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CACN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur les relations sino-canadiennes


NUMÉRO 023 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 19 avril 2021

[Enregistrement électronique]

(1835)

[Traduction]

    Bienvenue à la 23e séance du Comité spécial sur les relations sino-canadiennes.
    Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 23 septembre 2020, le Comité se réunit pour étudier les relations sino-canadiennes.

[Français]

    Il s'agit d'une réunion hybride, conformément à la motion adoptée par la Chambre le 25 janvier 2021.

[Traduction]

    Notre premier témoin aujourd'hui est la présidente de la United States-China Economic and Security Review Commission, Carolyn Bartholomew, à qui je souhaite la bienvenue.
    Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation à comparaître ce soir.
    Je vous prie de faire votre déclaration préliminaire. Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui.
    Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, la Commission États-Unis-Chine a été créée par le Congrès au moment où il a voté, essentiellement, pour ouvrir la voie à l'adhésion de la Chine à l'OMC parce qu'il subsistait des préoccupations au sujet de son admission. Nous avons rédigé un rapport de 575 pages contenant des recommandations à l'intention du Congrès, que je me ferai un plaisir de vous faire parvenir. Je pense qu'il est important de reconnaître que notre relation est bipartite, l'un des seuls exemples de bipartisme qui fonctionne parfois ici à Washington.
    Nos deux pays, inutile de le rappeler, partagent non seulement une frontière, mais aussi des valeurs: principes démocratiques, droits de la personne et primauté du droit, respect de la liberté d'expression, de religion, d'association et de presse. Nous sommes de tout cœur avec vous pour dénoncer l'emprisonnement injuste des deux Michael et exiger leur libération immédiate.
    Nos valeurs communes heurtent de plus en plus le Parti communiste chinois, qui s'emploie à les miner. Voici ce qu'a déclaré, mercredi dernier, le directeur du FBI, Chris Wray, dans sa déposition devant le comité sénatorial du renseignement:
Je ne pense pas qu'il y ait un pays qui présente une menace plus grave pour nos efforts d'innovation, notre sécurité économique et nos idées démocratiques. Et les moyens dont il dispose pour influencer nos entreprises, nos établissements d'enseignement et nos gouvernements à tous les niveaux sont profonds, étendus et persistants.
    Il a signalé que le FBI ouvrait une nouvelle enquête toutes les 10 heures sur diverses activités menées par le gouvernement chinois sur le territoire américain et qu'il y a actuellement ici plus de 2 000 enquêtes en cours impliquant le gouvernement chinois.
    L'un des importants outils d'influence du Parti communiste chinois ou PCC est le Département du travail sur le front uni, qui cherche à coopter et à neutraliser les sources d'opposition éventuelle aux politiques et à l'autorité du Parti communiste chinois. Les efforts du Front uni sont déployés à l'intérieur de la Chine comme à l'extérieur.
    Sous le leadership de Xi Jinping, le Front uni joue un rôle sans cesse grandissant dans la politique étrangère de la Chine. En 2019 seulement, les organes nationaux et régionaux du Front uni de la Chine ont dépensé plus de 2,6 milliards de dollars américains, plus que le budget du ministère chinois des Affaires étrangères.
    La mission du Front uni comprend l'objectif de « guider » les Chinois à l'étranger pour assurer leur soutien au PCC. De sérieux efforts sont également déployés pour coopter et influencer à l'étranger les élites d'ethnie non chinoise. Il est délicat de discuter des activités du Front uni à la lumière de l'augmentation de la xénophobie et de la violence contre les Américains d'origine asiatique. Il faut veiller à toujours faire la distinction entre le PCC et le peuple chinois.
    L'une des principales cibles du Front uni sont les médias de langue chinoise à l'extérieur de la Chine, que le Front commun cherche à coopter, ou à contrôler carrément, de façon à assurer au PCC le contrôle de l'information accessible aux sinophones. Par exemple, l'Agence de presse de Chine, une plateforme d'information officielle en langue chinoise, qui gère aussi secrètement d'autres services médiatiques à l'étranger, fait officiellement partie du Bureau des affaires chinoises à l'étranger, qui est contrôlé par le Front uni.
    Pour répondre aux préoccupations concernant l'influence du PCC dans les médias, la Commission États-Unis-Chine a recommandé, entre autres choses, que le Congrès américain renforce la Foreign Agents Registration Act afin d'exiger l'enregistrement de tout le personnel des médias étatiques chinois, puisqu'il est su que les activités chinoises de collecte du renseignement et de guerre de l'information ont recours au personnel d'organisations médiatiques dirigées par l'État chinois. Nous avons également recommandé que le Congrès modifie la réglementation sur les communications afin d'accroître la transparence quant à l'appartenance des médias au gouvernement chinois et à l'étiquetage du contenu médiatique parrainé par le gouvernement chinois.
    Parmi les organisations affiliées au Front uni, on compte des associations d'étudiants et d'universitaires chinois, des instituts Confucius et des organismes professionnels, qui offrent des avantages et du soutien aux étudiants chinois sur les campus universitaires et collégiaux, notamment sous forme de réseautage social, d'aide dans la recherche de logement et d'avancement professionnel. En retour, on s'attend à ce que les étudiants contredisent les critiques du PCC et favorisent les marques d'appui à l'ascension globale du PCC. Pour influencer les étudiants et d'autres personnes réfractaires, entre autres, les Ouïghours, il se pratique d'autres formes de pression, telles que les menaces à l'endroit des membres de leur famille demeurés en Chine.
    À la fin de l'année dernière, le ministère de la Justice des États-Unis a accusé plusieurs personnes d'avoir tenté de menacer, de contraindre ou de harceler certains résidents des États-Unis pour les amener à rentrer en Chine. Huit personnes ont été accusées de complot pour agir aux États-Unis en tant qu'agents illégaux de la République populaire de Chine et six d'entre elles font également face à des accusations de complot en vue de commettre des traques entre États américains et à l'étranger.
    Sur les campus, les atteintes à la liberté d'expression sont à la hausse, par exemple, les attaques contre les étudiants favorables au mouvement prodémocratie à Hong Kong et les contestations dans les salles de classe des enseignements qui remettent en question les positions du PCC. En même temps, il y a des pressions pour l'autocensure, qui est évidemment une réaction moins apparente aux tactiques du Front uni. Cette tendance menace directement la liberté universitaire.
    Le Front uni met à profit les organisations professionnelles transnationales, comme l'Association pour les sciences et la technologie de Chine et les associations d'étudiants boursiers rentrés au pays, pour regrouper des étudiants et universitaires chinois dans un bassin de compétences utiles aux priorités nationales et au développement technologique. Certaines de ces organisations semblent indépendantes, mais elles sont en fait subordonnées au Département du travail sur le front uni. Cet effort favorise le transfert des activités de recherche à des entités en Chine. L'ampleur même de ces transferts rend l'effort stratégiquement important et éventuellement néfaste.
    La stratégie du Front uni vise également à obtenir l'appui de sociétés et d'intérêts commerciaux étrangers en se servant de l'économie chinoise comme d'une arme, promettant un accès continu ou élargi aux marchés chinois en vue d'amener ces sociétés à exercer des pressions sur leur gouvernement pour qu'il adopte des politiques favorables aux intérêts du PCC. Cette stratégie comprend également un recours intensif au lobbying traditionnel.
    Nos réponses stratégiques devraient privilégier l'accroissement de la transparence, ce qui permettrait également de mieux faire connaître les sources de financement et les affiliations avec des directeurs étrangers.
    Les États-Unis et le Canada ne sont pas les seuls à être aux prises avec ces opérations d'influence chinoise, sans cesse plus nombreuses. Partout dans le monde, des pays ressentent le va-et-vient de la volonté du PCC d'accroître son pouvoir, son influence et sa primauté. L'Australie, bien sûr, a été le terrain d'essai pour une grande partie des activités du Front uni, comme l'a été l'Estonie.
    Dans son rapport annuel publié en février dernier, le service de renseignement de l'Estonie a signalé la grande capacité qu'avait Pékin de mener des opérations d'influence en Occident grâce à l'effet de levier économique, à la surveillance des ressortissants chinois à l'étranger et à la bienveillance acquise des élites locales.
    Devant les opérations d'influence du PCC, nous sommes confrontés à un même défi et nous devons tous travailler ensemble pour y répondre avec efficacité.
(1840)
    Merci beaucoup, madame Bartholomew.
    Nous allons maintenant débuter notre premier tour de questions avec M. Chong, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Bartholomew, d'avoir pris le temps de comparaître devant nous aujourd'hui. J'ai lu votre rapport, pas les 500 pages au complet, mais le résumé. Merci beaucoup d'avoir produit un résumé pour des gens comme moi.
    Que pensez-vous du projet des nouvelles routes de la soie? Plus précisément, que pensez-vous de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, dirigée par la Chine?
    D'accord. Sur ce point, je vais exprimer des positions qui sont les miennes et pas nécessairement celles de la Commission.
    Le gouvernement chinois, le PCC, utilise vraiment le projet des nouvelles routes de la soie en vue de créer des marchés pour ses propres produits et d'accroître son influence. Les Chinois disent que ce qu'ils désirent, bien sûr, c'est une communauté de destinations humaines communes.
    L'an dernier, la Commission a tenu une audience sur la présence chinoise en Afrique, et nous avons pu constater de bien des façons l'impact des investissements de la Chine en Afrique. Le mois prochain, nous allons en tenir une sur la présence de la Chine en Amérique latine.
    Un outil dont les Chinois se servent dans le projet des nouvelles routes de la soie, c'est bien entendu, les prêts qu'ils accordent. Soit dit en passant, le Monténégro, qui a reçu, je crois, 1 milliard de dollars de la Chine pour la construction de routes, vient tout juste d'informer l'Union européenne qu'elle a besoin d'aide pour le remboursement. Une préoccupation qui résulte de tous ces prêts accordés, c'est qu'il s'agit, bien sûr, de la diplomatie du piège de l'endettement. Maintenant, c'est la diplomatie des vaccins qu'ils pratiquent; ils utilisent les vaccins pour tenter d'accroître leur influence.
    La Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures était un effort réel, je crois, pour établir une nouvelle institution internationale conçue et contrôlée essentiellement par la Chine. Les Chinois éprouvent des difficultés au sein des institutions multilatérales et ils s'efforcent d'y exercer leur influence, mais la BAII était essentiellement leur façon d'en établir une à partir de rien.
    Nous devrions tous reconnaître qu'il y a d'énormes besoins d'investissement dans les infrastructures partout au monde. À mon avis, c'est un défi que tous nos pays doivent relever ensemble, mais il comporte parfois des aspects insidieux.
    Merci.
    Mon temps est-il écoulé?
    Non, pas du tout.
    Madame Bartholomew, vous avez parlé récemment d'un système utilisé par Pékin, appelé la plateforme intégrée d'opérations conjointes, qui permet de surveiller des populations entières.
    J'ai deux petites questions à ce sujet. Premièrement, pouvez-vous nous dire quel rôle Huawei joue dans le développement de cette technologie de surveillance? Deuxièmement, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de Huawei pour ce qui est de la sécurité nationale?
    Voilà une question intéressante. Cela va au cœur de ce que je crois être la promotion par la Chine de ce que nous appelons l'autoritarisme techno. Si on considère les villes intelligentes, je comprends que les administrations locales souhaitent accroître leur efficacité, mais elles permettent au gouvernement chinois d'avoir accès, directement ou indirectement, à des choses comme le contrôle de la circulation routière et l'approvisionnement en eau, points éventuellement vulnérables de l'organisation des collectivités.
     Je crois que hier seulement un rapport a été publié qui nous apprenait que les Néerlandais ont découvert que Huawei avait infiltré leur réseau de télécommunications, si bien que même les conversations du premier ministre et du [Difficultés techniques] pouvaient être écoutées.
    Je me méfie de Huawei depuis le début. Je trouve risible l'idée que cette société soit libre et indépendante du gouvernement chinois. Si vous regardez même les entreprises qui sont censées être libres et indépendantes du gouvernement chinois, comme Alibaba, vous voyez bien ce qui se passe là-bas.
    J'ai des préoccupations. À la Commission, je pense que nous nous inquiétons tous que les télécommunications chinoises puissent être utilisées pour accéder à des données, accéder à de l'information, recueillir des renseignements, voire paralyser certaines activités.
(1845)
    Merci.
    J'ai lu dans votre rapport que vous avez souligné l'influence néfaste de la Chine au sein de l'Organisation mondiale de la Santé. Pensez-vous qu'une réforme s'impose à l'OMS pour limiter l'influence néfaste de la Chine?
    C'est une question intéressante. Les préoccupations portent vraiment sur l'équilibre. Je pensais que vous alliez poser cette question au sujet de l'OMC, pas de l'OMS.
    Je parle ici en mon nom personnel. Je pense qu'il y a eu de la naïveté ou quelque pression politique sur les dirigeants de l'Organisation mondiale de la Santé lorsqu'ils essayaient de mener l'analyse et l'enquête sur le point d'origine de la pandémie du coronavirus. Je pense que nous allons tous devoir nous demander comment faire pour que les gens œuvrant au sein de ces institutions soient à l'abri de toute pression politique qui pourrait fausser leur travail.
    Je ferai également remarquer — et cela concerne un sujet beaucoup plus vaste — qu'il est vraiment important de tenir compte des places, dans les institutions multilatérales, où le gouvernement chinois a des représentants actifs. Nous n'y prêtons pas toujours suffisamment attention. Nous affichons sur notre site Web la liste des fonctions qu'occupent les représentants du gouvernement chinois.
    Oui, je dirais que l'OMS a besoin d'une réforme. Il s'agirait en partie de garantir à son personnel les conditions nécessaires pour bien faire son travail.
    Tout récemment, vous avez annoncé votre intention d'examiner de près, au cours de la prochaine année, les investissements américains en Chine pour vous assurer que les investisseurs américains ne font pas d'investissements qui iraient directement à l'encontre de la sécurité nationale et économique des États-Unis.
    Pensez-vous que le gouvernement canadien devrait en faire autant?
    J'hésite à dire à votre gouvernement ce qu'il devrait faire. Je suis très sensible au fait que nous sommes vos voisins du sud.
    Oh, mon temps est écoulé.
    La réponse est oui.
    Ce n'est pas votre temps, madame Bartholomew. C'est le temps de M. Chong qui est écoulé, mais il comprend cela, j'en suis sûr.
    Merci beaucoup, monsieur Chong.
    Nous allons maintenant passer à M. Fragiskatos, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Bartholomew, d'avoir pris le temps de nous rencontrer ce soir.
    En écoutant votre exposé et en lisant votre analyse de toute la question des relations entre la Chine et les États-Unis et, de façon plus générale, des relations de la Chine avec les démocraties ailleurs au monde, je dois vous poser sans ambages la question suivante. Peut-on espérer des relations entre la Chine et les démocraties, comme le Canada, les États-Unis et d'autres, qui soient — je n'utiliserai pas le mot « pacifiques » ici — autres que tendues? Sommes-nous vraiment au début d'une seconde guerre froide?
    La réponse à cela... J'essaie de penser à la formulation que le président Biden — j'allais dire le président Obama — a utilisée. Il y a des secteurs où nous serons en concurrence, d'autres où nous serons en opposition et d'autres encore où nous devrons trouver moyen de travailler ensemble.
    Il n'est pas toujours facile de les délimiter ces secteurs. Je pense que le gouvernement chinois est maître dans l'art d'opposer un pays à un autre, une industrie à une autre, un problème à un autre. Certains d'entre nous s'inquiètent quelque peu des discussions en cours sur le changement climatique, craignant qu'on mette en sourdine les critiques sur ce qui se passe au Xinjiang dans l'espoir d'obtenir un accord sur le changement climatique.
    La réalité, c'est que nous devons trouver des moyens de travailler ensemble là où cela est possible, d'être franchement en désaccord là où ce n'est pas possible et d'essayer de faire en sorte que les désaccords ne dégénèrent pas en conflits ouverts, éventualité qui, il va sans dire, est la plus préoccupante en ce qui concerne la mer de Chine méridionale, Taïwan et tous ces autres points de friction. La réalité, c'est que les Chinois sont ici pour rester, tout comme nous et vous, et que nous devons donc trouver des solutions.
    À ce sujet, puisque vous en parlez, vous avez fait mention de domaines où une bonne relation pourrait s'établir. Eh bien, cela ne vient pas tellement de vous, puisque ce sont le gouvernement Biden et le président lui-même qui ont parlé du changement climatique. Est-ce un domaine où les démocraties comme le Canada, par exemple, peuvent encore envisager de collaborer avec la Chine? Le changement climatique est vraiment un enjeu mondial et certainement le défi de notre époque.
(1850)
    Encore une fois, je pense que c'est un problème pour lequel nous devons trouver des moyens de travailler ensemble. Les Chinois sont capables de produire des choses comme des piles solaires à un coût beaucoup moins élevé que nous, avec le résultat que la production de piles solaires a disparue dans des pays comme les États-Unis, bien sûr. Néanmoins, il y a certaines technologies que la Chine peut produire et auxquelles nous avons tous besoin d'avoir accès.
    Il y a eu une analyse intéressante ici, aux États-Unis. Certains affirmaient: « Vous savez, nous ne cessons de dire que nous devons coopérer avec la Chine, mais, au fond, le gouvernement chinois sait ce qu'il doit faire pour lutter contre le changement climatique et nous savons également ce que nous devons faire. » Bien entendu, travailler ensemble serait beaucoup plus utile et efficace, mais nous ne pouvons pas faire fi de nos propres responsabilités devant ce problème dans l'espoir que nous pourrons tous travailler ensemble.
    Je vous comprends. Merci beaucoup.
    Croyez-vous que les alliés du Groupe des cinq sont d'accord pour dire que la Chine est une menace majeure pour la sécurité et pour la désigner comme telle?
    Voilà de nouveau une question fort intéressante. Je pense que le Groupe des cinq est une institution importante. Je répète que, étant une démocrate, je pense que l'élection du président Biden nous ouvre la voie au renforcement de toutes nos alliances qui, malheureusement, ont été négligées ou ont tourné à l'aigre ces quatre dernières années.
    Je reconnais que différents pays, y compris ceux du Groupe des cinq, ont des intérêts différents quant à la préservation de leurs relations économiques avec la Chine. Encore une fois, je pense que nous devons trouver une façon de travailler ensemble en conséquence de ce fait. La coercition économique que la Chine exerce sur l'Australie devrait être, il me semble, un signal d'alarme pour tous.
    Entendu.
    Le président m'informe qu'il me reste moins de deux minutes.
    Une dernière question. Comment les États-Unis ont-ils réagi, au chapitre des échanges commerciaux, à ce qui se passe au Xinjiang? Comme vous le savez, et comme le Comité l'a entendu, pour les produits en provenance du Xinjiang — tels que le coton et les tomates —, les plus grands spécialistes des droits de la personne et du commerce reconnaissent que le travail forcé entre presque certainement dans le conditionnement de ces produits, dès le début et peut-être jusqu'à la fin.
    Comment les États-Unis réagissent-ils pour empêcher que les articles produits à partir du travail forcé soient importés aux États-Unis?
     Il est certain que les États-Unis ont imposé des sanctions et interdit l'importation de quelques produits. On a appris récemment qu'il y avait une pénurie de ketchup aux États-Unis. Certains se demandent si elle tient aux emballages ou aux restrictions sur l'importation de tomates du Xinjiang.
    Je dirais au moins que nous devons tous agir dans ce dossier. Ce qui se passe au Xinjiang est un génocide. C'est une tache sur la conscience du monde. En travaillant ensemble, nous devons trouver des façons d'éviter que les produits refusés à un endroit ne soient expédiés vers d'autres pays, car il y a différents marchés d'exportation. Sur tous ces points, nous devons donc travailler ensemble.
    Heureusement, le Canada a adopté cette orientation. Bien sûr, il y a d'autres choses que nous pouvons envisager, je pense.
    Merci.
     Il y a toujours d'autres possibilités.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Fragiskatos.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Bartholomew, d'être avec nous. Vos observations sont des plus utiles et des plus pertinentes pour l'étude de ce comité. Vous avez évoqué les paroles du président Biden, qui disait qu'il fallait collaborer avec la Chine sur certaines questions et l'affronter sur d'autres.
    Plus on entend de témoignages, plus on a l'impression que la Chine utilise toutes les occasions qui lui sont données pour se positionner pour la suite des choses, notamment sur le plan commercial. Votre témoignage semble aller directement dans ce sens. On sait pertinemment que les entreprises chinoises doivent se conformer aux obligations de l'État chinois en matière de sécurité et que certaines d'entre elles, dont Huawei, communiquent des informations aux autorités chinoises qu'elles ont recueillies dans les pays où elles font des affaires.
    Comment peut-on concevoir une collaboration avec la République populaire de Chine et ses entreprises, sachant qu'elles cherchent toutes les occasions de se servir de cette collaboration à des fins politiques à long terme?
    Quelles précautions doit-on prendre pour éviter de se retrouver dans une situation où, en voulant collaborer, au bout du compte, on ne ferait que leur donner d'autres outils pour s'imposer contre nous?
(1855)

[Traduction]

     Question intéressante et compliquée. Si j'avais la réponse, nous serions tous en bien meilleure posture, mais je vais essayer de répondre.
    La réalité, c'est que nous devons trouver des façons d'entretenir des relations avec la Chine. La question est de savoir selon quelles conditions. La Chine occupe une telle place dans l'économie mondiale à l'heure actuelle que je ne vois tout simplement pas comment nous pourrions couper complètement les relations, en partie parce qu'il y aurait des préoccupations dans d'autres pays. J'observe avec inquiétude ce qui se passe actuellement en Allemagne et en France. Ces pays misent tout sur l'économie et le commerce.
    À divers endroits, nous pourrions travailler à ces questions. Il y a bien sûr les préoccupations en matière de sécurité nationale, compte tenu de ce que font les entreprises chinoises, mais il y a aussi tout le système de subventions et de tarifs protectionnistes que le gouvernement chinois impose.
    Il nous faut réformer non seulement l'OMS, mais aussi l'Organisation mondiale du commerce, car nous devons nous attaquer aux causes profondes de cette concurrence déloyale. J'ai déjà siégé au conseil d'administration d'une entreprise manufacturière américaine, qui a du reste une usine à London, en Ontario. Les travailleurs américains et canadiens sont peut-être les meilleurs au monde, mais ils travaillent dans un domaine où ils sont désavantagés. Nous devons nous attaquer à toutes ces subventions.
    Partout dans le monde, on est de plus en plus conscient et inquiet de la montée de la Chine et de la façon dont elle s'affirme. La Chine est, d'une certaine façon, son pire ennemi avec ses tactiques brutales, les insultes qu'elle lance, sa « diplomatie du loup guerrier ».
    Il y a des possibilités, mais nous vivons dans un monde où nous ne pourrons pas couper les ponts. La Chine compte 1,4 milliard d'habitants. La réalité, c'est que nous allons devoir trouver un moyen de travailler avec elle là où nous le pouvons, et continuer d'exercer des pressions là où nous ne le pouvons pas.

[Français]

    Vous avez tout à fait raison. C'est tout un défi, parce qu'effectivement, on ne peut pas cesser tout d'un coup les relations économiques avec un tel géant. Il s'agit de savoir si l'on peut collaborer sans se retrouver perdant sur le plan géostratégique.
    Dans votre rapport et votre discours d'ouverture, vous avez évoqué l'influence que la République populaire de Chine cherche à avoir dans les organisations internationales. On l'a vu à l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, et à l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS. Un article publié sur le site Politico.com en avril 2020 révélait que le secrétaire général de l'Union internationale des télécommunications et ancien fonctionnaire du ministère des Communications chinois aurait tenté d'user de son influence pour promouvoir Huawei dans le marché de la 5G.
    Faut-il également se méfier de l'influence de tous les fonctionnaires originaires de la Chine qui travailleraient au profit du gouvernement chinois dans toutes les décisions prises par ces différentes instances internationales?

[Traduction]

     Nous devons être conscients de ce qui se passe et être beaucoup plus attentifs que nous ne l'avons été.
    Je voulais simplement signaler quelque chose au sujet de la question géostratégique que vous avez soulevée. Je travaille dans le domaine des relations entre les États-Unis et la Chine depuis le 4 juin 1989, depuis l'époque du massacre de la place Tiananmen. Un certain nombre d'entre nous ont soulevé des préoccupations dans les années 1990 et au début des années 2000, signalant que la Chine renforçait sa puissance militaire aux dépens de l'économie américaine. Elle a tellement profité de sa stratégie. Elle a utilisé sa monnaie pour construire ses forces armées.
    On nous ferme la porte.
    Je dirai simplement que c'est un honneur pour moi de m'adresser à vous tous. Si une autre occasion de traiter de ces questions se présente, en dehors de ce contexte, je me ferai un plaisir de le faire.
(1900)
    Monsieur le président, vous êtes en sourdine.
    Monsieur le président, vous êtes en sourdine.
    Je pensais l'avoir enlevée, mais je l'ai mise par erreur. Merci beaucoup de m'avoir signalé le problème, mesdames et messieurs.
     Je vous remerciais simplement de votre compréhension, madame Bartholomew. Nous nous sommes entendus sur les règles régissant le temps de parole de chaque parti, et je dois m'y conformer.
    Je cède maintenant la parole à M. Harris, qui aura six minutes.
    Permettez-moi de faire quelques réglages, monsieur le président. J'ai eu quelques difficultés techniques avec mon chronomètre.
    Merci, madame Bartholomew, de vous joindre à nous. J'ai trouvé votre témoignage des plus intéressants jusqu'à maintenant.
    En 2012, le Canada a conclu un accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers avec la Chine, l'APIE. Il a été critiqué à cause d'un manque de réciprocité, sur des points clés, à l'avantage de la Chine. Par exemple, le Canada a accordé aux investisseurs chinois un accès général au marché canadien, sans que la Chine accorde la réciprocité, et la Chine peut filtrer plus largement les investissements que le Canada ne le fait. De plus, cet accord omet une réserve que le Canada applique depuis longtemps concernant les prescriptions de résultats qui favorisent les peuples autochtones, et il affaiblit la position bien établie du Canada au sujet de la transparence dans l'arbitrage entre investisseur et État.
    Votre commission a récemment mené une étude, en 2020, c'est-à-dire l'an dernier, sur toute cette question aux États-Unis. D'abord, que pensez-vous de ce genre d'accord asymétrique, fondé en partie sur les réalités historiques du commerce entre le Canada et la Chine? Quelle est votre opinion? Quelles recommandations avez-vous faites? Dans quelle mesure ont-elles infléchi les politiques?
    Nous avons formulé un certain nombre de recommandations. Le Congrès en accepte quelques-uns et pas d'autres. Les choses vont bouger beaucoup plus. Le Sénat américain est sur le point d'étudier d'importantes mesures législatives sur les relations entre les États-Unis et la Chine. Nous verrons si le débat reste toujours au-dessus du clivage entre les partis.
    Les problèmes et les questions que vous soulevez au sujet du caractère unilatéral de l'accès aux marchés se retrouvent certainement dans les relations entre l'UE et la Chine... J'en reviens à l'Union européenne. Lorsque j'ai entendu dire qu'elle concluait cet accord bilatéral sur l'investissement, je me suis demandé pourquoi diable elle croyait que le gouvernement chinois respecterait mieux cet accord qu'il ne l'a fait pour d'autres accords? Cela suscite beaucoup d'inquiétude. Il y a beaucoup d'opposition à la signature de nouveaux accords commerciaux avec un pays qui ne respecte pas les accords déjà conclus.
    Je me demande si une partie de votre question ne portait pas sur le processus du comité sur les investissements étrangers aux États-Unis ou CFIUS, et les réformes de ce processus qui encadrent les investissements chinois aux États-Unis. Est-ce l'une des questions que vous posiez?
     Je suppose que cela en fait partie.
    Je suis désolé, mais avant que vous ne poursuiviez, je dois marquer un temps d'arrêt.
     Madame Bartholomew, la greffière me demande de vous dire que, comme il est indiqué ici, votre microphone n'est pas sélectionné comme microphone de l'ordinateur en ce moment. Pourriez-vous le débrancher et le rebrancher ou alors le sélectionner dans vos paramètres? Voyez-vous la sourdine et le microphone? Il y a juste à côté une petite flèche qui pointe vers le haut. Si vous cliquez dessus, vous pouvez vous assurer d'avoir sélectionné le bon microphone.
    Je vais essayer.
    Est-ce mieux ainsi?
    Madame la greffière, c'est mieux?
    Il semble que oui.
    D'accord, très bien.
    Très bien, monsieur Harris, vous avez de nouveau la parole.
    Merci beaucoup.
    Je ne connais pas très bien cet aspect particulier. Je vais donc passer à une autre question, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    Au cours de la dernière année, c'est-à-dire depuis qu'il a entrepris ses travaux, le Comité a beaucoup discuté des préoccupations suscitées par le refus de la Chine de se conformer à l'ordre international fondé sur des règles. Comment l'amener à le faire? Cela vaut pour beaucoup de choses, pas seulement pour la détention arbitraire de personnes comme M. Spavor et M. Kovrig, qui est certes une partie du problème, mais aussi en général, pour le manquement aux règles, qu'il s'agisse de commerce et d'investissement ou des autres éléments dont nous venons de parler.
    Quel est votre avis? Ce que je retiens de vos propos, c'est que la Chine essaie de créer de nouvelles normes, par exemple en édulcorant les droits de la personne ou en recourant à des façons différentes de traiter avec d'autres pays. Pouvons-nous exercer une influence à cet égard avec l'aide d'autres pays et grâce à une action coordonnée ou sommes-nous dans une impasse à cet égard également?
     Nous devons essayer. Abandonner reviendrait à céder complètement le terrain au gouvernement chinois et à son autoritarisme, l'idéologie qu'il essaie de propager.
    J'ai quelques sujets de préoccupation. Le premier, bien sûr, est la loi sur la sécurité nationale qui a détruit pour Hong Kong le principe « un pays, deux systèmes ». Cette loi comprend une disposition qui, selon les Chinois, leur permet essentiellement d'intervenir à tout moment dans n'importe quel pays si l'un d'entre nous a violé ce qu'ils considèrent comme leur loi. Comme je l'ai vu hier, il y a une nouvelle tendance qui consiste à promouvoir la primauté du droit chinois dans le monde et à nous obliger tous à respecter les lois chinoises.
    Nous devons faire appel au système judiciaire, au système juridique, pour nous assurer que chacun sait à quoi s'en tenir et est mobilisé. Il faut voir quels pays seront les plus préoccupés par cette question et trouver des façons de faire front commun. Voilà l'expression que j'utiliserais.
    Il s'agit d'un affrontement idéologique, selon moi, et nous ne pouvons pas renoncer. Je ne sais pas toujours très bien comment il faut s'y prendre, mais si nous laissons tomber, nous aurons perdu sur toute la ligne.
(1905)
     Votre groupe a aussi écrit sur les tentatives de la Chine d'influencer les établissements universitaires aux États-Unis, comme les groupes de réflexion, par la domination financière et d'autres moyens. Nous avons des préoccupations semblables au Canada.
    Tout d'abord, dans quelle mesure les efforts des Chinois ont-ils été efficaces pour influencer ces établissements au moyen de dotations financières et d'autres méthodes? Dans quelle mesure certains de ces établissements dépendent-ils de l'apport des intérêts chinois pour pouvoir fonctionner?
    À mon avis, ils sont devenus beaucoup trop dépendants. À ce propos, comment pouvons-nous nous assurer que les étudiants chinois qui fréquentent des établissements américains viennent aux États-Unis pour apprendre et pas nécessairement pour rapporter chez eux ce qu'ils apprennent, surtout en haute technologie? Un facteur qui joue est notre obligation à tous de financer suffisamment ces établissements d'enseignement supérieur, car il peut arriver que bon nombre d'entre eux soient plongés dans de graves difficultés s'ils perdent les frais de scolarité versés par les étudiants chinois.
     Cela dit, il faut faire preuve de transparence en ce qui concerne les scientifiques — par exemple, les chercheurs — qui acceptent des fonds d'une entreprise chinoise ou du gouvernement chinois. J'ai toujours soutenu qu'ils ne devraient pas associer cet apport financier à l'argent des contribuables américains. Les contribuables américains doivent savoir...
    On me fait signe que mon temps de parole est épuisé.
    Madame Bartholomew, je vais vous interrompre, mais on accepte d'habitude que le témoin termine sa phrase. Je voulais juste vous faire savoir où nous en étions.
    C'est une grave préoccupation. La transparence est l'une des solutions, tout comme notre obligation de veiller à ce que nos établissements aient les ressources dont elles ont besoin.
    Merci.
    Merci, monsieur Harris.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour.
    Monsieur Genuis, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente Bartholomew. C'est un plaisir de vous accueillir.
    L'État américain, sous deux administrations, a reconnu le génocide des Ouïghours. Le Parlement du Canada l'a fait également, bien que le gouvernement ne l'ait pas encore fait. Il y a eu beaucoup de débats aux États-Unis au sujet du renforcement des mesures relatives à la chaîne d'approvisionnement.
    Au Canada, le système que nous utilisons pour bannir l'esclavage dans les chaînes d'approvisionnement — le recours au travail forcé dans nos chaînes d'approvisionnement — est essentiellement fondé sur la présentation de plaintes. L'Agence des services frontaliers du Canada étudie les plaintes lorsqu'elle en reçoit, mais les mécanismes d'enquête sont encore en cours d'élaboration. Il serait à peu près impossible de mener une enquête sérieuse à l'intérieur de la Chine, et les nouvelles mesures n'ont mené à l'interdiction d'aucune expédition.
    En revanche, aux États-Unis, vous avez la Uyghur Forced Labor Prevention Act proposée par le représentant McGovern, qui a été appuyée par 406 voix contre 3 à la chambre basse, et est maintenant à l'étude au Sénat. Comme vous le savez sans doute, ce projet de loi ferait que, a priori, les marchandises provenant du Xinjiang sont considérées comme produites au moyen du travail forcé, à moins de preuve du contraire.
    Que pensez-vous de cette loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours? Pourquoi reçoit-elle un appui aussi solide de la part des deux partis? D'autres pays devraient-ils envisager d'adopter un modèle semblable, compte tenu du fait qu'il est presque impossible de faire fonctionner efficacement un système fondé sur les plaintes?
    Il s'agit d'une tentative importante et sérieuse de s'attaquer au problème dont vous parlez. Il y a tellement de produits qui arrivent chez nous. Il y a un certain nombre d'années, nous avons consacré une audience aux produits de la mer chinois, et nous avons pris conscience de la quantité de produits qui entrent dans nos ports et du peu de personnel que nous avons pour les contrôler. Tout cela fait aussi partie de la solution.
    J'appuie sans réserve cette loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours. Le fait qu'elle ait été adoptée par un vote aussi largement majoritaire témoigne de la gravité des préoccupations que suscite le sort des Ouïghours. Il serait utile que nous trouvions tous un moyen d'agir.
    Cela dit, il faut être réaliste au sujet de la mise en oeuvre de toute mesure. Dans le cas des produits de la mer, nous avons appris que lorsque les marchandises étaient refusées dans un port, elles étaient simplement acheminées vers un autre. Il faut vérifier tout cela. Bien entendu, rien n'empêche les entreprises de modifier leur étiquetage. Il faut donc identifier les produits en cause et vraiment mettre l'accent sur eux.
(1910)
     Ce que vous venez de dire montre à quel point il serait facile de contourner tout système fondé sur les plaintes. Qu'il s'agisse du cadre proposé par le représentant McGovern ou d'autre chose, nous devons faire beaucoup mieux.
    Passons à un autre sujet. Certains prétendent que la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures et le projet des nouvelles routes de la soie sont deux choses bien distinctes. D'autres estiment que la Banque joue un rôle dans le programme stratégique de ce projet.
    Qu'en pensez-vous?
    Le gouvernement chinois utilisera tous les outils à sa disposition pour parvenir à ses fins. Pour ce qui est de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, il incombe aux autres parties qui y participent de veiller à ce que les contrats ne soient pas tous accordés à des entrepreneurs chinois et à ce que les projets respectent les normes en matière de droits de la personne et d'environnement. D'une certaine façon, il incombe aux pays qui adhèrent à la BAII de s'assurer qu'elle ne sert pas uniquement à exécuter les plans de la Chine.
    Quant au projet des nouvelles routes de la soie, il y a aussi une analyse très intéressante. Certains pensent qu'il ne va pas tenir toutes les promesses que la Chine fait miroiter, parce qu'il manque d'argent et que des réticences se font sentir dans la population chinoise.
    J'ai une brève question complémentaire.
    Vous avez parlé de faire front commun. Je trouve intéressant que, d'une part, la Chine soit en train de créer ses propres institutions d'influence et, d'autre part, que certains pays, surtout le Canada, investissent parfois dans des véhicules dirigés par le gouvernement chinois comme la BAII et parfois dans des véhicules de développement dirigés par l'ONU sur lesquels la Chine exerce de plus en plus d'influence.
    Vous avez parlé de créer notre propre front commun. Est-ce un appel à renforcer l'infrastructure des pays démocratiques qui font plus de choses de leur côté, restant fidèles à leurs valeurs?
    Vous parlez du sommet des démocraties. Nous devons trouver des façons de collaborer avec des pays qui ne respectent pas nécessairement les droits de la personne. Je pense au Vietnam, par exemple, et à d'autres pays...
    Merci, madame Bartholomew. Je suis désolé de vous interrompre.
    Merci beaucoup, monsieur Genuis.

[Français]

    Monsieur Lightbound, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je remercie beaucoup les témoins d'être ici ce soir. Leurs propos sont très éclairants pour l'ensemble des membres du Comité.
    Madame Bartholomew, vous avez mentionné le prêt de 1 milliard de dollars accordé au Monténégro, si je ne me trompe pas. Vous avez aussi parlé de la coercition économique exercée par la Chine sur l'Australie. Quel est le modus operandi le plus fréquent de la Chine quand elle exerce son influence économique et monétaire non seulement sur les démocraties occidentales, mais sur l'ensemble de la planète?
    Quels sont les principes et les pratiques que nos démocraties devraient préserver pour se guider et pour se prémunir contre ce genre de coercition économique?
    Enfin, je vais reprendre un peu ce que demandait M. Genuis. Est-ce qu'une approche internationale concertée devrait être une priorité? En tant que démocraties occidentales, devrions-nous mieux travailler ensemble pour nous prémunir contre cette influence?

[Traduction]

    Je vais commencer par répondre à votre dernière question.
    Cela ne fait aucun doute, nous devons travailler ensemble et déployer des efforts concertés et être conscients du fait que le gouvernement chinois excelle à diviser pour mieux régner. Je ne suis pas certaine que le prêt octroyé au Monténégro se chiffrait effectivement à 1 milliard de dollars. Je vais devoir vérifier les faits à ce sujet. Je ne veux pas me tromper sur ce chiffre.
    Les outils de coercition que les Chinois utilisent sont en quelque sorte les intérêts commerciaux de tous nos pays. Avant la pandémie, j'ai participé à une conférence en Australie où les établissements de la défense et du renseignement essayaient vraiment de trouver des façons de soulever leurs préoccupations et de tenir compte de leurs intérêts économiques, de ceux des États-Unis et du Canada et de tout le reste. Ce qui importe pour les politiques, c'est de reconnaître que même s'ils doivent protéger ces intérêts, ils ont aussi une obligation nationale à l'égard de la sécurité de leur pays.
    C'est un message difficile à communiquer, mais quand je pense à la coercition économique exercée par le gouvernement chinois, le premier exemple qui me vient à l'esprit — et ce n'était probablement pas la première fois — est l'interruption du saumon norvégien par les Chinois en représailles parce que le prix Nobel avait été décerné à Liu Xiaobo. D'une certaine façon, c'est comme une cause type. C'est ce que font souvent les Chinois. Maintenant, ils font la même chose avec l'Australie. C'est une cause type, comme avec Taïwan pour les ananas. C'est une cause type pour voir comment le monde réagira. Nous réagissons en augmentant notre consommation d'ananas taïwanais, de vins australiens et ainsi de suite.
    Il s'agit en partie d'éduquer le milieu des affaires qui continue de croire que les choses vont bien aller pour eux en Chine, en leur faisant comprendre qu'elles ne vont pas nécessairement bien aller. S'il s'agit de ressources, c'est une autre histoire. Il faut faire valoir qu'il y a des intérêts en matière de sécurité nationale et que la vente de ces produits a un coût, n'est-ce pas? Ce coût va au-delà du coût financier.
(1915)

[Français]

    La commission que vous présidez mentionnait qu'un examen plus minutieux des investissements américains dans des entreprises chinoises devait être effectué pour éviter le financement de la militarisation de la Chine, par exemple.
    Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet et nous dire quel genre de répercussions peuvent avoir des investissements occidentaux en Chine?

[Traduction]

     Encore une fois, je pense que c'est en partie une question d'éducation. En ce qui concerne les investissements des États-Unis en Chine, il s'agit en partie des grandes banques d'investissement. Ils vont trouver un moyen de faire de l'argent, quoi qu'il arrive. Quand on regarde les choses, on constate que nous n'avons pas mentionné la fusion militaire-civile qui est opérée en Chine, qui utilise des entreprises et des technologies civiles pour acquérir la technologie développée ailleurs, dont elle a besoin à ses fins militaires. C'est très embêtant. Il est très difficile pour certaines personnes, pour certaines entreprises, de savoir exactement dans quoi elles investissent au juste.
    Cela dit, je pense que certaines de ces banques s'en fichent éperdument. Ray Dalio a publié un article dans le Financial Times assez récemment, et j'ai été franchement dégoutée par ce qu'il y écrivait, à savoir que tout ce qui compte est essentiellement la rentabilité, et que même s'ils ne savent pas qui va remporter la mise, ils investissent en Chine autant qu'ils le peuvent. Je trouve cela tout simplement épouvantable. Nous devons trouver des façons d'obliger les entreprises à rendre des comptes lorsqu'elles investissent dans ce qui deviendra en fin de compte une menace pour nous, non pas sur le plan économique, en ce sens, mais sur le plan militaire.
    Nous sommes également très préoccupés par les caisses de retraite. Les détenteurs de ces régimes ne savent pas où leur argent est investi et ils ne savent pas à quel point certains de ces investissements sont risqués. Il y a deux volets. Il y a le risque financier, et il y a aussi le risque lié à ce dans quoi nous investissons, à ce que nous en retirons et au genre de menace que cela représente pour nous.
    Il y aura toujours des gens, encore une fois, qui...
    Merci.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Lightbound.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Je vous remercie.
    Vous avez notamment parlé des instituts Confucius. On peut difficilement imaginer un système mieux développé pour tenter d'influencer la vie politique et sociale dans les pays où ils sont établis.
    Quelle différence établissez-vous entre l'Institut Confucius et des équivalents comme l'Alliance Française, mise en place par les Français, ou le Goethe-Institut, qui est allemand?
    Y a-t-il des éléments de comparaison, ou sommes-nous carrément dans un autre univers?

[Traduction]

    Encore une fois, c'est une excellente question. Je pense que les instituts Confucius jouent un rôle que ne jouent pas le Goethe-Institut ou l'Alliance française. Je pense qu'ils servent d'outil sur les campus, à la fois pour contrôler les étudiants chinois qui sont là et pour faire connaître la vision du monde chinoise. Je suppose que je m'inquiète aussi en partie du fait que je ne suis pas d'accord avec l'idéologie défendue par les Chinois. Ces instituts servent également de plateformes d'espionnage. Les instituts Confucius sont utilisés à toutes sortes de fins.
    Je tiens à parler d'une chose qui est passée sous silence jusqu'ici, c'est-à-dire les programmes d'éducation, qui commencent dès le primaire et qui sont financés par des entités chinoises. Les enfants qui apprennent le chinois, et je pense que c'est vraiment important pour eux de l'apprendre, apprennent aussi l'idéologie chinoise sous-jacente. Je ne parle pas seulement des instituts Confucius, mais de tout le système d'éducation, et le gouvernement doit réagir pour s'assurer que les enfants obtiennent ce dont ils ont besoin. À mon avis, les objectifs visés par les instituts Confucius sont fondamentalement différents de ce que font les démocraties occidentales avec leurs centres.
(1920)

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Puisqu'il me reste peu de temps, je ne veux pas faire injure à notre témoin en posant une question à laquelle elle n'aurait pas le temps de répondre.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer la parole à M. Harris pour deux minutes et demie. C'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Bartholomew, vos échanges avec M. Genuis m'intéressent parce que vous semblez avoir un point de vue légèrement différent de celui de M. Genuis, qui semble penser que nous — c'est-à-dire les démocraties — devons nous unir et empêcher la Chine et ses amis de sévir comme ils le font. Vous avez proposé une intervention un peu plus nuancée face à ce problème, qui consiste à pour ne pas se désengager entièrement de nos relations avec la Chine, évidemment, tout en nous assurant de collaborer avec d'autres intervenants pour les convaincre, ou pour travailler avec eux, afin d'élaborer de meilleures normes. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, s'il vous plaît?
     Je ne veux pas donner l'impression que je ne suis pas d'accord pour dire que les démocraties doivent s'unir. Je pense que nous devons effectivement nous unir parce que, encore une fois... Vous savez, nos valeurs comptent partout dans le monde, et je pense que nous en minimisons parfois l'importance.
    Cela dit, je pense que nous devons reconnaître qu'il y a des moments où nous devons travailler avec des pays qui ne sont peut-être pas tout à fait d'accord avec nous sur des questions comme les droits de la personne. Est-ce que j'inviterais le gouvernement du Vietnam à se joindre à une alliance de démocraties? La réponse est non. Par contre, est-ce que je crois qu'il y a des façons de travailler avec le gouvernement du Vietnam pour répondre aux préoccupations concernant ce qui se passe dans la région? Ma réponse est oui. Je pense qu'en ce sens, la fluidité exige que nous reconnaissions simplement qu'il n'y aura pas de certitude absolue dans tous les pays avec lesquels nous devons collaborer partout dans le monde.
    Cela dit, il y a un noyau de démocraties libérales occidentales qui, à mon avis, doivent vraiment travailler ensemble pour lutter contre tous ces problèmes.
    Vous ne proposez donc pas une sorte de guerre froide culturelle.
    Non, je ne propose pas une guerre froide culturelle. Ce que j'essaierais de faire, c'est d'être réaliste au sujet du fait que même dans les démocraties libérales occidentales, il y aura des intérêts divergents dans les relations avec la Chine. Nous devons trouver un moyen d'accommoder ces intérêts. « Accommoder » n'est sans doute pas le mot juste; nous devons trouver un moyen de reconnaître que ces intérêts existent et de ne pas les laisser faire obstacle aux intérêts collectifs auxquels nous pouvons tous travailler ensemble.
    Merci.
    Je crois que le temps est presque écoulé, monsieur le président.
    Il vous reste environ 15 secondes.
    Je vais céder la parole au prochain intervenant.
    C'est très gentil. Merci beaucoup, monsieur Harris.
    Nous allons maintenant passer à M. Williamson, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Bartholomew, je suis heureux que vous ayez pu vous joindre à nous. Cela a été très, très intéressant.
    Il y a quelques minutes, vous avez eu un échange intéressant avec M. Lightbound au sujet de l'examen des investissements en Chine continentale et de l'incidence sur votre sécurité, ainsi que du risque. Qu'en est-il de l'autre façon d'enquêter sur les investissements en bourse aux États-Unis, sur le marché des obligations et sur les marchés boursiers?
     J'ai lu récemment dans un article intéressant que l'un des défis que l'Union soviétique a dû relever pendant la guerre froide était d'avoir très peu accès aux capitaux occidentaux, alors que dans le monde d'aujourd'hui, la Chine a un grand accès aux capitaux— aux capitaux américains en particulier, mais aussi aux capitaux occidentaux en général. Cela les aide énormément. Nous ne savons même pas comment ces investissements sont faits et comment ils aident la Chine à utiliser nos propres technologies contre nous ou, sinon contre nous, contre les minorités de la Chine continentale.
    Vous savez, bien sûr, que lorsque vous vous attaquez aux riches intérêts, vous vous attaquez aux géants qui ne veulent pas que qui que ce soit les empêche de faire ce qu'ils font — encore une fois, c'est un peu la vision du monde de Ray Dalio.
    J'essaie simplement de penser au nombre d'années pendant lesquelles nous, à la commission, avons parlé et soulevé des préoccupations au sujet des sociétés chinoises qui sont cotées en bourse aux États-Unis, par exemple au sujet de leurs normes comptables. Nous ne pouvons pas avoir accès au produit du travail, aux documents, au compte rendu des audits des entreprises chinoises, aux risques qui se présentent. Il y a toutes sortes de mécanismes qui permettent de faire circuler l'argent.
    Je pense que la réforme du CFIUS que nous avons effectuée en vertu de la FIRRMA visait à répondre à certaines des préoccupations concernant l'acquisition d'actifs américains par des sociétés chinoises, y compris des biens immobiliers. S'ils achètent un terrain pour installer un « entrepôt » près d'installations militaires névralgiques, quelqu'un doit s'assurer que nous demeurions extrêmement attentifs.
    Les préoccupations au sujet du marché boursier sont réelles. Je pense que le Congrès en est très conscient et qu'il y accorde beaucoup plus d'attention et qu'il se préoccupe de ce que les entreprises chinoises achètent aux États-Unis par l'entremise d'un certain nombre de mécanismes. J'irais même jusqu'à parler de blanchiment d'argent. Il y a un article qui vient d'être publié au sujet d'une épicerie fine qui appartenait à un entraîneur du New Jersey et qui a fait un chiffre d'affaires de 100 millions de dollars. Il y avait là un système de sociétés fictives très complexe remontant jusqu'à Macao. Il y a aussi un aspect de blanchiment d'argent dans toutes ces opérations.
(1925)
    Il y a donc encore du travail à faire dans les deux pays.
    C'est exact.
    Je pense que vous aviez autre chose à dire au sujet de la réforme de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. Lorsque vous avez parlé avec mon collègue, le député Chong, d'entrée de jeu, vous avez dit que ce serait une question pour l'OMC.
    Pourquoi est-ce un problème? Jugez-vous que le gouvernement chinois ne s'est pas acquitté de ses obligations d'il y a 20 ans, qu'il s'en est effectivement soustrait, et que maintenant, les pays le récompensent en concluant d'autres accords commerciaux qu'il ne respectera pas plus? Pourquoi est-ce important? Pourquoi avez-vous jugé bon d'en parler?
    Il me reste environ deux minutes, et je vais vous en laisser la plus grande partie pour répondre.
     Encore une fois, lorsque la Chine a accédé à l'OMC, certains d'entre nous se demandaient si cette accession allait changer les pratiques de la Chine ou si c'est plutôt la Chine qui allait changer celles de l'OMC.
    L'OMC est simplement, je pense... Je ne préconise pas que nous nous en débarrassions, mais je pense qu'il faut apporter des réformes pour régler des problèmes comme les subventions gouvernementales et les entreprises d'État. Cette organisation n'est tout simplement pas suffisamment préparée ou mandatée pour faire face au genre de mesures économiques que le gouvernement chinois adopte continuellement.
    D'accord.
    Je pense qu'il me reste environ une minute. Y a-t-il de plus en plus de législateurs au Capitole qui aimeraient retirer la Chine de l'OMC ou démanteler simplement l'OMC? Je suis curieux de savoir ce que vous entendez à ce sujet.
     Il y a toujours différents courants de pensée. Il est intéressant de noter que notre commission était considérée comme une aberration et comme un groupe assez belliqueux au début, mais nous ne sommes plus considérés ainsi, parce que tout le contexte a changé.
    D'accord.
    Il me reste 30 secondes.
    Je veux simplement dire que nous...
    Bien. Allez-y en premier.
    En même temps, vous avez dit qu'Alibaba... Que se passe-t-il à cet égard? C'est une entreprise un peu libre. Vous en avez déjà parlé. Nous savons tous ce qui se passe avec Alibaba. Aux fins de ce témoignage, pourriez-vous l'expliquer?
     Oui. Tout d'abord, le gouvernement chinois a retiré un premier appel public à l'épargne, bien sûr, et il semble maintenant que, tout récemment, il tente d'écarter complètement Jack Ma. La raison pour laquelle c'est important, c'est qu'Alibaba et Ant ont toujours été considérées comme des entreprises privées, n'est-ce pas? Ce que je veux dire, c'est que ce sont des entreprises privées qui sont censées fonctionner de façon indépendante, mais ce n'est pas le cas.
    Merci.
    Merci, monsieur Williamson.

[Français]

     Monsieur Dubourg, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Madame Bartholomew, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Vous voyez comme cela va vite et que nous vous faisons passer d'un sujet à l'autre rapidement. Ce que vous dites est très intéressant.
    J'aimerais aborder un sujet différent. J'ai vu dans votre profil que vous avez été membre de l'une des premières délégations en Afrique en lien avec le VIH/sida chez les enfants. Nous vivons actuellement la pandémie de COVID-19. Le Canada a investi 230 millions de dollars pour aider les pays en voie de développement. Les États-Unis ont investi plus de 2,5 milliards de dollars. Cependant, vous avez dit que, par ses vaccins, la Chine essayait de s'imposer dans ces pays.
    Pensez-vous que nos investissements visant à aider les pays en voie de développement à combattre la COVID-19 seront suffisants dans ce contexte?
(1930)

[Traduction]

     Compte tenu des vastes besoins, je pense que la contribution du Canada et des États-Unis n'est qu'un point de départ. D'après ce que j'ai lu l'autre jour, je ne suis même pas certaine que des vaccins aient été distribués en Haïti. Nous avons une obligation envers le monde pour des raisons morales, mais nous avons aussi une obligation concrète envers le monde dans tout cela, c'est-à-dire que nous ne pourrons pas prendre l'avion en sécurité pour aller autour du monde, là où nous le voulons, tant que d'autres personnes dans d'autres pays ne seront pas protégées comme il se doit.
    Je pense aussi qu'il y a lieu de se poser des questions au sujet de l'efficacité des vaccins chinois. Je crois que le Chili a vacciné une proportion relativement importante de sa population, mais les taux d'infection continuent d'augmenter. Comme je ne suis pas épidémiologiste, je ne peux pas dire s'il s'agit simplement d'un problème de variants, mais lorsque la Chine a fourni de l'EPI au début, au cours des premiers mois, il s'est avéré qu'elle n'en a pas donné beaucoup et qu'on s'attendait à ce qu'elle en paie une partie, et en plus, une partie de cet équipement était inadéquate et insuffisante.
    Encore une fois, je pense que c'est une occasion pour nous de nous rendre dans ces pays, de défendre nos valeurs et de travailler avec eux pour nous assurer qu'ils ont les vaccins dont ils ont besoin.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de votre intérêt pour Haïti, mon pays d'origine, lequel semble un peu épargné, à moins qu'il n'ait pas beaucoup de tests. La population a d'autres problèmes pour l'instant, lesquels sont plutôt d'ordre politique.
    Dans votre allocution, vous avez dit être préoccupée par le fait que les deux Michael sont encore en prison. Nous avons pris beaucoup de mesures. Vous avez dit qu'étant donné la population, là-bas, il fallait trouver des moyens de travailler ensemble. Plusieurs mesures ont été mises en place, mais elles n'ont pas donné de résultats à ce jour.
     Faut-il exercer plus de pressions sur la Chine ou faut-il collaborer afin d'arriver à un dénouement heureux pour les gens détenus en prison de façon arbitraire?

[Traduction]

     Je pense que c'est une dynamique difficile avec laquelle vos diplomates doivent composer. Je suis au courant des rapports sur le Forum d'Halifax sur la sécurité internationale et de ce qui s'est passé là-bas avec le prix décerné à Taïwan. Je ne pense pas que nous puissions mettre de côté nos préoccupations au sujet de la primauté du droit et des droits fondamentaux de la personne. Je pense que nous devons trouver un moyen d'élargir ces critères plutôt que de les réduire, et je pense que quiconque songe à se rendre en Chine doit être conscient de la volonté de la Chine de détenir arbitrairement des gens. Personnellement, je ne sais pas si je pourrai jamais retourner en Chine et à Hong Kong en toute sécurité. Je ne pense pas que je pourrais aller à Hong Kong à moins qu'il y ait un changement au sommet de la hiérarchie.
    Les gens d'affaires américains doivent s'en inquiéter, tout comme les gens d'affaires canadiens. Oui, nous devons nous concentrer là-dessus.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, monsieur Dubourg.

[Traduction]

    Madame Bartholomew, merci beaucoup d'être parmi nous. Je sais que tous les membres ont apprécié votre témoignage et vos réponses. Je tiens à vous en remercier. Nous vous en sommes très reconnaissants et vous avez été très aimable de vous joindre à nous. Nous allons vous laisser partir, car nous avons d'autres témoins à entendre, mais nous sommes ravis de vous compter parmi nous. Vous pouvez rester si vous le souhaitez, mais nous allons accueillir d'autres témoins dans un instant.
    D'accord, merci.
    Je tiens d'abord à vous remercier tous de vous intéresser à ce que nous faisons. Je suppose que vous savez qu'il existe aussi des groupes de travail interparlementaires en Europe, par exemple. Nous ne sommes pas les seuls à essayer de trouver une solution à ces problèmes. Je vous les recommande si vous n'en faites pas déjà partie.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup. Je vais vous laisser sur cela.
    Merci.
(1935)
    Merci.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pendant deux minutes pour vérifier le son en prévision des prochains témoins.
(1935)

(1935)
    Nous reprenons nos travaux.
     Pour notre deuxième groupe de témoins, je souhaite la bienvenue à M. Michel Juneau-Katsuya, qui comparaît à titre personnel. Il est un expert en renseignement de sécurité et sécurité nationale.

[Français]

    Je vous remercie d'être avec nous ce soir.

[Traduction]

    J'aimerais également souhaiter la bienvenue à Mme Anne-Marie Brady, professeure à l'Université de Canterbury, en Nouvelle-Zélande.
    Madame Brady, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir témoigner pendant vos vacances, et je vous félicite pour votre 25e anniversaire de mariage.

[Français]

    Monsieur Juneau-Katsuya, vous disposez de cinq minutes pour faire votre présentation.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie également tous les membres du Comité.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Je vais essayer de présenter mon exposé dans les deux langues officielles, une façon typiquement canadienne de faire les choses, je suppose. Je m'excuse également auprès de l'équipe d'interprètes. Malheureusement, j'ai eu des problèmes avec la technologie aujourd'hui, et je n'ai pas pu livrer mon texte à l'avance.
    Ce soir, j'aimerais parler des questions de sécurité nationale. Mes préoccupations sont le fruit de trois décennies d'observation au sein du Service canadien du renseignement de sécurité, à surveiller, étudier et même enseigner les activités des services du renseignement chinois au Canada.
(1940)

[Français]

    Le déséquilibre qui existe dans les relations entre le Canada et la Chine suscite de sérieuses préoccupations. Nous ne jouons pas à armes égales. D'un côté comme de l'autre, nous ne suivons pas les mêmes règles — du moins pas celles que le Canada aimerait voir suivre. Ces règles sont probablement la norme sur la scène internationale. Malheureusement, comme l'ont mentionné plusieurs des témoins qui ont fait une présentation devant votre comité, selon son gré, la Chine fait souvent fi de la façon de faire les choses.

[Traduction]

     Dans mes fonctions de chef du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, pour l'Asie-Pacifique, j'ai constaté un grand déséquilibre entre divers aspects des activités que les services du renseignement chinois mènent au Canada.
    Pour comprendre leurs façons d'opérer, nous devons aussi comprendre que leur méthodologie découle d'un ensemble de normes opérationnelles que nous n'avons pas dans le monde occidental. Dans le monde occidental, on utilise souvent l'analogie des grains de sable à la plage. Par exemple, si le service du renseignement russe veut nous voler de l'information, il se rendra à la plage sous le couvert de la nuit avec un seau et une pelle pour remplir son seau autant que possible et s'enfuir avant le lever du soleil.
    Les services du renseignement chinois et le gouvernement chinois suivent ce que nous appelons un processus de collecte massive. Ils envoient, disons, mille personnes prendre un bon bain de soleil, et quand elles reviennent en fin de journée, elles secouent toutes leur serviette de plage au même endroit. Les services du renseignement recueillent ainsi une quantité d'information absolument phénoménale.
    Nous parlons de déséquilibre, parce que les services du renseignement chinois se sont servis d'un grand nombre d'institutions et de personnes, dont les plus grands atouts sont ce que nous appelons les agents d'influence. Ces agents d'influence au Canada ont réussi à s'infiltrer à différents niveaux de la hiérarchie. Bien que le SCRS ne divulgue pas publiquement autant d'information qu'il le devrait et qu'il ne donne pas autant de séances d'information aux élus qu'on le voudrait, on retrouve ces agents d'influence un peu partout dans les entités fédérales, provinciales et municipales.
    M. Dick Fadden, qui était directeur du SCRS il y a de nombreuses années, a tenté d'avertir le grand public, et malheureusement, il a été sévèrement réprimandé par le gouvernement de l'époque. En fin de compte, lorsque nous parlons de déséquilibre, nous n'avons qu'à regarder, par exemple, le nombre de diplomates chinois en poste à Ottawa par rapport à celui des diplomates américains. Les États-Unis sont notre principal partenaire commercial, et nous accusons un déficit commercial avec la Chine, qui a pourtant presque le double de diplomates au Canada. Pourquoi? C'est à cause des activités d'espionnage et de l'ingérence qu'ils pratiquent dans notre pays.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, monsieur Juneau-Katsuya.

[Traduction]

    Nous passons maintenant la parole à Mme Brady.
    À propos, avant que vous ne commenciez, si vous connaissez votre collègue Therese Arseneau, je vous demanderais de la saluer de ma part.
    Vous avez la parole pour cinq minutes.
     Je vous transmets les salutations chaleureuses du Pacifique de la part de Tahuna, la terre traditionnelle des Ngai Tahu.
    Je vais rapidement vous présenter le contexte géopolitique des activités d'ingérence politique de la Chine, qu'on appelle le « Front uni de la Chine ». On le surnomme aussi la « zone grise » et la « guerre politique ».
    Je vous exhorte à les appeler les mesures actives de la Chine, parce qu'en parlant des mesures actives de l'Union soviétique, nous comprenions qu'il s'agissait aussi d'opérations du renseignement. Elles s'articulaient notamment autour d'un front uni, qui est une technique soviétique de base qui n'est pas propre à la Chine. Ces mesures actives comprenaient la désinformation. Elles ciblaient l'élite du pays ainsi que les groupes dissidents de la diaspora. Nous ne comprenons pas toujours en quoi consiste le Département du travail sur le front uni, parce qu'il n'en existe pas d'équivalent chez nous. Toutefois, je crois qu'il nous sera très utile de comprendre en quoi consistent les mesures actives de la Chine.
    De plus, on parle souvent du système d'État-parti de la Chine. Je vous exhorte à réfléchir au lien entre l'État-parti et le marché militaire afin de mieux comprendre des relations entortillées comme celles entre l'État et Huawei ainsi que la façon dont les universités soutirent des technologies secrètes pour l'Armée de Libération Populaire.
    Je vais passer au contexte de fond. Je vous ai envoyé la présentation PowerPoint qui devait accompagner mon allocution, mais je crois comprendre que votre système de radiodiffusion ne peut pas l'afficher.
(1945)
    Madame Brady, je suis désolé de vous interrompre, et je vais arrêter le chronomètre pendant quelques secondes. On m'a demandé de vous conseiller de tenir votre microphone en main. Évidemment que le fait que nous ayons des interprètes pour les membres francophones complique un peu notre technologie.
    Merci beaucoup.
     Je comprends. Je suis dans une chambre d'hôtel avec des installations très limitées. Toutes mes excuses.
    Pour ce qui est du contexte géopolitique, je vous ai envoyé quelques cartes. L'une d'elles est la nouvelle carte officielle verticale du monde. C'est un monde centré sur la Chine. Elle révèle une réorientation totale, la réflexion fondamentale de la politique étrangère très agressive de la Chine dont Xi Jinping a hérité. Il ne l'a pas inventée. Cette réorientation a commencé dans les années 1980, et même en 1949, mais les grands changements sont survenus dans les années 1980. Vous connaissez probablement les noms de certains de ses influenceurs. Alfred Mahan a souligné qu'une puissance montante doit devenir influente. Il parlait de la mise sur pied d'une marine océanique et de la nécessité de protéger les voies de communication maritimes, parce que la Chine est obsédée par les goulots d'étranglement.
    Il y a aussi Halford Mackinder, le fondateur de la géopolitique moderne.
    Les secrétaires d'État américains Acheson et John Foster Dulles forment le troisième groupe d'influenceurs. Ils ont décrit deux concepts qui sont cruciaux pour notre compréhension de ce qui se passe actuellement. Le premier est celui de la chaîne d'îles — la première, la deuxième et la troisième chaîne d'îles — qui est à la base des pactes de défense en étoile qui relient les États-Unis à des alliés comme la Nouvelle-Zélande, la Corée et le Japon. Le deuxième concept est celui de l'évolution pacifique. Il souligne que le communisme sera miné dans le bloc de l'Est si l'on tolère un plus grand contact avec le monde extérieur, avec le monde occidental dans le cadre de la culture, de l'éducation et autres. Le Parti communiste chinois, le PCC, a été très influencé par cette façon de penser, et sous Xi Jinping, il a adopté une réaction non seulement défensive, mais très agressive, parce que la Chine est convaincue que l'Occident est faible et divisé.
    Ce sont les quatre vecteurs des mesures actives du PCC. J'ai choisi ce terme, que vous entendrez d'ailleurs au Canada et à l'étranger. Le premier regroupe les activités visant à contrôler les communautés chinoises d'outre-mer et leurs médias dans notre société et à les utiliser comme agents de la politique étrangère chinoise, et parfois aussi à des fins d'espionnage. Le deuxième regroupe les « recruteurs de l'élite », qui ciblent notre élite politique et économique. Le troisième est une stratégie mondiale de renseignement visant à orienter le discours international sur les enjeux qui concernent la Chine. Le quatrième vecteur est l'initiative La Ceinture et la Route, qui est un bloc militaire, politique et économique.
    Vous voyez donc que l'ingérence politique est l'outil le plus agressif de la politique étrangère de la Chine. C'est un moyen d'atteindre les objectifs de la Chine sans recourir à la force militaire. Il vise à affaiblir l'opposition aux objectifs de la Chine, à établir des relations de clients ou de propriétaires d'actifs avec l'élite et même à installer des collaborateurs au sein de notre élite. Il permet d'accéder à de l'information et à des technologies sensibles — autrement dit, à pratiquer l'espionnage. Il contrôle le discours de la diaspora et le discours international sur les enjeux qui concernent la Chine.
    Si vous le souhaitez, je pourrai parler plus tard d'une stratégie résiliente, mais je crois que cet aperçu suffira.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup de votre attention.
    Je vous remercie, madame Brady.
    Monsieur Paul-Hus, vous avez maintenant la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je salue les deux témoins.
    Monsieur Juneau-Katsuya, vous avez fait des commentaires dernièrement sur les liens qui existent entre les dirigeants de CanSino Biologics et l'État chinois dans le cadre du Programme des mille talents.
    Pour ma part, j'ai posé des questions au Dr Halperin, de l'Université Dalhousie, qui n'a pas exprimé de préoccupations relativement à ces liens.
    J'ai aussi posé des questions à M. Iain Stewart, président du Conseil national de recherches du Canada. Il m'a répondu que CanSino Biologics était une entreprise privée cotée à la bourse de Hong Kong et qu'il ne voyait pas vraiment de problème.
    Selon vous, est-ce que les hauts dirigeants de nos agences font preuve d'aveuglement volontaire? Ne sont-ils pas plutôt mal informés par les agences de sécurité nationale sur les relations de CanSino Biologics?
(1950)
    Ils sont très mal informés par les agences de sécurité nationale.
    Malheureusement, le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, a pour politique depuis plusieurs années de transmettre le moins d'information possible aux entreprises canadiennes. C'est notre plus grand défaut. C'est la plus grande faiblesse que nous nous sommes imposée nous-mêmes.
    Je suis d'accord sur tous les commentaires formulés par Mme Brady aujourd'hui. En matière d'espionnage, la prévention est la seule et unique manière de se défendre. Une fois que le loup est dans la bergerie, il est trop tard.
    Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité a également pris une mauvaise décision lorsqu'il a, à une certaine époque, réprimandé le SCRS, car il avait tenté de faire plus de sensibilisation auprès des entreprises canadiennes. Ce comité est également mal dirigé, selon moi.
     À ce sujet, j'aimerais que nous parlions de la situation concernant l'entreprise Huawei et le financement universitaire.
    Nous avons appris dans le Journal de Montréal que Huawei avait fait un don de 3,9 millions de dollars au département d'informatique de l'Université de Montréal et un don de 5,4 millions de dollars à l'Université McGill. M. Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine, a soulevé certaines préoccupations à ce sujet.
    Que pensez-vous du fait que cette entreprise finance nos universités?
    En ce qui a trait à ces préoccupations, je suis tout à fait d'accord. Au milieu des années 1990, mon unité a publié un rapport sur le projet Sidewinder dans lequel nous étudiions l'influence exercée par les compagnies chinoises, plus particulièrement dans le cadre des représentations diplomatiques. Par exemple, les rapports officiels d'Élections Canada nous ont permis de découvrir que l'ambassade chinoise avait donné de l'argent à tous les partis politiques pendant la course électorale, ce qui contrevient de façon évidente à la Loi électorale du Canada.
    Le jeu du gouvernement chinois consiste à gagner de l'influence, soit en achetant de bonnes intentions, soit en recrutant des gens pour qu'ils deviennent des agents d'influence. Staline qualifiait ces personnes d'idiots utiles. De cette façon, la Chine souhaite acquérir beaucoup plus d'influence auprès des politiciens et des grands dirigeants, intellectuels et commerciaux, afin d'influencer la destinée politique et commerciale de notre pays.
    Vous avez déclaré dans le passé que toutes les associations de ressortissants chinois au Canada étaient infiltrées par les services de renseignement chinois. Pouvez-vous nous donner plus de détails là-dessus?
    La Gendarmerie royale du Canada, ou GRC, a-t-elle des ressources pour répondre aux plaintes formulées par des Canadiens qui subissent du harcèlement de la Chine?
    La GRC ne dispose pas nécessairement des ressources nécessaires et de la connaissance qu'il faut avoir des divers types d'influence et de harcèlement qui sont exercés. En ce qui a trait à la pénétration et à l'infiltration de ces organisations par les agents du Département du travail sur le front uni, il est d'une grande importance pour le gouvernement central chinois de contrôler la dissidence et, surtout, ce qui se dit à l'extérieur du pays.
    Au sujet de l'infiltration, M. Sam Cooper, un journaliste du réseau Global News, a rédigé un excellent rapport dans lequel il révèle à quel point le gouvernement chinois, avant l'annonce de la pandémie mondiale, s'est servi de ses représentations diplomatiques et de ses agents infiltrés dans les associations. Ils ont recueilli 2,5 milliards d'articles partout dans le monde et les ont rapportés en Chine pour que celle-ci se prépare à la pandémie. Cela s'est passé bien avant que nous sachions que nous allions devoir faire face à une pandémie. Cela donne une idée du pouvoir tentaculaire que ce pays a réussi à établir au fil des ans et de sa forte capacité à rejoindre sa diaspora.
    Dans l'intérêt du Comité, j'aimerais rappeler que le premier ministre a reçu 45 chèques de 1 500 $ chacun de la part de Chinois de Vancouver. On parle d'influence, mais les choses peuvent aussi se produire de cette façon.
    Ma dernière question s'adresse à Mme Brady.
    Madame Brady, vous avez dit que les projets de la Chine concernant les nouveaux sous-marins nucléaires et les brise-glaces devraient préoccuper le Canada. Vous avez dit que si les sous-marins chinois équipés d'armes nucléaires pouvaient naviguer dans l'océan Arctique sans être détectés, cela modifierait l'équilibre nucléaire entre la Chine et les États-Unis.
    Pouvez-vous nous parler de la présence chinoise en territoire canadien?
(1955)

[Traduction]

     C'est une question monumentale que vous me posez, mais je pense que la passion que nous avons observée est semblable à ce que j'ai documenté dans mon article intitulé Magic Weapons: China's political influence activities under Xi Jinping, qui a été affiché au site Web du Wilson Center.
    Je me suis inspirée de ce document pour examiner un certain nombre d'autres pays, de l'Albanie à l'Islande en passant par le Japon et de nombreux pays du Pacifique, et j'ai également suivi les conversations sur l'influence au Canada.
    Je dirais que nous avons la même passion, mais chaque société est un peu différente. Comme dans un bloc de calcaire, la Russie et la Chine décèleront les fissures.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Paul-Hus.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer la parole à M. Fragiskatos, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Monsieur Juneau-Katsuya, me permettez-vous de vous poser ma première question?
    En écoutant votre exposé et en lisant vos articles, qui sont cités dans les médias depuis plusieurs années, je constate que vous décrivez essentiellement une relation de sécurité asymétrique. Vous affirmez que les démocraties, si vous me permettez d'utiliser cette métaphore, ont en fait les mains liées parce qu'elles sont limitées par leur obligation de respecter la primauté du droit et parce que nous souscrivons à des normes.
    Compte tenu de cela, que peuvent faire les démocraties comme le Canada pour nous protéger et pour protéger notre système de sécurité nationale à divers niveaux contre les menaces que posent des régimes autoritaires comme le gouvernement de la Chine?
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous nous trouvons dans une situation déséquilibrée. Nous ne combattons pas sur un pied d'égalité.
    Cela est dû en partie au fait que nous retournons au scrutin tous les cinq ans, alors que le gouvernement chinois jouit de sa pérennité. Il n'est pas tenu de changer son plan d'action. Le prochain gouvernement n'aura pas nécessairement de priorités différentes. La vie continue, tout simplement.
    Le gouvernement chinois, comme l'ont affirmé ses propres fonctionnaires, n'établit pas ses plans sur des années, mais sur des générations. Il sait qu'il récoltera toujours les semences qu'il plante grâce à sa pérennité.
    Que pouvons-nous faire là-contre? Demander la réciprocité. Demander un meilleur équilibre entre ce qu'il nous offre et ce que nous lui offrons.
    Je vais vous donner un exemple. Il y a quelques années, nous avons vendu la société Nexen à une entreprise dirigée par le gouvernement chinois pour 15 milliards de dollars. Essayez d'acheter un dépanneur en Chine si vous le pouvez. Je vous mets au défi d'y réussir. C'est impossible.
    Lorsqu'une société énergétique est dirigée par des fonctionnaires capables de mettre le pied dans une province comme l'Alberta, si elle doit appeler le premier ministre, elle le fera directement. Je suis Canadien et si j'appelle le premier ministre de l'Alberta, je serai probablement mis en attente à perpétuité.
    Voilà donc le déséquilibre auquel nous nous heurtons et que nous devons corriger nous-mêmes.
    Merci beaucoup.
    Avant de donner la parole à Mme Brady, je pense qu'il est également encourageant de voir que le gouvernement actuel a au moins investi dans les services de police fédéraux, particulièrement dans le domaine de la sécurité nationale. Toutefois, ce que vous nous dites, monsieur Juneau-Katsuya, est tout à fait juste.
    Madame Brady, je vous remercie encore une fois de témoigner devant nous depuis la Nouvelle-Zélande. Nous vous sommes très reconnaissants de participer à la réunion de ce soir.
    J'aimerais vous poser une question très franche et directe. De toutes les leçons que vous avez tirées en observant les façons dont la Nouvelle-Zélande pare aux influences sociales, politiques et économiques de la Chine, pouvez-vous nous en citer une ou deux que le Canada devrait envisager d'appliquer?
    Je viens de rédiger un document évaluant les changements que la Nouvelle-Zélande a apportés au cours de ces quatre dernières années depuis que le problème de l'ingérence politique de la Chine fait l'objet d'un débat public.
    La conversation publique s'est avérée très efficace. Elle a déclenché une série d'enquêtes qui ont fait l'objet de débats au Parlement, ce qui a entraîné l'adoption d'une nouvelle loi pour parer les points faibles de notre société.
    Je tiens vraiment à mettre l'accent sur les mesures législatives, car dans certains secteurs, les gens ont tendance à vouloir corriger le problème sans adopter de loi afin de ne pas offenser la Chine.
    Je tiens à souligner qu'en général, les universités ne veulent pas d'une loi comme la Foreign Agent Registration Act, la FARA américaine, mais nous avons besoin de ce type de mesure. Nous avons besoin à la fois de lois et de conversations publiques, car comme on dit souvent, la lumière du soleil est le meilleur désinfectant. Nous avons aussi besoin de sensibiliser le public. Si les gens savent ce qui se passe, ils peuvent choisir judicieusement leurs interactions.
    Le problème, c'est que notre ministre de la Sécurité nationale n'a presque pas parlé de ces questions. C'est notre premier ministre, donc c'est à lui de prendre les devants.
    Nous avons également vu ce qui est arrivé à l'Australie. Ce pays a été le premier à lancer le débat, mais il l'a fait avec une telle spontanéité qu'il s'est attiré des ennuis.
    Je vous répondrai donc que la conversation publique au Parlement est vraiment importante, parce que le hansard protège les intervenants. Le privilège parlementaire protège les gens qui disent des choses qui pourraient être mal reçues hors du Parlement. Ensuite, il faut que les médias comprennent la gravité de ces enjeux, puis il faut adopter des lois qui corrigent les points faibles que la Chine exploite.
(2000)
    Merci beaucoup.
    Je crois qu'il me reste 20 secondes, alors je ne vous poserai pas d'autres questions, mais je me demande si à un moment donné dans votre témoignage, vous pourriez nous dire comment prévenir une hausse conséquente de racisme ou d'incidents haineux contre les Chinois. Si un gouvernement reconnaît que la Chine est une menace — et je prends très au sérieux tous les points que vous avez soulevés —, je crains que nous assistions à une amplification de la haine anti-asiatique au Canada. Nous vous saurions reconnaissants de nous faire part de vos réflexions à ce sujet.
     Merci, monsieur Fragiskatos. Nous ne recevrons pas cette réponse tout de suite.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie encore une fois nos témoins, qui apportent un éclairage des plus intéressants et des plus pertinents pour notre étude.
    Monsieur Juneau-Katsuya, depuis de très nombreuses années au Parlement fédéral, j'expérimente la façon de faire canadienne. Les témoins francophones s'expriment dans les deux langues officielles, et les témoins anglophones s'expriment en anglais. Vous avez confirmé la règle ce soir par votre intervention. Je vous remercie de l'éclairage que vous apportez relativement à notre étude.
    Dans votre ouvrage, intitulé Ces espions venus d'ailleurs, vous parlez de la création de sociétés écrans, d'entreprises qui, au fond, n'ont pour objectif que de recueillir de l'information pour le gouvernement chinois.
    Au Canada, avez-vous des exemples d'entreprises de ce type?
    Plusieurs entreprises ont été créées, particulièrement dans les années 1990, soit avant la rétrocession de Hong Kong à la Chine continentale, en 1997. Plusieurs étaient effectivement des sociétés écrans, qui venaient ici pour chercher des informations. Elles semblaient vouloir collaborer avec des entreprises canadiennes, mais, une fois qu'elles avaient reçu l'information nécessaire, elles disparaissaient.
    Dans la même optique, à titre d'exemple, on a parlé avec le témoin précédent des instituts Confucius. Ces instituts font exactement le même travail à l'heure actuelle. Ce sont, ni plus ni moins, des satellites d'espionnage qui sont envoyés. De même, on a demandé au directeur de l'Institut Confucius du Nouveau-Brunswick de quitter le Canada à la suite d'activités qui s'apparentaient beaucoup plus à de l'espionnage.
    Je me souviens d'avoir moi-même enquêté sur un dossier, encore une fois au Nouveau-Brunswick, où un directeur antérieur avait demandé à un employé du gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick d'obtenir une adresse courriel officielle pour lui-même afin de pouvoir avoir accès aux informations du gouvernement provincial. Cela lui aurait donné une porte d'entrée à toutes les informations du gouvernement provincial. Ce n'est pas le seul incident que l'on pourrait relater.
    Beaucoup d'incidents dans le monde mettent en cause des instituts, comme l'Institut Confucius, ou d'autres entreprises, qui sont venus faire du vol de technologies et d'informations. Dans certains cas, ils viennent aussi collaborer avec le crime organisé chinois. C'est un autre élément particulièrement troublant lorsque l'on voit qu'il y a une certaine collusion entre le gouvernement chinois et le crime organisé pour mener certaines activités.
    D'ailleurs, cette situation est présentement étudiée en Colombie-Britannique relativement aux casinos. Cela a été révélé par une transfuge dans les années 1990. Ce transfuge au service de renseignement australien avait indiqué qu'au début des années 1980, à l'époque où il faisait partie des services de renseignement chinois, sa fonction avait été d'aller à Hong Kong pour recruter les triades afin que la rétrocession de 1997 ait lieu sans aucune complication. C'est une autre démonstration de la collusion qui existe entre le crime organisé chinois et les services de renseignement chinois à l'heure actuelle.
(2005)
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Juneau-Katsuya.
    Madame Brady, vous avez présenté au gouvernement de la Nouvelle-Zélande une recommandation selon laquelle il serait nécessaire d'établir un registre des agents étrangers de manière à prévenir les interférences étrangères. Cela se passait en 2019.
    Sur quels critères devrions-nous établir un tel registre? Y a-t-il un risque que des acteurs étrangers alliés du Canada se retrouvent sur cette liste?
    Qu'avez-vous en tête? Que pourrait-on également mettre en place au Canada?

[Traduction]

     Je vous remercie d'avoir posé cette question.
    Je pense que les systèmes parlementaires et les lois de la Nouvelle-Zélande, du Canada et de l'Australie ont de nombreuses similitudes et, d'après moi, nous aurions avantage à échanger de l'information sur ce qui réussit et sur les erreurs à éviter.
     Je crois qu'il nous faut un registre des agents étrangers. Nous avons besoin de transparence, d'une plus grande transparence, pour permettre au public et aux entreprises de bien choisir leurs partenaires en Chine, tout en veillant à ne pas nuire à notre démocratie.
    Je recommanderais au Canada d'en discuter avec l'Australie, qui a déjà établi un tel registre, et avec les États-Unis, qui ont déjà un registre bien établi.
    Merci.

[Français]

     N'est-ce pas exactement ce que fait le Groupe des cinq?

[Traduction]

     Les parlements peuvent se parler hors du système de renseignement électromagnétique du Groupe des cinq. Leur relation du Groupe des cinq ne les empêche aucunement de discuter par d'autres moyens. Je vous parle de la Nouvelle-Zélande et je ne fais pas partie du Groupe des cinq. Les députés peuvent se parler. Je pense que ce serait très utile pour notre démocratie. Nous aimons la liberté d'expression. La liberté d'association et la vie privée sont également importantes.
    Comment trouver le juste équilibre? Je suis sûre que chacun de nous est en mesure de répondre à cette question.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer la parole à M. Harris pour six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos deux invités de ce soir. Je vous remercie pour vos exposés.
    Madame Brady, vous avez présenté un exposé au gouvernement de la Nouvelle-Zélande sur l'ingérence pendant la campagne électorale de 2017, si je ne me trompe pas. Pouvez-vous nous décrire un peu cette ingérence? Quelle forme a-t-elle pris, et pouvons-nous, ou devrions-nous aussi la surveiller? Y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire?
    À la suite de chaque élection nationale et aussi après l'élection des gouvernements locaux, le Parlement de la Nouvelle-Zélande mène une évaluation pour voir comment les choses se sont déroulées et si la campagne électorale a soulevé des préoccupations.
    Mon gouvernement a mené deux enquêtes sur l'ingérence étrangère. Il a effectué un examen global des élections de 2017, puis des élections d'organismes locaux dans les années qui ont suivi. Nous avons constaté que des groupes et des particuliers avaient fait des dons à nos politiciens locaux et centraux.
    C'est pourquoi le débat public est très important. Je vous assure que nos députés et nos maires ne savaient pas qu'ils recevaient de l'argent du PCC. Ils ne comprenaient pas qui étaient leurs partenaires. Ils le comprennent mieux maintenant. Dans notre rapport à la commission électorale de cette année, nous avons pu affirmer que personne n'avait reçu de tels dons pendant la campagne électorale du gouvernement central.
    Nous avons découvert des dons inappropriés, et le Serious Fraud Office mène actuellement plusieurs enquêtes sur ces cas. En les traitant, nous saisissons l'occasion d'éduquer les gens. Nous avons également constaté qu'au cours des années précédentes, les médias de langue chinoise diffusés en Nouvelle-Zélande avaient tenté d'inciter le public chinois à voter en bloc pour un parti dont le candidat représentait très évidemment le PCC. Nous avons également constaté une certaine désinformation dans les médias de langue chinoise au sujet des élections. Nous avons aussi vu de la publicité politique déguisée, ce qui contrevient à notre loi électorale.
    Malheureusement, nous ne disposons que de mesures très faibles pour régler ces problèmes. Il faut que nous réexaminions notre loi électorale. Il faut que invitions des personnes qui parlent chinois à siéger à notre commission électorale.
    Nous devons aussi modifier nos lois sur la presse. En Nouvelle-Zélande, nous n'avons pas encore trouvé moyen de corriger la façon dont la diaspora chinoise est ciblée par le PCC, qui la considère comme une ressource et un outil pour sa politique étrangère. La plupart de ces gens ne sont en fait que des victimes de ses activités. De plus, leurs médias doivent maintenant suivre les mêmes lignes directrices en matière de censure que les médias de Chine.
    Notre gouvernement n'a pas encore trouvé moyen de régler ce problème, mais je tiens à souligner qu'hier, dans son important discours sur les relations entre la Nouvelle-Zélande et la Chine, notre ministre des Affaires étrangères a très judicieusement fait l'éloge d'un groupe de la communauté chinoise qui n'adhère pas au PCC. Il faut que nous soutenions mieux nos communautés chinoises locales. Il faut que nous montrions qu'elles sont différentes les unes des autres et qu'elles ne sont pas toutes sous le contrôle du PCC comme le gouvernement chinois le souhaiterait.
(2010)
    Merci, madame Brady.
    Monsieur Juneau-Katsuya, puis-je vous poser une question?
    En 2007, M. Judd, un ancien directeur du SCRS, a dit que le service passait environ la moitié de son temps à s'occuper de l'ingérence chinoise. Avez-vous des raisons de croire qu'il y a moins d'ingérence maintenant, ou y en a-t-il plus? Comment se fait-il que nous entendions si peu parler d'accusations d'activités clandestines? Nous entendons parler d'intimidation, mais pas tellement de ce qui se fait à ce sujet? Pouvez-vous nous parler un peu de ces aspects-là?
     Oui. Mais avant, j'aimerais corroborer les propos de Mme Brady. Ce qu'elle a décrit, nous avons observé exactement la même chose de la part du gouvernement chinois ici même au Canada lors d'élections précédentes.
    Pour ce qui est des poursuites et des enquêtes, premièrement, elles ont augmenté. Nous constatons qu'il y a beaucoup plus d'ingérence. Il y a beaucoup plus d'agents d'influence à des échelons très stratégiques des trois paliers de gouvernement, municipal, provincial et fédéral.
    En ce qui concerne les poursuites, il y a un problème au sein même de notre propre système. Les poursuites relèvent de la GRC. Le SCRS ne peut pas intenter de poursuites et, malheureusement, il ne s'entend pas bien avec les autres enfants dans la cour d'école. Il ne communique pas très bien l'information. Il ne le fait pas comme il le devrait, et la GRC a perdu la capacité d'enquêter sur les activités d'espionnage parce qu'elle n'est plus dans le coup depuis la création du SCRS en 1984.
    Nous devons rajuster le tir. Le comité parlementaire sur la sécurité et le renseignement qui a été créé est un moyen de le faire. Notre problème et notre faiblesse, c'est que tous les cinq ans, nous avons un nouveau groupe de personnes dans ce comité, avec un nouveau groupe d'analystes.
    Merci.
    Il ne me reste que 15 ou 20 secondes. Je ne peux pas vraiment vous poser une autre question, mais j'aimerais bien savoir s'il y a une augmentation du pourcentage d'activité consacrée à l'influence chinoise par rapport à d'autres.
    Que diriez-vous d'un oui ou d'un non?
    La réponse est oui.
    D'accord. Très bien.
    Merci beaucoup, monsieur Harris. Nous passons maintenant au deuxième tour. Monsieur Williamson, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Brady, pourriez-vous nous en dire plus sur les lois de la Nouvelle-Zélande concernant un registre des médias d'État, des agents étrangers et des lobbyistes. Où y a-t-il de telles lois, où n'y en a-t-il pas et comment fonctionnent-elles?
(2015)
    Vous me mettez vraiment à l'épreuve aujourd'hui.
     C'est encore un débat difficile au gouvernement. Le problème que nous avons en Nouvelle-Zélande, c'est que nos législatures ne durent que trois ans. En 2017, le débat sur l'ingérence politique de la Chine est devenu public tout à coup après la publication de mon article, et il a confirmé ce que disait notre service du renseignement de sécurité. Lorsque le nouveau gouvernement a été formé, il lui a fallu six semaines pour rallier une coalition. Il a dû faire ses propres évaluations. Cela a pris six mois et c'était ardu, parce que cela ébranlait complètement notre pensée du moment au sujet de la Chine, qui était vue surtout comme un partenaire économique; il y avait aussi une espèce d'appréhension désespérée d'un problème auquel nous ne pouvions rien.
    Mon pays a finalement décidé que la sécurité nationale l'emportait sur la sécurité économique. Autrement dit, sans sécurité nationale, il n'y a pas de sécurité économique, et tout le monde doit apprendre cette leçon, depuis les entreprises jusqu'aux universités.
    Ensuite, il a fallu encore un an pour lancer cette enquête sur l'ingérence étrangère, et il y a eu toute une bataille pour amener le débat sur la place publique.
    C'est un travail de patience. À la fin de la première enquête, qui a duré plus d'un an, notre ministre de la Justice a déclaré que nous allions adopter d'autres lois. Je pense que vous savez grâce à votre propre façon de procéder au Canada que cela prend du temps, justement parce que le problème est si grave dans notre société et si endémique, comme le signalait M. Juneau-Katsuya. Toutefois, nous nous attaquons au problème et nous adoptons tranquillement des mesures législatives qui portent, par exemple, sur l'investissement étranger en Nouvelle-Zélande, auquel s'appliquent maintenant des critères de sécurité nationale.
    Je peux vous faire parvenir un document que j'ai écrit récemment et qui montre les changements législatifs. Comme nous vivons en démocratie, nous devons tenir ce débat sur la place publique. Nous ne changeons pas nos politiques de façon arbitraire. C'est notre force, mais aussi notre faiblesse et notre vulnérabilité, et le Parti communiste chinois compte bien jouer là-dessus.
    C'est exact. Merci.
    J'espère que le Canada emboîtera le pas à la Nouvelle-Zélande. À l'heure actuelle, nous avons ce débat-là, nous aussi, alors je comprends très bien de quoi il en retourne pour vous.
    Monsieur Juneau-Katsuya, vous avez dit que le SCRS ne s'entendait pas bien avec les autres. Comment pouvons-nous remédier à cela?
     Les Américains ne semblent pas avoir le même problème que nous. Nous voyons qu'il y a plus d'activité chez eux, plus de collaboration et d'arrestations.
    À votre avis, que faut-il faire pour que tout le monde travaille ensemble, que les responsables de la sécurité collaborent avec les forces de l'ordre et que nous ne passions pas pour un tigre de papier?
     Nous devons absolument échanger l'information. Nous devons nous faire exposer la situation par nos experts qui la suivent et nous devons les autoriser à échanger plus d'information. Il y a une certaine retenue, et probablement un vieux réflexe anglo-saxon de garder son flegme et de ne pas trop en dire.
    Commençons par nos représentants élus. Ils devraient être un peu mieux informés non seulement des menaces qui viennent de la Chine, mais de toute ingérence et de toute influence étrangères, qu'elles viennent de n'importe qui. Ce serait un excellent point de départ. Ensuite, allons voir les chefs d'entreprise, intéressons-les au problème, travaillons avec eux et échangeons plus d'information entre les services.
    Une des grosses bavures que nous avons eues concernait une petite affaire avec les Russes à Halifax. Le SCRS a refusé de communiquer ce qu'il savait à la GRC, qui a dû improviser jusqu'au bout. C'est un gros problème que nous avons actuellement.
    La rétention d'information peut avoir des conséquences tragiques, comme nous le savons si bien depuis l'attentat à la bombe contre le vol d'Air India.
    Oh que oui.
    Est-ce qu'il faut changer la loi? Je ne suis pas sûr qu'en exhortant seulement le SCRS à communiquer... Pensez-vous qu'il nous faut un autre organisme de surveillance, ou qu'il faut modifier la loi pour le forcer à mieux se conduire?
    Non, il ne s'agit pas tant d'un changement dans la loi que d'un changement dans la direction et l'intendance. Il faut que les gens du SCRS se fassent à l'idée qu'un jour ils puissent avoir à témoigner.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Williamson.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Yip.
    Madame Yip, vous avez cinq minutes.
    Merci à vous deux d'être présents. Je sais qu'il se fait tard.
    Monsieur Juneau-Katsuya, j'ai une question pour vous.
    En réponse au rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, l'experte Stephanie Carvin a dit que le fait que le directeur David Vigneault ait publiquement nommé la Chine signalait une sérieuse volte-face dans le milieu du renseignement; elle a même parlé d'un « énorme changement ».
    Qu'en pensez-vous, et que pensez-vous aussi des récents discours du directeur où il reconnaissait publiquement que le Parti communiste chinois faisait peser des menaces sur les Canadiens, et que les Canadiens devaient en être conscients et prendre des mesures pour se protéger?
(2020)
    Je pense qu'il est grand temps d'appeler un chat un chat.
    Dans l'histoire moderne, la Chine représente probablement, pour le Canada, l'adversaire et la menace les plus redoutables pour notre démocratie, pour notre économie et pour les citoyens canadiens d'origine chinoise ou d'autres origines.
    Le gouvernement chinois ne perçoit pas de la même manière que nous la relation avec les autres qui font du commerce. Pour lui, il s'agit essentiellement d'une guerre, et à la guerre, tous les coups sont permis. Il est donc prêt à faire ce qu'il faut, c'est-à-dire soudoyer, tricher, mentir et intimider, parce que le but du jeu est de gagner, point final.
    En fin de compte, si vous voulez vraiment comprendre comment fonctionne le gouvernement chinois, apprenez à jouer au go, parce que le jeu de go consiste essentiellement à acquérir du territoire et à exercer de l'influence sur la planche de jeu. Cela n'a rien à voir avec la chance, mais avec la stratégie. Les Chinois sont des stratèges redoutables et le recours à l'influence est très important.
    Le changement de politique et la volte-face du directeur du SCRS, qui a enfin nommé la Chine pour ce qu'elle est, devraient aussi être une indication ou un signe pour notre gouvernement et nos représentants élus que nous devons tenir tête à la Chine. Malheureusement, nous avons nos dissensions sur la scène internationale, où nous ne travaillons pas nécessairement ensemble. Nous voyons seulement les affaires de Huawei. Lorsque nous avons donné des signes de faiblesse, d'autres sont venus de l'arrière pour essayer de combler le vide que nous avions laissé. Nous devons être capables de coopérer à l'échelle internationale et certainement d'essayer de travailler ensemble au Canada aussi.
    Un des grands problèmes que j'ai observés dans la fonction publique, par exemple, c'est à propos de notre conflit avec Huawei. Peu après que les troubles ont commencé, avec les procédures judiciaires et tout le reste, nous avons vu le ministère des Affaires mondiales se tourner vers une entreprise chinoise, Nuctech, qui fait autant problème que Huawei, pour sécuriser nos ambassades et nos consulats moyennant plusieurs millions de dollars. C'est comme si la main droite ne parlait pas à la main gauche. Nous faisons des choses au gouvernement, mais nous n'avons pas l'appui de nos fonctionnaires. Je parle des Affaires mondiales. Si un ministère aurait dû être au courant de ce qui se passait, c'est bien lui. Il y a un coup de pied au derrière qui s'est perdu quelque part.
     Merci.
    Je m'adresse maintenant à Mme Brady.
    Vous avez dit tout à l'heure que le gouvernement de la Nouvelle-Zélande devait s'efforcer davantage d'aider les membres de la communauté chinoise qui sont victimes de l'ingérence du Parti communiste chinois. Est-ce qu'il y a eu une augmentation du racisme anti-asiatique?
    Je vous remercie de votre question. En fait, nous n'avons rien vu de comparable aux incidents affreux qui se sont produits aux États-Unis, par exemple. Nous avons certes des antécédents de racisme envers la population chinoise de la Nouvelle-Zélande, qui ressemblent beaucoup à ceux de l'Australie. À l'époque de la ruée vers l'or, on parlait du péril jaune et d'empêcher les femmes en particulier de migrer vers la Nouvelle-Zélande. De façon plus générale, nous sommes une société postcoloniale et nous avons donc aussi un passé de racisme. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas eu de cas extrêmes.
    J'aimerais revenir à la question de M. Fragiskatos sur la façon de contrer l'ingérence politique du Parti communiste chinois dans nos pays. En Nouvelle-Zélande, c'est la priorité absolue de notre service du renseignement de sécurité. Son devoir premier est de contrer l'ingérence étrangère, autrement dit celle de la Chine, tout en protégeant notre communauté chinoise et en lui signalant que nous savons qu'elle est victime des manœuvres du PCC pour influencer ses groupes et ses médias.
    Comme je l'ai dit, mon gouvernement essaie depuis quatre ans de déterminer d'abord si nous avons les moyens de régler le problème, puis de discuter de ce que nous allons faire. J'ai lui ai dit à maintes reprises que, pour commencer, lorsque nous abordons cette question, il faut dire « le PCC », « le gouvernement du PCC », « la République populaire de Chine » et non pas dire simplement « Ce sont les Chinois », parce que c'est déshumanisant. Nous devons faire attention à notre langage.
(2025)
    Merci, madame Brady.
    Merci, madame Yip.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
    Monsieur Juneau-Katsuya, vos propos confirment un peu ce que nous observons depuis un certain nombre de semaines.
    Nous avons l'impression que, du côté du gouvernement, la main gauche ne sait pas vraiment ce que fait la main droite, indépendamment des couleurs politiques. Cela peut effectivement constituer un atout pour des pays comme la Chine.
    Un cas nous a récemment été soumis. Une espèce d'agence financée par un fonds chinois a été embauchée par le gouvernement canadien pour gérer la question des visas en Chine. Cette agence sous-traite à une entreprise chinoise. Tout est dans tout. Les Chinois sont en amont comme en aval de cette situation.
    Lorsque nous avons demandé aux différentes autorités en matière de renseignement canadien qui avait effectué les vérifications auprès de cette entreprise, nous avons eu droit à un long silence. Manifestement, personne du côté de l'État canadien n'avait effectué les vérifications nécessaires.
    Ce genre de scénario se produisait-il déjà lorsque vous étiez à l'intérieur de l'appareil fédéral?
    Malheureusement, oui, c'est le cas.
    Le dossier chinois en particulier est très mal compris par l'ensemble du gouvernement canadien, et même par le SCRS, à l'occasion. On perçoit mal la menace et on la comprend mal, malheureusement. Les Chinois opèrent et pensent différemment. Ils ont des moyens opérationnels très différents. Cela nous échappe.
    On se doit d'avoir une plus grande rigueur, sans, nécessairement, verser dans l'exclusion ou le racisme. Il faut assurément beaucoup plus de rigueur pour être en mesure de comprendre les techniques d'opération.
    Il est essentiel de comprendre le jeu d'influence. Les Chinois jouent avec les leviers d'influence, que ce soit en investissant de l'argent ou en se rapprochant de certains élus, pour faire dévier le cours des choses vers la direction qu'ils souhaitent.
    Lorsque j'ai abordé cette question, au sein même du SCRS ou du gouvernement, on m'a trop souvent répondu que, dans le cadre du système capitaliste, il fallait accorder des chances à la Chine. Toutefois, ce sont les Chinois qui ont inventé le capitalisme. Ils savent beaucoup mieux que nous jouer avec le système capitaliste. Ils savent exactement quels leviers d'influence ils peuvent utiliser.
    Il y a un manque de sensibilité et un manque d'écoute. À titre d'exemple, Innovation, Sciences et Développement économique Canada peut, à une certaine étape du processus, consulter les services de renseignement en matière de sécurité nationale. Si ces derniers mentionnent qu'il y a un danger, le ministère peut refuser qu'une entreprise étrangère s'établisse ici sans avoir à dévoiler quoi que ce soit. Dans le cas qui nous intéresse, il s'agit d'une entreprise chinoise. Or ce mécanisme est très peu utilisé, et ces préoccupations sont très peu écoutées.
     Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron.

[Traduction]

     Monsieur Harris, vous avez deux minutes et demie.
    Je crois que vous m'avez nommé, monsieur le président, mais votre voix ne passe pas encore, pour une raison ou une autre. Merci, cependant.
    Pour commencer, madame Brady, j'ai une question simpliste. Que répondriez-vous à quelqu'un qui demanderait s'il vaut la peine de dire à des gens qui ne respectent pas les règles qu'ils doivent s'enregistrer comme agents étrangers? Est-ce qu'une loi à cet effet serait efficace dans le cas qui nous occupe? Pourriez-vous nous expliquer comment cela pourrait fonctionner?
(2030)
     Merci de votre question.
    Il faut être très lucide au sujet du PCC. On n'arrivera pas à saisir tous les aspects des mesures actives du PCC ou de la Chine. Cela arrive comme une vague, que rien n'arrête.
    Je pense que nous devons tirer des leçons de l'expérience de la Lituanie, de l'Estonie, de la Finlande et de la Lettonie, qui composent depuis longtemps avec l'ingérence politique russe. Ce qu'elles font pour avoir une société résiliente, à part adopter d'excellentes lois sur l'ingérence politique — et je vous recommande celle de la Lituanie en particulier —, c'est qu'elles éduquent leur population. La Finlande, par exemple, offre régulièrement des cours sur la désinformation à l'intention du grand public. Elle informe la population, sans dire nécessairement d'où vient la désinformation.
    Nous devons être réalistes et savoir que nous n'allons pas saisir chaque aspect, mais nous avons la loi et nous avons une bonne campagne publique en marche qui aidera à éduquer notre population et à nous garder forts et résilients. Nous pouvons nous attendre à ce que la Chine fasse de l'ingérence politique indéfiniment sous la gouverne de Xi Jinping; raison de plus d'aborder le problème avec lucidité.
    Je vous demande toutefois en quoi c'est efficace. Qu'en est-il, par exemple, si vous subissez une ingérence quelconque qui semble se faire pour le compte du gouvernement chinois? Y aurait-il moyen de porter une accusation sans avoir à prouver autre chose que la personne en question semblait être un agent du gouvernement chinois et qu'elle n'était pas enregistrée? Est-ce ainsi que cela pourrait fonctionner? Vous parlez d'éducation plus que d'autre chose.
    Ce que nous voyons aux États-Unis, par exemple, c'est que les entreprises ou les particuliers associés au gouvernement chinois et les médias d'État doivent s'enregistrer tels qu'ils sont. Cela aide à freiner certains agissements. Ce n'est qu'un outil parmi d'autres. Il en faut toute une panoplie.
    Merci, monsieur Harris.
    Merci, madame Brady.
    Chers collègues, compte tenu de l'heure et du fait qu'un autre groupe s'en vient, je propose de prendre congé de nos deux témoins.
    Merci beaucoup à vous deux d'avoir comparu aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes pour faire une pause-santé et permettre aux nouveaux témoins de vérifier leur son.
    Monsieur le président, j'invoque rapidement le Règlement.
    Je crois qu'un des témoins avait une longue déclaration écrite. Les témoins savent-ils que si leurs versions écrites sont plus longues que leurs exposés, ils peuvent nous les soumettre? Nous aimerions les voir.
    C'est un rappel très utile. Merci, monsieur Genuis. Je suis sûr que les témoins l'ont entendu.

[Français]

    Nous suspendons la séance pour cinq minutes.
(2030)

(2035)
    Nous accueillons maintenant notre troisième groupe de témoins. Nous recevons M. Steve Waterhouse, capitaine à la retraite, ancien officier de sécurité des systèmes d'information au ministère de la Défense nationale et spécialiste en cybersécurité.

[Traduction]

    Nous accueillons aussi M. Christian Leuprecht, professeur au Département de sciences politiques et d'économie du Collège militaire royal du Canada. Merci à vous deux de vous joindre à nous ce soir.

[Français]

    Monsieur Waterhouse, nous commencerons par votre discours d'ouverture. Vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

[Français]

    Mesdames et messieurs, bonsoir.
    C'est avec plaisir que je suis ici pour vous faire part de mes points de vue concernant certains enjeux que je perçois actuellement, tout comme mes concitoyens, relativement à la sécurité de leurs informations personnelles et des méthodes modernes de commerce en ligne, eu égard à ce que représentent les entreprises chinoises dans notre société.
    Je peux résumer la situation de la façon suivante. Les citoyens, les entreprises de toutes tailles et tous les ordres de gouvernement au pays sont tous, sans exception, égaux devant les cyberrisques et les cyberattaques.
    Au cours des 20 dernières années, nous avons subi d'énormes revers économiques à cause de cyberopérations dirigées contre des entreprises et des gouvernements.
    Au cours de ces années, nos chercheurs et développeurs ont mis au point des technologies de pointe qui font, ou plutôt qui faisaient, l'envie du reste du monde. Les services de renseignement chinois, ou MSS, et les groupes pirates de citoyens chinois favorables au Parti communiste chinois de la République populaire de Chine et tolérés par celui-ci se sont allègrement amusés à agir contre nos institutions et entreprises.
    L'Évaluation des cybermenaces nationales 2020 du Centre canadien pour la cybersécurité ainsi que l'organisme américain Office of the Director of National Intelligence, ou ODNI, sont unanimes: les objectifs stratégiques poursuivis par la Chine, comme l'initiative Made in China 2025 et les activités qui auront lieu à l'occasion du centenaire de la Chine communiste, en 2049, représentent un cyberrisque important.
    En cette période de crise sanitaire que nous connaissons en 2021, les chercheurs du milieu de la santé du Canada ont constaté que les acteurs se livrant à des activités présentant une menace pour le pays, tant externes qu'internes, nuisent à l'élaboration et au déploiement de solutions de prévention et d'atténuation des risques liés à la pandémie de COVID-19.
    Auparavant, les menaces étaient dirigées contre le développement économique, les institutions gouvernementales et notre façon de vivre, bref, contre les infrastructures essentielles.
    Au cours des 20 dernières années, la Chine a travaillé fort pour rattraper son retard en matière d'innovation et de développement dans les pays de l'Ouest.
(2040)
    M. Waterhouse, excusez-moi de vous interrompre.

[Traduction]

    Oui, monsieur le président?

[Français]

    Les interprètes ont de la difficulté à faire leur travail parce que votre débit est trop rapide. Si cela est possible, je vous demanderais d'essayer de ralentir un peu.
    D'accord, monsieur le président.
    L'exemple le plus éloquent pour les Canadiens est sans aucun doute le vol, entre 2000 et 2009, des brevets de fabrication, des plans stratégiques et des autres types de propriétés intellectuelles de Nortel.
    Ces informations stratégiques sont passées des mains du MSS à celles des ingénieurs de Huawei, alors que des dirigeants de Nortel au Canada faisaient fi des avertissements de la GRC et du SCRS.
    Les interventions de l'unité 61398 de l'Armée de libération du peuple, ou ALP, chez Nortel se sont poursuivies ailleurs dans le monde ainsi qu'à Calgary, en 2012, où l'unité s'est infiltrée et a volé le code source du fabricant de systèmes de contrôles industriels Telvent. C'est le type de contrôle que l'on retrouve dans les réseaux de distribution électriques, les systèmes de distribution et d'assainissement de l'eau, les transports en commun structurés, comme les métros, ainsi que dans la majorité des oléoducs de gaz et de pétrole de l'Amérique du Nord. Plus que jamais, nos infrastructures essentielles sont exposées à risque à cause de cette situation.
    Je tiens à mentionner aussi le spectaculaire vol de données de recherche fondamentale sur la sécurité quantique des réseaux informatiques du Conseil national de recherches du Canada, ou CNRC, qui a eu lieu à Ottawa et à London en 2014.
    Les services de contre-espionnage américains, soit le National Counterintelligence and Security Center, ou NCSC, nous mettent maintenant en garde contre la collecte indue et abusive de données sur l'ADN par des compagnies pharmaceutiques chinoises.
    Que pouvons-nous faire?
    Contrairement à certains de ses alliés et pays amis, le Canada n'a toujours pas pris de décisions stratégiques concernant l'exclusion de l'entreprise Huawei comme partenaire d'affaires et concurrent dans la course à la 5G. Le gouvernement actuel tarde à dire s'il se range aux côtés de ses alliés, ou non, devant Huawei.
    Le vendredi 16 avril dernier, des instances du gouvernement du Québec se sont dites désireuses de faire affaire avec des entreprises chinoises comme Huawei, sans procéder à une évaluation des menaces et des risques.
    Une telle déclaration démontre bien à quel point nos dirigeants ne sont pas adéquatement informés quant aux enjeux liés à la cybersécurité par rapport aux décisions économiques qui semblent favorisées. Une importante entreprise de télécommunication des Pays-Bas a appris à ses dépens qu'elle n'était pas adéquatement informée en la matière. Elle a d'ailleurs pu démontrer comment des conversations de son premier ministre avaient pu être écoutées à partir de la Chine depuis 2010.
    La Chine a aussi récemment démontré sa capacité à pirater un réseau de distribution électrique dans la région de l’Himalaya dans le cadre de son conflit avec l'Inde.
    Est-ce que nous et nos voisins américains sommes capables de détecter et d'arrêter à temps une telle intrusion par les pirates chinois afin de prévenir des cyberattaques sur nos réseaux électriques de l'ampleur de celles ayant occasionné la panne de 2003?
    Nous sommes en cyberguerre, dans le contexte d'une guerre de l'information.
    Il faut améliorer ce qui fonctionne moins bien et favoriser les initiatives qui aideront les différents intervenants à contribuer à une meilleure qualité de vie, physique comme numérique. Cela nous aiderait à redevenir les meneurs que nous sommes fondamentalement dans l'économie mondiale.
    Je suis prêt à répondre à vos questions dans les deux langues officielles.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Waterhouse.

[Traduction]

     Nous donnons maintenant la parole à M. Leuprecht. Allez-y, monsieur Leuprecht. Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration d'ouverture.

[Français]

    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité. Cela me fera plaisir de répondre aux questions dans les deux langues officielles, mais je vais faire mon discours en anglais.

[Traduction]

    Je pense que la Chine représente la plus grande menace à la politique étrangère occidentale du Canada depuis des décennies. On peut voir la force militaire de ce pays et la façon dont il compense certaines de ses faiblesses, ainsi que son poids économique et ses ambitions mondiales. Retenons que les Canadiens doivent commencer à voir le monde pour ce qu'il est plutôt que pour ce qu'ils aimeraient qu'il soit. C'est un monde hautement concurrentiel et hautement contesté sur le plan géopolitique, un monde ébranlé par des conflits permanents et au seuil d'une guerre conventionnelle ou nucléaire. Nous ne voyons ici qu'une partie de ce vaste spectre où nous subissons de fortes pressions sur de nombreux fronts. C'est le cas depuis 2008.
    Je pense que pour décrire la relation avec la Chine, il vaut mieux parler « d'interdépendance concurrentielle ». L'Alaska est un bon exemple. Nous avons passé une heure à faire de la démagogie des deux côtés, puis nous avons eu huit heures de dialogue stratégique sur des questions fondamentales d'intérêt commun. Nous devons comprendre que, même si nous sommes d'accord autour de nombreux enjeux en matière d'interdépendance concurrentielle — sur le plan économique, par exemple —, il y a aussi bien d'autres enjeux et intérêts sur lesquels nous accusons des différences fondamentalement irréconciliables. Il nous faut retenir que le Canada ne peut pas imposer sa volonté à la Chine, mais qu'il ne doit pas non plus accepter un rôle subordonné dans cette relation. Nous devons nous préparer à une concurrence systémique à long terme.
    La concurrence porte essentiellement sur la façon de libérer le potentiel national et de réaliser nos ambitions nationales. En fin de compte, cela nous ramène davantage à une question de concurrence qu'une question de confrontation. Parfois, il suffit de coopérer avec ses concurrents. Il ne s'agit pas d'une relation monochromatique, et c'est, je pense, ce qui nous réunit ici ce soir. Il faut reconnaître, et c'est tout à l'honneur du Comité, que vous êtes aux prises avec une relation extrêmement difficile et complexe, caractérisée par une interdépendance incontournable dans toutes sortes de domaines, de l'économie du savoir aux questions comme l'Iran et la Corée du Nord.
    Que peut faire le Canada? D'abord, nous devons prendre acte de ce que nous pouvons faire et ne pouvons pas faire. Nous ne déciderons pas du type de régime que va adopter la Chine, et nous ne pouvons pas fixer la taille de l'économie chinoise. Nous pouvons, par exemple, nous dire que les quatre attributs de la formule qui a permis à la Chine d'en arriver là au cours des 40 dernières années — sur lesquels je ne peux m'étendre par manque de temps — ne s'appliquent plus. L'avenir ne ressemblera pas à une trajectoire linéaire comme celle que nous avons vue dans le passé. La Chine se dit qu'elle n'a plus de relations stables avec les États-Unis et qu'elle doit donc se renforcer pour soutenir la concurrence stratégique. Je pense que le Canada doit faire de même. Il doit se fortifier en s'appuyant sur ses amis.
    Nous devons donc, entre autres choses, contrer le discours chinois selon lequel l'Est est en plein essor et l'Ouest en plein déclin. Les médias chinois sont de grands producteurs de récits, et les systèmes autoritaires excellent toujours à mettre en valeur leurs forces et à dissimuler leurs faiblesses. Nous devons apprendre à faire la distinction entre l'image et la réalité et ne pas y adhérer par inadvertance. Ayons confiance en nous. Ne gonflons pas la menace, mais ne la militarisons pas non plus à des fins politiques.
    N'oublions pas non plus que la Chine n'est pas infaillible, que l'alarmisme ne nous aide pas et que la Chine a beaucoup de vulnérabilités. Le Canada est beaucoup mieux placé que la Chine pour relever les défis du XXIe siècle en ce qui concerne le PIB par habitant, l'énergie, la sécurité alimentaire, la démographie, l'éducation, l'harmonie sociale, l'immigration, l'affectation des capitaux, la transparence des systèmes géopolitiques et ainsi de suite.
    Au lieu de nous concentrer sur la façon de parvenir à affaiblir la Chine, nous devons nous concentrer sur la façon de nous renforcer, nous. Ce faisant, il sera plus facile d'unir nos alliés. Ce qui importe le plus en matière d'influence, c'est de faire des choix. Nous devons choisir les thèmes importants pour nous et pour lesquels nous voulons changer les choses. Sur ces divers plans, nous devrons réduire l'écart avec nos alliés. Nous devrons stimuler notre dynamisme national et tirer parti de notre réseau mondial et de nos alliances et partenariats.
    Au cours de la session précédente, il a beaucoup été question du Groupe des cinq. Bien entendu, le Groupe des cinq n'est plus seulement une communauté du renseignement électromagnétique. Le renseignement touche désormais à l'application de la loi, aux frontières, au renseignement humain et au renseignement financier. Nous faisons beaucoup de choses et nous pouvons en faire beaucoup plus encore. Nous devons renforcer notre prestige dans le monde, parce que c'est un aspect sur lequel la Chine n'a aucun contrôle, contrairement à nous.
(2045)
     Nous devons nous poser des questions. Qu'est-ce qui est d'intérêt national pour le Canada? Prenons l'exemple du Xinjiang ou d'autres cas de figure. Nous devons donner l'exemple. Nous devons nous exprimer clairement et de façon cohérente. Nous devons faire comprendre clairement à la Chine qu'il n'y aura pas de relation normale tant que cette ombre immense planera au-dessus de nos relations. Nous devons être attentifs aux biens et aux articles qui sont produits par le travail forcé, comme on l'a déjà souligné.
    Nous devons...
    Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Leuprecht, mais vos cinq minutes sont écoulées.
    Je suis certain qu'il y aura beaucoup de questions pour nos deux témoins. Nous aurons plus de temps pour vous entendre, bien sûr.

[Français]

    Nous commençons maintenant le premier tour de questions.
    Monsieur Paul-Hus, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, messieurs, d'être avec nous aujourd'hui. Ma première question s'adresse à chacun d'entre vous. Je vous demanderais de me donner une réponse courte.
    J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec M. Christopher Parsons, du Citizen Lab, qui a mentionné qu'il y avait une incohérence constante dans la façon dont le Canada avait élaboré sa stratégie de cybersécurité et que la politique fédérale de cybersécurité était quelque peu dépassée.
    Monsieur Leuprecht, êtes-vous d'accord?
    Le problème concernant la politique actuelle est qu'elle traite la cybersécurité comme un domaine de politique parmi d'autres, au lieu de considérer que tout ce qui touche la politique dans ce pays est lié à la cybersécurité. Il faut donc complètement revoir la politique.
    D'accord, je vous remercie.
    Monsieur Waterhouse, qu'en pensez-vous?
    La politique de cybersécurité actuelle est basée sur ce qu'on a vu au cours des 20 dernières années. Il faut maintenant la changer, parce que la menace, elle, s'est adaptée. La manière d'y réagir et, surtout, les lois et les règlements n'ont pas été actualisés, et c'est pour cela que nous sommes désavantagés en ce moment.
(2050)
    Je vous remercie.
    Monsieur Leuprecht, en 2019, Huawei Canada a annoncé un partenariat avec ICE Wireless et Iristel pour connecter le Grand Nord canadien et québécois au réseau 4G LTE d'ici 2025. M. Michael Byers, spécialiste des affaires arctiques à l'Université de la Colombie-Britannique, estime que c'est grave de voir une entreprise chinoise détenir le monopole des infrastructures de communications dans l'Arctique.
     Qu'en pensez-vous?
    C'est complètement irresponsable. Dans le cas de KPN, aux Pays-Bas, Huawei n'était pas seulement capable de faire de l'espionnage au sein du plus grand réseau mobile aux Pays-Bas, mais elle ciblait aussi des interventions judiciaires visant différentes personnes, entre autres. Cela permettait à la Chine de déceler des opérations de contre-espionnage contre des espions chinois, par exemple.
    J'aime le mot « irresponsable ». C'est un mot fort.
    Monsieur Waterhouse, il y a un groupe de pirates chinois connu sous le nom de Hafnium. On a déterminé qu'il était parrainé par l'État et qu'il opérait en dehors de la Chine. C'est lui qui est à l'origine du piratage de Microsoft Exchange.
     Quelle est votre évaluation des risques pour les infrastructures canadiennes et fédérales?
    Monsieur Paul-Hus, ce qui est ironique là-dedans, c'est qu'il a fallu l'intervention du FBI, aux États-Unis, pour désamorcer la menace dans certaines entreprises qui étaient encore infectées. Plusieurs mois après avoir été avisées qu'une infiltration de leur système avait eu lieu, plusieurs entreprises n'avaient toujours rien fait.
    C'est un niveau de menace assez important. Ce qui est étonnant, c'est que, malgré les multiples avertissements des instances officielles, il n'y a pas eu assez de médiatisation pour sensibiliser les dirigeants des entreprises ou les obliger à réagir. Encore une fois, ceux qui n'ont pas réagi assez rapidement se sont fait voler de l'information, car il est très facile pour les pirates d'entrer dans ces systèmes et d'exfiltrer toute l'information des boîtes de courriel, ce qui leur donne un avantage économique. Par contre, ici, il n'y aura aucune conséquence pour ceux qui n'ont pas fait le travail de colmatage rapidement.
    À propos de cyberattaques, pourriez-vous brosser brièvement un portrait des récentes attaques de la Chine contre les infrastructures fédérales et provinciales du Canada?
    Avez-vous une idée de ce qui s'est passé récemment?
    Plus récemment, il y a eu l'opération Cloud Hopper, qui visait à s'attaquer à ce qu'on appelle des fournisseurs de services gérés. Ce sont des entreprises qui offrent des services de soutien à l'utilisateur dans des entreprises.
    L'entreprise CGI, au Canada, a fait partie des victimes de cette opération. Elle s'est fait infiltrer et, par ce tiers, la Chine avait accès à des clients très importants avec lesquels l'entreprise faisait affaire dans le cadre de cette impartition.
    Parmi les victimes, il y a aussi eu l'Agence du revenu du Canada et Statistique Canada. Par le code Web, on peut intercepter et colmater cela rapidement, mais il ne fait aucun doute que c'était une opération chinoise, puisqu'on s'est occupé du même problème chez Equifax, aux États-Unis, par la suite.
    Quelle information les pirates informatiques chinois privilégient-ils?
    Outre le vol de brevets et de propriétés intellectuelles, il s'agit pour eux d'amasser beaucoup d'informations sur n'importe qui. Comme M. Juneau-Katsuya l'a mentionné tantôt, ils vont aller chercher n'importe quoi, et, par la suite, ils feront le tri.
    En ce qui a trait à la collecte de renseignements personnels, je peux citer l'Office of Personnel Management, aux États-Unis, qui s'est fait dérober tout ce qui constituait des renseignements personnels d'Américains, y compris des cotes de sécurité.
     Les vols de données chez Marriott et Equifax font en sorte qu'il y a tout un bassin d'informations qui permet de faire des photos intéressantes, car il y a la reconnaissance faciale qui s'ajoute à cela. Partout dans le monde, un réseau commence à s'établir pour faire un catalogage des gens.
    Il y a actuellement des lacunes au fédéral en matière de cybersécurité, mais je suppose qu'au provincial, les différentes provinces ne doivent pas être mieux équipées que le fédéral.
    Dans l'ensemble, croyez-vous que nous ayons un problème?
    Nous avons un très gros problème, car, encore une fois, tout le monde travaille en silo. Cela donne lieu à une compartimentation de l'information. C'est encore pire au Québec, parce que la province se dit capable de tout faire elle-même et elle fait rarement appel au gouvernement fédéral.
    Au cours des deux dernières années, le Québec a demandé de l'aide et de l'information justement pour prendre les bonnes décisions en matière de cybermenace. Cela est tout récent. Auparavant, la province se donnait pour mission d'être indépendante en tous points.
    Il faut certainement qu'il y ait une coordination de tous les joueurs quand on parle de cybersécurité.
    Le Canada est le seul membre du Groupe des cinq qui accepte encore Huawei. Nous avons vu ce à quoi pouvait mener une telle situation dans le rapport des Pays-Bas.
    En quelques secondes, monsieur Leuprecht, que devrions-nous faire? Devons-nous bannir Huawei immédiatement, oui ou non?
(2055)
    On aurait dû bannir Huawei il y a des années.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Paul-Hus.
    Monsieur Lightbound, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie, messieurs, de vous joindre à nous ce soir. Vos présentations étaient fascinantes.
    Monsieur Leuprecht. Je m'excuse si je prononce mal votre nom. Dans votre présentation, vous avez parlé de l'importance de mieux souder nos relations avec nos alliés et de miser sur nos forces. Je pense à un article que vous avez publié il y a un mois et qui portait sur la menace que représentent la Russie et la Chine sur la souveraineté du Canada dans l'Arctique. Vous y parliez notamment des visées de la Chine, qui se prétend être un État quasi arctique, par je ne sais quel exercice d'imagination.
    J'aimerais avoir vos commentaires sur l'importance de la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou NORAD, et sur ce que l'on peut faire pour mieux protéger la souveraineté du Canada dans l'Arctique.
    Je répondrai très brièvement. La grande différence qui s'est dessinée au cours des dernières années, c'est que le Canada lui-même est devenu une cible à cause des nouvelles armes qui sont à la disposition de la Russie et de la Chine et que l'Arctique en tant que tel est maintenant un enjeu géostratégique.
    Il ne s'agit donc pas seulement de renouveler le NORAD, mais aussi de revoir complètement la façon de communiquer les données à l'intérieur de notre système de défense et à l'intérieur des Forces armées canadiennes. Il faut revoir le système de commandement et de contrôle dans tout notre système de défense continentale et dans nos forces armées.
    D'accord, je vous remercie.
    Il y a plusieurs années déjà, vous sonniez l'alarme sur l'importance de mieux sensibiliser nos chercheurs universitaires et nos réseaux de recherche aux potentielles infiltrations d'acteurs étrangers qui, par exemple, ont des liens directs avec l'Armée populaire de libération de la Chine. Ces gens sont sur les campus universitaires canadiens et infiltrent les réseaux de recherche.
    Selon le « Rapport public du SCRS 2020 », il y a eu une forte augmentation des activités pendant la pandémie de COVID-19. Le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ou CPSNR, mentionne également que le Canada a été la cible, au cours de la dernière année, d'efforts soutenus et accrus qui ont été déployés par des acteurs étrangers, notamment la Chine, la Russie et l'Iran.
    Selon vous, quel est le degré de sensibilisation des réseaux de chercheurs universitaires quant à cette menace que représente, par exemple, la Chine?
    Je dirais qu'il n'y a presque pas de prise de conscience. Toutefois, les dirigeants principaux de l'information des universités sont de plus en plus au courant. Il faut vraiment changer la culture.
    L'année dernière, les États-Unis ont annulé les visas d'environ 1 000 personnes qui n'ont pas satisfait aux exigences des autorités quant à leurs rapports avec les services de renseignement et avec les militaires chinois. Environ 1 000 autres personnes sont parties tout d'un coup.
    Au Canada, il faut faire la même chose. Nous avons le même problème. À ma connaissance, le Canada n'a annulé aucun visa. Cela démontre notre manque de capacité à adopter nos propres lois pour prévenir l'infiltration de nos établissements d'études supérieures. Par conséquent, nos adversaires profitent de nos investissements dans des domaines de recherche.
    Je pense également qu'un effort de sensibilisation doit être fait. À ce chapitre-là, le SCRS a quand même fait beaucoup plus d'interventions auprès du secteur universitaire au cours des dernières années.
    Monsieur Waterhouse, voulez-vous commenter à ce sujet?
    J'appuie les propos de M. Juneau-Katsuya, qui dit qu'au cours des dernières années, jusqu'à tout récemment, comme vous le mentionnez, il y a eu un manque de sensibilisation et, surtout, de liens entre les établissements d'enseignement et le gouvernement. Par exemple, il y a moyen de produire du matériel, de le déclassifier d'une certaine façon, afin de donner assez d'information pour en faire des produits forts intéressants et à la portée des gens qui les reçoivent. Ces gens seront ensuite capables, justement, de mettre des politiques ou des mesures en place et de favoriser une évolution positive afin de prévenir le pire, c'est-à-dire le vol de propriété intellectuelle.
    Je vous remercie.
    J'aimerais vous poser une dernière question, monsieur Waterhouse.
    Un représentant du Citizen Lab nous a recommandé de prêter sérieusement attention à l'effort déployé par la Chine pour obtenir un nouvel IP, autrement dit un nouveau protocole Internet.
    Pouvez-vous nous dire plus en détail ce que représente cette initiative, en quoi elle consiste et à quels dangers elle pourrait nous exposer?
    Dans le cas de l'IP que vous mentionnez, s'agit-il du protocole ou d'une autre façon de communiquer? Ce qui me vient à l'esprit, c'est une façon de communiquer. La version 6 de l'IP, qui a été développée il y a une quinzaine d'années déjà, devrait prendre plus d'espace. C'est basé sur la quantité d'adresses disponibles. C'est une autre façon de communiquer. Les appareils sont tous prêts à le faire, mais il faut une adaptation pour pouvoir rehausser la sécurité des communications.
    La version 4 de l'IP, que l'on utilise présentement et qui est à la base du réseau Internet moderne, n'est pas du tout sécuritaire. En ce sens, il est peut-être possible d'insister pour que la version 6 de l'IP soit adoptée en tant que plan d'adressage.
(2100)
    Je vous remercie, monsieur Waterhouse.
    Nous allons devoir poursuivre cette discussion ultérieurement. En effet, le président m'indique qu'il me reste moins d'une minute.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Lightbound.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur Waterhouse, monsieur Leuprecht, d'être parmi nous ce soir.
    Monsieur Leuprecht, nous avons eu l'occasion de discuter il y a quelques jours à peine.
    Monsieur Waterhouse, en tant qu'ancien ministre de la Sécurité publique du Québec, j'ai trouvé très intéressant de vous entendre dire que le Québec prétend pouvoir faire les choses par lui-même. Quand la situation se rétablira et que nous pourrons aller prendre un café, j'aimerais que nous en discutions.
    Messieurs, je suis totalement fasciné par les appréhensions exprimées à l'égard d'une puissance comme la Chine en matière de cybersécurité. Selon un dénommé Greg Austin, qui dirige le Cyber, space and future conflict programme à l'Institut international d'études stratégiques, les capacités de cyberdéfense de la Chine seraient nettement inférieures à celles de la plupart des puissances occidentales, dont le Canada. Selon lui, le Canada se classe au 9e rang parmi les 155 pays évalués, tandis que la Chine se classe au 27e rang.
    Pourquoi la Chine est-elle à ce point une menace pour le Canada?
    À la lumière de ces informations fort intéressantes, je me demande pourquoi le Canada et les autres puissances occidentales ne sont pas pour la Chine une menace équivalente ou supérieure en matière de cybersécurité.
    Ma question s'adresse aux deux témoins.
    Je vous laisse la parole, monsieur Waterhouse.
    Monsieur Bergeron, j'accepte votre invitation à prendre un café. N'importe quand, ce sera un plaisir pour moi.
    Je n'ai pas pris connaissance des points d'évaluation de M. Austin. Je ne sais pas comment il est arrivé à déterminer la position de la Chine et celle du Canada. Par contre, je peux vous dire qu'un élément important est la force de frappe de chacun. La Chine dispose d'une équipe d'environ 100 000 cybersoldats, si je peux me permettre d'utiliser cette unité de mesure. Aux États-Unis, il y en a entre 5 000 et 6 000 qui travaillent à la National Security Agency, à Fort Meade. Au Canada, seules 200 ou 300 personnes ont pour mandat de faire de la cyberdéfense. Livrer des cyberattaques est même un mandat récent.
    Il faut savoir, à propos des rapports de force, si, par rapport à la Chine, nous maîtrisons la technologie à cent pour cent. La Chine est en mesure d'absorber des pertes, mais ce n'est pas notre cas. Cela aurait plus de conséquences pour nous.
    Il faudrait que j'étudie davantage cette question pour être en mesure de mieux comprendre la position de M. Austin.
    C'est une question d'allocation de ressources. La Chine a beaucoup plus à gagner en infiltrant les réseaux des autres pays qu'en protégeant ses propres réseaux des infiltrations. Il s'agit simplement pour elle d'optimiser les ressources qui sont à sa disposition.
    Je vais ajouter à cela que la Chine a quand même un réseau étanche, et il est très difficile d'y pénétrer. En outre, il est très difficile pour la population chinoise d'en sortir. La Chine contrôle donc en tous points l'information, ce qui lui donne un autre avantage.
    Le Canada, en revanche, est assez démocratique. Les gens peuvent entrer dans Internet et en sortir à volonté.
    Évidemment, je n'ai pas approfondi les données de M. Austin, mais, si je comprends bien, nous avons accès à la technologie. En outre, il s'agit probablement d'une technologie de qualité supérieure. Par contre, nous n'avons pas nécessairement les réseaux et l'impunité — la Chine n'étant pas obligée de rendre des comptes — qui permettent à la Chine de faire à peu près ce qu'elle veut, avec un nombre impressionnant d'intervenants, ce que nous n'avons pas ici, au Canada.
    Ai-je bien résumé les faits?
     Je crois que cela fait suite à l'intervention de M. Lightbound.
    La cybersécurité est une question politique. En ce qui concerne la qualité de la cybersécurité et de nos réseaux, ainsi que les compromis entre la sécurité et la commodité, c'est à vous de prendre les décisions et de sécuriser les citoyens canadiens en améliorant la sécurité des outils et des réseaux utilisés au Canada et en renforçant la protection des données.
(2105)
    Pour actualiser les moyens de le rendre possible, il faut aussi des lois assez contraignantes pour décourager certaines personnes. On parlait récemment du projet de loi C-11, qui a trait à la capacité de protéger les données personnelles des citoyens.
    Sans définition de ce qui constitue un cyberconflit, sur quelle base pouvons-nous déclarer l'existence d'un conflit avec une organisation qui vient nous affronter?
    Même l'article 5 de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN, ne définit pas le terme. Il est donc difficile de savoir si la fermeture inexpliquée d'un réseau électrique est un acte de guerre ou pas. Lorsqu'un cyberconflit sera défini, nous serons en mesure d'en comprendre la portée.
    Selon ce que je comprends, il y a également des décisions à prendre à des niveaux autres que le niveau fédéral, notamment à l'OTAN.
    Exactement. Cela se passe à l'échelle mondiale.
    Actuellement, nous avons besoin de restrictions claires pour que nos adversaires sachent qu'ils s'exposent à des répercussions sévères s'ils ne les respectent pas.
    Il s'agit de la fameuse ligne rouge.
    Il faut faire savoir très clairement à nos adversaires que certains comportements sont inacceptables.
    Je vous remercie beaucoup, messieurs.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron.

[Traduction]

     Nous allons passer à M. Harris pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Waterhouse, j'ai vu sur vous un profil qui vous décrivait comme l'un des premiers cybersoldats du Canada. Je ne savais pas à quoi m'attendre, mais vous me semblez tout à fait normal. En vous entendant dire que des pays ont 5 000 ou 6 000 cybersoldats, je me suis rendu compte que c'est un terme qu'on utilise maintenant et que je n'avais pas entendu jusqu'ici, alors je vous remercie de nous éclairer à ce sujet.
    Vous nous avez parlé de la menace qu'a représenté l'exploitation des renseignements sur Nortel et des codes d'accès aux systèmes de contrôle des pipelines et des réseaux électriques, mais comment peut-on se remettre de cela? S'en est-on remis, et quel tort cela va-t-il causer à l'industrie à l'avenir? Peut-on réparer cela? Faut-il tout relancer pour y parvenir?
    Il est très difficile de réparer ce genre de dommages. Prenons le cas de Nortel. Il s'agissait d'un exemple de technologie florissante dans les années 2000, qui a fait de Nortel l'une des plus grandes entreprises technologiques au monde, et qui fait de Huawei ce qu'elle est aujourd'hui, puisque toute la technologie de Nortel a été transférée à Huawei. Et puis, cerise sur le sundae, on a découvert des microphones cachés dans le bâtiment du QG de Kanata, après que le MDN eut repris le complexe. Voilà pour une chose.
    Deuxièmement, il y a le problème des codes de Telvent. Ce qui est fascinant dans ce cas, c'est que ces codes sont employés dans les vannes qui équipent les pipelines, de sorte qu'on ne peut pas les remplacer d'un simple claquement de doigts. On ne peut pas les mettre à jour et, si un code est défaillant, il faut passer par toute une infrastructure pour le corriger. L'avantage est aux attaquants. Il faut donc réduire cette vulnérabilité pour que des tiers ne puissent pas l'exploiter. Sinon, et nous avons vu ce qu'ont donné quelques attaques en Turquie il y a une dizaine d'années, il est possible de créer une surpression et de faire exploser le pipeline.
    Voilà le genre de raisonnement que nous devons tenir à propos de la sécurité des infrastructures essentielles. Nous devons faire un examen complet pour savoir là où nous sommes vulnérables. Chaque fois qu'il y a une cyberattaque et qu'il y a une fuite d'information, il faut réévaluer la menace et les risques, ce qui fait défaut dans la plupart des cas.
    Parlons d'autre chose qui me préoccupe. Dans une lecture à propos de Citizen Lab, j'ai découvert que si TikTok suit généralement les règles appropriées de l'industrie, son infrastructure logicielle contient des codes inactifs ou dormants.
    Qu'est-ce qu'un code inactif ou dormant? Devrait-on s'inquiéter de quelque chose, puisque nous ne connaissons pas l'histoire ni les antécédents des gens avec qui nous traitons?
    TikTok se veut d'abord et avant tout une plateforme d'exploitation de l'information, ce qui signifie qu'elle peut influencer les utilisateurs et introduire des éléments d'information entre deux petites vidéos. Celui qui contrôle une plateforme peut contrôler le message. Une fois le programme installé dans un téléphone, une tablette ou toute autre technologie, l'exploitant de la plateforme peut activer à distance tout ce qu'il veut, parce qu'il maîtrise tout.
    On a découvert dans des applications semblables que les plateformes pouvaient allumer des microphones à distance, documenter des photos qui se trouvaient dans un téléphone, et ainsi de suite. Cela ne concerne qu'une minorité d'applications, mais c'est ce qui se passe avec des sources ouvertes, des plateformes ouvertes, qui peuvent aller chercher les renseignements dont elles ont besoin.
(2110)
     La même chose peut-elle arriver avec des applications industrielles? Est-il possible, dans un équipement que l'on vend, d'inclure un code inactif qui permettra de le contrôler cinq ans plus tard, par exemple?
    C'est ce qui m'empêche de dormir la nuit, parce qu'on ne sait jamais quel code a été compromis. Comme nous l'avons découvert à la faveur de certaines fuites après des cyberattaques, il y a quelques années, la NSA dispose d'outils qui lui permettent d'accéder à des systèmes. Nous avons ainsi appris qu'il existe des outils électroniques permettant d'accéder à certains systèmes, et c'est ce qui pourrait se passer en cas de cyberattaque contre les serveurs Microsoft Exchange. Demain matin, nous pourrions subir une autre d'attaque de type « jour zéro », ce qui veut dire à la faveur d'une nouvelle découverte, d'une nouvelle exploitation. Voilà les complexités liées à la technologie. Tout cela tient à un sérieux manque de contrôle de qualité relativement au type de codes utilisés sur le marché.
    Je l'ai souligné dans une autre intervention, il y a quatre ans, quand j'ai indiqué qu'il est possible de consulter à distance le code médical des stimulateurs cardiaques ou des pompes à insuline à des fins malveillantes.
    Prenons, par exemple, le réseau électrique au Canada. C'est compliqué et complexe. Il en va de même pour notre réseau de pipelines. Existe-t-il une défense efficace qui nous permettrait d'assurer la résilience des systèmes, grâce à laquelle les entreprises ou les Canadiens pourraient se dire qu'ils sont en sécurité?
    Nous sommes certainement plus en sécurité qu'aux États-Unis, parce que nos entreprises sont peu présentes au sud de la frontière. Donc, si elles modifient fréquemment leurs codes, si elles revoient leur position de défense, elles seront systématiquement plus en sécurité, mais ce genre d'évaluation est à recommencer chaque fois que plane une nouvelle menace. C'est ce qu'elles doivent faire plus souvent pour s'attaquer aux véritables menaces et appliquer les bonnes mesures d'atténuation.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Harris. Nous allons maintenant passer au deuxième tour.
    Nous allons passer à M. Williamson, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Messieurs, vous avez tous les deux brossé un tableau plutôt troublant des défis à relever, et je retiens que les tentatives déployées par Beijing pour censurer l'information et mettre un terme au débat ne sont pas un signe de force, mais de faiblesse.
    Avez-vous tous les deux songé à la possibilité de faire un pas de côté dans notre position vis-à-vis de la Chine? Étant donné que la démocratie et l'économie ouvertes d'aujourd'hui nous exposent beaucoup trop — et outre le fait que les États-Unis préconisent d'augmenter le nombre de quasi-délocalisations et de délocalisations, et que le Japon fait la même chose et va jusqu'à financer ses entreprises pour les rapatrier au pays — n'y aurait-il pas matière à imiter ces deux pays sur un plan stratégique à long terme afin de réduire le grand nombre de menaces à la sécurité qui pèsent sur nos institutions, notre technologie, nos centres de recherche, etc.? Que pensez-vous de cet argument ou de cette façon de penser?
    Nous ne percevons pas le genre de découplage économique que des gens avaient prévu, et nous avons été témoins des torts causés à l'économie américaine par certains des tarifs de Trump, par exemple. Nous devons être beaucoup plus réalistes au sujet des défis que posent certains domaines de la technologie chinoise, de l'intervention et de la forte menace persistante que présentent les ambitions de la Chine, et nous devons nous positionner en conséquence au lieu d'adopter des approches homéopathiques, de nous mettre la tête dans le sable en espérant que nous pourrons transformer la Chine en acteur responsable.
    Monsieur Waterhouse, qu'en dites-vous?
    Le paysage est différent de ce qu'il était il y a 20 ou 30 ans, quand l'économie était favorable à l'installation des entreprises en Chine, et que les Chinois voyaient cela d'un bon œil. Ils créaient des emplois chez eux et nous bénéficions de prix très bas. C'est ainsi que notre économie a pu tourner à plein régime, mais les règles du jeu ont changé et nous voyons maintenant les lignes claires tracées par la Chine, tout comme son ambition de tout faire faire chez elle pour devenir le manufacturier de la planète.
    Cela étant posé, force est de constater que les Chinois se préoccupent peu de la provenance de leurs informations pourvu qu'ils mettent la main dessus, surtout dans le cas du secteur manufacturier. Quand tout sera terminé, nous ne pourrons plus rien faire. Il ne nous restera plus qu'à appeler la Chine pour lui acheter des produits au prix fort.
    Cela dit, nous devons reconnaître que l'économie qui nous a poussés à aller en Chine pour tout fabriquer là-bas a changé. Les gros fabricants, en particulier dans le secteur des semi-conducteurs, modifient leurs plans et prévoient maintenant fabriquer des téléphones intelligents, des tablettes et des appareils électroniques aux États-Unis ou au Vietnam, par exemple, ou ailleurs en Asie, parce qu'il existe un risque réel qu'à un moment donné, ils ne disposent plus de la souplesse voulue pour retourner en Chine et continuer comme avant.
    Deuxièmement, les importants fabricants de puces électroniques présents à Taïwan envisagent un plan B, parce que si, soudainement, la Chine décidait de prendre le contrôle de l'île, comme elle a menacé de le faire, cela aurait un impact important sur le marché électronique.
(2115)
     C'est tout à fait exact, surtout en ce qui concerne Taïwan et la place qu'occupe ce pays en matière de production de puces électroniques.
    Monsieur Leuprecht, selon vous nous pourrions encore influencer la Chine continentale. Vous n'êtes pas prêts à jeter l'éponge et à dire que c'est un pays communiste et qu'il va utiliser toutes les ressources dont il dispose.
    Quant à moi l'espoir que l'admission de la Chine à l'OMC allait transformer ce pays, que ce soit par l'application du principe « un système, deux pays » ou des régimes commerciaux des 20 dernières années, n'a pas abouti, mais vous semblez laisser entendre qu'il y a toujours moyen de changer la Chine.
    Je pense que nous disposons d'un certain nombre d'outils, surtout si nous agissons de concert avec nos alliés, pour faire payer plus cher certains comportements des Chinois et ainsi pour les encourager à changer.
    Je pense que nous pouvons aussi influencer la Chine par le biais de sa société en étant perçus comme de bons acteurs. Les possibilités abondent, comme dans le domaine de la qualité de l'air et dans celui de la salubrité de l'eau. Même chose en éducation parce que, si les Chinois nous considèrent comme un bon acteur, il sera alors beaucoup plus coûteux pour les dirigeants chinois de prendre des mesures qui sapent les relations entre le Canada et la Chine.
    Nous devons donc adopter une approche plus nuancée.
    Merci.
    Merci, monsieur Williamson.
    Nous allons maintenant passer à Mme Yip, pour cinq minutes.
    Je vais renchérir sur ce qu'a dit M. Williamson et revenir à votre déclaration liminaire, monsieur Leuprecht, dans laquelle vous avez parlé d'image et de réalité. Vous avez dit que la Chine a beaucoup de vulnérabilités et que nous devons redynamiser le Canada. J'aime cette déclaration positive et votre appui au Canada.
    Quelles sont les vulnérabilités de la Chine? Que peut-on faire pour redynamiser le Canada et être plus novateurs?
    Je vais vous donner un bref aperçu de ce qu'il en est.
    Sur le plan démographique et du niveau d'emploi, la Chine atteindra son pic d'ici 2025. Elle a déjà maximisé ses gains de productivité. À l'heure actuelle, elle compte huit travailleurs chinois par retraité et, d'ici 2050, ils seront deux. La Chine devra d'abord maîtriser le vieillissement de sa population avant de s'enrichir.
    Son niveau d'endettement augmente — 300 % du PIB en 2019 — et elle ne peut donc pas continuer de progresser comme l'a fait, par exemple, la Corée du Sud ou Taïwan. La Chine manque de temps pour rattraper son retard, et c'est pourquoi le président Xi redouble d'efforts. Il sait qu'il doit faire vite.
    Par ailleurs, le système politique est sclérosé, il présente une rigidité toute léniniste. Il y a de moins en moins de place pour l'innovation et pour des décisions relevant du sommet. Les mauvaises nouvelles ne sont jamais tolérées au sommet. C'est ce qui explique les difficultés ayant entouré la communication d'informations au sujet du virus.
    On constate que la Chine est de plus en plus mal vue, au point que le phénomène a atteint des sommets historiques dans divers pays partenaires et alliés, dont le Canada. La Chine est soumise à des contraintes budgétaires en raison du ralentissement de son économie. Il y a une demande croissante de sa population et une société vieillissante. Il faut sérieusement craindre que la Chine se retrouve en défaut de paiement pour certains de ses prêts au titre de son initiative La Ceinture et la Route, ce qui aurait de graves répercussions sur la légitimité des dirigeants chinois, qui ont vraiment vendu cette idée comme étant l'avenir de la Chine. Les Chinois sont aussi vulnérables sur le plan de la sécurité alimentaire et énergétique, parce que le pays ne peut pas produire suffisamment de nourriture pour sa population et qu'il importe la moitié de son pétrole du Moyen-Orient.
    Je peux continuer, si vous voulez.
(2120)
    Oui, parlez de l'Initiative La Ceinture et la Route.
    La route de la soie est bien sûr pour les Chinois une occasion d'influencer la région, mais elle offre aussi une portée mondiale. Le risque est toutefois très élevé parce que le gouvernement chinois a vendu cette idée à sa population en lui disant que l'investissement sera récupéré, que le jeu en vaut la chandelle. Si les choses commencent à aller mal pour une partie de ces investissements — pour les plus importants, surtout —, alors tout le discours autour duquel se bâtit actuellement la cohésion sociale en Chine — sur les thèmes de l'idéologie nationaliste et de la prospérité économique — finira pas s'effondrer.
     Je crois donc que la route de la soie présente un risque considérable, tout autant qu'elle est synonyme de possibilités pour la Chine, surtout dans la foulée de la pandémie et des incertitudes économiques dans de nombreux pays auxquels la Chine a prêté d'énormes sommes d'argent.
    Merci.
    Monsieur Waterhouse, j'ai une question au sujet des menaces croissantes qui pèsent sur le secteur canadien de la recherche, de la biopharmaceutique et des sciences de la vie pendant cette pandémie de COVID-19. Le CPSNR a d'ailleurs déclaré que les réseaux de recherche du Canada et d'autres pays ont été ciblés par la Chine, la Russie et l'Iran dans leurs tentatives de collecter du renseignement.
    Quelles mesures de sécurité supplémentaires les organisations de ces secteurs ciblés ont-elles dû prendre pendant la pandémie?
     Tout d'abord, il a fallu les amener à reconnaître la menace qui planait à leur insu. Le SCRS s'est contenté d'en informer et d'en conseiller quelques-unes sur la meilleure façon de protéger leur réseau, mais c'est tout.
    Comparez cela à ce qui s'est fait aux États-Unis. On a vu récemment que le FBI n'a même pas demandé aux entreprises d'accéder à leurs systèmes. Il a obtenu une autorisation du ministère de la Justice et est entré directement dans les serveurs vulnérables pour corriger les problèmes constatés.
    La grande différence dans le cas du Canada, c'est que les organisations ont simplement été avisées, puis laissées à elles-mêmes pour régler le problème, voire pour protéger leurs infrastructures sans même savoir ce qui devait être protégé. Je suis à peu près certain que quelques-unes ont été durement touchées, c'est-à-dire que le fruit de leurs recherches a été détourné vers la Chine, à l'avantage des Chinois et non des Canadiens.
    Je pense qu'il ne me reste plus de temps.
    Il vous reste environ neuf secondes, autant dire rien.
    Je vais en rester là. Merci.
    Merci beaucoup, madame Yip.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
    Messieurs, selon vous, la Chine est-elle la principale menace à la sécurité du Canada présentement?
    La Chine représente la plus grande menace à la sécurité du Canada depuis des décennies. Je ne crois toutefois pas qu'elle représente une menace existentielle pour le Canada.
    Le fait d'affirmer que la Chine constitue une menace existentielle rendrait plus difficile la mise sur pied d'une coalition d'alliés visant à imposer des contraintes à la Chine.
    Dans son rapport de 2020, le SCRS a mentionné que la Chine était une menace évidente à la sécurité du Canada. Le directeur du SCRS, M. Vigneault, l'a clairement établi lors d'une conférence qu'il a donnée le 9 avril dernier. Même si vous ne vous intéressez pas à la géopolitique, la géopolitique s'intéresse à vous. Il existe toujours une menace à la sécurité du Canada à l'extérieur du pays.
    Par exemple, si la proposition de rachat de l'entreprise minière TMAC par une entreprise chinoise avait été acceptée, la Chine aurait eu un pied-à-terre dans l'Arctique. Elle aurait pu implanter son réseau de télécommunication Huawei dans la ligne d'échange du passage du Nord-Ouest, qui se trouve dans la zone de responsabilité du NORAD et très près des installations hydroélectriques de masse.
    La réponse à votre question est donc oui, et la Chine en veut toujours plus.
    Monsieur Waterhouse, comment réagissez-vous à l'affirmation de M. Leuprecht selon laquelle la Chine ne constitue pas une menace existentielle pour le Canada, contrairement à l'Union soviétique, qui en était une auparavant?
    Nous étions un obstacle qui empêchait l'Union soviétique de se rendre aux États-Unis.
    Comme le professeur Leuprecht le disait plus tôt, la Chine vient au Canada pour faire son épicerie, si je peux m'exprimer ainsi, puisque nous avons des matériaux dont elle a besoin pour sa production. Nous avons beaucoup d'eau potable et nous avons de quoi nourrir sa population. Le Canada est donc une réserve de matières premières pour ce pays de transformation.
(2125)
    Pendant que les yeux sont rivés sur la Chine, n'y a-t-il pas un risque que la Russie fasse des manoeuvres sans que nous nous en rendions compte?
    Nous réalisons tout à coup que des troupes sont massées à la frontière de l'Ukraine. Devrions-nous continuer à surveiller étroitement la Russie?
    Oui. Nous devrions également surveiller étroitement la Corée du Nord, l'Iran et le crime organisé international.
    C'est pourquoi j'ai été très déçu lorsque M. Biden a annoncé des sanctions contre la Russie relativement à SolarWinds et que le Canada n'en a pas fait autant. Au Canada, au moins 100 entreprises ont également été touchées. Le président Biden a signalé que certains comportements n'étaient pas acceptables. Je crois que le Canada doit être un meilleur allié.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie.
    je vous remercie, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Harris pour deux minutes et demie.
    Monsieur le président, j'ai une question pour l'un ou l'autre des témoins.
    M. Juneau-Katsuya nous a dit que le SCRS passe plus de la moitié de son temps à s'occuper de l'influence étrangère de la Chine. Nous savons que le nombre de diplomates chinois au Canada est énorme comparativement à celui des diplomates américains.
    Y a-t-il une raison pour laquelle le Canada est particulièrement sujet à des tentatives chinoises comme celle-ci? Est-ce à cause de nos vulnérabilités ou parce que nous représentons une cible intéressante pour les intérêts chinois, qu'il s'agisse de propriété intellectuelle comme Nortel, de percées scientifiques ou d'accès aux minéraux et à la recherche? C'est à cause de quoi? Y a-t-il une réponse à cette question, ou est-ce que nous faisons simplement partie de leur zone d'influence internationale?
     Nous sommes une société diversifiée. Nous sommes une société hautement numérisée et hautement technologique. Nous sommes tout ce que vous avez décrit, mais voici où se joue la différence. Dans son témoignage devant le Congrès la semaine dernière, Christopher Wray, le directeur du FBI, a indiqué que son organisation ouvre une nouvelle enquête sur la Chine toutes les 10 heures. Il y a environ 32,5 millions d'entreprises aux États-Unis et 2 000 enquêtes sont en cours. En comparaison, au Canada, nous avons environ 1,23 million d'entreprises. Ce chiffre donne à penser que, statistiquement, nous devrions avoir 75 enquêtes ouvertes et un nouveau cas chaque mois. Combien de cas avons-nous, monsieur Harris?
    Nous avons besoin d'un service de police fédéral capable de répondre aux priorités fédérales. Nous avons besoin d'un gouvernement fédéral qui s'engage à faire en sorte que nous ayons une force qui ne consacre pas 85 % de son temps et de ses ressources à du service de police contractuel. Au XXIe siècle, il est inacceptable qu'un corps policier fédéral ne puisse pas donner suite aux priorités fédérales.
    Monsieur Waterhouse, qu'en pensez-vous?
    Je suis d'accord. Les ressources fédérales devraient permettre de s'attaquer aux problèmes fédéraux afin que nous puissions devenir un meilleur pays. Effectivement.
    Quel est l'intérêt de la Chine à cet égard? Est-ce parce que nous sommes vulnérables ou parce que nous sommes riches?
    Parce que nos lois sont faibles et que les Chinois peuvent pervertir le système. Comme M. Juneau-Katsuya l'a dit, ils peuvent investir dans le système politique et ensuite contourner et même modifier les lois à leur avantage. Oui, nous sommes une denrée pour eux.
    Ce sont autant de marchés potentiels.
    Écoutez, les États-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni sont des cibles beaucoup plus difficiles que le Canada en raison du genre d'écosystème juridique et du système homéopathique de renseignement de sécurité que nous avons.—
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Harris.

[Français]

     Il ne nous reste que cinq minutes. Je propose donc de diviser le temps de parole entre M. Paul-Hus et M. Dubourg.
    Monsieur Paul-Hus, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Monsieur Leuprecht, lundi, vous avez dit que le Canada était la seule grande démocratie qui n'avait pas son propre service de renseignement étranger, et qu'il était donc à la traîne par rapport aux autres pays du G7.
    Est-ce que cela lui a nui, au début de la pandémie, relativement à la Chine?
    Cela ne fait aucun doute.
    Regardons les pays qui étaient dans une très bonne position quant à leur service de renseignement, que ce soit Taïwan, l'Australie ou même le Vietnam. Leurs réponses étaient très rapides, non seulement grâce à leur service de renseignement, mais aussi grâce à leur capacité d'évaluation.

[Traduction]

    Les Chinois ont une capacité d'évaluation stratégique, à l'instar des États-Unis, de l'Australie et du Royaume-Uni, mais pas au Canada. Nous n'avons pas la capacité de
(2130)

[Français]

fournir des conseils stratégiques et des renseignements à notre gouvernement. Nous n'avons pas non plus de plan sur la biosécurité. Nous avons dépensé

[Traduction]

environ 400 milliards de dollars,

[Français]

et un service de renseignement nous coûterait à peu près 500 millions de dollars par année.

[Traduction]

    C'est un dixième de pour cent de ce que nous dépensons pour lutter contre la pandémie. Je pense qu'il vaudrait la peine de payer cette prime.

[Français]

    Je vous remercie, c'est très intéressant.
    Monsieur Waterhouse, la Loi de 2017 sur la sécurité nationale doit faire l'objet d'une révision en 2022.
    Quels changements devrions-nous apporter à la Loi en ce qui touche la cybersécurité?
    Premièrement, il faut reconnaître que c'est un sujet qui touche tous les ministères et toutes les sphères de la société et qu'il doit y avoir un programme de sensibilisation actif et non passif.
    Actuellement, il y a de l'information fantastique qui est produite par le Centre canadien pour la cybersécurité. Elle est consignée sur un site Web, mais elle n'est pas activement déployée sur le terrain. Même des professionnels des technologies de l'information ne savent pas encore que cela existe. J'ai dû faire des interventions auprès de clients et d'institutions à ce sujet.
    Plus le gouvernement répandra activement cette connaissance, plus il aidera directement la population.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Paul-Hus.
    Monsieur Dubourg, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonsoir, messieurs Leuprecht et Waterhouse. Je vous remercie de contribuer à cette étude que nous menons.
    D'abord, monsieur Leuprecht, je suis très content de vous entendre. Je crois que c'est l'une des premières fois qu'un témoin nous parle de l'aspect vulnérable de la Chine, par exemple, et des façons de s'adapter, même si vous nous dites qu'on doit ajuster certaines priorités politiques fédérales.
    Monsieur Waterhouse, au début de votre présentation, quand vous parliez de métros, d'oléoducs et de tout cela, j'ai eu une certaine inquiétude.
    Puisque vous êtes un ancien officier des systèmes d'information, trouvez-vous que, en 2021, l'infrastructure de sécurité au Canada a régressé?
    Le problème n'est pas que l'infrastructure a régressé, mais plutôt qu'elle est victime d'une technologie qui est mal en point.
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a très peu de contrôle de la qualité en ce qui a trait à la programmation informatique. En effet, on se fie au fait qu'il y aura des correctifs à l'avenir pour pallier les défauts de programmation.
    La programmation de plusieurs applications essentielles à notre société n'est donc pas à jour. Cela rend notre société assez fragile.
    Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement se penche sur la question de l'infrastructure et fait des recommandations.
    Que pensez-vous de cela? Voyez-vous cela d'un bon œil?
    Je ne le vois pas d'un bon oeil, car, encore une fois, ce ne sont que des paroles. On n'agit pas.
    Il faudrait que les membres de ce comité se rendent sur le terrain pour parler aux travailleurs qui entretiennent l'équipement. Cela leur permettrait de comprendre que toute la complexité bureaucratique cause plusieurs problèmes et les aiderait grandement à corriger la situation.
    J'ai siégé à ce comité pendant un an et demi. Nous avons rencontré tous les dirigeants principaux du SCRS, de la GRC et du Centre de la sécurité des télécommunications.
    Vous n'avez toutefois pas rencontré les travailleurs sur les chantiers.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Dubourg.
    Je vous remercie.
    Je remercie les témoins d'avoir comparu devant le Comité ce soir. Nous leur en sommes très reconnaissants.

[Traduction]

     Monsieur le président...

[Français]

    Les témoins peuvent nous transmettre leurs commentaires par écrit.

[Traduction]

    C'était tout, monsieur Genuis?
    Monsieur le président, je voulais simplement savoir si nous attendons des documents de l'Agence de la santé publique du Canada demain. Comment cela va-t-il se passer, et allez-vous les distribuer?
    Je vais me conformer à la décision contenue dans la motion adoptée par le Comité. Nous recevrons les documents et ils seront envoyés au légiste.
    D'accord.
    C'est mon interprétation de la décision, qui, si j'ai bien compris, est différente de la vôtre. Je comprends, mais c'est mon interprétation.
    Puis-je apporter une précision? Allons-nous voir les documents lundi quand vous les recevrez?
(2135)
    Après avoir reçu le rapport du légiste.
    Nous verrons ensuite les documents et le rapport du légiste à la réunion de lundi. C'est cela?
    Nous verrons les documents, caviardés par le légiste, à la réunion de lundi. C'est ce à quoi je m'attends. Encore une fois, bien sûr, le légiste devra d'abord s'en occuper, faire son travail. Je ne vais pas présumer du temps qu'il lui faudra pour cela.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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