La Chambre reprend l'étude, interrompue le 23 octobre, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
:
Madame la Présidente, je peux dire que presque depuis son arrivée à la tête du Parti libéral, le chef du parti, qui est maintenant le , fait des peuples autochtones une priorité: l'établissement d'une relation de nation à nation est l'un de ses plus forts engagements.
En réfléchissant à ce que le gouvernement est parvenu à accomplir ces dernières années, nous pouvons tous reconnaître les précieuses contributions que les députés de tous les partis ont faites, en tant que législateurs, dans ce dossier très important. Les députés connaissent très bien les appels à l'action par rapport à la réconciliation. Il y a 94 appels à l'action qui demandent aux gouvernements et à d'autres organismes de faire ce qu'ils peuvent pour faire progresser le processus de réconciliation.
Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui, et dont nous sommes saisis depuis quelques jours, s'inscrit directement dans ce cadre. Il répond à l'un des appels à l'action. J'encourage tous les députés à envisager sérieusement d'appuyer cette mesure législative.
J'ai eu la possibilité d'être le député Winnipeg-Nord; je le suis et j'en suis très fier. La population y est intéressante et diversifiée. L'une des communautés les plus grandes et qui croît le plus est celle des Autochtones, qui représentent entre 18 à 22 % de la population, à peu près, voire plus dans certains secteurs de ma circonscription. J'aime à croire que la collectivité de Winnipeg-Nord souhaite, pour son avenir et partout où c'est possible, promouvoir la réconciliation en prenant les mesures nécessaires pour assurer une plus grande harmonie dans notre société.
Nous avons une collectivité très belle et diversifiée. J'estime personnellement que le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui sera très utile. Le Canada, quelle que soit la région ou la personne qui la représente au Parlement, bénéficiera de la désignation de ce jour férié.
J'ai décidé de citer certaines observations faites par des résidants de ma circonscription — je ne fais pas cela très souvent — à propos de ce projet de loi. Je vais présenter les propos tenus par deux personnes ayant des racines autochtones. J'ai indiqué que j'allais discuter du projet de loi et de la nécessité d'avoir un jour férié et je leur ai demandé ce qu'ils en pensaient. Je vais vous lire certains des commentaires qui m'ont été faits.
J'aimerais vous lire un message que j'ai reçu d'une personne de ma circonscription qui dit ceci: « En tant que parents, nous parlons à nos enfants de la fée des dents et du père Noël, mais lorsqu'ils grandissent, nos enfants finissent par se rendre compte qu'il s'agit d'histoires fictives inventées de toutes pièces. Comparons cela au phénomène du racisme et à l'ignorance de certains Canadiens au sujet des pensionnats — les écoles réservées aux Indiens — et des traités qui ont été négociés avec mon peuple, qui constituent le fondement juridique du Canada. Cette méconnaissance fait en sorte que de nombreux enfants canadiens grandissent en apprenant une version erronée de l'histoire et deviennent ensuite des adultes intolérants, comme ceux qu'on peut voir dans les hôpitaux au Québec ou sur les quais de pêche en Nouvelle-Écosse. L'éducation est la seule solution pour parvenir à la compréhension, et la compréhension est la bête noire du racisme et des faussetés. Le 30 septembre devrait être un jour axé sur la culture, la langue, l'histoire, la compréhension, la vérité et le processus de réconciliation, à l'occasion duquel tous les Canadiens réfléchissent à la vraie histoire du pays et à toutes les épreuves que doivent encore surmonter les Autochtones. »
Une autre personne de ma circonscription, une mère d'origine autochtone, cette fois, m'a envoyé ceci. Elle dit: « Comme le dit le rapport de la Commission de vérité et réconciliation, la réconciliation doit inspirer les Autochtones et les non-Autochtones à transformer la société canadienne afin que nos enfants et nos petits-enfants puissent vivre ensemble dans la paix, la dignité et la prospérité sur ces terres que nous partageons. Imaginons les possibilités pour les familles, les particuliers et les entreprises d'approfondir leur compréhension et de réaliser des progrès vers la réconciliation, puis de transmettre cela d'une génération à l'autre. Imaginons les événements qui seraient organisés dans les collectivités d'un océan à l'autre. La réconciliation est la responsabilité de tous les Canadiens. On ne peut se fier uniquement à certains secteurs, tel qu'à l'enseignement dans les écoles, pour y parvenir. Cela ne suffit pas. En tant que gouvernement et en tant que Canadiens, à titre individuel et collectif, nous devons, en partenariat avec les peuples autochtones, honorer l'esprit et l'intention de l'appel à l'action no 80 et établir comme jour férié une journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
J'ajoute une brève citation de sa fille de 12 ans dont la grand-mère, soit dit en passant, a fréquenté un pensionnat. Elle dit: « Ce serait tellement mieux si tout le monde pouvait participer plutôt que de souligner la Journée du chandail orange à l'école seulement. »
La Commission de vérité et réconciliation du Canada a mené un examen public exhaustif de ce que nous devons faire en cette période de l'histoire du Canada où il est vraiment important de faire amende honorable. La Commission de vérité et réconciliation a produit 94 recommandations. De ces 94 recommandations, 76 sont, au moins en partie, du ressort du fédéral. Au cours des dernières années, le gouvernement, avec l'appui d'autres partis, s'est notamment occupé de questions relatives aux langues et au bien-être des enfants. Des mesures budgétaires ont été adoptées pour appuyer les principes de la réconciliation sous différentes formes.
L'appel à l'action dont il est question aujourd'hui est l'appel à l'action no 80, que voici:
Nous demandons au gouvernement fédéral d’établir comme jour férié, en collaboration avec les peuples autochtones, une journée nationale de la vérité et de la réconciliation pour honorer les survivants, leurs familles et leurs collectivités et s’assurer que la commémoration de l’histoire et des séquelles des pensionnats demeure un élément essentiel du processus de réconciliation.
Que ce soit en raison des remarques de mes concitoyens ou des appels à l'action, ce sont de bonnes raisons pour les députés de reconnaître l'importance d'un tel jour férié. Ils l'ont fait pour diverses communautés. Il n'y a pas si longtemps, je réclamais la désignation de juin comme le Mois du patrimoine philippin, et je demandais aux députés de reconnaître le mois d'avril comme le Mois du patrimoine sikh. À bien des reprises, je suis intervenu pour souligner l'importance de désigner des jours, des semaines ou des mois pour célébrer le patrimoine des communautés.
Nous croyons qu'il faut instaurer un jour férié pour reconnaître la gravité réelle de ce qui s'est produit afin de pouvoir aller de l'avant, prendre part au processus de réconciliation de manière positive, réfléchir aux nombreux discours prononcés ici sur la grande diversité de notre pays, ainsi que comprendre et apprécier à sa juste valeur ce que le projet de loi nous offre à tous. Nous avons aujourd'hui l'occasion d'envoyer un message fort et percutant aux peuples autochtones canadiens.
:
Madame la Présidente, je suis honorée de prendre la parole afin d'appuyer le projet de loi . Je tiens à saluer l'important travail de sœur Georgina Jolibois, qui est à l'origine du projet de loi, et à féliciter le gouvernement de ses efforts pour concrétiser celui-ci. C'est une mesure législative cruciale, un petit hymne à la justice tandis que nous commençons à cheminer dans notre apprentissage de la véritable histoire du Canada. Il s'agit d'une histoire qui m'appartient, à moi aussi, en tant que personne qui a dû elle-même composer avec des répercussions intergénérationnelles.
Ma mère était membre de la Première Nation Lakota de Wood Mountain, du territoire issu du Traité 4, en Saskatchewan. Elle était une enfant de la rue, qui a été prise en charge par les services de protection de l'enfance après que ma grand-mère l'ait abandonnée, ainsi que son jeune frère, dans une chambre de motel alors qu'elle était âgée de cinq ans. Comme elle était l'aînée, ma grand-mère lui avait donné des instructions précises pour qu'elle rationne le pain, le beurre d'arachide et la confiture qu'elle leur laissait pour les cinq jours où elle serait absente, à la recherche d'argent.
Les femmes autochtones ne pouvaient compter sur aucune forme de soutien dans les années 1930. Il n'y avait pas de filet social et pas de droits de la personne. Le sexisme et le racisme étaient omniprésents. Ma grand-mère autochtone élevait ses enfants toute seule et elle n'avait personne vers qui se tourner, alors elle les a abandonnés. Ma mère m'a raconté que mon oncle et elle ont dévoré goulûment le pain qu'elle leur avait laissé, ce qui veut dire qu'ils avaient avalé en une seule journée toute la nourriture qui devait leur en durer cinq. Affamée, apeurée et seule, ma mère a décidé de contacter les services d'aide à l'enfance. À l'âge d'à peine 5 ans, ma mère connaissait déjà les airs de la rue, alors comme elle n'avait pas d'autre parent vers qui se tourner, elle a contacté les autorités. Son frère et elle devaient manger. Ils avaient faim.
C'est extrêmement difficile d'imaginer, surtout pour ceux dont les droits fondamentaux n'ont jamais été bafoués, qu'une mère puisse laisser ses enfants en bas âge dans un motel. Pour bon nombre de personnes privilégiées, c'est tout simplement impossible de comprendre les événements qui ont obligé ma mère, du haut de ses 5 ans, à s'organiser pour que son frère et elle aient de quoi se nourrir. Ma mère savait qui appeler quand elle avait besoin de manger et comment se débrouiller dans le réseau d'aide à l'enfance. Elle a appris à survivre, comme ma grand-mère, qui n'avait ni les ressources ni le soutien pour subvenir à ses besoins, l'avait fait avant elle. Ma grand-mère était tellement dans la dèche que je doute que le tintement des clochettes de sa robe traditionnelle parvenait encore jusqu'à ses oreilles et réussissait à la rasséréner. Le bruit des clochettes était éclipsé par celui de sa misère quotidienne. Elle n'avait pas le temps de prendre soin d'elle ni de s'adonner à l'introspection. Elle était seule, elle avait faim et, à l'époque, l'État s'employait à éradiquer son peuple et à l'empêcher de survivre, elle.
Si ma grand-mère a choisi de laisser ses jeunes enfants dans une chambre, ce n'est pas parce qu'elle ne les aimait pas. Après avoir vécu dans la rue pendant son enfance, elle était devenue alcoolique une fois adulte pour tenter d'oublier le violent génocide qu'elle avait vécu à titre d'enfant et de femme autochtone. Arrachée à sa famille pour des motifs liés directement à la Loi sur les Indiens de 1876 et aux bouleversements institutionnels, comme les pensionnats et le système d'aide à l'enfance, qui avaient chamboulé la famille, elle n'avait personne vers qui se tourner et aucun endroit où aller. Elle n'était même pas considérée comme un être humain par le gouvernement du Canada puisque, selon la Loi sur les Indiens de 1876, l'expression « personne » désignait un individu autre qu'un Sauvage. Les populations non autochtones n'ont souvent pas conscience de cette histoire coloniale violente, puisque les gouvernements ont réussi, de façon magistrale, à faire du génocide un vilain secret bien gardé. La dissonance cognitive qui s'est ainsi créée au Canada a ouvert la voie à d'incessantes violations des droits des personnes à l'endroit des peuples autochtones.
Il n'est pas étonnant que beaucoup d'Autochtones souffrent actuellement de traumatismes coloniaux non résolus et que cette souffrance soit perpétuée par les violations des droits de la personne que commettent délibérément les gouvernements. Pour prendre conscience des effets à long terme qu'ont, sur les nations autochtones, les violations des droits fondamentaux de la personne, il suffit de regarder le nombre d'enfants autochtones qui sont actuellement placés en famille d'accueil, un nombre encore plus élevé qu'au plus fort de la période des pensionnats.
Le système contemporain de protection de l'enfance, que j'aime qualifier de dépotoir de la société, est là pour camoufler les séquelles des perturbations culturelles, sociales et familiales qui découlent du colonialisme.
Il est impératif de comprendre les répercussions du colonialisme au Canada si nous voulons progresser dans le respect de la dignité de tous. Il est impératif de revenir sur notre histoire commune et de réfléchir aux perturbations du passé pour mieux comprendre pourquoi les choses sont ce qu'elles sont aujourd'hui. Pour le Canada, il s'agit d'exposer la vérité et de dépasser toutes les dissonances cognitives qui alimentent sa maladie. Pour les familles et les communautés qui ont vécu le génocide, il s'agit de réapprendre comment être ensemble en tant que familles, communautés et nations. C'est le cheminement que j'ai eu à faire pour essayer de comprendre les raisons qui ont poussé ma grand-mère à agir comme elle l'a fait et qui ont tant fait souffrir ma mère, que j'aime profondément. Ce fut un parcours très difficile pour moi.
En raison de mon histoire familiale, j'ai grandi sans famille élargie pendant une grande partie de ma jeunesse. En fait, nous étions tellement dépourvus de liens familiaux que mes parents ont demandé à un ami proche si nous pouvions l'appeler « oncle » Larry. Mes parents voulaient ainsi nous faire vivre l'expérience de la famille en dehors du noyau familial. Je me souviens combien j'étais excitée à l'idée de rencontrer mon oncle Larry. C'était la première fois que j'appelais quelqu'un « mon oncle », et je pouvais enfin parler à mes amis des contacts que j'avais avec des membres de la famille élargie. Pour autant, je n'étais pas proche de Larry. En fait, si je le voyais aujourd'hui, je ne le reconnaîtrais même pas. Je ne me souviens même pas de son nom de famille, mais notre relation m'a fait sentir normale.
Je n'avais pratiquement jamais rencontré des membres de ma famille élargie jusqu'à l'âge de 13 ans, où j'ai pu faire connaissance de mes tantes, oncles et cousins du côté de ma mère, qui avaient été séparés par les services de protection de l'enfance. J'avais l'impression de les connaître depuis toujours. Nos histoires de résistance, de lutte, de survie, d'espoir et de fierté de nos ancêtres nous avaient instantanément rapprochés.
Nous sommes les descendants de Sitting Bull, l'un des leaders les plus vénérés d'Amérique du Nord. En fait, l'histoire de notre nation a été récupérée par Hollywood, qui l'a souvent romancée dans des films comme Il danse avec les loups, où le rôle principal, une femme lakota, est joué par une actrice caucasienne dont le visage brun est l'œuvre de maquilleurs professionnels. Son personnage est emporté par un soldat blanc de l'armée américaine. Ils tombent amoureux et elle choisit de quitter sa famille pour construire une nouvelle vie avec son héroïque colon blanc. Pendant les deux années qui ont suivi la sortie du film Il danse avec les loups, je ne pouvais pas faire référence à mes origines lakota sans que les gens s'extasient et fassent immédiatement le lien avec le film. Cette réaction me donnait la nausée, car elle incarnait parfaitement le mythe du gentil colon blanc vivant en harmonie avec les peuples autochtones, dans une relation empreinte de respect et d'amour; bref, le grand mensonge colonial.
Ce mythe tourne en dérision les violentes attaques coloniales contre la nation des Lakotas et contredit les récits historiques transmis oralement par mes ancêtres qui se sont installés à Wood Mountain après la bataille de Little Bighorn. Cette bataille entre l'armée américaine et les nations autochtones, y compris la nation des Cheyennes, constituait un acte de résistance à la dépossession injustifiée de nos terres ancestrales. Sous la direction du chef Sitting Bull, les Autochtones se sont courageusement battus pour défendre nos terres contre l'armée américaine. Sous l'influence du racisme barbare du général George Custer et sous son commandement d'une grande brutalité, des colons blancs ont tenté d'empiéter sur notre territoire.
Bien qu'on parle souvent de la triste mort du général Custer au cours de cette bataille dans les livres d'histoire, j'entends rarement parler du grand nombre de femmes et d'enfants qui ont été violemment assassinés lorsque l'armée a tenté d'attaquer l'un de nos camps. À mes yeux, le général Custer symbolise le colon blanc avide, à la moralité douteuse, qui a volé nos terres.
Notre histoire n'est pas celle de l'arrivée des grands sauveurs blancs, mais plutôt celle d'un massacre commis par une armée américaine raciste agissant sous le commandement d'une brute, le général George Custer. Il y a maintenant plus de 150 ans que le Canada est une nation qui vit sur des terres qu'elle a volées aux Autochtones et parler de réconciliation avec les peuples autochtones semble être devenu la nouvelle tendance.
Or, sans justice, il ne peut y avoir de réconciliation et il apparaît de plus en plus évident que le gouvernement libéral actuel n'a pas envie d'aller au-delà des beaux discours. Je suis de plus en plus agacée par ce que je vois aux nouvelles chaque jour, mes frères et sœurs autochtones obligés de lutter pour obtenir justice sans que les gouvernements en place ne fassent quoi que ce soit. Qui a vraiment besoin de réconciliation?
La nation Lakota, elle, avait un seul objectif: demeurer sur ses terres, maintenir ses familles intactes et conserver sa culture. Nous avons fait ce que toute communauté aurait fait devant un groupe venu pour la chasser de ses terres sans raison. La première chose qu'elle a faite a été de défendre ses terres, une réaction normale. Si le même groupe continuait ensuite de violer ses droits fondamentaux, les tensions ne pourraient que s'intensifier, obligeant cette communauté à agir. C'est exactement ce que nous avons fait.
Ma magnifique nation, les Lakotas, a été victime de violence et d'exploitation, et ses femmes et ses filles ont été marquées par la violence inouïe de ses colonisateurs. De grands dirigeants, comme Crazy Horse et Sitting Bull, nos femmes et nos filles, des enfants, des grands-mères et des grands-pères ont été assassinés ou obligés de fuir notre territoire ancestral pour laisser la place aux colons. Nous avons été chassés du territoire que nous avions occupé depuis des temps immémoriaux. Notre merveilleux mode de vie a été perturbé par un colonialisme violent, qui n'est pas terminé.
Au Canada, des gouvernements continuent à violer nos modes de vie au moyen d'actes délibérés et violents, dans un mépris presque total des droits fondamentaux des Autochtones. C'est le genre de colonialisme violent que ma grand-mère a connu toute sa vie. Elle est née dans la violence coloniale et, en conséquence, elle n'a jamais été respectée en tant que donneuse de vie et en tant qu'être humain. Contrairement au personnage principal du film Il danse avec les loups, elle n'a pas pu se débarrasser du brun de sa peau pour ainsi profiter de tous les privilèges qu'une pigmentation de peau peut offrir. Elle a dû endurer le racisme violent dont on a fait preuve contre elle tous les jours. En dépit de tous les obstacles qu'elle a dû surmonter, elle a survécu. Sa vie n'a peut-être pas ressemblé à l'histoire de My Fair Lady, mais elle a survécu. Sa vie n'est pas une histoire de faiblesse, mais de résilience en tant que femme autochtone qui a trouvé son chemin en dépit des violations quotidiennes de ses droits.
Ma grand-mère était un être humain; elle méritait d'être aimée et d'être heureuse. La violence et le racisme sournois consacrés par la Loi sur les Indiens de 1876 l'ont cependant brimée dans ce droit. Les choix qui s'offraient à elle étaient limités. Lorsqu'on prive les gens des choses essentielles dont ils ont besoin pour être heureux, comme le fait d'avoir un logement, de pouvoir se nourrir et d'être en sûreté, il leur est difficile de devenir des personnes accomplies. C'était vrai aussi pour ma grand-mère, dont le parcours de vie a été défini par l'appauvrissement systémique des peuples autochtones qui a commencé par la dépossession de leurs terres. La doctrine de la découverte sert à justifier le refus d'accorder aux Autochtones le droit à l'autodétermination et la poursuite des violations délibérées de leurs droits fondamentaux de la personne. C'est précisément cette croyance, appliquée au moyen de mesures législatives et de politiques coloniales, qui a fait que ma grand-mère s'est retrouvée sans abri.
J'ai rencontré ma grand-mère à deux reprises seulement. La dernière fois, c'est lorsque ma mère l'avait invitée à venir habiter chez nous avant de subir une opération aux poumons qui mettrait fin à sa vie. Ma mère, qui avait été abandonnée dans une chambre d'hôtel, l'a accueillie sous son toit malgré tout. Elle a partagé des moments d'amour, de compassion, de rires et de tendresse avec ma grand-mère dans les derniers jours de sa vie, malgré les propres difficultés qu'elle a dû surmonter en tant qu'enfant en centre d'accueil. La bonté de ma mère était exempte de jugement et emplie d'amour et de compassion.
Je me souviens d'avoir demandé à ma mère comment elle pouvait accueillir ma grand-mère chez elle alors que celle-ci l'avait abandonnée lorsqu'elle était enfant. Elle a répondu que sa mère avait dû se débrouiller pratiquement seule dès l'âge de 12 ans. Elle était complètement seule au monde. Elle n'avait ni droits ni moyen d'assurer sa subsistance. À l'époque, il n'existait aucun filet de sécurité sociale, et elle a fait du mieux qu'elle a pu avec les outils qu'elle avait.
Ce fut la plus grande leçon de pardon qu'on m'ait jamais enseignée dans ma vie. Quand je pense à ma grand-mère et au sentiment d'isolement qu'elle a dû ressentir, cela me donne envie de pleurer. Comme il est triste que, à cause de politiques racistes, paternalistes et misogynes, ma grand-mère n'ait jamais eu la même chance que les autres d'être heureuse. Au contraire, sa vie a consisté en une recherche constante de moyens de survivre aux obstacles érigés par la violation des droits de la personne qui se perpétue encore aujourd'hui dans les politiques canadiennes et la Loi sur les Indiens.
Ma mère comprenait bien ce que ma grand-mère avait vécu et, plutôt que d'avoir du ressentiment, elle s'est concentrée sur l'amour dont avait fait preuve sa mère au moment de sa grossesse. Ma grand-mère était alcoolique, mais elle a réussi à arrêter de boire lorsqu'elle était enceinte de ma mère pour assurer la santé de sa fille à naître. Je me souviens que ma mère ait dit que, même si ma grand-mère était alcoolique, « elle a cessé de boire de l'alcool pendant qu'elle était enceinte de moi, afin de me donner la capacité physique de réussir dans la vie et, pour cette raison, je l'ai toujours aimée ». Ma mère comprenait que, en raison de la colonisation, les relations étaient compliquées et les choix éthiques avaient une portée plus grande que le choix individuel, parce que les injustices font que les gens se retrouvent sans la possibilité de faire des choix.
Je me demande souvent ce qui arriverait s'il était possible de voir à quoi ressemble un cœur brisé ou blessé. Peut-être que cela amènerait les gens à être plus doux, plus gentils et plus aimables et à être moins tentés de porter des jugements et d'être blessants. Malheureusement, la vie de ma grand-mère me rappelle que, lorsqu'on déshumanise une personne, on ouvre la porte à des gestes impensables et on se permet d'ignorer la souffrance humaine.
Je pense que je suis quelque peu imprégnée de sa souffrance et de son chagrin. C'est le genre de traumatisme intergénérationnel qui fait que l'on ne se sent pas digne d'être aimé et d'être heureux. C'est d'ailleurs ce que nous ont appris les institutions canadiennes qui tentaient de nous assimiler. Parfois, j'entends encore ces voix dans ma tête et dans mon cœur, mais j'ai trouvé des façons de les faire taire. J'y arrive grâce à la résilience que m'ont léguée mes ancêtres, le genre de résilience dont ma mère faisait preuve.
Contrairement à ma grand-mère, qui a vécu une vie dominée par les traumatismes, ma mère a été en mesure de surmonter des obstacles imposants. Elle est considérée comme un miracle selon les statistiques, et c'est pour cette raison que j'ai eu la chance d'avoir une belle vie. Comment peut-on s'attendre à surmonter les difficultés auxquelles ma mère s'est heurtée et à en ressortir sain d'esprit? Elle a été capable de le faire en dépit du génocide qui sévissait et des violations flagrantes des droits de la personne dont elle a été victime dès l'enfance. Ma mère est l'une des premières infirmières psychiatriques autochtones de la Saskatchewan. C'était une chercheuse primée, une érudite et une défenseure de la justice sociale qui a participé à la réforme des lois sur les services à l'enfance afin de venir en aide aux personnes qui étaient autrefois prises en charge par l'État et pour défendre les droits des personnes atteintes de troubles de santé mentale. Ma mère était d'une beauté et d'une grâce inégalées.
Je rends hommage à ma mère et à ma grand-mère aujourd'hui. C'est un jour, un jour pour se souvenir, un jour pour rendre hommage. Nous avons besoin de cette journée, comme en ont besoin les milliers et milliers de Canadiens qui sont prêts à découvrir la vraie histoire en constante évolution de notre relation avec les peuples autochtones. Sans justice, il n'y a pas de réconciliation. C'est pourquoi j'affirme haut et fort ici que nous devons honorer ce petit hymne à la justice.
:
Madame la Présidente, je tiens d'abord à souligner que nous sommes réunis aujourd'hui sur les terres non cédées de la nation algonquine anishinabe. Cette terre abrite toujours nombre de membres des Premières Nations, de Métis et d'Inuits.
De nos jours, lorsqu'on assiste à des événements, on entend souvent les gens souligner qu'ils sont sur des terres non cédées ainsi que d'autres formules semblables. Tout en poursuivant les discussions sur les sujets que nous abordons et sur la journée nationale de la vérité et de la réconciliation, il est très important de ne pas considérer la mention des terres non cédées comme une simple formalité, mais comme une occasion de connaître l'histoire de ces terres.
Hier soir, en me préparant au débat d'aujourd'hui, j'ai pris le temps de me renseigner sur l'histoire de cette région. C'est une partie importante de ce à quoi pourrait servir le projet de loi, à l'avenir. Il est question d'une journée, mais il ne s'agit pas que d'une seule journée. Il s'agit de faire en sorte que les Canadiens, en collaboration avec les peuples et les communautés autochtones du Canada, en apprennent davantage sur la vraie histoire, dont la députée de a parlé si éloquemment. Je suis vraiment très heureuse d'avoir écouté la députée de Winnipeg-Centre. Elle apporte beaucoup à la discussion actuelle. C'est ainsi que nous pourrons tracer la voie à suivre pour notre pays.
Ce projet de loi désignerait le 30 septembre comme la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Cette date deviendrait un jour férié fédéral. L'instauration de cette journée commémorative donnerait suite à l'appel à l'action no 80 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Le gouvernement s'est engagé à donner suite à tous les appels à l'action de compétence fédérale, et il s'agit d'un pas dans la bonne direction.
Or, le projet de loi actuel tire ses origines d'un autre projet de loi, d'initiative parlementaire, qui avait été présenté par Georgina Jolibois, une ancienne députée. Je tiens absolument à la remercier pour tous les efforts qu'elle a déployés en vue de faire progresser ce dossier. Les travaux du comité qui ont porté sur le projet de loi de Mme Jolibois au cours de la dernière législature ont jeté les bases du travail que nous sommes en train de faire aujourd'hui. J'ai eu le privilège de présider le comité qui a examiné son projet de loi. Ce fut un très bon point de départ pour mieux comprendre les enjeux.
J'ai oublié de le préciser à l'avance, mais je partagerai mon temps de parole avec le député de , qui en aura, lui aussi, long à dire sur le projet de loi.
J'espère que nous pourrons mettre à profit tout le travail que nous avons accompli en comité. Il pourra nous servir de point de départ quand le projet de loi sera renvoyé au comité, ce qui nous permettra d'avancer rapidement. D'après ce que j'ai entendu pendant le débat, il semble que nous pourrons mener le projet de loi à bon port rapidement et que nous serons en mesure de célébrer cette journée spéciale le 30 septembre 2021.
Je tiens aussi à remercier tous les témoins qui nous ont fait profiter de leurs connaissances. Comme l'a souligné le député de , qui siégeait à ce comité avec moi pendant la dernière législature, les membres du comité ont énormément appris. Je tiens à remercier les gens qui ont pris le temps de nous informer.
C'est un projet de loi important, parce qu'il marque un pas en avant sur le chemin de la réconciliation et qu'il créera un temps d'arrêt, une occasion de sensibiliser les gens, de se souvenir du passé et de réfléchir à la direction à suivre pour bien avancer.
Quand j'étais au secondaire, les pensionnats étaient encore ouverts. En fait, pendant la majeure partie de mes études en droit, les pensionnats étaient encore ouverts. Cependant, je n'en ai jamais entendu parler pendant mes études. Nous avons appris si peu de choses sur l'histoire et les dirigeants autochtones. C'est une perte énorme. Nous devons faire mieux. Nous devons profiter de l'occasion pour que cet enseignement fondamental soit offert et reconnu. Nous devons prendre le temps qu'il faut.
J'ai écouté le député de parler de son enfance. Il vivait non loin du pensionnat, qui est à la base de la Journée du chandail orange. Il n'était pas au courant de l'existence du pensionnat. Il ignorait ce qui s'y passait. Il a parlé du jour où il a appris ce qui s'y passait et du fait que ce fut une journée difficile. Nous allons devoir revoir certaines parties de notre histoire, une histoire qu'on ne nous a pas enseignée. Il est important que nous entendions des histoires comme celle de la députée de , et que nous apprenions la sombre vérité, toute la vérité.
J'ai parlé de certains des intervenants précédents dans le débat. Je tiens à souligner qu'il s'agit d'un débat spécial à la Chambre. La partisanerie est si souvent au rendez-vous ici. Nous ne dialoguons pas vraiment les uns avec les autres. Ensuite, il y a les occasions où nous tenons un débat sur un projet de loi et avons la chance d'entendre et de raconter des histoires, d'apprendre les uns des autres et d'unir nos efforts. Ce débat a été l'une de ces occasions. Je remercie tous les députés qui y ont participé. J'ai hâte de travailler avec eux à l'avenir pour faire adopter rapidement le projet de loi à la Chambre et au Sénat.
J'ai parlé des députés de et de . Les députées de et de ont également raconté des anecdotes très personnelles sur leurs enfants et leur histoire. Elles ont parlé de l'importance de la reconnaissance et de l'apprentissage respectueux comme voie à suivre pour leurs enfants; elles ont parlé de cette dignité. Je les remercie de nous avoir fait part de leur point de vue. Il était important d'entendre cette partie de notre histoire.
Lorsque nous parlons de cette journée, il est important de penser aux mots suivants du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation:
Tous les enfants et les jeunes du Canada méritent de connaître une version honnête de l'histoire de leur pays, y compris ce qui s'est passé dans les pensionnats, et d'être en mesure d'apprécier la richesse de l'histoire et du savoir des nations autochtones qui continuent d'apporter une contribution notable au Canada, comme l'illustrent son nom et son identité collective en tant que pays. Aux Canadiens de tous les horizons, la réconciliation offre un nouveau moyen de vivre ensemble.
Nous avons passé beaucoup de temps à la Chambre à parler des pensionnats et de la nécessité de dire la vérité à propos de notre histoire. Cela dit, cette déclaration reflète aussi l'espoir, un chemin vers une nouvelle façon de vivre ensemble: la réconciliation. Elle souligne la nécessité d'apprécier la richesse de l'histoire et du savoir des nations autochtones.
Pendant l'étude du projet de loi présenté par Georgina Jolibois au cours de la dernière législature, on avait beaucoup parlé de la forme que prendrait cette journée. À cet égard, il me semble que les paroles du président de L'Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, peuvent nous aider. Il dit:
Selon nous, il vaudrait bien mieux [que cette journée] soit positive et tournée vers l'avenir au lieu d'être une sorte de jour du souvenir où on se souviendrait des griefs du passé, même si l'histoire faisait évidemment partie de la conversation. Je sais qu'il existe des liens directs entre les appels à l'action de la Commission de vérité et de réconciliation et le présent projet de loi. Sans vouloir dissoudre ces liens complètement, je voudrais que les Canadiens et les Premières Nations, les Inuits et les Métis puissent parler des éléments positifs et de la grande force que nous apportons à la société canadienne, des grands chefs que comprennent nos communautés et des visions que nous avons quant à l'avenir à titre de Canadiens, mais aussi à titre d'Autochtones exerçant leurs droits à l'autonomie gouvernementale.
Cela fait ressortir l'importance de ne pas oublier, alors que nous discutons de notre histoire, d'en apprendre davantage sur les grands chefs autochtones et leur contribution au pays.
Je tiens à rappeler brièvement en quoi la journée du 30 septembre est importante. Il s'agit d'une question qui a déjà été soulevée par le passé.
Le 30 septembre est une date importante, car, comme l'a déjà dit Phyllis Webstad, le mois de septembre était considéré comme le mois des pleurs. Le 30 septembre, c'est un moment où les enfants sont de retour à l'école, et il s'agit donc d'une occasion pour les enseignants d'aborder ces questions avec leurs élèves. Lors d'une séance du comité, certains ont dit que nous devrions envisager d'utiliser un autre jour, par exemple le jour du Souvenir. Ce n'est pas la bonne façon de procéder. Les délibérations qui ont eu lieu jusqu'à présent dans cette enceinte se sont focalisées sur l'idée que nous devrions conserver la date qui a déjà été choisie.
Je me réjouis de pouvoir collaborer avec les députés de tous les partis pour faire en sorte que nous puissions agir rapidement afin de faire de cette journée une réalité.