous ces témoignages. À votre avis, compte tenu de votre expérience de la jurisprudence, les actes du Parti communiste chinois atteignent-ils le seuil du génocide?
Comme Mme Kanji l'a indiqué avec justesse, si les tribunaux étaient saisis de l'affaire, le plus dur serait de prouver l'intention précise, soit celle, entière ou en partie, d'éliminer un groupe. Selon moi, c'est sur ce point que la Chine tentera de fonder sa défense: « Eh bien, prouvez-le ». Mme Kanji a, fort justement, énuméré certains types d'éléments de preuve qu'il faudrait présenter pour prouver l'intention.
Le plus gros écueil qui nous attend si nous portons l'affaire devant les tribunaux, selon moi, c'est le fait que la Chine n'est pas assujettie à la Cour pénale internationale, et si nous nous adressons à la Cour internationale de Justice, la Chine niera probablement qu'elle a compétence en la matière.
Voilà pourquoi il est essentiel que le Canada fasse tout d'abord preuve de résolution en appliquant les sanctions Magnitski, puis en collaborant avec ses alliés, particulièrement si la future administration américaine se montre disposée à travailler avec tous les pays démocratiques, afin d'élaborer ensemble une stratégie démocratique pour exercer de plus en plus de pression sur la Chine, notamment avec le concours du secteur privé, pour qu'elle mette fin à ses actions.
Ce sera un effort de longue haleine. L'affaire sera très complexe, mais nous devons commencer, et commencer maintenant.
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En clair, vous nous dites qu'il faut adopter une approche multilatérale en réaction à la déclaration de l'ambassadeur de la Chine. Vous nous indiquez en outre que nous devrions tirer parti des moyens coercitifs dont nous disposons ici, à l'échelle locale, notamment du contrôle économique.
Nous savons qu'un institut australien a dressé une liste d'environ 80 entreprises qu'il nomme, comme Nike, Adidas et d'autres, dont les chaînes d'approvisionnement sont remises en question. Nous entendons parler des produits capillaires et du coton, dont 84 % sont fabriqués dans la région autonome ouïghoure, dans l'Est du Turkestan, dans la région du Xinjiang. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Il est également question de l'équipement de sécurité, et de la manière dont notre technologie pourrait en fait appuyer les activités de sécurité et de surveillance dans les camps de concentration.
Pourriez-vous traiter de ces deux points, soit ceux des chaînes d'approvisionnement et des appareils de sécurité?
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous nos témoins de participer à la séance d'aujourd'hui. Hier, bien entendu, nous avons entendu des témoins, qui ont livré des témoignages fort émouvants qui étaient très difficiles à entendre dans bien des cas. J'aimerais qu'aujourd'hui, nous ayons une bonne discussion sur les propositions que nous pouvons présenter.
Je commencerai en me faisant un peu l'avocate du diable, pas nécessairement parce que je n'approuve pas la loi Magnitski ou l'interpellation d'individus, mais simplement pour faire la lumière sur les conséquences.
Monsieur Browder, je vous interrogerai, puis je poserai peut-être des questions à M. Mendes par la suite.
Nous savons que la loi Magnitski cible des personnes et n'a en fait aucune incidence sur le régime sous-jacent. Comment pouvons-nous induire des changements systématiques et généralisés en Chine, pas seulement dans le dossier des Ouïghours, mais aussi dans le cas de Hong Kong et de Falun Gong, en nous attaquant à une personne à la fois? C'est une question. L'autre est la suivante: quand on cible des personnes, pourrions-nous nuire à notre capacité de recourir à la diplomatie et à la persuasion si on accentue nos mesures et crée la confrontation?
Peut-être pourriez-vous nous donner tous les deux votre avis à ce sujet. Je pense savoir ce que vous allez dire, mais j'aimerais vous entendre le dire de vive voix.
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L'avantage de la loi Magnitski, c'est qu’elle ne sanctionne pas le pays. Pourquoi est-ce un avantage? Comme un grand nombre de personnes sont également victimes du régime en Chine, on se retrouve à sanctionner les victimes plutôt que les acteurs. Je ne pense pas que le Canada ait quoi que ce soit contre le peuple chinois; c'est avec les architectes du génocide et le gouvernement chinois que le Canada et le monde ont maille à partir.
L'autre avantage de la loi Magnitski, c'est que si quelqu'un proposait maintenant que le monde rompe ses relations commerciales et diplomatiques avec la Chine en raison de cette affaire, tout le monde dirait que c'est complètement irréaliste et que cela ne se produira jamais. La Chine est un acteur commercial, financier et diplomatique bien trop important. La loi Magnitski a ici l'avantage de permettre aux gouvernements du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni et d'autres pays d'imposer de véritables sanctions aux gens qui commettent de réelles exactions, tout en restant réalistes et en ne mettant pas tout bonnement fin à leurs relations commerciales et diplomatiques avec la Chine. Voilà ce que je qualifierais de mesure intermédiaire puissante, dont l'envergure ne se compare en rien à celle d'un génocide.
Je devrais faire remarquer en passant qu'il n'est pas nécessaire de prouver l'existence d'un génocide pour appliquer la loi Magnitski. Ce n'est pas nécessaire. On peut l'appliquer en raison de violations des droits de la personne. Ces violations sont définies de façon claire, alors que le génocide peut l'être ou pas. Je pense qu'il l'est. Dans la situation présente, les personnes qui commettent un génocide satisfont déjà au seuil. Vous pouvez intervenir; c'est politiquement possible, et vous n'avez pas à faire cavalier seul. Vous pouvez collaborer avec le Royaume-Uni et les États-Unis. Vous pouvez intervenir de manière à faire comprendre que ce n'est pas acceptable et que la situation ira en s'envenimant dans l'avenir.
C'est vrai qu'une partie des combattants ouïghours qui mènent la lutte contre les mesures répressives du gouvernement chinois font partie d'organisations islamistes terroristes. Certaines de ces organisations sont reconnues comme telles, y compris par le gouvernement canadien. Je parle notamment du Parti islamiste du Turkestan, mais il y en a d'autres.
Le problème, c'est que la Chine les représente tous comme des combattants faisant partie de cette mouvance internationale djihadiste. En vérité, quand on regarde les données, par exemple le nombre de combattants ouïghours à Guantanamo ou le nombre de combattants ouïghours arrêtés après le démantèlement de Daech, on se rend compte qu'ils se comptent par dizaines, et non par centaines comme le gouvernement chinois le prétend.
Oui, il y a une partie des jeunes qui se radicalisent, ce qui n'est pas surprenant dans la mesure où ils n’ont pas d'autres tribunes ou façons de s'exprimer. Ils n'ont pas de voix ou de marge pour agir, et cela a créé un milieu favorable au recrutement, y compris par les écoles coraniques et des mouvements djihadistes internationaux. Cependant, je vous répète que ce sont des groupuscules, de tout petits groupes. On ne peut pas dire que, même parmi les diverses organisations ouïghoures plus ou moins radicales, ils sont tous d'inspiration islamiste terroriste. Oui, il y en a quelques-uns, mais c'est une minorité.
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Je peux répondre à cette question en premier.
En ce qui concerne l'ombudsman, vous n'ignorez pas qu'il existe une controverse quant au fait qu'il existe ou non des outils suffisants pour pouvoir accomplir ce que les ONG et d'autres intervenants veulent faire. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un mécanisme adéquat. Selon moi, le bon mécanisme, c'est une loi qui vient d'entrer en vigueur le 1er juillet 2020 au titre de l'Accord commercial Canada-États-Unis-Mexique, laquelle stipule que l'importation de produits fabriqués en tout ou en partie grâce au travail forcé devrait être interdite.
Comment pouvons-nous appliquer cette mesure? Le projet de loi , qui est parrainé par John McKay, un de vos collègues, et une sénatrice, exigerait que les entreprises rendent obligatoirement des comptes pour prouver qu'elles ont effectué toutes les vérifications nécessaires pour s'assurer qu'elles n'importent pas des produits étant le fruit de l'esclavage moderne ou du travail forcé. Certains ont affirmé que pareille mesure ne va pas assez loin.
Je recommande au Sous-comité et au Comité de s'intéresser à ce que font des pays comme la France, qui prennent à mon sens des mesures fort efficaces. Il faut adopter une loi sur la diligence raisonnable qui oblige les entreprises à démontrer à l'avance qu'elles ne recourent pas à l'esclavage moderne ou au travail forcé, et qui exige que les hauts dirigeants de ces entreprises déclarent à l'avance qu'ils se sont assurés qu'aucun produit n'est le fruit du travail forcé, à défaut de quoi ils s'exposent à des sanctions.
Je pense que nous devrions nous inspirer de l'Europe, et certainement de la France, pour réfléchir à la manière dont nous pouvons en faire plus que nous ne le faisons déjà. Je ne suis pas certain que l'ombudsman constitue un mécanisme suffisant pour intervenir à cet égard.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Il y a énormément de thèmes qu'on peut aborder dans ce dossier.
S'il est un point que je retiens des témoignages de M. Browder et de Mme Kanji, c'est le fait que dans le cadre des efforts de défense des droits de la personne, il semble que nous ayons trouvé des mécanismes comme la loi Magnitski, des doctrines et la responsabilité de protéger, mais ces mécanismes exigent tous l'intervention du pouvoir exécutif. Dans bien des cas, le problème ne vient pas d'une absence d'outils, mais de l'inaction du pouvoir exécutif. Je me demande si nous devons développer quelque peu ces doctrines en obligeant le pouvoir exécutif à agir plus efficacement dans des cas comme celui-ci, peut-être en instaurant des déclencheurs automatiques qui l'obligent à imposer les sanctions Magnitski et à admettre le génocide afin d'honorer ses obligations quand un génocide est commis.
Personne ne l'a souligné, mais si les États-Unis ont imposé des sanctions, ce n'est pas parce que les hautes instances ont agi de leur propre chef, mais parce que la Uyghur Human Rights Policy Act oblige l'administration Trump à réagir.
J'aimerais savoir si Mme Kanji et M. Browder jugent que nous devrions faire plus que conférer des outils au pouvoir exécutif et l'obliger à intervenir quand il y a des preuves éclatantes d'un génocide ou des violations flagrantes des droits de la personne.
M. Browder pourrait répondre en premier, puis Mme Kanji pourra intervenir ensuite.
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Lorsque vous examinez les moyens de faire agir cette soi-disant deuxième superpuissance du monde, vous devez vous intéresser à ce dont elle se soucie le plus. Ce dont la Chine se soucie le plus en ce moment, c'est de la croissance économique. Beaucoup de ce qu'a promis le parti communiste à son peuple, c'est, en gros, tant que nous vous promettons la croissance économique, vous respectez le fait que nous sommes au pouvoir et nous pouvons faire ce que nous voulons. C'est le pacte conclu par le parti communiste chinois.
Cela dépend aussi de la coopération du reste du monde avec la Chine pour cette croissance économique, que ce soit dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, que ce soit en matière d'investissements ou de relations d'affaires, etc. C'est là qu'il me semble essentiel de ne pas se contenter d'une approche multilatérale, si vous voulez, mais de faire également intervenir le secteur privé. Il faudrait trouver un moyen de travailler avec divers domaines du secteur privé d'autres pays et de trouver un terrain d'entente afin de prévenir le travail forcé, le travail des enfants, et d'éviter les situations dans lesquelles ils pourraient se retrouver complices de violation des droits de la personne ou à favoriser les violations des droits de la personne dans ces pays, par exemple en fournissant des technologies de surveillance. Je pense que cela sera beaucoup plus efficace pour convaincre la Chine que de faire des déclarations, etc.
Je crois qu'il faut que les pays démocratiques travaillent ensemble. Je crois qu'il nous faut un leadership politique. C'est pourquoi j'ai trouvé très encourageant que l'ancien vice-président, M. Biden, dise que l'un de ses principaux objectifs est d'organiser un sommet démocratique afin de prendre en main ce type de problèmes. Nous devrions dire dès maintenant au futur président des États-Unis: « Nous sommes avec vous. Nous allons travailler avec vous. Nous allons travailler de concert avec les pays démocratiques pour voir comment nous pouvons mettre cela en place au niveau politique, au niveau du gouvernement et au niveau du secteur privé et voir comment trouver un moyen de travailler ensemble ».
Et je l'espère, nous aurons des champions comme M. Bill Browder, qui a la crédibilité nécessaire pour promouvoir cela aux États-Unis et je suis sûr qu'il le ferait si nous le lui demandions.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais commencer par adresser quelques questions à M. Mendes. J'ai raté l'occasion tout à l'heure de poser des questions sur l'idée d'exercer une pression sur le secteur privé et comment cet outil peut être mis à profit.
Vous avez dit que l'ombudsman canadien n'avait pas beaucoup de pouvoir, qu'il n'avait pas les moyens de faire le travail qu'il a besoin de faire. C'est quelque chose qui me tient très à cœur et sur laquelle j'ai travaillé pendant plusieurs années.
Selon vous, est-il possible d'élargir la compétence de l'ombudsman pour le rendre plus efficace?
Et aussi, à quelles autres lois pensez-vous que le gouvernement du Canada et les parlementaires canadiens devraient réfléchir pour l'avenir en vue de disposer de lois pertinentes et fortes contre l'esclavage, comme celles qui existent en France, comme vous l'avez mentionné?
Pouvez-vous nous en dire davantage, s'il vous plaît?
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Pour ce qui concerne l'ombudsman, l'une des critiques exprimées par la société civile, que vous devriez examiner, c'est que c'est surtout sur une base volontaire. Le secteur privé n'a de fait aucune obligation de se conformer aux décisions de l'ombudsman. En deuxième lieu, il n'a pas la compétence, aux termes de la Loi sur les enquêtes, d'exiger de la documentation, etc. Il n'a pas le pouvoir d'enquêter, pouvoir qui à son tour permettrait aux entreprises de voir l'ombudsman comme un outil puissant, qui pourrait les contraindre à respecter les règles concernant l'esclavage moderne, le travail forcé, le travail des enfants, etc.
Je suggère d'examiner attentivement ce que les autres pays ont fait, les mesures qui ont reçu l'approbation des gens qui vivent cela au jour le jour. Par exemple, les lois françaises de diligence raisonnable exigent des entreprises, à l'avance, qu'elles produisent des documents à cet effet, à savoir qu'ils ont bien vérifié, dans leur chaîne d'approvisionnement, qu'il y a ou non des cas de travail des enfants, de travail forcé, etc., documents signés par le plus haut niveau de la hiérarchie. S'ils négligent de le faire, il peut y avoir des conséquences réelles. En d'autres termes, d'un acte purement volontaire, cela devient un pouvoir d'enquêter et d'engendrer des conséquences. C'est une chose.
Mon ordinateur a planté avant que je puisse répondre à la deuxième question que vous m'avez posée. C'était une bonne question pour se faire l'avocat du diable. C'était, que se passerait-il si les Chinois décidaient d'ignorer ce que nous disons et suggérons?
C'est là que je tiens à préciser un point. J'ai passé 15 ans de ma vie professionnelle comme chercheur en Chine dans toutes les meilleures universités. J'ai même rencontré quelques-unes des personnes haut placées de la Cour suprême, etc. Ce que j'ai appris c'est que le gouvernement chinois et le peuple chinois sont deux choses différentes. Les gens que j'ai rencontrés, y compris une femme de cinq pieds de haut, faisaient essentiellement la même chose que l'homme avec les deux paniers qui a arrêté le char d'assaut. Elle a aussi fait cela. Elle l'a fait parce qu'elle ne croyait pas que son propre peuple devrait écraser les étudiants sur la place Tiananmen. Je crois qu'on devrait s'intéresser à ce que fait le gouvernement. J'ai énormément d'affection pour le peuple chinois dans son ensemble. Nous devrions les distinguer de ce qui se passe au sein du Parti communiste chinois et certainement au sein des chefs actuels du Parti.
Quand je suis allé la première fois en Chine en 1993, je me suis senti entièrement libre de dire ce que je pensais sur les droits de la personne. En fait, j'ai rencontré des gens du Xinjiang et du Tibet, etc., et j'étais stupéfait de l'ouverture d'esprit et de la liberté de parole. C'était l'époque où Jiang Zemin était président. Il a permis à cette liberté de s'épanouir.
Je crois qu'on devrait insister sur le fait que ce peut être la situation fâcheuse dans laquelle s'est placé le leadership actuel du Parti communiste chinois et voir comment le reste du monde y réagit. C'est pourquoi nous avons besoin de formuler le problème d'une façon beaucoup beaucoup plus recherchée que de dire que c'est la Chine qui est le problème. Ce n'est pas la Chine le problème. C'est le leadership actuel. Même le problème de ceux qui rouspètent au sein de ce leadership parce qu'on s'est débarrassé de l'idée de leadership collectif, leadership collectif qui aurait dû être conservé en Chine selon Deng Xiaoping.
On joue aux échecs à un seul niveau. Ce que le Canada doit faire et ce que le reste du monde démocratique doit faire, c'est de jouer aux échecs à trois ou quatre niveaux, pour essayer de trouver un moyen de remédier à ce niveau d'agression. Il n'est pas seulement au Xinjiang. Il est aussi présent à Hong Kong. Il est présent pour nos deux Michael. Il est aussi en mer de Chine méridionale et pourrait éventuellement dévaster le monde entier. Il pourrait aussi se retrouver à Taïwan.
Ce que je suggère, c'est que pour la Chine, le Canada devrait jouer sur beaucoup de niveaux différents pour régler la situation.
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Merci, monsieur le président.
Ma question est adressée à M. Browder encore une fois.
Vous dites que vous êtes au Royaume-Uni. Le ministre des Affaires étrangères britannique a récemment exprimé sa profonde inquiétude quant à la condition de la communauté ouïghoure en Chine. En réponse, lors d'une entrevue à la BBC, l'ambassadeur de Chine a nié catégoriquement l'existence de camps de concentration. Il a de plus déclaré que le peuple ouïghour vivait libre et heureux en Chine. Selon lui, les images de la vidéo dont nous avons parlé dans le témoignage d'hier, d'hommes ouïghours avec les yeux bandés qu'on rasait et qu'on mettait dans des trains, sont de fausses nouvelles.
Le ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni n'est pas allé jusqu'à utiliser le terme génocide, mais il a dit qu'il envisageait d'imposer des sanctions à la Chine, au gouvernement chinois.
Que pouvons-nous faire pour imposer un front plus uni et mieux organisé? Les États individuels craignent, semble-t-il, de prendre ces mesures contre la Chine, particulièrement lorsque le représentant chinois répond que si le Royaume-Uni le fait, la Chine en fera autant?
M. Browder, pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez, s'il vous plaît.
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J'ai regardé cette entrevue de l'ambassadeur chinois, comme l'ont fait la plupart des gens ici au Royaume-Uni. Nous avons tous été consternés par ses réponses et réconfortés par les techniques fortes utilisées par le journaliste qui a procédé à l'entrevue, M. Andrew Marr.
Pour ce que cela vaut, le désir de faire quelque chose pour les Ouïghours et de faire plus que ce qui a été fait jusqu'à présent est à son paroxysme au sein de tous les partis de la classe politique. M. Dominic Rabb, le ministre des Affaires étrangères n'a pas encore, et permettez-moi d'insister sur le terme « encore », annoncé les sanctions conformément à la loi de Magnitski. Je crois qu'il serait plus facile de le convaincre de le faire si le Canada le faisait en même temps et sanctionnait les mêmes quatre personnes. Si le Royaume-Uni les sanctionnait et que le Canada sanctionnait les mêmes quatre personnes que les États-Unis viennent de sanctionner, je crois que ce serait la solution.
Quant à mes prévisions, le Royaume-Uni vient de mettre en œuvre la loi de Magnitski, il y a à peine deux semaines. Ils ont sanctionné 25 Russes, environ 20 personnes d'Arabie Saoudite et quelques-unes du Myanmar et de Corée du Nord. Je serais surpris si... Étant donné la situation avec la Chine, étant donné ce qui se passe à Hong Kong, étant donné le fait que le Royaume-Uni vient d'annuler le traité d'extradition avec Hong Kong et étant donné que le Royaume-Uni a offert aux ressortissants britanniques de Hong Kong résidant à l'étranger la possibilité de devenir des citoyens, il ne me semble pas qu'ajouter quatre noms à la liste Magnitski et que démarrer le processus soit un trop grand pas en avant.
Il est possible que je me trompe. Il est très imprudent de faire des prédictions politiques, mais ce que je comprends de l'atmosphère ici au Royaume-Uni, c'est qu'il va se passer quelque chose. M. Dominic Rabb, le ministre des Affaires étrangères, m'a dit qu'il avait déjà parlé avec votre ministre des Affaires étrangères de la loi de Magnitski il y a quelque temps, alors j'espère que c'est quelque chose dont ils reparleront ensemble.
Madame Kanji, vous avez souligné ce genre d'approche, disons schizophrénique en quelque sorte, de l'État chinois envers l'Islam, où d'un côté ils perpètrent un génocide chez eux, mais le soutiennent à l'étranger. Ils cherchent à éradiquer l'Islam, mais en même temps, ils prétendent tendre une main amicale aux pays à majorité musulmane, à des pays qui ont été très silencieux dans leur réponse. Cela fait partie du colonialisme d'État de l'État chinois dont vous parliez. J'ai deux questions à propos de cela.
Tout d'abord, que pouvons-nous faire pour retirer notre soutien au colonialisme d'État chinois en Asie, comme par exemple nous retirer de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures et ne pas soutenir l'initiative la Ceinture et la Route? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
En deuxième lieu, comment pouvons-nous travailler plus efficacement avec les pays à majorité musulmane et créer des partenariats afin de nous opposer au colonialisme d'État chinois et de présenter une réponse commune à la situation des Ouïghours?
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La participation du Canada dans l'initiative la Ceinture et la Route serait extrêmement périlleuse, étant donné, comme l'a décrit Mme Alexeeva, l'investissement énorme consenti pour exercer un contrôle sur la région du Xinjiang, précisément à cause de l'importance géopolitique qu'elle revêt pour l'initiative la Ceinture et la Route.
D'autres types de participation économique dans la région du Xinjiang sont également problématiques pour le Canada. Par exemple, les sociétés minières canadiennes investissent dans des projets au Xinjiang, qui est riche en ressources. Des rapports indiquent, par exemple, que Dynasty Gold Corp. exploite une mine au Xinjiang.
Ce sont des projets d'entreprises canadiennes de ce type qui doivent être examinés pour s'assurer que des entités canadiennes ne sont pas elles-mêmes complices du projet colonial au Xinjiang.
Pour la mise en place d'un partenariat plus serré avec l'OCI et les pays à majorité musulmane en vue d'une solution, je crois qu'il faut comprendre que beaucoup de pays musulmans sont à l'heure actuelle très dépendants économiquement de la Chine, par l'initiative la Ceinture et la Route et d'autres projets de développement d'infrastructures. Ce sont précisément ces intérêts et ces imbroglios économiques qui empêchent les pays musulmans de prendre une position forte vis-vis des Ouïghours et en réalité les poussent à activement occulter, voire soutenir ces projets chinois.
Au contraire, c'est précisément parce que le Canada n'est pas de cette façon dépendant économiquement de ces projets chinois que cela lui permet d'avoir une voix plus forte.
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Bienvenue à tous. Notre second groupe de témoins s'est joint à nous.
Je voudrais juste dire que, depuis un jour et demi, nous avons devant nous des témoins extraordinaires et remarquables. Je sais que ce sera le cas pour nos prochains témoins, qui nous raconteront leur histoire personnelle ainsi que ce qu'ils ont vu, entendu et appris.
Nos deux prochains témoins parlent ouïghour et ne parlent pas anglais. Nous avons un interprète pour la langue ouïghoure, M. Kayum Masimov, qui est ici en personne. Bien sûr, nos témoins comparaîtront par vidéoconférence.
Nous avons donc M. Omerbek Ali, activiste des droits des Ouïghours. Nous avons également Mme Gulbahar Jelilova, qui est aussi une activiste des droits des Ouïghours.
Avant de commencer, je voudrais dire qu'avec de l'interprétation consécutive à partir de la langue ouïghoure, cela prendra un peu plus de temps. L'interprétation est consécutive pour des questions de disponibilité des interprètes et des considérations technologiques. Pour une troisième langue en interprétation consécutive, il nous faudrait six cabines, et à cause de la distanciation sociale, il n'est possible d'avoir que quatre cabines. Ainsi, lorsque vous posez des questions, veuillez s'il vous plaît vous arrêter pour permettre l'interprétation.
L'étude est télévisée et diffusée par le site Web de la Chambre des communes.
Nous allons commencer par l'exposé de M. Omerbek Ali.
Vous avez environ six minutes, mais nous nous adapterons. Cela n'inclut pas le temps de l'interprétation consécutive.
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Le témoin parle ouïghour et est interprété comme suit:]
Je vous salue. Je suis en Hollande en ce moment. Je m'appelle Omerbek Ali. Je suis né le 30 avril 1976, dans le comté de Pichan de la ville de Turpan. Je suis diplômé du collège de haute technologie.
J'étais employé dans la ville de Karamay jusqu'en 2006. Pendant mon emploi, j'ai fait l'objet de discrimination salariale. Je ne pouvais pas vivre une vie normale sans pécher contre ma religion. À cause de mon origine ethnique et de mes croyances religieuses, j'étais constamment arrêté et interrogé par la police tous les mois et même toutes les semaines. La police perquisitionnait fréquemment mon domicile et je ne pouvais même pas sortir dans la rue, car mon identité était sur liste noire. À cause de tous ces obstacles présents dans ma vie, et pour pouvoir continuer à vivre dignement j'ai été forcé d'immigrer au Kazakhstan.
Jusqu'en 2014, j'ai travaillé dans le commerce des textiles, puis je suis passé au commerce des meubles et puis, jusqu'en 2017, j'ai été employé à l'agence de voyages Tumar tout à la fois en tant que directeur adjoint, guide touristique et interprète du chinois.
En 2017, l'exposition internationale d'Astana a eu lieu et sur invitation du côté chinois, je suis allé à Urumqi. Une fois nos réunions d'affaires terminées, je suis allé voir mes parents le 25 mars autour de 23 heures.
À 10 heures du matin, cinq policiers sont venus m'arrêter avec force, bien qu'ils n'aient eu aucun mandat d'arrestation en leur possession. Ils m'ont conduit au poste de police où ils m'ont pris tout mon argent, mon passeport et tous mes papiers d'identité. De là, ils m'ont emmené dans un endroit différent, qui ressemblait à un hôpital. Là, j'ai subi un examen poussé de ma peau, de mes reins, de mon foie et une analyse d'urine.
Pendant tout ce temps, j'avais une capuche noire sur la tête. Je ne pouvais voir personne. J'ai commencé à avoir peur. Puis ils m'ont enlevé la capuche noire et ils ont commencé à examiner mon iris, mes yeux. J'ai eu très peur. J'ai eu l'impression, avec un examen aussi attentif, qu'ils allaient m'abattre. J'ai commencé à avoir très peur. Encore maintenant, quand je vois des blouses blanches de médecins, j'ai peur. C'est pourquoi je ne vais jamais à l'hôpital, sous aucun prétexte.
Le même soir, j'ai été emmené à la prison du comté. Une trentaine d'hommes environ étaient détenus avec moi. On nous a donné un petit pain cuit à la vapeur et une soupe aqueuse pour le petit déjeuner. Pour le déjeuner, on nous a servi un légume bouilli qui ressemblait à une aubergine et de nouveau un petit pain à la vapeur. Même chose pour le dîner. Pour obtenir cette nourriture, il nous fallait chanter trois chants communistes avant et après le repas. Ces chants parlaient du Parti communiste et de Xi Jinping, et en chinois cela ressemblait à « Nous rendons grâce au Parti communiste chinois, à la patrie, au président Xi. Nous souhaitons une bonne santé au président Xi, nous souhaitons force et prospérité à la patrie, nous souhaitons harmonie et unité au peuple de notre pays ».
Le 3 avril, on m'a conduit dans un autre sous-sol de la prison de la ville de Karamay, au quartier général de la police. Là, j'ai subi des tortures très cruelles. J'ai été électrocuté. J'ai été pendu à quelque chose. J'ai été flagellé avec des fils de fer. On m'a inséré des aiguilles. J'ai été battu avec des bâtons de caoutchouc et on a utilisé des tenailles sur moi. Soumis à ces outils de torture sauvages, j'ai été forcé de confesser des crimes que je n'avais jamais commis. Ils m'ont accusé de crimes contre la sécurité nationale, d'inciter, d'organiser et de couvrir des activités terroristes. Ils me disaient même que j'essayais de créer une organisation terroriste ou que je prenais des terroristes sous ma coupe. On a porté contre moi des accusations de favoritisme.
J'ai refusé catégoriquement de signer ces documents. J'ai insisté sur le fait que j'étais innocent. Je leur ai demandé pourquoi j'étais forcé de confesser des crimes que je n'avais jamais commis, pourquoi ils me torturaient, je leur ai dit que j'étais un homme innocent. Ils m'ont demandé si j'étais Kazakh, musulman, Ouïghour. Ils ont dit qu'il n'y avait pas de différence, que nous étions tous des terroristes, et ils m'ont forcé à signer les documents. Je me suis opposé à signer ces documents.
J'étais avec d'autres détenus. Dans une cellule, il y avait environ 37 à 40 personnes. Dans un corridor, il y avait 17 cellules. Il y avait 34 ailes de chaque côté, et quatre autres immeubles comme celui-là. On forçait toutes les personnes détenues dans ces endroits à avouer ce genre de crimes, qu'elles n'ont pas commis. Elles étaient toutes soumises à la torture. C'était très exigeant psychologiquement. Personne ne peut être en bonne santé après avoir été éduqué de la sorte.
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La témoin s'exprime en ouïghour et en russe, et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Merci beaucoup, et bonjour à tous. Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée. J'aimerais raconter ma triste histoire et parler de la situation tragique de mon peuple.
Je m'appelle Gulbahar Jelilova. Je suis citoyenne du Kazakhstan. Tous mes ancêtres, tous les membres de ma famille, sont nés au Kazakhstan. Je suis mère de quatre enfants. J'ai très peu de temps, mais je ferai de mon mieux.
Pendant 20 ans, j'ai exploité une petite entreprise à Urumqi. Je me suis rendue dans cette ville, qui est au Turkestan oriental, pour la première fois en 1996. J'ai été arrêtée le 22 mai 2017. À vrai dire, j'ai été enlevée de l'hôtel où je restais à Urumqi, l'hôtel CU.
Trois policiers et deux policières sont venus me chercher à l'hôtel et ont commencé à m'interroger. On tentait de me forcer de signer des documents. On m'a interrogée de 8 heures à 11 h 30, et je n'ai pas pu comprendre les documents qu'on m'a donnés. Je leur disais que je ne comprends pas l'ouïghour ni le chinois. Je les ai priés de me faire voir un représentant consulaire ou un interprète pour m'expliquer ce que je devais signer. J'ai appris plus tard qu'on a écrit mon nom dans le journal régional et dit que je commettais des actes terroristes.
Je n'ai pas signé, et on m'a menée à une autre prison, qu'on appelle la prison Sankan. C'est la troisième prison. J'y suis entrée, et on a immédiatement pris des échantillons de mon sang et de mon urine. Le même jour, on m'a enchaînée, et les chaînes pesaient cinq kilogrammes... On a pris des échantillons de mon urine pour voir si j'étais enceinte. Si je l'avais été, on m'aurait fait avorter sur-le-champ ou mené à la prison.
Comme vous pouvez le voir sur la photo, il y a un certain nombre de cellules. Il y a la photo d'une cellule. On m'a mené à la cellule numéro 714. C'est exactement la même. Vous pouvez voir une toilette transparente; tout le monde peut voir ce qui s'y trouve.
Chaque semaine, on nous faisait avaler deux pilules. Il y avait une petite ouverture dans le mur, et on nous donnait une tasse d'eau et ces deux pilules. Nous devions les prendre et leur montrer que nous les avions avalées. Tous les 10 jours, on nous injectait un médicament dans les mains, sans nous dire de quoi il s'agissait.
Nous passions des mois sans prendre de douche. Nous n'avions d'autre choix que de dormir sur le lit de métal. Il n'y avait aucune hygiène, aucune eau courante. La situation sanitaire était déplorable. En l'espace d'un mois, tous les détenus avaient des poux dans leurs cheveux, et on nous a tous rasés. Nous avions des éruptions cutanées et des plaies partout sur le corps. Nous n'avons pas pu nous doucher pendant des mois.
On nous amenait parfois ailleurs. Il y avait deux types de cellules. La cellule souterraine munie de caméras et celle à l'extérieur sans caméras. On emportait les détenus en leur recouvrant la tête d'une cagoule noire, et les gardiens faisaient ce qu'ils voulaient de nous.
Nous étions assis de cette façon sur une chaise. Ils insistaient et nous demandaient à répétition de signer des documents. Je leur demandais pourquoi je signerais quelque chose que je ne comprends pas. Je leur demandais ce qu'il était écrit. Ils insistaient sans relâche, et ils me menaient à la prison à défaut d'avoir signé.
Ils m'ont mené une fois à la prison extérieure sans caméras, et j'ai été forcée de rester assise sur une chaise pendant 24 heures sans nourriture ni rien d'autre. Je résistais encore, et ils me battaient et m'électrocutaient. À la fin, un gardien a baissé son pantalon et m'a forcé de faire quelque chose dont je ne vais pas parler. C'est ce qui se fait actuellement.
J'ai vu des filles disparaître pendant 24 heures. On les a torturées. On leur a glissé des aiguilles sous les ongles. On leur a percé les joues avec des aiguilles. Certaines disparaissaient pour de bon.
On a même fait une fausse carte d'identité selon laquelle j'étais citoyenne chinoise afin que le consulat de mon pays ne me trouve pas. On me torturait de cette façon.
J'ai passé du temps avec des filles qu'on a condamnées à mort. En fait, on n'abat plus les prisonniers; on les tue par injection.
Les documents que je montre sont des originaux. Ce sont les lettres écrites par mes enfants pour dire que je ne suis pas terroriste. Ils essayaient d'obtenir ma libération. Mes enfants ont fait parvenir ces lettres à Poutine, et une de ces lettres s'est retrouvée aux Nations unies. Je crois avoir ensuite été libérée grâce à ces documents.
J'ai perdu 20 kilogrammes. J'ai perdu la vision. Je n'avais plus de cheveux.
J'ai été libérée. On m'a nourri pendant une semaine. On a pris soin de moi. On m'a donné du maquillage. Mes cheveux avaient blanchi, et on les a donc teints une autre couleur. On a pris toutes ces mesures. On m'a donné un visa, un visa normal. On m'a parlé et on m'a dit que je devais garder le silence, que si je n'arrêtais pas de parler, on allait me trouver, car la Chine a le bras long. On m'a dit qu'on allait me trouver et me tuer, peu importe l'endroit dans le monde.
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Le témoin s'exprime en ouïghour et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi: Je vais tenter de dire quelques mots sur la question.
Je vais parler de mon expérience personnelle. J'ai été détenu à Karamay pendant huit mois, et 90 % des détenus étaient des bureaucrates, des professeurs, des enseignants ou des personnes venant du secteur de la production pétrolière. Même s'il n'y a pas de preuve tangible, je peux affirmer d'après mon expérience parmi ces détenus, ces personnes, qu'ils n'ont certainement pas besoin d'établissements d'enseignement pour poursuivre leurs études.
Je crois que, compte tenu des pressions internationales, l'État chinois tente actuellement de répartir le gros de la population de détenus dans la Chine intérieure. Ils travaillent dans des conditions déplorables. Même s'il n'y a pas de preuve, c'est ce que je suppose, c'est-à-dire que les pressions exercées font en sorte que des détenus sont transférés à des sites dans la Chine intérieure.
La campagne génocidaire cachée de la Chine se poursuit. À mon avis, si les États-Unis ou le Canada donnaient à une commission le mandat de vérifier les faits sur le terrain, et que les membres de cette commission se rendaient d'une maison à l'autre pour enquêter, beaucoup plus de renseignements seraient mis au jour. Nous connaîtrions alors vraiment la gravité de la situation sur le terrain.
Merci à vous tous.
Permettez-moi de répondre à ce que Mme Jelilova a déclaré à propos de la responsabilité. Que va-t-il arriver à ceux qui jouent un rôle dans ces crimes horribles? C'est une question avec laquelle nous, les membres du Comité, devons nous débattre, en cherchant à mettre fin à l'impunité de ceux qui sont impliqués dans ces crimes et en tentant de garantir la responsabilité. Nous essayons de le faire notamment par le biais de sanctions Magnitski, en disant à ceux qui participent à ces abus qu'ils ne pourront pas transférer leur argent ou se rendre dans un autre pays, et qu'ils subiront des conséquences s'ils tentent de partir.
Je vais poser deux questions ensemble, et vous pourrez répondre aux deux comme vous le souhaitez.
La première question consiste à vous demander votre avis sur les mécanismes de responsabilité appropriés.
Ma deuxième question porte sur la susceptibilité générale du Kazakhstan et d'autres pays d'Asie centrale d'être influencés par l'État chinois. Quelle est la nature de la discussion sur ce qui arrive aux Ouïghours en Asie centrale? Que pouvons-nous faire pour renforcer la réponse collective et réduire la dépendance des pays de la Chine et de ses environs, une dépendance qui limite leur capacité de réagir efficacement à ce qui se passe?
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[
Le témoin s'exprime en ouïghour et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Je vous ferai part de mon opinion sur cette question. Je vous remercie de poser une question aussi intéressante et importante.
J'invoquerais la résolution sur le peuple ouïghour adoptée par le Congrès américain. Si seulement le Canada pouvait la suivre, ce serait un pas dans la bonne direction.
Ensuite, joignez-vous à des pays démocratiques aux vues similaires, comme le Japon et le Parlement européen, et annoncez un embargo contre la Chine. Si nous ne prenons pas de mesures concrètes pour exercer des pressions sur les intérêts commerciaux de la Chine, les camps de la mort du Turkestan oriental continueront de fonctionner. Ces mesures visent essentiellement à faire front commun contre l'influence chinoise actuelle avec des pays qui partagent vos vues.
En ce qui concerne l'Asie centrale, je pense personnellement que nous ne pouvons pas et ne devons pas attendre grand-chose de ces pays. Ces pays sont complètement corrompus. Ils sont pris en otage par l'influence chinoise actuelle. J'exclurais toute tentative d'influencer les États d'Asie centrale à ce stade.
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[
Le témoin s'exprime en ouïghour et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
J'aimerais ajouter quelque chose et vous poser une question.
Premièrement, j'étais interprète, en quelque sorte. Je suis complètement bilingue; je parle couramment le chinois. J'étais directeur et je gagnais environ 2 000 $ par mois. Ma situation était bonne. Avais-je besoin d'un diplôme quelconque?
Deuxièmement, mon propre père, qui était retraité, parlait couramment le chinois. Il était diplômé. Avait-il besoin d'un autre diplôme quelconque?
On parle d'intellectuels, de gens du commerce, de personnes assez riches, et le reste. Alors, je vous le demande, ces gens ont-ils besoin d'un diplôme quelconque?
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[
Le témoin s'exprime en ouïghour et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Une fois sorti de prison, j'ai donné une entrevue à un journaliste de la BBC. Au cours de cette entrevue, j'ai évoqué la question du prélèvement d'échantillons d'ADN ouïghour, et j'ai mentionné le prélèvement d'organes. J'ai également mis le journaliste en garde contre l'élaboration d'armes bactériologiques menée par la Chine. J'ai formulé ces mises en garde au cours de chaque entrevue et de chaque réunion, que ce soit au Japon ou en République tchèque. À l'époque, personne n'y prêtait attention. Soudain, dans le contexte actuel, tout le monde s'est réveillé. Maintenant, ils disent: « Oh, M. Ali nous a parlé de cela. » Mon message est que nous devons prêter attention au PCC. Si ces atrocités ne cessent pas, nous vivrons des situations encore plus graves, et le pire est à venir.
Je voudrais conclure en demandant que nous unissions nos efforts à l'échelle internationale à ceux des diverses ONG, comme Amnistie internationale, de comités interparlementaires ou de différents États ou pays partageant les mêmes idées, afin de mettre fin à ces atrocités et de faire front commun dans cette campagne anti-chinoise visant à arrêter tout ce qui se passe. Je demande au gouvernement canadien de se montrer prévenant envers les réfugiés ouïghours bloqués dans des pays tiers comme la Turquie. Ces réfugiés ouïghours sont en train de devenir apatrides. Ils font face à des difficultés là-bas. Pour des motifs d'ordre humanitaire, je voudrais de nouveau attirer votre attention sur ce sujet.
Je vous remercie infiniment une fois de plus d'avoir pris le temps d'entendre mon témoignage.
Conformément à la motion adoptée par le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international le 20 février 2020, le Sous-comité se réunit pour la deuxième fois aujourd'hui afin de poursuivre son étude de la situation des droits de la personne du peuple ouïghour.
Les témoins d'aujourd'hui comparaissent par vidéoconférence. Les délibérations du Sous-comité seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes. Je tiens à remercier notre greffière et notre équipe technique d'avoir aidé les témoins à configurer leur équipement et à établir la connexion.
L'interprétation de cette vidéoconférence fonctionnera pas mal de la même façon qu'au cours d'une séance ordinaire du Comité. Au bas de votre écran, vous pouvez sélectionner le canal du parquet, de l'interprétation anglaise ou de l'interprétation française. Si des difficultés techniques surviennent, par exemple en matière d'interprétation, ou si vous éprouvez un problème de son, veuillez en informer immédiatement le président, et l'équipe technique s'efforcera de les résoudre.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Vous ferez partie du dernier groupe d'experts de cette deuxième journée consacrée à l'étude. Nous sommes heureux de votre participation à la séance. Aujourd'hui, nous allons entendre la représentante du Center for Strategic and International Studies, Amy Lehr, directrice de l'Initiative en faveur des droits humains. Puis nous accueillerons la représentante du Uyghur Human Rights Project, Mme Elise Anderson, agente principale de programme pour la recherche et la défense des droits. De plus, Guy Saint-Jacques, consultant et ancien ambassadeur du Canada en République populaire de Chine, comparaîtra à titre personnel.
Chacun de vous disposera de six minutes pour faire sa déclaration préliminaire. Après ces déclarations, nous passerons aux séries de questions posées par les membres du Sous-comité.
Cela dit, nous allons commencer par entendre Amy Lehr.
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Chers membres du Sous-comité, je vous remercie d'avoir organisé cette audience et de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole. Je suis heureuse de vous voir vous pencher sur un sujet aussi important et urgent.
Comme il est indiqué, je suis directrice de l'Initiative en faveur des droits humains au Center for Strategic and International Studies, un grand groupe de réflexion non partisan établi à Washington, D.C. Au cours de l'année dernière, des responsables de mon programme ont mené des recherches sur le travail forcé dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang, ou XUAR.
Notre travail a conjugué des recherches dans des sources ouvertes en mandarin et des entrevues avec des personnes soumises au travail forcé. Nos conclusions à ce jour ont confirmé que les pratiques de travail forcé dans la région font partie des efforts que le gouvernement chinois déploie pour réprimer les minorités ethniques et religieuses au moyen de ce qu'ils appellent la rééducation. Le travail forcé s'ajoute aussi à une surveillance généralisée exercée dans la région.
Comme la Chine joue un rôle prépondérant dans de nombreuses chaînes d'approvisionnement internationales, les produits qui entrent aux États-Unis, au Canada, en Europe et dans d'autres pays risquent d'être entachés par le travail forcé. Aujourd'hui, j'expliquerai la façon dont le travail forcé dans la région du XUAR fait partie d'un système plus large de répression des minorités ethniques et je décrirai la pertinence du travail forcé pour les chaînes d'approvisionnement occidentales, puis nous fournirons quelques recommandations politiques qui pourraient contribuer à apporter des changements.
Comme cela a déjà été documenté, le gouvernement chinois a détenu de force dans des centres de détention extrajudiciaires, également appelés camps de rééducation, plus d'un million de membres de minorités musulmanes dans cette région. Cette mesure a pour objet de briser les liens entre les minorités et leurs identités religieuses et culturelles et d'intégrer ces minorités dans la culture chinoise dominante Han. Cela est perçu comme un moyen de renforcer la stabilité dans la région.
La répression du gouvernement chinois à l'encontre des minorités ethniques est considérée comme la plus grande détention de minorités religieuses depuis la Seconde Guerre mondiale et, selon le musée commémoratif de l'Holocauste des États-Unis, elle pourrait constituer un crime contre l'humanité.
Au nom de la lutte contre l'extrémisme religieux et du renforcement de la sécurité dans la région, le gouvernement a soumis les détenus membres de minorités à une rééducation et à une formation professionnelle à l'intérieur et à l'extérieur des centres de détention. Comme vous l'avez probablement entendu plus tôt dans la journée, cette formation comprend des cours intensifs de mandarin, des éloges sur le PCC et, dans de nombreux cas, une formation professionnelle.
À mesure que le gouvernement franchit les étapes de ce processus, le travail en usine s'avère être un élément constitutif de l'effort. Le gouvernement a recours à des programmes de transfert de main-d'œuvre pour réaffecter des milliers de membres de minorités à des postes de fabrication dans des usines du XUAR et d'autres provinces chinoises où ils sont, dans certains cas, soumis au travail forcé. Il est impossible de connaître l'ampleur réelle du travail forcé, car l'accès à la région est très limité.
Cette campagne de rééducation est étroitement liée aux programmes gouvernementaux de lutte contre la pauvreté et de jumelage. Le programme de lutte contre la pauvreté vise à faire passer les minorités de leurs villages ruraux traditionnels au travail en usine. Le gouvernement exige des fonctionnaires locaux qu'ils respectent des quotas de membres de minorités rurales transférés vers des postes de travail en usine, ce qui crée une pression qui les incite à trouver des personnes à transférer, qu'elles veuillent ou non y aller.
En raison du niveau élevé de surveillance dans la région du XUAR et du risque d'être envoyé dans un camp de détention ou une prison, on suppose qu'il est très difficile pour les minorités ethniques de résister aux transferts. Le gouvernement fournit également des incitations financières aux entreprises afin qu'elles rééduquent et emploient des minorités ethniques. Nos recherches et nos entrevues indiquent qu'au moins une partie des personnes transférées dans des postes de travail en usine ne le font pas de leur plein gré, et qu'elles sont souvent nettement sous-payées. Cela soulève à son tour de graves problèmes relatifs au travail forcé.
Ces efforts de rééducation et les programmes de lutte contre la pauvreté dont j'ai parlé sont combinés à ce que l'on appelle le programme de jumelage du gouvernement. Dans le cadre de ce programme, des provinces de Chine continentale sont associées à des régions particulières du XUAR. Chaque programme de jumelage a une orientation sectorielle fondée sur les besoins des entreprises continentales jumelées, y compris les secteurs du textile, de l'électronique et de l'agriculture. Les entreprises qui participent au programme de jumelage subissent des pressions visant à les inciter à ouvrir des usines dans la région du XUAR, et elles peuvent être invitées à accueillir des travailleurs issus des minorités, tant au sein de la région du XUAR que dans leurs usines implantées dans le reste de la Chine. Certains de ces travailleurs ont été rééduqués, d'autres le sont dans des centres de détention et d'autres encore font partie de la lutte contre la pauvreté. Je précise encore une fois que, comme nous n'avons pas accès à la région, il est vraiment difficile de connaître l'ampleur du recours au travail forcé dans le cadre de ces programmes et au sein des entreprises qui participent au programme de jumelage.
Nous avons fait des recherches sur ce qui est produit au XUAR. C'est une importante région productrice de coton, mais elle fabrique et exporte également un certain nombre d'autres produits, notamment de l'électronique et de la machinerie, du plastique, des vêtements et des produits agricoles. Ces secteurs sont tous prioritaires dans le programme de jumelage. La question est de savoir si cela crée aussi un risque de travail forcé dans ces autres chaînes d'approvisionnement, et cela mérite des recherches plus approfondies.
Je voudrais juste évoquer brièvement le rôle du XUAR dans les chaînes d'approvisionnement mondiales, en examinant en particulier les textiles et les vêtements à titre d'étude de cas, car nous comprenons mieux ces liens. Je voudrais faire observer que d'autres secteurs peuvent également intégrer un nombre substantiel de composants provenant du XUAR.
La région du XUAR produit environ 20 % du coton mondial, et elle est la troisième région productrice de cachemire en importance en Chine. La Chine est le plus grand producteur de cachemire du monde. Nous avons constaté que le XUAR exporte directement peu de produits dans le monde. Ses produits sont plutôt transformés en Chine, dans de nombreux cas. Les vêtements représentaient 25 % des exportations internationales du XUAR en 2019, et les chaussures, 10 % supplémentaires, mais cela minimise fortement le rôle du XUAR dans les chaînes d'approvisionnement. La majeure partie du coton que la région produit, par exemple, est expédié vers d'autres régions de Chine pour être par la suite incorporé dans des fils, des textiles, etc., ce qui est beaucoup plus difficile à retracer.
L'une des difficultés est que la Chine est l'un des deux plus grands producteurs de coton du monde, le plus grand producteur de fil du monde, son plus grand producteur de textiles et son plus grand producteur de vêtements. Comme le coton du XUAR et, de plus en plus souvent, le fil sont incorporés...
Salutations aux membres du Sous-comité. Je suis très honorée de témoigner aujourd'hui. Je me présente devant vous en tant que défenseure des droits de la personne ouïghours et en tant qu'universitaire dont les recherches portent sur l'expression culturelle ouïghoure depuis plus de 10 ans.
Ce mois-ci, l'analyse des experts sur la crise des droits de la personne ouïghours a connu un changement significatif. Des institutions et des experts faisant autorité ont commencé à qualifier ce qui se passe là-bas de campagne probable de crimes contre l'humanité, et de génocide probable. Pendant de nombreuses années, le Parti communiste chinois, ou PCC, a systématiquement détruit les institutions qui ont longtemps servi à maintenir et à transmettre le savoir culturel ouïghour. Les entreprises de publication de revues en langue ouïghoure ont été fermées. Des poètes et des musiciens ont disparu par centaines. Des mosquées ont été rasées par des bulldozers, et plus d'un million de personnes vivantes ont été emmenées massivement dans des camps et des prisons.
De récentes enquêtes sur le travail forcé et la stérilisation forcée, notamment la statistique alarmante selon laquelle la croissance démographique des Ouïghours dans deux préfectures a diminué de 84 % entre 2015 et 2018, ont fait la lumière sur la campagne de répression totale du gouvernement.
Le PCC prétend qu'il doit assimiler la population ouïghoure pour réprimer les troubles et les activités terroristes, mais ce sont des excuses qui masquent les horreurs qui se produisent sous nos yeux. En endoctrinant politiquement et en assimilant de force les Ouïghours, le PCC tente de leur faire abandonner leur loyauté envers toute source d'autorité autre que le PCC lui-même. En enrôlant les Ouïghours dans des programmes de travail forcé et en transformant la région ouïghoure en un centre manufacturier bénéficiant d'une main-d'œuvre bon marché, le PCC s'assure le contrôle des terres ouïghoures à des fins d'extraction des ressources et de commerce international en déchirant en même temps les familles et les communautés ouïghoures. En d'autres termes, la relation entre le PCC et la région ouïghoure est essentiellement une relation coloniale, rappelant les histoires sombres et douloureuses des relations que les démocraties libérales telles que les États-Unis, l'Australie et le Canada entretiennent avec leurs peuples autochtones.
Le PCC commet un génocide parce qu'il est un colonisateur. La terre et l'asservissement des populations locales sont deux prix à gagner dans son jeu final. Le PCC a cherché à contrôler totalement la région ouïghoure depuis son arrivée au pouvoir en 1949. Il a instauré l'autonomie dans la région en 1955, mais cette autonomie était et reste une imposture.
De nombreux Ouïghours, quant à eux, professent un lien presque spirituel avec cette terre, leur patrie, ce que les observateurs extérieurs négligent trop souvent dans leurs analyses. Dans les années 1990, par exemple, alors que l'État chinois incitait les agriculteurs ouïghours à vendre leurs terres, le musicien folklorique bien-aimé Küresh Küsen a exhorté ses frères à ne pas le faire, en chantant: « La terre est merveilleuse. La terre est puissante. La terre est la source de la vie. Frère agriculteur, je t'en prie, ne vends pas ta terre. »
Pendant que je vivais dans la région ouïghoure au cours de la dernière décennie, j'ai été frappée par la façon dont les notions de terre et de patrie semblaient encore façonner la vie quotidienne des Ouïghours. En 2015, une de mes connaissances et sa tante nous ont emmenées, moi et ma mère, qui était en visite, sur la tombe d'un érudit ouïghour vénéré, près de Kashgar. Ce tombeau a longtemps été un lieu de pèlerinage sacré, mais il est maintenant un lieu touristique désigné par l'État. Sur la tombe, un cheikh nous a décrit l'histoire, et nous nous sommes promenées sur le terrain où, au loin, au-delà de la tombe et du musée d'État qui s'y rattache, se trouve un cimetière sur une montagne de sable. Des peupliers d'un vert profond, qui marquent de façon typique les villes oasis de la région, contrastent fortement avec la mer de sable qui s'étend encore plus loin.
Ma connaissance nous a conduites à un ruisseau d'eau de source claire et pure, et nous nous sommes accroupies ensemble. Elle m'a demandé: « Tu ne vois pas pourquoi les gens considèrent ce lieu comme sacré? », alors qu'elle transvasait de l'eau de source dans une bouteille. Je pouvais le voir.
Pour les Ouïghours, leur terre a une signification sacrée en tant que source de vie et de sens. Cette terre ainsi que la patrie qu'elle inspire et les vies mêmes qui s'y jouent sont aujourd'hui gravement menacées. La crise ouïghoure est actuellement l'une des préoccupations humanitaires les plus urgentes de la planète, et elle exige une réponse politique multidimensionnelle de la part des gouvernements et des acteurs multilatéraux du monde entier.
J'ai plusieurs recommandations à faire au Canada, des recommandations que je développerai pendant les séries de questions, si vous souhaitez les prendre en compte.
Tout d'abord, il faut se concentrer sur l'admission de réfugiés. Deuxièmement, il faut dissuader les gens de harceler les Canadiens d'origine ouïghoure et punir les auteurs de harcèlement. Troisièmement, il faut bloquer les importations de produits du travail forcé. Quatrièmement, il faut interdire aux entreprises d'exporter des outils de haute technologie vers la Chine. Cinquièmement, il faut imposer aux coupables des sanctions coordonnées et ciblées. Sixièmement, il faut déterminer légalement si la crise ouïghoure constitue un génocide.
Il est temps que le gouvernement du Canada prenne des mesures pour tenir la promesse qui a été faite à l'échelle mondiale en déclarant « jamais plus ».
Merci.
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Bonjour, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'avoir invité à participer à cette séance.
Aujourd'hui, j'aimerais surtout vous parler de la répression qui s'est accrue depuis que Xi Jinping est devenu le secrétaire général du Parti communiste chinois, en 2012. Je vais ensuite vous entretenir de la politique du gouvernement canadien à l'égard de la Chine.
Comme vous le savez, j'ai passé 13 ans en Chine, au cours des années 1980 et 1990, et j'y ai occupé le poste d'ambassadeur de 2012 à 2016. J'ai donc pu observer l'évolution de la Chine et de sa croissance économique et la façon dont elle gère ses minorités ethniques. Depuis la conquête du Xinjiang par la dynastie Qing, au XVIIIe siècle, il y a toujours eu des tensions. En fait, les mesures qui ont été prises par les Chinois ont accru les tensions, qui ont culminé en 2009 avec les émeutes d'Urumqi, la capitale du Xinjiang. Par la suite, le gouvernement chinois a été très inquiet devant l'émergence du groupe État islamique.
Il faut rappeler qu'à partir de 2013, la Chine a fait face à une vague d'attentats sans précédent sur son territoire. Parmi les plus importantes attaques, on retient entre autres l'attentat suicide à la voiture piégée du 28 octobre 2013, qui a eu lieu sur la place Tiananmen, à Pékin, et qui a fait 2 morts et 40 blessés, ainsi que l'attaque au couteau perpétrée en mars 2014 à la gare de Kunming, qui a fait une trentaine de morts. Il y avait donc un problème de terrorisme que le président Xi Jinping voulait régler. Il a alors invoqué une menace grave à la stabilité sociale, de façon à imposer des mesures sécuritaires extrêmement strictes au Xinjiang, notamment l'installation de caméras, l'établissement de points de contrôle, la fermeture et la destruction de mosquées, l'interdiction du port de la barbe ou du voile, des contrôles étroits sur les déplacements, et ainsi de suite.
Bien sûr, depuis que Chen Quanguo a été nommé secrétaire général du Parti communiste chinois au Xinjiang en août 2016, on assiste à une répression, entre autres avec l'ouverture de ces camps de rééducation et le confinement d'au moins 1 million de musulmans.
[Traduction]
Je voudrais maintenant parler de l'expérience canadienne au Xinjiang. Lorsque l'ACDI exerçait ses activités, elle mettait en oeuvre un très important programme d'aide au développement qui était principalement axé sur la conservation et l'utilisation durable des ressources naturelles, mais qui aidait également les femmes à se lancer dans les affaires. Un certain nombre de ces projets ont été couronnés de succès au Xinjiang.
Nous avons également connu une très triste affaire consulaire dans la mesure où un citoyen canadien, M. Huseyincan Celil, a été arrêté en Ouzbékistan au printemps 2006 et extradé vers la Chine. Nos agents consulaires n'ont jamais été en mesure d'avoir accès à lui. Bien entendu, malgré cela, ils ont rencontré des membres de sa famille au cours de leurs visites au Xinjiang.
Je me suis rendu au Xinjiang avec une délégation dirigée par le sénateur Plett en mai 2013 dans le cadre des activités de l'Association législative Canada-Chine. Nous avons soulevé nos préoccupations relatives au cas des Ouïghours. Nous avons eu des réunions au centre islamique, mais il était clair que tout cela était une mise en scène. Après le départ de la délégation, je me suis rendu à Kashgar. J'ai rencontré la famille de M. Celil. J'ai également fait des démarches auprès des autorités locales afin d'essayer d'améliorer la situation de M. Celil — tout cela en vain.
J'ajouterais qu'il est devenu très difficile de discuter des questions des droits de la personne avec la Chine depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping. Nous avons maintenant affaire à une Chine qui est très confiante, déterminée et agressive, une Chine qui refuse de recevoir des listes de cas préoccupants et qui rejette ce qu'elle considère comme une ingérence étrangère dans ses affaires. En outre, elle a réussi à exercer un contrôle sur le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, où même les pays musulmans refusent de condamner la Chine pour ses actions au Xinjiang.
Que devrait faire le gouvernement canadien? Selon moi, il est désormais impossible de demeurer ambivalent par rapport à la Chine, après avoir vu ce qu'elle fait au Xinjiang, à Hong Kong, dans la mer de Chine méridionale, sans parler du lourd tribut que nous payons depuis l'arrestation de Meng Wanzhou. Nous savons très bien où Xi Jinping veut mener la Chine, comme il l'a indiqué au 19e congrès du parti, en octobre 2017. Il a déclaré que la Chine a réussi sans adopter les valeurs occidentales, et il a présenté la Chine comme modèle pour le monde entier.
Bien entendu, nous devons continuer de dialoguer avec la Chine pour régler les grands problèmes mondiaux tels que les pandémies ou les changements climatiques. Toutefois, comme nous avons perdu confiance en la Chine, il est temps de prendre davantage de mesures pour indiquer que nous adopterons une approche plus réaliste dans nos relations avec la Chine, une approche fondée sur la protection et la défense de nos intérêts et de nos valeurs telles que la liberté d'expression et de religion et l'égalité des chances pour tous.
Nous devrions également réagir rapidement aux cas d'intimidation ou d'ingérence perpétrés à l'encontre de Canadiens d'origine chinoise, ou d'Ouïghours ou de Tibétains vivant au Canada. Nous devrions n'avoir aucune tolérance pour des actions de ce genre.
Bien sûr, nous devons également travailler plus étroitement avec des pays qui partagent nos vues afin de renforcer le système multilatéral et à tous de souligner que les règles s'appliquent de la même manière. Nous devrions également nous mettre d'accord sur des positions communes et des réactions similaires lorsque la Chine agit comme un tyran ou s'engage dans une diplomatie reposant sur des otages. Cela vaut également pour la question de savoir si des sanctions doivent être appliquées à l'encontre de fonctionnaires chinois. Nous devons être en bonne compagnie.
Le message adressé à la Chine devrait être simple: nous vous invitons à jouer un rôle plus important sur la scène internationale, mais vous devez respecter tous les traités internationaux et toutes les règles internationales, et vous devez cesser de jouer les tyrans.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions. Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Saint-Jacques.
[Traduction]
J'aimerais tout d'abord vous remercier d'avoir servi le Canada. Nous vous sommes grandement reconnaissants.
Vous avez mentionné la différence observée en Chine depuis que Xi Jinping est devenu chef du PCC. J'aimerais vous poser la même question que j'ai posée hier à un autre groupe de témoins.
Nous n'avons pas vu quelqu'un qui ressemble autant à Mao Zedong que Xi Jinping. Mao, qui a tenté de se faire l'émule du grand « Empereur jaune » et de réussir le Grand Bond en avant, Mao, auteur de nombreuses purges, de la campagne de Cent Fleurs et de toutes les autres initiatives qui ont causé la mort de millions de personnes. Je me demande si vous êtes du même avis.
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Afin de bien comprendre les enjeux et les risques, il faudrait idéalement viser non seulement les exportations directes vers le Canada, ou encore du Xinjiang vers le Canada, mais également l'incidence indirecte sur vos chaînes d'approvisionnement. C'est cela qui est plus difficile.
Selon mon expérience, il vous faut quelqu'un qui maîtrise très bien le mandarin écrit, et qui ait d'excellentes capacités de recherche en mandarin, afin de pouvoir examiner les documents des entreprises chinoises et les déclarations gouvernementales et repérer les entreprises qui participent au programme de jumelage, qui reçoivent des subventions pour la rééducation des gens, etc. Cela exige de la recherche.
Pour ce qui est de votre ombudsman... la personne aura besoin de fonds pour recruter un employé qui ait les connaissances nécessaires. Les recherches en anglais ne suffisent pas. L'employé pourrait alors aider à dresser des listes d'entreprises à surveiller ainsi que des secteurs suspects. Je crois que ce serait très utile.
Je vous suggère également que votre loi Magnitski et les sanctions correspondantes doivent être utilisées à l'échelon multilatéral, comme l'a dit l'ambassadeur. D'après ce que nous savons des sanctions, c'est à cet échelon-là qu'elles sont efficaces. Vous pouvez cibler des entreprises ou des représentants gouvernementaux, du moins nous pouvons le faire avec la loi Magnitski américaine. Voilà une autre possibilité. Bien franchement, les représentants des entreprises se préoccupent peut-être beaucoup plus de pouvoir venir aux États-Unis et au Canada que les membres du PCC... quelque part au Xinjiang. Voilà une piste.
Une autre idée, qui s'étendrait au-delà du Xinjiang, ce serait d'interdire les biens produits au moyen du travail forcé, comme l'ont fait les États-Unis. Encore une fois, vous pourriez le faire en [Difficultés techniques]. Ce n'est pas une attitude anti-Chine; on cherche plutôt à lutter contre le travail forcé à l'échelle mondiale.
Bien évidemment, je crois qu'il est essentiel de discuter avec les entreprises afin de les encourager à examiner de façon proactive leurs chaînes d'approvisionnement. Nous observons une forte volonté dans ce sens aux États-Unis qui se manifestera au cours des prochaines semaines.
J'espère que j'ai pu répondre à certaines de vos questions.
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Bien sûr, avec plaisir.
Nos connaissances sur les efforts de réduction de la pauvreté proviennent surtout de documents publics, mais également des entrevues que nous avons effectuées. C'est un programme qui, de prime abord, ne fait pas sourciller. On cherche à déplacer les membres des minorités, qui sont arriérées et pauvres et vivent en région rurale, afin qu'ils travaillent dans les usines, en présumant que c'est ce que ces gens veulent. Les fonctionnaires doivent respecter certains quotas.
En tant que juriste spécialisée dans les droits de la personne, je dirais que lorsque des quotas semblables sont imposés et que les fonctionnaires sont punis pour ne pas les avoir respectés, il en découle des situations terribles. Dans le présent cas de figure, nous craignons que les gens soient forcés à participer au programme de réduction de la pauvreté et soient déplacés pour le travail contre leur volonté parce que les fonctionnaires tentent de respecter leurs quotas.
Nous avons obtenu la confirmation de certains faits grâce à nos entrevues. À l'époque, nous n'étions pas à la recherche de gens qui avaient participé au programme de réduction de la pauvreté, mais il nous est arrivé de parler à des personnes qui avaient travaillé aux côtés de gens qui participaient au programme et qui avaient été déplacés vers les usines. C'était comme pour les anciens détenus. Ces gens se faisaient payer le salaire minimum d'un mois pour toute une année de travail, et devaient vivre dans des dortoirs loin de leur famille, sous une surveillance constante, contre leur gré. On leur a dit que s'ils ne participaient pas au programme et ne travaillaient pas, on les enverrait à un centre de détention.
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Nous avons effectivement connaissance d'une participation de longue date de la part des sociétés internationales. Je n'ai pas de certitude quant à la présence de sociétés canadiennes en particulier, mais les sociétés internationales y sont certes, notamment dans le secteur du charbon et d'autres filières énergétiques.
Cependant, la plupart du travail forcé que nous observons dans le cadre de la campagne actuelle est lié aux industries nommées par Mme Lehr. Les textiles, les appareils électroniques, l'agriculture, la production alimentaire, les tomates et même la sauce ketchup, qui sont exportés partout au monde, sont directement concernés par ces programmes de travail forcé, et non pas juste par l'entremise d'un intermédiaire. Nous voyons divers secteurs.
Toutefois, le secteur d'extraction des ressources que j'ai évoqué plus tôt est intimement lié à un type de colonialisme qui se répand de plus en plus dans la région depuis l'arrivée du PCC au pouvoir. Ce phénomène se manifeste par l'arrivée de gens non ouïghours, non kazakhs, non kirghiz et non autochtones de l'extérieur de la région qui travaillent pour une société d'État quasi paramilitaire chargée d'extraire les ressources comme le charbon et le pétrole. C'est un système apparenté, mais qui présente quelques différences.
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Merci beaucoup à tous nos témoins.
Je vais commencer par l'ambassadeur Saint-Jacques.
Vous avez dit dans votre exposé que si nous décidons d'agir, nous devons être en bonne compagnie, nous devons travailler avec des pays aux vues similaires aux nôtres comme le Groupe des cinq.
Avez-vous des suggestions sur la façon de procéder pour jouer un rôle actif et mobiliser les efforts à l'échelle multilatérale? Nous avons vu dernièrement, par exemple, que même la Nouvelle-Zélande n'a pas signé la déclaration au sujet de Hong Kong comme nous l'avons fait avec nos partenaires du Groupe des cinq. Existe-t-il une façon d'y arriver?
Vous avez parlé, par ailleurs, du problème qui se pose si les pays font cavalier seul, car ils deviennent alors le signal d'alarme pour les autres pays. Les pays doivent donc agir de concert. Comment procède-t-on concrètement?
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Il faut déployer des efforts pour sensibiliser tous les pays au fait que nous sommes tous dans le même bateau et que nous avons beaucoup à perdre. Vous avez peut-être entendu l'idée que la Chine nous change plus que nous ne la changeons, et je suis fermement convaincu que c'est ce qui est en train de se passer.
Dans le cas du Canada, si vous examinez la stratégie d'engagement du gouvernement fédéral depuis un an et demi, soit depuis les arrestations de Michael Kovrig et Michael Spavor, vous vous rendrez compte que la Chine a réussi à faire taire la voix du Canada. Nous avons critiqué du bout des lèvres la situation au Xinjiang et les gestes posés par la Chine à Hong Kong ou dans la mer de Chine méridionale.
C'est pourquoi je disais qu'il faut déployer plus d'efforts pour tenter de renforcer le système multilatéral. Cela ne s'applique pas seulement au commerce international, mais aussi aux droits de la personne, car nous assistons actuellement à une érosion graduelle de ces droits. La Chine est très présente et connaît beaucoup de succès avec son initiative la Ceinture et la Route, que certains d'entre vous ont appelé la « route de la soie ». Elle fournit des prêts et force les pays à ne pas critiquer la Chine.
Je crois, encore une fois, que nous avons beaucoup à perdre. Nous devons nous servir de preuves comme celles que nous avons entendues aujourd'hui pour dire aux autres pays que nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant la situation au Xinjiang. Discutons sérieusement des mesures que nous pouvons prendre ensemble pour forcer la Chine à réfléchir sérieusement avant d'agir de la sorte.
Les dirigeants chinois sont très préoccupés par l'image de la Chine, même si sous Xi Jinping, nous découvrons une Chine beaucoup plus agressive, arrogante et sûre d'elle. Ils sont toutefois encore préoccupés par leur image. Ils ont besoin des autres pays, car 19 % du PIB de la Chine reposent sur le commerce international. Encore une fois, notre message devrait être qu'ils doivent changer leurs façons de faire et cesser de se comporter en tyran; autrement, nous n'aurons plus confiance en vous et nous allons limiter nos contacts.
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Je l'ai fait dans quelques-unes de mes réponses aux questions. Je suis désolée. Je pensais avoir un peu plus de temps pour présenter mon exposé.
Comme je sais qu'il existe une version canadienne de la Global Magnitsky Act — on parle de la GloMag aux États-Unis —, une de mes suggestions est de réfléchir à la façon d'en étendre la portée pour qu'elle ne s'applique pas seulement aux représentants du PCC impliqués dans des actes illicites, mais potentiellement aussi aux entreprises et à leurs représentants en Chine. C'est une stratégie baptisée les « sanctions du réseau ». Nous sommes nombreux à penser que c'est vraiment ainsi que les sanctions peuvent être efficaces.
J'ai aussi pensé qu'il serait utile d'avoir et de tenir à jour des listes publiques d'entreprises à surveiller, en particulier les entreprises chinoises, qui sont connues pour avoir recours au travail forcé dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang, ou qui sont soupçonnées de le faire. Si vous consultez notre rapport d'octobre 2019, nous décrivons comment vous pourriez procéder, selon nous, pour la créer.
Encore une fois, je pense que les entreprises qui ont recours au travail forcé, y compris au Xinjiang, vont y penser à deux fois avant de courir le risque de voir leurs produits saisis. Les pratiques d'approvisionnement du gouvernement seraient aussi une avenue que vous pourriez explorer. J'aimerais bien voir le gouvernement américain s'y intéresser davantage également. D'où viennent vos produits? Viennent-ils du Xinjiang? C'est un élément sur lequel le gouvernement a le contrôle. A-t-on eu recours au travail forcé pour les fabriquer?
Vous pouvez prendre les mesures que vous voulez pour modifier le comportement des entreprises, mais je crois qu'il faut surtout se demander comment travailler avec nos alliés. Comment pouvons-nous nous doter d'une approche multilatérale ou à tout le moins, à multiples facettes, pour vraiment commencer à produire les effets que nous devons avoir? Les États-Unis ont souvent agi seuls, et cela n'a pas, de toute évidence, donné les résultats que chacun espérait. Nous avons vraiment besoin de tout le monde.
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Je pense que la pression diplomatique commence à être forte.
Vous avez peut-être entendu l'expression anglaise « wolf warriors », les guerriers loups. Cela reflète les stratégies beaucoup plus agressives employées par des diplomates chinois. On l'a vu au Canada, alors que l'ancien ambassadeur, M. Lu Shaye, avait critiqué le premier ministre Trudeau et Mme Freeland, quand elle était ministre des Affaires étrangères. C'est une diplomatie beaucoup plus agressive.
En ce qui concerne la lettre de M. Chen Xueming parue dans La Presse, une excellente réponse a été préparée aujourd'hui, et elle contredit ce qui est dit dans cette lettre. Bien sûr, il y a beaucoup de faussetés dans la lettre de M. Xueming. Il n'y a jamais eu de vraies consultations à Hong Kong sur cette loi. On ne permet pas aux opposants d'exprimer leurs points de vue.
Le malheur, dans tout cela, c'est que cela se passe aussi aux États-Unis. La publication China Daily a des encarts dans le Washington Post et dans d'autres grands quotidiens américains. Les Chinois utilisent la liberté de parole qui existe dans nos sociétés, alors qu'il est impossible pour nos diplomates de faire paraître un éditorial ou une opinion dans les journaux chinois. Il y a un abus de ce côté fait par les diplomates chinois.
Madame Anderson, il me reste un peu de temps pour vous poser une question.
Au fil des témoignages que nous avons reçus ici, au Sous-comité, nous avons appris, entre autres choses, qu'il n'y avait pas seulement un génocide, mais aussi un génocide culturel. Nous en avions déjà des preuves. Le gouvernement chinois veut absolument assimiler les populations locales, comme les Hans, les Ouïghours, ainsi que les autres minorités au Xinjiang.
Avez-vous une idée de la situation actuelle des artistes et de la culture ouïghours au Xinjiang?
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Si je peux me permettre d'intervenir pour répondre moi aussi à la question, je suis tout à fait d'accord. Je pense qu'il était remarquable que la fuite provienne de quelqu'un au sein même du Parti communiste.
Je pense qu'il importe également de mentionner très clairement qu'une bonne partie de ce que nous savons au sujet de ce qui se passe, nous l'avons appris dans des documents émanant du gouvernement. Les chercheurs analysent les données du gouvernement, les documents du gouvernement. Nous analysons les dossiers qui se trouvent sur Internet et qui sont diffusés dans les médias sociaux.
Nous obtenons de temps en temps... Il y a eu trois fuites très médiatisées. Il y a eu celle au New York Times. Puis, et je crois que c'était en novembre l'an dernier, nous avons vu les télégrammes chinois du Consortium international des journalistes d'investigation, puis en février, il y a eu le document Karakax avec la liste Karakax.
Il y a beaucoup de preuves, et elles proviennent de la bouche même de représentants du gouvernement chinois.
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Je vous remercie de me donner l'occasion d'en dire plus à ce sujet, car je ne pouvais pas tout dire ce que j'avais à dire en six minutes.
À l'époque, la situation était très différente. Je crois que le gouvernement chinois n'avait pas entrepris sa campagne d'assimilation, d'anéantissement de la culture ouïghoure. En fait, le gouvernement chinois aidait même les femmes ouïghoures à se lancer en affaires pour développer un peu le commerce.
Outre les programmes officiels de l'ACDI, je dois ajouter que nous disposons à l'ambassade du Fonds canadien d'initiatives locales que nous pouvons utiliser pour financer de petits projets. Lorsque j'étais ambassadeur, nous accordions parfois des subventions de 20 000 $ ou 50 000 $ pour aider les gens à mettre en place une coopérative ou pour lutter contre la discrimination basée sur le genre. Nous avons obtenu de bons résultats. Nous avions quelques projets au Xinjiang.
Je dois dire qu'après que le gouvernement a changé la loi sur les ONG en Chine pour les empêcher de recevoir des fonds étrangers, il est devenu presque impossible de financer ces projets. Le gouvernement chinois craignait beaucoup que certains d'entre eux provoquent de l'instabilité sociale.
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Oui, je suis d'accord avec vous. En fait, n'oublions pas que le Canada a déjà été très présent en Afrique. C'est vraiment dommage que cette présence ait été considérablement réduite au cours des 10 dernières années. Nous disposons encore là-bas d'un important capital de sympathie. Les gens n'ont pas oublié tous les bons projets qui ont été entrepris.
N'oublions pas non plus que l'on trouve beaucoup de pays ayant une importante population musulmane en Afrique subsaharienne. En fait, quelques initiatives ont vu le jour, notamment une à laquelle participent les États-Unis, le Canada et le Japon et qui vise à créer un fonds international pour faire concurrence au fonds proposé par la Chine.
J'ajouterais que l'attitude de certains pays africains a commencé à changer après avoir vu comment la Chine a géré la pandémie de la COVID-19 et les rapports sur les mauvais traitements réservés aux ressortissants africains, en particulier à Guangzhou dans le Sud de la Chine.
Nous devons prêter attention aux agissements de la Chine en Afrique, car encore une fois, elle force ces pays à appuyer leurs positions. C'est une région où nous devrions investir un peu plus pour offrir plus de choix à ces pays.
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Vous avez raison. En fait, la surveillance s'est accrue. Ce qui s'est passé après... Il y a eu quatre attaques.
Tout a commencé, bien sûr, par les graves émeutes qui ont eu lieu à Urumqi, la capitale du Xinjiang, en 2009. Par la suite, en 2013 et 2014 — j'étais en Chine à l'époque —, il y a eu la première attaque sur la place Tiananmen en octobre à Pékin, et une attaque horrible, au couteau, à la gare de Kunming le 1er mars 2014. Il y a eu ensuite une explosion à la gare d'Urumqi, et enfin un attentat suicide à la voiture piégée dans un marché ouvert à Urumqi le 22 mai 2014.
J'ai eu une discussion avec des représentants du Parti communiste en Chine après ces événements et je leur ai dit que ces attaques étaient le fruit de leur politique et qu'ils devaient changer leur attitude. Je me souviens avoir dit à des gens au ministère des Affaires étrangères de suivre l'exemple du Canada, où un Canadien français comme moi peut devenir ambassadeur dans l'un des pays les plus importants du monde, et je leur ai demandé si la Chine avait un ambassadeur ouïghour, ou tibétain, qui occupait ce poste quelque part dans le monde.
Je leur ai dit qu'ils devaient offrir de meilleures possibilités à leurs citoyens et leur permettre de protéger leur culture, que leurs gestes trahissaient une forme de désespoir et que tout le ressentiment que la population éprouvait à leur égard reviendrait les hanter.
Nous avons eu ensuite, bien entendu, des discussions très difficiles, mais ils n'étaient pas disposés à suivre quelque conseil que ce soit.
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J'ai une observation et deux questions. Merci, monsieur le président.
Je pense que le point soulevé par l'ambassadeur Saint-Jacques au sujet de la réponse énergique des dirigeants africains au racisme dirigé contre les ressortissants africains pendant la pandémie de la COVID, en particulier dans le Sud de la Chine, nous donne un exemple éloquent de ce que des pays qui sont même potentiellement très vulnérables aux efforts de colonialisme de la Chine ont pu faire pour se défendre et résister, et cela a eu un effet réel. Je pense que c'est un modèle que nous devons suivre.
Ma première question s'adresse à Mme Anderson et porte encore une fois sur le colonialisme.
Vous avez parlé du colonialisme, et nous constatons que la République populaire de Chine déploie des efforts en ce sens à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières. Il est important, à mon avis, que les autres pays, à tout le moins, refusent de s'associer à ces efforts. Toutefois, beaucoup de pays, y compris le Canada, sont membres par exemple de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, qui fait partie de la vaste initiative la Ceinture et la Route.
Je me demande si vous pourriez nous parler de cette banque, de ce que vous pensez du fait que divers pays en sont membres, et nous dire dans quelle mesure cela donne sans doute l'impression de légitimer cette initiative.
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J'essaie de rassembler mes idées. Je voulais intervenir sur plusieurs points, mais je n’en ai pas vraiment eu la chance.
Pour ce qui est d'agir sur une base multilatérale, nous effectuons de la surveillance au sein de notre organisation et nous avons été heureux de constater que les choses bougent un peu, qu'il y a un peu d'action. Le 26 juin, plus de 50 experts des Nations unies ont publié une déclaration condamnant le bilan de la Chine au chapitre des droits de la personne, en particulier le traitement réservé aux Ouïghours et aux Tibétains, de même que la détérioration de la situation à Hong Kong.
Le 29 juin, l'Alliance interparlementaire sur la Chine, qui réunit des parlementaires provenant de 15 pays, a demandé à ce qu'une résolution soit présentée aux Nations unies expressément sur la situation dans la région des Ouïghours. Je presse les législateurs canadiens de prendre part à ce genre de déclarations qui sont faites actuellement. Certaines choses bougent et certaines mesures sont prises sur une base multilatérale en ce moment.
J'ai aussi mentionné quelques éléments dans ma liste de recommandations stratégiques que j'ai citée très rapidement et dont je n'ai pas eu le temps de discuter. Le Canada peut prendre des mesures pour accueillir des réfugiés ouïghours apatrides. Les Ouïghours apatrides de la diaspora ouïghoure dans le monde sont en situation de crise. Le Canada pourrait poser un geste très positif en offrant un havre sûr à ces réfugiés, et il enverrait par la même occasion un message à la Chine. Ce serait une façon pour le Canada de faire entendre sa voix. Le Canada devrait décourager et punir le harcèlement des Canadiens d'origine ouïghoure qui vivent à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières.
Je sais que j'ai pris un peu de temps, alors je vais céder la parole à un autre témoin. Merci.
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Je serai brève. Je veux simplement appuyer ce que Mme Anderson a dit au sujet des réfugiés.
Un des défis pour nous est de trouver des gens à qui parler. Nous avons tous ces documents gouvernementaux qui sont des plans, mais il était important pour moi de trouver des gens pour nous dire si les politiques ont, en fait, été mises en œuvre. Nous en avons trouvé quelques-uns, mais c'est très difficile de trouver des Ouïghours qui sont prêts à parler de leur expérience, car ils sont tellement inquiets. Ils ne sont pas protégés. Ce sont des réfugiés et ils n'ont aucun statut où ils se trouvent. Je pense qu'il s'agit d'un élément vraiment fondamental. Je sais que le Canada en particulier accueille des réfugiés depuis fort longtemps, alors je veux simplement appuyer cette recommandation.
Il serait sans doute utile également d'avoir une organisation internationale — et ce serait difficile à faire — qui effectuerait des recherches sur la situation au Xinjiang et qui émettrait un avis juridique sur la question. Je crois savoir que le Haut Commissariat aux droits de l'homme a, par le passé, mené des études lorsqu'il n'était pas autorisé à se rendre dans une région. Je ne pense pas que ce soit totalement impossible de le faire, mais cela nécessiterait bien entendu de la volonté politique. Le Canada pourrait prêter son concours dans ce dossier.
Je pense avoir déjà abordé la question du contrôle des exportations, des sanctions, etc.
Enfin, et d'un point de vue très général, il sera très important de continuer à soutenir de façon très dynamique et à long terme les efforts déployés dans le monde pour lutter contre la corruption quand, encore une fois, on parle de l'initiative la Ceinture et la Route, etc. On y voit une source de corruption à l'échelle mondiale, et si vous arrivez à contrer cette corruption, certains dirigeants n'y verront pas autant d'intérêt.
Je vais m'arrêter ici. Je vous remercie beaucoup encore une fois de m'avoir invitée aujourd'hui.
Avant de passer à huis clos, en tant que président et au nom de tous les membres du Comité, de même que de la greffière, des analystes, de nos interprètes, du personnel, des techniciens et de tous ceux qui ont mis la main à la pâte au cours de ces deux jours, j'aimerais remercier très sincèrement nos témoins. Vous êtes des experts, des pédagogues, des porte-parole et des chercheurs extraordinaires. Nous avons entendu de nombreux récits personnels. Au cours des deux derniers jours, nous avons entendu des témoignages détaillés et convaincants qui nous aideront à éclairer le travail que nous devons faire.
Nous ne pourrons jamais vous remercier assez. Au nom des membres de ce sous-comité des affaires étrangères, merci beaucoup.
La séance est suspendue.
[La séance se poursuit à huis clos.]