propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi .
Avant d'aborder le projet de loi comme tel, j'aimerais rappeler que des dizaines d'années de travail ont été nécessaires pour en arriver où nous sommes aujourd'hui.
En fait, des négociations et des discussions ont eu lieu aux Nations unies pendant plus de 20 ans. De nombreux dirigeants autochtones canadiens ont plaidé avec énergie, au nom des peuples autochtones du monde, en faveur d'un instrument de protection des droits de la personne qui tiendrait compte des expériences et des situations historiques uniques des peuples autochtones du monde.
Je me dois de reconnaître l'énorme travail des parlementaires et des dirigeants autochtones au Canada pour proposer des cadres législatifs en vue de la mise en œuvre de la Déclaration, et ce, depuis son adoption par les Nations unies en 2007.
Plus particulièrement, je veux reconnaître le travail de notre ancien collègue Roméo Saganash, qui a présenté le projet de loi d'initiative parlementaire C-262 lors de la dernière législature. Ce projet de loi a été lu et étudié de façon assez détaillée. Ses efforts nous ont menés là où nous sommes et nous rappellent les discussions et les conversations constructives qui ont contribué à l'élaboration et à la présentation du projet de loi C-15. Je remercie M. Saganash.
Le projet de loi C-15 et l'appui à la Déclaration des Nations unies visent à renouveler et à renforcer la relation entre la Couronne et les peuples autochtones, une relation fondée sur la reconnaissance, les droits, le respect, la coopération, le partenariat et la réconciliation.
[Traduction]
Cette mesure s'inscrit également dans le cadre d'efforts plus vastes pour unir nos forces et faire progresser nos priorités communes qui sont de respecter les droits de la personne, de reconnaître le droit à l'autodétermination, de combler les écarts socioéconomiques, de lutter contre la discrimination et d'éliminer les barrières systémiques auxquelles se heurtent les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est un instrument international en matière de droits de la personne qui affirme les droits — qui sont des normes minimales — des peuples autochtones à la survie, à la dignité et au bien-être. Elle compte 46 articles qui énoncent une vaste gamme de droits individuels et collectifs, y compris les droits qui touchent l'autodétermination et l'autonomie gouvernementale; l'égalité et la non-discrimination; la culture, la langue et l'identité; les terres, les territoires et les ressources; et les droits issus de traités, entre autres.
Par ailleurs, la déclaration reconnaît que la situation des peuples autochtones varie d'une région à l'autre et d'un pays à l'autre. Ainsi, elle offre la souplesse requise pour que les circonstances uniques des divers peuples autochtones au Canada soient prises en compte lorsqu'il s'agit de reconnaître, de protéger et de respecter leurs droits. Cela signifie que la mise en œuvre des droits qu'énonce la déclaration doit se faire dans le respect de la réalité unique du Canada.
Au Canada, autant la Commission de vérité et réconciliation de 2015 que l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées de 2018 pressent les divers gouvernements au Canada de pleinement adopter et de mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en partenariat avec les Autochtones. Nous avons entendu ces appels et, en 2016, le gouvernement du Canada a adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sans réserve et s'est engagé à la mettre en œuvre en totalité.
Nous avons fait des progrès considérables dans la mise en œuvre de la déclaration sur le plan stratégique. Parallèlement à ces efforts, le projet de loi permettrait de créer un cadre législatif durable pour obliger le gouvernement à travailler en collaboration avec les peuples autochtones en vue de faire avancer constamment la mise en œuvre de la déclaration dans tous les secteurs qui relèvent du gouvernement fédéral. Cette approche reflète les efforts soutenus et porteurs que la Commission de vérité et réconciliation et de nombreux autres intervenants nous ont recommandé de faire pour promouvoir véritablement la réconciliation au Canada.
[Français]
Certains principes de la Déclaration sont déjà exprimés dans plusieurs lois, politiques et programmes canadiens tels que l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés sur le droit à l'égalité et les protections contre la discrimination comprises dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
En s'appuyant sur le cadre juridique du Canada, le gouvernement du Canada a aussi pris des mesures pour que la Déclaration soit mieux reflétée dans les politiques et les lois fédérales comme, entre autres, l'initiative récente, la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et la Loi sur les langues autochtones. Le projet de loi est une autre étape importante à cet égard. En encourageant la collaboration et la coopération avec les peuples autochtones, nous créons de nouvelles occasions pour mettre un terme aux structures coloniales, établir des relations solides et durables, combler les lacunes socioéconomiques et favoriser la prospérité des peuples autochtones et de tous les Canadiens.
[Traduction]
J'aimerais maintenant parler de certains éléments clés du projet de loi .
Le préambule du projet de loi comprend un certain nombre de déclarations importantes. On y reconnaît notamment l'importance de la déclaration en tant que cadre pour la réconciliation, la guérison et la paix, les droits intrinsèques, l'importance de respecter les traités et les accords, ainsi que la nécessité de tenir compte de la diversité des peuples autochtones lors de la mise en œuvre des mesures législatives.
Par ailleurs, le préambule reconnaît plus particulièrement que les instruments internationaux d'application des droits de la personne, y compris la déclaration, peuvent être utilisés dans l'interprétation des lois canadiennes. Cela signifie que les normes relatives aux droits de la personne qui y sont énoncées peuvent être des balises pertinentes et convaincantes pour les autorités et les tribunaux. Cela ne veut pas dire que les instruments internationaux peuvent l'emporter sur les lois canadiennes, mais que la déclaration peut orienter le processus de conception ou de modification des lois ainsi que l'interprétation et l'application des dispositions législatives. Ce principe est également pris en compte dans l'article 4, qui affirme l'engagement du gouvernement du Canada à respecter les droits des peuples autochtones et à tenir compte de la déclaration comme instrument universel en matière de droits de la personne lors de l'application des lois canadiennes. L'ensemble de ces affirmations visent à reconnaître des principes juridiques établis sans toutefois conférer un effet juridique direct à la déclaration au Canada.
Le projet de loi inclut également des obligations précises prévoyant l'établissement d'un cadre de mise en œuvre de la déclaration au fil du temps. En exigeant que le gouvernement du Canada prenne d'abord les mesures pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la déclaration, à l'article 5, élabore ensuite un plan d'action en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, à l'article 6, et dépose enfin un rapport annuel au Parlement faisant état des progrès réalisés, à l'article 7, le projet de loi indique clairement une voie à suivre vers des relations plus fortes et plus résilientes entre le gouvernement et les peuples autochtones.
Le projet de loi contribuerait aussi aux efforts que nous déployons pour lutter contre la discrimination, les inégalités socioéconomiques et d'autres aspects problématiques — des dossiers dans lesquels nous continuons à progresser. En imposant un processus de collaboration pour établir un plan d'action concret sur ces questions et d'autres priorités en matière de droits de la personne, nous devrions constater une amélioration du lien de confiance et une diminution des recours aux tribunaux pour résoudre des conflits sur les droits des peuples autochtones.
[Français]
J'aimerais maintenant parler de la façon dont le projet de loi C-15 a été élaboré. Ce projet de loi est le fruit d'un processus de collaboration et d'engagement qui a été mené, au cours des derniers mois, auprès de détenteurs de droit, de leaders et d'organisations autochtones. Dans le cadre de ces engagements, nous avons utilisé l'ancien projet de loi d'initiative parlementaire C-262 comme point de départ et nous avons travaillé en étroite collaboration avec l'Assemblée des Premières Nations, Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis.
Nous avons aussi reçu de précieux commentaires de la part des collectifs autochtones ayant conclu un traité moderne, des Premières Nations autonomes, des titulaires de droits, des jeunes Autochtones et d'organismes autochtones régionaux et nationaux, notamment ceux qui représentent les femmes autochtones, les personnes bispirituelles et celles de diverses identités de genre d'origine autochtone.
Tous ces commentaires ont façonné l'élaboration de la proposition législative et nous tenons à remercier tous ceux qui ont contribué. Nous avons également tenu des discussions avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi qu'avec les intervenants de l'industrie des ressources naturelles.
Ces discussions ont été enrichies par la participation de représentants autochtones et ont permis de prendre connaissance de nombreux travaux et initiatives déjà en cours dans les provinces et les territoires, ainsi que dans divers secteurs des ressources naturelles, afin d'impliquer davantage les communautés autochtones, de développer des partenariats et des relations durables et de travailler en collaboration de manière à soutenir un développement économique responsable qui inclut les peuples autochtones.
On dit toujours que les jeunes sont l'espoir pour l'avenir. Il y a beaucoup de vérité dans cette affirmation, et nous avons organisé une table ronde virtuelle avec les jeunes Autochtones afin de nous assurer que leur perspective et leur vision de l'avenir étaient incluses dans le processus.
De jeunes membres des Premières Nations, Inuits et Métis de tout le pays nous ont fait part de leurs points de vue sur le projet de loi et de leurs priorités en ce qui concerne la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je suis reconnaissant qu'ils aient saisi l'occasion de me poser de nombreuses questions difficiles.
En repensant à cet événement, il est clair pour moi que les jeunes Autochtones ont une vision pour un Canada meilleur. Celle-ci découle de leur vision de l'avenir pour leur nation et leur peuple. Ils voient un avenir où les peuples autochtones forts et autodéterminés s'épanouissent et sont liés à la terre et à la culture.
Les jeunes Autochtones voient un avenir où les relations entre les Autochtones et la Couronne seront véritablement de nation à nation, reflétant l'égalité et le respect et non des attitudes coloniales.
Il est évident que nous avons encore du chemin à parcourir ensemble pour bâtir cet avenir meilleur. Cependant, il est tout aussi évident que le projet de loi nous permettra d'exploiter le plein potentiel de la Déclaration pour bâtir ce Canada meilleur.
[Traduction]
À cette fin, et conformément au mandat que s'est donné le gouvernement, le projet de loi fait fond sur les éléments principaux de l'ancien projet de loi d'initiative parlementaire , y compris l'obligation de veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la déclaration au fil du temps, d'élaborer et de mettre en œuvre un plan d'action en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones et de faire état des progrès réalisés au Parlement chaque année. Cependant, notre récent processus de participation a mené à un certain nombre d'améliorations importantes. En plus du nouveau passage dans le préambule soulignant que la mise en œuvre de la déclaration peut contribuer à la réconciliation, au développement durable et à la lutte contre les préjugés et la discrimination, l'ajout d'une disposition de déclaration d'objet et de plus de détails sur les obligations d'élaborer un plan d'action et de déposer un rapport annuel s'appuie sur ce qui était proposé dans le projet de loi C-262 et l'améliore.
Au cours de notre processus de consultation, nous avons entendu des questions sur la portée du projet de loi et certains ont dit craindre qu'il engendre de l'incertitude économique. Je tiens à être bien clair: le projet de loi C-15 imposerait des obligations au gouvernement fédéral pour qu'il harmonise progressivement les lois canadiennes avec la Déclaration et pour qu'il prenne des mesures dans ses champs de responsabilité pour mettre en œuvre la Déclaration, tout en consultant les peuples autochtones et en collaborant avec eux. Il n'imposerait pas d'obligations aux autres ordres de gouvernement. Cependant, nous savons que la Déclaration touche beaucoup de domaines qui dépassent la compétence fédérale. Donc, le préambule reconnaît que les gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones et les administrations municipales doivent et devraient encore prendre des mesures dans leurs propres champs de compétence pour contribuer à la mise en œuvre de la Déclaration. Notre objectif n'est pas d'entraver les bonnes idées et les mesures locales efficaces, mais de chercher les occasions de collaborer sur les priorités communes, en adoptant des mesures complémentaires.
La Déclaration et, par extension, le projet de loi offrent un cadre fondé sur les droits de la personne pour l'établissement des relations nécessaires pour soutenir l'exercice efficace du droit à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination des peuples autochtones. L'exercice de ces droits contribuera à son tour à la création de collectivités plus prospères, plus résilientes et plus autonomes.
[Français]
Découlant du droit à l'autodétermination, le « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause », tel qu'il apparaît dans divers articles de la Déclaration, parle particulièrement de l'importance de la participation significative des peuples autochtones, par le biais de leurs propres mécanismes, aux décisions et au processus qui les concernent, ainsi que leurs droits et leur communauté.
Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause est un outil de collaboration en vue d'établir un consensus, par le dialogue et d'autres mécanismes, et de permettre aux peuples autochtones d'influencer de façon significative la prise de décision.
Il ne s'agit pas d'un droit de veto sur le processus décisionnel du gouvernement. Après tout, les droits de la personne et les obligations et devoirs qui en découlent, notamment ceux prévus à la Déclaration, ne sont pas absolus.
La Déclaration souligne d'ailleurs que les peuples autochtones jouissent de droits individuels et collectifs égaux à ceux des autres peuples. Ce qui signifie que les dispositions de la Déclaration, y compris celles qui font référence au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, doivent être lues dans son contexte. Différentes initiatives auront différentes conséquences sur les droits des peuples autochtones et nécessiteront différents types d'approches.
Ainsi, le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, pourra exiger des processus différents ou de nouvelles façons créatives de collaborer pour assurer une participation significative et efficace à la prise de décision.
Ce projet de loi, s'il est adopté, ne modifiera pas l'obligation actuelle du Canada de consulter les peuples autochtones ni les autres exigences de consultation et de participation prévues par d'autres lois comme la nouvelle Loi sur l'évaluation d'impact. Comme il est également expliqué à l'article 2, il ne diminuerait pas la protection constitutionnelle des droits ancestraux et issus des traités reconnus et confirmés par l'article 35.
Le projet de loi permettrait d'informer le gouvernement sur la manière dont il envisage la mise en œuvre de ses obligations juridiques à l'avenir. De plus, le projet de loi le ferait de manière à apporter plus de clarté et à créer une plus grande certitude au fil du temps pour les groupes autochtones et tous les Canadiens.
[Traduction]
Quand les peuples autochtones participent à la prise de décisions susceptibles d'avoir une incidence sur leurs communautés, nous respectons leurs droits et favorisons le développement et de meilleurs résultats sur le plan économique. En mettant en œuvre la Déclaration à l'échelle fédérale et en appuyant le droit inhérent des peuples autochtones à l'autodétermination, nous contribuerons à ouvrir la voie, une voie plus sûre, durable et prévisible, aux peuples autochtones, au gouvernement du Canada et à l'industrie. Nous sommes prêts à travailler avec tous les ordres de gouvernement, les peuples autochtones et d'autres secteurs de la société pour atteindre les objectifs de la Déclaration.
Je vais maintenant parler de la feuille de route que ce projet de loi prévoit, pour l'avenir. S'il est adopté, le projet de loi obligera le gouvernement du Canada à élaborer un plan d'action en consultation et en collaboration avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis, pour atteindre les objectifs de la Déclaration. Les détails supplémentaires inclus dans le projet de loi concernant le plan d'action sont très importants. En effet, le plan d'action constitue un élément central de cette mesure législative.
Comme l'article 6 du projet de loi l'indique, l'élaboration et la mise en œuvre du plan d'action signifieraient travailler ensemble pour lutter contre les injustices, combattre les préjugés et éliminer toute forme de violence et de discrimination, notamment la discrimination systémique auxquels se heurtent les peuples autochtones, dont le racisme, sous toutes ses formes, dont ils sont victimes; promouvoir le respect et la compréhension mutuels et de bonnes relations, notamment grâce à de la formation sur les droits de la personne. Cela signifierait aussi la mise en œuvre de mesures de contrôle ou de surveillance, de voies de recours, de mesures de réparation ou d’autres mesures de reddition de comptes en lien avec la mise en œuvre de la Déclaration, ainsi que de mesures en vue de l'examen et de la modification du plan d'action.
[Français]
Certains ont également demandé pourquoi présenter ce projet de loi en pleine pandémie mondiale.
Nous savons que le racisme et la discrimination n'ont pas cessé pendant la pandémie. Au contraire, la COVID-19 a exacerbé de nombreuses inégalités existantes et a frappé particulièrement durement de nombreuses personnes, y compris les Autochtones et les Canadiens noirs ou racisés. Nous ne pouvons pas retarder les efforts pour rendre le Canada plus juste, plus inclusif et plus résilient.
Le projet de loi C-15 pourrait contribuer à structurer les discussions sur la lutte contre les inégalités et les discriminations à l'égard des peuples autochtones qui sont à l'origine de ces nombreuses vulnérabilités.
[Traduction]
Notre collaboration pour trouver de nouvelles mesures reflétant les droits et les objectifs de la déclaration apportera de nombreux avantages. Dans le cadre de ce processus, nous continuerons à solidifier les relations de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, entre les Inuits et la Couronne; à améliorer le respect et la mise en œuvre des droits individuels et collectifs des Autochtones; à profiter de cette impulsion pour accroître la capacité des peuples autochtones à exercer leur droit à l'autodétermination; à soutenir les peuples autochtones dans leurs efforts pour rétablir et consolider leurs systèmes de gouvernance et pour rétablir leurs nations alors qu'elles s'efforcent de surmonter collectivement les impacts de la colonisation pendant que nous établissons un cadre qui favorisera la clarté et la certitude à long terme quant aux droits des peuples autochtones et à leur mise en œuvre.
Le projet de loi paverait la voie à des efforts générationnels et transformateurs, notamment quant à la façon d'appuyer l'autodétermination des Autochtones sans s'imposer.
Je remercie ceux qui ont mené l'élaboration du projet de loi et des consultations à venir. Je suis prêt à répondre aux questions à ce sujet. Je suis fier d'appuyer ce projet de loi.
:
Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi . Sept autres versions de ce projet de loi ont été présentées à la Chambre depuis 2008. Dès le début, les conservateurs ont reconnu la valeur de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones du fait que c'est un document ambitieux qui contient les principes directeurs pour réussir la réconciliation. Nous reconnaissons aussi que nombre des principes de la Déclaration méritent d'être appuyés. Cependant, les répercussions du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause sur le développement culturel, social et économique des peuples autochtones demeurent nébuleuses. Cela ne devrait pas surprendre le gouvernement. Dès le début, les conservateurs ont dit clairement qu'on avait besoin d'éclaircissements à ce sujet. Que le gouvernement n'ait toujours pas pu préciser dans son projet de loi la nature du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause indique qu'il ne se préoccupe tout simplement pas des répercussions du projet de loi sur les communautés autochtones et non autochtones.
Je tiens à être bien clair. Les conservateurs appuient les communautés autochtones ainsi que leurs droits. Nous appuyons le processus de réconciliation avec les peuples autochtones du Canada, notamment en ce qui a trait à l'importance de l'éducation, du développement économique et des occasions d'emploi et de formation. Nous avons appuyé la Loi sur les langues autochtones et les mesures législatives concernant le bien-être des enfants autochtones. Nous appuyons un grand nombre des principes de la Déclaration, mais nous nous opposons au manque de diligence raisonnable de la part du gouvernement, qui présente la mesure législative sans être parvenu à un commun accord sur la manière d'interpréter le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. De plus, nous ne croyons pas que les communautés autochtones ont été suffisamment consultées. En fait, c'est une opinion qui s'est fait entendre partout au Canada. Cela pourrait mener à de l'incertitude et risque de miner la confiance si les attentes ne sont pas comblées, ce qui pourrait faire reculer la réconciliation.
Le gouvernement dira qu'il ne faut pas s'en faire et que cette question sera réglée plus tard. Nous l'avons souvent entendu. D'ailleurs, c'est exactement ce que le a dit récemment à l'Assemblée des Premières Nations, mais quand vient le temps de prendre des mesures qui auront un impact sur la vie des peuples autochtones, comme de mettre un terme aux avis de faire bouillir l'eau qui s'éternisent, les libéraux ne tiennent jamais leurs promesses. Le gouvernement libéral a l'habitude de dire qu'il réglera les choses plus tard et de finir par ne rien faire, alors comment pourrions-nous espérer qu'il se conduise différemment cette fois-ci? Voilà pourquoi il faut se méfier du gouvernement libéral. En l'absence d'une définition claire, le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause pourrait être interprété comme un droit de veto de facto et ainsi entraîner des effets néfastes majeurs non seulement sur une variété d'industries partout au Canada, mais aussi sur des communautés autochtones. Le chef national Perry Bellegarde a déclaré le 12 mai 2016 que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause « est tout simplement le droit de dire oui, ou le droit de dire non. »
Qu'arrive-t-il lorsque deux communautés autochtones ne sont pas du même avis? Les répercussions exactes sur les travailleurs des diverses régions et industries restent inconnues. Les répercussions sur les entrepreneurs autochtones restent inconnues. En revanche, avec l'incertitude créée par les libéraux à propos de l'interprétation du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, le coût imposé aux communautés, aux syndicats, aux entreprises autochtones, ainsi qu'aux gouvernements provinciaux et territoriaux pourrait s'avérer astronomique. S'il fallait réinterpréter les lois et les règlements à la lumière de la loi mettant en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la réglementation pourrait devenir plus lourde à appliquer pour les industries, ce qui risquerait de les faire fuir du Canada. Une telle incertitude nuit aussi bien au développement potentiel qu'aux communautés autochtones. On ignore comment la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones interagira avec la jurisprudence canadienne et au sein de chaque ordre de gouvernement. Chacun y va de son interprétation. Seuls les avocats pourraient bénéficier d'un manque de clarté ou d'un manque de définition.
Le 3 décembre 2020, lors d'une séance d'information à l'intention des parlementaires, des représentants du ministère de la Justice ont affirmé que le projet de loi respecte la jurisprudence canadienne, tandis que des représentants de Ressources naturelles Canada ont indiqué que le projet de loi ne crée pas des exigences pour l'industrie, mais pour le gouvernement. Quels représentants avaient raison? Le conflit avec les Wet'suwet'en nous a appris que de nombreux Canadiens autochtones croient que le gouvernement et toutes les industries présentes en Colombie-Britannique, où un projet de loi semblable au projet de loi C-15 a été adopté, sont liés par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. En l'occurrence, les chefs héréditaires ont soutenu qu'ils n'avaient pas donné, librement et en connaissance de cause, leur consentement préalable au gazoduc. Ils ont tenu ces propos même si le promoteur avait conclu des ententes avec tous les chefs et conseillers élus vivant le long du tracé approuvé.
Que doit-on faire si deux communautés autochtones ou plus veulent des choses différentes? Qu'advient-il quand, au sein de la même communauté, le conseil de bande élu et les chefs héréditaires ne partagent pas les mêmes aspirations? De qui doit-on obtenir en priorité le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause? Les représentants du gouvernement semblent croire que la Loi sur les Indiens et, donc, les chefs élus ont la préséance. Alors, pourquoi la a-t-elle conclu une entente avec les chefs héréditaires et ignoré les chefs élus des Wet'suwet'en? Ce n'est vraiment pas clair.
Il existe de nombreux autres exemples.
L'article 3 dit:
Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
Comment concilie-t-on cela avec des décisions de la Cour suprême, comme les arrêts Marshall I et Marshall II, qui précisent qu'il y a des restrictions aux droits économiques devant être définies par le ministre compétent et suivant le critère établi dans Badger?
Dans l'article 19, on peut lire ce qui suit:
Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Comment concilie-t-on cela avec la décision rendue par la Cour suprême le 11 octobre 2018, qui précise clairement que l'obligation de consulter ne s'applique pas à l'étape de la rédaction législative?
En outre, l'article 28.1 dit ceci:
Les peuples autochtones ont droit à réparation, par le biais, notamment, de la restitution ou, lorsque cela n’est pas possible, d’une indemnisation juste, correcte et équitable pour les terres, territoires et ressources qu’ils possédaient traditionnellement ou occupaient ou utilisaient et qui ont été confisqués, pris, occupés, exploités ou dégradés sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Qu'est-ce que cela signifie pour la Ville d'Ottawa, par exemple?
Il convient, par ailleurs, de noter que la Cour suprême a établi, en 1901, qu'elle n'a pas à être liée à des décisions antérieures, ce qui signifie qu'elle pourrait ultérieurement choisir de réviser certaines décisions une fois que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sera considérée comme un mécanisme d'interprétation des lois canadiennes, dont la Constitution canadienne.
Une autre question importante qui se pose est celle de l'incidence de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sur les revendications territoriales et les traités modernes. Aujourd'hui, par exemple, l'article 4 de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut établit la répartition des pouvoirs au sein du territoire. Il comprend un accord politique accordant des pouvoirs, comme ceux des autres provinces et territoires, à un gouvernement public et créant un espace permettant la contribution de l'organisation bénéficiaire aux décisions qui affecteraient le développement socio-culturel des Inuits. Toutefois, l'absence de définition claire de la notion de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause provoquera peut-être la réouverture du dossier relatif à cette revendication territoriale, comme c'est déjà le cas au Nunavut.
Le 3 décembre 2020, lors d'une entrevue avec une agence de presse, le président d'ITK, Natan Obed, a affirmé « que les revendications territoriales sont muettes sur bien des points ». Comme le transfert des responsabilités n'a pas encore eu lieu, il est toujours possible pour le gouvernement du Canada d'entamer des discussions avec les Inuits du Nunavut.
Est-il possible que des traités modernes et des revendications territoriales réglées partout au pays entraînent une reprise des négociations en vue de récupérer des droits que certains groupes estimeraient avoir abandonnés en échange d'une autonomie gouvernementale?
Dans sa résolution de décembre 2008, l'Assemblée des Premières Nations précise que la relation entre les Premières Nations et la Couronne est et doit continuer d'être régie par le droit international. Elle ajoute que les traités conclus avec les puissances européennes sont des traités internationaux rédigés dans le but d'assurer la coexistence plutôt que la soumission à la juridiction générale des gouvernements coloniaux, et que le gouvernement canadien n'a à aucun moment été en mesure de fournir une preuve que les Premières Nations ont renoncé expressément et de leur plein gré à leurs attributs souverains. Cette déclaration démontre clairement une réticence à accepter la jurisprudence canadienne comme autorité ultime, ce qui porte à se demander comment il serait possible de résoudre les divergences entre les décisions de la Cour suprême et les articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Cela revêt une importance capitale.
L'article 5 du projet de loi dit ceci:
Le gouvernement du Canada, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration.
On parle non pas de certaines lois, mais des lois du Canada qui sont appliquées non seulement à l'échelle fédérale, mais aussi à l'échelle provinciale et municipale. Le gouvernement a-t-il consulté les provinces et les municipalités?
Le 27 novembre, six ministres provinciaux des Affaires autochtones, soit ceux de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et du Québec, ont envoyé une lettre au gouvernement fédéral pour faire part de leurs préoccupations au sujet de ce projet de loi. Ils étaient inquiets à l'idée de n'avoir que six semaines pour examiner le projet de loi et se pencher sur les effets qu'il aura sur les lois et la réglementation de leurs provinces. La lettre dit ceci:
[...] Il faut ralentir le processus pour que l'on puisse consulter convenablement les provinces, les territoires et les partenaires autochtones au sujet de la formulation du projet de loi, ainsi que pour donner au Canada le temps de bien considérer l'ensemble des préoccupations légitimes que nous avons déjà soulevées au sujet de la version actuelle du projet de loi et d'y répondre.
La lettre dit également ceci:
Si on adopte à la hâte un projet de loi ambigu qui pourrait changer fondamentalement la Confédération sans d'abord mener une vaste consultation nationale et provinciale qui permettrait d'établir un consensus, on risque non seulement de nuire au processus de réconciliation, mais aussi de créer de l'incertitude, des différends ainsi que des divisions encore plus profondes et plus vastes au sein de notre pays.
Ce ne sont là que quelques exemples.
Le manque de clarté dans le projet de loi pourrait avoir toutes sortes de conséquences. Or, l'objectif du projet de loi est de rendre la législation plus claire. Comme je l'ai dit plus tôt, le projet de loi rate sa cible. Le gouvernement libéral n'a pas fait le travail concret qui s'imposait pour tenir sa promesse de mettre en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il s'est plutôt contenté de présenter un projet de loi lamentablement incomplet parce que tout ce qu'il veut, c'est de dire qu'il a tenu sa promesse, mais le projet de loi est loin de suffire à cet égard. Il s'inscrit dans la longue série des promesses brisées du gouvernement libéral concernant les communautés autochtones.
Le 17 décembre, la Coalition nationale des chefs a écrit au pour lui faire part de ses préoccupations:
Si l'affirmation des droits autochtones est toujours la bienvenue, le projet de loi, dans sa forme actuelle, risque d'avoir des répercussions négatives sur les nombreuses communautés autochtones qui comptent sur l'exploitation des ressources pour la création d'emplois, la conclusion d'ententes commerciales et l'obtention de revenus. Nous ne voudrions pas que des gestes symboliques de réconciliation se fassent au détriment du gagne-pain des Autochtones.
Je crois qu'il convient de le répéter: le projet de loi « risque d'avoir des répercussions négatives sur [de] nombreuses communautés autochtones ». Comment peut-on parler de réconciliation?
En général, les intervenants de l'industrie appuient le projet de loi. À l'instar des conservateurs, ils comprennent les aspirations qu'incarne la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la nécessité de renouveler le dialogue de nation à nation sur la voie de la réconciliation. Toutefois, ils partagent également les préoccupations des conservateurs et de nombreuses communautés autochtones, soutenant notamment que, avant que le projet de loi ne soit adopté, le gouvernement doit clarifier le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Ils veulent que ce point soit clair et tiennent à bien comprendre les règles. Cela dit, le plus préoccupant est le peu de consultation dont a fait l'objet le projet de loi C-15 auprès des communautés autochtones.
La coalition nationale des chefs a exprimé des réserves, déclarant ce qui suit:
[...] le manque de consultation inquiète les dirigeants et les communautés autochtones du Canada. Bien que la coalition nationale des chefs ait été en mesure de rencontrer le ministre de la Justice à une occasion, il avait été convenu que nous nous rencontrerions de nouveau pour discuter de nos préoccupations. La période de rétroaction actuelle est beaucoup trop courte pour que nous puissions consulter nos représentants au Parlement.
Un projet de loi de cette magnitude n'a justifié qu'une seule rencontre.
Le 3 février, les aînés de la nation crie de Saddle Lake ont écrit au . Ils ont exprimé de vives inquiétudes et ont indiqué qu'ils désapprouvaient entièrement le projet de loi et le processus suivi jusqu'à présent par le gouvernement du Canada. Cette position tient au fait que le gouvernement n'a pas essayé de les rencontrer ou ne leur a pas accordé suffisamment de temps et d'occasions pour mener des consultations.
Le gouvernement libéral a démontré à maintes reprises son incapacité, ou peut-être simplement son manque de volonté, de mener des consultations appropriées et encore moins de parvenir à un accord sur la définition des « droits des Autochtones ». Cette incertitude quant à la capacité et la volonté du gouvernement de vraiment mettre en œuvre le projet de loi C-15 préoccupe énormément de gens. La décision de laisser les tribunaux interpréter le projet de loi au cours des années à venir conduira à des incertitudes qui auront d'énormes répercussions sur le Canada.
Le Parti conservateur appuie les objectifs et les aspirations de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, mais il craint que le gouvernement aille de l'avant avec un projet de loi et l'inscrive dans la loi canadienne avant qu'on en soit arrivé à une compréhension commune de la véritable signification de notions comme le consentement préalable, donné librement et en toute connaissance de cause. Il y a actuellement une absence de consensus au sein du milieu juridique. À défaut d'une compréhension commune, on risque de créer de l'incertitude et des malentendus à l'avenir. Cela reviendrait à laisser tomber une fois de plus les Canadiens autochtones et leurs communautés.
Les conservateurs estiment que la réconciliation passe par la prise de mesures concrètes pour améliorer la vie des Autochtones et faire en sorte qu'ils puissent participer pleinement à l'économie du Canada. Nous craignons que le manque de clarté et l'absence d'une compréhension commune des concepts clés du projet de loi aient des effets imprévisibles de grande portée qui, à long terme, pourraient nuire à la réconciliation.
En l'absence d'une définition claire de consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, plusieurs questions troublantes demeurent sans réponse. Auprès de qui doit-on demander le consentement lorsqu'il est évident qu'un consentement doit être obtenu? Un groupe ou une personne non élue pourraient-ils l'emporter sur la volonté des représentants autochtones élus ou invalider une décision d'une institution, d'un gouvernement ou issue d'un processus dirigé par des Autochtones?
Je comprends que le gouvernement estime que le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause ne correspond pas à un droit de veto. Selon le National Post, le aurait d'ailleurs dit que le mot « veto » ne figure nulle part dans le document. Selon le même article, David Chartrand, porte-parole national du Ralliement national des Métis, aurait déclaré: « Nous l'avons dit clairement: il ne s'agit pas d'un droit de veto. Nous ne cherchons pas à nuire à l'industrie. »
Pourquoi, donc, ne pas inclure dans ce document une définition de consentement préalable donné librement et en connaissance de cause? Pourquoi ne pas préciser pour l'ensemble des Canadiens qu'il ne s'agit pas d'un droit de veto? Si le processus vise à clarifier la situation pour les communautés autochtones, les communautés non autochtones et l'industrie, commençons par clarifier le projet de loi .
Lorsqu'il s'agit de prendre des mesures concrètes pour améliorer la vie quotidienne des Autochtones, comme lever les avis à long terme concernant la qualité de l'eau potable, les libéraux ne tiennent malheureusement pas leurs promesses. Je crains que le projet de loi ne soit qu'une autre promesse rompue.