La Chambre reprend l'étude, interrompue le 5 novembre, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
:
Madame la Présidente, je suis très heureux de participer à ce débat sur un projet de loi d'initiative parlementaire.
Je suis surtout heureux d'appuyer le projet de loi C-228 de mon honorable collègue de . Ce dernier m'a approché dès le début de la rédaction de son projet de loi pour obtenir mes commentaires et mon appui. Cela me fait un grand plaisir de donner mon appui à ce projet de loi et j'espère que d'autres membres de la communauté noire le feront également.
Je pense que ce projet de loi réitère l'engagement du gouvernement à assurer la sécurité publique et à appuyer la prévention de la délinquance et de la récidive. Ce projet de loi peut également nous aider à faire progresser nos efforts, annoncés dans le discours du Trône, pour remédier à la surreprésentation des peuples autochtones et des Canadiens de race noire dans le système de justice pénale. Ce projet de loi aiderait le gouvernement à impliquer un large éventail de parties prenantes, à la fois pour concevoir le cadre de travail et pour examiner les stratégies et les instruments existants de réduction de la récidive et de prévention de la criminalité. Il contribuerait à enrichir notre base de connaissances dans ce domaine important. Pour finir, il nous aiderait à déterminer quelles sont les lacunes à combler.
Dans l'ensemble, je trouve qu'une réduction de la récidive renforcerait la sécurité publique et communautaire, ce qui pourrait à son tour générer des économies au sein du système de justice pénale. C'est une situation où tout le monde y gagnerait, et c'est pourquoi je suis heureux de dire que le gouvernement appuie ce projet de loi.
Tout au long du débat, un point a souvent été soulevé: le fait que les Autochtones, les Canadiens de race noire et les autres personnes racisées sont victimes de racisme systémique et de résultats disparates au sein du système de justice pénale. Tout effort visant à réduire la récidive devrait s'inspirer de l'expérience vécue par les personnes incarcérées afin de réduire les obstacles systémiques tels que la discrimination et le racisme. C'est pourquoi j'aimerais axer mes remarques sur ce sujet.
Le a dit à plusieurs reprises que le racisme systémique était présent dans tous les coins de notre grand pays. Cela inclut notre système de justice pénale, notre système correctionnel et nos organismes de l'application de la loi. Il s'agit d'un fait incontestable. Je le répète, c'est un fait incontestable.
Il ne faut pas se contenter de regarder les chiffres en ce qui a trait au système carcéral canadien. Plusieurs études menées au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni indiquent que les Noirs ne sont pas plus susceptibles de commettre un crime que les personnes qui ne sont pas noires — les Blancs, pour dire les choses franchement. C'est la même chose pour les Autochtones: ils ne sont pas plus susceptibles de commettre un crime.
Pourtant, la proportion de Noirs dans le système carcéral du Canada est trois fois plus importante que leur poids démographique. C'est terrible, c'est grave! La situation est encore pire en ce qui a trait aux Autochtones.
Les Autochtones représentent presque 30 % de la population carcérale masculine au Canada, et ce, seulement au niveau fédéral, alors qu'ils ne représentent même pas 5 % de la population canadienne. Pour les femmes autochtones, c'est encore pire. Elles représentent 44 % de la population carcérale féminine.
Comme je l'ai dit au début, les Autochtones et les Noirs ne sont pas plus aptes à commettre un crime. Alors, comment se fait-il que leur poids démographique soit multiplié dans nos prisons au pays? C'est une très bonne indication du racisme et de la discrimination systémiques qui existent. Lorsqu'on cherche des problèmes, on les trouve, et lorsqu'on décide qu'on ne veut pas en chercher dans certaines communautés, on n'en trouve pas. C'est la raison pour laquelle je trouve que le projet de loi nous donne l'occasion de réduire la possibilité que les individus récidivent après leur incarcération.
Je félicite mon collègue conservateur pour son projet de loi. Je sais que celui-ci est basé sur son expérience et son vécu. C'est un homme de foi qui s'est beaucoup impliqué dans sa congrégation, et je suis très heureux qu'il utilise ces connaissances pour proposer un projet de loi qui est très sensé.
Si j'avais quelques améliorations ou modifications à proposer à mon honorable collègue, je lui dirais que, bien que ce soit louable de présenter un projet de loi qui concerne ce qu'on fait avec les gens après leur incarcération, j'aimerais également qu'on pense à d'autres solutions afin d'aborder ce problème en amont, afin d'éviter que les gens soient incarcérés en premier lieu.
Si on adopte une attitude qui vise à créer des liens et des partenariats avec des organismes communautaires et des organismes non gouvernementaux, pour dire à ces jeunes Autochtones ou à ces jeunes Noirs que leur communauté est prête à les accueillir, cela leur démontrera qu'il y a une autre piste à suivre.
Je pense qu'on peut faire un excellent travail pour réduire le poids démographique inacceptable de ces gens au sein de notre système carcéral et de notre système de justice pénale. Je ne veux pas mettre tout le fardeau sur les épaules de mon collègue, mais j'espère qu'en appuyant ce projet de loi émanant d'un député, cela donnera l'occasion aux députés de toutes les formations politiques de considérer non seulement ce qu'on devrait faire après l'incarcération des gens, mais aussi avant cela.
J'espère que cela encouragera tous les députés à appuyer des projets de loi sur cette question, y compris ceux qui émanent du gouvernement. Il s'agit de voir comment on peut aider les gens à choisir un autre chemin, plutôt que de les laisser entrer dans le système carcéral. Il faut trouver une meilleure façon de les accueillir et de les encadrer, afin qu'ils puissent devenir des citoyens qui contribuent d'une façon positive à notre société. Un cadre fédéral visant à réduire la récidive, comme le propose ce projet de loi, pourrait réellement changer les choses.
C'est la raison pour laquelle je suis fier de dire aujourd'hui que j'ajoute mon nom en appui à ce projet de loi. J'espère que mes collègues vont emboîter le pas.
:
Madame la Présidente, à l'instar de mon collègue, je vais parler de ce que contient le projet de loi. Je vais même aller un peu plus loin, question de pousser la réflexion et de déjà semer quelque chose.
Je vais évidemment parler des projets pilotes durant l'incarcération, mais je vais aussi parler de ce qu'il est possible de faire après l'incarcération et de ce qui peut aussi être fait comme alternative à l'incarcération.
Pour ce qui est des projets pilotes durant l'incarcération, un des derniers endroits où on aurait tendance à vouloir se référer, en matière de projet pilote, c'est chez nos voisins du Sud, qui n'ont pas nécessairement la meilleure des réputations en ce qui concerne la détention et le milieu carcéral.
Pourtant, en 1975, il s'est passé quelque chose d'assez extraordinaire. Un jour, un détenu a trouvé un oiseau blessé sur le bord de sa fenêtre et a commencé à en prendre soin. On a ensuite constaté que, non seulement le détenu lui-même avait de meilleures capacités sociales et un meilleur comportement, qu'il était moins violent et moins médicamenté, mais que cela avait eu un effet positif sur l'ensemble de l'aile de détention.
Ce qui s'est créé à ce moment a donné naissance à une série de projets pilotes aux États-Unis. Il y a maintenant, dans 50 États et 290 établissements de détention, un projet qui permet à des détenus de devenir dresseurs de chiens. Une personne vient donner une formation aux détenus, puis on leur attribue un chien. Les détenus, pendant 12 à 18 mois, selon le type de projet pilote, apprennent à devenir dresseurs de chiens. Dans certains cas, ils vivent même avec le chien dans leur cellule.
Dans le cas d'à peu près tous les détenus qui ont participé à ces projets pilotes, on a constaté une diminution très sérieuse de la médication dont les détenus avaient besoin, une diminution des tentatives de suicide et des suicides en milieu carcéral, une diminution marquée de la violence et, par la suite, une diminution des récidives.
Ce genre de projet pilote ne sert pas qu'aux détenus. Il sert aussi aux animaux, puisqu'on prend des chiens qui, souvent, ont des problèmes de comportement et ne seraient pas propices à l'adoption. Ce sont ces chiens qu'on attribue aux détenus, qui vont les former pour qu'ils puissent ensuite être adoptés. Dans d'autres cas, on prend des chiens qui ont de meilleures habiletés sociales, que les détenus vont former pour qu'ils deviennent des chiens de service.
Ainsi, en plus d'aider les détenus à se réinsérer, la communauté en bénéficie. En effet, non seulement les détenus ont un meilleur taux de réussite avec les animaux que, par exemple, les bénévoles à l'extérieur, mais plusieurs d'entre eux décident de poursuivre dans la voie du dressage de chiens à leur sortie de l'établissement de détention.
C'est un succès dont nous pourrions nous inspirer, quoique, comme je le mentionnais, les États-Unis n'ont pas nécessairement la meilleure des fiches en matière de conditions de détention. Ce qui est bien aussi, c'est que les détenus doivent avoir un bon comportement pour bénéficier de ce programme, ce qui est, de façon générale, un incitatif à avoir un meilleur comportement durant la détention.
Cela dit, il ne faut pas considérer que l'absence de récidive est automatiquement un gage de réhabilitation. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de récidive que le détenu est nécessairement réhabilité. À ce sujet, je vais donner un exemple un peu frappant. Une de mes collègues accompagnait un ancien détenu qui avait purgé une longue peine à la suite d'un meurtre. Elle marchait avec lui sur la rue et, à un feu rouge où il n'y avait absolument personne, elle a traversé, alors que lui est resté figé comme une barre. Il ne voulait pas traverser au feu rouge. La règle était claire — on ne traverse pas la rue lorsque le feu est rouge — et il ne voulait absolument pas transgresser la règle. Cela montre que, en détention, on forme le détenu à suivre à la lettre plusieurs règles, mais peut-être y a-t-il une perte sur le plan des aptitudes sociales nécessaires à une bonne réhabilitation.
Évidemment, je ne suis pas en train de dire que le fait de griller des feux rouges est un gage de réinsertion, mais je désire montrer que, souvent, à la sortie de sa détention, la personne n'a pas suffisamment d'habiletés pour être parfaitement intégrable à la société.
J'ai dit que je parlerais de l'encadrement après la détention, car c'est également important. Dans le projet de loi de notre collègue de Tobique—Mactaquac, on parle de la possibilité d'avoir un suivi en milieu communautaire ou confessionnel, d'avoir le soutien de certains organismes, mais encore faut-il qu'on soit près de ces organismes-là. Il y a encore des problèmes sur ce plan.
Je pense notamment aux gens qui vivent dans le Grand Nord, notamment dans les communautés inuites, et qui commettent des crimes pour lesquels ils sont passibles d'emprisonnement dans des centres de détention qui ne sont pas situés près de chez eux.
Quand on marche dans les rues de Montréal, on constate souvent qu'il y a un taux d'itinérance très marqué dans la population inuite ou autochtone, et on se demande ce que ces gens font à Montréal.
Souvent, ce sont des gens qui ont reçu une peine de détention dans un établissement carcéral à proximité de Montréal. On leur paie le billet d'avion pour qu'ils soient mis en détention, mais, une fois qu'ils ont purgé leur peine, on ne leur paie pas le billet de retour, dont le coût est souvent très prohibitif.
Une fois qu'on sort ces gens de prison, on les remet dans une autre prison, celle de la pauvreté et de l'itinérance dans les rues d'une ville qu'ils ne connaissent pas, au lieu de leur faire profiter de certains programmes de réhabilitation et de réinsertion qui pourraient se tenir dans leurs communautés.
Si l'on veut que les projets pilotes qui sont suggérés dans le projet de loi fonctionnent, encore faut-il avoir toutes les pistes et tous les outils nécessaires pour pouvoir les mettre en œuvre. Cela doit aussi faire partie de la réflexion qu'on doit tenir.
Autrement, il faut aussi considérer les choix autres que la détention, laquelle n'est pas toujours la solution appropriée. Je vais donner encore des exemples, notamment en lien avec la communauté autochtone.
Dans les rapports Gladue, on a longuement insisté sur le fait qu'on doit inclure les populations autochtones dans le processus de détermination de la peine. J'ai eu le privilège de suivre une conférence sur le droit autochtone dans laquelle on expliquait que, dans certains pays, il existe carrément des tribunaux mixtes, appliquant un droit mixte qui intègre le droit autochtone.
J'ai un exemple de quelque chose qui a déjà été fait ici, de façon assez exceptionnelle, alors qu'un juge a innové en prononçant sa sentence. Plutôt que d'imposer une peine de détention à une personne reconnue coupable de viol dans sa communauté, le juge lui a demandé de vivre en retrait de sa communauté et de devenir le chasseur attitré d'un centre contre la violence faite aux femmes.
Pendant deux ans, cette personne est restée à l'écart de sa communauté et a servi une autre communauté en allant à la chasse pour des personnes qui étaient essentiellement victimes de ses crimes. À la fin de sa peine, il a pu revenir dans sa communauté parce que cette dernière avait jugé qu'il avait payé le prix de ses actes. Sa réintégration a été beaucoup plus facile puisqu'elle s'est faite en collaboration avec la communauté, ce qui n'aurait pas été le cas si cette personne s'était fait imposer une peine qui ne cadrait pas avec les valeurs de la communauté.
Un autre exemple illustre bien ce qui peut être fait. Il s'agit du PPTCQ, le Programme de traitement de la toxicomanie de la Cour du Québec. L'article 720 du Code criminel permet de reporter le prononcé de la peine dans des cas où les gens sont aux prises avec des problèmes de consommation. Souvent, ces gens ne consommeront pas pendant leur peine. Cependant, dès leur remise en liberté, certains ne vont pas respecter les conditions imposées et vont consommer à nouveau à la première occasion.
Dans le cadre de ce programme, plutôt que d'annoncer la peine immédiatement, on voit si la personne progresse bien pendant sa cure de désintoxication, et on ajuste la peine en conséquence. Il peut même arriver que la peine soit carrément annulée si le cheminement a été bon.
Pour que ces initiatives fonctionnent, par contre, il ne faut pas avoir de peines minimales. C'est un frein qui peut empêcher la mise en œuvre de certains projets, et les peines minimales ne fonctionnent pas toujours.
Par exemple, à une certaine époque, pendant la famine en Angleterre, il y avait beaucoup de vols de navets. Les cultivateurs de navets ont alors demandé aux autorités d'augmenter les peines pour dissuader les gens de voler des navets. Les autorités ont alors imposé la peine capitale pour le vol d'un navet. Par la suite, il n'y a jamais eu autant de vols de navets, parce que personne n'avait peur d'être condamné à mort pour le simple vol d'un bête navet. Parfois, au lieu de l'effet dissuasif visé par une peine exemplaire, on obtient l'effet inverse.
Ce que je souhaite dire, c'est que je salue le projet de loi. Je souhaite surtout qu'on retienne de ces exemples que les solutions mur à mur et universelles ne sont pas nécessairement celles qui fonctionnent le mieux. Je souhaite que ce soit ce qui se dégage de nos réflexions futures sur la détention, sur les peines, et sur le droit criminel en général.
:
Madame la Présidente, je suis ravi de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi , présenté par mon ami et collègue le député de . Avant la pandémie de COVID, j'ai eu l'occasion unique de parcourir cette région et d'échanger avec des organismes qui aident les anciens détenus à se bâtir une nouvelle vie à leur sortie de prison.
La réintégration réussie des anciens détenus est tout à fait dans notre intérêt, car elle contribue à régler de nombreux problèmes systémiques auxquels le Canada est confronté. Il est important que les personnes qui ont purgé leur peine puissent ensuite réussir. C'est un enjeu lié à la pauvreté, à l'éducation et à la formation, aux occasions de réussite, à la prestation des programmes et à la sécurité publique. Comme je l'ai souvent répété à la Chambre, le gouvernement a pour priorité absolue de veiller à la sécurité des Canadiens.
À titre d'ancien policier, de membre du conseil d'administration de diverses organisations communautaires et de député, je sais que plusieurs choses sont nécessaires pour remettre les criminels rétablis sur le droit chemin une fois leur peine purgée. D'excellents organismes offrent des approches différentes et efficaces.
J'ai constaté que la confiance est le thème qui sous-tend souvent ces programmes. La confiance est essentielle à un bon système de sécurité publique et communautaire. Les Canadiens doivent pouvoir compter sur le fait que toute personne qui enfreint la loi sera trouvée, sera traduite en justice, aura un procès équitable et sera punie comme il se doit. Toutefois, il est moins important de punir une telle personne que de la réadapter afin qu'elle soit prête à être réinsérée avec succès dans la société.
Aujourd'hui, les Canadiens ont perdu confiance dans notre système de justice. De plus en plus de Canadiens voient des crimes être non résolus. Des victimes voient des criminels être libérés. Des accusés qui attendent leur procès sont libérés sous caution pour potentiellement replonger leurs victimes dans la souffrance. Des personnes dangereuses sont libérées de prison malgré le fait qu'elles représentent une grave menace pour autrui.
Le projet de loi est un plan qui vise à trouver les meilleurs programmes qui permettent de rétablir la confiance et de transformer les détenus en citoyens productifs. La baisse du nombre de récidivistes réduirait les coûts des systèmes sociaux ainsi que le fardeau qui pèse sur le système de justice et les arriérés qui y existent. Le système de justice pénale, les services de police du Canada et le nombre croissant de crimes nous disent tous qu'il faut prendre des mesures aujourd'hui pour s'attaquer au taux de criminalité croissant et aux coûts élevés que paient les citoyens respectueux des lois pour ces crimes.
Malgré la montée en puissance de la criminalité, la peur sans cesse grandissante de la population et le nombre toujours plus élevé de victimes, le gouvernement libéral n'a à peu près rien fait. Les taux de criminalité sont en hausse depuis cinq ans. Les crimes violents continuent de croître à un rythme effarant partout au Canada. La criminalité croît plus rapidement dans les régions rurales qu'en ville. Il n'y a jamais eu autant de fusillades liées aux gangs. Quant à la toxicomanie, elle est en hausse constante elle aussi, sans doute parce que les gens sont plus anxieux que jamais. C'est sans parler de la crise des opioïdes qui frappe le Canada et qui ne cesse d'empirer.
Les services de police et les municipalités constatent de leur côté que le système de justice favorise de plus en plus la récidive. Les criminels qui se font pincer sont relâchés sous caution — souvent après à peine quelques heures — et retombent aussitôt dans la criminalité, faisant d'autres victimes innocentes au passage. Les policiers arrêtent sans cesse les mêmes personnes, mais elles sont presque toujours relâchées dès le lendemain. À l'époque où j'étais policier, nous disions que 20 % des gens commettent 80 % des crimes, et c'est encore vrai aujourd'hui.
Les cinq dernières années nous ont prouvé que l'approche préconisée par le gouvernement est un échec et que, si rien ne change, les Canadiens continueront d'y perdre au change. Les Canadiens veulent qu'on sévisse contre les criminels, qu'on lutte contre la toxicomanie et qu'on mette fin au cycle de la violence et à la souffrance des victimes, et la mesure législative que voici fait justement partie de la solution, car elle permettrait de transformer les criminels en membres productifs de la société.
La réadaptation des criminels commence par la réforme des services correctionnels. Si les individus condamnés retournent dans la collectivité alors qu'ils représentent une menace pour autrui, le système ne protège ni les victimes, ni la communauté, ni les personnes qu'il devrait protéger. Si on ne donne pas la possibilité aux criminels de se préparer à la vie en société, le système les laisse tomber autant qu'il laisse tomber le reste de la société. En lieu et place d'une réadaptation et d'une transition, des criminels dangereux bénéficient d'une libération conditionnelle anticipée.
Comme nous le savons, au moins 10 terroristes liés à des groupes islamistes ont été relâchés dans le cadre d'une libération conditionnelle au cours des deux dernières années, et ce, même si tous s'entendent sur le fait qu'ils sont à haut risque de récidive et qu'ils prônent des idéologies extrémistes. Voilà exactement le genre d'individus qui ne devraient pas se retrouver en liberté dans la collectivité.
Le mois dernier, l'enquêteur correctionnel a souligné l'importance de procéder à une refonte des programmes d'éducation et de formation dans les prisons. La formation est dépassée, et le gouvernement n'a pas tenu compte des avis et recommandations à cet effet. Les résultats sont clairs: près de la moitié des criminels qui sont remis en liberté reviennent en prison dans les quelques années suivantes. Il existe une solution et celle-ci fait consensus auprès des ex-détenus, de la police et des responsables du système de justice. Il ne s'agit pas de gros programmes gouvernementaux, mais de programmes communautaires financés par des donateurs qui dirigent les efforts axés sur la formation, le soutien et la réinsertion sociale.
Comme je l'ai dit, j'ai rencontré des représentants d'Harvest House, au Nouveau-Brunswick, en compagnie du député de . Harvest House prône des valeurs chrétiennes et tend la main à ceux qui souhaitent réintégrer la société. L'organisme fonctionne selon le principe du trois, ce qui m'a intrigué, mais débouche sur de belles réussites. Dans les trois premières minutes après leur libération, les délinquants ont besoin d'une personne à qui faire confiance et qui les appuiera dans leur réintégration sociale. Au cours des trois premières heures, ils ont besoin d'un endroit où ils seront chez eux. Au cours des trois premiers jours, ils doivent se préparer à la vie quotidienne et ont besoin de quelqu'un pour les aider à accéder aux services essentiels, à s'y retrouver dans les services et les programmes gouvernementaux et à s'adapter à une nouvelle vie. Au cours des trois premières semaines, ils ont besoin d'obtenir de la formation et un emploi, ce qui peut être ardu lorsque l'on sort de prison et que l'on a un casier judiciaire. Au cours des trois premiers mois, ils ont besoin de soutien pour assurer des transitions réelles et permanentes, lorsque leur nouvelle vie commence à s'établir et qu'ils s'y adaptent. Dans les trois premières années, une fois qu'ils ont réussi, ils peuvent donner en retour et aider d'autres ex-détenus prêts à rebâtir une nouvelle vie.
Harvest House appuie ceux qui sont déterminés à mener une bonne vie en les accompagnant dans ces défis. De tels programmes ne conviennent peut-être pas à tous les délinquants en quête d'une vie meilleure, mais il s'agit d'un exemple parmi tant d'autres d'organismes qui mettent sur pied des programmes pour offrir des possibilités aux détenus. Ces programmes offrent de la sécurité, de la confiance, de la stabilité et des possibilités à ceux qui sont prêts à travailler pour les obtenir, et ils procurent de bien meilleurs résultats que les programmes fédéraux actuels.
Si l'on pouvait réduire le taux de récidive au Canada, on réduirait le coût en vies humaines et en argent. En investissant dans la prévention et la réinsertion sociale, on permet à plusieurs victimes d'échapper à une vie de douleur et de peur, on économise les ressources qui sont déjà très sollicitées dans le système de justice et on réduit les coûts associés au retour en prison, de même qu'à la libération conditionnelle et à la surveillance des délinquants. Aspect tout aussi important, on donne un coup de pouce à ceux qui veulent trouver le droit chemin. Il leur suffit d'un peu d'aide pour y arriver.
En conclusion, les organismes comme Harvest House font le travail que les lourds appareils gouvernementaux ne font pas. Les investissements dans ces programmes et les programmes de prévention ne coûtent pratiquement rien par rapport à l'argent qu'ils permettent d'économiser. En tant qu'ancien policier, j'ai eu des remerciements d'anciens délinquants après leur libération alors que j'avais contribué à ce qu'ils se retrouvent en prison. Pendant leur peine d'emprisonnement, ils sont devenus sobres, ils ont eu accès à des services d'éducation et de formation professionnelle et ils ont changé de trajectoire de vie. C'était toutefois il y a de nombreuses années. Ce devrait être l'objectif du système correctionnel, mais ce n'est pas ce qu'on observe aujourd'hui aussi souvent qu'on l'aimerait ou qu'on l'espérerait. Cependant, il est possible de renouer avec ce mandat en adoptant des approches appropriées pour réduire la récidive.
J'appuie fermement ce projet de loi. Je félicite mon collègue de l'avoir présenté, et j'espère que tous les députés voteront en faveur de cette mesure le moment venu.
:
Madame la Présidente, quand j'ai pris connaissance du préambule du projet de loi, certains passages m'ont vraiment frappé. Par exemple, celui-ci:
Attendu que le système correctionnel vise notamment à contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois[.]
En voici un autre:
[Attendu] que les personnes qui ont été incarcérées doivent bénéficier de ressources et de possibilités d’emploi qui leur permettent de réintégrer la collectivité sans retomber dans leurs vieilles habitudes[.]
En lisant ces passages, je me suis mis à espérer que, malgré tous les efforts déployés par Stephen Harper et le Parti réformiste, le Parti progressiste-conservateur n'était pas encore mort et qu'il existait encore. L'ironie, bien sûr, est que ce projet de loi soit présenté par un député du Parti conservateur, qui auparavant s'enorgueillissait de son approche à la justice voulant qu'on enferme les délinquants et qu'on jette la clé de la cellule.
Lorsqu'ils étaient au pouvoir, les conservateurs affectionnaient l'idée de peines minimales obligatoires. Or, il a été prouvé qu'elles augmentent aussi les récidives. Les preuves montrent que les peines plus longues augmentent les taux de récidive, surtout chez les groupes de personnes à plus faible risque, qui sont le plus touchées par les peines minimales obligatoires.
C'est aussi le Parti conservateur qui, une fois au pouvoir, a tenté d'équilibrer le budget de l'exercice de 2014-2015 en imposant au Service correctionnel du Canada des compressions budgétaires qui ont été faites précisément dans les programmes qui contribuaient à réduire le taux de récidive. Or, c'est exactement le genre de mesures que propose le projet de loi .
Quels sont les programmes auxquels je fais allusion? Le plan de réduction du déficit du gouvernement conservateur mettait beaucoup à contribution le Service correctionnel du Canada. Par exemple, il a fermé les prisons agricoles et éliminé le financement du Service correctionnel du Canada pour le programme Option-Vie et les Cercles de soutien. Il a retenu des sommes supplémentaires sur la paie des détenus pour l'alimentation et l'hébergement. Il a comprimé des programmes essentiels pour imposer un modèle unique. Il a aussi éliminé la prime de rendement pour le travail dans les ateliers industriels, réduit les services de bibliothèque et fermé trois établissements. Ce ne sont là que quelques exemples.
Encore une fois, il est extrêmement paradoxal que le député propose ce projet de loi huit ans seulement après que son parti a imposé des compressions budgétaires dans bon nombre des programmes de réadaptation que ce cadre pourrait finalement rétablir. J'ai jugé important de le souligner, car au cours de mes cinq années dans cette Chambre, je me suis rendu compte que certains députés peuvent avoir la mémoire très courte.
Revenons au projet de loi , qui prévoit que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, en collaboration avec les représentants des provinces et en consultation avec les groupes autochtones et d’autres intervenants compétents, notamment des organisations non gouvernementales, des organisations à but non lucratif, des organisations confessionnelles et des organisations du secteur privé, élabore et met en œuvre un cadre fédéral visant à réduire la récidive.
Le projet de loi précise ensuite que le cadre doit prévoir des mesures visant à mettre sur pied des projets pilotes et à élaborer des programmes normalisés et fondés sur des données probantes. Il doit également prévoir des mesures visant à favoriser la réinsertion sociale des personnes qui ont été incarcérées en veillant à ce qu’elles aient accès à des ressources adéquates et permanentes ainsi qu’à des possibilités d’emploi.
Le cadre doit aussi appuyer les initiatives à caractère confessionnel et communautaire axées sur la réinsertion sociale des personnes qui ont été incarcérées. Enfin, il doit étudier et appliquer les pratiques exemplaires internationales liées à la réduction de la récidive. Si l'on examine comment les autres pays dans le monde administrent leur système de justice, on peut certainement en tirer des leçons avantageuses pour le Canada.
Nous savons que l'éducation, la formation ainsi que les programmes et les services d'emploi pendant et après l'incarcération favorisent énormément la réhabilitation. Or, bon nombre des programmes et services offerts aux détenus manquent gravement de ressources et ont nettement besoin d'être modernisés. Nous savons également que, pour améliorer les résultats pour les détenus, une volonté politique et une réaffectation de fonds s'imposent.
En plus des programmes offerts pendant et après l'incarcération, le gouvernement devrait examiner les politiques de détermination de la peine et les facteurs de risque sociaux et économiques associés à la récidive, tels que la pauvreté, les peines minimales obligatoires et les interventions policières excessives. Là encore, on a souvent fait référence aux peines minimales obligatoires au cours des cinq années de pouvoir du gouvernement.
Bien que nous appuyions le projet de loi en principe, nous souhaitons le renforcer et l'améliorer en comité. En particulier, nous voulons que le comité reçoive des Autochtones, des Noirs et des Canadiens racialisés ainsi que des représentants d'organisations qui travaillent avec des détenus afin que le projet de loi soit plus que de simples bonnes intentions et qu'il donne de meilleures chances de réadaptation aux détenus.
Les taux de récidive sont une partie de l'équation, mais nous aimerions que le cadre prenne également en compte d'autres paramètres, tels que les taux d'emploi et d'obtention de diplôme et le fait qu'un détenu vive de manière indépendante après sa libération. Il est important de souligner que, selon des études récentes, les services correctionnels devraient cesser de se concentrer sur la récidive et plutôt soutenir les délinquants dans leur effort de renoncement au crime afin que ceux-ci puissent se sortir de la criminalité pour de bon.
Alors que la récidive est sans nuance — soit on récidive, soit on ne récidive pas —, le renoncement au crime permet de réaliser des progrès même s'il y a parfois de petits pas en arrière. Je pense que c'est très important, car il y a bien des situations différentes dans le système judiciaire; tout n'est pas noir ou blanc. Il existe de nombreuses zones grises et nous devons faire preuve d'une certaine souplesse si l'objectif global est de réussir la réinsertion sociale.
Nous voudrions une refonte du système d'évaluation des risques dans les prisons fédérales, qui ont l'habitude d'attribuer une cote de sécurité aux détenus et un potentiel de réinsertion qui les suivent pendant toute leur détention et déterminent à peu près tout pendant leur passage en prison. Entre autres, la cote de sécurité détermine les programmes de traitement auxquels le détenu aura accès et le potentiel de réinsertion contribue à la décision relative à sa libération conditionnelle. Il a été établi que ces outils d'évaluation sont discriminatoires à l'égard des détenus noirs et autochtones, ce qui mine leurs chances d'avoir accès aux programmes et services qui pourraient contribuer à leur réadaptation et à leur réinsertion sociale.
Je sais que cela n'est pas possible dans le cadre d'un projet de loi d'initiative parlementaire, puisque, pour cela, il est nécessaire d'obtenir une recommandation royale, mais un financement adéquat aiderait grandement à la mise en œuvre du cadre comme tel. J'aimerais que le gouvernement du Canada s'engage à assurer un financement après la création du cadre.
Je termine en citant un article de Bianca Bersani et d'Elaine Doherty de 2017 au sujet du renoncement au crime au XXIe siècle:
Il est beaucoup plus facile d'arrêter de commettre des crimes pour la personne qui a un revenu, un endroit où vivre, un sentiment d'appartenance et des gens qui se préoccupent de son sort. La marginalisation qu'entraîne l'existence d'un casier judiciaire à elle seule peut rendre le renoncement au crime beaucoup plus ardu. [...] de récentes recherches indiquent que les démêlés avec le système de justice pénale, ironiquement, auraient possiblement « un lien causal [...] de poursuite de la carrière criminelle » plutôt qu'un effet sur le renoncement à celle-ci.
Je tiens à féliciter le député de d'avoir présenté le projet de loi à la Chambre. J'espère que ce dernier sera renvoyé au comité en vue d'une étude plus approfondie.
:
Madame la Présidente, cela me fait plaisir d'être à la Chambre de façon virtuelle et de participer au débat concernant le projet de loi . C'est un projet de loi important. Je tiens à souligner, comme l'a fait mon collègue de , que le gouvernement va appuyer le projet de loi et recommande son renvoi au Comité permanent de la sécurité publique et nationale pour une étude plus approfondie.
Je veux aussi remercier mon collègue de de ses démarches en ce qui a trait à cette question. C'est un parfait gentleman qui a collaboré avec tous les partis de la Chambre dans le cadre de l'élaboration et de la présentation de ce projet de loi.
L'idée d'un cadre fédéral qui vise à réduire le taux de récidive est tout simplement logique. C'est un projet qui est conforme à notre engagement de fournir des ressources qui facilitent la réintégration, de soutenir les programmes communautaires et des centres de justice de proximité, et de s'attaquer au problème de la surreprésentation des personnes noires et autochtones dans notre système de justice pénale. Ces priorités ont d'ailleurs été récemment réitérées par notre gouvernement, à l'occasion du discours du Trône, dans le cadre des réformes du système de justice.
Un cadre de travail tel que proposé dans le projet de loi va nous permettre de traiter de façon efficace les différents facteurs qui entrent en jeu dans la récidive.
[Traduction]
Compte tenu de ce qui s'est dit au cours de la première heure de discussion, nous pouvons conclure, je pense, que nous sommes tous d'accord sur un certain nombre de principes contenus dans le projet de loi. Nous devons veiller à faire tout ce qu'il faut pour réduire les risques de récidive. Les crimes causent du tort aux victimes et aux familles. Ils ont un impact sur les collectivités et menacent leur sécurité et leur bien-être. L'histoire récente montre que jusqu'à un quart des personnes libérées d'un établissement pénitentiaire fédéral ont été de nouveau condamnées pour une infraction fédérale ou provinciale dans les années qui ont suivi leur libération. Nous devons donc nous assurer que nous prenons en compte les risques et les besoins uniques des personnes incarcérées afin de favoriser leur réadaptation et leur réinsertion sociale.
Je ne dis pas cela pour critiquer le député d'en face, étant donné qu'il n'était pas député à l'époque, mais je m'en voudrais de ne pas mentionner, comme l'a fait mon collègue du NPD, les répercussions sur les services et les programmes destinés aux détenus qu'ont eues les compressions massives effectuées dans le cadre du plan d'action des conservateurs de Stephen Harper pour réduire le déficit. De nombreux programmes dont l'objectif était d'assurer une intégration réussie, supervisée et progressive dans la collectivité ont vu leur financement supprimé.
Selon M. Zinger, qui est enquêteur correctionnel, ces compressions se sont avérées désastreuses, puisqu'elles ont supprimé des occasions d'emploi. Je reconnais que le député de propose en toute sincérité une entente pragmatique qui vise à offrir des solutions à une situation et à des problèmes complexes. Nous savons tous qu'au Canada, presque tous les détenus finiront par réintégrer la société. Ils le feront après avoir obtenu une mise en liberté sous condition ou une fois qu'ils auront purgé la totalité de leur peine. Ces personnes ont souvent des difficultés et des besoins uniques qui, s'ils sont ignorés, peuvent nuire à leur réintégration et accroître les risques de récidive.
Le risque de récidive pose un défi en raison du caractère véritablement multidimensionnel de la question. Un large éventail de facteurs sont en cause, sur le plan socioéconomique et au sein même du système de justice pénale. Pensons à des facteurs comme la santé, l'éducation, l'accès à l'emploi et l'accès au logement. C'est pourquoi je suis heureux que le projet de loi prévoie une approche multisectorielle élargie face à cet enjeu. Si le projet de loi est adopté, il sera important de consulter une vaste gamme d'intervenants. Il faudra entendre, par exemple, ce qu'ont à dire ceux qui fournissent des services aux personnes incarcérées ou aux anciens détenus.
Nous devons également tendre la main à nos partenaires provinciaux et territoriaux pour mettre en commun les renseignements obtenus et les leçons apprises et, si possible, cerner les possibilités de collaboration futures. Nous devons écouter le point de vue de divers groupes de détenus, comme les Autochtones et les Noirs qui, malheureusement, continuent d'être surreprésentés au sein du système de justice pénale. Nous devons entendre ceux qui en ont fait l'expérience, ainsi que les victimes et leur famille.
[Français]
Le projet de loi reconnaît le rôle clé que joue le gouvernement dans la réussite des efforts de réinsertion et de prévention de la criminalité. Nous allons mettre en place une manière efficace d'atteindre cet objectif, entre autres par la suppression du stigma qui est associé à un casier judiciaire par le truchement d'une amélioration du système de suspension des casiers qui est plus communément appelée le pardon.
On sait qu'un casier judiciaire peut créer des obstacles à ceux qui cherchent à se réinsérer dans la communauté. Cela peut entraver les chances d'accéder à un emploi, à un logement ou à des programmes d'éducation. Les pardons permettent de faciliter cette réintégration. Ce faisant, une réintégration réussie a un effet positif sur la sécurité publique, et cela permet aux individus de participer de façon constructive à la société, de s'accomplir pleinement.
[Traduction]
Au cours de la dernière décennie, la Loi sur le casier judiciaire, qui est l’épine dorsale du système de réhabilitation, a fait l’objet d'importantes modifications. Malheureusement, certaines d'entre elles ont eu pour effet de limiter l’accès à la réhabilitation et d’allonger la période d’attente pour la présentation d'une demande. Les frais exigés pour présenter cette demande ont considérablement augmenté, passant de 50 à 150 dollars en 2010, puis à 631 dollars en 2012, ce qui a créé un obstacle supplémentaire pour les personnes souhaitant se prévaloir d'une réhabilitation.
Le gouvernement demeure résolu à revoir le programme dans son ensemble. C'est un engagement qui figure dans le discours du Trône; il indique que nous allons adopter des mesures législatives et réaliser des investissements pour lutter contre les inégalités systémiques dans toutes les phases du système de justice pénale, de la déjudiciarisation à l’établissement des peines, de la réinsertion au casier judiciaire.
La Commission des libérations conditionnelles du Canada a amorcé le travail en menant des consultations en ligne sur les frais de service, et il n’est pas surprenant que la plupart des répondants aient affirmé que ces frais constituaient un obstacle aux demandes de réhabilitation. Pour sa part, Sécurité publique Canada a mené des consultations en ligne auprès des parties prenantes, des partenaires et du public sur l'examen de la Loi sur le casier judiciaire. Les résultats de ces consultations ont révélé que le processus d’obtention d’une suspension de casier était trop complexe et que les périodes d’attente étaient trop longues.
Ces consultations ont été suivies du rapport sur le Programme de suspension du casier que le Comité permanent de la sécurité publique et nationale a publié en 2018, dans lequel on recommandait de réformer le système de réhabilitation, notamment en révisant le processus et en rendant la réhabilitation automatique dans certaines circonstances. Dans sa réponse, le gouvernement a réaffirmé son engagement à l’égard d’un système de réhabilitation juste et proportionné qui atteint l’objectif de promouvoir la sécurité publique tout en permettant aux personnes qui mènent une vie exempte de criminalité de devenir des membres à part entière de la société.
[Français]
Rendre les pardons plus accessibles permettrait d'aider certains membres des communautés marginalisées et racisées qui doivent faire face à des obstacles supplémentaires lorsqu'ils ont un casier judiciaire. Comme je l'ai souligné, toutes ces mesures, ainsi que le projet de loi , sont conformes au discours du Trône. Le projet de loi est également conforme à notre engagement envers le maintien de la sécurité publique, notamment en réformant le système de justice criminelle et en facilitant la réinsertion sociale des personnes incarcérées.
La création d'un cadre fédéral qui vise à réduire la récidive contribuerait à faire progresser l'engagement de notre gouvernement de remédier aux iniquités systémiques qui existent à toutes les étapes du système de justice criminelle.
C'est pourquoi j'encourage tous les députés de la Chambre à se joindre à moi et au gouvernement pour appuyer le projet de loi C-228 aujourd'hui et pour recommander son renvoi à l'examen en comité.
Je vous remercie beaucoup, madame la Présidente, de votre attention et, comme j'ai la parole, je vous souhaite de joyeuses Fêtes, ainsi qu'à tous les députés et à tout le personnel.
:
Madame la Présidente, je tiens moi aussi à commencer mon exposé en soulignant le travail exceptionnel de tous nos collègues, peu importe leur allégeance politique. Cette session aura été difficile et demeurera mémorable.
Cela me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi , qui vise à mettre en place un cadre fédéral pour réduire la récidive chez les délinquants. Si cela me fait plaisir, c'est principalement parce que mon premier baccalauréat universitaire était en criminologie, une science appliquée qui cherche, entre autres, à analyser les comportements criminels et la réhabilitation des délinquants.
Ce projet de loi fait écho au meurtre horrible de Marylène Levesque par le récidiviste Eustachio Gallese. Ce meurtre tend à démontrer certaines lacunes dans les mécanismes déjà existants qui font que le gouvernement semble vraiment avoir échoué à protéger cette femme et la population en général. C'est un cas parmi tant d'autres que nous avons vécus ces dernières années.
Le rapport de l'enquêteur correctionnel du Canada, Ivan Zinger, publié le 27 octobre 2020 démontre que le gouvernement fédéral gère mal, pour ne pas dire très mal, la réinsertion sociale des détenus. C'est un rapport dévastateur pour le gouvernement qui dévoile plusieurs problèmes, dont un est l'absence quasi totale de formation pour les détenus dans les pénitenciers fédéraux. Il note que, bien qu'il y ait des emplois dans les pénitenciers fédéraux, ces emplois ne permettent pratiquement pas aux détenus de développer des compétences utiles pour le marché du travail. Les détenus ont mentionné à l'enquêteur correctionnel qu'ils acceptaient ces emplois tout simplement pour éviter de passer du temps dans leur cellule.
Il note aussi qu'il y a peu de possibilités pour les détenus de suivre des formations postsecondaires dans les pénitenciers. Il souligne qu'il y a des bibliothèques dans les pénitenciers, évidemment, mais que les livres qui meublent ces bibliothèques sont désuets. Bref, le fédéral échoue lamentablement dans la réhabilitation des détenus en ne leur donnant aucun outil pertinent pour réintégrer la société. Cependant, on doit le dire: la réinsertion sociale, ce n'est pas quelque chose de facile et ce n'est pas quelque chose qu'on aborde depuis 100 ans.
Le Bloc québécois appuie le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Nous souhaitons néanmoins mettre en garde le gouvernement fédéral contre la tentation d'imposer un modèle fédéral dans les prisons qui sont gérées par les provinces. Là-dessus, en passant, rappelons que le fédéral gère les peines de deux ans et plus, alors que le provincial gère les peines de deux ans moins un jour. Il ne faut pas tolérer le moindrement qu'un cadre fédéral vienne dicter aux provinces ce qu'elles doivent faire, comme ce gouvernement le fait souvent.
De plus, une étude récente menée par le groupe de recherche CIRANO juge que le Québec fait nettement mieux que le monde entier en matière de réinsertion sociale. Évidemment, je parle des pays évolués. Le projet de loi C-228 doit donc se concentrer sur la réinsertion dans les pénitenciers fédéraux sans dicter aux provinces ce qu'elles doivent faire.
Dans le but d'être constructif dans le cadre de ce projet de loi, le Bloc québécois estime que le cadre de cette loi devrait tenir compte des éléments suivants. D'abord, il faut mettre en place des projets pilotes et élaborer des programmes standardisés pour réduire la récidive. Ensuite, il faut favoriser la réinsertion sociale en s'assurant que les détenus ont accès à des ressources adéquates et à des possibilités d'emploi. De plus, le projet devrait appuyer les initiatives confessionnelles et communautaires qui visent la réinsertion sociale des ex-détenus.
Finalement, il devrait étudier les pratiques internationales liées à la réinsertion sociale et coller évidemment aux pratiques qui auront fait leurs preuves.
Le ministère de la Justice devrait aussi établir ce cadre en partenariat avec les provinces, car, malgré l'ingérence que nous craignons, il y a actuellement des pénitenciers fédéraux dans toutes les provinces, dont le Québec.
Le projet de loi devrait aussi demander au ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile de déposer au Parlement un rapport dans l'année suivant l'adoption du présent projet de loi.
Encore une fois, selon une étude du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, ou CIRANO, les programmes de réinsertion sociale diminuent nettement la récidive. Non seulement les programmes visant à faciliter la réinsertion sociale des détenus qui fréquentent les prisons gérées par le gouvernement du Québec diminuent la récidive, mais, comme je viens de le dire, ils le font nettement mieux que tous les pays connus dans le monde qui s'y attardent.
Les chercheurs du CIRANO ont obtenu des données sur les programmes pour les prisons de Montréal, de Québec et de Saint-Jérôme. Ils ont jumelé ces prisons avec d'autres provenant du ministère de la Justice du Québec.
Ils ont alors constaté que le taux de récidive des détenus qui participaient aux programmes était de 10 % à Montréal comparé à 50 % chez les non participants sur une période de cinq ans. Dans les deux autres établissements, le résultat est légèrement inférieur. On parle de 6 % et de 35 %. Le fait d'appliquer des programmes donne des résultats vraiment extraordinaires par rapport au fait de ne pas en appliquer.
D'ailleurs, les chercheurs ont constaté que plus les détenus participent à des programmes durant leur incarcération, moins la probabilité qu'ils récidivent est élevée. À la suite de ces résultats et de cette étude, force est de constater que la meilleure piste de solutions pour contrer la récidive chez les délinquants se situe dans des programmes de réinsertion sociale ou des programmes élargis de réinsertion sociale.
:
Madame la Présidente, je remercie tous les députés qui prennent part au débat ce soir et qui ont participé aux discussions et délibérations jusqu'à présent. Je suis très reconnaissant ce soir d'avoir reçu ce genre de réponse de la part de tous les partis. Des suggestions et des observations très positives ont été formulées, et j'accueille favorablement ce genre de commentaires.
Je suis impatient et optimiste de voir le projet de loi renvoyé au comité et de poursuivre le travail que nous avons entrepris dans ce dossier. J'estime que nous nous sommes lancés dans cette aventure ensemble et j'en suis très reconnaissant. Ce fut une expérience formidable pour moi et mon personnel. Je remercie les membres de mon personnel de tout le travail qu'ils ont accompli en coulisses pour faire du projet de loi une réalité.
Je profite de l'occasion pour remercier également les nombreux bénévoles qui continuent de faire de l'excellent travail auprès de gens qui sont en voie de guérir et de réintégrer la collectivité. Ce sont souvent des héros méconnus de la collectivité. Ils reçoivent rarement des louanges en public et, souvent, ils travaillent bénévolement. Je veux simplement remercier chacun d'entre eux.
À ma première intervention à l'étape de la deuxième lecture, j'ai parlé de mon ami Monty Lewis, qui est décédé depuis, ainsi que de son épouse Lynda. Après avoir confronté ses démons et ses conflits personnels dans sa cellule avec l'aide d'un aumônier de l'Armée du Salut qui s'adonnait à lui rendre visite au cours de cette période, sa vie a complètement changé et il s'est engagé dans une nouvelle voie. À sa libération, après avoir purgé sa peine et payé sa dette envers la société, il s'est consacré, avec son épouse Lynda, à aider d'autres personnes dont le cheminement était semblable au sien.
Je me souviens avoir visité des prisons avec Monty, notamment à Noël, une période très importante. Il m'a dit qu'aucune solitude n'était plus grande que celle d'un prisonnier à Noël, tant pour lui que pour la famille dont il est séparé. L'incarcération laisse souvent beaucoup de place à l'isolement, à la réflexion et à la solitude.
À peine deux ou trois jours avant Noël, je me suis rendu dans une prison de ma région et je n'oublierai jamais cette visite. J'ai pu entendre l'histoire d'un homme qui purgeait sa peine dans la prison et qui faisait maintenant du bénévolat dans le cadre du programme d'aumônerie. Il m'a raconté son histoire et ses expériences. Il m'a indiqué que les gens comme moi qui visitent la prison voient la façade de bravoure des détenus. Il a dit que les détenus arborent leur plus beau masque et que c'est ce que nous voyons. Il a déclaré que ce que nous ne voyons pas et ce que les détenus ne veulent pas nous montrer, ce sont les larmes qu'ils versent. La nuit, on peut entendre les sanglots qui proviennent des couloirs et des cellules. Le détenu m'a dit que c'est la facette de la réalité que de nombreuses personnes ne voient pas. Les détenus vivent sous le poids de ce qui a déjà été et des regrets qu'ils ont, et je pouvais sentir cette profonde solitude.
En cette période de l'année, bien des détenus et des gens à la maison peuvent vivre de la solitude, mais c'est aussi une période d'espoir. On constate que les gens veulent reprendre espoir, et la période des Fêtes peut leur en offrir. Je pense que ce projet de loi offre à bien des gens l'espoir d'un nouveau départ et d'une deuxième chance ainsi que d'une vie de paix et de liberté. Je ne peux penser à une meilleure façon de terminer le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi que de le faire pendant la saison des Fêtes. Aujourd'hui, nous pouvons faire briller une lumière au bout d'un tunnel très long et très sombre pour beaucoup de personnes.
Chers collègues, le projet de loi vise à donner à ceux qui ont purgé leur peine la meilleure chance possible de réussir après leur libération, grâce à des partenariats efficaces entre les secteurs public et privé, des organismes sans but lucratif et confessionnels, les communautés autochtones et des organismes non gouvernementaux. En collaborant, nous pourrons ouvrir une voie et orienter les gens vers la réussite. Nous pourrons prendre des mesures pour mettre fin au syndrome de la porte tournante dans le système carcéral et pour apporter des changements positifs au système de justice criminelle.
Je remercie tout le monde et je tiens à profiter de cette occasion pour souhaiter un très joyeux Noël et une bonne année à tous ainsi qu'à leur famille et à tous les députés.