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INDU Rapport du Comité

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Protégeons mieux nos entreprises

Opinion complémentaire du Bloc Québécois

En matière de contrôle des investissements étrangers, le présent rapport du comité de l’industrie constitue un virage important et salutaire. Après une décennie de laisser-aller, le Bloc Québécois salue ce virage mais aurait souhaité que le comité aille plus loin.

Nous aurions voulu que le rapport propose de ramener à un niveau raisonnable le seuil à partir duquel le gouvernement analyse les projets d’investissements étrangers pour déterminer s’ils sont réellement avantageux. D’où cette opinion complémentaire.

La dérive

Depuis des années, la politique du gouvernement fédéral en matière d’investissements étrangers se résume en peu de mots : dérèglementation et laisser-aller.

Il y a bien eu un resserrement des examens lorsque la sécurité nationale est en jeu. Il y eu maintien des contrôles lorsque l’investisseur est un État étranger. La peur de la Chine fait son effet.

Mais pour le reste, les vannes sont ouvertes. Tout investissement étranger est automatiquement autorisé, sans examen. Les mécanismes d’examen prévus à la loi, que le gouvernement tient pourtant à protéger dans chaque accord commercial qu’il signe, sont rendus essentiellement inopérants.

En 2013, le gouvernement conservateur donnait le ton en annonçant son intention de relever le seuil à partir duquel le gouvernement évalue si les investissements étrangers sont réellement avantageux. À partir de 2015, c’est le gouvernement libéral qui accélérait le pas.

Entre 2015 et 2020, le seuil applicable aux « investissements aux termes de l’accord commercial conclu avec le secteur privé » est passé de 369 millions de dollars à 1,613 milliard de dollars. Et le résultat est frappant : entre 2009 et 2019, la proportion des investissements étrangers qui font l’objet d’un examen est passée de 10% à 1%.

Vous avez bien lu : en vertu des règles actuelles, 99% des investissements étrangers sont maintenant automatiquement acceptés, sans examen.

Cette dérive arrive à un mauvais moment. Depuis une trentaine d’années, l’investissement étranger a changé de nature dans les pays de l’OCDE : la part des nouveaux investissements tend à diminuer alors que la part des investissements sous forme de fusions et acquisitions d’entreprises existantes tend à augmenter.

Entre 2010 et 2015, les nouveaux établissements n’ont représenté que 54% de l’investissement étranger au Canada. 46% de ces investissements étrangers ont plutôt pris la forme de fusions et acquisitions, où des investisseurs étrangers ont mis la main – en tout ou en partie – sur des entreprises de chez nous.

En cela, le Canada fait nettement pire que les autres pays industrialisés. Les nouvelles installations représentent 72% de l’investissement étranger aux États-Unis et 78% en France, contre seulement 54% au Canada. Et la tendance se poursuit à ce jour : de 2018 à 2020, les fusions et acquisitions ont représenté 90G$ sur les 244G$ qui sont entrés au Canada en investissements étrangers.

En termes clairs, en trois ans, des entreprises étrangères ont investi 90G$ pour mettre la main, entièrement ou en partie, sur des entreprises canadiennes. Ces 90G$ en prise de contrôle ont représenté la disparition de sièges sociaux, désormais transformés en bureaux régionaux ayant peu de pouvoir.

« On ne condamne pas les marées. On construit des digues »

Depuis la révolution tranquille, le gouvernement du Québec s’est doté d’importants leviers économiques et financiers. Ces outils lui permettent de poursuivre, avec plus ou moins d’énergie selon les gouvernements, une politique de nationalisme économique visant à donner aux Québécois un meilleur contrôle sur leur économie.

Notre nationalisme économique est à deux volets.

D’une part, nous sommes ouverts à l’investissement étranger, vecteur de croissance et de développement. D’autre part, nous soutenons nos propres entreprises pour les aider à croître et cherchons à préserver nos entreprises et les importants leviers de décisions que sont nos sièges sociaux.

Il n’est pas question ici de fermer la porte à l’investissement étranger. Le Québec est et demeurera une économie ouverte sur le monde. L’ouverture à l’investissement étranger est essentielle à l’intégration du Québec dans les grands circuits commerciaux, laquelle est indispensable à la prospérité d’une économie ayant une taille relativement petite.

Comme l’écrivait déjà Jacques Parizeau en 2001, avant même l’entrée de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce : « On ne condamne pas les marées. On construit des digues, des jetées, on se protège, en somme. »

Malheureusement, avec l’affaiblissement de la Loi sur investissement Canada, cette digue est tombée.

Québec – Ottawa : deux politiques qui s’affrontent

Il est frappant de constater que l’éviscération de la loi fédérale se produisait alors même que le Québec commençait à s’inquiéter du rachat de nos entreprises par des intérêts étrangers et de la disparition de nos sièges sociaux.

En 2013, la même année où Ottawa annonçait son intention de relever le seuil d’examen prévu à la Loi sur investissement Canada, le Québec allait dans la direction inverse et mettait sur pied le Groupe de travail sur la protection des entreprises québécoises.

Créée par un gouvernement du Parti Québécois, co-présidée par une ancienne ministre libérale des finances, composée majoritairement de personnes issues du milieu des affaires, la commission reflétait le consensus qui existe au Québec autour de la protection de nos entreprises.

Le groupe de travail faisait d’abord un constat : les 578 sièges sociaux qu’on retrouve au Québec représentent 50 000 emplois à un salaire deux fois plus élevé que la moyenne québécoise, en plus de 20 000 autres emplois chez des fournisseurs de services spécialisés (services comptables, juridiques, financiers, informatiques).

De plus, les entreprises québécoises tendent à favoriser les fournisseurs québécois alors que les entreprises étrangères présentes au Québec s’appuient davantage sur des chaînes d’approvisionnement globalisées, avec l’impact qu’on devine sur notre réseau de PME, en particulier en région. Et on l’a vu avec la pandémie, les chaînes d’approvisionnement globalisées sont fragiles et nous rendent entièrement dépendants de l’étranger.

Ensuite, la présence de ces sièges sociaux est essentielle à la place financière montréalaise, dont l’écosystème est à son tour indispensable à l’accès des PME de tout le Québec aux leviers financiers dont elles ont besoin pour se développer. Le secteur financier, c’est 150 000 emplois au Québec et une contribution de 20 milliards au PIB (6,3%). N’oublions pas que la place financière montréalaise, c’est la 13e place financière sur la planète (classement du Global Financial Centres Index), avec presque 100 000 emplois.

Et finalement, les entreprises tendent à concentrer leurs activités stratégiques, en particulier leurs activités de recherche scientifique et de développement technologique, là où se trouve le siège social. Dit autrement, une économie de filiales, c’est une économie moins innovante.

Les recommandations du groupe de travail s’adressaient principalement au gouvernement du Québec : multiplier les prises de participation au capital des entreprises, faciliter la distribution d’actions employés, mieux outiller les conseils d’administration contre les prises de contrôle hostiles.

Mais le pouvoir d’encadrer légalement les prises de contrôles étrangères pour s’assurer qu’elles soient avantageuses pour l’économie et la société se trouvait à Ottawa. Et au moment où le Québec s’inquiétait des prises de contrôle étrangères des fleurons de son économie, le gouvernement fédéral choisissait d’abdiquer son pouvoir de contrôle.

Québec – Canada : deux économies différentes

Pendant que le Québec mène une politique de nationalisme économique, le Canada misait sur la dérèglementation. Et pour cause : nos économies sont différentes.

Alors que nationalisme économique québécois vise le développement des entreprises québécoises, l’économie canadienne gravite déjà autour des filiales de grandes entreprises étrangères. Que ce soit dans l’automobile (Ford Canada, GM Canada, etc) ou du pétrole (Shell Canada, Imperial Oil), le Canada a depuis longtemps une économie de filiales.

Quant aux grandes entreprises canadiennes, que ce soit dans le secteur financier, les chemins de fer ou les télécommunications, elles évoluent dans des secteurs qui sont protégés contre les prises de contrôle étrangères par loi fédérale.

Ainsi, contrairement au Québec, la protection des sièges sociaux est un enjeu qui est relativement peu important pour le Canada. C’est l’intérêt national plutôt que la malveillance qui a amené Ottawa à adopter une politique contraire aux intérêts du Québec.

Un virage bienvenu mais incomplet

L’arrivée d’importants investissements en provenance d’entreprises liées au gouvernement chinois est venu changer la donne. Le Canada commence à réaliser qu’il est nécessaire de mieux contrôler les investissements étrangers et de s’assurer qu’ils sont avantageux avant de les autoriser.

Le présent rapport du comité est le reflet de cette prise de conscience tardive et le Bloc Québécois s’en réjouit.

Il propose de resserrer le contrôle des investissements en provenance de gouvernements étrangers, de mieux contrôler les investissements qui peuvent avoir un impact sur la sécurité nationale, de mieux protéger les secteurs stratégiques de l’économie, de mieux protéger la propriété intellectuelle afin d’éviter le transfert de technologie en Chine et, finalement, de lever le secret qui entoure les analyses du gouvernement lorsqu’il doit décider si un projet d’investissement est avantageux.

Autant de propositions auxquelles le Bloc Québécois souscrit sans réserve.

En revanche, le comité n’a pas fait le pas supplémentaire qui aurait été nécessaire pour protéger notre économie, nos entreprises et nos sièges sociaux : abaisser le seuil d’examen. D’où le présent rapport complémentaire, dans lequel le Bloc Québécois se fait le porte-parole d’un large consensus québécois.

Même si le comité n’a pas retenu notre proposition, nous espérons que le gouvernement s’en inspirera. Après tout, s’il est une chose que la pandémie de COVID-19 nous a démontré, c’est que les chaînes d’approvisionnement mondialisées sont fragiles et qu’il est imprudent d’être complètement dépendants de décisions prises à l’étranger. C’est une autre bonne raison de protéger nos entreprises.