La Chambre reprend l'étude, interrompue le 7 octobre, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Monsieur le Président, j'ai eu le loisir de prononcer l'essentiel de mon discours hier, lorsque j'ai parlé de l'importance du projet de loi , qui vise à obliger les personnes souhaitant devenir juge à suivre une formation sur les agressions sexuelles. Les futurs juges devront également motiver leurs décisions par écrit lors des procès pour agression sexuelle. Je ne compte pas répéter tous mes arguments, car je souhaite utiliser le temps qu'il me reste aujourd'hui pour répondre à certains points soulevés par mes collègues au cours du débat.
J'aimerais néanmoins faire valoir de nouveau un argument que j'ai présenté hier et qui me semble important. Lorsqu'il s'agit de rendre cette formation obligatoire, nous devons tenir compte des avantages et des inconvénients qu'elle comporte, notamment du fait qu'elle ne saurait se substituer à l'importance de bâtir soi-même son caractère et d'apprendre à faire preuve d'empathie. Comme l'a dit un jour l'auteur C. S. Lewis, que j'ai d'ailleurs cité hier: « Une éducation sans valeurs, aussi utile soit-elle, semble plutôt faire de l'homme un diable plus intelligent. » Par conséquent, nous sommes conscients de l'utilité de ce genre de formation et d'apprentissage, mais nous savons qu'il est important de ne pas s'en contenter.
Le projet de loi tombe particulièrement à point. Je viens de lire un article très intéressant dans le National Post rédigé par une amie à moi, Kathryn Marshall, qui disait qu'il y a eu une hausse marquée des cas de violence conjugale en raison du contexte de la pandémie de COVID-19. Tandis que le nombre de crimes est à la baisse, pour ce qui est des autres formes de crimes violents, il y a eu une augmentation du nombre de cas de violence conjugale et de violence sexuelle qui sont signalés. Il est vraiment temps d'agir.
Malheureusement, au cours du présent débat, les libéraux parlent surtout d'autre chose que la question ou le projet de loi dont nous sommes saisis. Ils préfèrent débattre du débat. Ils nous disent qu'il faut arrêter d'en parler, qu'il faut mettre fin au débat le plus rapidement possible parce que le projet de loi semble jouir de l'appui de tous les députés à la Chambre.
J'aimerais soulever cinq points précis en réponse à cet argument pitoyable des libéraux.
D'abord, il importe de noter que le gouvernement détermine le calendrier des débats. C'est le gouvernement qui décide d'accorder ou pas la priorité au projet de loi, et nous pensons qu'il devrait être prioritaire. Ce sont les libéraux qui peuvent faire en sorte que le débat ait lieu le plus tôt possible. Ils auraient pu décider de tenir ce débat lundi ou mardi dernier. Ils auraient pu le faire plus tôt. Ils ont choisi de prévoir la première journée de débat seulement le mercredi.
Nous voulons que le projet de loi progresse. Toutefois, il revient au gouvernement, qui est aux commandes d'une grande partie de la structure, de prévoir le calendrier des débats afin que le projet de loi puisse aller de l'avant tout en permettant aux députés de s'exprimer sur le sujet.
Ensuite, je crois qu'il est essentiel de souligner l'importance du débat. Il pourrait permettre de révéler certaines facettes de cet enjeu pour peaufiner ou renforcer le projet de loi, ou encore pour déterminer d'autres aspects qui exigent notre intervention. Il a été question, par exemple, du fait que l'exposition des jeunes garçons à des images de violence sexuelle sur Internet peut façonner leur sexualisation et contribuer à la propagation de la culture du viol, et que le gouvernement doit mettre en place des mécanismes de vérification efficace de l'âge. C'est un autre aspect qui a été soulevé dans le cadre du débat et qui montre bien son importance.
Le troisième argument que je tiens à présenter est que, malheureusement, comme le gouvernement est allergique au travail en comité, il n'a toujours pas formé le comité qui serait chargé d'étudier le projet de loi. Malgré nos efforts pour réclamer que les comités soient formés sans tarder, le gouvernement a mis en place des mécanismes qui en ont retardé la formation. Le comité de la justice ne s'est même pas encore réuni. Honnêtement, le débat à la Chambre ne ralentit aucunement la progression du projet de loi, car celui-ci ne peut franchir la prochaine étape du processus législatif tant et aussi longtemps que le comité de la justice n'aura pas été formé.
Mon quatrième argument est que, en prorogeant le Parlement, le gouvernement a ramené l'étude du projet de loi au point de départ. De nombreux dossiers auraient pu être étudiés cet été. Nous aurions évidemment pu nous pencher sur le scandale de l'organisme UNIS, le comité de la sécurité publique aurait pu mener à bien son étude sur le racisme systémique, et l'étude du présent projet de loi aurait pu se poursuivre. Or, les libéraux ont choisi de taire le débat et d'interrompre les travaux du Parlement.
Enfin, en reconnaissance de l'urgence d'agir, je demanderais au gouvernement de mettre en place une politique avant même que le projet de loi soit adopté. Les libéraux pourraient établir une politique pour affirmer qu'ils ne nommeront personne qui n'a pas suivi cette formation. Autrement dit, aussi important que puisse être ce projet de loi, une bonne partie des mesures qu'il mettrait en place pourraient être instaurées à court terme au moyen d'une politique. Que je sache, le gouvernement ne s'est pas encore doté d'une telle politique.
À la lumière de ces points, je crois que, en voulant centrer le débat sur la tenue même de ce débat plutôt que sur la question à l'étude, le gouvernement fait fausse route. Je crois que nous avons une bonne occasion de parler d'une question importante. Nous voulons que le projet de loi avance, mais, pour cela, il faut que le gouvernement agisse et qu'il permette la formation du comité de la justice, pas qu'il proroge le Parlement et décide du moment où le débat aura lieu. Tout cela nous permettrait de régler cette question et de faire progresser le projet de loi plus rapidement.
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Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
Je suis heureux de contribuer au débat d'aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel, qui vise à garantir que tout juge de cour supérieure provinciale nouvellement nommé suive une formation continue sur le droit relatif aux agressions sexuelles et le contexte social.
De plus, il exigera du Conseil canadien de la magistrature qu'il fasse rapport de la participation des juges de cour supérieure à la formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles. Enfin, le projet de loi obligera aussi les juges à motiver leurs décisions, par écrit ou en portant les motifs dans le procès-verbal des débats, lors des procès pour agression sexuelle.
Aujourd'hui, je tiens à axer mes observations sur les difficultés qu'éprouve le système de justice pénale pour répondre aux agressions sexuelles au Canada. Qui plus est, je tiens à expliquer comment le projet de loi vise à régler ces problèmes en s'appuyant sur les récentes mesures prises par le gouvernement.
Les agressions sexuelles sont un crime sexospécifique. Les femmes sont presque quatre fois plus susceptibles d'être agressées sexuellement que les hommes. Selon Statistique Canada, 30 % des femmes au Canada ont été agressées sexuellement au moins une fois depuis l'âge de 15 ans, contre 8 % des hommes. Par conséquent, 4,7 millions de femmes et 1,2 million d'hommes ont été victimes d'une agression sexuelle.
On estime que seulement 5 % des agressions sexuelles sont signalées à la police. En 2017, seulement 32 % des accusations d'agression sexuelle ont donné lieu à un procès, et seulement 41 % d'entre elles ont mené à une condamnation. Autrement dit, moins de 2 % des agressions sexuelles perpétrées au Canada en 2017 ont abouti à une condamnation. J'aimerais souligner que ce chiffre est probablement beaucoup plus bas.
Il a été estimé qu'en 2018, seulement 35 % des cas d'agression sexuelle signalés ont donné lieu à des accusations. Si on applique ce chiffre aux données de 2017, cela signifie que seulement 0,23 % des agressions sexuelles au Canada aboutissent à une condamnation. Ces données brossent un portrait sombre de la situation et illustrent bien les obstacles que rencontre le système de justice pénale en ce qui concerne les cas d'agression sexuelle.
Au cours des dernières années, le gouvernement a apporté des changements importants aux dispositions relatives aux agressions sexuelles. Ces réformes visaient à renforcer les droits des plaignants en matière d'égalité, de vie privée et de sécurité en contrant les mythes et les stéréotypes qui persistent dans le système de justice pénale, tout en tenant compte des droits des accusés, conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour suprême du Canada. Ces mythes comprennent d'intimes convictions concernant la réaction des « vraies victimes » aux agressions sexuelles et des mythes sur la fiabilité du témoignage des femmes lorsqu'elles portent plainte pour agression sexuelle.
En juin 2017, le gouvernement a lancé son plan d'action pour lutter contre la violence fondée sur le sexe, intitulé « Il est temps: la stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe ». Il s'agit d'une stratégie multisectorielle coordonnée qui repose sur trois piliers, soit la prévention, le soutien aux personnes survivantes et à leur famille et la promotion d'un système juridique et judiciaire adapté. Le gouvernement a investi des sommes substantielles pour appuyer la mise en œuvre de cette initiative pangouvernementale qui a pour objectif de lutter contre la violence fondée sur le sexe, de coordonner des programmes existants et de jeter les bases d'une série de mesures de plus grande envergure.
De plus, avec le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, qui a reçu la sanction royale en 2018, nous avons modifié le Code criminel afin de clarifier et de renforcer les dispositions législatives canadiennes sur les agressions sexuelles.
Ainsi, ces modifications précisent qu'une personne inconsciente est incapable de consentir à une activité sexuelle; qu'un accusé ne peut compter sur la défense de croyance erronée au consentement lorsqu'il n'y a aucune preuve que l'accord volontaire du plaignant a été manifesté de façon explicite; que les antécédents sexuels d'une personne ne doivent jamais être invoqués pour appuyer l'un ou l'autre de deux mythes, à savoir que, d'après la nature sexuelle de la preuve, le plaignant est plus susceptible d'avoir consenti ou moins digne de foi; et que l'admissibilité aux dossiers privés du plaignant que l'accusé a en sa possession, comme des dossiers de consultation ou des journaux intimes, est déterminée selon un régime semblable à celui qui est employé pour déterminer l'admissibilité de la preuve sur les antécédents sexuels et la communication de dossiers de tiers.
Qui plus est, le gouvernement a financé la création de programmes pilotes dans différentes provinces permettant aux survivants d'une agression sexuelle d'obtenir des avis juridiques indépendants et, dans certains cas, les services d'un avocat. Terre-Neuve-et-Labrador, la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse, l'Ontario et le Yukon indiquent que ces programmes ont été utiles aux survivants. Le gouvernement a en outre accordé du financement à l'Institut national de la magistrature pour l'élaboration de matériel de formation des juges sur la violence fondée sur le sexe, y compris les agressions sexuelles.
Enfin, grâce à l'ancien projet de loi , Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, qui a reçu la sanction royale en juin 2019, nous avons limité la possibilité de tenir une enquête préliminaire seulement dans le cas des infractions passibles d’un emprisonnement de 14 ans ou plus. Cela signifie que de nombreux plaignants n'auront plus à présenter deux témoignages, un durant l'enquête préliminaire, et un autre lors du procès. Nous sommes conscients que le fait d'être appelés à témoigner en cour constitue souvent une expérience pénible, car les victimes sont forcées de revivre le traumatisme qu'elles ont subi.
Ainsi, le système de justice pénale a évolué et il est devenu plus humain envers les victimes d'agression sexuelle. Bien que nous ayons accompli d'importants progrès ces dernières années, nous devons poursuivre nos efforts pour veiller à ce que les victimes d'agression sexuelle soient traitées avec respect et dignité lors de leurs interactions avec des intervenants du système de justice pénale. Il est impératif que les juges reçoivent une formation adéquate sur le droit relatif aux agressions sexuelles, ainsi que sur les mythes et les stéréotypes trop souvent associés aux agressions sexuelles. Le projet de loi vise à faire en sorte que les décisions prises en matière d'agressions sexuelles ne soient pas influencées par des mythes ou des stéréotypes au sujet des victimes d'agression sexuelle et de leurs comportements allégués. En effet, la Cour suprême du Canada a statué que ces mythes et ces stéréotypes déforment le rôle de recherche de la vérité qui lui est confié.
Grâce à ce projet de loi, nous espérons que le public et les survivants fassent davantage confiance au système de justice pénale dans le traitement des affaires d'agression sexuelle. Voilà pourquoi le projet de loi exige que les personnes souhaitant être nommées juges d’une juridiction supérieure d’une province s’engagent à suivre une formation continue portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social, et que les motifs des décisions soient portés dans les procès-verbaux des débats ou donnés par écrit.
En exigeant que les candidats à la magistrature s'engagent à suivre une formation continue, on s'assurerait que les juges des cours supérieures provinciales nouvellement nommés saisissent pleinement la complexité du droit relatif aux agressions sexuelles. Le projet de loi exige également du Conseil canadien de la magistrature qu'il élabore la formation en consultation avec des personnes ayant survécu à une agression sexuelle, des groupes qui les appuient, et d'autres personnes ou groupes que le Conseil estime indiqués.
Le Conseil canadien de la magistrature doit aussi faire rapport de la participation de tous les juges des cours supérieures à la formation sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles. La magistrature gagnera ainsi en responsabilité et cela encouragera les juges des cours supérieures à y participer.
La disposition du projet de loi qui exigerait des juges qu'ils expliquent leurs motifs dans les affaires d'agression sexuelle serait ajoutée à la partie VIII du Code criminel avec les autres dispositions sur les agressions sexuelles afin que toutes les dispositions relatives aux agressions sexuelles soient regroupées ensemble et puissent être consultées aisément par les personnes chargées de les faire appliquer. Essentiellement, cette disposition créerait un mini code criminel sur les agressions sexuelles au sein du Code criminel de façon à empêcher une mauvaise application des dispositions législatives liées aux agressions sexuelles. Elle rendra en outre plus transparentes les décisions dans les affaires d'agression sexuelle, car il est toujours plus facile de se reporter à une chose quand elle a été écrite et consignée.
L'amélioration du traitement réservé aux affaires d'agression sexuelle dans l'appareil de justice transcende les questions de politique partisane, puisque la première fois que la Chambre a été saisie de cette mesure législative, il s'agissait du projet de loi d'initiative parlementaire de l'ex-chef par intérim du Parti conservateur, Rona Ambrose. Ce projet de loi renforcera la confiance des personnes qui ont survécu à une agression sexuelle et du public dans l'appareil de justice pénale. Nous devons tous faire notre part si nous voulons que ce dernier soit plus juste, plus efficace et plus accessible et qu'il serve les intérêts de l'ensemble des Canadiens. J'invite les députés à l'appuyer.
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Madame la Présidente, j'interviens pour exprimer mon appui au projet de loi. Espérons qu'il ne sera pas bloqué de nouveau au Sénat au cours de la présente législature et qu'il pourra enfin être mis en œuvre.
Le projet de loi est important. Il vise à ce que les juges des cours supérieures provinciales suivent une formation continue portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et, en pratique, à déconstruire les mythes qui existent dans notre société en ce qui concerne les agressions sexuelles, en particulier celles dont les femmes sont victimes. Soulignons cependant que la question touche assurément des hommes et des membres de la communauté LGBTQ2I. Le projet de loi ferait du système judiciaire un endroit sûr où les victimes peuvent raconter leurs expériences, où les prédateurs sont tenus responsables de leurs actes et où l'on peut éviter la revictimisation des personnes.
J'ai écouté ce débat. Certains intervenants ont présenté des statistiques. Je crois qu'ils l'ont fait parce que les chiffres sont assez frappants. En effet, dans quel genre de société vivons-nous lorsque 30 % des femmes et 8 % des hommes ont été victimes d'agression sexuelle au moins une fois depuis l'âge de 15 ans?
Quand on compare ces chiffres au taux de condamnation, qui tourne autour de 2 %, comment peut-on laisser des femmes, des garçons et d'autres membres de notre société se faire agresser dès l'âge de 15 ans? S'il s'agissait de tout autre genre de crime, toute la population pousserait les hauts cris en demandant comment une telle chose peut être possible. Je soupçonne que le taux de condamnation est encore plus faible, car on rapporte vraiment peu les agressions sexuelles et les agressions fondées sur le sexe au Canada et ailleurs dans le monde, justement en grande partie à cause du faible taux de condamnation et du fait que le système de justice fait en sorte que les victimes doivent revivre leur calvaire et prouver qu'elles ne sont pas responsables de ce qui leur est arrivé. À mon avis, ces chiffres ne brossent pas le véritable tableau de la situation.
En tant que jeune femme, j'ai certainement entendu trop d'histoires d'autres femmes victimisées, et je sais à quel point ce fait est souvent ignoré ou contesté. Pour ces femmes, cela ne vaut pas le coup de raconter leur histoire, d'y mêler leur famille et de laisser savoir aux autres ce qui leur est arrivé. La honte retombe sur les victimes plutôt que sur les agresseurs, comme ce devrait pourtant l'être.
En plus de montrer pourquoi la formation est importante et pourquoi les taux de condamnation doivent augmenter considérablement, je présenterai certains des commentaires formulés par des juges du Canada ainsi que des États-Unis dans le cadre d'affaires d'agressions sexuelles qui illustrent bien la nécessité de mettre en place une formation et de briser les mythes aussi rapidement que possible.
Voici donc certains propos qu'ont tenus des juges au sujet des victimes dans des affaires qu'ils devaient trancher: « Si vous n'aviez pas été là cette nuit-là, rien de tout cela ne serait arrivé »; elle « n'était pas la victime qu'elle a prétendu être »; « Pourquoi n'avez-vous pas simplement serré les genoux? »; la victime « maîtrisait probablement autant la situation » que l'agresseur; le corps peut « empêcher la conception »; et « La chasse aux femmes en état d'ébriété est ouverte ».
Ces mythes continuent de victimiser les femmes, de laisser dans l'ombre des agressions sexuelles de personnes de tous les sexes et, ce qui est encore plus dangereux, de permettre aux agresseurs de victimiser encore plus de personnes et d'instiller la peur chez leurs victimes.
La traite des personnes est un énorme problème au Canada et ailleurs dans le monde. De nombreux survivants m'ont fait part de leurs expériences. Quand l'affaire est portée devant les tribunaux, très peu de recours sont offerts aux victimes pour éviter qu'elles ne soient revictimisées. On les interroge et leur demande pourquoi elles sont là ou comment elles se sont retrouvées dans une telle situation. De plus, dans de nombreux cas, les accusés demeurent en mesure de communiquer avec leurs victimes pour faire pression sur elles. C'est pour ces raisons que de nombreuses victimes ne se donnent pas la peine de recourir aux tribunaux, car cela les oblige à revivre publiquement l'agression et les traumatismes qu'elles ont subis.
Le projet de loi cherche également à modifier le processus judiciaire. C'est une question qui a été soulevée au début du débat, lors de la période des questions et observations, et j'en suis ravie.
Il est également important qu'en plus de la formation, le projet de loi porte sur l'obligation de motiver les décisions écrites. Il faut nommer et dénoncer publiquement les décisions basées sur de vieux stéréotypes et mythes pour garantir que le processus judiciaire protège les victimes au lieu de les mettre au banc des accusés, comme on l'a trop souvent constaté dans les affaires d'agression sexuelle.
Un des grands mythes entourant les affaires d'agression sexuelle repose sur l'identification de la vraie victime. Il y a bien peu de domaines du droit ou de la criminalité où la victime doit répondre à des questions comme celles que j'ai citées plus tôt, notamment pourquoi elle était à cet endroit, pourquoi elle avait trop bu, pourquoi elle n'avait pas mis fin à la conversation ou pourquoi elle était sortie si tard. Les femmes doivent pouvoir porter ce qu'elles veulent et sortir où elles le veulent: ce n'est pas un crime. C'est comme si les femmes devaient se protéger des agressions sexuelles alors qu'elles doivent être protégées contre les prédateurs.
Les victimes doivent être protégées contre les agressions sexuelles. Ce devrait être un principe de base au Canada. Les juges devraient le respecter et le comprendre. Ils ne devraient pas mettre la vie des victimes d'agression sexuelle sur la sellette. Seuls les accusés devraient subir un procès. Ils ont parfaitement le droit de se défendre s'ils sont accusés à tort, mais les victimes ne devraient pas avoir à prouver qu'elles ne méritaient pas d'être agressées sexuellement ou qu'elles n'avaient pas « couru après ce qui est arrivé », ce qu'on dit souvent des victimes d'agression sexuelle.
Comme mon collègue vient de le faire dans les derniers échanges, certains ont parlé à la Chambre des modifications importantes que le projet de loi a apportées au Code criminel, mais il est très important de soulever certaines questions comme le fait qu'une personne inconsciente est incapable de consentir à des relations sexuelles. Cela peut sembler être un principe juridique de base. On ne pourrait pas conclure un contrat valide avec une personne inconsciente, mais il fut un temps dans ce pays où une personne pouvait donner son accord ou son consentement pour avoir des relations sexuelles.
Par conséquent, il est extrêmement important d'apporter d'autres modifications au droit pénal. C'est pourquoi il est crucial d'offrir une formation continue pour que les juges demeurent au fait des plus récentes dispositions législatives, et de faire en sorte que les mythes et les stéréotypes ne soient pas entretenus, que cette exigence soit inscrite dans la loi, que les victimes ne redeviennent pas des victimes, que les gens se sentent suffisamment en sécurité pour dénoncer et combattre ces prédateurs afin qu'ils ne fassent pas d'autres victimes.
Je suis très reconnaissante que l'ancienne chef intérimaire du Parti conservateur, Rona Ambrose, ait présenté un projet de loi à cet égard. Après ce deuxième débat, j'espère que nous pourrons adopter ce projet de loi afin d'apporter un changement concret dans ce pays.
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Madame la Présidente, j'aimerais d'abord remercier tous les députés de leurs brillantes interventions tout au long de cette conversation. Je pense qu'il est plus juste de dire qu'il s'agit d'une conversation, et non d'un débat.
Je saisis également cette occasion pour dire que j'ai beaucoup aimé les propos du secrétaire parlementaire. Je tiens à lui dire, comme je l'ai fait la première fois que nous avons été saisis de cette question, que je m'engage à collaborer avec la province de l'Ontario pour veiller à ce que le projet de loi soit plus efficace, notamment en proposant de l'élargir afin d'y inclure notre province. Je me réjouis à la perspective de collaborer avec lui et avec le gouvernement de l'Ontario afin que nous puissions, espérons-le, amener la province à adopter une mesure législative de la sorte.
Le projet de loi vise à modifier la Loi sur les juges et le Code criminel. Essentiellement, je pense que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. Le système judiciaire doit manifestement être un lieu sûr pour les victimes d'agression sexuelle. Toutefois, comme beaucoup l'ont fait remarquer, je suis un membre du Barreau et un intervenant dans le système de justice, donc je sais pertinemment que le système inflige constamment de nouvelles souffrances aux victimes.
L'agression sexuelle est le seul acte criminel violent au Canada dont la fréquence ne baisse pas. Sur plus de 500 000 agressions sexuelles commises, seulement 3 % sont signalées à la police. Alors qu'une femme sur trois et un homme sur huit seront victimes d'une forme ou d'une autre de violence sexuelle au cours de leur vie, la majorité des agressions sexuelles ne sont pas signalées à la police. En fait, les agressions sexuelles sont, parmi tous les types d'infraction, celui qui est le moins signalé à la police. Alors que le taux d'agressions sexuelles autodéclarées est resté relativement stable, le pourcentage d'infractions signalées à la police est passé de 12 % en 2009 à 5 % en 2014.
Pourquoi les victimes d'agressions sexuelles n'osent-elles pas se tourner vers le système judiciaire pour obtenir de l'aide?
Comme l'ont fait remarquer certains de mes collègues, moins de 1 % des cas d'agressions sexuelles sur une femme aboutissent à la condamnation du délinquant. Croyons-le ou non, les statistiques sont encore plus mauvaises en ce qui concerne les femmes vulnérables de notre société. Les femmes jeunes, les femmes handicapées, les femmes autochtones, en particulier celles qui vivent dans le Nord et dans les territoires, sont beaucoup plus à risque d'être victimes d'agressions sexuelles.
À titre d'exemple, pour montrer qu'il ne s'agit pas que de théories et de statistiques, je voudrais parler de ce qu'a vécu une jeune Autochtone de 12 ans de la Saskatchewan. Cet exemple est tiré du livre Sexual Assault in Canada, édité par Elizabeth Sheehy. La jeune fille en question, comme bien des adolescents, s'était disputée avec ses parents et, comme biens des adolescents l'ont fait avant elle, moi compris, elle est sortie pour se calmer les esprits. Elle marchait dans la rue et, malheureusement, elle a rencontré trois hommes qui l'ont convaincue de les suivre et qui lui ont donné de l'alcool. Ils lui en ont tellement donné qu'elle a fini par vomir. Ils l'ont par la suite immobilisée et ils l'ont violée. Lorsqu'ils l'ont déposée chez une de ses amies, elle pleurait et criait à s'en arracher les poumons.
Deux des trois hommes n'ont pas été reconnus coupables parce qu'ils ont convaincu le juge qu'ils croyaient que la jeune fille avait plus de 15 ans et qu'elle était consentante. Le juge les a crus même si la jeune fille avait 12 ans, qu'elle était ivre, qu'ils l'avaient immobilisée et qu'elle vomissait au moment du crime. Le troisième homme, lui, a été reconnu coupable. Il a reçu une peine de deux ans moins un jour, ce qu'on ne pourrait pas qualifier de peine exemplaire.
Ce qui a rendu la situation encore pire et qui a contribué à traumatiser davantage la jeune fille, c'est que, lorsqu'il a été appelé à témoigner, le policier a dit de la jeune fille de 12 ans qui était ivre que « c'était peut-être bien elle qui était coupable d'agression sexuelle ».
Il est totalement inacceptable qu'une telle situation puisse se produire dans un merveilleux pays comme le Canada. C'est tout simplement incompréhensible. Je ne peux même pas imaginer ce que peut ressentir une victime d'agression sexuelle quand elle est traitée de cette manière. Cependant, je sais qu'il existe bien des raisons qui peuvent empêcher les victimes de se manifester. Les victimes peuvent passer par un éventail de réactions psychologiques. Elles peuvent éprouver du chagrin ou de la honte, ou elles peuvent refuser d'admettre ce qui leur est arrivé. Cela explique pourquoi elles hésitent à dénoncer leur agression sexuelle. Pire encore, il est possible qu'elles n'aient pas confiance en notre système de justice pénale.
Il semblerait que les femmes ont l'impression d'être victimisées encore et encore. Mes collègues ont mentionné certaines des remarques faites par les juges au cours de la dernière décennie. L'un d'entre eux a demandé à une plaignante pourquoi elle n'avait pas simplement serré les genoux. Dans un autre cas, la plaignante s'est fait demander pourquoi elle n'avait pas crié. Une plaignante s'est aussi fait demander pourquoi elle n'avait pas tourné un peu son bassin pour éviter de se faire pénétrer. C'est l'une des pires choses que j'ai entendues.
Je paraphrase, car le vocabulaire réellement utilisé dans ces propos est non parlementaire. Qu'une personne, en particulier un juge, puisse penser qu'il soit approprié de tenir de tels propos dans un tribunal est ahurissant. Le gouvernement, le système de justice du Canada et la société canadienne doivent faire mieux.
Selon la Fondation canadienne des femmes, bien que 96 % des Canadiens et Canadiennes croient que toute activité sexuelle devrait être consensuelle, seule une personne sur trois comprend ce que le consentement signifie. Nous devons veiller à ce que les juges ne fassent pas partie de ces deux personnes sur trois et à ce qu'ils comprennent que, à moins qu'un « oui » soit clairement exprimé, c'est un « non ». Il est déjà bien assez difficile pour les femmes de signaler une agression à la police. Nous devons faire tout en notre pouvoir pour nous assurer que les victimes d'agression sexuelle sont soutenues. Le système de justice est la dernière chose que les victimes devraient craindre.
Les femmes qui ont le courage et la persévérance d'endurer les années que prend le processus judiciaire, revivant, à chaque étape, leur expérience douloureuse, se heurtent, trop souvent, à un autre coup bas. En effet, trop souvent, leur agresseur, celui-là même qui a changé leur vie à jamais, qui a anéanti leurs rêves, qui les a poussées à la dépendance, à la pauvreté et à une vie entière de problèmes de santé mentale, ne recevra qu'un semblant de peine.
Selon Statistique Canada, de 2009 à 2014, c'est-à-dire en six ans, seulement 21 % des affaires d'agression sexuelle ont été réglées par les tribunaux. Dans environ 60 % des cas, le type d'infraction a été remplacé par un autre type assorti d'une peine moins sévère, si bien que, la plupart du temps, l'agresseur évite la détention. Environ la moitié des affaires réglées par les tribunaux, c'est-à-dire 55 %, ont donné lieu à une peine d'emprisonnement pour l'agresseur. Du faible pourcentage d'auteurs d'agression sexuelle qui finissent par être reconnus coupables, la plupart n'écopent d'aucune peine d'emprisonnement. De quelle peine écopent-ils? En moyenne, la période de probation pour une agression sexuelle est de 730 jours. Le prix à payer pour détruire la vie d'une femme est deux années sous la surveillance d'un agent de libération conditionnelle. Ce n'est pas suffisant.
Si nous pouvons faire quoi que ce soit pour améliorer le sort des victimes d'agression sexuelle dans le système, alors nous devons le faire, non pas demain ni aujourd'hui, mais hier. Il est certain que je vais appuyer le projet de loi. D'ailleurs, je félicite le gouvernement de l'avoir présenté et l'en remercie. Peut-être qu'en offrant aux juges la formation qui s'impose, nous pourrons dorénavant éviter les commentaires aberrants et donner aux victimes une confiance accrue envers notre système de justice, de sorte qu'elles sachent qu'elles y seront traitées avec respect le jour où elles auront le courage de confronter leur agresseur.
Pour améliorer le système de justice pénale, il faut aider les juges fédéraux à comprendre les souffrances des victimes et leur apprendre à faire preuve de plus de compassion à l'endroit des victimes. Le projet de loi n'a pas seulement pour objectif d'améliorer le système de justice pénale, il vise à faire du Canada un endroit plus sûr pour toutes les femmes et les enfants.
En tant que fils, frère, mari et père, je me fais du souci pour mes proches. Je me fais du souci pour ma fille de cinq ans. Je trouve que le bilan du système de justice canadien est épouvantable. Il faut faire du Canada un endroit plus sûr, un endroit où les victimes peuvent faire confiance au système de justice, où chacun comprend ce qu'est le consentement, où aucune femme n'a peur de marcher seule ou de marcher lorsque des gens sont près d'elle, où les femmes marchent sans crainte où elles veulent et portent les vêtements qu'elles veulent en ayant la certitude que la société sera toujours là pour les protéger.
Le projet de loi représente un changement positif, modeste, mais positif, qui fera du Canada un endroit plus sûr pour ma fille, ma mère, mes sœurs et toutes les Canadiennes. Je l'appuierai inconditionnellement.
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Madame la Présidente, c’est pour moi un privilège et un honneur de prendre la parole en ce lieu pour participer à ce débat très important. J’ai été élu il y a cinq ans, et au cours de ces cinq années j’ai beaucoup travaillé à des dossiers concernant le système judiciaire, son traitement des affaires d’agressions sexuelles et de traite des personnes et les moyens de rendre justice aux victimes.
Le projet de loi représente un changement de direction marqué chez les libéraux et je les remercie de l'avoir présenté. En général, lorsque les libéraux essayent d’améliorer le système judiciaire, ils réduisent les peines. On le voit à leur feuille de route. Nous avons pu le constater avec le projet de loi lors de la législature précédente. Leur solution pour éliminer les retards dans le système judiciaire consistait à réduire les peines. Ils n’ont jamais voulu s’occuper de la question du système judiciaire et dire qu’ils faisaient fausse route. De ce côté de la Chambre, nous avons toujours accepté de le reconnaître quand une décision était mauvaise ou insatisfaisante. Nous avons aussi introduit les peines minimales obligatoires pour essayer de corriger beaucoup des lacunes scandaleuses dans le système judiciaire.
Le projet de loi présenté constitue, je le répète, un changement de direction marqué chez les libéraux et je m’en réjouis. Ils reconnaissent que le système judiciaire ne fonctionne pas bien et qu’il ne tient pas suffisamment compte des victimes. Le projet de loi contribue en partie à remédier à cette lacune et à corriger certains problèmes.
J’aimerais prendre un peu de recul. Des chiffres ont été donnés plusieurs fois. Toute la matinée, j’ai écouté les discours prononcés à la Chambre et on continue de citer des chiffres. Nous devrions travailler à construire une société dans laquelle il n’y a pas d’agressions sexuelles. S’il n’y en avait pas, nous ne serions pas ici à discuter des taux de condamnation et de ce genre de choses. Nous pourrions avoir des dispositions législatives pour les agressions sexuelles et il n'y en aurait pas, de sorte que la question de savoir si les juges ont été formés ou non sur ce sujet serait théorique puisqu’ils n’auraient pas à s’occuper de telles affaires.
Cela dit, le nombre d'agressions sexuelles augmente de façon spectaculaire partout au pays, et à propos d’autres dossiers auxquels je travaille ici, j’ai avancé quelques idées sur les raisons de cette augmentation. La motion no 47 a été adoptée à la dernière législature. Elle portait sur le contenu misogyne et sexuellement explicite en ligne et ses effets sur la société canadienne. Le comité a fait du bon travail, mais le gouvernement n'a pas su tirer parti du contenu du rapport, ni des témoignages des victimes et des études des universitaires qui travaillent sur la question. Cela nous montre que nous assistons à la plus grande expérimentation sociale de l'histoire de l'humanité, avec ces contenus sexuellement explicites en ligne et l’éducation à laquelle nos jeunes accèdent par ce moyen à propos de leur sexualité. J'espère que le gouvernement va poursuivre dans cette voie. Une initiative à laquelle je travaille est la vérification de l'âge, et j'espère que le gouvernement s'y intéresse également.
Il y a un autre aspect du débat d’aujourd’hui: même si les libéraux ont présenté un projet de loi, il s’agit essentiellement de la reprise d’un projet de loi d’initiative parlementaire émanant de ce côté-ci de la Chambre, mais je dois tout de même leur rendre hommage. C’est maintenant un projet de loi du gouvernement, et ils ont pu présenter un projet de loi contenant toute une série de choses qu’ils pouvaient faire pour régler la question des agressions sexuelles dans notre pays. La formation des juges est une question importante, mais qui se situe un peu en aval.
Dans la Bible, il est dit que la loi ne nous sauvera pas et c’est le cas ici également. Les meilleures lois du monde ne nous sauveront pas. La loi s’applique toujours après coup. Elle nous permet de traduire les auteurs des crimes en justice, mais avant cela, la loi ne nous sauve pas. Il est important de le reconnaître.
Nous devrions cultiver au sein de l’humanité comme chez nos compatriotes une culture où les agressions sexuelles sont impensables, où les personnes se tiennent mutuellement responsables, où il existe un sentiment général d’appartenance et où s’attaquer à une personne revient à s’attaquer à tous. Si on suivait ce principe, les relations seraient solides dans notre société et c’est ce qui pourrait empêcher ce genre de choses de se produire. J’espère que nous pouvons en revenir à ce principe, car il se situe plus en amont que ce qui est visé par le projet de loi. Cela dit, il est certain que j’appuierai le projet de loi.
Au cours des cinq dernières années, j’ai travaillé avec acharnement pour mettre fin à la traite des personnes et plus particulièrement, à la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle, un phénomène mondial. C’est un problème majeur et croissant dans notre pays. En général, les cas de traite à des fins d’exploitation sexuelle se produisent à moins de dix pâtés de maison de chez nous, alors gardons l’œil ouvert. Si nous voyons quelque chose, nous pouvons appeler une ligne d’assistance téléphonique nationale. Elle s’adresse surtout aux femmes et aux filles. Au Canada, on estime que la moitié des victimes de la traite des personnes et de la traite à des fins d’exploitation sexuelle sont autochtones. C’est une honte pour nous, et nous devons travailler très dur pour mettre fin à cet état de fait également.
Il s’est passé quelque chose d’intéressant, notamment avec le projet de loi à la législature précédente, en ce qui concerne les taux de condamnation et les condamnations dans des affaires de traite des personnes. Au cours de la législature précédant mon élection, un projet de loi présenté par le Bloc et le NPD adopté en 2013 prévoyait des peines consécutives pour ceux qui se livrent à la traite de personnes. Les libéraux n’ont rien fait pendant trois ans et, pour finir, ils ont adopté le texte dans le projet de loi C-75, mais ils ont supprimé la partie sur les peines consécutives pour la remplacer par des peines concurrentes.
Les tribunaux ont rendu des décisions aberrantes depuis, et j’en donnerai quelques exemples.
Imani Nakpangi est un trafiquant qui a vendu deux jeunes filles dans la région de Toronto. Il les a exploitées pendant près de deux ans. Il a fini par être la première personne au Canada condamnée en vertu de notre nouvelle législation sur la traite des personnes. Dans un cas, il a été condamné à trois ans de prison pour avoir exploité une jeune fille pendant plus de deux ans, mais il n’a été incarcéré que 13 mois. Ce monsieur a gagné 350 000 $ en vendant le corps d’une jeune fille et il a passé moins de temps derrière les barreaux qu’il n’en a passé à exploiter sa victime.
Il y a aussi le cas de Michael Mark. Il a été condamné à deux ans d’emprisonnement. Il a fait souffrir une jeune fille de 17 ans pendant plus de deux ans et n’a passé qu’une semaine en prison après sa condamnation.
Ce sont des exemples de cas choquants où la justice a, à mon avis, commis des erreurs. Nous devons chercher à corriger ce type d’erreur. Je félicite le gouvernement de ce projet de loi, mais il semble en contradiction avec d’autres choses qu’il a faites, notamment le projet de loi . Nous voyons les condamnations insignifiantes qui en découlent.
Nous voyons aussi, encore et encore, le Parlement chercher à amener l’appareil judiciaire à influer sur cet état de choses en créant des peines minimales, parce que nous ne pouvons pas laisser remettre en liberté ces types après une semaine de prison, alors qu’ils ont exploité une jeune fille pendant deux ans. Nous instaurons un minimum, par exemple une peine minimale de trois à dix ans, mais nous voyons les tribunaux en faire fi. Il y a donc, à certains égards, des problèmes dans l’appareil judiciaire. Les députés ont la faculté, la possibilité et le mandat d’ordonner, dans une certaine mesure, et c’est ce que nous faisons.
J’ai déjà parlé des peines consécutives par opposition aux peines concurrentes. Il a été difficile de faire bouger les choses. Le projet de loi de 2013 proposait également d’autres outils pour aider la police à faire condamner les trafiquants d’êtres humains, mais les libéraux n’ont jamais mis ces dispositions en vigueur. Ils ont laissé le texte traîner pendant trois ans avant d’en adopter la teneur dans le projet de loi , tout en supprimant les peines consécutives.
Il s’agit de crimes graves qui sont perpétrés dans ce pays, et nous devons veiller à ce que les juges fassent ce qui s’impose.
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Madame la Présidente, nous sommes réunis ici aujourd'hui pour débattre à nouveau la Loi sur les juges et le Code criminel.
Le texte du projet de loi modifie la Loi sur les juges afin de prévoir que seules les personnes qui sont engagées à suivre une formation continue portant sur les questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social puissent être nommées à la magistrature. Le texte modifie également la Loi sur les juges afin d'exiger du Conseil canadien de la magistrature qu'il fasse rapport des colloques portant sur les questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles. Le but de ces colloques est de s'assurer que ce thème est abordé dans le cadre de la formation continue des juges. Finalement, ce projet de loi modifie le Code criminel afin d'obliger les juges à motiver leurs décisions lors de procès pour agression sexuelle.
Ce projet aurait dû être adopté il y a déjà deux mois s'il n'y avait pas eu cette prorogation décrétée par le , prorogation totalement inutile étant donné l'absence de contenu du discours du Trône et de l'adresse à la nation du premier ministre. Tout cela nous a retardés dans nos travaux et aura évidemment bousculé notre échéancier et notre ordre du jour parlementaire. Ce sont deux mois de perdus, tout cela parce que le gouvernement voulait fuir la scène politique et parlementaire pour éviter de subir les foudres de l'opposition dans un autre scandale libéral. Quel cynisme, dira-t-on.
Nous avons été élus, nous, législateurs pour apporter des réponses et des changements auxquels les Québécois et les Québécoises s'attendent de nous et qu'ils souhaitent. Il faudrait plus de coopération et moins de partisanerie, moins de chicanes et plus de collaboration. C'est ce que tout le monde dit souhaiter, mais le quotidien démontre souvent autre chose malgré la bonne volonté de plusieurs.
Les procès pour agression sexuelle ont une résonnance particulière pour le commun des mortels. En effet, ils affectent profondément la réputation et la vie des personnes touchées — une évidence — en plus de victimiser à nouveau les personnes ayant survécu à une agression sexuelle. Malheureusement, ce type de procès donne parfois lieu à des interprétations problématiques du droit. C'est dans cet esprit que le projet de loi propose que les personnes souhaitant être nommées juges s'engagent à suivre une formation continue portant sur les questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social entourant ces dernières.
Dans à peu près tous ces dossiers, un juge doit évaluer la crédibilité des témoins, de la victime et de l'accusé. C'est à ce chapitre que l'évaluation du juge peut être influencée par des partis pris, lesquels sont le fruit, non pas de sa malveillance, mais de son vécu personnel, de ses perceptions et de sa culture.
Lorsqu'on parle de formation, cela m'interpelle particulièrement. À titre de directeur d'école pendant plus de 20 ans, cela a toujours été un sujet et un problème avec lequel j'ai eu à travailler et à négocier quasiment au quotidien. Nous avons eu à travailler fort pour quitter cette époque où l'on sortait avec un diplôme et le sujet était maîtrisé. Aujourd'hui, nous sommes ailleurs, évidemment, et un long chemin a été parcouru. Cette époque où la formation continue n'existait pas nous a coûté cher dans les dernières années. Maintenant, la fin de l'université signifie le début d'une formation continue, et ce, jusqu'à notre retraite et pour tous les champs de compétence imaginables.
Dans le contexte du réseau scolaire, on a beau avoir eu une formation solide, les jeunes changent et leur mode d'apprentissage se modifie. Les garçons doivent être stimulés différemment des filles, les contenus des programmes évoluent à la vitesse grand V, et les façons d'évaluer vivent aussi certains chambardements. Bref, il est impossible d'enseigner aujourd'hui comme on le faisait il y a 5, 10 ou 15 ans.
Nous devons nous adapter aux exigences de l'ère dans laquelle nous vivons, cela va de soi. Malgré cela, bon nombre de gens disent que les modifications concernant la formation sont souvent en retard sur les réels besoins de nos sociétés et je suis totalement d'accord avec cela.
La formation continue est la priorité absolue dans tous les secteurs d'activité. Un proverbe dit: « Adapte-toi ou meurs ». Dans le cas présent, avec l'actuel projet de loi, on pourrait dire: « Adapte-toi ou perds de la crédibilité ».
Les gens de nos circonscriptions, qui savent que nous étudions actuellement le projet de loi, nous disent que c'est la base et que c'est le gros bon sens. Que ce soit dans Rivière-des-Mille-Îles ou ailleurs, nous entendons la même chose. On nous demande d'avancer, d'arrêter de tergiverser et d'adopter rapidement le projet de loi.
Le fait que les juges reçoivent une formation continue adéquate en matière d'agression sexuelle leur permettra de fouiller différemment, de mieux poser les questions et de mieux comprendre la réalité de la personne qui témoigne. Il ne faut pas oublier que la victime doit témoigner devant son agresseur. Cela permettra aussi très certainement d'améliorer le rendu de leurs jugements. De plus, la loi permettra d'uniformiser les jugements, de donner plus de crédibilité à nos juges et, surtout, d'accroître la crédibilité de notre système de justice en ce qui a trait aux victimes d'agression sexuelle.
Je suis le père d'une grande, splendide et magnifique fille de 30 ans. Je l'ai protégée, cajolée et éduquée de mon mieux. Cependant, j'ai souvent eu l'impression de devoir me battre pour la protéger contre un monde légèrement macho, un monde d'hommes qui ont trop souvent tendance à dénigrer les femmes. Ces vieilles tendances demeurent dans nos sociétés. J'ai tenté de mettre ma fille à l'abri de l'influence mesquine de certaines perceptions uniquement masculines, de certains stéréotypes, de mythes et de préjugés. À tout le moins, je me réconforte en me disant que ma fille n'a pas eu à passer à travers le système judiciaire. Cela aurait été très pénible pour elle et pour moi.
Cette loi constitue un pas vers l'avant. C'est un début, une amorce. Il est plus que temps d'agir pour rétablir la confiance des femmes à l'égard du système de justice. Évidemment, il faut agir dans le respect des champs de compétence du Québec et des provinces. Le fait que les juges soient informés, collés sur l'évolution de notre société et plus compréhensifs relativement aux particularités des plaignantes ne peut que rejaillir positivement sur notre société québécoise.
Ce que nous voulons, c'est que la magistrature gagne en transparence et en responsabilité lorsque des décisions sont rendues dans un procès pour agression sexuelle. Nous voulons que ces décisions soient motivées et justifiées.
C'est la raison pour laquelle le Bloc québécois votera avec grand plaisir en faveur du projet de loi. Nous voterons en faveur des victimes, de toutes les victimes. D'ailleurs, j'encourage la Chambre à le faire rapidement. Il s'agit d'un signe de respect envers toutes les victimes d'agression sexuelle, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes.
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Madame la Présidente, c’est un honneur pour moi de prendre la parole au sujet du projet de loi . Même si c’est un projet de loi qui va avoir un impact limité par rapport au grave dysfonctionnement de l’appareil judiciaire en matière de violence et d’agression sexuelles au Canada, il a son importance. Les députés ici présents ont chacun, de par leur vie personnelle et professionnelle, des expériences et des expositions différentes aux violences et aux agressions. Je pense que c’est comme cela que nous devons contextualiser la question. Ce qui est important aussi, c’est que nous ayons un débat là-dessus.
En réfléchissant au projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui et aux enjeux plus vastes qui se posent à nous, j’ai essayé de me remémorer certaines choses qui me sont arrivées au cours de ma vie. J’ai décidé d'en donner quelques exemples, en commençant par parler des grands enjeux systémiques qui ne sont pas abordés dans le projet de loi et en traitant ensuite de l’enjeu précis dont il est question dans le projet de loi.
Pour commencer, je vais parler des interventions d’urgence des policiers. Je me souviens, quand j’étais encore jeune infirmière avec très peu d’expérience, que j’avais été affectée dans une petite communauté des Premières Nations. Un jour, il était à peu près sept heures du matin, alors que j’arrivais au petit dispensaire, j’ai vu, dans le terrain de base-ball situé de l’autre côté de la rue, une femme complètement nue, dont le corps était recouvert d’ecchymoses. Manifestement, elle avait été victime d’agressions sexuelles et d’agressions en général. Comme personne ne l’accompagnait, nous l’avons enveloppée dans une couverture. Elle était en état d’ébriété. Nous avons appelé les services d’urgence pour la transporter dans un lieu plus adéquat que notre dispensaire, et nous avons aussi appelé la GRC. Comme j’étais jeune à l’époque et que je n’avais pas d’expérience, je me souviens très bien qu’ils ont mis ça sur le compte de son ivresse, en disant « On devine bien ce qui s’est passé! ». Ils étaient très méprisants face à cette tragédie.
Dans une étude faite par Robyn Doolittle, en 2015, et intitulée « Unfounded », l’auteur dit que dans ces cas-là, la police juge les plaintes non fondées et, bien souvent, il n’y a pas d’enquête. L’exemple que je viens de donner illustre bien mes premières expériences. En 2015, les chiffres étaient incroyables: 25 000 incidents ont été rapportés à la police, mais il n’y a eu que 1 400 condamnations. Manifestement, il y a un problème avec le système d’intervention d’urgence.
L’autre expérience dont j’aimerais faire part à la Chambre concerne mon affectation, après ce petit dispensaire, à un établissement de soins plus important, qui disposait d’une salle d’urgence et d’un service d’intervention d’urgence. Nous étions encore en zone rurale. Comme c’était généralement le cas, il y avait une infirmière et un médecin sur place. En zone rurale, les infirmières doivent traiter tous les cas qui se présentent, qu’il s’agisse d’un accident de voiture impliquant trois personnes, d’un accouchement ou d’un viol.
Un soir, on nous a rappelés. Une femme s’était présentée, complètement bouleversée, qui avait été violemment agressée sexuellement. Il nous fallait faire un examen. À ceux qui ne savent pas en quoi ça consiste, je dirai que c’est extrêmement intrusif, car il faut faire des prélèvements et prendre des échantillons de la région pubienne. C’est très minutieux et très intrusif. C’était la première fois que j’utilisais le kit de prise en charge clinique des victimes de viol. Je n’avais reçu aucune formation pour cela. Nous avons dû lire les instructions. Nous nous sommes efforcés de faire preuve de compassion et de générosité, mais nous n’avions manifestement pas l’expérience nécessaire.
J’ai parlé des interventions au niveau de la police; maintenant je vais parler des interventions au niveau d’un établissement de soins de santé dans une collectivité rurale, et des compétences des infirmières et des médecins.
Maintenant, j’aimerais parler d’une expérience qui n’est pas une expérience professionnelle, mais une expérience avec le système judiciaire. C’est la seule fois dans toute ma vie où j’ai eu un contact étroit avec le système judiciaire. Auparavant, je n’avais jamais été dans une salle de tribunal. J’accompagnais deux jeunes filles qui avaient été agressées sexuellement, et mon rôle consistait à rester dans la salle de tribunal et à écouter.
Je me souviens du matin où le procès a commencé. Je fais appel à mes souvenirs, et voici ce qui m’en reste. Le procureur de la Couronne, qui paraissait complètement débordé, est allé demander aux deux jeunes filles si elles seraient capables de retrouver les témoins qui avaient comparu aux entrevues préliminaires, pour les faire comparaître. J’étais choquée de voir que le procureur ne s’était pas organisé pour faire comparaître les témoins censés corroborer les versions des deux jeunes femmes. Le témoignage de ces dernières a été convaincant et émouvant. Il ne faisait aucun doute, dans mon esprit, que c’étaient des témoignages authentiques et sincères. Quant à l’accusé, sa seule réponse était le déni complet.
Je me souviens du courage de ces deux filles qui avaient décidé de poursuivre l’affaire malgré tous les obstacles qui se dressaient sur leur chemin. Elles ont dû entendre l’auteur des infractions qu’elles avaient dénoncé nier qu’il les avait commises, et ensuite le procureur de la Couronne, manifestement incapable de présenter une argumentation, leur parler des ecchymoses qu’elles avaient subies. Cette affaire s’est soldée par un verdict de non-culpabilité. Le juge a déclaré que, même si le témoignage des deux jeunes filles était très convaincant, il ne pensait pas que c’était une preuve suffisante, et l’accusé a été jugé non coupable.
Voilà ce qui se passe. Il y a des dysfonctionnements partout dans le système. J’ai parlé des trousses de prélèvements en cas de viol. Nous en avons appris un peu plus au cours des années, mais on ne m’a jamais appelée pour être témoin de la Couronne en ce qui concerne l’état mental d’une victime ou les circonstances du viol. À part ces trousses, les notes que nous prenions n’étaient jamais demandées par le tribunal saisi de l’affaire. Il y a tellement de dysfonctionnements dans notre système encore aujourd’hui, beaucoup plus que ce dont il est question dans ce projet de loi. Il y a encore beaucoup à faire.
Comme bon nombre de personnes l’ont indiqué, ce projet de loi a toute une histoire. Au début, il y a eu la volonté d’agir de notre ancienne cheffe, Rona Ambrose, qui a présenté un projet de loi d’initiative parlementaire. Nous savons tous combien il est difficile que ce type de projets de loi franchisse l’étape de l’adoption. Il y a beaucoup de députés qui n’ont sans doute jamais eu l’occasion de présenter un projet de loi d’initiative parlementaire. Elle a réussi à le faire bien avancer, mais cela a pris quatre ans. Comme je l’ai dit, il y a très peu de projets de loi d’initiative parlementaire qui franchissent l’étape de l’adoption. Je sais qu’elle était absolument ravie, comme la plupart des députés ici présents, manifestement, lorsque le gouvernement a décidé de redéposer ce projet de loi.
Cela en dit aussi beaucoup sur l'importance du processus puisque des amendements proposés à ce projet de loi d'initiative parlementaire se sont finalement retrouvés dans la version dont nous débattons. Certains considèrent peut-être qu'il s'agit d'un simple projet de loi et qu'on peut contourner la procédure. Il y a deux semaines, nous avons dépensé 50 milliards de dollars sans que la mesure correspondante soit renvoyée à un comité. Toutefois, le Parlement a une raison d'être, même dans le cas du plus simple des projets de loi à l'égard duquel on pourrait croire qu'il suffit d'obtenir le consentement unanime pour franchir en accéléré toutes les étapes procédurales. Le Parlement est là pour examiner à fond et améliorer les mesures législatives. Il y a une procédure à suivre pour les mesures législatives, et bien sûr, je suis toujours profondément...
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Madame la Présidente, c'est un honneur pour moi de parler aujourd'hui de cette mesure cruciale: le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel.
Il est important que la population canadienne ait confiance dans le système de justice pénale. Par conséquent, il est essentiel que les tribunaux et les juges soient perçus comme étant équitables, objectifs et respectueux de toutes les parties: les accusés, les plaignants et l'ensemble des témoins.
L'actuel système canadien de justice pénale est le produit de siècles de tradition de common law et de développement du droit législatif, remontant au début de l'histoire de l'Angleterre. Il repose sur un système accusatoire, dans le cadre duquel les procureurs de la Couronne poursuivent rigoureusement un accusé, tandis que les avocats de la défense le défendent tout aussi rigoureusement.
L'accusé bénéficie toujours de la présomption d'innocence, et la Couronne doit prouver sa culpabilité au-delà de tout doute raisonnable. La Couronne doit se conformer à des normes de preuve très élevées. Selon les règles acceptées de la justice naturelle, l'accusé a le droit de faire face à la personne qui l'accuse devant le tribunal et de soumettre tous les éléments de preuve présentés par cette dernière à un contre-interrogatoire rigoureux, ce qui consiste souvent à mettre en doute l'intégrité de cette personne et à attaquer sa crédibilité.
Si, après ce contre-interrogatoire, le juge des faits, que ce soit un juge ou un jury, détermine que la preuve présentée par la victime n'apporte pas une certitude hors de tout doute raisonnable, la présomption d'innocence demeure, et l'accusé est libre. La Couronne doit respecter cette norme très élevée et, parfois, malgré tout le travail de la poursuite, des personnes coupables s'en tirent, et la réputation de la victime est ruinée.
C'est un risque inhérent au système de justice pénale. La société estime, à tort ou à raison, que ce risque est préférable à la situation contraire, à savoir que des personnes innocentes puissent être condamnées pour des crimes qu'elles n'ont pas commis. Trop souvent, il en découle que les victimes d'agression sexuelle deviennent des victimes une deuxième fois dans le cadre du processus, ce qui, à mon avis, est inacceptable.
C'est dans ce contexte que je veux aborder le sujet du jour, le projet de loi . S'il est adopté, ce projet de loi obligerait tous les juges de nomination fédérale travaillant dans notre système de justice pénale à suivre une formation juridique continue sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social. Je suis d'accord sur cette mesure. Je pense d'ailleurs que nous le sommes tous après avoir entendu les allocutions précédentes. Il est important que la population canadienne ait la certitude que les tribunaux et les juges du pays sont justes et impartiaux, et qu'ils respectent toutes les parties, y compris les survivants d'une agression sexuelle.
Pour que le système de justice pénale puisse remplir sa fonction, c'est-à-dire condamner les agresseurs sexuels et assurer la sécurité dans nos rues, nos villes, nos lieux de travail et même nos résidences, il faut encourager les victimes à se manifester, mais elles ne le feront pas si elles perçoivent les tribunaux comme injustes, irrespectueux et préjudiciables à leur dignité et à leur réputation. Dans l'état actuel des choses, la vaste majorité des cas d'agression sexuelle ne sont pas signalés parce que les femmes et les filles ne croient pas qu'elles seront traitées équitablement. Cela est inacceptable et contraire à la justice.
Dans le préambule du projet de loi , on peut lire:
[...] les procès pour agression sexuelle ont un effet profond sur la réputation et la vie des personnes touchées et [ils] risquent fortement de revictimiser les personnes ayant survécu à une agression sexuelle [...]
Malheureusement, c'est vrai. Que peut faire le Parlement? Le projet de loi est un pas dans la bonne direction, car il rétablit un équilibre entre le droit de la partie défenderesse à un procès juste et celui de la partie plaignante au respect et à la dignité.
En tant que conservateur, je suis fier de dire que le projet de loi a été présenté par notre parti, à l'initiative de notre ancienne chef, Mme Rona Ambrose. Je remercie Rona Ambrose de son important travail dans ce dossier. Mme Ambrose a dit:
[...] comme moi, de nombreux Canadiens seront surpris d'apprendre qu'un avocat n'a pas besoin d'expérience dans les causes extrêmement sensibles d'agression sexuelle pour devenir juge et instruire ces procès on ne peut plus difficiles.
En tant qu'avocat, je suis obligé de suivre une formation professionnelle continue chaque année afin de conserver ma licence de droit. Je pense que la même règle devrait s'appliquer aux juges, peut-être même davantage. Les juges exercent une immense influence non seulement sur la vie des personnes qui comparaissent devant eux, mais aussi sur la société dans son ensemble. Comme les juges disposent d'une grande influence sur notre société, je suis d'avis qu'ils doivent prendre conscience des contextes sociétaux dans lesquels ils travaillent et dans lesquels se trouvent les personnes qui comparaissent à la cour.
Dans le milieu universitaire, on entend parfois dire qu'en légiférant pour obliger les juges à suivre une telle formation et à motiver leurs décisions par écrit, le Parlement porterait atteinte à l'indépendance de la magistrature, une indépendance fondamentale pour notre système judiciaire. Il a également été dit qu'une telle formation, centrée sur les besoins des victimes, porterait atteinte au droit de l'accusé à un procès équitable, et que ces règles inciteraient les juges, lors des procès pour agression sexuelle, à appliquer une norme différente de celle qu'ils appliqueraient dans d'autres types de procédures pénales et qu'ainsi, cela risquerait d'entraîner davantage de condamnations injustifiées. Je ne suis pas d'accord.
Ce projet de loi, qui prévoit un perfectionnement professionnel continu de la part des juges, ne va pas leur retirer leur pouvoir discrétionnaire et il ne portera pas atteinte non plus au droit à la présomption d'innocence de l'accusé. Le projet de loi vise simplement à ce que les juges aient une meilleure compréhension du contexte sociétal dans lequel ils travaillent. Plus important encore, ce projet de loi contribuera grandement à ce que les victimes qui ont le courage de se soumettre à l'environnement intimidant et austère d'une salle d'audience soient traitées de manière équitable, avec respect et dignité.
Je suis convaincu que notre système judiciaire, en collaboration avec des groupes d'intervenants, pourrait élaborer un programme de formation continue efficace pour les juges. Je pense également que les juges vont accueillir favorablement cette nouvelle formation. Nous devons faire du Canada un pays plus sécuritaire, un pays où les femmes peuvent jouir des mêmes libertés que les hommes. Il s'agit d'une question de sécurité, mais aussi d'égalité.
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Madame la Présidente, j'aimerais profiter de l'occasion qui m'est offerte de prendre la parole à la Chambre pour remercier et féliciter les gens qui, au Québec et partout au Canada, sont aux avant-postes de la pandémie actuelle, dans les hôpitaux et les CHSLD. Je pense ici aux travailleurs de la santé, aux infirmières, aux médecins et aux préposés aux bénéficiaires. On vit en ce moment une deuxième vague cruelle et très complexe et ces gens n'ont pas eu de répit depuis la première vague cet été, alors qu'ils n'ont même pas pu prendre de vacances. Ce n'est pas évident. J'aimerais les saluer et leur rendre hommage pour tout le travail essentiel qu'ils accomplissent.
Je suis très honoré de prendre la parole sur ce projet de loi. Je le fais d'ailleurs en toute humilité en espérant apporter ma modeste contribution, ma petite pierre à ce grand édifice qui consiste à faire de cette société un endroit où la justice est la même pour tous.
Je le fais en pensant à toutes ces femmes que j'ai côtoyées dans ma vie qui ont eu à vivre le traumatisme d'une agression, sexuelle ou autre. Je pense à toutes ces femmes qui hésitent encore aujourd'hui à porter plainte parce que tout le processus est trop long, trop lourd, trop accablant. Je pense à ces femmes qui se disent qu'elles vont avoir à revivre encore et encore les mêmes moments pénibles, les mêmes traumatismes, à raconter encore et encore, à trouver les mots, ces mots qui souvent peuvent faire aussi mal que les gestes eux-mêmes. Je pense à ces femmes qui savent ou qui pensent qu'au bout du compte, aucune justice ne leur sera rendue.
Je le fais aussi évidemment en pensant à ma fille de 17 ans et à mon fils de 12 ans. C'est important pour moi aussi en tant qu'homme. Je pense que c'est un débat assez délicat. Il y a de belles questions, des angles qui ont été abordés dans les derniers jours à ce sujet. Si mon sexe fait assurément partie du problème en tant qu'homme, j'espère qu'en tant que parlementaire, je peux faire partie de la solution.
Il y a des statistiques effarantes par rapport aux agressions sexuelles. Seulement 5 % des femmes qui vivent une agression portent plainte, ce qui est effarant. Selon le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel — écoutons bien cela — seulement trois plaintes pour agression sexuelle sur 1 000 se soldent par une condamnation. De toute évidence, la vaste majorité des victimes ne porteront donc jamais plainte et les rares victimes qui le feront n'obtiendront jamais justice. Le système de justice fait peur.
Hier et aujourd'hui mes collègues ont soulevé plusieurs exemples de juges qui, par leurs propos, ont démontré leur méconnaissance des préoccupations liées aux agressions sexuelles et, par le fait même, ont desservi la justice. Le projet de loi vient répondre à cela. Je pense que ce n'est ni une panacée ni la réponse définitive, mais c'est un grand pas dans la bonne direction. Nous, au Bloc québécois, sommes en faveur de ce projet de loi qui, dans l'ensemble, semble faire l'unanimité. Adoptons-le donc rapidement, ne le faisons pas traîner. Il va dans la bonne direction, mais il faut aller encore plus loin.
J'aimerais profiter de cette tribune pour qu'on réfléchisse ensemble aux changements sociaux et culturels qui sont nécessaires en ce qui concerne la notion de consentement sexuel. Ces changements — on le voit — s'opèrent tranquillement dans la société. On l'a vu dans les dernières années, mais je pense qu'il faut aller plus loin encore.
Parlons de la culture du viol. Selon la définition de l'Organisation des Nations unies — pour s'assurer qu'on se comprend bien —, la culture du viol fait référence à l'environnement social qui permet de normaliser et de justifier la violence sexuelle alimentée par les inégalités persistantes entre les sexes et les attitudes à leur égard. La nommer est le premier pas à franchir pour la démanteler.
La culture du viol existe au Québec et au Canada. Bien entendu, on est d'accord pour dire que personne ne va volontairement et publiquement soutenir les agressions sexuelles. Cependant, en entretenant les mythes sur les agressions sexuelles, certains individus vont souvent — et cela se fait inconsciemment — contribuer à banaliser les agressions sexuelles et à invalider l'expérience des victimes. La culture du viol et, plus largement, la banalisation des agressions sexuelles sont profondément ancrées dans notre société.
Combien d'hommes ont appris, par l'entremise de films, que d'embrasser quelqu'un par surprise était romantique? Pourtant, dans bien des cas, cela peut constituer une agression sexuelle. Cela est imprimé dans notre cerveau. Ce sont des comportements difficiles à changer. Pensons au nombre de films dans lesquels le prétendant poursuit sans relâche la femme de ses rêves, qui refuse de sortir avec lui, jusqu'à ce qu'elle cède. Cela est présenté comme romantique et attendrissant.
Je pense notamment à un film que tout le monde connaît sûrement et qui a rapporté 100 millions de dollars au box-office: Les pages de notre amour. C'est un film de 2004, avec Ryan Gosling. Dans ce film, le gars force sa future épouse à accepter un rendez-vous galant avec lui, après l'avoir harcelée dans une fête foraine et avoir menacé de se suicider si elle ne cédait pas à son chantage. C'est quand même quelque chose. Ça paraît cute et beau: la fille voit le gars accroché à un manège, alors que ce dernier menace de se jeter en bas. Il lui dit que si elle n'accepte pas de sortir avec lui, il va se tuer. La fille ne voulait rien savoir du gars — elle avait même un autre copain à côté d'elle —, mais elle a fini par céder. Ce film, que tout le monde a aimé, a rapporté des millions de dollars au box-office. Les hommes et les femmes ont vu cela comme étant romantique.
La culture du viol est soutenue par des mythes collectifs. Elle est également soutenue par des actions individuelles qui renforcent les préjugés et les stéréotypes. Les commentaires et les questions, sans que ce soit voulu, invalident la victime. Ceux-ci peuvent provenir des proches, et même des membres de la famille.
Pensons aux victimes d'agression sexuelle lorsqu'elles se confient aux policiers ou à d'autres. Elles se font demander pourquoi elles ne sont pas parties, pourquoi elles n'ont pas repoussé leur agresseur, pourquoi elles avaient bu ce soir-là et comment elles étaient vêtues. Il arrive aussi que l'on mette en doute le récit de la victime sous prétexte que celle-ci a de nombreux partenaires, car cela démontre une ouverture sexuelle, laquelle est un peu mal vue. Toutes ces questions et tous ces commentaires font mal.
Il faut comprendre la culture du viol, mais il faut aussi la détruire. Plusieurs changements collectifs et individuels sont nécessaires. Il faut aussi dénoncer la culture macho, où un homme qui se fait dire non est humilié et jugé parce qu'il n'a pas réussi à obtenir ce qu'il espérait. Il faut développer une masculinité positive et saine. Il faut accepter qu'un homme puisse se faire dire non; il n'en est pas moins un homme et il n'a rien perdu de sa masculinité. On doit toujours respecter ce non, toujours. Se faire dire non ne veut pas dire qu'on doit le demander 50 fois de plus dans l'espoir de se faire dire oui. Accepter de se faire dire non, ce n'est pas être moins masculin.
Évidemment, il faut aller plus loin que de dire qu'un non veut dire non. Le changement est en train de s'opérer. Au Québec, par exemple, il y a une campagne très intéressante qui s'intitule « Sans oui, c'est non! ». Cette campagne a contribué à sensibiliser un grand nombre de personnes dans les milieux universitaires. Je salue d'ailleurs leur contribution et leur travail.
De plus en plus de gens comprennent que le fait d'avoir des contacts sexuels avec une personne qui n'a pas dit non parce qu'elle en était incapable constitue aussi une agression sexuelle. J'ai une pensée particulière pour l'animatrice Julie Snyder. La semaine passée, sur le plateau de son émission, elle a répondu à Gilbert Rozon, qui alléguait qu'il n'avait jamais couché avec quelqu'un qui avait dit non. Julie Snyder lui a répondu qu'on ne peut pas dire non quand on dort, qu'on ne peut pas dire non quand on ne nous l'a pas demandé. Cela aussi contribue à la culture du viol.
De plus en plus de gens comprennent aussi qu'un oui timide, gêné ou apeuré n'est peut-être pas un vrai oui et qu'il faut s'assurer d'obtenir un consentement réel et enthousiaste. Dans le doute, on arrête et on vérifie. Il est très important que les gens comprennent cela. Il faut donc détruire la culture du viol. Cela veut aussi dire de se remettre en question en tant qu'homme, en tant qu'individu.
Il ne me reste pas beaucoup de temps de parole, mais je pense que mes collègues ont compris où je voulais aller avec cela.
Il s'agit d'un projet de loi très intéressant et très important. C'est un pas dans la bonne direction. Évidemment, le système de justice peut contribuer, mais, en tant que société, en tant qu'homme, nous pouvons tous aller un peu plus loin et commencer à réfléchir à ces questions. Comme quelqu'un l'a mentionné plus tôt, de façon très juste, on parle en ce moment de donner une formation aux juges qui sont déjà en poste, mais il faudrait s'assurer que les personnes qui vont siéger à la magistrature ont suivi la formation avant. Si on s'assurait qu'ils ont cette ouverture d'esprit avant, cela permettrait de faire avancer la société.
Si on s'assurait que les personnes qui vont siéger à la magistrature aient cette formation avant et cette ouverture d'esprit, on avancerait comme société.
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Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi , dont la première version, le projet de loi , a été présentée à la Chambre en février 2017 par l'ancienne chef de notre parti et de l'opposition officielle, Rona Ambrose. Je tiens à remercier Mme Ambrose de la passion avec laquelle elle a défendu cette cause importante.
Je suis également heureux que le projet de loi qu'a repris le gouvernement libéral plus tôt cette année ait été présenté de nouveau; cette fois, c'est le projet de loi . En 2017, la Chambre des communes avait appuyé cette mesure législative à l'unanimité, et le comité l'avait adoptée rapidement. Je suppose qu'il n'est pas étonnant que, après avoir mis deux ans à franchir les étapes du processus législatif, malgré qu'il était appuyé par tous les partis, le projet de loi soit mort au Feuilleton du Sénat en juin 2019. Contrairement à la quinzaine d'autres projets de loi qui avaient alors franchi toutes les étapes, ce projet de loi s'est vu refuser la sanction royale par le gouvernement libéral majoritaire. Pourquoi, se demande-t-on? Certains diront peut-être que c'était l'un de ces stratagèmes libéraux que tant de Canadiens méprisent et désapprouvent; le gouvernement voulait renommer le projet de loi et se l'approprier.
Cette mesure législative est importante, car elle constitue un pas en avant pour améliorer notre système de justice pénale, chose que le gouvernement libéral n'avait pour ainsi dire pas faite ces cinq dernières années. Cette mesure législative vise à maintenir la confiance dans le système de justice et à faire en sorte que ce système fasse preuve de respect envers les survivants d'agressions sexuelles lorsqu'ils portent plainte. Selon ce projet de loi, pour être nommée juge à une cour supérieure, une personne devra dorénavant s'engager à suivre une formation continue portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social, en participant notamment à des colloques.
Ainsi, les juges d'une cour supérieure auraient les connaissances et les compétences nécessaires pour traiter les affaires d'agression sexuelle et veiller à ce que les survivants soient traités avec dignité et respect. Le projet de loi prévoit aussi une formation visant à ne pas alimenter les mythes et les stéréotypes qui ont souvent comme conséquence que les femmes hésitent à porter plainte. Personnellement, j'aurais préféré que ces nouvelles exigences ne s'appliquent pas uniquement aux nouvelles nominations aux cours supérieures, mais que l'ensemble des juges actuellement en poste au pays, peu importe à quel échelon du système judiciaire, qui ont à traiter des affaires d'agression sexuelle aient à suivre la même formation continue.
Ce projet de loi prévoit également que les juges motivent leurs décisions dans les affaires d'agression sexuelle, ce qui est une bonne chose, car cela fournira davantage d'information aux victimes et améliorera la transparence du système de justice aux yeux de la population.
En tant qu'ancien policier ayant témoigné dans toutes sortes d'affaires criminelles, y compris de nombreux cas d'agression sexuelle, j'ai le plus grand respect pour les juges, qui doivent relever d'immenses défis et sur lesquels pèse un fardeau considérable. Chaque jour, ils sont chargés d'appliquer correctement la loi en vue de déterminer la culpabilité ou l'innocence d'un accusé lorsqu'ils statuent sur des affaires criminelles. Bien que les Canadiens bénéficient du meilleur système de justice au monde, il n'est pas sans lacunes. Après tout, les juges sont des êtres humains comme nous tous et ils ont la lourde responsabilité d'appliquer des lois écrites par d'autres, à savoir les parlementaires de la Chambre. Nous savons que ces lois peuvent aussi parfois être imparfaites.
Nous accordons beaucoup d'autorité et de confiance aux juges. Par conséquent, pour faire en sorte que les personnes qui acceptent ce poste difficile soient bien équipées, nous devons veiller à ce qu'elles aient la formation et les connaissances nécessaires pour s'acquitter de ces responsabilités au mieux de leurs capacités et conformément aux attentes du public canadien. Cette formation permettrait d'éliminer les idées fausses, les mythes et les stéréotypes qui empêchent souvent les victimes d'agressions sexuelles, qui sont presque toujours des femmes, de se manifester et d'intenter des poursuites contre leurs agresseurs. Il ne s'agit pas d'un problème mineur. Le nombre d'agressions sexuelles commises au Canada qui ne sont jamais signalées est renversant.
Selon Statistique Canada, seulement 5 % des femmes victimes d'une agression sexuelle le signalent à la police. Si les femmes se taisent, je soupçonne que c'est notamment parce qu'elles manquent de confiance dans le système de justice. Trop peu de ces agressions sont signalées, et, parmi les 5 % qui le sont, seulement 21 % donnent lieu à une poursuite. De nombreux facteurs expliquent cette situation, notamment les preuves disponibles, la façon d'intenter les poursuites, les témoins entendus, les preuves corroborantes, l'attitude des personnes associées au système judiciaire, la façon dont les juges abordent l'affaire, et j'en passe.
Parmi les 21 % d'agressions sexuelles qui donnent lieu à une poursuite, qui ne représentent qu'une partie des 5 % de femmes qui signalent leur agression, seulement 12 % aboutissent à une condamnation. Ainsi, il ne s'agit que de 12 % de 21 % de 5 %. Autrement dit, on a au Canada plus de 98 % de chances de ne pas être reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement une autre personne. C'est inacceptable. Enfin, parmi toutes les personnes reconnues coupables d'agression sexuelle, seulement 7 % se voient imposer une peine de prison. Or, il s'agit de crimes terribles qui laissent des séquelles permanentes. Il est beaucoup trop rare qu'une personne se fasse accuser d'agression sexuelle, encore moins qu'elle soit reconnue coupable. La plupart des victimes d'une agression sexuelle violente préfèrent habituellement éviter de revivre sans cesse leur expérience devant les tribunaux, car elles doivent revivre leur traumatisme plusieurs fois.
Comme je l'ai déjà dit, j'ai mené de nombreuses enquêtes sur des affaires d'agression sexuelle. Le système de justice canadien ne fait qu'exacerber les expériences bouleversantes des victimes, qui ont l'impression de ne pas être crues. Plusieurs facteurs découragent les victimes de porter plainte: le caractère intrusif du processus de collecte des preuves, la nécessité de raconter sans cesse leurs expériences, le soutien parfois limité qui leur est offert et le peu de condamnations. Lorsque les agresseurs sont reconnus coupables, beaucoup de victimes pensent que la peine n'est pas proportionnelle à ce qu'elles ont vécu.
Ce projet de loi est un exemple des mesures que les gouvernements devraient prendre, à savoir chercher à améliorer le système de justice, à soutenir les victimes en leur offrant de meilleurs services et à garantir que les agresseurs sont tenus responsables et emprisonnés. Ces dernières années, le soutien aux victimes fait cruellement défaut. On a donné beaucoup de soutien aux criminels, notamment en réduisant les peines pour certains crimes graves et violents, mais très peu aux victimes.
Dans le mémoire sur le projet de loi qu'elle a présenté au Parlement, l'Association canadienne des chefs de police a indiqué que dans le cas de certains criminels se voyant imposer des peines réduites, certaines informations saisies dans le système du Centre d'information de la police canadienne, notamment l'ADN, étaient supprimées. Lorsque la condamnation est considérée comme une infraction secondaire, des informations essentielles sont supprimées, ce qui limite alors la capacité de la police de repérer et d'appréhender le criminel s'il commet d'autres crimes. Comme l'a dit le représentant de l'Association canadienne des chefs de police, cela aurait « un impact direct et négatif sur les enquêtes policières » — j'ajouterais « et sur la sécurité publique ».
Les Canadiens ne devraient pas vivre dans la peur. Les jeunes femmes ne devraient pas vivre dans la peur. Les victimes et leur famille ne devraient pas vivre dans la peur. Ils devraient avoir confiance dans le système de justice. Les victimes et leurs droits devraient toujours passer avant les droits des criminels. Les conservateurs canadiens reconnaissent que, bien trop souvent, le système de justice ne respecte pas les expériences des victimes d'agressions sexuelles.
Il est temps que nous mettions fin aux commentaires et aux attitudes comme ceux du , qui a déclaré que la femme avait une version des faits différente de la sienne. Ce genre d'excuses normalise les agressions et le harcèlement sexuels. Il est de notre devoir à tous de dénoncer ce genre de comportement. La Chambre a la responsabilité de prendre des mesures afin d'y mettre fin.
J'espère que le projet de loi sera le premier pas pour améliorer le traitement des victimes, accroître le taux de condamnations des délinquants sexuels, améliorer la sécurité publique et renforcer la confiance des Canadiens dans le système de justice.
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Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir prendre la parole à la Chambre à propos du projet de loi . Il va sans dire qu'il s'agit d'un dossier important que j'ai appuyé volontiers pendant la 42
e législature. Cependant, j'ai bien peur qu'il ne s'agisse que d'une goutte d'eau dans l'océan et que cela ne suffise pas à mettre fin à la violence sexuelle envers les femmes.
Tout comme les projets de loi et qui l'ont précédé, j'espère que le projet de loi sera adopté à l'unanimité, puisqu'il est l'un des rares à être le fruit d'un travail bipartite.
Je remercie le de parrainer ce nouveau projet de loi, né du projet de loi d'initiative parlementaire de l'honorable Rona Ambrose, ex-députée de Sturgeon River—Parkland et ex-chef du Parti conservateur du Canada et de la loyale opposition de Sa Majesté.
La mesure législative proposée vise à maintenir la confiance à l'égard du système judiciaire et à veiller à ce que les survivants d'agressions sexuelles se sentent respectés lorsqu'ils y font appel. Une fois adopté, le projet de loi exigera que les juges fédéraux et ceux qui cherchent à le devenir suivent une formation juridique continue en matière de droit relatif aux agressions sexuelles. Il a également pour but de briser les mythes et les stéréotypes qui expliquent pourquoi les victimes hésitent souvent à porter plainte.
Dans les affaires d'agression sexuelle, les juges fédéraux seront également tenus de motiver par écrit leurs décisions, pour favoriser la transparence en ce qui concerne les raisons qui les ont influencés. Le projet de loi exigerait que le Conseil canadien de la magistrature présente au Parlement un rapport annuel, pour rendre compte de l'organisation des colloques d'information qu'il conçoit sur le droit relatif aux agressions sexuelles, ainsi que de la participation à ces colloques.
À mon avis, pour vraiment assurer l'efficacité des tribunaux, les juges des cours provinciales doivent être tenus de suivre cette formation. J'invite les provinces à examiner attentivement le travail fait par les comités parlementaires, à prendre connaissance des discussions tenues à la Chambre sur cette question et à envisager sérieusement l'idée d'adopter une mesure législative complémentaire dans leurs territoires respectifs.
Par ailleurs, c'est une honte que, dans cette enceinte aujourd'hui, nous soyons en train d'adopter une mesure législative sur la sensibilisation aux agressions sexuelles à l'intention de gens qui forment sans doute le groupe professionnel le plus instruit au Canada. Nous devrions plutôt concentrer nos efforts sur l'éducation de la prochaine génération d'hommes et de femmes pour qu'ils luttent pour l'élimination de la violence sexuelle et qu'ils ne perpétuent pas les mythes et les stéréotypes qui font en sorte que certains considèrent ce genre de comportement acceptable.
Hier, la députée de a prononcé un des discours les plus passionnés et les plus importants que j'ai entendu au Parlement. Notre collègue a pris la parole pour mettre les hommes au défi de défendre les hommes et les femmes victimes de violence sexuelle. Bien trop souvent, les femmes sont contraintes de se débrouiller seules pour faire passer le message qu'assez, c'est assez.
Les statistiques montrent que les femmes représentent la majorité écrasante des victimes d'agression sexuelle. Pour ajouter au traumatisme subi, ces femmes ne peuvent compter que sur leurs propres forces pour signaler ces crimes haineux. Traditionnellement, nous, les hommes, n'avons pas tenu compte de ce que les femmes avaient à dire sur ces questions. Nous leur avons laissé le fardeau de réclamer des changements. Il est temps que les hommes prennent conscience de leur rôle dans la prévention de toutes les formes de violence sexuelle. Je veux être bien clair: il ne suffit pas pour les hommes de dire que jamais ils ne feraient une telle chose et donc qu'ils peuvent avoir la conscience en paix.
Nous devons faire plus. Nous devons tous faire bien plus que cela. Nous devons épauler les survivants extrêmement courageux qui prennent position pour mettre fin à la violence sexuelle, contre les hommes comme contre les femmes. Des hommes sont aussi victimes d'agression sexuelle; il faut donc y mettre fin pour toutes les victimes. Les hommes doivent s'attaquer aux mythes et aux stéréotypes sur le comportement des survivants d'agression sexuelle.
Comme je suis père d'un jeune garçon, j'ai la responsabilité de le guider vers l'homme qu'il deviendra. J'ai bien des choses à lui enseigner, et nous avons beaucoup à apprendre l'un de l'autre. Pour qu'il devienne un membre productif de la société, je me dois de lui servir d'exemple, de lui transmettre divers messages et de l'encourager à devenir meilleur.
L'une des choses les plus fondamentales que je dois lui faire comprendre, c'est de respecter les autres. Il doit comprendre qu'aucun homme ne devrait se sentir libre de faire subir à d'autres personnes du harcèlement sexuel ou des violences sexuelles, et que chacun est maître de son propre corps. Il devra savoir comment donner et recevoir un consentement. Il doit comprendre que les hommes ne doivent jamais se servir de la violence pour se donner du pouvoir et qu'il est faux de penser que les hommes ont tous les droits en matière de sexe. Les violences sexuelles prendront fin quand nous comprendrons tous une vérité fondamentale: personne n'a le droit de harceler sexuellement une autre personne ni d'envahir son corps ou ses limites personnelles.
Comme beaucoup de députés l'ont mentionné hier et aujourd'hui pendant les débats, on recommande aux femmes et aux jeunes filles diverses stratégies pour prévenir le viol. On leur dit, par exemple, de ne pas laisser leur verre sans surveillance, d'éviter les talons hauts et les vêtements provocants, et de ne pas marcher seule le soir.
En tant que société, nous ne pouvons pas nous contenter de dire aux femmes comment éviter de devenir victimes d'un viol. Nous devons nous concentrer sur les attitudes des garçons envers les femmes et sur leur vision de la masculinité. Les hommes de la prochaine génération devront promouvoir un respect mutuel entre hommes et femmes et favoriser l'égalité de toutes les personnes, peu importe leur genre et leur orientation sexuelle. L'élimination des violences sexuelles exige des efforts collectifs constants, et tous les hommes doivent faire leur part.
Même si le projet de loi C-5 n'est qu'un élément de la solution, j'espère sincèrement qu'il permettra d'abolir cette attitude qui consiste à blâmer les victimes, et non les agresseurs, pour les agressions qu'elles subissent, et à faire en sorte que des détails comme le niveau de sobriété des victimes, ou les vêtements qu'elles portaient, ou leur orientation sexuelle n'aient plus leur place dans les salles de tribunal. Si nous voulons mettre fin à la violence sexuelle, nous devons tenir les agresseurs responsables. En saisissant les tribunaux des cas de violence sexuelle, nous faisons bien comprendre à la population que ces actes sont des crimes et que nous n'avons aucune tolérance pour de tels délits.
Les membres du Parti conservateur du Canada ont fièrement appuyé le projet de loi et le projet de loi au cours de législatures précédentes. Nous savons que le système judiciaire manque sans cesse de respect envers l'expérience des victimes d'agression sexuelle.
La magistrature canadienne doit maintenant agir en conséquence et veiller à ce que les juges obtiennent une formation qui tient compte du contexte actuel et qui répond aux attentes des Canadiens. C'est pourquoi nous nous sommes engagés, lors des dernières élections, à ce que toutes les personnes nommées à la magistrature suivent une formation portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles avant d'entrer en fonction. Nous sommes sans cesse à la recherche de moyens de défendre les survivants d'agression sexuelle et de veiller à ce qu'ils soient traités avec dignité.
J'aimerais remercier Rona Ambrose de défendre avec passion la cause des victimes d'agression sexuelle et du travail qu'elle a accompli dans cet important dossier. Le projet de loi précise tout simplement que les victimes qui se retrouvent devant les tribunaux devraient s'attendre à ce que les juges maîtrisent la loi, mais il ne stipule pas que c'est absolument nécessaire que tout le monde, chacun d'entre nous, s'acquitte de sa responsabilité de s'éduquer sur ce que c'est que d'être un humain et de protéger et respecter la dignité des autres.
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Madame la Présidente, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi .
Ce projet de loi a été initialement présenté en 2017 par Rona Ambrose, sous le titre de projet de loi . Rona Ambrose était alors chef du Parti conservateur et, même si elle a quitté entretemps la Chambre des communes, elle a continué d’œuvrer inlassablement pour faire adopter ce texte. Nous devons tous lui en être reconnaissants, car c’est un projet de loi très important.
C’est la troisième fois que nous en sommes saisis, et c’est une honte. Si nous en sommes saisis à nouveau, c’est parce que le gouvernement, qui l’avait renvoyé au comité de la justice pendant la dernière législature, a décidé de mettre fin à cette législature sans aucune raison légitime. Quand on met fin à une législature, on ne fait pas le tri entre le bon grain et l’ivraie, on jette tout. On avait commencé à travailler sur toutes sortes de bonnes choses, dont ce projet de loi, et le gouvernement a décidé d’y mettre fin. Maintenant, on repart à zéro, et c’est fort regrettable étant donné l’importance de ce projet de loi.
Comme je l'ai dit, j’ai siégé au comité de la justice à la dernière session. Je n’y siège plus; toutefois, nous avons entendu les nombreuses bonnes raisons motivant le projet de loi qui nous est présenté, raisons qui nous ont été expliquées par les nombreuses parties intéressées ayant comparu devant le comité. Je me propose d’énumérer quelques-unes des merveilleuses organisations qui nous ont soumis des preuves convaincantes justifiant que nous devions aller de l’avant avec le projet de loi. Nous avons entendu l'Association des avocats noirs du Canada, le Centre canadien de la diversité des genres et de la sexualité, le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada, le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, le Centre canadien de protection de l'enfance, le Colchester Sexual Assault Centre, le Centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle Kawartha et le Conseil canadien de la magistrature.
Ces groupes étaient quasi unanimes. Je ne suis pas du genre à me rallier à la pensée unique, pas plus que les autres députés. Nous devons faire notre propre analyse des éléments qui nous sont présentés. Toujours est-il qu’il n’y a eu qu'une seule voix dissidente au sein de ce groupe d’intervenants dont l’objectif était de nous faire comprendre à quel point la loi est importante pour répondre aux besoins des femmes ayant témoigné dans des affaires d’agressions sexuelles devant nos tribunaux. Cette seule voix dissidente était celle du Conseil canadien de la magistrature, qui représente les avocats. Le Conseil a déclaré qu’il estimait que le gouvernement ne devait pas se mêler de ses affaires parce qu’il avait sa propre procédure et qu’il était assez intelligent pour s’occuper lui-même de son linge sale. Toutefois, je peux dire aux députés que non, ce n’est pas vrai.
En réalité, c’est le seul moyen dont nous disposons actuellement pour avoir une certaine influence sur le mode de nomination des juges, sur ce qui compte dans leur travail et sur la manière dont ils le font. Nous savons qu'une fois devenus juges, ils ne sont plus soumis à l'influence du Parlement. Un pouvoir judiciaire indépendant est un corps distinct dans notre démocratie, et nous voulons et nous devons le préserver. Un pouvoir judiciaire distinct signifie qu’il nous faut un bon appareil judiciaire. Continuer à nommer des juges dans le cadre d’une certaine procédure, maintenant que nous avons entendu la preuve que constituent toutes ces statistiques sur ce qui se passe dans les affaires d'agression sexuelle portées devant les tribunaux, cela n’est plus possible. Imposer un véritable système de formation aux personnes que nous nommons à la magistrature est le principal instrument dont nous pouvons nous servir pour essayer d’influencer la manière dont les juges voient les victimes lorsqu'elles viennent témoigner devant eux. C'est notre rôle ici. Face au projet de loi qui nous est présenté, nous devons veiller à ce que les personnes que nous désignons soient bien renseignées sur ce qu'elles doivent faire, à ce qu'elles comprennent les besoins des victimes et à ce qu'elles tiennent compte de leurs droits également.
J’apprécie le système judiciaire autant que n’importe qui. Je n’ai pas une formation de juriste, mais j’ai beaucoup interagi avec le système judiciaire dans mon emploi précédent. Observer ce système à l’œuvre — un peu comme le Parlement ici — c’est comme voir comment on fabrique des saucisses. Ce n’est pas très joli. Parfois, quand on a des démêlés avec la justice, on découvre que le système est loin d’être parfait. C’est peut-être un des meilleurs systèmes au monde en ce qui a trait aux audiences judiciaires mais il mène aussi à des résultats aberrants. Lorsqu'on examine certaines décisions rendues par les juges, on reste parfois bouche bée et on se gratte la tête en se demandant comment ils ont pu arriver à un tel verdict compte tenu de tout ce qu’ils ont entendu à l’audience.
Pour une personne rationnelle, c’est troublant, mais c’est la réalité. Nous sommes tous des êtres humains. Nous tous ici à la Chambre des communes sommes des êtres humains et nous ne sommes pas censés être parfaits. Il en va de même pour les juges que nous nommons. Nous ne nous attendons pas à ce qu’ils soient parfaits mais à ce qu’ils fassent de leur mieux avec les renseignements qui leur sont présentés. Avec un peu de chance, nous obtiendrons les meilleurs résultats qui soient pour la société. Les chiffres qui ont été mentionnés montrent clairement que ce n’est pas le cas, à en juger par ce qui se passe actuellement. Donc des changements s’imposent. C’est pourquoi nous sommes ici: pour veiller à ce que les changements que nous proposons concernant la nomination des juges soient appliqués de manière judicieuse.
Le comité de la justice était une chose, mais j’aimerais vous parler des audiences comme telles. Certains témoins ont parlé de femmes qui n’étaient pas représentées et qui, lorsqu'elles se sont présentées devant des juges, se sont senties rabaissées.
Ce projet de loi apporterait un important changement dans la société en veillant à ce que les victimes d’actes criminels puissent se faire entendre efficacement. La population doit comprendre la justice si on veut que le système soit applicable. Si nous n’avons pas un système ouvert à tous ceux qui pensent avoir été victimes d’un acte criminel, si les gens se sentent marginalisés et n’ont pas l’impression qu’ils peuvent dénoncer un crime, alors nous avons échoué en tant que société. Encore une fois, notre travail ici consiste à poursuivre les progrès et à améliorer la prochaine version de ce projet de loi.
La prorogation du Parlement a évidemment mené à l’arrêt du processus que nous relançons maintenant. Combien de temps faudra-t-il pour que nous adoptions des lois qui sont importantes pour les Canadiens?
Comme nous le savons tous, il y aura de modestes progrès. Tellement de choses se sont passées, mais beaucoup d’idées ont aussi été abandonnées et nous avons souvent jeté le bébé avec l’eau du bain dans cette démarche, parce que nous avons un gouvernement qui n’a aucun égard pour ce que nous faisons ici en matière de processus.
Le processus d'adoption d'un projet de loi exige que nous l'étudiions en profondeur pour nous assurer qu'il soit aussi bon que possible. Cela veut dire que nous devons être saisis des bons projets de loi et respecter le processus, qui a été élaboré au cours de nombreuses années. Ensuite, nous devons analyser chaque projet de loi pour en trouver les points forts et les points faibles. Nous devons convoquer des spécialistes pour entendre leurs opinions et décider de la meilleure façon de faire progresser le projet de loi. Ce n'est pas ce qui se fait actuellement à la Chambre. En arrêtant les travaux parlementaires au beau milieu de la pandémie, le gouvernement nous dit en fait qu'il ne respecte pas le processus et qu'il préfère son propre processus, qui ne tient pas compte des autres. Donc, nous devons veiller à ce que le gouvernement rende des comptes quant aux décisions qu'il prend.
Je suis consterné que nous soyons de nouveau saisis de ce projet de loi. J'aurais souhaité que nous n'en soyons pas encore à ce stade et que le projet de loi ait déjà franchi l'étape de la troisième lecture à la Chambre, qu'il ait déjà été débattu dans l'autre endroit et qu'il ait déjà reçu la sanction royale, une fois pour toutes. L'adoption de ce projet de loi a été retardée bien trop souvent. Il est mort au Feuilleton à cause de la prorogation, pendant laquelle le Parlement a été fermé.
Pouvons-nous enfin faire avancer les choses pour que le Parlement fonctionne de nouveau?
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Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion cet après-midi de parler du projet de loi .
Pour commencer, je tiens à remercier le gouvernement d'avoir présenté à nouveau cette importante mesure législative au cours de la nouvelle session de la 43e législature. Les députés se souviendront que la version originale du projet de loi, le projet de loi d'initiative parlementaire , avait été présentée par l'ancienne chef par intérim du Parti conservateur, Rona Ambrose. Je tiens à la remercier des efforts inlassables qu'elle a déployés pour aider et protéger les survivants d'agression sexuelle.
En bref, le projet de loi propose d'obliger les juges à participer à une formation juridique continue portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles. Il exige que le Conseil canadien de la magistrature soumette un rapport annuel au Parlement sur les colloques qu'il organise à l'intention des juges et qui portent sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles, et sur la participation des juges à ceux-ci. Il exige des juges qu'ils fournissent les motifs de leurs décisions dans les affaires d'agression sexuelle.
Ce sont les mesures que propose le projet de loi, mais quel est l'objet de celui-ci? Le projet de loi vise à renforcer la confiance des gens dans le système de justice. La confiance est très importante. Il faut beaucoup de temps, souvent toute une vie, pour établir la confiance, mais il suffit d'un instant pour la briser. Le projet de loi vise à garantir que les survivants d'agression sexuelle qui ont le courage de se manifester soient traités avec dignité, respect et compassion par le système de justice.
Alors qu'elle racontait ce qui l'avait menée à présenter le projet de loi dans sa version précédente, que l'on a dénommée la « loi juste », Mme Ambrose a parlé de son expérience à titre de bénévole pour un centre d'aide aux victimes de viol, à l'époque de ses études universitaires. Elle a aussi relaté sa participation à un projet de recherche dans le cadre d'un programme de surveillance des tribunaux. Elle a dit: « Il s'agissait essentiellement pour des étudiantes bénévoles comme moi d'assister aux procès pour viol et violence sexuelle en prenant des notes sur la façon dont les victimes et les plaignantes étaient traitées. C'était tout simplement ahurissant. »
Au cours de son témoignage, elle nous a fait part d'un scénario troublant dont elle a été témoin. Elle a dit: « Je me souviens d'une situation où je prenais des notes pendant qu'un procureur interrogeait une petite fille — et quand je parle d'une petite fille, je veux dire qu'elle avait moins de 12 ans — sur la manière dont elle se comportait lorsqu'elle était assise sur les genoux du défendeur. Il voulait laisser entendre qu'elle flirtait avec cet homme qui avait plus de 50 ans. »
Je suis père de deux filles et grand-père de six petites-filles. Je ne peux m'imaginer comment je me sentirais ou comment je réagirais en voyant une de mes filles ou petites-filles, si l'une d'elles devait être victime, être traitée ainsi devant un tribunal. C'est là une expérience peu reluisante qu'aucun Canadien ne devrait avoir dans notre système judiciaire.
Malheureusement, les principales victimes de violence sexuelle au Canada sont les femmes de 15 à 24 ans. Lors des cas de signalement d'agression sexuelle, il est plus fréquent que l'agresseur soit connu de la victime, si on compare la situation aux cas de signalement de vol qualifié ou d'agression physique. Ces réalités contribuent peut-être à un autre fait troublant, à savoir que, selon le ministère de la Justice, la majorité des agressions sexuelles, soit 83 % d'entre elles, ne sont pas signalées aux autorités policières.
En obligeant les juges à se tenir au courant de l'évolution du droit relatif aux agressions sexuelles, le projet de loi vise à faire en sorte que les victimes d'agression sexuelle soient traitées avec dignité, respect et compassion au sein du système de justice.
Outre le volet axé sur la sensibilisation, le projet de loi obligera les juges à motiver leurs décisions par écrit lors des procès pour agression sexuelle. Cette disposition permet donc d'accroître la transparence du système judiciaire. La transparence renforce la confiance, et la confiance pousse davantage de personnes qui s'estiment lésées à réclamer justice. Ce n'est qu'en rétablissant cette confiance dans notre système judiciaire que nous pourrons faire en sorte que ces jeunes femmes auront accès à la justice qu'elles méritent.
Dans sa plate-forme électorale de 2019, le Parti conservateur s'est engagé à prescrire à toute personne nommée à la magistrature de suivre une formation pour les sensibiliser au droit relatif aux agressions sexuelles avant d'entrer en fonction. Ce projet est donc conforme à l'engagement de notre parti à défendre les intérêts des victimes d'actes criminels.
J'ai eu le plaisir d'appuyer le projet de loi juste de Rona Ambrose au cours de la dernière législature, car il arrive encore que le système de justice échoue lamentablement à respecter le traumatisme des victimes d'agressions sexuelles. Nous devons aux survivants de corriger ces lacunes, et c'est ce que permet le projet de loi .
Je veux mettre le projet de loi de côté un instant, parce que dans un monde idéal, nous n'aurions pas besoin d'une loi juste ni du projet de loi . Ce que nous devons faire, c'est nommer des juges qui sont intègres au départ, qui reconnaissent la dignité et la valeur de chaque personne qui comparaît devant eux et qui tiennent compte des circonstances tragiques qui les amènent à être saisis d'une affaire.
Cela me rappelle l'histoire des deux loups, une légende populaire souvent attribuée au peuple cherokee. L'histoire raconte qu'un vieil homme cherokee donnait une leçon de vie à son petit-fils. Il lui dit: « Mon petit-fils, il y a un terrible combat dans mon cœur. Deux loups vivent en moi et s’affrontent. L'un est méchant. Il représente la colère, l'envie, le chagrin, les regrets, l'avarice, l'arrogance, l'apitoiement sur soi-même, la culpabilité, le ressentiment, le sentiment d'infériorité, les mensonges, l'orgueil, le sentiment de supériorité et l'ego. »
Le grand-père poursuivit: « L'autre est bon. Il est rempli de joie, de paix, d’amour, d'espoir, de sérénité, d'humilité, de bonté, de bienveillance, d'empathie, de générosité, de vérité, de compassion et de confiance. Ce combat a aussi lieu en toi, tout comme en chacun de nous. »
Le petit-fils réfléchit un instant, puis il demande à son grand-père: « Lequel de ces loups va gagner, grand-père? »
Le grand-père profita de l'occasion avec grande sagesse. Il répondit: « Celui qu'on choisira de nourrir. »
La morale de cette histoire, c'est que chacun d'entre nous nourrit ces loups métaphoriques chaque jour. Nous choisissons lequel des deux deviendra plus grand et plus fort. Nous décidons lequel l'emportera. Bon nombre d'entre nous sont déjà au fait des propos choquants exprimés par un juge canadien, qui a demandé à une plaignante dans une affaire d'agression sexuelle pourquoi elle n'avait tout simplement pas serré les genoux.
Cela montre bien que nos juges ne sont pas immunisés contre ce genre de préjugés, et c’est la raison pour laquelle il est crucial de nommer des juges intègres, des juges d’excellente réputation, qui ont pour le moins fait la preuve qu’ils sont des personnes bonnes, décentes et honorables. À partir de là, nous leur donnons une formation supplémentaire, plus particulièrement dans le domaine du droit sur les agressions sexuelles.
D’aucuns peuvent se demander pourquoi nous avons besoin de les former. Certains disent même qu’ils partiront une fois qu’ils seront formés, et que c’est donc un gaspillage de temps et d’argent. À cela je réponds: « que se passera-t-il si nous ne les formons pas et qu’ils restent? » Ce serait vraiment le pire. La formation est importante, et ce projet de loi propose notamment de donner une formation et un perfectionnement permanents à nos juges.
Dans ma religion chrétienne, Jésus dit aux personnes qui l’entourent: « Jamais un bon arbre ne donne de mauvais fruits; jamais non plus un arbre mauvais ne donne de bons fruits. Chaque arbre se reconnaît à son fruit: on ne cueille pas des figues sur des épines; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais: car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. » Nous devons commencer avec des hommes bons et continuer d’investir dans des hommes bons et des juges bons, en les formant pour qu’ils rendent la justice avec compassion.
En attendant, ce projet de loi aidera les juges à nourrir le bon loup. Une formation supplémentaire sur la législation en matière d’agressions sexuelles développera l’humilité, l’empathie et la compassion du juge face aux survivants d’une agression sexuelle. Une plus grande transparence sur les raisons qui ont amené le juge à rendre sa décision sera bénéfique à la présentation de la vérité et aidera les victimes à trouver une certaine consolation. C’est en partie ce qu’on veut dire par « nourrir le bon loup ».
Notre parti va toujours essayer de trouver des façons de venir en aide aux survivants d’une agression sexuelle. Nous allons toujours veiller à ce que les victimes soient traitées avec dignité, respect et compassion. Je me réjouis que nous soyons tous réunis pour discuter de ce projet de loi très important et que nous soyons tous en accord avec ses grandes orientations.
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Madame la Présidente, c'est un grand plaisir pour moi d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi , de façon virtuelle pour la première fois. J'en profite pour saluer et remercier les interprètes qui font un travail vraiment incroyable.
C'est un grand plaisir de m'exprimer sur le projet de loi , particulièrement en tant que féministe. La défense des droits des femmes et la justice sociale sont de grandes priorités pour moi, et ces questions se retrouvent justement au cœur du projet de loi.
On aura certainement entendu mes collègues du Bloc québécois dire que l'adoption de ce projet de loi s'inscrit autant dans l'intérêt des juges que de la population et, plus particulièrement, des victimes d'agression sexuelle. Je crois que les parlementaires doivent agir le plus rapidement afin de le mettre en œuvre, mais il mérite néanmoins d'être étudié en comité, notamment puisque le Barreau du Québec a soulevé certaines préoccupations sur lesquelles je reviendrai.
Je m'adresse particulièrement à mes collègues féminines et à mes concitoyennes. Nous avons malheureusement toutes été victimes au moins une fois dans nos vies de commentaires disgracieux à notre endroit, que ce soit en lien avec notre physique, notre âge, notre habillement, notre façon de travailler et j'en passe. Nous avons tout autant été témoins de ce genre de commentaires à l'égard de notre amie, notre sœur, notre mère, notre collègue.
C'est une pratique malheureusement largement répandue et elle est courante autant dans la société que dans notre système de justice. À de nombreuses reprises, des juges ont fait des commentaires inappropriés lors de procès pour agression sexuelle. Certains ont même rendu des jugements en ne tenant pas compte des victimes et de leur difficile réalité. Bien que nous ayons un bien grand travail à faire pour enrayer ce fléau dans notre société, ce projet de loi viendrait au moins casser cette pratique dans nos tribunaux. C'est un grand pas dans la bonne direction.
Il existe également de nombreux mythes et stéréotypes associés aux agressions sexuelles, ce qui peut faire croire à certains juges que les victimes étaient en réalité consentantes. Un juge pourrait par exemple innocenter un agresseur puisque ce même juge comprend mal la notion de consentement.
Parlons de ce fameux consentement. Je vais profiter de l'occasion pour faire un petit cours 101 parce que cela ne fait de mal à personne de se rappeler les bases. On sera d'accord avec moi que, peu importe la nature des relations, l'intention des partenaires doit être claire, libre et éclairée. Le consentement, c'est donner la permission, l'autorisation. C'est dire « oui ». En 2016, le procès Ghomeshi, l'affaire Bill Cosby et le mouvement #AgressionNonDénoncée ont relancé le vaste et complexe débat sur la définition du consentement.
Bien que notre société soit régie par des lois, le Code criminel est bien loin de la chambre à coucher. Là où il y a une nuance dans la notion de consentement, c'est lorsqu'une personne se sent obligée de consentir. Selon Julie Roussin, psychologue clinicienne, on doit concevoir le consentement « comme une décision éclairée qui ne doit pas être prise sous l'effet de la contrainte ou de la menace », ce qui est trop souvent le cas lors d'une agression sexuelle. Il y a donc une façon de comprendre la notion de consentement au sens juridique, mais aussi psychologique.
Je ne peux passer sous silence certains exemples aberrants que mes collègues ont probablement déjà entendus. Un juge disait à voix haute lors d'un procès que la victime, qui était mineure au moment de l'agression, avait un joli visage, qu'elle devait se sentir flattée d'attirer l'attention d'un homme mûr. Un juge albertain a été renvoyé après avoir tenu des propos jugés sexistes et racistes sur les Autochtones, les femmes violentées et les victimes d'agression sexuelle. Un autre juge estimait que, puisque personne ne s'était aperçu de rien à propos des agressions, la fillette, qui avait entre 6 et 12 ans, n'était pas crédible. D'autres ont discrédité des victimes parce que l'une portait un pyjama sans soutien-gorge ou sous-vêtements en dessous, qu'une autre n'avait pas immédiatement quitté les lieux lorsque l'agression sexuelle a débuté, qu'une autre encore n'avait pas dit non à certains des actes perpétrés par l'accusé lors de l'agression ou, encore, parce que la victime n'avait pas immédiatement porté plainte après l'agression.
Le consentement ne fait référence ni à la crédibilité ni à la beauté, à l'âge, à l'apparence ou à la condition sociale des victimes. C'est pourquoi il me semble non seulement approprié, mais nécessaire que tous les juges reçoivent une formation continue portant sur les questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social.
Bien que 2020 soit bien entamé, et près de 20 ans après la décision L'Heureux-Dubé de la Cour suprême, on ne semble pas bien plus avancé sur les préjugés liés à l'agression sexuelle. Les chercheurs de l'Institut de recherche en politiques publiques ont d'ailleurs récemment fait paraître le dossier « Combattre la violence sexuelle, soutenir les victimes », qui vise à faire la lumière sur les lacunes auxquelles les décideurs politiques, les législateurs et les tribunaux doivent remédier.
Le gouvernement fédéral a heureusement reconnu les torts que la violence sexiste continue de causer à la société canadienne et s'est engagé à élaborer un plan d'action pour lutter contre ce problème qui se fait sentir dans toutes les sphères de la société. Le projet de loi C-3 s'inscrit dans cette logique et je le salue. Il est même une version améliorée de ce qui avait été présenté auparavant. Ce projet de loi vient corriger les critiques faites au précédent projet de loi C-337 selon lesquelles, en s'inscrivant à ce genre de cours, les avocats rendaient public leur intérêt pour être juge, ce qui ne préservait pas leur anonymat. Le projet de loi C-3 demande plutôt un engagement à suivre le cours, ce qui me semble tomber sous le sens.
Je comprends que les conservateurs ont voté contre la motion du NPD pour que le projet de loi soit adopté et envoyé directement au Sénat, les conservateurs jugeant qu'il faut étendre l'application du projet de loi aux agents de libération conditionnelle et aux membres de la Commission des libérations conditionnelles du Canada dans la foulée du meurtre de Marylène Levesque.
Je siège justement au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, où nous avons entamé une étude sur les circonstances de ce meurtre avant la fermeture, puis la prorogation, du Parlement.
Afin de rafraîchir la mémoire de la Chambre, Marylène Levesque est une jeune femme de 22 ans qui a été tuée l'hiver dernier par Eustachio Gallese. Cet homme était en semi-liberté après avoir purgé une quinzaine d'années de détention pour avoir été jugé coupable du meurtre de sa conjointe en 2006. Or, malgré les antécédents de violence de M. Gallese envers les femmes, ses agents de libération conditionnelle ont jugé qu'il était approprié qu'il fréquente des salons de massage érotique, où il a fait la rencontre de Marylène Levesque. Mes collègues connaissent la suite de l'histoire.
Je suis tout à fait d'accord que les agents de libération conditionnelle et les membres de la Commission des libérations conditionnelles du Canada doivent eux aussi suivre des formations obligatoires sur le sujet. J'irais même plus loin en incluant un large éventail de professions. Bien entendu, certaines professions comme les agents des services de police et les avocats ne relèvent pas des compétences fédérales. Par contre, ces formations sont essentielles pour tous les professionnels qui relèvent du fédéral et qui sont susceptibles d'interagir avec des victimes d'agression sexuelle, comme les agents des services correctionnels ou frontaliers et les membres de la GRC.
Comme l'a fait remarquer le Barreau du Québec, ce projet de loi vise exclusivement les juges nommés par le gouvernement fédéral, soit ceux siégeant aux cours supérieures, aux cours d'appel, à la Cour fédérale du Canada, à la Cour d'appel fédérale, mais aussi à la Cour canadienne de l'impôt et à la Cour suprême du Canada. Or, la pratique nous démontre que la très grande majorité des infractions criminelles sont traitées par les tribunaux provinciaux. J'espère donc que ce projet de loi inspirera le Québec, les provinces et les territoires à légiférer pour également imposer ce genre de formation à leurs juges.
J'invite donc tous mes collègues du Parti conservateur et des autres partis à déposer un projet de loi pour la formation des agents de libération conditionnelle, des membres de la Commission des libérations conditionnelles et de tout autre professionnel qu'ils jugeront pertinent.
Nous avons l'occasion d'adopter le projet de loi sans hésiter, comme cela avait presque été le cas pour le projet de loi . J'implore donc tous mes collègues parlementaires de travailler en ce sens.
Comme on peut toujours faire mieux, j'espère tout de même que l'étude de ce projet de loi nous permettra de tenir compte des craintes soulevées par le Barreau du Québec, de sorte que cette future loi n'empiète pas sur les champs de compétence provinciale.
Le Barreau craint aussi que les modifications à la Loi sur les juges et au Code criminel proposées par ce projet de loi soient susceptibles de porter atteinte à l'indépendance judiciaire. Cependant, comme l'a bien illustré ma collègue de la semaine dernière, les juges reçoivent déjà des formations sur une multitude de sujets. Ces diverses formations font partie de leur parcours et il est donc tout à fait normal que leurs décisions soient mieux documentées. Je ne crois sincèrement pas que ces formations provoquent des partis pris qui pourraient porter atteinte à l'indépendance judiciaire.
En tant que parlementaire et membre d'une société distincte, je termine en disant que nous devons faire plus pour enrayer la culture du viol. Ce système de pensée qui permet d'expliquer, d'excuser, voire d'encourager le viol est omniprésent dans notre société. Il est présent partout, dans nos maisons, nos cours de justice, les écoles de nos enfants, nos lieux de travail et nos rues.
On doit donc faire mieux et plus. On doit cesser de banaliser. On doit cesser les « jokes de mononc' » sur le corps des femmes, si l'on me permet l'expression, ces blagues qu'on entend encore trop souvent et qu'on encourage au lieu de dénoncer. Souvent, sans s'en rendre compte, on remet la responsabilité de l'agression sur le dos de la victime et on remet en question la parole de la femme. On utilise le corps des femmes comme si elles étaient là pour assouvir les besoins des hommes. Alors, par où devons-nous commencer?
Je reprends les mots de Pascale Parent, intervenante au Centre d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel de Rimouski, selon laquelle on peut commencer « en parlant d'égalité entre les hommes et les femmes [et aussi] entre les femmes, incluant celles qui vivent des handicaps et les femmes autochtones. Bien sûr, on reconnaît que tous les hommes ne sont pas des agresseurs. Les hommes peuvent décider de lutter contre cette culture et la dénoncer avec nous. Ils peuvent dénoncer des blagues sexistes, dénoncer les comportements, venir en aide aux femmes dans le besoin et soutenir les femmes qui leur font confiance et leur confient leur vécu. »
Ce serait déjà un bon début, tout comme ce projet de loi.
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Madame la Présidente, une Canadienne sur trois sera victime d'une agression sexuelle au cours de sa vie. C'est une statistique tout simplement horrible pour les femmes et pour les pères de famille.
J'ai trois enfants, soit deux filles et un garçon. Penser et imaginer qu'une de mes filles pourrait un jour être victime d'une agression sexuelle — peut-être l'a-t-elle été sans le dire ou peut-être a-t-elle été victime de harcèlement sans le dire —, c'est tout simplement horrible. C'est tout simplement horrible de penser que, dans notre société, une femme sur trois sera victime d'une agression sexuelle au cours de sa vie.
Dimanche, ce sera la Journée internationale de la fille. Je pense que beaucoup de parents en profiteront pour se poser des questions. J'espère que cette journée va nous permettre de réfléchir au fait qu'une fille sur trois, une femme sur trois, sera victime d'une agression sexuelle au cours de sa vie.
Dimanche, ce sera le temps d'y penser en famille, d'y réfléchir, d'échanger avec nos enfants pour savoir ce qui se passe, de sensibiliser nos garçons et nos filles, de démontrer de l'ouverture en vue d'inciter les gens à parler, d'essayer de faire en sorte que ce ne soit pas caché et que ce soit quelque chose dont on puisse parler plus ouvertement. En effet, si on n'en parle pas et que cela demeure caché, cela va malheureusement continuer, et il n'y aura pas d'amélioration sur le plan des statistiques.
Qu'une femme sur trois soit victime d'une agression démontre qu'il y a un problème de confiance dans notre société. Ma collègue de l'a très bien dit, hier.
[Traduction]
« À cause du manque de confiance dans le système judiciaire, que certaines études ont d'ailleurs démontré, de nombreuses femmes se sentent dans l'impossibilité ne serait-ce que de signaler à la police les agressions qu'elles ont subies, de crainte de ne pas être prises au sérieux. Elles continueront de revivre le traumatisme et, si leur cas progresse effectivement, leurs assaillants se tireront d'affaire sans répercussions sérieuses. »
[Français]
Plus des deux tiers des femmes disent ne pas avoir confiance en la police, au processus judiciaire ou en la justice tout court. À cause de cela, 83 % des agressions sexuelles ne feront pas l'objet d'une dénonciation. Pour les 17 % des cas restants, un sur cinq sera tout simplement abandonné. Les quatre autres vont faire l'objet d'intenses vérifications. Les victimes seront au centre d'un processus difficile et stressant qui laissera malheureusement peu de place à la réussite de leur poursuite. Des cas restants, seulement un sur cinq ira en cour. Seulement un cas sur dix se terminera par une condamnation menant à une amende ou à un emprisonnement. Ainsi, s'il y a 100 cas au départ, ce nombre diminuera progressivement.
Nous comprenons que les femmes n'osent pas aller devant la justice et qu'elles ont un problème de confiance envers la justice. C'est exactement ce à quoi veut répondre le projet de loi devant nous aujourd'hui.
Il s'agit d'un projet de loi qui a été présenté trois fois à la Chambre. Il a tout d'abord été présenté de manière privée par notre ancienne chef de l'opposition par intérim, Rona Ambrose, sous le numéro . Il a été réintroduit sous , et il est maintenant présenté sous .
Toutes les fois que nous avons la chance de parler du projet de loi, cela donne l'occasion à tous les parlementaires de sensibiliser les Canadiens et les Canadiennes, les juges et tout le monde à la réalité que vivent les femmes de notre pays.
C'est important que nous en parlions. C'est tout aussi important d'en reparler demain, la semaine prochaine et le plus souvent possible. La fameuse culture du secret, la crainte de parler, la crainte d'être ridiculisées et la crainte de ne pas être prises au sérieux font que les femmes préfèrent ne pas dénoncer leur agresseur.
C'est ce que nous voulons combattre. C'est ce que nous voulons faire, au moyen du projet de loi C-3. Nous avançons peut-être à petits pas, mais nous le faisons de manière logique et sérieuse.
Madame la Présidente, le gouvernement a, avec raison, de nouveau présenté le projet de loi de l'honorable Rona Ambrose, la loi que l'on appelle « la loi juste », la . Ce projet de loi reflète les amendements qui ont été adoptés par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles avant les dernières élections, ce qui en avait un peu retardé l'adoption.
Que va faire ce projet de loi s'il est adopté? Comme je l'ai mentionné, il va aider en obligeant les nouveaux juges à suivre une formation juridique continue sur le droit relatif aux agressions sexuelles.
On parle du projet de loi depuis le début de la journée, mais les gens qui nous écoutent ne sont peut-être pas au courant de son contenu. Ils ne savent peut-être pas exactement de quoi il est question. Je vais donc lire une partie du préambule afin de donner un bon aperçu du projet de loi.
Le préambule dit « qu'il est essentiel que les personnes ayant survécu à une agression sexuelle au Canada fassent confiance au système de justice pénale ». Il dit aussi « que le Parlement reconnaît l'importance qui doit être accordée à l'indépendance judiciaire ». En effet, le Parlement ne veut pas se mêler des causes qui sont devant les tribunaux, car le Parlement a le rôle et le devoir de s'assurer que les gens peuvent faire confiance au système judiciaire.
Le préambule mentionne aussi « qu'il incombe aux parlementaires de veiller à ce que les institutions démocratiques du Canada reflètent les valeurs et les principes des Canadiens et répondent aux besoins et préoccupations de ceux-ci ». En effet, par le passé, on a trop vu de cas où des juges ont pris des décisions en s'appuyant sur des mythes ou de faux préceptes. Ce n'est pas ce que la société d'aujourd'hui demande aux juges. Nous, parlementaires, sommes la voix des Canadiens et des Canadiennes de partout au pays et nous avons donc le devoir de rappeler ces nouveaux principes. C'est ce que nous faisons présentement avec le projet de loi .
Toujours selon le préambule, « [...] les procès pour agression sexuelle ont un effet profond sur la réputation et la vie des personnes touchées et [...] risquent fortement de revictimiser les personnes ayant survécu à une agression sexuelle ». Quand on doit passer par le processus judiciaire, qu'on a à revivre ce qui nous est arrivé, et ce, devant plusieurs personnes et notamment des inconnus, cela peut dissuader des femmes de faire appel à la justice.
Le préambule mentionne également « que le Parlement reconnaît la valeur et l'importance de la participation des juges à une formation continue ». L'ajout de cette formation fera que nos juges seront mieux outillés pour faire leur travail, ce qui va peut-être permettre un meilleur accès des femmes à la justice, justement.
Dans le préambule du projet de loi C-3, on indique « qu'il est impératif que les personnes souhaitant être nommées juges s'engagent à suivre une formation continue portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social ». Tout cela est tout à fait logique.
J'ai été impressionné — et surtout touché — par le discours de ma collègue de , alors même qu'on fait des modifications et qu'on tente d'améliorer les choses. Elle y est allée de l'état de la situation qui suit:
[...I]l y a quelque chose dans ce projet de loi qui me met vraiment en colère. Je trouve absurde qu'on passe du temps à essayer de voir comment former les hommes de l'appareil de justice systématiquement misogyne du Canada à faire preuve de sensibilité dans les cas d'agression sexuelle. Cette stratégie est totalement inappropriée à bien des égards, car elle est incroyablement paternaliste à la base [...] Si les hommes veulent avoir le privilège d'être nommés à la magistrature, je suggère que ce qu'ils ont fait dans leur carrière pour éliminer les obstacles systémiques auxquels les femmes sont confrontées constitue l'un des critères d'embauche. Pourquoi devons-nous former les idiots de la société, et pourquoi ne pourrions-nous pas simplement embaucher des alliés?
Ce sont des mots durs, mais ce sont les mots d'une femme qui a, elle aussi, traversé toutes sortes d'épreuves, comme plusieurs de nos collègues ici et comme plusieurs femmes que je connais. Il faut prendre cela au sérieux. Nous en sommes rendus là. Je salue les femmes qui ont eu le courage de s'exprimer à la Chambre pour approuver et pour appuyer le projet de loi C-3.
Pour ma part, j'appuie ce projet de loi sans réserve. J'espère que de plus en plus de nos collègues en parleront et saisiront toutes les occasions possibles pour le faire, parce que plus nous en parlerons, plus nous nous approcherons de la solution.