:
propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, je peux dire que je ne suis pas peu fier de présenter aujourd'hui à la Chambre le projet de loi sur une déclaration de revenus unique administrée par Québec. Je vois ce projet de loi comme un test pour le Parlement fédéral. Est-ce qu'Ottawa est capable de laisser une marge de liberté au Québec? Est-ce qu'Ottawa est capable d'ouverture à l'égard du Québec? Est-ce qu'Ottawa est capable d'accommodement raisonnable face au Québec? Ce sont les questions que pose ce projet de loi à la Chambre.
Comme l'a reconnu ce Parlement, le Québec forme une nation avec sa langue, sa culture, ses valeurs, ses façons de faire. Le drame des relations Québec-Ottawa, c'est que chaque fois que Québec demande à Ottawa un accommodement dans sa façon de faire, cela irrite Ottawa et cela traîne en longueur avec un important bras de fer. En règle générale, c'est Ottawa qui l'emporte, sinon cela traîne encore plus longtemps, parce qu'Ottawa est fâché.
La vision de ce Parlement-ci, c'est celle de la nation canadienne-anglaise. Son gouvernement, c'est d'abord celui d'Ottawa. Son credo, c'est d'avoir des politiques unilatérales, d'un océan à l'autre. Quand Québec demande son retrait d'un programme avec compensations, cela brise ce rêve canadien-anglais et cela irrite Ottawa, parce que, comme nation, le Québec veut pouvoir créer et administrer ses politiques et ses programmes à sa manière. Le gouvernement de ma nation, c'est celui qui siège à l'Assemblée nationale, à Québec.
Voici une série d'exemples d'hier et d'aujourd'hui qui illustrent mes propos.
Quand on regarde ce bras de fer, on peut penser aux dossiers comme les infrastructures, le logement social, le financement de la santé avec les normes fédérales, le déséquilibre fiscal, l'aérospatiale, le secteur manufacturier dans le cadre des traités internationaux et la pétro-devise. On pense à l'intelligence artificielle, à notre agriculture, particulièrement à la gestion de l'offre. On pense à la forêt, à notre régime forestier, à la langue, à la défense du français, notamment à l'application de la loi 101 aux entreprises sous responsabilité fédérale. On peut penser au secteur pharmaceutique du Québec, à la vision, ici, du « tout au pétrole », à notre industrie ferroviaire qui a été délaissée au profit de Siemens et des emplois en Californie, au financement de Muskrat Falls, à notre exclusion des contrats maritimes et des trois derniers accords commerciaux qui ont été conclus sur le dos de pans importants de l'économie du Québec. On peut penser à la complaisance à l'égard des géants du Web, à l'utilisation des paradis fiscaux. On peut penser à tous les problèmes avec le CRTC, les réseaux Internet et cellulaires, au dossier de la culture et les médias.
Franchement, ici, nous ne sommes pas maîtres chez nous.
Depuis les années 1980, il y a eu le rapatriement unilatéral de la Constitution, sans le Québec et contre sa volonté. Après cela, il y a eu Meech et Charlottetown. Ce sont encore des bras de fer. On peut remonter encore plus loin dans le temps, de la Conquête à l'occupation du Québec par l'armée canadienne en temps de paix, en passant par la Confédération, l'Acte d'Union, la fusion des dettes du Haut-Canada et du Bas-Canada avec son biais de représentativité en faveur du Haut-Canada. La nation québécoise, qui a été appelée un moment « canadienne », puis « canadienne-française », à une certaine époque, a systématiquement subi la volonté de la nation canadienne-anglaise, aux dépens de sa souveraineté.
C'était quelques exemples de ce drame des relations Québec-Ottawa. Je le répète: en règle générale, Ottawa refuse que le Québec fasse ou adapte ses propres politiques à sa manière. Cela fait en sorte qu'Ottawa refuse la souveraineté du peuple québécois dans le cadre de la fédération. Avec la Loi sur la clarté, Ottawa refuse net toute souveraineté du peuple québécois. C'est nier le droit d'un peuple à sa souveraineté et à son autodétermination, en 2020. Bienvenue au Canada.
C’est dans ce cadre-là que s'inscrit le projet de loi sur la déclaration revenu unique, administrée par le Québec. Ici, on ne parle pas d'une révolution. Il s'agit d'un simple accommodement pour faciliter la vie des gens et des entreprises du Québec: produire une déclaration plutôt que deux, ne pas faire le travail en double, c'est tout.
C'est un projet de loi qui fait consensus au Québec. L'Assemblée nationale s'est unanimement exprimée en sa faveur. Tous les partis, Coalition Avenir Québec, Parti libéral, Parti québécois, Québec solidaire, ont dit qu'ils étaient pour cela. Après cela, le premier ministre François Legault de l'Assemblée nationale l'a formellement demandé au premier ministre qui siège ici à la Chambre.
C'est la même chose quand on regarde les sondages. Une écrasante majorité de la population québécoise appuie ce projet de loi. Tout le Québec inc. l'appuie. On pense aux chambres de commerce, au Conseil du patronat du Québec, aux représentants des entreprises indépendantes, à l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, et ainsi de suite. C'est la même chose quand on regarde du côté syndical. Le Syndicat de la fonction publique du Québec le demande depuis quelques années et a eu l'appui de la Centrale des syndicats du Québec. Ce n'est pas rien. Le projet de loi est bon pour les Québécois.
L'Institut de recherche sur l'autodétermination des peuples et les indépendances nationales a fait des études là-dessus et il conclut que le projet visant à ce qu'il y ait une seule déclaration au lieu de deux générerait des économies annuelles de 425 millions de dollars. On parle de 39 millions de dollars pour les particuliers, de 99 millions de dollars pour les entreprises et d'une économie de 287 millions de dollars en frais de dédoublement bureaucratique. On ne dit pas que les fonctionnaires du fédéral font un moins bon travail que ceux du Québec, c'est qu'ils font deux fois la même chose. Nos impôts servent à payer deux fois la même chose, franchement!
Un élément hyper important de ce projet de loi, tel qu'il est présenté et formulé, c'est qu'il permettrait à Québec de lutter contre les paradis fiscaux d'une manière autonome plutôt que d'être à la remorque d'Ottawa, qui de toute évidence ne fait rien. C'est un projet de loi assez simple qui n’a rien de révolutionnaire. Il s'inscrit dans le respect de la nation québécoise et fait gagner du temps et de l'argent à tout le monde.
Quand on leur a soumis l'idée, les libéraux ont demandé pourquoi on ne confierait pas son administration à Ottawa. Encore une fois, on décèle ici la volonté de la nation canadienne-anglaise d'imposer ses façons de faire unilatéralement et de refuser tout accommodement au Québec. D'abord, l'impôt ne relève pas des compétences d'Ottawa, mais du Québec, si on regarde cela tout simplement. Toutefois, c'est surtout par souci d'efficacité.
Après des années de négociations, Québec a réussi à conclure une entente avec Ottawa pour la perception des taxes de vente auprès des entreprises. Cela fait quasiment 30 ans. Avant, Ottawa percevait sa TPS et le Québec, sa TVQ. Depuis 30 ans, Revenu Québec perçoit la TPS et la TVQ en même temps. Cela fait beaucoup moins de paperasse pour les entreprises et cela génère d'importantes économies. L'avantage, c'est que Revenu Québec est présent dans chaque région du Québec et cela fonctionne bien. C'est un succès et personne ne s'en plaint.
L'idée saugrenue qui nous a été présentée, celle de laisser l'impôt à Ottawa et les taxes à Québec, serait complètement illogique. Cela ne réglerait pas du tout les dédoublements administratifs. Si on veut de l'efficacité, tout doit être perçu par la même instance, en l'occurrence, par Revenu Québec. Les taxes et les impôts des entreprises, les impôts de leurs employés aussi, doivent tous être au même endroit sinon il faudrait que Québec et Ottawa se parlent pour savoir si l'un ou l'autre a bien perçu tel ou tel montant. On est encore dans les dédoublements; on ne veut pas replonger dans les dédoublements.
L'idée d'une seule déclaration de revenu administrée par le Québec n'est pas nouvelle. Je donne un exemple. En 2004, il y a 16 ans, le ministre des Finances du gouvernement libéral à Québec, Yves Séguin, affirmait ceci: « Il n'y a pas de raison pour qu'on maintienne en concurrence deux systèmes de perception. » C'était un ministre des Finances libéral à Québec qui était fédéraliste. Il disait aussi: « La vraie administration fiscale la plus installée au Québec, c'est Revenu Québec. » C'est d'une logique implacable.
Comme j'en parlais tantôt, le 17 janvier 2019, le premier ministre du Québec, François Legault, reprenait la résolution unanime de l'Assemblée nationale et en faisait, pour la première fois, une demande formelle du gouvernement du Québec auprès d'Ottawa. Ce projet de loi, c'est enfin l'occasion de dire oui au Québec, pour une fois. C'est toute une occasion.
J'aimerais faire une parenthèse ou aborder un autre sujet. Je tiens à rassurer les employés de l'Agence du revenu du Canada qui sont au Québec. Nous avons rédigé le projet de loi de façon à protéger tous les emplois au Québec. C'est l'esprit du projet de loi et c'est notre volonté. Je me suis rendu à Jonquière pour rencontrer les employés de l'Agence du revenu du Canada. J'ai été en contact avec des employés de Shawinigan. C'est vraiment notre intention.
Le Québec n'a pas sa juste part de fonctionnaires fédéraux au Québec. Le Bloc québécois va continuer à demander justice à cet égard.
Évidemment, le projet de loi vise à éviter les dédoublements inutiles. Pourquoi payer deux personnes qui font le même travail au lieu d'une seule personne? On propose de réaffecter les emplois en les maintenant en région.
Je tiens aussi à rappeler qu'une déclaration de revenus unique ne fera pas que l'Agence du revenu du Canada au Québec va disparaître. Par exemple, les 1 300 employés de l'Agence à Shawinigan ne traitent pas les déclarations de revenus; ces employés font diverses tâches administratives liées au fonctionnement du ministère. Il n'y a rien qui interdit que les employés continuent à faire le même travail.
Même lorsque Revenu Québec sera responsable du traitement des déclarations de revenus et de la perception de l'impôt, le gouvernement fédéral continuera à maintenir le registre des 7 millions de contribuables québécois et de leurs données fiscales. L'Agence devra affecter plus d'employés aux relations avec Revenu Québec pour veiller à ce que les sommes transmises correspondent bien à l'impôt perçu, contribuable par contribuable. L'Agence continuera à verser aux contribuables québécois les crédits d'impôt auxquels ils ont droit, comme la prestation fiscale pour enfants ou le crédit pour l'achat d'une voiture électrique. C'est le genre de travail qui peut être fait à partir du centre de Jonquière.
Que l'on s'entende bien: l'idée est d'éviter les dédoublements. Il y a tellement de besoins dans la fonction publique, et celle-ci est tellement concentrée à Ottawa, qu'il y a de l'espace pour protéger tous les emplois. Les emplois sont importants en région.
On s'attend à ce que Revenu Québec embauche plus de gens pour gérer la nouvelle déclaration, mais surtout — et c'est un élément intéressant — la création d'une nouvelle division de la fiscalité internationale, une compétence qui échappe en bonne partie au Québec actuellement et qui lui permettrait de lutter contre les paradis fiscaux. C'est un élément extrêmement important.
On va assister à une nette intensification des relations entre Revenu Québec et le gouvernement fédéral pour transmettre à Ottawa les données fiscales et les impôts perçus.
Comme je le disais, l'appareil administratif fédéral est très concentré. Par exemple, Ottawa compte 50 % de fonctionnaires fédéraux de plus que le Québec au complet, même quand on compte les fonctionnaires à Gatineau. Cela n'a pas de bon sens qu'il y ait une telle concentration. Il n'est pas étonnant que les programmes fédéraux soient si mal adaptés aux réalités régionales. Ces programmes sont loin du monde.
Pour résumer, nous discutons actuellement d'un projet de loi simple. Il y a deux déclarations de revenus et nous voulons qu'il n'y en ait qu'une. Cela simplifie la vie des gens et entreprises. Cela permet d'épargner 425 millions de dollars par année en évitant notamment des dédoublements pour les individus, les entreprises et l'appareil administratif.
C'est un projet qui fait consensus au Québec et à l'Assemblée nationale. C'est un projet de loi qui permet à Québec de lutter plus efficacement contre l'utilisation des paradis fiscaux. C'est un projet de loi qui protège les employés de l'Agence. On l'a rédigé comme cela. La question est de savoir si le gouvernement canadien va encore une fois voter contre le désir légitime de ma nation. Eh bien, le débat est lancé.
:
Monsieur le Président, je suis heureuse de participer aujourd'hui au débat du projet de loi émanant d'un député.
Ce projet de loi a été déposé par mon collègue le député de après l'adoption unanime par l'Assemblée nationale du Québec, le 15 mai 2018, d'une motion demandant au gouvernement fédéral de permettre à la province de Québec d'administrer une seule déclaration de revenus.
L'objectif du projet de loi est d'autoriser la à conclure un accord avec le gouvernement d'une province afin que celui-ci puisse percevoir l'impôt fédéral sur le revenu des particuliers et des sociétés au nom du gouvernement fédéral.
De prime abord, l'intention de cette proposition est attrayante. Non seulement l'idée d'une seule déclaration de revenus est attrayante pour ceux qui doivent en déposer deux, mais une déclaration unique peut également être plus efficace sur le plan administratif pour les gouvernements et plus rentable pour les contribuables.
C'est pourquoi nous avons des accords de perception fiscale, ou APF, entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires. En vertu de ces accords, le gouvernement fédéral perçoit et gère l'impôt sur le revenu pour toutes les provinces et tous les territoires, à l'exception du Québec pour ce qui est de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés, et de l'Alberta pour ce qui est de l'impôt sur le revenu des sociétés. C'est uniquement dans ces deux provinces que les contribuables concernés doivent traiter avec deux administrateurs fiscaux.
Comme je l'ai dit, devoir ne traiter qu'avec un seul administrateur fiscal serait attrayant pour ces contribuables. La question est de savoir comment nous pouvons y parvenir d'une manière qui mène à la fois à un seul administrateur et à des gains d'efficacité administrative comme dans le cadre des APF existants.
Les Canadiens s'attendent à ce que leur gouvernement gère les programmes de manière équitable, efficace et rentable. C'est à cet égard que le projet de loi C-224 mérite une évaluation attentive.
L'une des considérations à retenir est le fait que le projet de loi C-224 représenterait probablement des coûts totaux plus élevés pour les contribuables canadiens. Les APF existants mènent à des économies pour les contribuables, car, en transférant l'administration de plusieurs provinces et territoires à un seul administrateur fiscal — le gouvernement fédéral —, ils créent des économies d'échelle et réduisent les coûts administratifs par contribuable.
Aller dans la mauvaise direction, tel que le propose le projet de loi C-224, aurait l'effet inverse. La structure des coûts de l'administration fiscale est largement dominée par des investissements dans les coûts fixes de l'infrastructure technologique. L'administration de l'impôt fédéral sur le revenu par la province de Québec n'aiderait pas à réduire ces coûts fixes dans la province, car ils devraient toujours être assurés à la fois par l'Agence du revenu du Canada et par Revenu Québec.
Comme le premier ministre du Québec l'a clairement indiqué, son gouvernement demanderait le remboursement des coûts liés à l'administration de l'impôt fédéral sur le revenu. Il est toutefois difficile à ce stade d'estimer les répercussions globales des coûts sur le gouvernement fédéral puisqu'elles dépendent de la portée des programmes fiscaux transférés à un gouvernement provincial et du résultat des négociations sur différentes questions.
Le projet de loi C-224 réduirait également l'uniformité de l'administration fiscale à l'échelle nationale. Ce faisant, il réduirait la capacité de l'Agence du revenu du Canada de répondre rapidement et efficacement aux défis logistiques majeurs au niveau national, tel le déploiement des mesures d'urgence nécessaires pour soutenir les Canadiens lors d'une crise comme la pandémie de la COVID-19.
Il aurait également des conséquences négatives pour les employés de l'Agence du revenu du Canada qui travaillent au Québec et à l'extérieur. Au Québec, de 4 800 à 5 500 employés relèvent de 14 bureaux provinciaux de l'ARC selon la période de l'année — par exemple pendant la période occupée des impôts —, dont environ 60 % sont des femmes. Changer leur situation d'emploi, comme le ferait inévitablement le projet de loi C-224, aurait des répercussions sur les plans personnel et communautaire.
De plus, ce projet de loi exige que des mesures d'atténuation des impôts liés à l'emploi soient mises en œuvre et ces coûts pourraient être considérables.
Le projet de loi remettrait également en question de la capacité du Canada à respecter ses obligations dans le cadre des conventions et accords fiscaux internationaux actuels qui précisent que le ministre du Revenu national est l'autorité compétente du Canada. Nos partenaires internationaux pourraient ne pas accepter de modifier ces accords ou ne seraient peut-être pas prêts à intégrer leurs opérations à deux ou à plusieurs administrations fiscales distinctes.
Le Canada a plus de 100 accords fiscaux de ce type et leur renégociation pourrait prendre des années et exiger des ressources considérables. De plus, si le Canada n'avait plus accès aux renseignements fiscaux des citoyens des provinces, cela pourrait nuire à sa capacité de lutter contre les fraudes fiscales internationales, une priorité importante pour notre gouvernement et pour les Canadiens.
Le projet de loi pourrait également ouvrir la porte à des demandes similaires d'autres provinces qui pourraient être particulièrement intéressées par un tel modèle si le gouvernement fédéral devait couvrir les coûts provinciaux d'administration des impôts fédéraux. Ceci entraînerait des défis similaires à plus grande échelle et augmenterait les coûts d'administration par contribuable.
En conclusion, les Canadiens s'attendent à ce que nous tenions compte de toutes ces considérations importantes. Notre gouvernement demeure ouvert à l'amélioration de l'administration fiscale au Québec afin d'assurer les meilleurs résultats possible pour les Canadiens au chapitre de l'équité, de l'efficacité et de la valeur pour les contribuables et les gouvernements, y compris ceux du Québec.
Nous continuerons de travailler avec Revenu Québec, avec lequel nous collaborons depuis longtemps, pour trouver des moyens de simplifier la déclaration de revenus et le fardeau d'observation des contribuables québécois. Cela assurera une meilleure harmonisation de nos administrations fiscales respectives et facilitera la préparation de la déclaration de revenus des contribuables québécois. Nous sommes toujours prêts à améliorer la situation.
:
Monsieur le Président, c'est à mon tour de me lever pour parler du projet de loi .
J'aimerais d'abord faire le point sur ce que nous voulons obtenir aujourd'hui à la Chambre pour les Québécois et les Québécoises. L'objectif est simple.
Les Québécois et les Québécoises doivent produire deux déclarations de revenus. Qu'il s'agisse de particuliers ou d'entreprises, ils doivent produire une déclaration de revenus pour Québec et une autre pour Ottawa. Cela ne fait le bonheur que des comptables, qui sont les seuls à être contents puisque ce sont les seuls à se mettre de l'argent dans les poches à cause de cela.
Avant d'entendre le discours de mon collègue, j'étais persuadé que j'allais appuyer le projet de loi sans réserve. Cependant, certains propos de mon collègue m'ont déçu. Il semble confondre « Ottawa » et « libéraux ». Il dit qu'Ottawa a fait plusieurs choses, qu'Ottawa est centralisateur, qu'Ottawa est ceci ou cela. En fait, ce sont les libéraux qui sont comme cela.
Le gouvernement de M. Harper a reconnu la nation québécoise. Nous avons donné un siège au Québec à l'UNESCO. Nous sommes prêts à reconnaître les champs de compétence provinciale. Nous sommes prêts à donner au Québec les moyens d'aller plus loin dans le système actuel, ce que, de toute évidence, les libéraux — que mon collègue confond avec Ottawa — ne font pas.
Je pense qu'il est important de faire la nuance pour que je puisse appuyer le projet de loi . Je ne veux pas me montrer querelleur ni faire de chicane ou soulever toutes les pierres. Il ne faut pas faire cela aujourd'hui. Nous travaillons pour les Québécois et les Québécoises afin de simplifier leur vie et de réduire la paperasse.
Il y a quelques instants, les libéraux ont dit que l'Agence du revenu du Canada n'aurait pas pu répondre aux citoyens comme elle l'a fait pendant la pandémie si elle n'avait pas géré les déclarations de revenus du Québec. C'est venu me chercher.
Il y a deux semaines, l'Agence du revenu du Canada a envoyé une lettre aux citoyens et aux citoyennes de chez nous pour leur dire qu'ils avaient peut-être été victimes de fraude et qu'ils devaient appeler tel numéro. Or, quand les citoyens appellent ce numéro de l'ARC, il n'y a pas de réponse. L'ARC avise les citoyens qu'ils ont peut-être été victimes d'une fraude, leur demande de l'appeler pour les rassurer, mais ne répond pas. Si c'est le seul argument pour ne pas avoir une déclaration de revenus unique au Québec, nous ne sommes pas couchés.
Le projet de loi de mon collègue est simple et comprend deux grands éléments. Premièrement, il veut modifier la législation actuelle pour permettre au Québec d'offrir aux Québécois et aux Québécoises la possibilité de ne produire qu'une seule déclaration de revenus. Deuxièmement, et c'est très important, il demande que des négociations s'amorcent entre les deux paliers de gouvernement pour que nous puissions y arriver. C'est simple.
Il suffit de négocier. Si les libéraux ne sont pas contents après les négociations, c'est fini et nous arrêtons là. Cependant, pourquoi n'allons-nous pas plus loin? Pourquoi ne permettons-nous pas aux négociations de commencer dans ce projet de loi? C'est ainsi que je vois ce projet de loi: il ouvre une porte afin que le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral puissent, ensemble, tenter d'atteindre l'objectif d'une déclaration de revenus unique pour les Québécois.
Moi, j'y crois. Beaucoup de Québécois y croient. Les conservateurs y croient depuis longtemps. Ce n'est pas la première fois que la Chambre a l'occasion de débattre de la production d'une seule déclaration de revenus pour les Québécois.
Le Parti conservateur a une position très claire, surtout depuis la première réunion de notre caucus national à Saint-Hyacinthe en mai 2018. Tous les membres québécois du caucus ont voté en faveur de l'instauration d'une déclaration de revenus unique. Le 15 mai 2018, l'Assemblée nationale du Québec a voté unanimement en faveur d'une déclaration de revenus unique pour les Québécois. En août 2018, lors de la tenue de notre conseil national à Halifax, tous les conservateurs canadiens ont dit que le Québec devrait être capable d'avoir sa déclaration de revenus unique. Près de 3 000 membres du parti ont dit de façon presque unanime — à 90 % — qu'ils étaient d'accord que nous amorcions des négociations entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec pour que les Québécois puissent produire une déclaration de revenus unique.
Ce qui a amené, le 5 février 2019, mon collègue et député de , que j'apprécie beaucoup, à déposer une motion la Chambre qui ressemble un peu à celle qui est aujourd'hui devant nous. La motion était la suivante:
a) la Chambre éprouve un profond respect pour les compétences provinciales et une grande confiance à l'égard des institutions provinciales;
b) les Québécois sont tenus de remplir et de soumettre deux déclarations d'impôt, l'une fédérale et l'autre provinciale;
c) la Chambre souscrit à la réduction des formalités administratives et de la paperasse inutile pour améliorer la qualité de vie des familles;
C'était le but ultime. Je poursuis:
la Chambre demande au gouvernement de travailler de concert avec le gouvernement du Québec pour mettre en place une déclaration d'impôt unique au Québec, conformément à la motion adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec le 15 mai 2018.
Le résultat du vote a été que nous avons perdu le vote sur cette motion, mais il est intéressant de savoir comment les députés de la Chambre avaient voté, notamment les députés du Québec: 19 députés ont voté pour la motion et 45 députés ont voté contre. Ces 19 députés étaient les députés conservateurs du Québec et les députés du Bloc québécois. Le NPD a voté contre. Pourtant, le NPD avait dit dans sa grande Déclaration de Sherbrooke qu'il allait donner une déclaration de revenus unique aux Québécois.
Après l'élection d'un nouveau chef, c'était fini. Il n'y avait plus de déclaration de revenus unique pour les Québécois et le NPD était passé à autre chose. Cela s'est terminé comme cela. Aujourd'hui, on a encore entendu le représentant du NPD hésiter en disant que c'était à cause des emplois et tout le reste. C'était pourtant dans la Déclaration de Sherbrooke. C'était clair que le NPD voulait une déclaration de revenus unique.
Cependant, ce qui m'inquiète, ce sont les députés libéraux du Québec. Pourquoi ont-ils voté contre la motion et pourquoi s'apprêtent-ils encore, à ce que je peux comprendre, à voter contre le projet de loi de mon collègue pour la production d'une déclaration de revenus unique au Québec? Ne veulent-ils pas simplifier la paperasse? Ne veulent-ils pas faciliter la vie des Québécois? Quel est le problème?
Le projet de loi est très simple. On amorce des discussions. Je pense que c'est ce qu'il faut faire. Il faut donner l'occasion aux discussions de se faire. On ne va pas me faire croire que l'on n'est pas capable, en 2020, de s'entendre entre deux gouvernements pour qu'il n'y ait qu'un seul document à remplir. Je pense que c'est très facile à faire. Le Québec demande de le faire. On doit donc permettre que cette négociation se fasse. Le Québec est assez grand et assez mature pour être capable de le faire.
Ironiquement, lorsque j'ai regardé le résultat du vote, j'ai été un peu surpris. Les seuls députés des autres provinces qui ont voté pour notre motion sur la déclaration de revenus unique au Québec ont été ceux de l'Alberta et de la Saskatchewan. Je remercie mes collègues qui ont voté en faveur. C'était très gentil. Ici, à cause des votes du NPD et des libéraux, la motion pour établir une déclaration de revenus unique au Québec a été défaite.
Au Québec, il y a unanimité de la part des représentants des entreprises, ainsi que des Québécois et des Québécoises. Notre grande tournée l'a démontré. Nous voulons simplifier les choses pour les Québécois et les Québécoises.
Aujourd'hui, je pense que l'on est capable de s'entendre entre deux paliers de gouvernement. On a prouvé, avec la perception de la TPS, que l'on est capable d'avoir des ententes administratives entre deux paliers de gouvernement pour que cela fonctionne. Il n'y a pas besoin d'avoir peur que le Québec n'envoie pas l'argent à Ottawa. L'argent de la TPS est toujours arrivé à Ottawa. On fait une entente administrative.
Quand on parle des traités internationaux, tout dépend du type d'entente que l'on fait avec le Québec. On ne veut pas donner le pouvoir de taxation d'Ottawa à Québec. On veut simplement permettre à Québec de dire à Ottawa qu'il a envoyé le document aux citoyens en son nom, transmettre ce qu'ils ont dit et lui présenter le chèque qui va avec. C'est la production d'une déclaration de revenus unique pour les Québécois et les Québécoises. C'est aussi simple que cela.
J'espère que cette fois-ci les gens de l'autre côté et les gens du NPD vont suivre la Déclaration de Sherbrooke, pour une fois, parce que, dans ce projet de loi, il est écrit que cela va préserver les emplois. Ils nous avaient dit que si nous avions accepté de modifier la motion pour dire que les emplois seraient préservés, ils auraient voté pour. Maintenant, c'est dans le projet de loi C-224. Ils n'ont pas le choix.
:
Monsieur le Président, je remercie mon collègue de la précision qu'il a apportée à la fin de son discours. À l'époque, en 2019, le NPD avait refusé la motion parce que les conservateurs avaient refusé l'amendement de notre ancien collègue néo-démocrate de Sherbrooke, qui visait à obtenir quelque chose de très clair pour le maintien et la garantie des emplois. Je pense que c'est important de le mentionner. Je reviendrai plus tard sur la question des emplois.
J'aimerais revenir sur l'historique du régime fiscal au sein du régime fédéral. À part l'exception de 1917-1918, années durant lesquelles l'impôt servait à l'effort de guerre, la taxation était historiquement un champ de compétence des provinces. Le gouvernement fédéral en a pris le contrôle en 1942. Ce devait être une étape temporaire pour financer un autre effort de guerre. À deux reprises, c'est à cause des grandes guerres qu'il y a eu un changement du rôle des gouvernements centraux et des provinces en ce qui concerne la taxation et la perception de l'impôt, notamment l'impôt des particuliers.
Ce qui suit ne va évidemment étonner personne: après la Seconde Guerre mondiale, Ottawa n'a pas remis la taxation aux provinces et l'a conservée jusqu'à ce qu'il y ait une entente entre St-Laurent et Duplessis, en 1955. Ces derniers ont conclu un accord selon lequel le Québec pourrait percevoir l'impôt de ses propres citoyens et faire en sorte que les contribuables québécois ne paient pas davantage d'impôt que les autres Canadiens. Il y a donc eu, à ce moment-là, une négociation et un équilibre.
Par la suite, beaucoup de gens ont demandé qu'il y ait une déclaration de revenus unique, parce que les Québécois et les Québécoises sont un peu pénalisés. Ce sont les seuls contribuables au sein de la fédération qui doivent remplir deux déclarations de revenus alors qu'on pourrait simplifier tout cela. Je reviendrai sur l'effet réel de cette simplification à la fin de mon discours.
Prenant acte de cette volonté, le NPD, lors de son congrès fédéral à Ottawa en 2018, a adopté une résolution. Un peu comme chez nos amis conservateurs, cette motion a obtenu l'appui de la majorité, qui était en faveur d'une déclaration de revenus unique, gérée par le gouvernement du Québec, pour les Québécois et les Québécoises. C'est important de noter qu'elle serait gérée par le gouvernement du Québec.
Oui, on avait adopté la Déclaration de Sherbrooke, qui reconnaissait que le Québec est une nation; que les choses se font différemment au Québec, à cause de l'histoire, de la langue et de la culture; que le Québec est capable de faire les choses différemment; et que ce qui est offert au Québec n'est pas nécessairement offert aux autres provinces. C'est une notion importante.
Selon le NPD, la notion de fédéralisme asymétrique est basée sur la reconnaissance de la nation québécoise. C'est unique et c'est particulier. C'est aussi pour cette raison que, dans la Déclaration de Sherbrooke, se trouve le principe de retrait avec pleine compensation en cas de nouveaux programmes fédéraux, ce qui est important pour le Québec. Cette notion de retrait avec pleine compensation n'est offerte qu'au Québec, et pas à l'ensemble des provinces.
Par exemple, s'il y avait un nouveau programme d'assurance-médicaments public et universel, le Québec aurait une possibilité de retrait avec pleine compensation. Il pourrait garder son régime hybride, bien que celui-ci devrait être amélioré, selon moi. Le NPD est le premier parti pancanadien à avoir adopté la notion d'une déclaration de revenus unique. Je pense que c'était un aspect important de la démarche qu'avait entamée Jack Layton, qu'avait poursuivie Thomas Mulcair et que poursuit le chef actuel du NPD, soit le député de .
Pour ceux que cela intéresse, la résolution qui a été adoptée incluait deux « Il est résolu que ». Le deuxième est aussi important. Selon celui-ci, le transfert, cette compétence qui serait donnée exclusivement au gouvernement du Québec, ne doit pas se faire sur le dos des travailleurs et des travailleuses et des gens de la fonction publique. C'est à ce moment que nous avons entrepris une démarche de consultation, de mains tendues, de dialogue avec les gens qui sont représentés par la section du Québec de l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Ils avaient des préoccupations. Lors de nos rencontres, ils nous disaient qu'ils étaient inquiets des pertes d'emplois possibles en Mauricie et au Saguenay—Lac-Saint-Jean. De plus, ils ne savaient pas comment effectuer ces réaffectations et ces transferts de manière à éviter des pertes d'emplois. Cela nous a parlé énormément.
Le Nouveau Parti démocratique est un parti qui a été fondé essentiellement, à l'époque, par des coopératives, des coopératives agricoles et le mouvement ouvrier. Notre préoccupation première demeure donc le sort des travailleurs, des travailleuses, de leur famille et de leur communauté. Nous ne voulons pas prendre d'engagements ni de décisions qui mettraient à mal leurs conditions de travail ou de vie, leur carrière ou leur avenir dans leur milieu de travail.
Nous avons soulevé toutes les pierres. Nous avons regardé les options et quelles autres tâches pourraient être confiées. J'ai entendu tantôt — et c'est également la première chose qui nous était venue à l'idée — la suggestion qu'il y a tellement de travail à faire pour lutter contre l'évasion fiscale et les paradis fiscaux qu'on va y affecter ces gens et les envoyer faire des enquêtes internationales.
Cependant, c'est beaucoup plus complexe que cela. Les gens qui traitent les déclarations de revenus des citoyens n'ont pas la formation pour pouvoir rapidement jouer le rôle d'enquêteurs et mener des enquêtes de fond sur de grands fraudeurs internationaux. S'il était possible de le faire ou si je trouvais une baguette magique demain matin, ce serait un plaisir pour moi de rassurer ces gens, de leur dire de ne pas s'inquiéter et que tout va bien aller. Or, ce n'est pas la réalité. Nous avons donc cette préoccupation.
Sommes-nous d'accord avec le principe du projet de loi? Nous le sommes, bien sûr. Cela va dans le sens de l'autonomie du Québec, de la reconnaissance de la nation et du fédéralisme asymétrique.
Dans les faits, par contre, avons-nous les garanties qu'il faut quant à la protection des emplois en région? Toute la question reste ouverte. Nous avons des doutes et des préoccupations à cet égard. Je pense qu'il sera intéressant d'inviter des gens pour étudier cette question en comité et d'aller au fond des choses afin de voir ce qu'il est possible ou non de faire. Il est sûr que, comme travaillistes, socialistes et sociaux-démocrates, nous avons ces préoccupations quant aux emplois des gens en région. Cela nous tient particulièrement à cœur, et nous ne voudrions pas agir contre eux.
On nous a souvent servi l'argument — qui semble au départ intéressant — que ce n'est déjà pas amusant de remplir une déclaration de revenus. S'il faut en plus que les Québécois en remplissent deux, cela est non seulement injuste, c'est aussi deux fois moins amusant. C'est une tâche qui est plus lourde et qui prend énormément de temps. Personne n'aime cela.
Toutefois, cet argument est de moins en moins vrai. C'était vrai à l'époque où tout le monde se rendait, en février ou en mars, dans une caisse populaire pour aller chercher la trousse de déclaration, en pile sur le bord de la fenêtre à côté du caissier ou de la caissière, pour ensuite retourner à la maison, commencer à regarder le guide, tourner les pages et inscrire ses chiffres à l'aide du formulaire T-4 et du relevé 1 d'emploi. Or, c'est de moins en moins la réalité.
Ainsi, l'idée de ne pas remplir deux déclarations de revenus est agréable et séduisante au départ, parce qu'on veut simplifier la vie des gens, ce que tout le monde souhaite. Or, les dernières données que j'ai consultées à ce sujet montrent qu'au Québec, à l'heure actuelle, 91 % des contribuables remplissent leur déclaration de revenus en ligne. Ce n'est donc plus vrai qu'on va chercher des papiers dans une caisse populaire et qu'on remplit de petites cases avec plusieurs autres papiers autour.
On achète désormais des logiciels, qui servent généralement quelques années, et on n'inscrit nos chiffres qu'une fois. On fait ensuite parvenir un courriel à l'Agence du revenu du Canada et un autre à Revenu Québec. Pour la vaste majorité des gens, cela veut donc dire qu'ils remplissent déjà une seule déclaration de revenus.
Monsieur le Président, je ne sais pas si vous avez déjà fait l'exercice de vous asseoir devant l'un de ces logiciels. On ne clique pas deux fois; on remplit les cases une fois, et le logiciel répartit automatiquement les informations. L'argument que je viens d'évoquer perd donc de la valeur avec le temps. Il ne reste peut-être plus que 9 % ou 10 % de gens qui remplissent vraiment deux déclarations de revenus. C'est la réalité, et je pense qu'il faut dire les choses comme elles sont.
Veut-on courir le risque de perdre des centaines d'emplois dans des régions du Québec, en Mauricie ou à Jonquière? On ne m'a apporté aucune preuve quant aux réaffectations. J'en ai discuté plusieurs fois avec des gens sur le terrain, et ce n'est pas évident. Est-ce qu'on va courir ce risque pour quelque chose qui n'aura pas vraiment d'effet sur la population ni sur le bien-être des contribuables québécois et québécoises?
:
Monsieur le Président, à la création de la Constitution en 1867, on a attribué les responsabilités fiscales à chacun des gouvernements. Bizarrement, les provinces et le Québec ont hérité de l'impôt sur le revenu. Là, on peut se dire que les Pères de la Confédération ont été bons avec le Québec et les autres provinces. Non, c'est qu'à l'époque, l'impôt sur le revenu n'existait pas. Ni les provinces ni le gouvernement fédéral ne percevaient d'impôt sur le revenu. On a donc donné cela aux provinces et on leur a dit de se débrouiller. La première province qui a commencé à travailler avec cela est la Colombie-Britannique. Elle a commencé à imposer les revenus et cela a bien fonctionné.
Quand la Première Guerre mondiale est arrivée, le gouvernement fédéral a dit que c'était à lui, parce que cela fonctionnait. Les provinces ont fait valoir que, dans la Constitution, il était écrit que cela relevait de la compétence des provinces et du Québec. Dans la Constitution, il est écrit que le gouvernement fédéral peut prélever des deniers publics, peu importe le mode de taxation. C'était écrit en bas d'une page. Le gouvernement a donc choisi d'utiliser cela.
La Première Guerre mondiale s'est terminée, les provinces ont demandé de reprendre cela et on leur a dit non. La Deuxième Guerre mondiale est arrivée. Le gouvernement a dit qu'il allait la financer avec l'impôt. C'est après cela qu'est arrivée la cohabitation difficile entre les gouvernements des provinces et du Québec et le fédéral. Celui-ci ne voulait pas lâcher le morceau. Les provinces et le Québec trouvaient que l'affaire était intéressante. La cohabitation a eu pour effet que des ententes ont été conclues avec toutes les provinces sauf le Québec et l'Ontario. Puis, l'Ontario a cédé, et la seule province qui est restée droite comme un chêne et qui a dit que c'était son butin et qu'elle allait le garder, c'était le Québec.
Maurice Duplessis, en 1953, va lancer la commission Tremblay. Il dit qu'il va regarder cela et voir ce que cela va donner. La commission Tremblay a remis son rapport en 1956. On trouvait l'idée de garder l'impôt au provincial tellement bonne que Québec a établi et a gardé l'impôt sur le revenu du Québec. C'était une victoire pour le Québec. Les autres provinces étaient bien déçues de ne pas avoir fait la même chose. Les Québécois étaient pas mal coquins et cela les a bien servis.
Aujourd'hui, on est dans une situation où il y a deux déclarations de revenu et deux régimes fiscaux. On s'est demandé pourquoi ne pas avoir un seul percepteur même si on avait deux régimes fiscaux. On a trouvé que ce n'était pas fou. On savait qu'il y aurait une bataille entre le Québec et le gouvernement du Canada. On s'est demandé qui serait le percepteur, s'il y en avait un. La réponse a été donnée par les Québécois.
Le 15 mai 2018, une motion a été déposée à l'Assemblée nationale. Je le sais, car c'est moi qui l'ai déposée. C'est moi le pauvre type qui a déposé cela. Quand je l'ai déposée, je regardais le gouvernement libéral qui était en face de moi. On ne peut pas dire que Philippe Couillard est un patriote des temps modernes. J'étais certain que son gouvernement allait flancher et qu'il ne nous appuierait pas. Or j'ai vu dans l'œil de Carlos Leitao un accord. Ils ont dit oui. C'était unanime à l'Assemblée nationale. Ensuite, on a fait un sondage: 65 % des Québécois ont dit que le percepteur devait être à Québec, et 22 % des Québécois ont dit que c'était le Canada qui devait percevoir l'impôt.
Nous écoutons la majorité des Québécois qui dit que c'est nous qui devons percevoir les impôts. On sait que cela a commencé avec la TPS et la TVQ et que cela a fonctionné. C'était génial. Le gouvernement fédéral ne parlait pas vraiment d'aller chercher la TPS au Québec. Il ne veut ne rien savoir. Le Québec fait très bien ce travail. Il est plus efficace que le gouvernement fédéral.
Quand on parle d'économies d'échelle, ma collègue d' est à côté de la plaque. C'est prouvé que la TVQ est plus efficace quand elle est perçue avec la TPS, peu importe ce que ma collègue nous a dit.
Pourquoi avoir une seule déclaration de revenu? Mon collègue de nous dit qu'on n'est pas à l'époque des papyrus, des plumes et de l'encre pour remplir une déclaration de revenu. C'est évident.
S'il était plus curieux, il comprendrait qu'une revue de la littérature existe. Des économistes comme François Vaillancourt ont fait des recherches exhaustives pour savoir combien de temps cela prenait en plus pour faire deux déclarations de revenu. M. Vaillancourt a fait des études. Ce n'est pas compliqué. Pour les particuliers, c'est 10 % plus de travail et, pour les entreprises, c'est 15 % plus de travail. On n'a qu'à aller voir, c'est dans le rapport de l'IRAI. La seule étude empirique sur les gains faits en remplissant une seule déclaration de revenu a été faite par l'IRAI l'année passée. Il faut aller voir cela. On parle d'économies de 39 millions de dollars pour les particuliers, dans le cas de ceux qui font remplir leur déclaration par quelqu'un d'autre. Quant à ceux qui la remplissent eux-mêmes, ils économisent 10 % de temps.
Pour les entreprises, cela réduit leurs coûts de 15 %, c'est-à-dire de 99 millions de dollars.
Parlons maintenant de dédoublement. Il y a des gens à Québec et à Ottawa qui font la même chose, ce qui est correct et normal puisque c'est comme cela que cela se fait. Or, voilà qu'on tape sur l'épaule d'Ottawa pour lui dire d'arrêter parce qu'il y a déjà un gars à Québec qui fait ce travail. Cela permet une économie de 287 millions de dollars. Il faut aller voir le rapport de l'IRAI, qui est exhaustif, explicite et scientifique et qui explique tout cela. Une déclaration de revenus unique donne donc 425 millions de dollars d'économies.
On entend dire que si l'on accorde cela à Québec, les autres pays qui ont signé des accords de perception fiscale avec Ottawa vont dire qu'ils ne voudront pas faire affaire avec Québec. Allons donc! Ces autres pays signent ces accords avec le fédéral pour obtenir des informations fiscales leur permettant de lutter contre l'évasion fiscale. Les États-Unis ne diront donc pas qu'ils ne veulent rien savoir du Québec, puisqu'ils ne voudront pas avoir un paradis fiscal au nord de leur frontière. Ils chercheront donc à partager ces informations, ce que j'applaudis, et tous ces accords seront confirmés de cette façon, les uns après les autres. Ce ne sera donc pas un problème.
La a dit que l'Agence du revenu du Canada employait 5 300 personnes au Québec pour s'occuper des impôts. Or, pour percevoir et gérer les impôts du gouvernement fédéral, le Québec aura besoin de 2 332 nouveaux employés. Ce n'est pas sorcier et il ne faut pas avoir un doctorat honoris causa pour comprendre que sur les 5 300 employés fédéraux, il faudra en prendre 2 332 pour faire à peu près le même travail, mais pour le gouvernement du Québec.
Qu'en est-il des 2 000 ou 3 000 emplois qui restent? La fonction publique canadienne est vieillissante, perdant de 3 % à 4 % de son effectif chaque année par attrition, lorsque les gens prennent leur retraite. Par ailleurs, cette fonction publique dit qu'elle souffre d'une pénurie de travailleurs. Je peux donc imaginer que les travailleurs de l'ARC qui restent se trouveront du travail au sein de la fonction publique.
Parlons d'évasion fiscale. Il est sûr que l'analyse de l'évasion fiscale des grandes entreprises n'est pas évidente et qu'elle exige presque d'être faite par des fiscalistes. Cependant, il existe beaucoup de formes d'évasion fiscale et de travail qui peut être fait dans ce domaine. Qui plus est, c'est un travail qui se finance lui-même. En effet, le meilleur investissement que le gouvernement puisse faire est d'affecter un employé à la lutte contre l'évasion fiscale: cet employé va rapporter au gouvernement pas mal plus que son salaire. Là encore, il n'est pas besoin d'un doctorat honoris causa pour comprendre cela.
Ensuite, la députée d' nous dit que nous n'aurons plus d'approche uniforme au Canada. Que c'est épouvantable! Nous n'en voulons pas! Nous sommes une nation différente de la nation canadienne et nous ne voulons pas être comme elle. Nous avons des besoins différents, une langue, une culture et une économie différentes, et nos besoins sont différents. Nous ne voulons pas d'uniformité avec toutes les provinces canadiennes, ce n'est pas notre but. Je dis à la députée d'Orléans qu'il ne sert à rien de vouloir nous imposer cette uniformité, car cela ne marchera pas avec nous. Nous ne voulons pas de cette uniformité, ce n'est pas compliqué à comprendre.
Le fédéral invoque ensuite l'argument qu'il n'aura pas les informations dont le gouvernement du Canada a besoin et que, s'il n'a pas ces informations, cela ne pourra pas fonctionner. Or, l'information que recueille Revenu Québec est beaucoup plus volumineuse que celle recueillie par l'Agence du revenu du Canada. En effet, le Québec a plus de programmes, pas parce qu'il est meilleur, mais parce qu'il est différent et qu'il a donc besoin de plus d'information. Par ailleurs, la perception des pensions alimentaires s'effectue en fonction des dossiers de Revenu Québec, ce qui signifie qu'il n'y aurait plus de pensions alimentaires si l'information devait aller à Ottawa.
Il n'est pas compliqué de dire au gouvernement fédéral que nous allons lui donner toute l'information que nous avons — et nous en avons plus que lui — pour qu'il continue de travailler comme il l'entend. C'est gagnant-gagnant.
Si une personne effectuant la perception pour le compte de deux régimes fiscaux fait économiser 425 millions de dollars, imaginons si l'on avait un seul régime fiscal. Dans pareil cas, les économies ne se compteraient plus en millions de dollars, mais bien en milliards de dollars. Pour arriver à cela, par contre, il faudra obtenir l'indépendance.