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SECU Rapport du Comité

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Rapport complémentaire

Le Canada est l’un des pays les plus accueillants au monde, acceptant et reconnaissant les gens de toutes origines ethniques, de toutes croyances religieuses et de toutes orientations sexuelles. Les conservateurs du Canada sont fiers de notre pays. Nous honorons les hommes et les femmes qui ont contribué à le bâtir.

Mais le Canada n’est pas parfait. Le racisme existe au Canada. Il doit être éliminé. Le racisme n’a pas sa place au Canada, mais l’expérience montre clairement qu’il existe un racisme systémique dans le système de justice pénale, qui entraîne des disparités. Cela nuit à la confiance du public envers nos institutions comme le système de justice, ainsi que des endroits comme la fonction publique.

Le racisme systémique est présent dans l’héritage institutionnel. C’est un sombre chapitre de l’histoire canadienne, caractérisé par l’implication du gouvernement fédéral dans la tragédie des pensionnats autochtones, des exodes forcés et de l’échec de répondre de manière appropriée aux cas des femmes et des filles autochtones assassinées ou disparues. L’un des plus récents exemples du racisme systémique est une politique ayant entraîné le profilage racial. Cette politique a été conçue et mise en place par le ministre de la Sécurité publique Bill Blair, quand il était chef des Services de police de Toronto. Cette politique ciblait de manière disproportionnée les Canadiens noirs vivant en Ontario. Ces gens étaient alors sujets à une détention arbitraire par la police. Cependant, malgré son soutien antérieur à une politique systématiquement raciste, Bill Blair est toujours ministre de la Sécurité publique, car le premier ministre du Canada s’est lui-même prêté à ce qu’il reconnaît être un comportement raciste, c’est-à-dire se peindre le visage en noir.

Le racisme peut également se trouver dans des structures institutionnelles qui ne parviennent pas à éliminer les éléments racistes dans leurs rangs. Cela maintient chez les communautés autochtones un manque de confiance continu et compréhensible envers la GRC et les forces de l’ordre, d’une manière plus générale[1]. Comme l’a souligné le professeur Christian Leuprecht : « Les bureaucraties se reproduisent d’elles-mêmes ; ce faisant, elles reproduisent également leur culture et leurs problèmes institutionnels ».[2]

Les échecs d’une époque où les préjugés raciaux et culturels étaient des aspects directs et intentionnels de la politique peuvent donc continuer à être reflétés dans les lacunes des structures et des institutions actuelles, où des cas de racisme individuels sont largement reconnus comme étant inacceptables et devant être corrigés. Il serait mal et faux de dire que la GRC ou que tous ses agents sont racistes ou ont des croyances racistes. Toutefois, nous devons reconnaître que l’échec visant à répondre efficacement aux plaintes légitimes ou bien à s’adapter efficacement aux besoins et aux réalités des communautés autochtones et ethniques entraîne souvent des disparités à différents niveaux. Les témoins du Comité ont expliqué que la commissaire de la GRC ne répond pas de manière efficace aux rapports de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes (CCETP), et ce, avec des retards de plus de trois ans dans certains cas, ainsi qu’un manque de responsabilisation pour la mise en œuvre de ses recommandations[3]. Ils ont aussi parlé à plusieurs reprises de la nécessité d’une formation améliorée et d’une sensibilité culturelle, de même que d’une meilleure communication et d’une meilleure réceptivité aux besoins de certaines communautés. Un exemple important est le fait que seulement cinq des 150 agents de la GRC au Nunavut parlent l’inuktitut, ce qui est un obstacle considérable pour les victimes qui veulent signaler des cas de violence et obtenir la protection de la police[4].

Les conservateurs du Canada s’engagent à travailler avec les communautés et à trouver des solutions concrètes à ces nombreux problèmes. Nous pensons que les déficiences institutionnelles entraînant ces disparités peuvent et doivent être corrigées, et ce, de toute urgence. Il est impératif de relever ce défi par des changements politiques pratiques. Ces changements régleront les problèmes institutionnels et systémiques. Cependant, les membres conservateurs du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes estiment qu’un certain nombre des recommandations du rapport principal du Comité sur le racisme systémique dans la police ne sont pas efficaces ou vont au-delà de la portée de l’étude au service d’objectifs idéologiques que nous ne pouvons pas soutenir, notamment en ce qui concerne l’idée de « définancement » de la police et de la décriminalisation des drogues dures. C’est pourquoi nous avons choisi de présenter un court rapport complémentaire pour préciser certaines de nos différences d’opinions les plus importantes. 

Commission civile d’examen et de traitement des plaintes

Il n’y a peut-être pas d’exemple plus évident d’une structure institutionnelle inappropriée qu’un système d’examen qui ne demande pas de comptes à la GRC et à ses membres. Aussi, nous soutenons les recommandations assurant une meilleure réceptivité et une responsabilisation accrue de la part de la CCETP et la publication des décisions disciplinaires. L’impartialité et le respect des droits prévus par la Charte exigeraient que les actes criminels des membres de la GRC soient traités par le système de justice pénale, par l’intermédiaire d’un examen indépendant et la nomination d’un procureur public spécial à qui la CCETP pourrait soumettre les plaintes pour évaluation. 

Surveillance générale

La nécessité d’un organisme de surveillance indépendant – libre de toute ingérence politique – sous la forme d’un nouveau conseil de gestion de la GRC, distinct de la CCETP et du conseil de gestion existant, a été réitérée par divers intervenants pendant l’étude du Comité, et est établie dans la recommandation 8. En raison du rôle que la GRC joue dans la société canadienne, ce type de surveillance est requis de toute urgence. Les membres conservateurs du Comité permanent de la sécurité publique et nationale encouragent le ministre de la Sécurité publique à présenter une mesure législative à cet égard le plus rapidement possible, que le Parlement devrait examiner avec attention.

Des témoins ont aussi dit au Comité que la participation locale à la surveillance de la police est essentielle pour assurer la confiance du public envers la police et le système de justice pénale d’une manière plus générale. Une surveillance locale permettrait probablement d’assurer une responsabilisation accrue de la police envers les communautés, en plus de déterminer les comportements inacceptables plus efficacement. 

Bien que l’augmentation du rôle de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes soit nécessaire, il n’est pas clair qu’elle devrait devenir, comme le rapport semble le suggérer, le véhicule principal ou exclusif pour répondre aux pratiques institutionnelles qui donnent lieu à des disparités ou à une discrimination, aux paliers national ou local, alors que d’autres structures peuvent être plus appropriées. À bien des égards, le rapport semble associer son rôle au traitement des plaintes d’une manière pouvant entraîner des mesures disciplinaires ou des changements politiques en exerçant une surveillance directe et continue, ainsi qu’en élaborant et mettant en œuvre la politique globale. À notre avis, la CCETP ne peut pas faire les deux tout en maintenant son rôle et son indépendance. 

Rôle de la GRC

Pour répondre aux disparités disproportionnées dans les forces de l’ordre, et dans le système de justice pénale dans son ensemble, il faut répondre aux problèmes internes, notamment les normes de gestion et de direction, la sécurité des travailleurs et la surveillance. Il faut aussi examiner les structures policières fédérales, provinciales et municipales. Bien que les conservateurs pensent que le racisme individuel et les défaillances structurelles qui entraînent des disparités doivent être dénoncés et corrigés, nous ne soutenons pas le narratif idéologique selon lequel la GRC et ses agents sont un groupe raciste par nature qui doit être démantelé, définancé et dissocié de normes de pratique nationales claires. Pour répondre aux disparités disproportionnées dans les forces de l’ordre et le système de justice pénale dans son ensemble, il faut relever les nombreux défis sociaux comme la pauvreté, la toxicomanie, la santé mentale, le manque de possibilités, les injustices historiques, l’éducation et la sensibilisation culturelle générale. L’étude du Comité et le rapport connexe ne tiennent pas compte de ces enjeux.

Le Canada a besoin d’un organisme d’application de la loi nationale à la fois fort et efficace. La nécessité d’éliminer le racisme dans la police n’exclut pas la nécessité de répondre à la violence croissante des gangs, à la cybercriminalité, aux armes à feu illégales et aux autres formes de criminalité. De plus, il n’est pas réaliste, même d’un point de vue purement opérationnel, de remplacer la GRC comme principal organisme d’application de la loi pour de grandes régions du Canada par de nouvelles forces de police communautaires disparates. Bien que certaines grandes communautés comme Surrey et Red Deer s’orientent dans cette direction, et que le gouvernement fédéral doit soutenir ces décisions provinciales, il est loin d’être clair que les nombreuses communautés du Canada qui dépendent des services à contrat de la GRC, en particulier dans les régions rurales et nordiques moins populeuses, veulent que la GRC soit abandonnée ou remplacée. Malgré les épisodes négatifs de son histoire et la nécessité actuelle de la changer, la GRC demeure une institution nationale qui joue un rôle vital dans le développement du Canada et le maintien de la loi et de l’ordre. Les Canadiens peuvent continuer d’être fiers de l’institution et de soutenir les agents qui servent leur communauté avec dignité et intégrité. 

Recrutement et financement de la police

Le Comité sait, en raison des rapports de la GRC, du gouvernement fédéral et de la Fédération de la police nationale, que la GRC manque de personnel dans de nombreuses parties du pays. D’année en année, la GRC a moins de recrues qui prennent du service que de membres qui prennent leur retraite. Les études du Comité sur le Rapport Merlo Davidson et le Rapport sur la criminalité rurale soulignent le fait que les postes non comblés dans la police créent un stress et une pression additionnels pour les agents, en plus de contribuer à la détérioration du milieu de travail, ce qui nuit à la capacité des agents de bien servir les communautés locales. Cela ne peut pas améliorer les interactions entre la GRC et les communautés qu’elle sert. 

Malgré un financement additionnel annuel de près d’un milliard de dollars, le gouvernement fédéral n’arrive pas à répondre à la pénurie de personnel et d’agents. Cela a d’importantes conséquences, surtout sur les détachements dans les communautés rurales et petites. Les membres conservateurs du Comité permanent de la sécurité publique et nationale pensent que le gouvernement fédéral doit traiter en priorité l’amélioration de la capacité de recrutement de la GRC. Si la GRC ne peut pas recruter et former suffisamment de personnel pour répondre à l’attrition, elle ne pourra pas augmenter la diversité de ses effectifs, comme le recommande le rapport. Le gouvernement ne peut pas simplement dire à la GRC d’atteindre des objectifs de diversité quand elle manque de personnel. La GRC communautaire, disparate et non financée qui est recommandée par le rapport pourra encore moins atteindre ses objectifs de dotation. 

Formation  

D’autres recommandations, en particulier les recommandations 36 et 40, proposent de remplacer les normes et les programmes nationaux de formation et d’éducation des agents par des programmes locaux, axés sur la communauté, les agents étant formés en fonction des besoins et des cultures des communautés qu’ils servent. Paradoxalement, la recommandation 9 prévoit l’établissement d’un Collège national de police. D’un point de vue opérationnel, ces deux recommandations sont en totale contradiction et ne pourraient jamais coexister en pratique. Des services de police communautaires disparates formés différemment selon les besoins locaux ne peuvent pas appliquer des normes nationales. Nous pensons que les agents de la GRC doivent continuer d’être formés dans le cadre d’un programme et de normes nationales uniformes, une formation communautaire spécifique étant offerte par la suite. Cette formation tiendrait compte des nombreuses préoccupations légitimes soulevées dans cette étude. 

Usage de la force

La recommandation 32 propose d’établir de nouvelles normes sur l’usage raisonnable de la force. Les témoignages entendus par ce Comité ne précisent pas clairement si ce sont les lignes directrices sur l’usage de la force ou si ce sont la formation et l’exécution des lignes directrices existantes sur l’usage de la force, qui posent problème et qui sont déficientes partout au pays.

Décriminalisation des drogues

Comme c’est le cas avec les recommandations sur le définancement de la police, nous sommes tout à fait en désaccord avec les recommandations 24 et 25, qui prévoient la décriminalisation de la possession de toutes les drogues illicites, ainsi que le pardon des individus reconnus coupables de simples possessions. Ces recommandations sont une approche idéologique extrême, qui ne concorde pas avec la plupart des autres juridictions. Elles ne devraient, en aucun cas, figurer dans un rapport traitant du racisme dans la police. 

Défis internes pour la future mesure législative

Pour répondre aux disparités disproportionnées dans les forces de l’ordre, et dans le système de justice pénale dans son ensemble, il faut répondre aux problèmes internes, notamment les normes de gestion et de direction, la sécurité des travailleurs et la surveillance. Il faut aussi examiner les structures policières fédérales, provinciales et municipales.

On ne peut pas répondre aux problèmes internes sans avoir une compréhension exhaustive des cadres policiers fédéraux actuels et futurs. Cela nécessite une divulgation complète et un accès à l’information complet. Malheureusement, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ne communique pas les mesures législatives, les règlements, les dépenses ou les délais prévus relativement aux services de police au Canada. Notons que le ministre de la Sécurité publique a annoncé son intention de présenter une Loi sur la police autochtone, mais qu’il a refusé de fournir un calendrier ou des paramètres sur cette mesure législative. Les conservateurs soutiennent l’élaboration conjointe de cette mesure législative avec les communautés autochtones. Ils pressent le gouvernement d’agir sans tarder. Nous notons toutefois que le rapport du Comité ne fournit pas de directive claire à cet égard, en particulier sur la question à savoir si un programme sur la police autochtone serait de portée locale ou nationale, et s’il serait financé par de nouveaux investissements ou par la réaffectation du financement de la GRC. 

Conclusion 

La réponse au racisme dans la police au Canada nécessite des efforts continus de tous les membres de la communauté policière, du système de justice pénale et des représentants élus. Sans un leadership clair du premier ministre du Canada et du ministre de la Sécurité publique, toute proposition avancée par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale – qui n’a pas le pouvoir d’apporter des changements législatifs, réglementaires et politiques – échouera. D’innombrables rapports, des témoignages d’experts et notre propre histoire indiquent clairement qu’il faut que le premier ministre et le ministre fassent preuve de leadership pour répondre aux enjeux de la GRC.

Le rapport du Comité sur le racisme systémique dans la police soulève de nombreux problèmes importants dans la GRC. Certaines de ses recommandations pourraient avoir un effet positif sur la performance de la police. Cependant, il faut un leadership politique concerté pour relever les défis de politique publique plus vastes. C’est un élément essentiel pour relever ces défis. Il est important d’identifier les problèmes, mais il est encore plus important d’identifier de véritables solutions pour éliminer le racisme, augmenter la participation des Canadiens autochtones et racialisés, et rétablir la confiance du public. Le définancement ou le démantèlement arbitraire des institutions n’est pas une solution, mais une preuve que nous laissons la frustration triompher sur une réforme significative.


[1] SECU, témoignage, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1415 (chef Doris Bill) ; SECU, témoignage, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1405 (chef Ghislain Picard).

[2] Leuprecht, Dr C. (24 juillet 2020), mémoire, audiences du comité SECU sur le racisme systémique dans la police au Canada.

[3] SECU, témoignage, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, (Michelaine Lahaie, présidente, Commission civile d’examen et de traitement des plaintes contre la GRC).

[4] SECU, témoignage, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1715 (Gerri Sharpe).