La Chambre reprend l'étude, interrompue le 24 novembre, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Madame la Présidente, je suis fier de poursuivre l'étude du projet de loi , Loi de 2020 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique, à l'étape de la deuxième lecture. Je suis fier parce que le gouvernement s'est donné pour objectif de réaliser une réforme ambitieuse et globale du cadre canadien pour la protection de la vie privée des Canadiens, tout en favorisant l'innovation des entreprises canadiennes.
C'est exactement ce que nous avons fait. Des impératifs rendent nécessaire l'avancement de cet ensemble de réformes au cadre de la protection de la vie privée. Les Canadiens méritent d'avoir de solides protections et s'y attendent, tout comme les entreprises méritent d'avoir des règles claires et s'y attendent, pour qu'elles puissent offrir en toute confiance les produits et les services que désirent les consommateurs dans une société de plus en plus numérique.
Avant d'entrer en politique, j'ai passé 20 ans dans le monde des affaires. Je sais à quel point la confiance est cruciale en affaires: la confiance entre les fabricants et leurs fournisseurs, entre les exportateurs et les importateurs, et entre les entreprises et les consommateurs.
Dans l'économie numérique de la société actuelle, il est essentiel de protéger les renseignements personnels et maintenir cette confiance.
[Français]
Dans cet esprit, le projet de loi prévoit de robustes mesures de protection de la vie privée des Canadiens, et à juste titre.
Des sanctions sévères pourront être imposées en cas de violation de la loi. Cette nouvelle législation fournira également un cadre solide aux entreprises qui entendent prospérer dans l'économie numérique. Ces entreprises seront bien placées pour gagner la confiance de leur clientèle et la conserver, tout cela sans compromettre leur capacité d'innover et de répondre à la demande d'une clientèle de plus en plus avisée.
Le projet de loi C-11 cherche à atteindre le juste équilibre entre ces impératifs et le besoin de renforcer la confiance des Canadiens à l'endroit de l'économie numérique.
[Traduction]
Ce projet de loi est important pour plusieurs raisons, et j'espère que tous les députés l'appuieront.
Comme nous l'avons souligné pendant le débat précédent et comme le savent les députés, la loi sur la protection de la vie privée des consommateurs que propose le projet de loi mettrait le Canada au diapason des autres pays. Elle faciliterait notamment l'interopérabilité entre le régime de protection de la vie privée du Canada et celui de l'Union européenne, un partenaire très important pour notre pays. Je reviendrai sur l'importance de cet aspect dans un moment.
Le projet de loi permettrait aussi d'établir un cadre solide et cohérent en matière de protection de la vie privée. Les Canadiens et les entreprises sauraient donc à quoi s'attendre d'un océan à l'autre. Le gouvernement fédéral n'est pas le seul à voir qu'il est urgent de moderniser et de renforcer les lois sur la protection de la vie privée dans le contexte actuel. Les provinces sont aussi conscientes de ce besoin. Le Québec continue d'étudier une nouvelle mesure législative provinciale, tandis que l'Ontario et la Colombie-Britannique envisagent d'adopter de nouvelles mesures ou d'apporter des modifications de fond aux lois provinciales en vigueur.
Grâce à notre projet de loi, nous pourrons continuer de jouer un rôle de leader dans ce domaine et favoriser une approche harmonisée en matière de protection de la vie privée à la grandeur du pays. Cette harmonisation est absolument cruciale pour les entreprises et pour favoriser les investissements au Canada. Elle est aussi cruciale pour que tous les Canadiens puissent bénéficier du même niveau de protection, peu importe où ils choisissent de faire des affaires.
Nous avons clairement pu voir, au cours de la dernière année, à quel point les technologies numériques et fondées sur les données sont devenues essentielles pour l'économie actuelle et l'ensemble de la société. Nous avons plus que jamais besoin de technologies sûres, efficientes et accessibles pour mener toute une gamme d'activités quotidiennes.
Comme je l'ai déjà souligné, pour qu'une économie numérique et fondée sur les données soit robuste, elle doit reposer sur la confiance.
Les Canadiens ont indiqué clairement qu'ils veulent des protections juridiques solides pour leurs renseignements personnels, appuyées par des mesures concrètes d'exécution de la loi et de surveillance. Ils nous ont fait comprendre que ces principes sont essentiels à leur participation à l'économie numérique. Les entreprises le reconnaissent aussi, et elles demandent des règles claires et uniformes à cet égard.
La mesure législative antérieure nous a bien servis depuis presque 20 ans, mais l'économie numérique, comme nous le savons tous, est en constante évolution et nous devons évoluer avec elle. Un cadre moderne en matière de protection des renseignements personnels jettera de bonnes bases non seulement pour la relance après la pandémie, mais aussi pour les années à venir.
[Français]
J'ai souligné à quel point la protection de la vie privée constitue une préoccupation majeure pour les divers échelons de notre gouvernement, y compris les provinces et nos partenaires internationaux. La législation fédérale sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé se fonde sur un objectif central: instaurer des lignes directrices nationales pour les organisations qui concentrent leurs activités sur Internet, un réseau mondial qui ne connaît pas de frontières.
Nous souhaitons bâtir une économie nationale forte et innovante. Afin d'y arriver, les règles sur la protection de la vie privée doivent être harmonisées à l'échelle nationale. Les entreprises et les consommateurs comptent sur le leadership de l'administration fédérale pour que nous fixions des normes nationales dans ce domaine.
Au cours des dernières années, un comité parlementaire a examiné la législation sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et je l'en remercie. Dans le cadre de cet exercice, bon nombre de représentants d'entreprises et de spécialistes ont mis en évidence l'importance de maintenir une protection jugée adéquate, relativement au Règlement général sur la protection des données de l'Union européenne. En effet, nous devons assurer la libre circulation des données de l'Union européenne vers le Canada. Il en va de même des données provenant du Royaume-Uni, dont le régime de protection des renseignements personnels est comparable à celui de l'Union européenne.
La Commission européenne a clairement indiqué que le Canada devait apporter des modifications à son système de protection des renseignements personnels pour conserver son statut privilégié. En tant qu'ancien ministre du Commerce international et ministre des Affaires étrangères, je peux dire que cela est d'une importance capitale pour le Canada.
Je suis convaincu que les réformes proposées à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé nous aideront à atteindre cet objectif sans renoncer à notre perspective qui est singulièrement canadienne.
[Traduction]
Le mandat de mon ministère du point de vue de la croissance et du développement économiques exige que nous tenions compte de plusieurs facteurs pour établir la façon de moderniser et de renforcer la loi sur la protection des renseignements personnels s'appliquant à la consommation. Un des objectifs du projet de loi consiste à ce que les entreprises comprennent leurs obligations pour leur permettre d'établir dès le départ des mesures solides de protection des renseignements personnels. La loi actuelle et le projet de loi que nous proposons s'appliquent à l'ensemble des secteurs, des entreprises et des activités. Cela signifie que le projet de loi doit correspondre à un large éventail de besoins et qu'il doit s'avérer tout aussi facile à respecter dans tous les domaines de travail, surtout pour les petites et moyennes entreprises. Pour y parvenir, nous devons d'abord assurer aux entreprises la certitude et la clarté vis-à-vis leurs obligations. Voilà pourquoi nous proposons de modifier le libellé de la loi.
La LPRPDE, c'est-à-dire le cadre qu'on appelle souvent ainsi, était basée sur une série de principes. Le nouveau projet de loi a transformé ces principes en exigences juridiques claires. Nous avons également clarifié l'application de la loi dans un certain nombre de secteurs clés.
[Français]
En deuxième lieu, nous devons aider les entreprises à mieux comprendre de quelle manière ces obligations s'appliquent concrètement à leur activité. La loi sur la protection de la vie privée des consommateurs offrirait aux entreprises la possibilité de consulter le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada sans crainte de répercussions. Les entreprises seront ainsi en mesure de bien comprendre les exigences et de s'y conformer avant que des problèmes ne surgissent. Le projet de loi comprend un cadre de reconnaissance des codes de pratique et des programmes de certification. Ces dispositions permettront de préciser le mode d'application de la loi dans des secteurs ou dans des domaines en particulier.
[Traduction]
Ces mesures sont tout particulièrement importantes pour les propriétaires de petites entreprises. Ces derniers doivent être en mesure de concentrer leurs efforts sur ce qui compte le plus, comme des produits de qualité, un bon service à la clientèle et la croissance de leur entreprise, tout en ayant la confiance qu'ils respectent les règlements. Nous devons aussi éviter d'imposer des fardeaux administratifs inutiles, surtout à ceux qui n'ont peut-être pas le temps ou les ressources pour investir dans une analyse et des conseils juridiques complexes.
Notre approche garantit l'établissement et l'application des protections fondamentales de manière équitable et accessible pour toutes les entreprises, indépendamment de leur taille. Nous devons offrir suffisamment de mesures incitatives au respect de la loi pour assurer des règles du jeu équitables dans tout le marché. Ces dernières années, le commissaire à la protection de la vie privée a demandé d'avoir un régime d'application plus sévère en vertu de la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Le projet de loi fait suite à cette demande.
[Français]
Le commissaire fédéral à la protection de la vie privée est au cœur du régime canadien de protection des renseignements personnels. Le commissaire et son commissariat aident les entreprises à comprendre la Loi et interviennent pour protéger les Canadiens et les Canadiennes en cas de violation de cette dernière. Il va donc de soi que la nouvelle législation rehausse le rôle et les pouvoirs du commissaire.
Le commissaire exerce déjà un rôle de sensibilisation, qui sera maintenu et renforcé sous le nouveau régime. Le commissaire conservera son rôle clé de recherche et d'orientation, auquel s'ajoutera une fonction d'examen des pratiques organisationnelles de protection de la vie privée. De plus, le commissaire examinera et approuvera les codes de pratiques et les programmes de certification. Les organisations et les citoyens auront ainsi la certitude que les renseignements personnels sont gérés dans le plus strict respect de la loi.
Des consignes claires permettent de protéger les renseignements personnels et d'éviter les violations. Cette clarté est essentielle au bon fonctionnement du cadre de protection de la vie privée. Le projet de loi prévoit des conséquences financières importantes pour les entreprises qui contreviennent à la loi. Les amendes et les sanctions administratives financières démontrent sans équivoque à quel point le gouvernement tient à assurer la protection des renseignements personnels des Canadiens et des Canadiennes.
Cela dit, de telles sanctions ne doivent être imposées qu'à l'issue de procédures justes et accessibles. C'est précisément pour cette raison que le projet de loi prévoit la création d'un tribunal qui tranchera ces questions. Les entreprises n'auront donc pas à comparaître devant la Cour fédérale du Canada. Le tribunal permettra à toutes les parties d'exercer des recours à moindre coût et de façon plus accessible. Au fil du temps, le tribunal développera aussi une jurisprudence en matière de protection de la vie privée.
[Traduction]
J'aimerais résumer l'approche adoptée par le gouvernement pour moderniser la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Le projet de loi reconnaît les forces de la loi actuelle, la LPRPDE, notamment son approche non prescriptive, souple et équilibrée à l'égard de la protection des renseignements personnels. Il renforce le contrôle des particuliers sur leurs propres renseignements là où cela compte le plus, tout en favorisant l'innovation.
De plus, le projet de loi introduit de sévères conséquences financières pour les comportements les plus scandaleux. Il assure l'équité procédurale et reconnaît le rôle du gouvernement fédéral dans la réglementation de l'économie, tout en respectant le rôle important que jouent les gouvernements provinciaux dans la réglementation du secteur privé. Il s'agit de la poursuite de l'approche proprement canadienne qui reconnaît à la fois le droit à la protection des renseignements personnels et les besoins des organismes d'utiliser de manière appropriée ces renseignements.
Je suis convaincu que les Canadiens seront d'accord que la loi leur offrira la protection qu'ils cherchent ainsi que tous les avantages d'une économie numérique en pleine croissance. Je répondrai avec plaisir aux questions des députés.
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Madame la Présidente, je suis heureux de me joindre au débat cet après-midi concernant le projet de loi . Le projet de loi soulève d'importantes questions au sujet de la protection de la vie privée des Canadiens. Il vise à réformer des aspects du cadre de protection de la vie privée au Canada concernant l'utilisation des données sur les Canadiens. Je suis impatient de voir le débat et l'étude au comité dont il fera l'objet, car je sais qu'il soulève de nombreuses questions importantes. Le projet de loi porte sur un domaine très technique: les Canadiens voudront l'examiner en détail, connaître l'incidence de ses dispositions et savoir s'il fera bel et bien ce que prétend le gouvernement.
J'aimerais formuler quelques premières observations à l'égard de la protection de la vie privée et des principales menaces à la vie privée des Canadiens. Je parlerai également des dispositions du projet de loi, lesquelles conféreraient au commissaire à la protection de la vie privée d'importants pouvoirs de rendre des ordonnances, prévoient des amendes et accorderaient aux particuliers le droit d'exiger la destruction des données qui les concernent. En outre, le projet de loi prévoit de nouveaux pouvoirs et de nouvelles dispositions pour protéger la vie privée des Canadiens et mieux outiller le commissaire à la protection de la vie privée. Ces éléments requièrent un examen minutieux et une analyse détaillée.
Chose certaine, le caucus conservateur est fermement résolu à protéger la vie privée des Canadiens et à vérifier que les détails correspondent à ce qu'affirme le gouvernement. J'attends avec beaucoup d'intérêt le débat approfondi qui aura assurément lieu, car c'est indispensable pour un projet de loi portant sur un domaine de politique publique aussi important.
J'aimerais signaler certaines préoccupations que j'ai par rapport au processus entourant ce projet de loi ainsi que par rapport au cadre élargi de protection de la vie privée au pays.
Initialement, le projet de loi a été déposé à l'automne et, depuis, il a été très peu débattu. Voilà qui illustre notre confusion quant aux priorités législatives du gouvernement. On dirait bien que le gouvernement s'organise pour pouvoir se plaindre que ses mesures législatives ne sont pas adoptées en prévoyant une heure de débat ici et là pour un projet de loi, au lieu de lui consacrer toute l'attention à laquelle on s'attendrait d'un gouvernement désireux de faire adopter ses mesures législatives. Habituellement, lorsqu'un gouvernement désigne un projet de loi comme prioritaire, il prévoit suffisamment de temps pour en faire un débat complet avant de le renvoyer au comité. Toutefois, aujourd'hui seulement, nous avons débattu pendant une heure d'un projet de loi concernant la tenue d'élections en période de pandémie. Ensuite, nous sommes passés à un sujet complètement différent alors que le gouvernement aurait pu s'en tenir à un seul enjeu pour faire réellement progresser le débat sur cet enjeu.
À propos du processus, l'autre chose que je trouve intéressante au sujet du projet de loi, c'est le comité auquel le gouvernement souhaite le renvoyer. Le comité de l'industrie, des sciences et de la technologie a un rôle important à jouer dans l'examen de la réglementation des entreprises, de la promotion du développement du commerce au pays, et ainsi de suite. D'ailleurs, le ministre qui vient d'intervenir et qui dirige la discussion dans ce dossier est le , mais le projet de loi ne sera pas renvoyé au comité de l'industrie. Lorsque le projet de loi sera adopté à l'étape de la deuxième lecture, il sera renvoyé au comité de l'éthique. Ce comité est chargé d'examiner les questions liées à la vie privée, mais je signale en particulier qu'il est très occupé en ce moment. Il se consacre à un travail important. Il tente de faire toute la lumière sur le scandale de l'organisme UNIS.
Si je voulais me montrer cynique quant aux motivations du gouvernement, je me questionnerais sur le fait qu'il ait décidé de ramener sur la table un projet de loi en vue de le soumettre au comité de l'éthique, compte tenu de la tradition voulant que les comités traitent les projets de loi en priorité. Or, des questions pressantes concernant l'éthique et les scandales du gouvernement doivent être étudiées. C'est comme si l'objectif était de reléguer au second rang le scandale UNIS. Il est frappant de voir tout ce qu'essaie de faire le gouvernement pour éviter la tenue d'une discussion sur ses manquements en matière d'éthique et sur le scandale de l'organisme UNIS en particulier; il est tellement désespéré qu'il est même prêt à nuire à son propre programme législatif pour tenter de couvrir ses arrières en matière d'éthique.
D'ailleurs, si on remonte à l'été dernier, le gouvernement a prorogé le Parlement. Des informations importantes allaient être révélées dans le cadre de l'étude que menait le comité au sujet du scandale de l'organisme UNIS et le gouvernement a prorogé le Parlement.
L'affaire a refait surface à l'automne et nous avons tenté de reprendre l'étude la concernant. Le gouvernement a alors menacé qu'une affaire soit jugée comme étant une question de confiance pour éviter qu'un comité distinct puisse étudier le scandale. Si un comité distinct avait été formé, il n'y aurait pas de problème, n'est-ce pas? Si un comité distinct était chargé d'étudier les différents problèmes de corruption du gouvernement, le projet de loi aurait pu être renvoyé au comité de l'éthique et de la protection des renseignements personnels sans que cela pose problème.
Or, alors qu'on recommence à parler de l'affaire et que de nouvelles informations sont révélées, le gouvernement décide de reprendre l'étude du projet de loi . Cela me donne l'impression que le leader du gouvernement s'est dit: « Il faut faire cesser les discussions concernant l'affaire de l'organisme UNIS au comité de l'éthique, mais nous n'oserions pas proroger de nouveau le Parlement, non? » J'imagine qu'ils pourraient le faire, mais leurs intentions deviendraient trop évidentes, alors ils se sont dit: « Ressortons le projet de loi qui est sur les tablettes depuis des mois et trouvons un moyen de le renvoyer au comité de l'éthique. »
À mon avis, ce ne sont là que d'autres jeux du gouvernement. S'il voulait vraiment faire la lumière sur ces questions d'éthique et faire avancer le projet de loi, il lui suffirait de permettre la création d'un comité spécial chargé d'examiner la question d'UNIS ou de renvoyer le projet de loi au comité de l'industrie. Cela ne fait que soulever de nouveau la question: qu'est-ce que le gouvernement essaie de cacher ici?
Les manquements du gouvernement en matière d'éthique sont bien connus, et il semble que la prochaine étape de son plan pour éviter toute discussion sur son terrible bilan éthique sera de déclencher des élections, une mesure plutôt extrême qui aurait pour conséquence de tuer tous ses projets de loi et mettre fin aux discussions importantes au Parlement sur un large éventail de questions, dont l'éthique gouvernementale.
Si des élections anticipées sont déclenchées, nous n'arriverons évidemment à rien avec le projet de loi. J'espère donc que le gouvernement résistera à l'envie de faire passer la politique et ses propres intérêts politiques en premier et qu'il se concentrera plutôt sur le type de travail stratégique que nous faisons et que nous sommes prêts à faire à la Chambre pour faire avancer les questions importantes.
Dans ce discours, je souhaite aussi mettre l'accent sur une importante question de protection des renseignements personnels, c'est-à-dire la menace que représentent pour les Canadiens les acteurs étrangers qui tentent d'accéder à nos données et qui essaient, dans bien des cas, de s'ingérer dans les institutions canadiennes, d'intimider les Canadiens et de tenter de voler des propriétés intellectuelles. Dans l'intérêt des Canadiens, nous devons prendre très au sérieux la menace que font peser les acteurs étrangers sur la protection des renseignements personnels. Je suis d'avis que l'ingérence au Canada des entités appuyées par des États étrangers et leur intimidation des Canadiens représentent la plus grande menace à la sécurité nationale de notre époque.
J'ai eu l'occasion de collaborer avec de nombreux Canadiens ayant été des victimes directes de ce genre d'intervention, qui a menacé leur sécurité et leur vie privée. Quand j'ai présenté la motion M-55, une motion d'initiative parlementaire sur l'ingérence et l’intimidation menées avec l’appui de pays étrangers, nous avons organisé une conférence de presse sur la Colline du Parlement. Quatre personnes de différentes origines et provenant de différentes parties du monde, qui sont maintenant citoyennes canadiennes, y ont participé. Elles ont raconté leurs histoires d'intimidation menées avec l’appui de pays étrangers et elles ont toutes exprimé leur frustration à l'égard de la réponse du gouvernement. Ces personnes ont eu l'impression qu'elles étaient renvoyées d'un organisme à l'autre et que nous n'avions pas la capacité de les appuyer efficacement ou de trouver qui était vraiment responsable de régler ce genre de problèmes. Est-ce le Service canadien du renseignement de sécurité? Est-ce Affaires mondiales Canada? Est-ce la GRC? Est-ce la police locale? À qui peuvent-elles s'adresser? Qui doit intervenir dans ce genre de situation? Puis, quelle est la réponse du gouvernement?
La réponse du gouvernement a été assez inadéquate. J'ai eu avec le ministre qui est responsable de la présente mesure législative beaucoup de discussions à ce sujet lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères. Je lui demandais ce qu'il faisait dans les cas où des diplomates étrangers s'ingéraient probablement, voire manifestement dans la vie de Canadiens en les intimidant, et il jetait un coup d'œil à la caméra en disant aux diplomates de ne pas s'ingérer dans les affaires canadiennes.
C'est bien beau de le dire, mais nous avons besoin d'une politique-cadre et d'une stratégie pour protéger la vie privée des Canadiens lorsqu'elle est menacée par des acteurs étrangers malveillants, qui sont souvent à la solde de gouvernements ou appuyés par ceux-ci.
C'est dans cet esprit que les conservateurs ont présenté une motion de l'opposition qui demandait au gouvernement de mettre en place un plan exhaustif visant à protéger les Canadiens contre ce genre d'ingérence et d'intimidation. Malgré son adoption, le gouvernement n'a pas su y faire suite de façon adéquate.
La motion d'initiative parlementaire que je présente aujourd'hui, la motion M-55, réitère certes la demande formulée dans la motion de l'opposition, mais elle porte surtout sur le soutien à fournir aux Canadiens visés par des activités d'ingérence menées avec l'appui de pays étrangers. En effet, elle précise que nous devons en faire plus pour soutenir les Canadiens qui sont victimes de ces activités et que l'approche du gouvernement fédéral en matière de protection de la vie privée doit inclure la coopération entre les différents ordres de gouvernement.
La motion invite également le gouvernement fédéral à collaborer avec ses homologues provinciaux, territoriaux et municipaux afin de répondre à l'ingérence étrangère, reconnaissant qu'elle se manifeste dans tous les ordres du gouvernement, comme en témoignent les tentatives de capturer des membres de l'élite, de contrôler des institutions, de détourner des fonds dans l'intérêt étranger et ainsi de suite. Nous constatons que d'autres ordres de gouvernement sont visés par ces tentatives d'intimidation. C'est pourquoi tous les ordres de gouvernement doivent participer efficacement aux mesures prises pour lutter contre cet enjeu.
Voilà un autre domaine dans lequel le gouvernement pourrait — et devrait — faire plus pour remédier à notre vulnérabilité en matière de sécurité nationale.
Tout en affirmant que le gouvernement a besoin d'un plan et d'une stratégie dans ce domaine, celui-ci pourrait simplement commencer par adopter le principe de ne pas nuire. S'il reconnaissait vraiment les menaces qui pèsent sur notre sécurité dans ce domaine, la première chose qu'il ferait serait de dire non à Huawei, car nous savons que la sécurité et la vie privée des Canadiens sont menacées par la participation de Huawei à notre réseau 5G.
Les liens étroits qui unissent Huawei et l'État chinois sont incontestables. Nous savons que toutes les organisations privées basées en Chine sont très exposées à l'influence et au contrôle du Parti communiste. Elles doivent notamment s'en remettre aux comités du parti, partager des informations avec l'armée et répondre aux demandes de celle-ci.
Nous sommes conscients que toutes ces organisations sont vulnérables, mais Huawei l'est encore plus. De toute évidence, cette société et l'État chinois entretiennent des relations très étroites depuis longtemps. Aucun autre pays n'a du mal à le comprendre. En fait, quatre des cinq membres du Groupe des cinq ont compris l'importance de dire non à Huawei.
Nos intérêts sont en jeu. Dire oui à Huawei pourrait aussi nous empêcher de poursuivre notre collaboration efficace avec nos partenaires, qui se rendent compte des risques. Nous ne voulons pas que le Canada soit perçu comme un endroit vulnérable. Si nous souhaitons maintenir la coopération si indispensable à nos intérêts, nous devons travailler efficacement avec nos alliés et leur donner des raisons de nous faire confiance.
Oui, le gouvernement a besoin d'un plan exhaustif pour lutter contre l'ingérence étrangère et protéger la vie privée des Canadiens, mais nous pourrions simplement commencer par adopter le principe de ne pas nuire et dire non à Huawei. Le gouvernement a omis de répondre à ces questions très fondamentales sur la participation de Huawei à notre réseau 5G.
Si nous revenons en arrière, l'ancien ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, avait dit que le gouvernement allait prendre une décision avant les élections. Il ne s'agit pas des élections que le gouvernement planifie à l'heure actuelle, mais plutôt des dernières élections, en 2019. Le gouvernement avait dit qu'il prendrait une décision dans le dossier Huawei avant ces élections. Si les libéraux demeurent au pouvoir, nous risquons de ne pas entendre parler d'une décision concernant Huawei avant les prochaines élections, voire les subséquentes, si les choses ne changent pas. Si les conservateurs formaient le gouvernement, une décision serait prise très rapidement à propos de Huawei, mais le gouvernement actuel ne cesse de reporter sa décision.
Les libéraux n'ont cessé de répéter que leur décision était imminente. Une partie de notre motion de l'opposition portait sur les actes d'intimidation et de violation de la vie privée qui visent des Canadiens et qui proviennent de l'étranger. Notre motion de l'opposition exigeait aussi que le gouvernement rende une décision dans le dossier de Huawei, mais l'échéance est passée. Le gouvernement libéral, soit dit en passant, a l'habitude de ne pas tenir compte des motions qui ont été adoptées par la majorité des députés.
Je pense que les efforts des libéraux pour créer cette fausse impression au sujet du Parlement sont inefficaces. Dans les faits, le Parlement fonctionne, mais il fait parfois des choses qui ne font pas l'affaire des libéraux. Parfois, les partis de l'opposition unissent leurs efforts pour adopter des motions que le gouvernement n'approuve pas. Parfois, l'opposition ajoute un enjeu à l'ordre du jour et insiste tellement que de nombreux députés libéraux l'approuvent, comme ce fut le cas pour la motion portant sur le génocide des Ouïghours, même si le gouvernement s'abstient de se prononcer.
Pour moi, le signe que le Parlement fonctionne et qu'il fait son travail est qu'il demande des comptes aux puissants. C'est une grande partie de ce que le Parlement est censé faire. Le gouvernement tente de faire croire le contraire justement parce que le Parlement fonctionne: le Parlement s'occupe parfois, en effet, de choses qui lui déplaisent. Cela s'explique en partie par le leadership dont fait montre notre parti et en partie par la très bonne coopération qu'il y a eu entre les partis d'opposition.
Le fait est que nous avons fait adopter une motion qui demandait au gouvernement de prendre une décision à propos de Huawei et qu'il ne l'a toujours pas fait. C'est une question capitale pour le Canada en matière de sécurité, pour la vie privée des Canadiens et pour la protection de nos intérêts nationaux en ce moment décisif sur la scène mondiale. Il y a une concurrence accrue, et le Canada doit être clair et avoir des principes limpides en ce qui concerne la défense de la liberté, de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit, de concert avec les autres pays qui croient en ces valeurs. Pour protéger la primauté du droit et les droits de la personne, il faut notamment souligner l'importance de protéger la vie privée des Canadiens et d'exclure de nos systèmes des acteurs qui, nous le savons, ne respecteront pas cette vie privée puisqu'ils affirment avoir l'obligation légale de fournir des données à une armée étrangère si on le leur demande.
Pour ce qui est de Huawei, il faut tenir compte des violations des droits de la personne auxquelles cette entreprise et d'autres entreprises affiliées à l'État chinois sont mêlées. Dans le cas du génocide des Ouïghours, par exemple, des technologies offertes par des entreprises comme Dahua et Hikvision — dans lesquelles le Régime de pensions du Canada a déjà investi — servent à violer les droits de la personne.
Des entreprises, dont Huawei, sont complices d'activités de surveillance minutieuse, de suivi et de contrôle. Ces terribles violations de la vie privée ont lieu en Chine à l'heure actuelle, et elles sont rendues possibles grâce à des entreprises auxquelles le gouvernement n'a toujours pas refusé l'accès au Canada. Cela devrait être un énorme sujet d'inquiétude chaque fois que nous discutons de la protection de la vie privée.
On assiste à l'établissement d'un système vraiment orwellien quand ces mêmes entreprises participent à des initiatives comme le système de crédit social, selon lequel les gens sont soumis à une évaluation et à une surveillance intenses dont le gouvernement se sert pour évaluer s'ils semblent se comporter correctement, ces données servant ensuite à nourrir des algorithmes qui déterminent automatiquement si une personne pourra voyager ou participer à un événement.
Signalons aussi que certains de ces acteurs travaillent au développement de technologies de ce genre et à leur déploiement. Ces mêmes acteurs cherchent à faire des affaires ici, au Canada. Nous devrions nous en inquiéter. Le gouvernement doit faire des choix clairs. Il doit définir sa position à propos de ces enjeux et s'allier à nous, c'est-à-dire aux députés de l'opposition qui ont adopté une position de principe en faveur des droits de la personne, de la protection de la vie privée et de la sécurité nationale. Nous sommes conscients des menaces réelles que posent ces divers acteurs et nous y réagissons.
L'un des autres enjeux sur lesquels j'espère voir le comité se pencher concerne la protection des images intimes des gens et les terribles violations de leurs droits perpétrées sur la plateforme Pornhub. Selon des témoignages présentés au comité, des images intimes, dont certaines concernaient même des mineurs, ont été publiées plusieurs fois sans consentement. C'est là un autre enjeu de protection de la vie privée dont le Parlement doit s'occuper de toute urgence.
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Madame la Présidente, je suis heureuse de participer à l'étude du projet de loi , Loi de 2020 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique, à l'étape de la deuxième lecture. Je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
Lorsque la législation canadienne en matière de protection des renseignements personnels a été présentée en 2000, le Parlement souhaitait atteindre deux objectifs, soit la protection des renseignements personnels des gens et la croissance du commerce électronique. Plus de 20 ans plus tard, le gouvernement présente un projet de loi dans le but d'établir une stratégie actualisée de protection des renseignements personnels dans le monde numérique d'aujourd'hui.
Les gens de ma circonscription, Mississauga—Erin Mills, m'ont dit très clairement qu'ils voulaient une législation forte en matière de protection des renseignements personnels. Les lois relatives à la protection des renseignements personnels protègent les consommateurs et favorisent la confiance envers le commerce numérique, mais, avec la loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, un régime d'application souple fondé sur des principes créerait des protections vitales pour les entreprises qui se lancent dans l'économie numérique.
Aujourd'hui, j'aimerais aborder plus en détail un élément clé du projet de loi qui non seulement orientera les entreprises en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels des gens, mais aussi favorisera l'innovation responsable. Je parle des dispositions de la nouvelle loi sur la protection de la vie privée des consommateurs qui visent à reconnaître le recours à des codes de pratique et des programmes de certification comme indicateurs du respect de la loi.
L'un des principaux avantages de la loi actuelle — c'est-à-dire la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou LPRPDE — sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé sera conservé dans la nouvelle loi sur la protection de la vie privée des consommateurs. Cet avantage est une approche fondée sur des principes pour établir des règles. La loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé s'applique aux organisations de toutes les tailles et de tous les niveaux technologiques dans tous les secteurs industriels. Ce niveau d'application générale est crucial pour établir des normes de base en matière de protection de la vie privée qui s'appliquent à l'ensemble du marché.
Bien qu'exhaustive, cette loi doit également être souple, non prescriptive et neutre sur le plan technologique afin de pouvoir s'appliquer en toutes circonstances. Ces caractéristiques sont reconnues depuis longtemps comme l'un des principaux avantages de la loi actuelle, et le maintien de cette approche jouit d'un vaste appui. Cependant, il est parfois difficile pour les organisations, en particulier les petites entreprises qui ne disposent pas de ressources juridiques spécialisées, de comprendre comment mettre en œuvre ces obligations de haut niveau dans leur contexte particulier.
Prenons l'exemple d'une organisation qui utilise une technologie de pointe sur laquelle le commissaire à la protection de la vie privée n'a pas encore présenté ses conclusions ou qui doit gérer des flux de données compliqués avec une responsabilité complexe, comme les véhicules connectés et automatisés. Ces défis sont de plus en plus courants dans une économie fondée sur les données.
Pour corriger ces problèmes et offrir des garanties aux entreprises et aux consommateurs, le projet de loi sur la protection de la vie privée des consommateurs permettrait à toute entité de soumettre à l'approbation du Commissariat à la protection de la vie privée un code de pratique comprenant des règles précises sur la façon dont les organisations peuvent mener leurs activités en respectant le cadre législatif. Ce processus d'approbation serait particulièrement utile aux organisations qui se servent d'une nouvelle technologie ou qui suivent un nouveau modèle d'affaires.
Il est urgent d'offrir ce genre de garanties sur le plan réglementaire dans le contexte actuel où l'économie évolue rapidement. Cela aidera les organisations et leurs partenaires d'affaires à s'assurer, dans une certaine mesure, que leurs activités sont conformes à la loi. Cela contribuera également à uniformiser les règles du jeu dans les secteurs où il n'y a pas de jurisprudence ou de directives précises pour orienter les organisations. C'est aussi une façon d'être plus transparent envers les Canadiens quant à la façon dont leurs données personnelles sont utilisées dans ces circonstances...