La Chambre reprend l'étude, interrompue le 19 octobre, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Monsieur le Président, c'est un honneur de participer à distance au débat de la Chambre des communes à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel concernant l'aide médicale à mourir.
Je parlerai brièvement des progrès accomplis par notre gouvernement en ce qui concerne les droits des personnes handicapées au Canada.
L'an dernier, le gouvernement a fait adopter la Loi canadienne sur l'accessibilité, qui vise à faire du Canada un pays exempt d'obstacles par la reconnaissance, l'élimination et la prévention d'obstacles à l'accessibilité chaque fois que les Canadiens font affaire avec des secteurs de compétence fédérale.
Cette loi représente l'un des plus considérables progrès pour les droits des personnes handicapées depuis l'adoption de la Charte en 1982. Elle vise à entraîner une transformation culturelle pour une plus grande inclusion et une plus grande accessibilité pour les personnes handicapées au Canada. Elle a permis de créer un nouvel organisme, Normes d'accessibilité Canada, qui est chargé d'élaborer et d'examiner les normes d'accessibilité et de promouvoir des recherches novatrices sur l'accessibilité. Le PDG et le conseil d'administration ont été nommés, et l'organisme est à l’œuvre depuis l'été dernier.
Cette loi a également créé la Semaine nationale de l'accessibilité, qui se tient chaque année à la fin de mai et au début de juin. Cette semaine dédiée à l'accessibilité est l'occasion de promouvoir l'inclusion et l'accessibilité dans les collectivités et dans les lieux de travail, et de célébrer les contributions des personnes handicapées au Canada. C'est aussi l'occasion de souligner les efforts des personnes, des collectivités et des lieux de travail qui s'emploient activement à éliminer les obstacles pour aider les Canadiens à réussir, quelles que soient leurs capacités.
Le gouvernement prend des mesures concrètes pour faire respecter les droits des personnes handicapées. La formulation précise du projet de loi en témoigne. Des représentants des organisations de personnes handicapées et d'éminents chercheurs dans ce domaine ont participé aux consultations dans tout le pays. Leur contribution a servi de base aux réformes proposées dans le projet de loi.
Nous sommes bien conscients que l'inclusion des personnes handicapées ne se limite pas à l'adoption d'une loi. C'est la raison pour laquelle nous continuons de travailler avec elles et d'autres intervenants pour lutter contre les préjugés et les partis pris. Nous devons promouvoir un changement de culture afin que les contributions importantes que les personnes handicapées apportent au Canada puissent être reconnues et appréciées au même titre que celles des autres Canadiens.
À l'avenir, nous continuerons d'accroître l'inclusion sociale et économique des personnes handicapées, notamment en donnant suite à notre engagement visant à faire fond sur les progrès réalisés au cours des derniers mois et des dernières années dans l'élaboration d'un plan d'inclusion des personnes handicapées. Ce plan prévoit d'importantes initiatives, comme la nouvelle prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap, inspirée du Supplément de revenu garanti destiné aux aînés; une stratégie d'emploi robuste qui ciblera les Canadiens en situation de handicap; et un meilleur processus pour déterminer l'admissibilité aux programmes et aux prestations du gouvernement qui visent les personnes en situation de handicap. Tout le monde en profite quand tous les Canadiens peuvent contribuer également à l'économie et à la société.
Nous poursuivrons nos efforts pour que tous les Canadiens soient traités avec la dignité et le respect qui leur sont dus, surtout lorsqu'il s'agit de situations aussi personnelles et aussi délicates que la décision de mettre un terme à sa vie. Il est essentiel que les voix de tous les Canadiens, y compris celles des personnes handicapées, continuent d'être entendues sur la question de l'aide médicale à mourir.
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Madame la Présidente, on a déjà dit qu'on pouvait voir la vraie nature d'une nation à la façon dont elle traite ses membres les plus vulnérables. Ma priorité est de veiller à ce que ce genre de mesure législative renferme des dispositions adéquates pour protéger les personnes les plus vulnérables de notre société, comme les aînés et les personnes handicapées. Depuis le début de la pandémie, il y a de plus en plus de personnes handicapées qui envisagent l'aide médicale à mourir parce qu'elles connaissent de plus grandes difficultés financières et sont plus isolées sur le plan social à cause de la COVID.
Il faut aussi protéger adéquatement la liberté de conscience des médecins et des autres professionnels de la santé. La liberté de croyance et de conscience est le principe fondamental de toute démocratie. Une personne doit pouvoir avoir ses croyances, les pratiquer et les respecter dans sa vie courante sans obstacle.
En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité de bien faire les choses avec cette mesure législative. Le gouvernement fédéral aurait dû faire appel devant la Cour suprême dès le départ pour voir à ce que le Parlement ait un cadre bien clair pour légiférer. Il ne l'a malheureusement pas fait, ce qui nous laisse avec bien des questions sans réponse en ce qui concerne cette mesure législative.
Il y a bien des choses à dire sur un projet de loi de nature aussi sensible qui touche la vie de beaucoup gens au Canada, dont un bon nombre se trouvent dans une situation difficile ou de grande vulnérabilité. En tant que parlementaires, nous devons évaluer toutes les options possibles et faire preuve d'une très grande prudence en raison des ramifications que ce type de projet de loi peut avoir non seulement maintenant, mais aussi pour de nombreuses années à venir.
Étant donné mes antécédents, cette question me tient à cœur. J'ai longtemps travaillé dans le secteur privé, notamment auprès de gens vulnérables qui étaient aux prises avec des problèmes de santé mentale, comme la dépression et l'anxiété. J'ai vu des personnes atteintes de dépendance qui avaient envisagé, d'une façon ou d'une autre, de mettre fin à leurs souffrances. Je me souviens d'un cas particulier que j'aimerais rapporter à la Chambre, car il a eu une énorme incidence sur ma vie et éclaire parfaitement bien certains des points que j'aimerais soulever cet après-midi.
Je n'oublierai jamais le jour où j'ai reçu un appel du service de police locale me demandant de me rendre au pont de la ville le plus rapidement possible. Ma femme était allée visiter une amie qui venait d'accoucher à l'hôpital, et j'étais dans la voiture avec notre plus jeune enfant qui dormait dans le siège arrière. J'ai expliqué à l'agent que ma femme était à l'hôpital, mais que j'ignorais dans quelle chambre elle se trouvait. J'ai dit que je ne savais pas comment la rejoindre et que j'avais un enfant en bas âge avec moi. Je lui ai demandé s'il pouvait m'aider. Il a répondu qu'il serait là bientôt et qu'il resterait avec mon enfant, et que l'autre agent m'accompagnerait au pont.
Évidemment, mon cœur s'est mis à battre rapidement alors que je réalisais ce qui se passait. Comme je suis croyant, j'ai fait une petite prière, en espérant que les choses se passent bien. Nous nous sommes dépêchés. La circulation était bloquée dans les deux directions. Je suis sorti de la voiture de police et j'ai couru sur le pont. Les équipes de secours et de sauvetage étaient sur l'eau et beaucoup de policiers étaient sur place. C'est là que j'ai vu une jeune femme, debout de l'autre côté du parapet, agrippant un lampadaire.
Elle attendait parce qu'elle voulait me dire des choses qu'elle souhaitait que je transmette ensuite à ses parents et à son nouveau-né. De mon côté, je cherchais désespérément quelque chose à lui dire, n'importe quoi, pour la dissuader de sauter. Pendant qu'elle me racontait son histoire et que j'essayais de la faire changer d'idée, je lui tenais la main. Elle m'a dit ce qu'elle voulait que je transmette à sa mère, à son père et à sa petite fille et moi, je lui ai dit qu'elle n'était pas obligée de faire ce qu'elle s'apprêtait à faire et qu'elle pouvait aller leur parler. Je lui ai dit que sa petite fille avait besoin d'elle et que ses parents l'aimaient. Je faisais tout ce à quoi je pouvais penser.
Je n'oublierai jamais ce qui s'est alors produit. Elle m'a regardé droit dans les yeux, elle a lâché ma main, elle m'a dit: « Merci d'être là, Richard; adieu », et elle a sauté.
Aussitôt, toute la scène a défilé devant mes yeux. Je me demandais ce que j'aurais pu dire de différent. J'étais bouleversé.
Heureusement, les équipes de recherche et sauvetage avaient eu le temps de s'installer, de sorte que, après qu'elle ait plongé et qu'elle soit remontée à la surface de l'eau, les secouristes ont pu la repêcher et l'amener à l'hôpital. Je suis heureux de pouvoir dire qu'elle est en voie de rétablissement. Elle s'en est sortie. Même si son parcours n'a pas toujours été facile depuis, je suis heureux de pouvoir affirmer qu'elle est toujours parmi nous, plusieurs années plus tard. Elle arrive maintenant à avoir un impact positif dans la vie de bien des gens. Elle vient en aide à d'autres jeunes femmes qui se trouvent dans des situations désespérées ou qui doivent composer avec des problèmes de toxicomanie ou de santé. Elle contribue à leur donner de l'espoir.
Je raconte cette histoire parce que j'estime qu'il est important de faire tout en notre pouvoir pour offrir toutes les mesures de protection et tous les ponts possibles pour permettre aux gens de choisir de vivre, même dans l'adversité, même lorsque les choses paraissent désespérées et sans issue. Les meilleures histoires qui ont été écrites, les chansons les plus inspirantes qui ont été chantées, certains des meilleurs textes à avoir inspiré des générations de gens ont été rédigés dans des périodes très sombres, où la noirceur est absolue. Ils nous viennent de personnes qui ont marché dans la vallée de l'ombre de la mort et en sont ressorties.
J'encourage la Chambre à faire tout en son pouvoir pour intégrer des mesures de protection et cultiver un monde où il est possible de donner espoir aux gens en situation de vulnérabilité et les amener à se rendre compte qu'ils ne sont pas seuls. Tous les appuis adéquats devraient être en place, avec une gamme complète d'options, pour ceux qui sont désespérés.
Je suis reconnaissant d'avoir eu l'occasion de partager cette histoire aujourd'hui. J'espère qu'elle encouragera tous les députés à réfléchir, à étudier sérieusement le projet de loi dont nous sommes saisis et à y intégrer toutes les mesures de protection possible.
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Madame la Présidente, je suis ravie de prendre la parole au sujet du projet de loi dans sa version actuelle, principalement parce que je n'avais pas appuyé sa version initiale, l'ancien projet de loi , il y a quatre ans. Je ne l'avais pas appuyé, car j'estimais qu'il ne reflétait pas l'intention de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Carter. Je croyais également, en tant que médecin de famille ayant exercé la médecine pendant 20 ans, que le projet de loi ne servait pas l'intérêt supérieur de mes patients.
À titre de médecin de famille, j'ai accompagné mes patients à travers de nombreuses étapes de la vie, des joies associées à la naissance d'un enfant et au mariage aux luttes difficiles, éprouvantes et douloureuses contre de terribles maladies incurables durant lesquelles ils avaient conscience qu'ils allaient mourir et qu'ils étaient en phase terminale. Ces patients ont dû traverser ces épreuves avec leur famille, qui dans certains cas appuyaient ce processus, et dans d'autres, non. Je leur ai tenu la main et je les ai accompagnés à travers tout cela, et ce projet de loi revêt donc une signification très particulière pour moi. Voilà pourquoi je suis heureuse d'en parler aujourd'hui.
J'aime le projet de loi dans sa forme actuelle pour plusieurs raisons, même si j'aurais aimé y voir quelques éléments additionnels. Tout d'abord, je suis heureuse qu'on ait supprimé la disposition selon laquelle la mort naturelle devait être raisonnablement prévisible. Les médecins avaient beaucoup de difficulté à comprendre ce que cela voulait dire exactement. Si la disposition s'appliquait uniquement aux personnes sur le point de mourir, elle n'aurait pas respecté la décision de la Cour suprême dans l'affaire Carter parce qu'elle n'aurait pas tenu compte des cas de maladies incurables ou de douleurs et souffrances irréductibles. À mon avis, la version actuelle du projet de loi remédie à cette lacune puisqu'elle précise ce que l'on entend par une mort naturelle devenue raisonnablement prévisible. Autrement dit, j'estime qu'elle reconnaît qu'une personne atteinte d'une affection ou d'une maladie en phase terminale dont la mort naturelle est prévisible dans une semaine ou deux n'a pas besoin d'une période de réflexion de 10 jours comme on l'exigeait précédemment. Cependant, si la mort devait survenir à plus long terme, disons dans environ quatre mois, une personne pourrait continuer à réfléchir à ce dont elle a réellement besoin.
J'aime bien aussi le fait que le projet de loi ramène ce que l'on appelle les directives anticipées. C'est intéressant de constater que bien avant que l'on envisage l'aide médicale à mourir, les médecins avaient recours aux directives médicales avancées. Elles sont au cœur de la relation entre le médecin et son patient. Le médecin prenait le temps de discuter avec son patient pour examiner tous les aspects liés à son état de santé ainsi que ses inquiétudes, surtout dans les cas de maladie grave ou en phase terminale, et le patient disait à son médecin ce qu'il voudrait faire dans l'éventualité où quelque chose devait arriver. Ces directives anticipées étaient consignées par écrit, entre le médecin et son patient. J'ai accompagné des familles de patients en fin de vie, aux prises avec des douleurs atroces et une grande souffrance et, malgré l'énorme stress associé à leur situation, devaient justifier la décision prise au préalable avec leur médecin. Ramener les directives anticipées signifie que la volonté du patient sera respectée. Peu importe la capacité mentale du patient à l'approche de sa mort, son désir original sera respecté, si tel est encore son désir, sans que d'autres personnes ne se prononcent sur sa décision.
De ce que j'ai pu constater, les patients qui sont en phase terminale ou qui ont une maladie incurable souhaitent tous mourir dans la dignité. C'est un fait qu'il ne faut pas sous-estimer. Pour mourir dans la dignité, les personnes veulent choisir leur manière de mourir, l'endroit où elles vont mourir et la façon dont elles souhaitent vivre leurs souffrances et leur angoisse à l'idée de devoir quitter leurs êtres chers. Les patients sont confrontés à des choix très personnels. Ces choix sont dictés par leur religion, par leur éthique et par leur situation familiale. Tout doit se faire au cas par cas, et le consentement préalable adressé au médecin s'avère toujours très important à cet égard. On l'avait retiré du projet de loi précédent, et je suis heureuse qu'il soit de retour. La responsabilité de la décision finale était passée du patient à l'État, et maintenant elle revient au patient.
Je salue la compassion qui se dégage de ce projet de loi. À mes yeux, c'est un élément vraiment important. Quand je pratiquais, le désir profond des patients était de mourir dans la dignité, peu importe qu'ils aient choisi ou non de recourir à l'aide médicale à mourir. Il est vraiment important que les patients puissent choisir l'endroit de leur décès. Souhaitent-ils mourir dans leur lit à la maison ou dans l'unité de soins palliatifs où ils se sont habitués à vivre leurs derniers jours? Préfèrent-ils mourir à l'hôpital? La plupart des patients ne veulent pas mourir à l'hôpital. Ils souhaitent être entourés de leurs êtres chers.
Le gouvernement donne aux provinces 6 milliards de dollars pour leur permettre de fournir des ressources en soins palliatifs, notamment à domicile, parce qu'il s'agit d'une responsabilité provinciale. Ainsi, les provinces peuvent faciliter la réalisation de ce désir profond de mourir dans la dignité et aider les patients à faire un choix à un moment où leur capacité de décider est souvent altérée par une souffrance physique extrême et une profonde angoisse à l'idée de quitter les êtres chers. Cette mesure législative simplifie grandement la prise de décision et, partant, est empreinte de compassion.
Il y a certains aspects qui pourraient être améliorés, notamment sur le plan de la maladie ou des déficiences mentales en tant que seul diagnostic. Je suis d'accord avec tous ceux qui sont intervenus à la Chambre aujourd'hui et, comme beaucoup de gens, je pense qu'il ne faut pas que les personnes atteintes de maladie mentale soient enfermées ou puissent simplement décider qu'elles veulent en finir avec la vie parce que les gens avec qui elles vivent les considèrent comme un fardeau. Il est également très important d'examiner cette mesure du point de vue des personnes handicapées.
Je sais que le s'est beaucoup entretenu avec les représentants de la communauté des personnes handicapées et les médecins. Le gouvernement libéral a à cœur de s'occuper des questions liées à la santé mentale. Notre collègue du Parti conservateur nous a raconté une histoire très touchante un peu plus tôt à propos d'une femme qui pensait à se suicider. Offrir aux personnes dépressives ou handicapées différentes options qui leur laissent entrevoir la possibilité d'une vie meilleure est un élément essentiel de ce projet de loi.
Le va examiner cet aspect et mener une fois de plus une vaste consultation auprès des personnes handicapées tandis qu'il se penche sur les diverses parties du projet de loi et de la réglementation. C'est vraiment important. Il ne faut pas oublier que si nous traitons les maladies mentales ou les handicaps comme des cas à part parmi les problèmes de santé, il est possible que nous contrevenions à l'article 15 de la Charte. Une telle approche suppose que si une personne souffre de maladie mentale ou d'un handicap, elle n'a pas le droit de prendre une décision concernant sa propre vie, sa douleur et sa souffrance, que cette douleur et cette souffrance soient d'origine mentale ou non. Il est très important que les provinces, les fournisseurs de soins de santé et les personnes handicapées se penchent sur cette notion. Il faut définir les mesures de sauvegarde. Je vais assurément participer à ce travail afin qu'il y ait des mesures de sauvegarde pour protéger les personnes souffrant de maladie mentale et les personnes handicapées.
J'aimerais citer la juge Beaudouin dans la décision Truchon: « La vulnérabilité d’une personne qui demande l’aide médicale à mourir doit exclusivement s’apprécier de manière individuelle, en fonction des caractéristiques qui lui sont propres et non pas en fonction d’un groupe de référence dit “de personnes vulnérables”. » La juge Beaudouin ajoute que c'est l'aptitude du patient à comprendre et à consentir — avec l'aide d'un médecin — qui devrait s'avérer déterminante en sus des autres critères prévus dans la loi.
Ces mesures de sauvegarde sont nécessaires, mais nous ne devrions pas tenir pour acquis que nous pouvons prendre des décisions à la place d'une personne qui pourrait vouloir obtenir l'aide médicale à mourir en raison d'une maladie mentale ou d'un handicap. Les douleurs et les souffrances incurables ne sont pas que physiques; elles peuvent aussi être psychologiques. Avec l'aide de bons psychiatres et de bons réseaux de soutien, nous pourrons mettre en place des mesures de sauvegarde.
Ce projet de loi en fait beaucoup pour répondre aux nombreuses préoccupations soulevées par certains médecins. Il est important qu'il respecte le droit d'un médecin ou d'un fournisseur de soins de santé de décider s'il veut ou non offrir l'aide médicale à mourir selon ses convictions d'ordre éthique ou religieux. Je suis...
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Madame la Présidente, l'aide médicale à mourir est une question sensible qui doit être débattue avec sérénité. C'est un sujet difficile, il faut d'emblée l'admettre. Il est d'autant difficile que, comme toutes les questions qui s'adressent à la dignité humaine, les réponses que nous pouvons offrir mettent en jeu nos valeurs, nos croyances, notre façon de définir ce qui nous apparaît comme bien ou mal.
Or, le piège qui guette les parlementaires se trouve justement là, face à des questions d'ordre moral comme l'aide médicale à mourir, l'avortement ou le mariage de conjoints de même sexe. Se référer uniquement à nos propres valeurs dans le processus législatif revient à soumettre la liberté d'autrui aux exigences de la bonne conscience de chacun. Ici, ce que soulève l'aide médicale à mourir est une question insoluble devant laquelle se retrouve la pensée politique depuis l'avènement de la modernité. Cette question nous enjoint à trouver le fragile équilibre entre le pouvoir, le savoir et la liberté.
Nul n'ignore que comme parlementaires nous détenons un certain pouvoir qui nous a été octroyé par nos concitoyens. Ce pouvoir législatif fait que nous avons la possibilité de limiter les droits de nos semblables par des interdictions légales et ainsi intervenir directement sur leur liberté. Si nous détenons ce pouvoir, cela ne suppose pas nécessairement que nous avons l'ensemble des connaissances pour le mettre en application de façon juste. Ainsi, pour éviter les dérives, il faut être modeste et reconnaître que nous ne sommes pas spécialistes de tout, même si nous devons nous prononcer sur tout.
Ici, Max Weber, le père de la sociologie moderne peut être d'un précieux secours pour le législateur soucieux de faire un bon usage de son pouvoir. Dans le texte Le savant et le politique, Weber parlait de la carrière politique ainsi:
Elle procure d'abord le sentiment de la puissance. La conscience d'exercer une influence sur les autres humains, le sentiment de participer au pouvoir et surtout la conscience d'être du nombre de ceux qui tiennent en main un nerf important de l'histoire en train de se faire [...]
Dans sa grande lucidité, Weber ajoute une question qui s'applique merveilleusement bien au débat sur l'aide médicale à mourir. Il nous indique: « quel homme faut-il être pour avoir le droit d'introduire ses doigts dans les rayons de la roue de l'histoire? » Introduire ses doigts dans les rayons de la roue de l'histoire, c'est évoquer la possibilité pour le législateur de changer les orientations de la société comme ce fut le cas comme le mariage de conjoints de même sexe ou l'avortement.
Or, comment s'y prend-on pour changer les orientations de la société? Weber nous indique qu'il faut d'abord déterminer les qualités du législateur qui lui permettent d'espérer être à la hauteur du pouvoir qu'il exerce et par conséquent à la hauteur des responsabilités que ce pouvoir lui impose. Ici, Weber nous renvoie à deux qualités déterminantes qui font l'homme politique: la passion et le sentiment de la responsabilité.
Il faut entendre par passion un sujet d'objets à réaliser, c'est-à-dire le dévouement passionné à une cause. Dans mon cas et dans celui de ma formation politique, c'est l'indépendance du Québec. Dans le cas des conservateurs, qui sait, c'est peut-être l'équilibre budgétaire ou une certaine forme de conservatisme social, et, dans le cas des libéraux, le multiculturalisme et les conflits d'intérêts. C'est une blague.
Weber nous dit: attention. « [L]a passion seule si sincère soit elle ne suffit pas. Lorsqu'elle est au service d'une cause sans que nous fassions de la responsabilité correspondante l'étoile polaire qui oriente d'une façon déterminante notre activité... » Cette passion, il faut d'une certaine façon la contrôler par une forme de responsabilité.
Si Weber fait pareil mise en garde, c'est qu'il croit que le législateur doit être homme de raison. Donc l'absence de détachement de notre passion selon Weber est l'un des péchés mortels du législateur. Ce détachement fait que nous ne pouvons pas dans le cadre du projet de loi sur l'aide médicale à mourir orienter nos réflexions en fonction de tels groupes d'intérêts ou de tels groupes religieux sous prétexte qu'ils pourraient bien nous retirer leur appui. En somme, Weber nous dit que le clientélisme politique se fait au mépris du détachement, et de ce fait il nous conduit à l'impuissance politique.
Donc sur la question de l'aide médicale à mourir, il faut acquérir cette attitude de détachement au sens le plus fort du terme. Ce détachement suppose que, sur une question qui relève de la dignité humaine, les considérations partisanes et celles idéologiques soient reléguées au second plan.
L'aide médicale à mourir pose devant nous l'épineux problème de la relation entre l'éthique et le politique. D'après Weber, il ne faut pas utiliser l'éthique pour avoir raison. Selon lui, travestir l'éthique pour justifier son comportement, c'est en faire une mauvaise utilisation, ce qui nous place devant deux postures qui sont bien connues: d'un côté l'éthique de responsabilités; de l'autre côté, l'éthique de la conviction.
L'éthique de conviction est souvent celle qui se manifeste dans la croyance religieuse, dans le dogmatisme face aux idéologies. L'objectif de cette forme d'éthique est d'établir une vérité définitive qu'il faut nourrir coûte que coûte en vue d'atteindre l'objectif que l'on s'est fixé.
Weber dit: « Lorsque les conséquences d'un acte fait par pure conviction sont fâcheuses, le partisan de cette éthique n'attribuera pas la responsabilité à l'agent, mais au monde, à la sottise des hommes ou encore à la volonté de Dieu [...] » Il insiste en affirmant: « Celui qui veut le salut de son âme ou sauver celle des autres doit donc éviter les chemins de la politique qui, par vocation, cherche à accomplir d'autres tâches [...] »
De son côté, l'éthique de responsabilité nous enjoint de répondre des conséquences prévisibles de nos actes. Elle nous oblige à faire un usage responsable du pouvoir législatif que nous avons, qui surpasse nos allégeances et nos croyances personnelles. Elle suppose de prendre conscience que nous avons des devoirs collectifs et que l'intérêt général prime souvent sur les intérêts particuliers.
J'aimerais revenir brièvement sur l'éthique de responsabilité, puisque j'ai l'impression que le Québec en a fait l'expérience lors de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Mandatés par l'Assemblée nationale du Québec, les membres de la Commission ont entrepris une démarche de consultations publiques assez unique qui leur a permis de sillonner le Québec pour aller à la rencontre d'experts et de citoyens.
Le dossier a été porté par la députée Véronique Hivon, du Parti québécois. Elle a su mener les travaux de manière transparente pour aborder des questions difficiles relevant de la médecine, du droit, de la philosophie, de l'éthique, de la sociologie et de la psychologie. Les travaux de la Commission ont finalement mené à l'adoption de la Loi concernant les soins de fin de vie, en vigueur depuis le 10 décembre 2015 au Québec.
Selon moi, il y a un contraste frappant entre la démarche que fait le Québec, que l'on pourrait mettre sous la logique de l'éthique de la responsabilité, et la démarche du gouvernement fédéral. Au moment de son adoption, la loi québécoise est allée le plus loin possible tout en respectant le cadre législatif en vigueur au fédéral. Au Québec, nous avons été proactifs en entamant ce débat de société tandis que le gouvernement fédéral, jusqu'à maintenant, est plutôt à la remorque de la décision des tribunaux. C'est le fameux « gouvernement des juges ». À partir du moment où une question devient trop épineuse, on préfère la confier aux tribunaux plutôt que de se prononcer. C'est peut-être pour protéger ses croyances ou ménager la susceptibilité de certains groupes religieux que l'on fait cela. Les parlementaires ont un rôle à assumer.
Je vais maintenant revenir sur l'arrêt Carter, dans lequel la Cour suprême a infirmé la décision Rodriguez, afin de donner une plus grande place au respect de l'intégrité de la personne et de son autorité décisionnelle, ouvrant ainsi la porte à l'aide médicale à mourir.
Avant, alors que les valeurs religieuses étaient plus présentes, cette situation aurait été impossible. Dans ce cas, c'est la Cour suprême qui a fait office d'élément progressiste au sein de la société, mais on ne peut pas constamment se replier sur la Cour suprême. Cela soulève la question suivante: est-ce normal que les élus accusent un retard sur les changements sociaux et qu'il en revienne aux tribunaux de s'harmoniser à la réalité des citoyens? Ce n'est pas la première fois que les élus de la Chambre des communes se tournent vers le pouvoir judiciaire pour éviter de se mouiller, au risque de brusquer des citoyens. On n'a qu'à penser au mariage aux conjoints de même sexe.
La vérité, c'est que les enjeux de société doivent être discutés à la Chambre avec compassion. Le projet de loi fait suite à une décision de la Cour supérieure du Québec qui a donné raison à Mme Gladu et à M. Truchon, tous deux atteints de maladies dégénératives graves. Ils affirmaient que le critère de mort naturelle, raisonnable et prévisible était trop restrictif dans les deux régimes législatifs, c'est-à-dire les régimes fédéral et provincial.
Nous sommes tous animés par des convictions personnelles, mais notre réflexion doit aller au-delà de ces croyances. Nous avons le devoir d'agir avec empathie. Il faut éviter que d'autres personnes, souffrant de maladies dégénératives incurables, se voient dans l'obligation de passer par les tribunaux pour contester les modalités entourant l'administration de l'aide médicale à mourir.
Selon moi, le projet de loi C-7 permettra assurément d'élargir l'accessibilité de l'aide médicale à mourir. Il faut être soulagé qu'il y ait, dans ce projet de loi, l'exclusion de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant uniquement de maladies mentales. Je crois que tout le monde s'entend pour dire que cette question nécessite davantage de réflexion, d'études et de consultations. Toutefois, comme législateurs, il faudrait aussi aborder la question du consentement anticipé. Plusieurs personnes se trouvant en fin de vie risquent de perdre leur capacité à donner leur consentement. Il faut donc trouver un moyen de respecter leur choix.
En fin de compte, on peut dire que notre réflexion sur l'encadrement de l'aide médicale à mourir en est une qui porte sur la liberté fondamentale des citoyens de décider de leur propre condition. C'est une réflexion qui doit être guidée par notre compassion.
Je sais que certains ont exprimé des réticences à l'égard de l'aide médicale à mourir. Je ne peux qu'espérer qu'on évite d'imposer ses croyances à ceux qui souffrent déjà.
Finalement, je nous invite à nous inspirer de l'exemple québécois et à aborder cette question avec ouverture et empathie, en nous élevant au-dessus des lignes partisanes.
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Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi , un projet de loi très important qui vise à modifier les dispositions du Code criminel sur l'aide médicale à mourir.
Il m'a fallu beaucoup de temps avant de me décider à intervenir sur ce projet de loi. D'ailleurs, quand j'ai su pour la première fois qu'il serait au programme ce mois-ci, j'ai décidé que je ne participerais pas du tout au débat sur la question parce que j'ai beaucoup de difficulté à parler de ce genre de chose. Je n'arrive pas à accepter que la vie se terminera un jour, surtout la vie des personnes que j'aime le plus. En fait, je peux accepter que je vais mourir un jour, mais je ne peux tout simplement pas me résoudre au fait que je vais perdre les personnes qui me sont les plus chères.
[Français]
En écoutant certains discours de mes collègues plus tôt cette semaine, j'ai été émue aux larmes par plusieurs de ceux-ci. Ressentir des émotions fortes sur un sujet donné signifie généralement qu'on a des choses à exprimer sur ce sujet et qu'on devrait probablement en parler.
Il est important que les Canadiens et les Canadiennes sachent que, s'ils sont admissibles, ils sont autorisés depuis juin 2016 à demander l'aide médicale à mourir. Actuellement, pour être admissible à l'aide médicale à mourir, un individu doit répondre à tous les critères suivants: être âgé d'au moins 18 ans; être mentalement compétent; avoir une maladie grave et irrémédiable; faire une demande volontaire d'aide médicale à mourir sans avoir subi d'influence extérieure; et donner son consentement éclairé à recevoir l'aide médicale à mourir.
[Traduction]
En outre, pour que l'on considère qu'elles sont atteintes d'un problème de santé grave et irrémédiable, les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir doivent remplir tous les critères suivants: souffrir d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap grave, être dans un état de déclin avancé qui ne peut pas être inversé, ressentir des souffrances physiques ou mentales insupportables causées par la maladie, le handicap ou le déclin des capacités qui ne peuvent pas être atténuées dans des conditions qu'elles jugent acceptables, et, enfin, être à un point où leur mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible.
Le projet de loi propose de modifier les critères définissant les problèmes de santé graves et irrémédiables, qui déterminent l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, pour y inclure les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.
Par ailleurs, le projet de loi propose de préciser que l’aide médicale à mourir n’est pas permise lorsque la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée.
Finalement, il propose de créer deux séries de mesures de sauvegarde à respecter avant la prestation de l’aide médicale à mourir. La première série de mesures s'appliquerait aux personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible. Il s'agirait des mesures de sauvegarde en vigueur depuis 2016. La deuxième série de mesures, quant à elle, s'appliquerait aux personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, et elle inclurait à la fois des mesures de sauvegarde existantes et des mesures supplémentaires.
[Français]
Pour gagner du temps, je n'aborderai pas toutes les mesures de sauvegarde mises en place, mais seulement celles qui ont été ajoutées récemment.
La personne dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible doit discuter avec un médecin des options à sa disposition pour soulager sa souffrance. Les deux doivent convenir qu'ils ont sérieusement examiné toutes les options possibles, y compris les soins palliatifs et le soutien en santé mentale, avant de prendre la décision de demander l'aide médicale à mourir.
Deux médecins indépendants ou des infirmières praticiennes doivent fournir une évaluation et confirmer que toutes les conditions d'admissibilité sont remplies. Cette évaluation d'admissibilité doit prendre au moins 90 jours, à moins que la personne ne risque de perdre ses capacités mentales avant l'échéance de ce délai. Dans un tel cas, cette évaluation doit être prioritaire et terminée avant cette échéance.
[Traduction]
Le projet de loi vise à respecter l'autonomie personnelle et la liberté de choix de ceux qui souhaitent avoir accès à l'aide médicale à mourir tout en protégeant les personnes vulnérables et les droits à l'égalité de tous les Canadiens. Il vise à réduire les souffrances inutiles. Il s'agit d'une question profondément personnelle. De fait, nous avons constaté, lors des consultations organisées au début de l'année, que les opinions et les commentaires étaient très variés. Si beaucoup étaient totalement opposés à l'idée de l'aide médicale à mourir, d'autres, tout aussi nombreux, estimaient que les mesures de protection étaient trop restrictives et rendaient difficile à certaines personnes l'accès à l'aide médicale à mourir.
[Français]
C'est une question profondément personnelle pour toutes les personnes impliquées. Je ne crois pas que quiconque n'ayant pas fait face à la mort ou à la souffrance de fin de vie est en mesure de juger ou de déterminer si, oui ou non, cela devrait être un droit et pour qui cela doit être un droit. Nous avons tous un certain seuil de douleur que nous sommes en mesure de tolérer, mais ce seuil n'est pas le même pour tous. Il s'agit de douleurs physiques atroces. S'il s'agit de douleurs physiques atroces, qui est en mesure de dire jusqu'à quel point elles peuvent être tolérées?
[Traduction]
La mesure relative à l'aide médicale à mourir a été adoptée en 2016 dans le but de mettre un terme aux souffrances des personnes aux portes de la mort et sans aucun espoir de voir leur état de santé s'améliorer. Elle a été adoptée parce que les députés de cette chambre ont pensé que c'était la chose à faire, afin que ceux qui en ressentaient le besoin puissent s'en prévaloir. Il ne s'agit donc pas d'une obligation, mais d'un choix. Les législateurs ont, en gros, décidé que c'était la chose à faire, humainement parlant.
Si, humainement parlant, c'était la chose à faire dans le cas des gens dont la mort est raisonnablement prévisible, cela semble alors logique que les personnes qui souffrent d'une maladie et de douleurs intolérables sans que leur mort soit raisonnablement prévisible, une mort qui pourrait survenir dans les cinq ou dix années suivantes, se voient aussi accorder ce droit. Elles devraient aussi avoir accès à l'aide médicale à mourir si elles ont épuisé toutes les autres options et qu'elles se sont mises d'accord avec leurs médecins traitants.
Je l'ai dit et je le répète: nous devons absolument garder en tête que ce choix appartient à la personne qui souffre. Nous devons aussi offrir aussi à ceux, comme les médecins et les infirmiers praticiens, qui ne veulent pas aider une personne à mourir la possibilité de diriger leurs patients vers un professionnel qui est disposé à le faire à leur place. Si l'aide médicale à mourir ne cadre pas avec les valeurs et les croyances religieuses d'une personne, on ne doit pas l'obliger à passer à l'acte.
Il est absolument capital que tout le monde respecte les croyances religieuses et les valeurs de tous les Canadiens. Personnellement, je peux tout à fait concevoir que certains considèrent que les personnes qui demandent l'aide de professionnels de la santé pour mourir commettent un péché. Ces gens ont le droit d'attendre de mourir de causes naturelles si c'est ce qu'ils veulent. Dans ma propre religion, ce geste pourrait techniquement m'attirer des problèmes, mais je suis contente de savoir que, si un jour je souffre terriblement, que je n'ai aucune chance de me rétablir et que les choses peuvent seulement empirer, j'aurai au moins le choix.
L'un des députés d'en face a raconté aujourd'hui l'étonnante histoire de quelqu'un qui s'est sorti d'une situation terrible et qui est maintenant sur la voie de la guérison. Le député est reconnaissant que cette personne ait tenu bon et lutté pour survivre. Il ne faut pas oublier qu'un patient admissible à l'aide médicale à mourir doit avoir été évalué par deux médecins qui ont tous les deux conclu que son état ne s'améliorera jamais. S'il y a probabilité de guérison, le patient ne sera pas jugé admissible à l'aide médicale à mourir.
Je comprends que le projet de loi ne fasse pas l'unanimité parmi les députés et je respecte tout à fait le choix personnel de chacun, car, encore une fois, il s'agit d'une question très personnelle. Tous les députés s'efforcent de représenter leur circonscription et ses habitants de la meilleure manière possible. Je vais voter en faveur du projet de loi parce que j'estime qu'il ne m'appartient pas de priver quelqu'un du genre de soulagement offert par l'aide médicale à mourir.
:
Monsieur le Président, je suis ravie de prendre la parole au sujet du projet de loi .
Le sujet est délicat, car il fait intervenir tout un éventail d'éléments sociaux. D'abord, il y a les tabous, et les normes sociétales associées à ces tabous, entourant le fait de discuter de la mort. Ensuite, il y a les croyances religieuses, les soutiens sociaux ou le manque de soutiens sociaux pour les personnes en situation difficile ou qui risquent de mourir, l'amour, la compassion et le droit de chacun de déterminer son avenir.
J'aimerais expliquer ce que ferait le projet de loi, ce que j'entends des citoyens de ma circonscription à ce sujet, mon approche à l'égard du projet de loi et ma décision quant à la position que j'entends adopter au nom des gens que je représente.
Comme il a été mentionné dans de nombreuses interventions, ce projet de loi s'appuie sur les mesures législatives précédentes qui autorisaient l'aide médicale à mourir au Canada. Le projet de loi modifie le Code criminel afin d'abroger la disposition concernant la mort naturelle devenue prévisible. Ainsi, une mort raisonnablement prévisible ne constituera plus un critère pour accéder à l'aide médicale à mourir. Bien entendu, cette modification découle de la décision de la Cour supérieure du Québec, qui a tranché que les dispositions sur la prévisibilité raisonnable violaient les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, garantis à l'article 7 de la Charte. Le projet de loi interdira en outre l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes dont la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. Je crois comprendre que le a indiqué que cette question sera étudiée lorsque le projet de loi fera l'objet d'un examen parlementaire.
De plus, le projet de loi crée une deuxième série de mesures de sauvegarde pour les personnes souhaitant se prévaloir de l'aide médicale à mourir sans que leur mort soit raisonnablement prévisible. Par ailleurs, que la mort soit prévisible ou non, le projet de loi modifie le Code criminel de sorte qu'un seul témoin ait besoin de signer la demande d'aide médicale à mourir, au lieu des deux témoins exigés en ce moment. La période d'attente de 10 jours avant d'accéder à l'aide médicale à mourir est également éliminée pour les personnes dont la mort est prévisible. Pour celles dont la mort n'est pas prévisible, le projet de loi prévoit une période d'attente de 90 jours. On y trouve quelques autres points de détails. Le projet de loi s'inspire des mesures législatives qui ont déjà été adoptées dans cette enceinte.
Je voudrais parler de ce que j'ai entendu dans ma circonscription; j'ai des électeurs des deux camps. En effet, les avis sont partagés à peu près également, certains étant en faveur de ces changements, et d'autres s'y opposant.
Des personnes qui appuient ce projet de loi ont écrit à mon bureau pour souligner la nécessité de pouvoir exercer leur autonomie personnelle, soit le droit de chacun de déterminer son avenir dont j'ai parlé. Le droit constitutionnel d'effectuer des choix par rapport à l'accès aux médicaments et aux soins de santé de fin de vie devrait faire partie de la gamme d'options de soins de santé offerte aux Canadiens. Dans notre pays, il faut que nous ayons la possibilité de mourir dans la dignité, que nous considérions la mort comme faisant partie du processus de la vie, et que nous fassions en sorte que le continuum des soins proposés permette de mourir dans la dignité. Il est également nécessaire de normaliser la mort, de mettre fin aux préjugés qui l'entourent et de respecter le désir des personnes et des familles de mettre fin à des souffrances insupportables.
Les opposants à ce projet de loi ont parlé des personnes mineures et de celles qui souffrent de maladie mentale et se sont interrogés sur la nature du consentement dans ces cas. Certains craignent que le consentement ne soit pas clairement défini et se demandent quelle incidence cette mesure législative aurait sur le consentement dans la jurisprudence. D'autres ont parlé du respect de la vie pour des motifs religieux et du droit à la liberté de conscience des médecins. On se préoccupe également de l'élimination de la période d'attente de 10 jours et de la possibilité de permettre aux professionnels de la santé de raccourcir la période d'attente de 90 jours dans les cas où la capacité de consentir pourrait être perdue. Voilà des préoccupations que j'ai entendues.
Voici l'approche que j'ai adoptée à l'égard de cette mesure législative: en tant que membre du corps législatif, il m'incombe de veiller à ce que les Canadiens puissent utiliser leur droit de prendre des décisions en ce qui concerne leur situation médicale, peu importe mes préférences personnelles. J'appuie le renvoi de ce projet de loi au comité. Je comprends néanmoins que des amendements pourraient y être apportés.
Néanmoins, je note que certaines personnes de ma circonscription ont exprimé des réserves pertinentes à l'égard de ce projet de loi. Personnellement, je me demande entre autres si on a mis en place des mesures de soutien appropriées pour aider les gens susceptibles d'envisager le recours à l'aide médicale à mourir dans une situation où la mort n'est pas prévisible. Je parle de mesures de soutien social pour les personnes gravement handicapées. Y a-t-il des services de soutien social pour répondre aux besoins quotidiens? Qu'en est-il de la pauvreté? S'agit-il d'un déterminant de la santé mentale?
Quant aux soins palliatifs, je ne crois pas que notre pays en a fait suffisamment dans ce domaine. J'aimerais qu'on présente une mesure législative complémentaire à ce sujet afin que nous puissions être certains, en tant que société, que les gens sont en mesure d'exercer leur capacité d'agir, qu'ils ne prennent pas une décision parce qu'ils sont désespérés ou que, en tant que société, nous avons été incapables de leur procurer le soutien social adéquat.
J'aimerais aussi que le comité se penche sur le point suivant: lorsqu'une personne n'est plus capable de donner son consentement, qui décidera de ce qui constitue une souffrance intolérable? Nous devons tirer cette question au clair. Il doit y avoir des balises à ce sujet. Le Parlement doit établir une certaine orientation afin que les tribunaux n'aient pas à trancher la question un de ces jours. Comme je suis la porte-parole de mes électeurs, qu'ils soient pour ou contre cette mesure, je crois que le Parlement a un rôle à jouer, car il devrait fournir une certaine orientation aux tribunaux, et j'aimerais que le comité se penche sur certaines de ces questions.
Il y a aussi la question des personnes qui ont un problème de santé mentale, comme la dépression, et dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible. Quelle incidence ce projet de loi aura-t-il sur elles?
Pour ce qui est des mineurs matures, la détermination de leur capacité à décider eux-mêmes, sans aucune contrainte, a suscité certaines préoccupations, que je partage.
J'insiste pour dire que peu de Canadiens ont accès à des soins palliatifs au pays. Ce n'est la faute d'aucune association médicale, mais j'ai le sentiment que, dans notre société, nous consacrons souvent beaucoup de temps à obtenir un diagnostic. Nous avons passé beaucoup de temps dans cette enceinte à discuter de la notion de mourir dans la dignité, mais nous ne parlons pas de la façon de vivre dans la dignité ni du choix d'une personne de mener sa vie jusqu'à son terme naturel. Toute personne devrait avoir le choix et la possibilité de continuer de vivre sans avoir recours à l'aide médicale à mourir, en sachant que notre société prendra soin d'elle. Nous proposons donc que l'aide médicale à mourir constitue une option pour chaque patient, mais qu'il puisse aussi choisir de continuer à vivre.
Je donne cette réponse toute en nuances parce que ma propre opinion sur ce sujet a évolué au cours de mon mandat de législatrice, en raison de deux expériences très personnelles. La première expérience se rapporte à mes deux grands-mères, dont la vie s'est terminée de façon naturelle. Elles souffraient toutes les deux de démence sévère. Je ne pense pas que mes grands-mères auraient opté pour l'aide médicale à mourir en raison de leurs croyances religieuses, mais de toute façon, cette option ne leur était pas offerte à l'époque, alors je prends cela en considération.
De plus, un peu plus tôt cette année, ma belle-mère, Debbie Garner, — et elle m'a autorisée à en parler — a appris qu'elle avait un grave cancer du sein, une forme agressive. Elle lutte de toutes ses forces. Moi qui ai fait la connaissance de cette femme formidable il n'y a que quelques années, j'ai l'impression qu'on veut m'en priver trop vite. Elle fait tout ce qu'elle peut et elle lutte, mais, là où elle habite, l'option de l'aide médicale à mourir ne lui est pas offerte. Elle n'a pas la possibilité de faire respecter sa volonté comme il en est question dans le présent débat, ce qui lui cause un stress en plus. Elle fait tout ce qu'elle peut pour essayer de vaincre cette maladie, mais il y a 50 % des chances, probablement davantage compte tenu de la forme de cancer dont elle est atteinte, que le cancer se propage jusqu'à son cerveau et la laisse dans un état où elle ne souhaite manifestement pas se retrouver. Je veux m'assurer qu'on respecte la volonté des membres de ma famille comme ma grand-mère, qui aurait choisi de vivre jusqu'au bout à sa façon, et comme ma belle-mère, qui est privée du droit de choisir qu'elle souhaiterait exercer de la manière la plus appropriée qui soit.
Telle est mon approche au sujet du projet de loi. J'aimerais qu'il soit renvoyé au comité. J'aimerais que notre société veille à ce que les gens puissent exercer leur libre arbitre dans les deux cas. Ils devraient être pleinement soutenus dans leur choix s'ils décident de vivre jusqu'à la fin de leur vie naturelle ou s'ils veulent mettre fin à leur vie avec dignité et d'une manière qui tient compte de leurs croyances, de leur liberté individuelle et leur droit à l'autodétermination.
Je remercie la Chambre de m'avoir écoutée et je serai heureuse de répondre à des questions.
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Monsieur le Président, je suis très heureuse de pouvoir m'exprimer ce soir sur le projet de loi .
C'est un projet de loi qui fait beaucoup parler. C'est bien d'en parler, car c'est extrêmement important. C'est important, parce que, trop souvent, des gens malades souffrent en sachant qu'ils ne pourront jamais guérir.
J'ai longtemps été impliquée auprès de ces gens et je peux dire que lorsqu'on les connaît, lorsqu'on est au fait des préoccupations qui les touchent, lorsqu'on les aide dans leur souffrance, on les comprend beaucoup mieux. Il va sans dire que l'aide médicale à mourir relève de choix de société qui doivent être bien réfléchis et mesurés.
Je crois fermement que le gouvernement a fait ses devoirs en déposant le projet de loi C-7, lequel donne suite à une série de tables rondes avec des experts et des intervenants, ainsi qu'à plusieurs consultations publiques. Nous avions besoin de le faire après l'arrêt Truchon et Gladu de la Cour supérieure du Québec, selon lequel il est inconstitutionnel de limiter l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort est raisonnablement prévisible.
Mme Gladu et feu M. Truchon étaient tous deux atteints d'une maladie dégénérative incurable, mais n'avaient pas accès à l'aide médicale à mourir, puisque leur mort n'était ni imminente ni raisonnablement prévisible.
Le projet de loi C-7 présenté par le gouvernement propose des changements significatifs, en élargissant notamment les critères d'admissibilité aux personnes dont la mort, comme dans le cas de M. Truchon et de Mme Gladu, n'est pas raisonnablement prévisible. Il ajuste aussi les mesures de sauvegarde, en permettant entre autres de renoncer à l'exigence du consentement final. Ce sont des changements importants.
Prenons d'abord le critère de la mort raisonnablement prévisible. Plusieurs députés s'inquiètent du retrait de ce critère parce que, selon eux, l'aide médicale à mourir deviendrait trop facilement accessible. On s'inquiète aussi du fait que les personnes atteintes de maladies mentales ou souffrant d'un handicap ne soient pas bien protégées. La vie est précieuse et elle a beaucoup à offrir. J'y crois et le gouvernement y croit aussi.
Selon le projet de loi, la maladie mentale n'est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap tel qu’énuméré dans les articles. Il prévoit également que, lorsque la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée, l'aide médicale à mourir n'est pas permise. Le gouvernement sait que les meilleures solutions pour soigner des troubles mentaux sont des traitements efficaces, et que l'accent devrait donc être mis sur la bonification des mesures préventives et des ressources de soutien.
De plus, la prévisibilité raisonnable de la mort, c'est quoi? C'est l'évaluation du temps entre l'état de santé actuel d'une personne et le moment de la mort de cette dernière. Ce n'est pas quelque chose qui se mesure avec une prise de sang ou un thermomètre, mais qui exige un jugement clinique reposant sur une évaluation médicale exhaustive du patient. Il reste que c'est un exercice difficile et parfois imprécis et c'est pourquoi la modification était nécessaire.
Si l'on élargit le droit des patients de faire une demande d'aide médicale à mourir, cela ne signifie pas pour autant qu'elle sera administrée. Il n'y a pas d'automatisme entre la demande et l'administration de l'aide médicale à mourir. Même si la loi est changée par le retrait d'un critère d'accès, l'esprit dans lequel elle sera appliquée, lui, ne change pas.
Les demandes seront évaluées selon les autres critères de la loi et en fonction des nouvelles mesures de sauvegarde dont je ferai mention dans les prochaines minutes.
Le gouvernement a comme priorité l'établissement d'un équilibre entre l'autonomie des personnes admissibles, la protection des personnes vulnérables contre toute incitation à mettre fin à leur vie et la question importante de santé publique que constitue le suicide.
Nous avons à cœur la compassion et la dignité, autant pour les patients que pour le processus. Ce sont d'ailleurs ces intérêts qui ont amené le gouvernement à adopter dans la première mouture de la loi des mesures de sauvegarde permettant d'encadrer la prise de décision, de refléter l'irrévocabilité de l'acte, de mettre en place des garanties procédurales solides pour éviter les erreurs ou les abus, et de protéger les personnes vulnérables.
Toutefois, l'expérience a révélé certaines lacunes et c'est pourquoi il est proposé de modifier deux de ces mesures.
D'abord, il y a le retrait du délai de 10 jours entre le moment où la demande est signée et celui où l'aide médicale à mourir est administrée, et ce, pour les personnes dont la mort est raisonnablement prévisible. Ce délai de 10 jours prolonge indûment les souffrances. En effet, les patients qui craignent de perdre leurs capacités cognitives et de ne plus pouvoir donner leur consentement final vivent de l'angoisse. Ils peuvent même refuser de prendre leurs médicaments, et ils finissent parfois par demander l'aide médicale à mourir plus tôt.
Le stress vécu par le patient est aussi ressenti par ses proches, ce qui rend les derniers moments plus négatifs qu'ils n'ont besoin de l'être. Choisir le moment où l'on veut partir permet à la personne de partir la tête haute et de profiter positivement de la présence de ses proches. On voit tout de suite dans les yeux des gens la sérénité que leur apporte l'assurance que, quoi qu'il arrive, ils recevront l'aide médicale à mourir, tel qu'ils l'ont demandé.
Bien que la condition d'une mort naturelle raisonnablement prévisible soit supprimée comme critère d'admissibilité, elle est conservée comme moyen de déterminer quelles mesures de sauvegarde seront appliquées aux demandes d'aide médicale à mourir.
Pour les gens dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible, une période d'au moins 90 jours permet de s'assurer du consentement éclairé. Il faut valider les sources de souffrance qui poussent le patient à demander l'aide médicale à mourir. On vérifie également que la décision est prise sans aucune pression ou influence extérieure.
L'évaluation de l'ensemble de la situation clinique de la personne est effectuée avec encore plus de rigueur. Le critère de mort raisonnablement prévisible est peut-être retiré, mais cela ne veut pas nécessairement dire qu'il y a plus d'ouverture à l'aide médicale à mourir. On s'assure toujours de bien protéger le processus, nos médecins et, avant tout, les patients.
Pour avoir récemment discuté du projet de loi avec des médecins spécialisés en soins palliatifs, je peux confirmer que le délai de 10 jours influençait souvent négativement la décision d'un patient et que son retrait rendra les derniers instants plus sereins.
La deuxième mesure de sauvegarde dont je voulais parler aujourd'hui est la renonciation au consentement final.
Dans la loi actuelle, immédiatement, avant d'administrer l'aide médicale à mourir, on doit s'assurer que la personne consent expressément à la recevoir et on doit lui donner la possibilité de retirer sa demande. La modification apportée par le gouvernement fait que le consentement final peut ne pas avoir été obtenu si certaines conditions sont réunies. On parle notamment de la perte de capacités cognitives et de la signature d'une entente écrite stipulant que l'aide médicale à mourir serait administrée à une date déterminée. Une telle mesure permet aux patients de soulager leur anxiété, d'accepter la médication, de moins souffrir et de déterminer une date plus éloignée.
Il faut noter qu'il ne s'agit pas ici d'une demande anticipée, c'est-à-dire d'une demande de se prévaloir de l'aide médicale à mourir à une date future indéterminée en fonction de circonstances particulières. Ce genre de demande pourrait notamment être incluse dans un mandat de protection notarié. À ce jour, on peut, par l'intermédiaire d'un tel mandat, prévoir si on veut ou subir l'acharnement thérapeutique ou non et définir ce qu'est, selon nous, l'acharnement thérapeutique, mais on ne peut demander d'avance l'aide médicale à mourir.
C'est un concept plus complexe, car on fait ici appel à un représentant légal pour prendre une décision à la place de quelqu'un d'autre. Cette notion sera étudiée dans le cadre d'un comité parlementaire. D'autres sujets y seront aussi discutés, comme la question de l'aide médicale à mourir pour les personnes mineures.
Toutes ces modifications au critère de mort raisonnablement prévisible et tous ces ajustements aux mesures de sauvegarde sont le reflet de la volonté du gouvernement de toujours faire mieux, en vue d'avoir une société plus digne, plus libre et plus progressiste. J'invite donc les députés à voter en faveur du projet de loi.
J'aimerais terminer en citant M. Jean Truchon, aujourd'hui décédé: « je vous demande d’essayer de me comprendre et non pas de me juger. ».
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Monsieur le Président, comme toujours, je suis très honoré de prendre la parole à la Chambre, en particulier sur une question extrêmement importante.
Si le Président me le permet, je vais parler pendant quelques minutes d'une situation qui a lieu en ce moment même. J'ai appris que ce soir, des familles de la nation de Neskantaga vivant sur le territoire visé par le Traité no 9 sont évacuées parce qu'elles n'ont pas d'eau. Le fait qu'en pleine pandémie, une communauté oji-crie accepte d'être évacuée par avion vers un centre urbain montre la gravité de la situation à Neskantaga. Je pense que tous les députés de tous les partis comprendront l'importance de parler de la situation.
Une des belles choses que nous avons dites pendant la pandémie au Canada, c'est que nous sommes tous dans le même bateau, mais ce n'est pas le cas, pas au Canada. Nous n'avons jamais été dans le même bateau. Comment est-ce possible alors que la pauvreté dans laquelle vivent les Autochtones, l'humiliation au quotidien dont ils sont victimes et la négligence systémique de leurs droits à la vie et à la dignité — des droits fondamentaux que les Canadiens tiennent pour acquis — font partie intégrante de la façon dont le pays est gouverné? Aucune communauté n'a autant souffert que celle de Neskantaga. Ses habitants vivent depuis plus de 25 ans sans accès à de l'eau potable. C'est une deuxième génération qui grandit avec de l'eau insalubre.
Qu'est-ce que cela signifie? Je me souviens d'avoir fait la connaissance d'une belle jeune fille d'une communauté visée par le Traité no 9. Elle avait une magnifique chevelure noire très fournie et elle disait ne pas aimer prendre sa douche parce que l'eau provoquait la formation de cloques sur sa peau. C'est ce que doivent endurer les jeunes gens des communautés comme Neskantaga. De plus, vers 13 ou 14 ans, ils doivent quitter leur foyer parce que le gouvernement fédéral ne daigne pas leur construire une école. Ils doivent se rendre à Thunder Bay pour vivre au sein d'une culture étrangère. Nous avons entendu parler des mauvais traitements épouvantables subis par les enfants autochtones à Thunder Bay ainsi que des enfants morts dans les rivières et des agressions racistes, mais les jeunes Autochtones des communautés comme Neskantaga sont tout de même contraints de quitter leur foyer.
Nous sommes en train de tenir un débat d'une grande profondeur sur l'aide médicale à mourir. Cependant, lorsqu'on doit se rendre dans une chambre d'hôtel à Thunder Bay pour offrir ses condoléances parce qu'une belle jeune fille de Neskantaga a perdu tout espoir à 14 ans, on peut dire que le Canada fait déjà beaucoup pour aider les gens à perdre espoir et à mourir. Ce soir, à Neskantaga, après 25 ans sans eau potable, les écoles ne peuvent pas ouvrir parce qu'il n'y a pas moyen d'y avoir l'eau courante. On a dû fermer le système d'alimentation en eau. C'est l'hiver là-bas, et des aînés doivent aller chercher de l'eau à la rivière avec des seaux.
Eh oui, cela se passe vraiment au Canada en 2020. Par conséquent, quand j'entends des gens dire que nous sommes tous dans le même bateau, il faudrait qu'ils soient plus clairs en ajoutant: à l'exception des Autochtones, qui sont sans cesse relégués au bout de la file. Mes observations ne sont pas partisanes. On nous avait dit que l'eau potable serait le programme prioritaire, que les problèmes de Neskantaga seraient réglés. C'est ce que le nous avait dit. Alors que le premier ministre précédent a consacré des sommes énormes à l'eau, le gouvernement refuse de mettre en place l'infrastructure de base nécessaire à la sécurité de la communauté, c'est-à-dire des installations de pompage des eaux d'égout, des conduites d'eau et des centres de traitement de l'eau adéquats.
Dans le contexte de la crise qui sévit à Neskantaga et des dangers que courent les gens qui doivent voyager en avion en pleine pandémie, je demande aux députés d'affirmer que nous devons faire de l'accès à l'eau potable un droit humain fondamental. Il faut le faire, et dès maintenant. Le temps des belles paroles est passé, car, malgré les beaux discours du gouvernement, des gens ne peuvent même pas vivre dans leur propre communauté parce qu'ils n'ont pas d'eau. Je demande à mes collègues de collaborer avec nous pour garantir que les gens de Neskantaga pourront retourner chez eux et y retrouver de la sécurité, de la décence et de l'eau.
Il est important que la Chambre débatte de l'aide médicale à mourir. La dernière fois que nous avons eu cette conversation, nous avions un couteau sur la gorge. En effet, une décision de la cour poussait le gouvernement à agir. J'avais plusieurs réserves concernant le projet de loi précédent. Nous savions que celui-ci ne résisterait pas à une contestation judiciaire, mais le gouvernement est tout de même allé de l'avant. Et voilà qu'il faut recommencer. Nous devons unir nos efforts pour protéger certains principes fondamentaux dans la manière dont les choses iront à l'avenir.
Avant les dernières élections, j'ai travaillé sur une stratégie nationale des soins palliatifs. J'ai appris une chose, que j'ai aussi constatée avec le décès de ma merveilleuse sœur qui est décédée si jeune: la volonté de vivre est incroyablement forte. Des gens qui éprouvent des douleurs immenses ont la volonté de fonder une famille et de trouver du soutien. Le droit de mourir dans la dignité est un droit fondamental. Cela signifie, entre autres, qu'il faut avoir un système médical adéquat qui offre du soutien. Nous devons donc prévoir des dispositions en ce sens dans le projet de loi.
Les expériences vécues avec une personne en fin de vie sont toutes aussi précieuses les unes que les autres. Il s'agit de la chose la plus intime qu'une personne puisse connaître. Ces morts peuvent parfois être de bonnes morts — une mort de dignité et d'espoir, où la famille est réunie. J'ai chanté Danny Boy pour ma sœur le jour de sa mort, tandis que ma mère récitait le chapelet, car c'est ainsi que nous soulignons un décès dans notre culture. Il était pénible de voir ma sœur nous quitter, mais nous étions ensemble et c'était beau.
Il est des morts exemptes de dignité et il est des morts empreintes de souffrance. C'est à la Chambre de légiférer de manière à garantir le droit à la dignité, mais aussi de manière à ce que ceux qui font ce choix ne le fassent pas parce qu'ils s'estiment négligés ou parce qu'ils vivent dans une résidence pour aînés où les conditions de vie sont pitoyables, comme c'est arrivé aux trop nombreux aînés du Québec et de l'Ontario qui ont perdu la vie depuis le début de la pandémie. Les Canadiens ont droit à la dignité et, s'ils habitent dans un foyer spécialisé, ils doivent avoir le soutien nécessaire pour ne pas être contraints de faire ce choix.
Je suis d'accord avec mes collègues conservateurs et avec toutes les personnes à qui j'ai eu l'occasion de parler lorsque je travaillais dans le secteur des soins palliatifs: même quand ce choix devient inéluctable, personne ne souhaite avoir à le faire. Les gens veulent prévoir leur départ de manière à avoir le plus de temps possible. Cela dit, une fois qu'ils font ce choix, comme il s'agit d'un droit encadré par les tribunaux, ils doivent savoir qu'il existe une loi — et c'est là que nous entrons en scène — qui leur garantira que le processus se fera dans les règles de l'art et qui nous garantira qu'ils savent ce qu'ils font, bref, qu'ils quittent une société qui se soucie d'eux.
À ce sujet, nous avons vu qu'un nombre effarant d'aînés sont morts dans des conditions indignes. Cette situation nous a révélé que l'on n'a pas fait les investissements nécessaires dans les soins aux aînés et qu'ils ont souffert inutilement. Le fait qu'on ait dû envoyer l'armée pour empêcher des gens de mourir est signe d'une défaillance fondamentale de notre système en ce qui concerne les aînés et leur santé.
Évidemment, ce ne sont pas que des aînés qui ont à prendre cette décision. Ma sœur est morte beaucoup trop jeune. Son époux est mort à 42 ans, et c'était l'une des personnes les plus extraordinaires que j'ai connues. Les gens meurent à différents âges, parfois dans des circonstances très difficiles.
Je suis très fier de dire que nous allons appuyer le renvoi du projet de loi à un comité, car c'est pendant l'étude en comité que nous allons entendre les témoignages d'experts. Nous devons entendre leur avis. Nous devons entamer une discussion pour veiller à ce que le projet de loi que la décision de la Cour supérieure du Québec nous oblige à proposer respecte les critères de la cour et le droit à la dignité.
Comme je l'ai déjà dit, je ne crois pas que cela devrait être une question partisane où les députés des différents partis se rangent dans un camp ou dans l'autre. Nous devons chercher avant tout à protéger les droits de la personne concernée, à préserver sa dignité et à soutenir sa famille parce qu'une personne ne devrait jamais mourir seule. Elle devrait mourir au sein de sa famille et de sa communauté, ce qui peut transformer cette triste occasion en véritable moment de grâce et d'apprentissage.
Les néo-démocrates appuient le renvoi du projet de loi au comité pour que ce dernier l'étudie. Nous voulons nous assurer de bien faire les choses cette fois-ci afin de ne pas avoir à apporter encore une fois des modifications pour répondre à une décision judiciaire.
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Monsieur le Président, c'est vraiment un honneur pour moi de participer à ce débat important sur le projet de loi , aux côtés de mes collègues le et la .
Pour mettre les choses en contexte, la Cour suprême du Canada a abrogé en 2015 les dispositions du Code criminel qui prohibaient l'aide au suicide. En 2016, la loi canadienne sur l'aide médicale à mourir est entrée en vigueur. Cette loi mettait en place un régime de fin de vie qui limitait l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort était raisonnablement prévisible. Un certain nombre de critères d'admissibilité précis avaient été prévus, ainsi que des garanties procédurales.
Comme nous le savons tous, la Cour supérieure du Québec a tranché en septembre 2019 qu'il était inconstitutionnel de limiter l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort est raisonnablement prévisible. Encore une fois, le gouvernement fédéral s'est vu chargé de modifier la loi.
Au début de 2020, le gouvernement du Canada a donc tenu des consultations partout au pays. Un sondage était également accessible en ligne, auquel près de 300 000 personnes ont répondu. Les commentaires reçus étaient réfléchis, empreints de compassion et francs. À titre de ministre responsable de l'inclusion des personnes handicapées, je m'emploie à ce que celles-ci soient entendues sur cette importante question.
L'aide médicale à mourir est un enjeu qui relève des droits de la personne. Le projet de loi reconnaît l'égalité des droits à l'autonomie personnelle, et la valeur inhérente et égale de toute vie. Les défenseurs des droits des personnes handicapées se battent pour ces droits depuis longtemps. Pouvoir décider de sa propre vie est fondamental. L'histoire canadienne fourmille d'exemples où l'autonomie personnelle et l'égalité des citoyens handicapés ont été menacées, violées ou refusées. Je peux assurer à mes collègues que ces préoccupations sont une priorité dans l'élaboration de cette importante mesure législative.
Le projet de loi à l'étude reconnaît explicitement le droit à l'égalité. Le préambule fait référence à la Charte des droits et libertés, ainsi qu'aux obligations du Canada en tant que signataire de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies. Le préambule fait également la distinction entre le droit à l'égalité fondamental et les différents intérêts et valeurs sociétales pour lesquels il faut établir un équilibre, notamment en ce qui a trait au grave problème de santé publique que représente le suicide. Autrement dit, nous voulions établir clairement que l'objectif ultime de ce projet de loi est d'assurer le respect du droit à l'égalité.
Je parlerai d'un dernier aspect important du préambule qui sous-tend ce projet de loi, en l'occurrence l'importance d'adopter, à l'égard de l'inclusion des personnes handicapées, une approche fondée sur les droits de la personne. En énonçant ce principe, nous nous engageons à orienter l'élaboration et la mise en œuvre de nos systèmes, programmes et procédures en fonction du respect des droits de la personne. Cet élément est important parce que le plein exercice des droits que nous inscrivons dans la loi repose sur l'existence de systèmes et de structures qui ne créent pas d'obstacles et n'entraînent ni discrimination ni violation de ces droits.
J'ouvre ici une parenthèse pour revenir à juin 2019. C'est au cours de ce mois que la Chambre a adopté à l'unanimité la Loi canadienne sur l'accessibilité qui, à mon avis, constitue le progrès le plus considérable au chapitre des droits des personnes handicapées depuis l'adoption de la Charte. Voici quelques-uns des principes directeurs énoncés à l'article 6 de Loi canadienne sur l'accessibilité: « le droit de toute personne d'être traitée avec dignité », « le droit de toute personne d'avoir concrètement la possibilité de prendre des décisions par elle-même » et « le droit de toute personne à l'égalité des chances d'épanouissement, quels que soient ses handicaps ».
Voici un autre principe directeur: « le fait que les lois, politiques, programmes, services et structures doivent tenir compte des handicaps des personnes, des différentes façons dont elles interagissent au sein de leurs environnements ainsi que des formes multiples et intersectionnelles de discrimination et de marginalisation vécues par celles-ci ».
Ces principes doivent nous servir de guide dans le cadre des travaux importants que nous avons entrepris par suite de la décision rendue par la Cour supérieure du Québec en 2019. Comme la Chambre l'a entendu, le projet de loi propose une approche à deux volets pour l'aide médicale à mourir, les mesures de sauvegarde étant plus ou moins rigoureuses selon que la mort est raisonnablement prévisible ou non.
Les députés ont entendu parler de l'assouplissement des mesures de sauvegarde dans les cas où la mort est raisonnablement prévisible, et nous espérons que ces changements permettront d'assurer une prise de décisions dans la dignité concernant la fin de vie. Je m'attarderai maintenant au nouveau « volet », c'est-à-dire les cas où l'aide médicale à mourir serait permise même si la mort n'est pas raisonnablement prévisible. Comme je l'ai déjà mentionné, les mesures de sauvegarde dans ces cas sont plus rigoureuses. Deux médecins ou infirmières praticiennes indépendants doivent évaluer et confirmer l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, et l'un d'entre eux doit avoir une expertise à l'égard du problème de santé de la personne.
La personne qui fait la demande doit aussi être informée des moyens disponibles et appropriés pour soulager ses souffrances, c’est-à-dire les services de counselling, de soutien en matière de santé mentale et d’invalidité, les services communautaires et les soins palliatifs, et elle doit se voir offrir la possibilité de rencontrer des professionnels qui offrent ces services. La personne et son médecin doivent avoir discuté de ces mesures, et ils doivent convenir que la personne les a sérieusement envisagées.
Enfin, l’évaluation de l’admissibilité doit s’échelonner sur une période d’au moins 90 jours, à moins que la perte de capacité soit imminente.
En cherchant à élargir l’accès à l’aide médicale à mourir, comme l’a demandé la Cour, nous sommes très conscients de la nécessité que les Canadiens et les Canadiennes connaissent les options qui s’offrent à eux, de sorte que leur consentement soit éclairé et qu’ils disposent d’un véritable choix. J’ai parlé tantôt du droit à l’égalité et du droit à l’autonomie. J’ai parlé d’une approche fondée sur les droits de la personne pour l’inclusion des personnes en situation de handicap. J’ai parlé de la possibilité concrète de prendre des décisions pour soi-même et de l’égalité des chances d’épanouissement. Si nos systèmes, processus, programmes et services n’offrent pas ces options, et si nos citoyens ne savent pas qu’ils disposent de ces options, leur droit à l’égalité n’est pas exercé pleinement.
Ce projet de loi reconnaît le rôle important que jouent les services sociaux, les services de santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées et les services communautaires dans la pleine réalisation des droits à l'égalité. Il ne devrait pas être plus facile d'avoir accès à l'aide médicale à mourir qu'à des services de soutien aux personnes handicapées. Selon ce projet de loi, c'est au médecin qu'il revient de s'assurer que le patient est informé des services de soutien à sa disposition car, malheureusement, de nombreux Canadiens handicapés ne vivent pas dans la dignité. Ils ne bénéficient pas du soutien approprié. Ils sont confrontés à des obstacles à l'inclusion et sont régulièrement victimes de discrimination.
La pandémie a démontré à quel point nombre de nos systèmes sont bien loin de véritablement soutenir et inclure tous les Canadiens. Les Canadiens handicapés demandent à juste titre aux gouvernements de corriger ces inégalités, et c'est ce que nous devons faire.
Dans le récent discours du Trône, le gouvernement s'est engagé à l'égard d'un plan d'inclusion des personnes handicapées. Ce plan comprendra une nouvelle prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap, inspirée du Supplément de revenu garanti, une stratégie d'emploi, ainsi qu'une approche modernisée à l'égard de l'admissibilité aux programmes et services gouvernementaux fédéraux. Ce plan d'inclusion des personnes handicapées constitue une prochaine étape importante dans la promotion des droits et l'inclusion des personnes handicapées. Je suis impatiente d'en dire plus à la Chambre et aux Canadiens à ce sujet au cours des prochains mois.
Avant de conclure, j’aimerais mentionner qu’il faut pouvoir compter sur un solide système fédéral de surveillance et de collecte de données sur l’aide médicale à mourir. Il nous faut des données nationales fiables qui favorisent la responsabilisation et améliorent la transparence de la mise en œuvre. Honnêtement, nous devons aussi mieux comprendre qui bénéficie de l’aide médicale à mourir et pourquoi. C’est primordial pour les personnes en situation de handicap. Il est de notre devoir à tous de veiller à ce que les règlements qui découleront du projet de loi permettront une analyse complète des données.
Nous sommes saisis d'un projet de loi qui cherche à établir un équilibre entre l’accès à l’aide médicale à mourir sans obstacle indu pour les personnes qui font ce choix et les mesures de sauvegarde visant à faire en sorte que cette décision soit prise de façon véritablement éclairée et volontaire. Pour être vraiment progressistes, les mesures législatives sur l’aide médicale à mourir doivent reconnaître, sans compromis, le droit à l’égalité de tous.
Je suis heureuse d'avoir eu l’occasion de participer à ce débat.
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Monsieur le Président, aujourd'hui, nous discutons du projet de loi , la loi modifiant le Code criminel en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Bien que je sois conscient que le sujet est délicat, je tiens à préciser que je n'appuierai pas le projet de loi. J'aimerais prendre quelques minutes pour en expliquer les raisons et donner un peu de contexte aux Canadiens, en particulier aux citoyens de ma circonscription, Niagara-Ouest.
Le 6 février 2015, dans le cadre de l'affaire Carter c. Canada, la Cour suprême du Canada a déterminé que les personnes gravement malades ont le droit de demander de l'aide pour mettre fin à leurs jours. La Cour a déclaré que l'alinéa 241b) et l'article 14 du Code criminel, qui prohibent l'aide médicale à mourir, portent atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, garantis par la Charte, des personnes qui souhaitent avoir accès à l'aide à mourir.
La prise d'effet du jugement de la Cour suprême a été suspendue pendant un an afin de laisser au gouvernement le temps de promulguer une loi conciliant les droits, protégés par la Charte, des personnes, des médecins et des patients. En conséquence, le gouvernement a présenté, le 14 avril 2016, le projet de loi , lequel a reçu la sanction royale le 17 juin 2016. Depuis, l'aide médicale à mourir est légale.
L'année dernière, le 11 septembre, la Cour supérieure du Québec a conclu qu’il était inconstitutionnel de limiter l’accès à l’aide médicale à mourir aux seules personnes en fin de vie. Essentiellement, ce jugement dit que le critère du Code criminel selon lequel la mort de la personne qui demande l'aide médicale à mourir doit être raisonnablement prévisible va à l'encontre des droits et libertés garantis par la Charte. Il convient de noter que cette décision entrera en vigueur le 18 décembre 2020, à moins que la Cour n'accorde une troisième prolongation au gouvernement.
En tant que députés, notre principale priorité consiste à veiller à ce que des mesures de sauvegarde soient toujours en place pour protéger les personnes les plus vulnérables de la société. De plus, il ne faut pas oublier que nous devons respecter et accepter la liberté de conscience des médecins et des professionnels de la santé. Les médecins ont été formés pour aider les gens à rester en vie, pas pour les aider à mourir. Je pense même que nous devrions aller plus loin et prendre des mesures qui protègent la liberté de conscience de tous les professionnels de la santé.
Je suis de tout cœur avec les médecins et les fournisseurs de soins de santé qui ne veulent pas mettre de côté leurs principes éthiques fondamentaux lorsqu'ils sont au chevet de leurs patients. Je ne crois pas qu'il soit approprié d'obliger un médecin ou un fournisseur de soins de santé à participer à un suicide assisté. Je ne crois pas non plus qu'il soit approprié d'embaucher ou de renvoyer un employé selon qu'il soit disposé ou non à participer à un suicide assisté. Les médecins qui souhaitent écouter leur conscience lorsqu'il s'agit de graves questions morales devraient pouvoir le faire. Je le répète, il faut accepter et respecter la liberté de conscience des médecins et des professionnels de la santé.
La dernière fois que j'ai voté à ce sujet, il s'agissait du projet de loi . Après l'avoir examiné, j'ai déterminé qu'il ne comprenait pas suffisamment de mesures de sauvegarde à l'égard des plus vulnérables et j'ai voté contre. J'ai eu l'occasion d'examiner le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, et je ne crois toujours pas qu'il contient des mesures de sauvegarde suffisantes. Je vais donc encore voter contre.
Soyons clairs: l'aide médicale à mourir est un sujet extrêmement difficile à débattre. Cela ne fait aucun doute. C'est un sujet qui est chargé d'émotions peu importe notre point de vue sur la question, et un grand nombre de facteurs et de convictions personnelles entrent en jeu. À la Chambre, nous sommes d'accord sur bien des choses, mais nos opinions divergent fortement sur d'autres points. L'essentiel, c'est que nous nous respections mutuellement lorsque nous discutons de questions délicates, surtout celles qui portent sur la vie humaine. L'aide médicale à mourir touche certaines des personnes les plus vulnérables de notre société. C'est pourquoi il est important que nous, les représentants de ceux qui ont voté pour nous, fassions preuve du plus grand respect pour tous ceux qui expriment leur opinion sur ce sujet. Cela comprend de nombreux citoyens de ma circonscription, Niagara-Ouest, qui sont croyants et qui désapprouvent ce projet de loi.
J'aimerais attirer l'attention sur certaines données cruciales fournies par un expert qui a comparu devant la Cour supérieure du Québec dans le cadre de ce dossier. Le Dr Mark Sinyor est un psychiatre canadien largement reconnu pour son expertise et sa recherche cliniques sur la prévention du suicide. Il était le témoin expert dans cette affaire et a livré un témoignage important à la Cour supérieure du Québec.
Dans sa déclaration sous serment, qui fait 50 pages, le Dr Sinyor explique en détail pour la Cour ce qui pourrait arriver si l'aide médicale à mourir n'était pas limitée aux seules personnes en fin de vie. Il précise qu'aux termes d'une loi étendue, ce qui correspond exactement à ce que nous débattons aujourd'hui, les médecins provoqueraient un décès qui, autrement, n'est pas prévisible. C'est une réalité qui est extrêmement difficile à accepter pour de nombreux Canadiens dans l'ensemble du pays et pour beaucoup de personnes dans ma circonscription, Niagara-Ouest. C'est déjà très difficile d'aborder des sujets comme la mort planifiée légale d'une personne atteinte d'une maladie en phase terminale, mais c'est encore plus troublant, pour beaucoup d'électeurs de ma circonscription et moi-même, d'envisager des mesures qui permettraient à davantage de personnes de planifier leur mort en toute légalité.
J'aimerais maintenant revenir au Dr Sinyor.
Il parle d'un phénomène bien établi: la contagion suicidaire. Le Dr Sinyor explique que la contagion suicidaire est provoquée « par un apprentissage social selon lequel une personne vulnérable s'identifie à une autre qui a eu des pensées ou des comportements suicidaires ». Il ajoute: « Le fait d'étendre l'aide médicale à mourir aux personnes qui souffrent, mais qui ne sont pas en fin de vie, risque de mener à une augmentation de la contagion suicidaire et du taux de suicide, en plus de nuire à la prévention du suicide. »
Le Dr Sinyor souligne aussi l'ampleur des répercussions sur un grand nombre d'aînés atteints d'une maladie chronique et de jeunes gravement handicapés. Il affirme qu'ils « ont l'impression d'être un fardeau pour leurs proches et que leur mort serait préférable pour leur famille ».
Imaginons qu'un de nos amis, un proche ou un être cher se trouve dans une situation semblable et qu'il commence à penser à cette solution pour ne plus être un fardeau. Si la loi le permet, aurions-nous l'esprit plus tranquille? Je ne pense pas, non.
Je cite à nouveau le Dr Sinyor: « Le fait de normaliser le suicide en faisant de l'aide médicale à mourir une solution pour mettre fin aux souffrances des personnes qui ne sont pas en fin de vie risque d'augmenter le taux de suicide au Canada, alors que la population et les experts en santé s'entendent tous pour dire qu'il est impératif de réduire ce taux. »
Bref, le projet de loi permettrait simplement à une personne de choisir de recevoir de l'aide médicale pour mettre fin à sa vie, même si sa mort n'est pas raisonnablement prévisible. Je suis inquiet pour les personnes handicapées. Si le projet de loi est adopté, je crains qu'il leur permette de recourir à l'aide médicale à mourir parce qu'elles sont handicapées.
Michael Bach, directeur général de l'Institut de recherche et de développement sur l'intégration et la société, le confirme en déclarant que « les personnes qui ne sont pas en fin de vie pourront néanmoins accéder à de l'aide à mourir sous prétexte que leur handicap est grave et irrémédiable et qu'elles éprouvent des souffrances qu'elles trouvent intolérables ». Je crains que les personnes handicapées ne soient contraintes à mettre fin à leur vie alors qu'elles souffrent.
Michael Bach a également dit ceci: « Les stéréotypes négatifs sont une cause indéniable de désavantages et de souffrances liés au handicap. La Cour supérieure du Québec a porté un coup aux droits sociaux au Canada lorsqu'elle a invalidé le critère de fin de vie. »
Selon l'une des déclarations les plus frappantes de M. Bach sur ce sujet, la décision de la Cour « institutionnalise l'idée que le handicap peut justifier de mettre fin à une vie. Il s'agit du pire des stéréotypes ».
Je crains que le projet de loi renforce l'horrible stéréotype voulant que ce soit tellement insupportable de vivre avec un handicap que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue ou que la mort est plus souhaitable. Il faut empêcher une telle chose. Je crains aussi que la souffrance de beaucoup de ces gens ne découle pas de leur handicap, mais plutôt du manque de services et de soutien dont ils ont besoin pour vivre pleinement.
Par exemple, il y a l'histoire de Sean Tagert, un Britanno-Colombien qui était atteint de sclérose latérale amyotrophique. Sean a choisi d'avoir recours à l'aide médicale à mourir parce qu'il n'a pas pu obtenir les fonds nécessaires pour les soins dont il avait besoin 24 heures par jour pour vivre chez lui, dans sa ville, et pour élever son jeune fils. C'est une histoire déchirante. Ce jeune homme a choisi la mort parce qu'il n'a pas pu obtenir les soins adéquats pour son handicap et il a laissé un jeune enfant derrière lui.
Il est extrêmement triste d'entendre ce genre d'histoires. C'est pourquoi j'estime qu'il est essentiel de fournir des soins palliatifs de grande qualité. Les soins palliatifs sont cruciaux parce qu'ils placent les soins aux patients, et non leur mort, au cœur du débat. Les soins palliatifs permettent d'améliorer la qualité de vie, d'atténuer ou de soulager les symptômes physiques et psychologiques et de soutenir la famille et les proches des personnes atteintes de la maladie. Ils peuvent être prodigués dans divers cadres, notamment à l'hôpital, à domicile, dans un établissement de soins de longue durée ou dans un centre de soins palliatifs.
Les soins palliatifs sont axés sur le respect de la dignité et la compassion pour la vie humaine. Selon moi, c'est la bonne approche. Aucun député dans cette enceinte ne devrait sous-estimer l'importance de la question et sa complexité. Nous comprenons tous qu'elle est délicate et sensible. Nous avons tous une opinion sur le sujet et nous savons ce que pensent les électeurs de nos circonscriptions respectives. Ils nous ont élus pour les représenter, et c'est ce que nous faisons.
J'espère que nous poursuivrons l'objectif initial du projet de loi, qui est d'affirmer la valeur inhérente et l’égalité de chaque vie humaine, afin d'éviter d'alimenter des perceptions négatives sur la qualité de vie des personnes âgées, malades ou handicapées. Comme le projet de loi ne va pas dans ce sens, je vais voter contre.
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Pas de souci, monsieur le Président. Dans un contexte actuel de Parlement virtuel, l'ensemble des députés et, bien sûr, votre équipe et vous, monsieur le Président, devraient être vraiment fiers du travail accompli pour continuer à faire fonctionner le Parlement.
Je suis très heureuse de prendre la parole aujourd'hui à la Chambre au sujet du projet de loi . J'ai suivi le débat attentivement. J'avoue être très impressionnée par l'ardeur et la compassion qui transparaissent dans les propos de mes collègues, car il s'agit après tout d'un sujet particulièrement personnel qui suscite beaucoup d'émotions.
En réaction à l'arrêt de la Cour supérieure du Québec dans l'affaire Truchon, nous avons eu l'occasion d'envisager des mesures qui jouissent d'un fort appui au sein de la population. C'est pourquoi nous proposons des modifications visant à clarifier et à améliorer la législation canadienne en matière d'aide médicale à mourir en vigueur en ce moment.
Depuis que la loi a été adoptée en 2016, les Canadiens ont eu l’occasion de s’exprimer et j’ai eu l’occasion plus tôt cette année d’écouter leurs opinions et leurs idées. J'ai également écouté les praticiens qui fournissent ces services depuis quatre ans. Sur une note plus personnelle, je dois dire que j'ai été très touchée par ce que les deux groupes m'ont raconté, plus particulièrement les praticiens qui utilisent cette loi pour offrir un choix à des patients qui, bien souvent, souffrent d'une maladie terminale depuis très longtemps. Il ressort clairement de ces discussions que nous devrions tous en tant que Canadiens être fiers de la compassion et de l'expertise de ces praticiens et leur en être reconnaissants. Cependant, il en ressort clairement aussi que certains aspects de la loi actuelle pourraient être modifiés pour améliorer l'accès, protéger les personnes vulnérables et respecter la notion de choix personnel qui est à la base de la loi. Je crois que ce projet de loi garantit une approche équilibrée qui sert tous les Canadiens et les Canadiennes.
Les modifications proposées au projet de loi sont le fruit d'années d'études et de consultations. En décembre 2016, nous avons demandé au Conseil des académies canadiennes de se pencher sur trois types de demandes d'aide médicale à mourir qui ne sont actuellement pas visées par la loi: les demandes de mineurs matures, les demandes anticipées et les demandes pour lesquelles un trouble mental constitue la seule condition médicale invoquée. Dans le cadre de notre analyse, nous avons également consulté un certain nombre d'autres sources, y compris les éléments de preuve présentés au tribunal dans l'affaire Truchon ainsi que des recherches nationales et internationales.
L'aide médicale à mourir est une question complexe et profondément personnelle, comme l'ont illustré beaucoup de mes collègues dans leurs remarques. Nous savions qu'il fallait écouter les Canadiens avant de procéder à des modifications de la loi actuelle. Nous avons organisé des consultations publiques et en ligne auxquelles les Canadiens ont pu participer pour compléter les discussions entre les ministres, les experts médicaux et d'autres intervenants au Canada.
Nos principaux objectifs demeurent de protéger la sécurité des personnes vulnérables, point autour duquel beaucoup d'observations ont tourné aujourd'hui, tout en respectant l'autonomie des Canadiens, autre élément qui a été très important lors de nos consultations. C'est pourquoi le projet de loi propose une approche à deux volets relativement aux mesures de sauvegarde qui se fonde sur le critère de mort raisonnablement prévisible. Le projet de loi n'utilise plus le critère de mort naturelle raisonnablement prévisible pour déterminer l'admissibilité, mais il l'utilise pour déterminer s'il est nécessaire d'appliquer une série de mesures de sauvegarde plus rigoureuses.
Si la mort d'une personne est raisonnablement prévisible, une série de mesures de sauvegarde semblables à celles du régime actuel sera appliquée, mais, après avoir entendu les commentaires des Canadiens, qui ont déclaré que certaines des mesures initiales constituaient des obstacles pour ceux qui souhaitaient recourir à l'aide médicale à mourir, certaines des conditions ont été modifiées. J'expliquerai en détail les modifications que le projet de loi propose d'apporter aux mesures de sauvegarde dans ce cas-ci.
Pour les personnes dont la mort est raisonnablement prévisible, nous souhaitons assouplir certaines des mesures de sauvegarde existantes qui n’ont pas eu l’effet escompté. Par exemple, selon la loi en vigueur à l'heure actuelle, une période de réflexion de 10 jours est requise. Les fournisseurs de soins de santé et les membres de la famille des patients, ceux et celles qui ont vécu cette expérience et qui ont raconté l'histoire de leurs proches nous ont tous affirmé que cette mesure de sauvegarde ne faisait que prolonger les souffrances des personnes qui avaient déjà mûrement réfléchi à leur décision de demander l'aide médicale à mourir. Par conséquent, le projet de loi proposé éliminerait cette exigence.
Lors des tables rondes, nous avons aussi entendu que l'exigence de recourir à deux témoins indépendants constituait un obstacle pour les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir, surtout celles qui habitent dans un foyer de soins de longue durée ou une institution. Nous avons proposé qu'un seul témoin soit requis et que ce dernier puisse être un fournisseur de soins de santé. Les personnes responsables de procéder à l'évaluation des patients ou de leur administrer l'aide médicale à mourir ne seraient toujours pas admissibles à agir comme témoins.
Finalement, nous avons écouté les points de vue des Canadiens à propos de la renonciation au consentement final.
Selon la loi actuelle, quand une personne a demandé l'aide médicale à mourir et qu'elle y est admissible, le praticien doit, immédiatement avant de lui fournir cette aide, s'assurer qu'elle consent expressément à la recevoir. C'est ce qu'on appelle souvent le consentement final: la personne confirme ainsi une dernière fois qu'elle souhaite que l'aide médicale à mourir lui soit administrée.
Du fait de cette mesure de protection, les gens ne peuvent pas avoir accès à l'aide médicale à mourir s'ils n'ont plus la capacité de donner leur consentement final, même s'ils étaient absolument résolus et certains de leur décision lorsqu'ils avaient la capacité de décider. Cette mesure de sauvegarde a donc eu des conséquences imprévues. Ainsi, des personnes ont choisi de mettre fin à leur vie plus tôt qu'elles l'auraient souhaité parce qu'elles craignaient qu'une perte de capacité imminente les empêche ensuite de recevoir l'aide médicale à mourir.
Je sais que plusieurs députés connaissent l'histoire d'Audrey Parker et en ont parlé. Audrey, qui est morte l'an dernier, a profité de ses derniers jours pour réclamer la modification de cette partie de la loi. Dans l'une de ses dernières publications, elle disait: « La loi me force à un jonglage cruel [...] J'adorerais me rendre jusqu'à Noël mais, si je perds ma capacité décisionnelle d'ici là, je ne pourrai plus choisir de mourir dans la paix et la sérénité et, surtout, sans douleur. »
À la mémoire d'Audrey, nous proposons de permettre aux personnes dont la mort est raisonnablement prévisible, mais qui risquent de perdre la faculté de décider par elles-mêmes, la possibilité de renoncer au consentement final. Le projet de loi leur permettra ainsi d'autoriser par écrit leur médecin ou professionnel traitant à les aider à mourir à une date préétablie.
En plus d'alléger certaines mesures de sauvegarde, le projet de loi en renforcera d'autres dans les cas où la mort n'est pas raisonnablement prévisible. Nous avons entendu les intervenants et les membres du grand public qui estiment qu'en éliminant complètement le critère de prévisibilité raisonnable de la mort naturelle, on pourrait exposer certaines personnes à un risque accru. Ces gens craignent que les patients qui souffrent, mais qui ne sont pas à la fin de leur vie, fassent un choix qui ne serait pas vraiment éclairé s'ils ne sont pas au courant de tous les traitements et formes de soutien qui leur sont offerts. Même si nous jugeons important de faciliter l'accès à l'aide médicale à mourir, nous tenons aussi à protéger les personnes vulnérables.
Le projet de loi propose par exemple d'instaurer une période minimale de 90 jours pour l'évaluation des demandes d'aide médicale à mourir présentées par des patients dans la situation que je viens de décrire. Cette période leur permettrait d'explorer les options qui s'offrent à eux, d'y réfléchir et d'en discuter avec leur médecin ou professionnel traitant. Le texte prévoit aussi que les personnes qui sont dans cette situation doivent être informées qu'elles peuvent avoir accès à des services de consultation psychologique, de soutien en santé mentale ou de soutien spécialisé pour les personnes handicapées ainsi qu'à des soins palliatifs, le but étant qu'elles fassent un choix véritablement éclairé.
À la suite de la décision Truchon, certains se sont inquiétés du fait que des personnes souffrant uniquement de maladie mentale pourraient bénéficier de l'aide médicale à mourir. Selon de nombreux cliniciens, il est plus difficile de prédire l'évolution d'une maladie mentale que celle d'une maladie physique. Par conséquent, le libellé du projet de loi empêche les personnes qui souffrent uniquement d'une maladie mentale d'avoir accès à l'aide médicale à mourir. La modification proposée ne signifie pas que les personnes qui souffrent d'une maladie mentale n'y auront pas droit, mais plutôt que la maladie mentale ne peut être la seule condition médicale invoquée. Nous prévoyons que le processus d'examen parlementaire se penchera plus à fond sur la question de la maladie mentale et de l'aide médicale à mourir.
Les spécialistes reconnaissent en général que le fait d'autoriser les demandes anticipées des personnes souffrant par exemple de la maladie d'Alzheimer bien avant qu'elles n'y soient vraiment admissibles est une question extrêmement complexe et qu'il faut prendre le temps d'y réfléchir et de faire des consultations avant de l'inclure dans la loi.
Pendant les tables rondes, j'ai personnellement entendu des professionnels de la santé exprimer un certain malaise parce qu'ils se sont rendu compte que des malades, au fur et à mesure de l'évolution de leur état, n'avaient plus le même désir d'obtenir l'aide médicale à mourir qu'au moment où ils avaient reçu leur premier diagnostic. Ils en concluaient qu'il est très difficile d'évaluer ce type de demandes. Le comité d'experts sur les demandes anticipées du Conseil des académies canadiennes en arrive à la même conclusion. C'est pourquoi nous estimons que ce dossier mérite un examen parlementaire approfondi. Nous devons aborder ce sujet avec toute l'attention qu'il mérite.
Depuis l'adoption du projet de loi sur l'aide médicale à mourir en 2016, près de 14 000 Canadiens ont décidé de recourir à cette aide. On s'y attendait. Le nombre a augmenté graduellement au cours des trois dernières années, et c’est ce qui s'est passé également dans les autres pays ayant des règles semblables.
Voilà pourquoi nous proposons aussi des changements pour accroître la collecte de données afin de dresser un portrait plus complet de l'aide médicale à mourir au Canada. Le projet de loi que la Chambre étudie aujourd'hui vise à préciser le sens des dispositions législatives régissant l'aide médicale à mourir afin de tenir compte des questions et des préoccupations qu'ont soulevées les participants aux nombreuses consultations et qui portent sur la nécessité de mettre l'autonomie personnelle et la protection des personnes vulnérables au cœur de ce projet de loi.
À mon avis, le projet de loi améliorera les dispositions juridiques existantes, surtout pour les personnes dont l'état de santé les amène à prendre cette décision difficile. J'exhorte tous les députés à appuyer le projet de loi .
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Monsieur le Président, le projet de loi , qui porte sur l'aide médicale à mourir, est un projet de loi important, sensible, justifié, mais quel sujet difficile.
Je suis assez contente de prendre la parole en fin de journée, en fin de débat. Avant d'aller plus loin dans mon discours, j'aimerais me donner un peu de lumière en soulignant l'anniversaire de ma jeune et grande fille de 19 ans. L'an passé, elle a fêté ses 18 ans seule, parce que sa mère était en campagne électorale. Ce soir, elle fête ses 19 ans seule, parce que sa mère est à la Chambre des communes. Je veux lui dire que je l'aime et que je lui souhaite un très beau 19e anniversaire. Cela va nous donner de l'énergie pour la suite. En effet, cela fait du bien de désamorcer un peu le sujet et de parler de la vie.
Il y a un an, j'étais élue dans la circonscription de Beauport—Côte-de-Beaupré—Île d'Orléans—Charlevoix et je recevais un mandat très important, soit de faire résonner à la Chambre les valeurs québécoises en matière de culture, de langue, d'environnement, d'économie verte et de santé. Il y a un an, j'ignorais toutefois que j'allais me lever ici aujourd'hui et m'adresser à mes distingués collègues pour défendre le projet de loi sur l'aide médicale à mourir. Je l'avoue très sincèrement, en général, ce n'est pas un sujet sur lequel on a de la facilité à échanger.
Toutefois, un événement m'a donné le courage de m'investir en ce sens dernièrement, et c'est malgré tout avec plaisir que je vais le faire. Ce n'est pas facile comme débat, car il s'agit-là d'exercer ensemble une influence importante sur ce qui attend les courageuses personnes qui feront face à une maladie les accablant de douleur et d'inconfort sans limites et sans remède, et les vouant à un dénouement irréversible.
Pour nous aider, nous devons entre autres puiser dans notre expérience personnelle. Aussi tristes soient-elles, je vais partager quelques expériences personnelles, histoire de mettre de la vraie vie dans cet après-midi.
En tant que fille unique, j'ai accompagné mes parents dans la triste et souvent pénible traversée qui conduit à la fin de la vie. Mon père était capitaine de goélette, un petit bateau de bois, sur le Saint-Laurent. Il a navigué toute sa vie en disant que son bateau était un rafiot et que, pour naviguer, il fallait qu'il apprenne à naviguer pour ne pas se noyer.
Or, il apprenait de son pneumologue qu'il allait se noyer, que le cancer allait le noyer dans ses poumons et qu'il allait mourir étouffé. Mon père avait beaucoup de caractère et s'est dit qu'il n'avait pas travaillé toute sa vie sans se noyer pour se noyer quand il allait mourir. Il n'en était pas question. Il voulait qu'on lui trouve une solution. On lui a alors expliqué que, étonnamment, dans son cas très précis, il avait droit à un protocole médicamenteux et sédatif afin d'éviter une situation de décès imminent, une détresse respiratoire. Le matin du 12 août 2010, il a donc décidé qu'il n'en pouvait plus, que sa condition se détériorait, qu'il voulait être soulagé. Il était soulagé de savoir qu'il ne mourrait pas étouffé, puisqu'il allait recevoir le protocole le jour où il allait décider qu'il n'en pouvait plus. Il s'est éteint dans le calme et de façon sereine.
Ma petite maman a eu moins de chance. Elle a été terrassée par un cancer du pancréas. Elle a atrocement agonisé, elle était déshydratée et son ventre était perforé par la maladie. Pendant 17 jours, elle était aux soins palliatifs. Dans son cas bien précis, les soins palliatifs ne réussissaient pas à soulager sa douleur. Il n'y avait aucune possibilité d'avoir l'aide d'un protocole de détresse respiratoire. Or de la détresse, il y en avait partout, pour elle, pour moi et pour tout le personnel soignant qui l'accompagnait. Bref, il y a bien des façons de mourir, mais, dans son cas, la morphine n'a jamais été utile. Son cœur était trop bon, trop grand, et il résistait. Il a résisté beaucoup trop longtemps, beaucoup plus longtemps que les spécialistes pouvaient l'avoir prédit.
Mon expérience auprès de mes parents vaut certainement l'une ou l'autre des expériences de mes chers collègues. Pour ma part, elle m'a permis de comparer ce qu'est une mort dont on peut contrôler les étapes et les aboutissants, et une autre complètement désespérante et sans aucune avenue d'apaisement.
Je vais maintenant vous parler de mon amie Sophie, qui est décédée samedi dernier. Sophie avait 39 ans et elle était maman de deux jeunes enfants de 11 et 13 ans. Sophie était atteinte d'une vilaine maladie, la cystinose, qui l'a d'abord privée de la vue, puis de sa capacité d'avaler, puis de sa fonction rénale. Elle a d'ailleurs été greffée du rein et a eu accès à un programme de recherche américain et aux avancées potentielles de médicaments développés aux États-Unis et qui ont pu aider certaines personnes atteintes de sa maladie. Malheureusement, dans son cas, la maladie avait trop progressé. Les traitements expérimentaux ne lui auront pas servi, et cela, malgré les 100 comprimés par jour qu'elle avait à avaler pour des frais de 300 000 $ par année.
Je vous raconte son histoire, l'histoire de ma Sophie, parce qu'elle doit résonner ici aujourd'hui. Voyant récemment sa condition se détériorer, elle voulait demander l'aide médicale à mourir. Elle avait déjà entrepris les démarches et commencé à remplir ce qu'elle appelait « la grosse paperasse ». Malheureusement, malgré l'aide de ses proches et de son médecin, elle n'a pas eu le temps d'y donner suite, puisqu'elle s'est étouffée et effondrée, agonisante, devant ses jeunes enfants impuissants, terrorisés et pris au dépourvu, et qui seront traumatisés à vie par le souvenir de ces moments-là. C'était samedi dernier, à 18 h, à Québec.
Les choses auraient pu être bien différentes pour notre belle Sophie et ses deux enfants. Un accès simplifié à l'aide médicale à mourir en fonction de critères bien adaptés à sa situation aurait donné aux enfants l'occasion de faire leurs adieux à leur maman, de la prendre dans leurs bras et de l'accompagner dans un départ doux et serein. Ainsi, ils auraient gardé de la mort la perception d'un passage d'une grande tristesse, tempérée par la dignité et la paix que seule l'aide médicale à mourir peut réellement apporter dans certains cas, clairement définis par la loi et les experts quand on leur en donnera la chance.
Le projet de loi va permettre une avancée dans ce sens. Il faut éviter que d'autres personnes souffrant de maladies dégénératives ou incurables se voient dans l'obligation de passer par les tribunaux pour contester les modalités entourant l'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Ce projet de loi constitue un pas dans la bonne direction, puisqu'il abroge également l'exigence selon laquelle la mort naturelle d'une personne doit être raisonnablement prévisible pour que celle-ci soit admissible à l'aide médicale à mourir.
La complexité et la multiplicité des symptômes de la maladie de Sophie ne permettaient pas que le moment de sa mort soit raisonnablement prévisible ni de savoir laquelle de ses nombreuses incapacités la ferait mourir. Tout le monde autour d'elle reconnaissait que, pour Sophie, le seul espoir de mourir dans la dignité et sans souffrance était un accès rapide et simple à l'aide médicale à mourir après avoir obtenu un avis médical adéquat.
On ne parlera pas de l'histoire de Sophie dans les journaux ni à la télé. On en parlera peut-être un petit peu dans les médias sociaux de la famille, mais Sophie est l'exemple parfait de ce que nous n'avons pas encore réussi à faire.
Alors, au nom de tous ces malades en attente de cette aide médicale à mourir dans la dignité et la paix, je demande que chacune des personnes dont est constituée la Chambre cesse pour une fois de jouer au plus fort et de se penser plus fin que le voisin d'en face ou d'à côté, et laisse de côté les stratégies politiques qui animent souvent, ponctuent et éternisent parfois nos débats. Je demande à chacune de ces personnes de respirer un bon coup au nom de tous ceux et celles que nous n'avons pas encore aidés et qui attendent avec impatience et tellement d'espoir que notre bon jugement collectif permette d'en arriver à un consensus. C'est un exercice qui outrepasse le chassé-croisé parlementaire, c'est un exercice d'humanité et de cœur.
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Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir prendre la parole ce soir au sujet du projet de loi .
Tous les parlementaires canadiens devraient prendre très au sérieux le sens et les conséquences de cette mesure législative. Aujourd'hui, nous débattons de la façon de concilier deux intérêts divergents, soit l'autonomie individuelle et le respect du caractère sacré de la vie humaine. Nous abordons les souffrances de nos êtres chers, la dignité des personnes âgées et handicapées, ainsi que les préoccupations juridiques et éthiques qui sont inextricablement liées à l'aide médicale à mourir. Nous établissons les règles, les normes et les limites que doivent respecter les médecins et infirmiers canadiens pour pouvoir mettre fin à la vie d'un patient, à sa demande. Ce n'est pas un travail qui peut être fait à la légère. Nous ne devrions pas précipiter l'adoption d'une telle mesure législative. Or, voilà la situation fâcheuse dans laquelle se trouve le Parlement.
En 2016, le gouvernement libéral a adopté le projet de loi , qui légalisait l'aide médicale à mourir. L'an dernier, dans l'affaire Truchon c. Procureur général du Canada, la Cour supérieure du Québec a tranché qu'il était inconstitutionnel de limiter l'accessibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible. Faisant fi des demandes de mes collègues conservateurs et de nombreux groupes de défense des droits, le procureur général, à qui incombe la responsabilité de faire respecter les lois adoptées au Parlement, a choisi de ne pas interjeter appel de la décision Truchon. J'ai de la difficulté à m'expliquer comment un sujet aussi essentiel que la fin de vie n'est pas assez important pour que le gouvernement libéral porte la décision en appel. Nous aurions dû avoir obtenu des commentaires et une décision de la Cour suprême du Canada sur ce dossier.
À cause de l'inaction du gouvernement libéral, nous devons maintenant faire des pieds et des mains pour adopter une réponse législative pancanadienne avant le 18 décembre, soit la date butoir imposée par la Cour du Québec. En effet, sa déclaration d'invalidité constitutionnelle prendra effet à cette date. Je tiens à assurer à mes concitoyens de Surrey-Sud—White Rock et à tous les Canadiens qu'en tant que députée et membre du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, je défendrai leurs valeurs et croyances communes et je travaillerai sans relâche pour que les modifications proposées dans le projet de loi , et leurs conséquences, soient étudiées soigneusement malgré l'échéance de décembre qui approche à grands pas.
J'en viens maintenant à la substance du projet de loi . Je crains qu'en raison de la manière dont il est rédigé, le projet de loi ne soit trop vaste et ne comporte pas les garanties nécessaires pour protéger les populations les plus vulnérables du Canada. Soyons bien clairs. La suppression de la norme de « raisonnablement prévisible » augmente grandement le nombre de personnes admissibles à l'aide médicale à mourir. Les conditions d'admissibilité s'élargissent considérablement en vertu du projet de loi C-7. Je dirais à quiconque s'opposait initialement à l'aide médicale à mourir par peur des dérapages qu'il semble bien que nous ayons commencé à déraper. Allons-nous finir par suivre l'exemple des Pays-Bas, qui ont récemment annoncé leur intention de proposer l'aide médicale à mourir aux enfants de moins de 12 ans?
Comme l'a récemment écrit un groupe de médecins dans une lettre au lui demandant instamment de faire appel de la décision Truchon, « le Canada aura fait bien plus que permettre une décision autonome de fin de vie à la fin de la vie, allant jusqu'à permettre la mort sur demande, pour n'importe quelle raison et n'importe quand. »
Nous savons, grâce au rapport annuel de Santé Canada publié en juillet, que 2 % des personnes mortes au Canada en 2019 s'étaient prévalues de l'aide médicale à mourir.
À combien se monterait ce chiffre avec le projet de loi et combien de Canadiens seraient admissibles à l'aide médicale à mourir sans l'exigence de « raisonnablement prévisible »? Il nous faut répondre à ces deux questions.
Si le Parlement choisit vraiment de s'engager dans cette voie, il nous faut davantage de mesures de sauvegarde pour protéger les personnes les plus vulnérables, pas moins. Dans sa forme actuelle, le projet de loi redéfinit les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir et élimine certaines protections qui ont été adoptées il y a à peine quatre ans.
L'un des amendements propose d'éliminer la période de réflexion obligatoire de 10 jours. Dans la loi originale, les personnes qui présentaient une demande d'aide médicale à mourir devaient, sauf exception, attendre 10 jours après avoir soumis leur demande pour obtenir le service. Dans la plupart des cas, ce délai a un sens. Il garantit un temps de réflexion avant d'entreprendre le geste irréversible de mettre fin à sa vie.
Grâce aux rapports sur la situation des soins de fin de vie au Québec, nous savons que, depuis 2015, au Québec seulement, plus de 300 patients ont choisi de ne pas mettre fin à leur vie après avoir demandé l'aide médicale à mourir. De toute façon, la loi originale prévoit déjà des exceptions pour les personnes dont la mort est imminente et pour celles qui sont sur le point de perdre la capacité de fournir un consentement éclairé, une exigence pour obtenir l'aide médicale à mourir. Pourquoi alors veut-on supprimer la période de réflexion de 10 jours?
Le projet de loi assouplit une autre mesure de sauvegarde qui figure dans les lois précédentes, faisant passer de deux à un seul le nombre de témoins indépendants qui doivent signer et dater la demande d'aide médicale à mourir d'un patient.
Cette modification s'appliquerait désormais à une nouvelle catégorie de personnes admissibles dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible ou imminente. Contrairement aux déclarations faites à la Chambre par le député de , cela inquiète réellement beaucoup de gens.
En tant qu'avocat spécialisé en litige civil, j'ai souvent eu en main toutes sortes de documents légaux nécessitant la signature de témoins indépendants pour en assurer l'authenticité et l'intention de l'auteur: testaments, divorces, états financiers, affidavits, hypothèques, entre autres. Pour exprimer ses volontés dans un testament en Colombie-Britannique, une personne doit avoir deux témoins indépendants qui ne sont pas visés par le testament afin d'attester de l'authenticité de sa signature et de son intention au moment de la signature. Si de telles exigences existent pour protéger les volontés des gens concernant leurs biens, ne devrait-il pas aussi y en avoir pour protéger les volontés d'une personne quant au moment et au mode de son décès?
Il convient de souligner que le projet de loi prévoit une période d'évaluation de 90 jours et comprend une directive exigeant qu'on informe les demandeurs des autres traitements existants, mais ces protections suffiront-elles à protéger les plus vulnérables? Quand la période de 90 jours débute-t-elle? Est-ce que cela est consigné quelque part?
Un autre élément du projet de loi qui me pose problème est le fait qu'il permet aux patients qui pourraient perdre leur capacité de consentir avant de recevoir l'aide médicale à mourir, de donner un consentement préalable. Cela m'inquiète pour les mêmes raisons que celles que j'ai évoquées relativement à la période d'attente de 10 jours. Comme nous le savons, il arrive que les gens changent d'idée.
Au cours des dernières semaines, de nombreux groupes ont exprimé des préoccupations à propos de la décision rendue dans l'affaire Truchon. Le Conseil des Canadiens avec déficiences, l'Association canadienne pour la santé mentale et ARCH Disability Law Centre, entre autres groupes, craignent qu'en rendant admissibles à l'aide médicale à mourir les personnes handicapées dont la mort n'est pas imminente, on fasse du tort à l'ensemble des personnes handicapées en confirmant un stéréotype qui est faux, à savoir qu'une vie avec un handicap ne vaut pas la peine d'être vécue.
Il faut prendre le temps de réfléchir à cela. Les personnes qui défendent ardemment la cause des Canadiens handicapés s'inquiètent beaucoup de la direction que nous font prendre ces décisions des tribunaux et ces décisions politiques. Le gouvernement libéral continue tout de même d'aller de l'avant.
Le concept d'influence indue est toujours en vigueur. Qui sont les personnes les plus susceptibles de subir une influence et une contrainte excessives? Ce sont les personnes vulnérables. Des centaines de médecins nous ont fait part de leur préoccupation par rapport au fait que certains patients ont choisi la voie de l'aide médicale à mourir en raison de la souffrance causée par le manque de soutien approprié. Un exemple tragique nous vient de la Colombie-Britannique, où un père atteint de la maladie de Lou Gehrig a choisi d'opter pour la procédure de fin de vie parce qu'il n'a pas reçu le soutien et les ressources dont il avait si désespérément besoin.
Le gouvernement ne prête pas attention aux histoires déchirantes de ces personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique et les appels qu'elles font pour que l'on mette rapidement en place les thérapies porteuses d'espoir qui permettent de prolonger la vie, mais qui n'existent toujours pas au Canada. Le gouvernement offre-t-il à ces personnes et autres Canadiens de véritables options? Nous devons faire preuve de compassion, certes, mais la compassion prend de nombreuses formes.
Les hospices ne représentent pas une solution de rechange facilement accessible pour tous les Canadiens. Un de mes bons amis est mort il y a quelques années des suites d'un cancer du cerveau inopérable. Il était médecin. Dans son cas, il a hésité longuement entre demander l'aide médicale à mourir, ou se rendre dans un hospice. Il a finalement opté pour l'hospice parce que cette option était susceptible de prolonger sa vie de cinq mois et de passer du temps avec sa famille. Ses proches avaient fini par accepter de voir son état se détériorer parce qu'ils l'aimaient, et voulaient le soutenir, être près de lui. Toutefois, mon ami disposait véritablement de cette option.
Si nous décidons d'élargir la portée du projet de loi, le gouvernement devrait également garantir un appui solide aux personnes vulnérables et l'accès à des soins palliatifs et à des traitements prometteurs. Tout le monde est important.
Enfin, j'aimerais parler des professionnels de la santé qui seront appelés à appliquer la loi proposée. Nous saluons actuellement les médecins et le personnel infirmier pour leurs efforts inlassables en vue d'assurer la santé et la sécurité des Canadiens. Nous devrions aussi leur donner l'occasion de décider si l'aide médicale à mourir est compatible avec leur volonté et leurs convictions et veiller à ce qu'ils ne soient pas traités injustement pour avoir refusé de l'administrer.
Pour conclure, j'ai parlé à des habitants de ma circonscription qui appartiennent aux deux camps. Je demande à mes collègues de vraiment prendre le temps voulu pour étudier le projet de loi et réfléchir aux modifications proposées, surtout parce qu'elles touchent les plus vulnérables. Nous devons faire preuve de compassion, mais nous devons aussi respecter la vie humaine.