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ACVA Rapport du Comité

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Plus jamais invisibles. Les expériences des vétéranes canadiennes

Introduction

Malgré quelques progrès récents, les vétéranes estiment que les programmes d’Anciens Combattants Canada (ACC) n’ont pas suffisamment tenu compte de leurs besoins et de leurs préoccupations. Elles ont le sentiment d’être demeurées invisibles.

Les raisons pour cela sont nombreuses, complexes et enchevêtrées. Elles découlent de siècles de représentations de la vie militaire comme étant essentiellement masculine. Les femmes ne font pas la guerre, a-t-on cru. Comme si l’identité féminine elle-même était incompatible avec les moyens de violence que peuvent déployer les forces armées dans le cadre de leurs opérations.

Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que les femmes ont obtenu l’accès à toutes les professions militaires, y compris les unités de combat. Depuis ce temps, après de nombreuses campagnes de recrutement, les statistiques continuent d’indiquer une stagnation. Au cours de la dernière décennie, la proportion de femmes dans les Forces armées canadiennes (FAC) a oscillé entre et 16 % et 19 %, loin de la cible de 25 % fixée par le gouvernement. Pour les forces terrestres, cette proportion chute à moins de 14 %, renforçant cette perception de la résistance des femmes à joindre les unités les plus susceptibles d’être impliquées dans des opérations de combat.

La stagnation du recrutement se répercute sur la proportion de femmes dans la population totale des vétéran.e.s qui, selon les données du recensement de 2021, se maintient à 16 %. Seulement 13 % des clients d’ACC sont des vétéranes. Cette faible représentation explique en grande partie la difficulté de transformer les représentations traditionnelles, mais, du même coup, la lenteur à intégrer les préoccupations des femmes dans les programmes d’ACC et des FAC, ce qui nuit aux efforts de recrutement.

La situation n’est guère meilleure chez les alliés du Canada. Aux États-Unis, en 2021, les femmes comptaient pour 17 % de la force totale [disponible en anglais seulement], alors qu’en 2000, les femmes comptaient pour 4 % de la population totale des vétéran.e.s américain.e.s. On espère que cette proportion pourra atteindre 18 % en 2040[1]. Au Royaume-Uni, les femmes comptaient en 2021 pour 11 % de la force régulière et 15 % de la force de réserve. En Australie, en 2021, les femmes comptaient pour 20 % de la force régulière et 18 % de la force de réserve, alors qu’elles étaient de 19 % en Nouvelle-Zélande pour chacune des deux forces[2]. En France, la proportion atteint 16,5 %, mais n’est que de 11 % dans l’armée de terre[3] [disponible en français seulement].

L’autre enjeu qui nuit à la possibilité de présenter la carrière militaire comme une option attrayante pour les femmes est bien sûr celui des traumatismes sexuels en contexte militaire (TSM). Les tentatives de réformer la culture militaire afin d’éradiquer ce fléau sont toutes venues de l’extérieur, sous la pression de décisions des tribunaux. Les FAC doivent donc encore démontrer qu’elles ont la volonté et qu’elles sont capables de prendre l’initiative de ces transformations sans qu’elles leur soient imposées. Les discours sont prometteurs, mais la démonstration de changements durables reste à faire.

Le traitement accordé par ACC aux survivantes de TSM demeure un indicateur déterminant de l’importance que le ministère accorde aux vétéranes. Le nombre de demandes d’indemnisation liées aux TSM a explosé au cours des dernières années et les politiques qui orientent les décisions continuent d’imposer un fardeau de preuve important aux demandeures. Environ 3 400 demandes d’indemnisation pour des traumatismes sexuels ont été déposées à ACC au cours des trois dernières années et une unité spéciale est consacrée à leur traitement. La plupart sont liées aux recours collectifs Heyder-Beattie et Merlo-Davidson dont il sera question plus loin dans ce rapport. On ne sait pas combien de ces demandes ont été acceptées par ACC. Le Comité salue le courage des femmes qui ont choisi de se faire entendre en déposant de telles réclamations.

Les préoccupations des vétéranes ont également été négligées dans les travaux du Comité permanent des Anciens combattants de la Chambre des communes (ACVA) par le passé. Cette étude est la première à y être entièrement consacrée. Le présent rapport corrige donc une lacune majeure. Il est divisé en six parties :

  • La première donne un aperçu des principales données démographiques concernant les vétéranes canadiennes, ainsi que les résultats des études scientifiques portant sur les indicateurs comparatifs de santé entre les femmes et les hommes vétérans.
  • La deuxième porte sur les besoins en recherche les plus susceptibles de faire progresser les soins et les politiques s’appliquant aux vétéranes.
  • La troisième partie porte sur les effets du service militaire sur les dimensions physiologiques, mentales et professionnelles du bien-être des femmes militaires et des vétéranes.
  • La quatrième partie porte sur l’expérience vécue des femmes au sein des FAC.
  • La cinquième sur les politiques d’ACC dans leur application aux particularités de l’expérience des vétéranes.
  • La sixième partie est consacrée aux traumatismes sexuels en contexte militaire et à leur traitement au sein des FAC, de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et d’ACC. Afin de faire ressortir la présence de cet enjeu dans toutes les dimensions des expériences des vétéranes, des extraits de témoignages où des vétéranes se racontent à cœur ouvert ont été intercalés entre les sections.

Les vétéranes de la GRC ont un statut distinct dans les politiques d’ACC puisqu’elles relèvent d’un régime législatif différent. C’est la Loi sur les pensions, et non la Loi sur le bien-être des vétérans, qui définit les services qui leur sont offerts par le ministère. De plus, contrairement aux membres des FAC dont les soins de santé sont fournis par le système médical militaire, celles de la GRC reçoivent les soins offerts par les régimes provinciaux et territoriaux. Un régime d’avantages médicaux supplémentaires leur est offert, similaire à celui dont bénéficient les membres de la fonction publique fédérale. Il en a été malheureusement peu question au cours de l’étude et elles auront sans doute le sentiment qu’une fois de plus, leurs préoccupations ont été laissées pour compte. Dans la section sur les TSM, nous espérons avoir pu compenser cette lacune en présentant aussi clairement que possible la contribution déterminante des vétéranes de la GRC aux aspects juridiques de la lutte contre les inconduites sexuelles. Les recours collectifs qu’elles ont déposés ont ouvert le front le plus efficace dans cette lutte et elles ont facilité des démarches similaires par les vétéranes des FAC.

Des extraits de témoignages racontant les expériences d’inconduites sexuelles vécues par les vétéranes ont été intercalés partout entre les sections du rapport. Ils nous rappellent que les traumatismes subis par les vétéranes vont bien au-delà de l’anecdote. Les membres du Comité veulent ainsi saluer le courage remarquable qu’il a fallu à ces femmes pour venir témoigner et à surmonter la solitude où les enferme trop souvent le souvenir de leur souffrance. C’est avec respect et recueillement que les membres accueillent également le choix légitime de celles qui ont préféré se taire.

Cette étude sur les vétéranes est la plus importante à laquelle se soit consacré ACVA depuis sa création comme comité permanent en avril 2006. Une centaine de personnes ont témoigné dans le cadre de 23 réunions, sans compter les mémoires et les nombreuses communications reçues. Malheureusement, peu de personnes autochtones, noires et de couleur, et de membres de la communauté 2SLGBTQ en font partie. Le Comité s’est engagé à prendre les moyens nécessaires afin d’augmenter leur représentation.

L’organisation et le déroulement des réunions ont été adaptés aux particularités de la thématique. Le président a accueilli les témoins et les personnes dans la salle en les avertissant de la sensibilité des thèmes qui pouvaient être abordés et que du soutien était disponible au besoin. La répartition du temps a été appliquée avec une plus grande souplesse afin de ne pas interrompre les témoignages des vétéranes qui partageaient leurs expériences. Les membres du Comité ont également participé à une formation sur la gestion des traumatismes. Nous espérons que ces démarches ont contribué à mettre en place une atmosphère plus chaleureuse.

Les membres du Comité souhaitent remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette étude. Ils espèrent également que les suites qui seront données aux recommandations de ce rapport permettront aux vétéranes d’acquérir la visibilité qui leur a manqué, et contribueront à offrir des perspectives stimulantes aux femmes qui se sentent appelées par la carrière militaire.

Portrait des vétéranes canadiennes

Historique

2 845 femmes ont fait partie de la Force expéditionnaire canadienne durant la Première Guerre mondiale. Déployées en France, en Belgique, en Angleterre, en Grèce et en Russie, au moins 60 d’entre elles sont décédées. Elles étaient toutes infirmières militaires (nursing sisters), puisque, selon Mme Mélanie Morin-Pelletier, historienne au Musée canadien de la guerre :

[C’était, j]usqu'en 1941, le seul titre que pouvait porter une femme dans les Forces armées canadiennes. Elles portaient un grade militaire relatif de lieutenant. Cela donnait aux infirmières militaires une certaine autorité sur leurs patients dans l’hôpital, mais pas sur les soldats à l’extérieur de l’hôpital. […] Il leur était interdit de fraterniser avec les soldats à l’extérieur de l’hôpital. C’était un des moyens de protéger leur moralité publique. Elles devaient aussi porter un uniforme composé d’une longue robe bleue et un voile blanc, ce qui rappelait beaucoup la tenue des religieuses à l’époque[4]. […] Les règlements exigeaient que les infirmières militaires soient célibataires au moment de leur enrôlement[5].

Durant la Deuxième Guerre mondiale, plus de 50 000 femmes ont porté l’uniforme, mais leur service s’est principalement effectué dans des postes de soutien administratif au Canada[6]. Environ 4 500 infirmières militaires ont été déployées outremer. Après la guerre, peu d’entre elles ont bénéficié des programmes et services mis en place par l’adoption des lois alors regroupées sous l’appellation de « Charte des Anciens Combattants ».

Par la suite, comme l’a rappelé la capitaine de vaisseau (à la retraite) Louise Siew dans son témoignage, c’est le rapport de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada qui a ouvert la voie. Déposé à la Chambre des communes le 7 décembre 1970, le rapport fait état d’une proportion de 1,6 % de femmes dans les forces armées (par. 485). La raison invoquée alors pour justifier le peu d’emplois accessibles aux femmes était que « cela revient trop cher de former des femmes à des professions qui exigent une formation longue et onéreuse (par. 486) ». Ce motif avait été rejeté par la Commission qui avait alors recommandé que « toutes les professions des Forces armées soient ouvertes aux femmes (par. 488) ». On recommanda également d’éliminer l’interdiction de s’enrôler qui s’appliquait aux femmes mariées (par. 490), ainsi que l’obligation de quitter les forces armées si elles ont un enfant (par. 495). Constatant la présence de femmes au sein de nombreuses forces policières municipales, la Commission a également recommandé « que les femmes aient le droit de s’engager dans la Gendarmerie royale du Canada (par. 484) ».

Ces recommandations ont permis que des femmes joignent les forces armées, mais leur intégration à des unités combattantes leur est demeurée interdite jusqu’à ce qu’Isabelle Gauthier, Marie-Claude Gauthier, Georgina Ann Brown et Joseph Houlden contestent cette exclusion auprès du Tribunal des droits de la personne en octobre 1986. La décision, rendue publique le 22 février 1989, décrète que la politique des FAC de « désigner certains groupes professionnels et certaines unités comme réservés aux hommes constitue une pratique discriminatoire ». Elle aura comme conséquence d’ouvrir tous les postes militaires aux femmes, à l’exception des sous-marins où on jugeait que le bâtiment lui-même ne permettait pas de garantir une intimité suffisante. Cette restriction sera levée en 2001. En 1989, Heather R. Erxleben est devenue la première femme à joindre une unité d’infanterie.

Portrait actuel

Selon les données du recensement de 2021, il y aurait au Canada 461 240 vétéran.e.s[7]. De ce nombre, 74 935 sont des vétéranes, soit 16,2 % de la population totale des vétéran.e.s[8]. À titre de comparaison, l’Étude sur le bien-être des vétérans de la Force régulière [disponible en anglais seulement] établissait cette proportion à 13 %, mais en excluant la Force de réserve. La proportion de vétéranes (FAC et GRC) qui sont clientes d’ACC s’établit également à 13 %, soit 18 269 du total de 143 835.

Étant donné l’augmentation progressive du nombre de femmes dans les FAC, on peut s’attendre à ce que leur proportion augmente de manière correspondante. Selon les données du recensement de 2021, les femmes représentaient 19,3 % des 97 625 militaires recensés. Cette proportion est supérieure à celle de 16,3 % calculée par le ministère de la Défense nationale (MDN) dans ses Statistiques sur les femmes dans les Forces armées canadiennes. Selon le MDN, les femmes comptent pour 17 % des membres de la Première réserve, et 16 % des membres de la Force régulière. Elles représentent un peu plus de 20 % des membres de la Marine et de la Force aérienne, mais seulement 13,8 % des membres de l’Armée de terre.

La représentation des femmes au sein de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) est plus élevée et leur service est plus long que celui des femmes dans les FAC. Selon Nadine Huggins, dirigeante principale des ressources humaines de la GRC : « Les femmes représentent environ 23 % de l’effectif. Elles tendent à rester dans l’organisation de 20 à 25 ans[9]. »

Indicateurs comparatifs de santé entre les vétéranes et les hommes vétérans

Selon une recension réalisée en 2022 pour le compte d’Anciens Combattants Canada[10], les femmes et les hommes vétérans diffèrent les uns des autres et diffèrent de la population canadienne comparable dans plusieurs domaines de la santé. Les principaux constats de cette recension sont les suivants :

  • Par rapport à la population canadienne comparable, les vétérans (tant masculins que féminins) déclarent une prévalence plus élevée de :
    • santé et de santé mentale passables ou mauvaises ;
    • besoin d’aide pour une ou plusieurs activités de la vie quotidienne ;
    • idées suicidaires à un moment ou l’autre de leur vie ;
    • diagnostic de troubles de l’humeur et d’anxiété, de trouble de stress post-traumatique ;
    • migraines, problèmes de dos, douleurs chroniques, arthrite, cancer, problèmes d’audition, problèmes gastro-intestinaux.
  • Chez les hommes vétérans, par rapport à la population masculine canadienne comparable, une prévalence plus élevée de maladies cardiovasculaires et hypertension.
  • Chez les hommes vétérans, par rapport aux femmes vétérans, une prévalence plus élevée de :
    • problèmes auditifs et maladies cardiovasculaires ;
    • décès par suicide.
  • Chez les vétéranes, par rapport aux hommes vétérans, une prévalence plus élevée de :
    • migraines, troubles de l’humeur, anxiété, troubles gastro-intestinaux et besoin d’aide pour les activités de la vie quotidienne ;
    • plus grande prévalence d’idées suicidaires, mais moins de décès.

Lorsqu’il existe des différences dans les indicateurs de santé entre les hommes vétérans et les vétéranes, des écarts similaires se retrouvent entre les hommes et les femmes de la population canadienne comparable. Toutefois, selon la même recension, certaines similitudes dans les indicateurs entre les hommes vétérans et les vétéranes ne se retrouvent pas dans la population canadienne, notamment : santé mentale passable ou mauvaise, idées suicidaires au cours de la vie, arthrite, asthme, incidence du cancer au cours de la vie, douleur chronique et diabète.

Une étude publiée en 2021 [disponible en anglais seulement] par le Bureau de l'ombudsman des vétérans a recensé 84 publications de toutes provenances portant sur les vétéranes des FAC et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Les principaux constats qui s’ajoutent à ceux de l’étude citée plus haut sont les suivants :

  • les femmes sont libérées pour raisons médicales plus souvent que les hommes ;
  • la proportion de libérations pour raisons médicales liées à la santé mentale est de 45 % chez les femmes et chez les hommes ;
  • la proportion de libérations pour raisons médicales liées à des problèmes musculosquelettiques est de 43 % chez les femmes et de 39 % chez les hommes ;
  • le taux de suicide chez les vétéranes est presque deux fois plus élevé que celui des femmes dans la population canadienne ;
  • les revenus des vétéranes diminuent de 17 à 22 % durant les trois années qui suivent leur libération, alors que les revenus des hommes vétérans ne changent pas ;
  • durant les trois années qui suivent la libération, les vétéranes gagnent en moyenne 40 % de moins que les hommes vétérans, en partie parce qu’elles sont handicapées, qu’elles s’occupent de leurs enfants ou d’autres personnes dépendantes, ou qu’elles retournent aux études ;
  • les femmes militaires ont 2,55 plus de chances d’être victimes d’inconduite sexuelle durant leur service militaire que les hommes militaires.

Selon la chercheuse Chris Edwards, d’autres recherches ont également démontré que les taux de lésions dues au surmenage sont plus élevés chez les femmes militaires que chez les hommes, en particulier si elles ont donné naissance à un enfant[11]. Laura Kelly, du Bureau de l’ombud des vétérans, a résumé ainsi les répercussions du service militaire sur la santé des vétéranes, comparativement aux hommes vétérans :

Les femmes vétéranes sont plus susceptibles d’être atteintes de maladies chroniques, de maladies respiratoires et de troubles gastro-intestinaux que les hommes vétérans. Elles sont deux fois plus à risque de subir une blessure grave durant un exercice d’entraînement. Elles sont aussi deux fois plus à risque de souffrir de maladies du système nerveux central. Leur taux de dépression est plus élevé, et elles sont plus susceptibles d’être atteintes de trouble panique, de phobie sociale, de trouble d’anxiété généralisée et de TSPT[12].

Toutes ces données épidémiologiques sont nécessaires et permettent de brosser un portrait général de la population des vétéranes. Elles ne permettent cependant pas d’attribuer des causes spécifiques aux problèmes identifiés. Tant qu’on ne connaîtra pas les causes des difficultés qui affectent les vétéranes différemment des hommes vétérans, il demeurera difficile d’y apporter des solutions efficaces.

Besoins en recherche

Les rapports parlementaires ont coutume de placer les sections portant sur la recherche à la fin. Cela permet d’intégrer à ces besoins tous les enjeux qui ont été abordés dans les sections précédentes. Toutefois, cela donne parfois l’impression que la recherche a moins d’importance que les autres enjeux. C’est pour éviter cette perception que le Comité a choisi d’attirer l’attention sur les besoins de recherche, qui sont criants et nombreux, en les plaçant en début de rapport.

Jusqu’à maintenant, les recherches parrainées par ACC se sont généralement faites sur la population des vétéran.e.s dans leur ensemble. Puisque les vétéranes représentent moins de 20 % du total, les échantillonnages ne permettent pas d’approfondir les données qui les concernent.

L’ombud des vétérans, la colonelle (à la retraite) Jardine a par ailleurs reproché au ministère d’amalgamer toutes les femmes en une seule catégorie dans ses questionnaires de satisfaction :

Je ne peux croire qu’aujourd’hui, 40 ans plus tard, dans son sondage auprès de sa clientèle — les familles des anciens combattants —, ACC regroupe les réponses de toutes les femmes. Tout le monde est dans le même panier, épouses, veuves et anciennes combattantes confondues. Pour moi, ce n’est pas juste. Nous sommes peut-être des épouses ou des veuves, mais nous sommes d’anciennes combattantes. Nous sommes un groupe distinct, et notre voix doit être entendue à ce titre[13].

Selon la Dre Sara Rodrigues, directrice de la Recherche appliquée à l’Institut Atlas pour les vétérans et leur famille, il existe « de graves lacunes dans la collecte de données et la recherche sur la santé des femmes vétérans dans de nombreux domaines[14] ».

Afin de combler certaines de ces lacunes, l’Institut Atlas, autrefois appelé Centre d’excellence sur le trouble de stress post-traumatique, a développé un programme de recherches qui tentera de mobiliser les chercheur.se.s et de diffuser les résultats de leurs travaux auprès des professionnel.le.s de la santé : « fondée sur les principes de la recherche communautaire, notre étude, le projet Athéna, portera sur l’ensemble des aspects et des étapes de la vie des femmes vétérans[15] ».

Selon la professeure Eichler :

[L]a recherche sur les femmes militaires et les vétéranes n’a jamais été soutenue ni valorisée au Canada, et c’est toujours le cas dans une large mesure.
La recherche réalisée à l’étranger — surtout aux États-Unis —, plus volumineuse et robuste, fait d’ailleurs ressortir les risques professionnels des militaires propres au sexe et au genre et leurs répercussions tout au long de la vie des femmes militaires et des vétéranes. Ces problèmes demeurent largement inexplorés au Canada[16].

Il n’existe également que peu de recherches comparant les vétéranes aux civiles en fonction des mêmes enjeux. Selon la majore (à la retraite) docteure Karen Breeck, de telles comparaisons permettraient de mieux faire ressortir la spécificité de l’impact du service militaire sur le bien-être des vétéranes : « Quand on effectue des recherches actuellement, on compare toujours les femmes et les hommes, alors que par définition, tout ce qui est propre aux femmes ne ressortira jamais dans un format comparant les femmes et les hommes[17]. »

Pour les domaines de recherche où il n’y a pas d’équivalent dans le monde civil, c’est la relation du Canada avec ses alliés qui pourrait être mise à contribution :

S’il y avait de l’intérêt et de la volonté politiques dans ce domaine, il y a suffisamment de femmes parmi les autres alliés pour recueillir des données réellement pertinentes sur les questions qui devraient maintenant être simples, comme les problèmes reproductifs quand on voyage en avion, la grossesse en contexte militaire ou être en mer quand on est enceinte[18].

Un groupe de travail a été établi pour favoriser la collaboration des chercheur.e.s du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Le groupe a constaté des lacunes importantes dans la recherche sur les vétéranes et que des efforts prioritaires devraient être entrepris pour les combler[19]. La sénatrice Rebecca Patterson a insisté sur cette possible relation fructueuse lorsqu’elle touche des enjeux pour lesquels les données canadiennes sont insuffisantes, par exemple le suicide chez les femmes militaires et les vétéranes :

Statistiquement, les chiffres sont trop faibles pour permettre de tirer des conclusions, mais cela sert de prétexte pour ne rien faire. Il faut aller au‑delà de ce stade. Il faut nouer des partenariats avec d’autres pays pour voir comment ils assurent un suivi. Je songe aux États-Unis, par exemple. C’est pourquoi nous avons parlé de conseil consultatif. Il faut commencer par là[20].

Les FAC disent reconnaître cette lacune et vouloir la combler, mais les démarches sont encore trop récentes pour livrer des résultats qui sont reportés à un avenir incertain :

Un aspect que nous avons récemment commencé à examiner, ce sont les suicides chez ces femmes. Le suicide est évidemment un événement tragique irréversible, qu’il s’agisse d’un problème de santé mentale ou autre, et il est dans notre point de mire, même si c’est un peu difficile dans les Forces armées canadiennes, car le nombre de suicides est assez faible, heureusement, surtout chez les femmes.
Cela dit, nous essayons de regrouper les données des deux dernières décennies pour voir s’il y a des tendances ou des différences entre nos militaires et la population canadienne en général. Nous espérons ainsi pouvoir cerner les facteurs ou les risques particuliers au sein des forces armées qui pourraient rendre les femmes plus vulnérables[21].

Sur ce problème, comme sur de nombreux autres qui affectent les femmes militaires et les vétéranes, selon Mme Rodrigues : « Les recherches portent sur les taux, pas sur les causes. Nous avons des chiffres, mais rien sur les facteurs explicatifs[22]. »

Enfin, il semble manquer de coordination entre les stratégies de recherche mises en œuvre par ACC et celles des FAC, en particulier sur les raisons pouvant expliquer les différences entre les expériences des femmes et celles des hommes militaires.

Il n’y a pas de doute quant à la volonté du personnel des FAC de contribuer à la recherche et à tenir compte de ses résultats les plus récents. De même, ACC, qui compte une douzaine de chercheur.se.s, commande fréquemment des études portant sur certains aspects de l’expérience des vétéranes. Ces contributions sont toutefois ponctuelles. De plus, lorsque des problèmes médicaux surgissent et semblent bel et bien liés au service militaire, le ministère pourra difficilement justifier une indemnisation si aucune recherche n’existe encore sur ce problème au Canada. Comme l’a dit la Dre Breeck : « L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence du problème[23]. »

Les déclarations des représentant.e.s d’ACC paraissent prometteuses, mais restent générales. On peine à identifier concrètement ce qui en ressortira. Par exemple, selon Lisa Garland Baird, qui est chercheuse principale au ministère :

Nous souhaitons connaître leurs expériences personnelles, notamment savoir comment elles vivent les questions liées à l’identité. Est‑ce différent de ce que vivent les hommes ? Nous chercherons également à savoir quel soutien elles estiment leur être le plus utile, non seulement de la part d’Anciens Combattants Canada, mais aussi au sein de leur collectivité. À quoi cela ressemble‑t‑il ?
Nous voulons déterminer non seulement quelles sont les lacunes, mais aussi quels sont les points forts, car nous croyons vraiment que nous pouvons tirer parti des divers partenariats qu’ACC a établis avec d’autres ministères fédéraux. ACC n’a pas un mandat complet pour tout ce qui touche au bien-être des vétérans — les soins de santé, par exemple —, mais nous pouvons travailler avec nos partenaires. Nous ne pouvons le faire qu’en nous adressant directement aux vétérans et aux collectivités et en écoutant sincèrement ce qu’ils ont à dire pour pouvoir trouver les lacunes[24].

Les représentant.e.s des FAC ont également fait des déclarations générales dont les résultats sont attendus dans un avenir intangible. Selon le capitaine de vaisseau Iain Beck, directeur de la santé mentale des FAC : « Nous cherchons de notre côté à déterminer s’il y a des vulnérabilités dans notre population féminine. Si nous pouvons tirer cela au clair, nous pourrons peut-être mieux les préparer à la transition vers le milieu civil[25]. »

Ce qui semble manquer à ces efforts, c’est une vision d’ensemble riche et cohérente qui orienterait un programme structuré à long terme visant des questions précises. Selon la professeure Eichler, aux États-Unis, par exemple : « Le gouvernement a décidé d’intervenir de façon stratégique et de créer un plan de recherche stratégique dirigé par des chercheurs au sein de l’administration des affaires et de la santé des anciens combattants[26]. »

L’essentiel du travail préparatoire à la mise en œuvre d’un programme de recherche structuré a déjà été réalisé. Grâce au soutien financier de l’initiative de recherche de La Patrie gravée sur le cœur, en partenariat avec l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, des chercheuses ont identifié les principales lacunes et ont formulé des recommandations pour les combler[27].

Le Comité recommande donc :

Recommandation 1

Qu’Anciens Combattants Canada, en collaboration avec les Forces armées canadiennes, la Gendarmerie royale du Canada, les Instituts canadiens de recherche sur la santé et les pays alliés, finance et mette en œuvre un programme structuré à long terme de recherche sur les femmes militaires et les vétéranes, et que ces recherches soient spécifiques aux femmes.

« J’ai participé en 2009 à un entraînement de base à Saint-Jean, au Québec. […] J’ai été droguée, kidnappée, et j’ai subi un viol collectif lors d’une journée de formation obligatoire. La dernière chose dont je me souvienne, c’est de m’être endormie en classe après notre pause-repas à la cafétéria, puis de m’être réveillée en panique dans un motel inconnu. En fait, c’est le personnel du motel qui m’a ramenée à la conscience. J’étais complètement nue, mes pièces d’identité avaient disparu, j’étais couverte de sang et d’ecchymoses, et je n’étais plus capable de marcher. Pendant les années qui ont suivi, mes agresseurs ont été blanchis et ont pu continuer à gravir les échelons au sein des FAC.

En ce qui me concerne, j’ai sombré dans la pauvreté et j’ai souffert de troubles médicaux non traités pendant 11 ans. J’ai connu la pauvreté extrême, l’itinérance, et des conditions de vie déplorables. […]

Pendant mes deux grossesses, j’ai souffert de graves complications et de douleurs chroniques dues aux séquelles de troubles physiques non traités résultant de mon agression sexuelle. […] Mes deux enfants ont développé des problèmes de santé dus aux complications que j’ai subies lors de l’accouchement.

J’ai effectué quatre tentatives infructueuses auprès du ministère des Anciens Combattants […] J’ai finalement été autorisée à participer au Programme de réhabilitation, 11 ans après le moment de ma libération du service militaire. […]

En novembre 2020, j’ai commencé à recevoir des soins à la clinique TSO de Deer Lodge, à Winnipeg. J’ai entamé une thérapie pour traiter mon trouble de stress post-traumatique, et je peux vous dire que cela m’a réellement sauvé la vie. […] »

ACVA, Témoignages, 5 décembre 2023, 1630, Mme Stephanie Hayward (vétérane, à titre personnel).

L’invisibilité du corps, de l’esprit, du travail et du service des femmes militaires et des vétéranes

Après que le Tribunal des droits de la personne les ait forcées, en 1989, à ouvrir toutes les professions militaires aux femmes, les FAC ont adopté une approche d’intégration qui consistait à traiter les femmes et les hommes de la même manière. Comme l’a dit l’ombud des vétéran·e·s, la colonelle (à la retraite) Nishika Jardine :

[D]epuis leur création, les FAC forment une organisation à prédominance masculine. À l’origine, leur approche de l’intégration des femmes et de l’égalité des chances consistait simplement à absorber les femmes dans leurs rangs en tenant compte le moins possible de leurs différences. Cette approche semblait logique. Dans l’ensemble, nous, femmes militaires, voulions seulement être traitées de la même manière que les autres[28].

Étant donné la prédominance numérique des hommes, avec tout le poids des traditions militaires qui l’ont soutenue, l’approche visant à ignorer les différences entre les hommes et les femmes a contribué à l’invisibilité des femmes. Comme l’a dit la sénatrice Patterson lors de son témoignage : « [L]a neutralité du genre exclut les femmes[29]. » La chercheuse Chris Edwards a abondé dans ce même sens :

[L]e Canada a adopté une approche non sexiste et inclusive pour les femmes. Malheureusement, « non sexiste » d’après les données probantes signifie « masculine » à cause du manque de représentation des femmes dans la recherche. Tant que l’on n’inclura pas la physiologie, la biomécanique et l’anatomie des femmes dans les cours de formation des services de santé des Forces canadiennes, tant qu’on ne leur accordera pas la priorité en recherche et que l’équipe de la Défense ne les appuiera pas, on ne comprendra pas les besoins des femmes membres des Forces armées canadiennes et des vétéranes, et ces besoins continueront d’être invisibles[30].

Cette invisibilité des femmes se retrouve dans la perception qu’a le public des vétérans en général. Comme l’a raconté la Dre Breeck :

Même pour le jour du Souvenir, lorsque nous allons chez Tim Hortons pour avoir notre café gratuit — offert aux anciens combattants —, la gentille personne derrière le comptoir nous regarde puis nous demande si nous prenons ce café pour notre mari, même si nous portons nos médailles. Même lors des célébrations, si nous sommes assises avec nos médailles et toute notre fierté, il y aura toujours des gens qui vont venir nous dire : « Oh, est‑ce que votre mari est mort ? Est‑ce que ce sont les médailles de votre mari ? »
C’est un phénomène très commun. Les gens ne savent pas qui nous sommes. Nous sommes toujours invisibles aux yeux du Canadien moyen.
Je commencerais là… Ils ne savent pas que nous existons[31].

La capitaine (à la retraite) Hélène Le Scelleur a vécu cette incrédulité qu’a entraînée l’invisibilité des femmes militaires : « Les gens ont souvent du mal à croire que je suis est une vétérane, que je suis allée en Afghanistan, que j’étais présente sur le terrain et qu’un engin explosif artisanal a détoné près de moi. Les gens ont l’air de croire que je mens ou que je raconte l’histoire de quelqu’un d’autre[32]. »

Une fois que les femmes militaires deviennent vétéranes, elles ne s’identifient donc pas comme telles, surtout si la durée de leur service a été abrégée par des traumatismes sexuels. Du côté de la GRC, selon Mme Vivienne Stewart, cette identification est encore plus difficile[33]. C’est le cas de Christine Wood :

Certaines personnes, comme moi, ont été gravement blessées après 18 mois dans les forces. Je ne me suis pas qualifiée de vétéran pendant environ cinq ans. J’étais terriblement embarrassée de dire que j’avais servi dans l’armée, car j’étais partie après avoir été agressée. J’avais honte d’être partie, d’avoir baissé les bras. Je n’étais pas restée pendant 20 ans en me battant. J’avais abandonné[34].

Pour d’autres, c’est le fait de ne pas avoir été déployées qui les empêche de se considérer comme des vétéranes. Selon la Dre Breeck :

[I]l est très courant qu’après avoir quitté les forces armées, les femmes ne veuillent plus rien avoir à faire avec ce chapitre de leur vie. […].
Si l’on considère l’ensemble des groupes d’âge, on constate qu’un certain nombre de femmes — en particulier celles qui font partie de générations précédentes et qui ne pouvaient pas participer aux combats — disaient : « Eh bien, j’ai passé 15 ou 20 ans dans les FAC, mais je n’ai jamais mené de combats, et je n’ai pas été déployée. Comme je n’ai pas joué ces rôles actifs, je ne peux pas me considérer comme une femme vétéran. » […] Leur vision de ce qu’elles pensaient devenir ne s’est jamais concrétisée[35].

Selon la caporale (à la retraite) Lisa Cyr, c’est plus de la moitié des femmes qui ne sont pas envoyées en mission :

Par exemple, on m’a dit : « Toi, Cyr, tu vas rester ici, parce que tu as de l’expérience dans l’unité, dans ta section. Le petit nouveau, lui, il ne connaît rien, alors il ne peut pas gérer les affaires. » Donc, lui, il va partir en mission. Lui, il va avoir la médaille. Moi, on me dit que je vais rester en arrière, je vais me taper 12 ou 13 heures de travail par jour, parce que ça prend des gens pour compenser le manque de personnes, et je n’aurai rien.
Au bout du compte, quand on sort des Forces, on se sent un peu comme un imposteur en tant que vétéran, parce que, dans la tête des gens, les vétérans sont des personnes qui ont participé à des missions[36].

Face à ces résistances publiques à la reconnaissance du service militaire des femmes et de leur statut de vétéranes à part entière, on s’attendrait à ce que le gouvernement du Canada fasse contrepoids et insiste pour les rendre plus visibles. Or, il n’existe aucune représentation publique, aucun monument dédié spécifiquement à la contribution des femmes. Le Comité recommande donc :

Recommandation 2

Que, compte tenu de l’implication des femmes pour la défense du Canada, Anciens Combattants Canada rende hommage aux vétéranes avec une œuvre d’art à la hauteur de leur engagement.

À quelques reprises durant les témoignages, le gouvernement du Canada a fait l’objet de critiques après avoir amalgamé les hommes et les femmes lors des excuses présentées en lien avec le recours collectif déposé par les survivantes d’agression sexuelle au sein des FAC. Selon la capitaine de corvette (à la retraite) Rosemary Park :

Le 13 décembre 2021, les excuses officielles de la ministre de la Défense nationale, de la sous-ministre et du chef d’état-major de la défense dans la foulée du recours collectif de 850 millions de dollars contre les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale pour inconduite sexuelle ne comportaient aucune mention des femmes militaires, des hommes ou des femmes. Pas une. On a bien mentionné la communauté LGBTQ, mais pas une seule fois les femmes[37].

Selon la professeure Eichler, de tels discours remplacent une invisibilité par une autre et représentent une mauvaise compréhension de l’intersectionnalité :

Ce qui me préoccupe le plus aujourd’hui, et je tiens à le souligner ici, c’est la tendance que j’observe dans toutes les institutions qui commencent à donner une voix aux femmes et qui consiste à mettre dans le même sac toutes les personnes qui ne sont pas des militaires ou des vétérans blancs hétérosexuels de sexe masculin. Un nouveau problème émerge, dans la mesure où toutes les personnes qui ne répondent pas à cette norme sont mises dans le même sac, ce qui va aussi poser d’énormes problèmes à l’avenir.
Je constate cette nouvelle tendance dans toutes les institutions, alors ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’une approche fondée sur le genre et le sexe qui tient compte de l’intersectionnalité — par exemple, les expériences de femmes issues de la diversité ou la manière dont une femme autochtone vit le service dans l’armée différemment d’une femme blanche —, et qui ne met pas tout le monde dans le même sac[38].

Cette approche a également prévalu dans le domaine de la recherche portant sur les militaires et les vétéran·e·s. Selon la sénatrice Patterson :

Nous ne pouvons pas regrouper toutes les personnes qui ont des besoins différents en un seul programme ou en un type de financement, parce que cela nous empêchera d’aborder les préoccupations propres à chaque groupe. Tous les groupes devraient être examinés individuellement, mais de façon harmonieuse, de manière à garantir l’équité et à assurer de meilleures expériences aux personnes qui ont subi des blessures pendant qu’elles servaient notre pays[39].

Selon Stéfanie von Hlatky, professeure titulaire à Queen’s University :

[L]orsque le gouvernement fédéral offre des programmes de santé mentale et physique, il est important de cerner les besoins différenciés des femmes et la façon dont ces besoins peuvent avoir été façonnés par leurs expériences dans l’armée. Par exemple, les femmes sont plus souvent exposées à des facteurs de stress cumulatifs au cours de leur carrière, ce qui peut comprendre des expériences opérationnelles intenses, le harcèlement sexuel et les traumatismes sexuels en milieu militaire, ainsi que la séparation de la famille qui les empêche de jouer leur rôle de principale pourvoyeuse de soins pour les enfants[40].

Les témoins des FAC ont tenu à minimiser la persistance de cette invisibilité. Selon la lieutenante-générale Lise Bourgon, chef du personnel militaire par intérim :

Honnêtement, je ne pense pas que les femmes soient encore invisibles dans l’armée canadienne. Nous faisons partie des FAC, comme les autres groupes visés par l’équité en matière d’emploi. Nous prenons notre place et nous sommes soutenues.
Est‑ce parfait ? Non. Y a‑t‑il place à l’amélioration ? Absolument, mais notre voix est entendue[41].

Toujours selon la générale Bourgon, historiquement, les FAC ont visé l’assimilation plutôt que l’inclusion :

Nous voyons la différence entre les deux maintenant. Il ne s’agit pas d’assimilation. Je n’ai pas besoin de changer qui je suis pour avoir ma place dans l’armée. Je peux y avoir ma place telle que je suis : une femme, une mère, etc. C’est le virage que nous avons pris, je dirais, en 2010 : l’inclusion est la clé, et non l’assimilation[42].

Cette affirmation a fait réagir la capitaine de vaisseau (à la retraite) Louise Siew :

Le fait de décrire comme une assimilation ce qui s’est produit dans le passé me préoccupe, car ce n’est pas la réalité que j’ai observée. M’étant enrôlée en 1975, je peux affirmer que, dans l’ensemble, les responsables des forces armées contraints d’opérer ce changement dans les années 1970, ont agi à contrecœur et sans volonté d’accommoder les femmes. Ils ont maintenu cette position aussi longtemps que possible. Ils nous ont sciemment rejetées, maltraitées, humiliées et même blessées[43].

Autrement dit, les FAC ont été forcées par les tribunaux d’intégrer les femmes, dans leurs rangs d’abord, puis dans leurs autres sphères d’activités par la suite. Il n’y a pas eu de mouvement interne propre aux FAC afin de créer un environnement propice à une meilleure intégration des femmes. La colonelle Lisa Noonan, du Groupe de transition des FAC, a, quant à elle, affirmé :

Le problème d’« invisibilité » dont quelqu’un a parlé plus tôt est, je pense, de moins en moins important. Nous commençons maintenant à examiner des programmes précis, quel que soit le domaine, qu’il s’agisse des services de santé, des services de transition, du recrutement, du maintien en poste, et ainsi de suite, qui sont expressément conçus pour les femmes dans les FAC. C’est un phénomène très nouveau depuis quatre ou cinq ans, en particulier[44].

Le major général Marc Bilodeau, médecin-général des FAC, a confirmé que les mesures touchant la santé n’étaient encore qu’à un stade préliminaire :

Notre programme de santé des femmes démarre à peine. Il a commencé l’année dernière. Nous sommes en train de constituer une équipe. Nous recrutons des personnes. Par la suite, nous allons commencer à investir davantage dans la recherche et les soins de santé et, nous l’espérons, améliorer la santé des femmes militaires[45].

Il s’agirait donc d’un changement de cap très récent, mais les objectifs sont ambitieux. L’initiative « Santé des femmes », inscrite dans le Budget 2022 pour le ministère de la Défense nationale, comprend « 144 millions de dollars sur cinq ans, puis […] 31 millions de dollars pour les années subséquentes. Encore une fois, il s’agit d’une initiative de grande envergure[46]. » Selon la professeure Maya Eichler, le programme vise à :

[É]largir les services de santé et les programmes de conditionnement physique afin de mieux répondre aux besoins des femmes et du personnel militaire ayant diverses identités de genre. […] Cette mesure s’ajoute au financement promis dans le budget fédéral de 2021, une somme distincte de 158 millions de dollars sur cinq ans, pour le soutien aux victimes d’inconduite sexuelle et de violence fondée sur le genre dans l’armée[47].

Selon Eleanor Taylor, de la Fondation les Fleurons Glorieux, la culture d’invisibilité est effectivement en train de changer et signale, selon elle, le début d’une troisième phase dans l’intégration des femmes aux FAC :

La première, c’est la période où les femmes et les gens avec des différences montrent qu’ils ne portent pas préjudice à l’institution. […]
La phase suivante, je l’appelle la phase où nous montrons que nous multiplierons les forces. Nous contribuons à l’organisation et nous y ajoutons de la valeur. […] Pendant cette phase, vu de l’extérieur, les choses ont l’air d’aller beaucoup mieux, mais durant cette phase aussi, les gens concernés doivent garder le silence, parce qu’ils sont encore en train de prouver qu’ils contribuent à l’organisation.
[…] À la troisième phase, on se donne du pouvoir en s’exprimant, et les institutions — autant le ministère des Anciens Combattants que les Forces armées du Canada — changent, parce qu’elles commencent à entendre plus clairement les voix des gens avec des différences et à comprendre leurs besoins particuliers. C’est à cette phase que les institutions doivent changer et que les gens peuvent s’exprimer.
Je pense que nous y sommes presque, mais je pense aussi qu’il y a des cas où les gens se sont habitués au silence, et c’est ce silence qui crée la culture d’invisibilité[48].

Il faudra beaucoup de patience pour extirper pour de bon les réflexes profondément enracinés dans la culture militaire. Pour le moment, les efforts des FAC semblent surtout viser à transformer leur image publique. Toujours selon la colonelle Noonan :

Des photos de femmes et les programmes sont affichés sur le site du centre de transition numérique. Il y a des affiches et différents types de représentation incluant les anciennes combattantes. Sur le site de transition, le site canada.ca, il y a aussi des femmes en uniforme.
Il est à espérer que l’invisibilité diminuera ou disparaîtra à mesure que nous avancerons et que nous aurons non seulement les programmes et les services qui s’adressent à la fois aux hommes et aux femmes et à d’autres groupes diversifiés qui servent dans les FAC, mais aussi les images. Une image vaut mille mots quand il s’agit de représenter les gens ou de leur donner l’impression d’être représentés lorsqu’ils utilisent ces différents outils et ressources[49].

Il ne faudrait cependant pas s’attendre à ce que le changement d’image permette à lui seul de transformer la réalité qui doit soutenir cette image.

Les initiatives de transformation de la culture militaire comme telle ont été évoquées de manière très générale lors des témoignages des témoins des FAC, et ont été présentées comme étant à leurs balbutiements. On fonde beaucoup d’espoirs sur ces initiatives, mais il demeure décevant qu’après tant d’années de prise de conscience, aucun résultat concret n’ait été présenté.

Recommandation 3

Que le gouvernement et les Forces armées canadiennes présentent officiellement des excuses aux femmes qui ont servi et continuent de servir dans une culture où le traumatisme sexuel militaire a été autorisé à prospérer pendant des décennies[50].

Recommandation 4

Que, pour les cinq prochaines années, le ministère de la Défense nationale présente au Comité un rapport d’étape annuel sur la mise en œuvre de l’Initiative pour la santé des femmes.

« J’ai été relativement chanceuse dans le cadre de mon expérience militaire. Contrairement à de nombreux témoins qui se sont présentés devant vous, […] je n’ai jamais été victime d’un viol aggravé. […] Je n’ai servi que pendant cinq ans et n’ai été déployée qu’une seule fois. […] Un militaire beaucoup plus âgé — un homme — m’a fait des avances non désirées, en évoquant un fétichisme pour les Asiatiques. Cet individu plaisantait également sur le fait qu’il conservait du contenu pédopornographique sur son ordinateur. Quelqu’un d’autre que moi l’a dénoncé. […]

Il n’y a jamais eu de suivi avec moi. […] Ce militaire a été puni en étant affecté à la salle des repas […]. Je le voyais donc trois fois par jour, tous les jours. »

ACVA, Témoignages, 5 décembre 2023, 1605, Mme Caleigh Wong (à titre personnel).

Le continuum problématique des services de soutien au bien-être des militaires et des vétéran·e·s

On a coutume de séparer les programmes visant le bien-être des militaires et des vétéran·e·s en trois sphères qui correspondent aux trois composantes essentielles de la nature humaine comme envisagé habituellement dans la culture occidentale : le corps, l’esprit et les réalisations du corps et de l’esprit par des actions individuelles sur le monde qui les entoure. Ces réalisations, dont le travail est une composante essentielle, définissent l’aspect de la vie de chaque personne qui est visible par les autres.

Dans les services offerts par ACC, ces trois sphères se traduisent par les volets « physique », « mental et psychosocial » et « professionnel » de leurs programmes de transition et de réadaptation. Cette séparation est certes valable dans la mesure où elle permet de structurer les services en fonction des besoins prédominants de chaque personne. Toutefois, la souplesse inhérente à l’interdépendance de ces sphères d’existence s’est rigidifiée par la mise en place d’une séquence temporelle. En effet, ces services sont offerts par ACC de manière successive : les services du volet « physique » doivent être offerts en premier, ce qui présuppose qu’il faille nécessairement s’occuper du corps avant de s’occuper du reste. Vient ensuite le volet « mental et psychosocial » dont on présume qu’il ne peut se déployer si les problèmes « physiques » n’ont pas été stabilisés. Une fois que le corps et l’esprit des vétéran·e·s sont suffisamment rétablis, on peut envisager leur participation à un programme de transition professionnelle.

Plusieurs témoignages sont venus remettre en question de manière convaincante la nécessité de maintenir cette séquence dans l’offre des programmes qui, pour des raisons qui restent à analyser, semble s’appliquer particulièrement mal aux besoins de réadaptation des vétéranes. Par exemple, la professeure Joy MacDermid, du Centre d’excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens, a expliqué que :

Souvent, pour les personnes qui présentent une douleur musculosquelettique chronique, c’est comme une peau d’oignon. Des blessures psychologiques sont à l’origine de ces douleurs. Parfois, en raison de la stigmatisation qui entoure la santé mentale, il est plus facile pour les personnes de présenter une douleur chronique que de réfléchir à la détresse psychologique chronique et aux blessures qu’elles ont subies. Si elles ne reconnaissent pas ces problèmes, ceux-ci se manifestent sous une forme de douleur chronique. Les personnes peuvent parler de leurs symptômes physiques plus que de leurs symptômes mentaux de douleur chronique, mais si l’on traite l’un et que l’on ignore l’autre, on n’arrive à rien.
C’est une philosophie très occidentale que de séparer la santé physique et la santé mentale, mais nous savons que ce n’est pas une bonne chose, quel que soit l’aspect de la santé. Les deux sont vraiment intégrés partout, mais nulle part peut-être n’est-ce plus important que chez les vétérans[51].

Selon le professeur Ramesh Zacharias, chef de la direction du Centre d’excellence sur la douleur chronique : « Les études menées par ACC montrent clairement qu’il existe un lien entre la douleur chronique et la santé mentale, de sorte qu’il est impossible de séparer les deux et de les traiter séparément. Il faut les traiter dans un seul établissement qui s’occupe des deux[52]. »

Cela vaut tout particulièrement pour les conséquences physiologiques d’un traumatisme sexuel. Selon la professeure MacDermid :

Notre étude montre qu’il existe un lien entre le harcèlement sexuel et la détresse psychologique, et qu’il existe un lien entre la détresse psychologique et la douleur chronique persistante et sévère. Ces données confirment ce que vous venez d’entendre à partir des expériences de vétéranes : le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles entraînent non seulement des problèmes psychologiques de longue durée, mais aussi des douleurs physiques de longue durée, de sorte que nous ne pouvons pas résoudre les douleurs chroniques sans gérer les causes sous‑jacentes[53].

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas tenir compte des différences entre ces trois dimensions de l’existence humaine, mais plutôt que les services doivent être adaptés aux interactions multiples entre elles. Plusieurs témoignages en ont fait état, dont celui de Mme Wood :

Dans mon cas, les troubles de stress post-traumatique se manifestent physiquement. C’est somatique. Je crois que c’est quelque chose qui est particulièrement vrai chez les femmes, comparativement aux hommes. C’est quelque chose qui ne figure pas dans ce document si important qu’est la Table des invalidités d’Anciens Combattants Canada. La souffrance mentale cause de la souffrance physique. Pensez par exemple à quelqu’un atteint d’arthrite lombaire. Il est sédentaire. Il peut devenir isolé, puis peut-être déprimé ou anxieux. C’est logique pour nous tous. L’inverse est également vrai. Si quelqu’un de déprimé ou d’anxieux devient sédentaire et isolé, son corps se déglingue. C’est exactement ce qui m’est arrivé[54].

Il est tout à fait reconnu que les problèmes de santé mentale d’une vétérane peuvent affecter sa santé physique[55]. Des témoins ont déploré la résistance d’ACC à indemniser les conditions médicales secondaires, par exemple un problème de douleurs chroniques découlant d’un TSM.

Il est également tout à fait possible que l’interruption involontaire d’une carrière militaire entraîne des problèmes d’adaptation professionnelle qui se répercutent sur la santé mentale. Autrement dit, il se peut que ce soient les besoins professionnels d’une vétérane qui méritent d’être traités en premier dans le cadre d’une approche qui envisage les dimensions de la santé et le bien-être de manière globale. Le Comité recommande donc :

Recommandation 5

Qu’Anciens Combattants Canada soit plus souple dans son évaluation des conditions médicales secondaires, par exemple la douleur chronique résultant d’un traumatisme sexuel militaire.

Recommandation 6

Qu’Anciens Combattants Canada assouplisse l’organisation de son programme de réadaptation et l’envisage de manière globale, de manière à permettre aux vétéran.e.s d’avoir accès aux volets physique, mental et psychosocial, et professionnel en même temps, ou à l’un ou l’autre des volets en fonction de leurs besoins les plus importants.

« J’ai observé le problème à maintes reprises. J’ai vu, pendant l’instruction de base, des adjudants coucher avec des cadettes et se servir de leur position comme outil pour avoir des relations sexuelles et convaincre une cadette que si elle couche avec lui, elle réussira l’instruction de base. Il s’agit de la formation de base des officiers. C’est ainsi depuis 1979. J’ai pris l’adjudant sur le fait et j’en ai parlé à mes supérieurs. La jeune recrue a été renvoyée chez elle et l’adjudant est revenu travailler avec moi. C’est ainsi encore et encore. J’ai observé le problème à maintes reprises.

La violence sexuelle a été utilisée afin de presque contrôler — dans certains cas — les femmes. À un moment donné au cours de ma carrière de commandante, j’ai passé un an à me cacher des officiers supérieurs. Je le dis littéralement. »

ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, 1955, Captv (à la retraite) Louise Siew (à titre personnel).

Effets du service militaire sur la physiologie des femmes[56]

Les conditions médicales spécifiques aux femmes

Étant donné l’importance numérique des vétérans masculins, les problèmes de santé physique n’affectant que les femmes n’ont souvent été abordés que comme une arrière-pensée. Puisque le nombre de demandes est plus faible, on connaît moins ces problèmes, et ils sont plus difficiles à faire reconnaître, tant sur le plan des soins à offrir dans les FAC que sur celui de l’indemnisation et de la réadaptation chez ACC.

On en sait très peu sur les blessures qui affectent spécifiquement les femmes. Selon la chercheuse Chris Edwards, le premier pas décisif serait que les FAC mettent en place un système de surveillance des blessures : « Nous devons d’abord identifier les problèmes existants et, par la suite, déterminer quelles personnes sont touchées par ces problèmes — lesquelles y sont les plus vulnérables. Nous pouvons ensuite commencer à creuser pour connaître la cause de ces blessures[57]. » Le Comité recommande donc :

Recommandation 7

Qu’Anciens Combattants Canada collabore avec le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes afin de mettre en œuvre un système de suivi des blessures qui améliorerait les données et faciliterait les recherches sur la santé physique des vétéranes.

Recommandation 8

Qu’Anciens Combattants Canada définisse et reconnaisse clairement les problèmes de santé des femmes et veille à ce que le personnel médical d’ACC soit en mesure de les documenter, y compris, mais sans s’y limiter, en utilisant des formulaires spécifiques aux femmes pour les problèmes sexuels, urinaires, reproductifs et ceux liés à la ménopause.

Recommandation 9

Que les Forces armées canadiennes remettent à tou.te.s les militaires une copie de leur dossier médical avant la date de leur libération.

Recommandation 10

Que les Forces armées canadiennes et Anciens Combattants Canada financent les fournisseurs de services qui veillent à ce que toutes les femmes militaires et les vétéranes aient accès à des professionnels de la santé spécialisés dans le traitement des femmes et qu’Anciens Combattants Canada accepte les diagnostics posés par ces professionnels.

Infertilité liée au service militaire

Selon la Dre Breeck, « [les problèmes] que nous peinons le plus à corriger à partir de la base sont ceux qui n’existent pas encore dans les livres. Il s’agira, par définition, de problèmes qui ne concernent pas les hommes et qui sont totalement différents[58]. »

Ainsi, lorsque les études épidémiologiques comparent la santé des hommes vétérans à celle des vétéranes, les problèmes qui ne peuvent affecter que les femmes ne sont tout simplement pas identifiés. Parmi ceux-ci, on note par exemple l’infertilité liée au service, les dysfonctionnements du plancher pelvien[59] et les problèmes liés à la ménopause.

La Dre Breeck a raconté qu’une vétérane s’était plainte d’une longue attente avant qu’ACC indemnise son infertilité liée au service, après quatre ans de démarches[60]. Elle ignorait que cette condition n’avait jamais été reconnue ou indemnisée auparavant. Puisqu’il s’agissait d’un précédent, il n’existait pas de barèmes pour établir le montant des prestations. La vétérane a donc dû attendre deux ans de plus avant d’être finalement payée. Des exemples similaires ont été évoqués pour les dysfonctionnements du plancher pelvien[61] et l’incontinence urinaire[62].

Une fois que ce précédent est établi, il faut du temps avant de diffuser l’existence de cette nouvelle « condition indemnisable » au sein des évaluateurs et des gestionnaires de cas du ministère. Par la suite, si on soupçonne une cause possible à cette condition, il faudra encore beaucoup de temps avant que les FAC en soient informées et qu’elles puissent mettre en place des mesures de prévention. Comme l’a affirmé la lieutenante-colonelle (à la retraite) Karen McCrimmon :

Comment Anciens Combattants Canada consigne‑t‑il les nouvelles incidences de blessures et de maladies, comme les cancers, et comment cette information importante est-elle transmise en amont à l’armée et à la GRC afin de prévenir de nouvelles blessures ?
Où se trouve la boucle de rétroaction sur les décisions du ministère qui ont été infirmées par le Tribunal des anciens combattants ? Je ne sais même pas s’il en existe une[63].

Ce processus de rétroaction ne semble pas avoir fait l’objet d’une démarche systématique. De plus, une diffusion plus large auprès de toutes les personnes et organisations qui pourraient être intéressées par ces décisions permettrait de faire connaître les progrès réalisés.

Les mesures d’information évoquées par la Dre Cyd Courchesne, médecin-chef d’ACC, sont certes nécessaires, mais elles n’équivalent pas à un processus systématique qui garantirait une bonne diffusion de l’information :

Si nous mettons en place un nouveau processus ou, comme dans votre exemple, si nous approuvons une nouvelle lésion, nous commencerons par les employés qui ont reçu ces demandes. Nous leur fournirons un nouveau processus, ainsi que le raisonnement et tout le reste.
Ensuite, nous nous emploierons à le communiquer au sein de notre ministère aux intervenants de première ligne qui travaillent directement avec les vétérans — les gestionnaires de cas et les agents des services aux vétérans. Nous travaillons avec nos collègues des communications pour l’annoncer dans nos médias sociaux. Nous avons également Mon dossier ACC. Beaucoup de personnes s’y sont maintenant inscrites[64].

Le principal élément qui semble manquer à ces démarches est la diffusion publique à grande échelle et la rétroaction au personnel médical des FAC qui est le premier à identifier ces conditions et à accompagner les femmes dès les premières étapes du programme de traitement. Le Comité recommande donc :

Recommandation 11

Qu’Anciens Combattants Canada et les Forces armées canadiennes collaborent à l’information des vétéran.e.s et du public lorsqu’une nouvelle condition indemnisable a été reconnue, afin d’en faciliter l’identification, la prévention et le traitement au sein des Forces armées canadiennes, et d’accélérer le traitement des demandes d’indemnisation auprès d’Anciens Combattants Canada.

« Après 12 ans de service, j’ai été libérée pour raisons médicales en 2013, avec un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur dépressive et anxiété. Je ne me remettais pas bien du décès de la caporale Marie France Comeau [victime de Russell Williams en 2009]. Nous travaillions ensemble comme agentes de bord au 437e Escadron de transport de Trenton. […]

J’ai trouvé du soutien en ligne et, grâce à l’entraide par les pairs, j’ai appris à me débrouiller du mieux que je pouvais de la maison.

Le traumatisme sexuel militaire s’accompagne d’une douleur invisible. Elle n’apparaît pas sur les imageries ou les tests utilisés par le ministère des Anciens Combattants pour déterminer l’admissibilité aux prestations. Pendant des années, on m’a donc refusé des prestations parce que mes médecins ne croyaient pas que mon état était aussi grave que je le disais. On m’a dit que ma douleur n’était pas réelle parce que je ne réclamais pas de narcotiques ou encore que ma santé mentale n’était pas si mauvaise parce que je prenais une douche avant mes rendez-vous avec mon médecin. Je ne correspondais pas à leurs définitions. J’avais désespérément besoin d’aide à l’intérieur de mon domicile, mais les problèmes de santé mentale ne suffisaient pas pour obtenir le soutien du Programme pour l’autonomie des anciens combattants. J’ai quand même fait une demande, et on m’a dit, par exemple, que l’entretien de l’extérieur de la maison relevait de mon mari et que je ne recevrais de l’aide que pour l’entretien ménager. »

ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, 1850, Mme Nadine Schultz-Nielsen (matelot de 1re classe (à la retraite), à titre personnel).

Soins offerts aux femmes militaires enceintes et qui donnent naissance

Plusieurs informations troublantes ont été présentées au Comité au sujet du manque d’accompagnement offert aux militaires enceintes. Selon Mme Edwards, « seulement 6,7 % des membres des Forces canadiennes qui ont été enceintes pendant qu’elles étaient en service ont reçu une formation physique spécialisée. J’ai bien dit 6,7 %[65]. » Autrement dit, la quasi-totalité des militaires enceintes semble laissée à elles-mêmes. Des phénomènes assez fréquents, comme la dépression post-partum, pourraient par exemple ne pas être diagnostiqués ou traités adéquatement :

Si les praticiens n’ont pas suivi de formation spécialisée en santé des femmes, ils ne poseront aucune question ou penseront que c’est normal. Bien que courante, la dépression post-partum n’est pas normale[66]. /Leurs fournisseurs de soins n’ont pas suivi de formation en santé des femmes, alors quand elles leur expliquent qu’elles pissent dans leurs culottes quand elles font du jogging, ils leur répondent que c’est tout à fait normal. […] Les femmes font parfois de l’incontinence urinaire après un accouchement, mais ce n’est pas normal[67].

La capitaine (à la retraite) Louise Siew s’est battue longtemps pour que ces difficultés soient reconnues au sein des FAC :

J’ai réussi à faire évoluer la politique en matière de congé de maternité. J’ai porté ma propre version d’un uniforme adapté à la maternité, car l’armée ne m’offrait aucune option à cet égard. J’ai cultivé un réseau informel de centaines de femmes militaires dans l’ensemble des Forces canadiennes, et je leur transmettais des renseignements sur des enjeux constants tels que l’équipement, l’uniforme, les prestations de maternité et ainsi de suite. J’ai contré des agressions sexuelles et j’ai encaissé de nombreux reproches pour mon militantisme, et j’ai toujours eu l’impression d’être seule pour mener ces luttes[68].

Si ces problèmes entraînent des conséquences à long terme, il est plus difficile de les faire reconnaître par ACC, car ils auront rarement été documentés. Ce ne sont pas des blessures comme celles auxquelles on s’attend typiquement durant des opérations de combat. Elles n’en sont pas moins des blessures liées au service militaire si elles ont été aggravées par la difficulté d’obtenir des soins.

Plusieurs témoignages ont fait état de ce manque de spécialistes au sein du personnel médical des FAC. La majore (à la retraite) Donna Riguidel, par exemple, a affirmé que, durant son service, on lui a recommandé un gynécologue au civil : « Non, il n’y a pas de spécialiste au sein de l’armée, du moins pas là où j’ai séjourné. Je suis passée par Winnipeg, Edmonton, puis Ottawa. Nous étions aiguillées vers des praticiens de l’extérieur[69]. »

Selon la lieutenante-colonelle (à la retraite) Sandra Perron :

[L]'armée n’a pas d’obstétriciens-gynécologues ou de médecins qui ont de l’expérience auprès des femmes qui reviennent au travail après une grossesse.
Les femmes sont obligées d’être soignées par le système médical militaire, alors faisons en sorte qu’il y ait plus d’éducation sur le corps des femmes, sur ce qu’elles vivent après une grossesse, sur la ménopause et sur les outils qui existent pour les aider durant cette période. Cette éducation éviterait que des femmes partent parce qu’elles sont trop fatiguées. Des femmes sont épuisées parce qu’elles ne dorment pas ou parce qu’elles ne reçoivent pas le bon traitement hormonal de substitution. Personne n’en parle et elles ne veulent pas poser de questions[70].

Le Comité recommande donc :

Recommandation 12

Que les Forces armées canadiennes s’assurent de former l’ensemble du personnel médical militaire pour le diagnostic, l’accompagnement, le traitement et le suivi des conditions médicales touchant spécifiquement les femmes, y compris les soins associés à la grossesse et à la natalité, et veillent à ce que des spécialistes de la santé des femmes soient disponibles dans chaque base.

Recommandation 13

Que les Forces armées canadiennes veillent à ce que les membres des FAC qui sont enceintes bénéficient d’un soutien spécialisé en matière d’entraînement physique.

« Comment vous communiquer la douleur que je ressens au quotidien à cause d’une organisation et d’un pays que j’ai commencé à servir à 17 ans ?

Avec quels mots devrais‑je vous décrire que j’ai vécu des agressions sexuelles répétées — qui m’ont fait perdre ma virginité contre mon gré —, de la maltraitance et du harcèlement, et que j’ai enduré de la misogynie, du sexisme flagrant et voilé, du détournement cognitif, et bien plus ? […]

Comment vous expliquer comment je me sentais lorsque, au beau milieu de l’océan, entourée d’eau à perte de vue pendant des jours, ou dans le golfe d’Oman, ou au large de la côte du Panama, ou même à 12 miles nautiques de la côte de l’île de Vancouver, je me faisais dire que, si un “accident” devait arriver, personne ne pourrait entendre mes cris ? Comment vous décrire comment je me suis sentie quand, à bord de navires, j’étais entourée de personnes empoignant mon corps, me manipulant, me lavant le cerveau et se servant de moi comme jouet sexuel ?

Tout a commencé par mon signalement en 2001.

[…] Mon signalement de traumatisme sexuel militaire et les événements qui ont suivi ont été entièrement utilisés contre moi. Mes blessures physiques — y compris mes commotions cérébrales, mes blessures à la colonne vertébrale, au genou et à l’épaule — ont toutes été balayées du revers de la main comme étant un problème de santé mentale et un symptôme de ma tendance à faire tout un cinéma.

Il a fallu que d’autres professionnels de la santé, plus précisément des professionnels au masculin, me défendent pour que j’obtienne des traitements. »

ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, 1840–1845, Mme Lisa Nilsson (maître de 2e classe (à la retraite), à titre personnel).

Équipement mal adapté

Cet enjeu est celui qui est revenu le plus fréquemment lors des témoignages. Comme l’a décrit la caporale-chef Jacqueline Wojcichowsky : « Nous sommes aux prises avec des vêtements, des sacs à dos, des casques et des bottes qui ne sont pas assez petits et qui ne sont pas conçus pour être portés par des femmes. L’incidence de cela n’est pas que physique ; avoir à gérer un incident vestimentaire devant vos pairs masculins est humiliant[71]. »

La chercheuse Chris Edwards a donné quelques autres exemples :

Les épaules des femmes sont plus étroites que celles des hommes, alors les courroies devraient être plus étroites. Les sacs à dos que nous avons sont conçus pour le corps d’un homme, alors ils sont plus larges. Imaginez devoir porter 80 livres sur le dos dans une position qui n’est pas idéale pour vous. Le sac pousse notre tête vers l’avant, ce qui provoque un stress supplémentaire sur notre colonne cervicale.
Nous avons aussi le gilet pare-balles qui n’est pas conçu pour une poitrine de femme. La plupart du temps, il s’ajuste très mal. L’armée n’a que la taille moyenne, alors les femmes qui sont très petites sont « de petites cibles ». Voilà ce qu’on a répondu à l’une de mes amies. Elle était en déploiement dans une zone de combat actif, et aucun gilet pare-balles ne lui allait. On lui a dit : « C’est une bonne chose que tu sois une petite cible »[72].

Cette absence d’un gilet pare-balles adapté paraît difficilement compréhensible, et constitue l’une des manifestations concrètes de cette invisibilité des femmes : « Nous avons des gilets pare-balles plats alors qu’en tant que femmes, nous devrions avoir des gilets pare-balles qui tiennent compte de notre poitrine. C’est plat. Ils sont tous plats. Ils devraient être faits pour nos corps. Les vêtements auraient dû être conçus correctement il y a des années, mais ils sont tous plats et ils tombent en morceaux[73]. »

Mme Edwards a même affirmé que des femmes auraient subi une mastectomie, soit à la suite de lésions successives subies à cause d’un équipement mal adapté ou de manière préventive pour pouvoir utiliser cet équipement durant leurs opérations :

Je ne peux pas vous donner de chiffres, parce que nous n’avons pas posé ces questions et nous n’avons pas fait de suivi. Cependant, je connais un certain nombre de personnes — ce sont seulement les personnes à qui j’ai parlé, mais j’en suis une aussi — qui ont subi cette intervention chirurgicale afin de pouvoir faire leur travail[74].

La Dre Courchesne a reconnu cette possibilité :

Certaines femmes ont demandé des réductions mammaires, mais ce n’était pas en raison d’équipement mal adapté. C’était pour d’autres raisons comme des maux de dos, et ainsi de suite. Cela dit, il est très possible que ces femmes ne voulaient pas admettre qu’elles avaient des blessures à cause de l’équipement.
Je ne doute pas que certaines femmes aient pris cette voie[75].

La capitaine (à la retraite) Siew a soulevé l’enjeu en ce qui touche aux vêtements de maternité : « J’ai porté ma propre version d’un uniforme adapté à la maternité, car l’armée ne m’offrait aucune option à cet égard[76]. »

Un équipement mal adapté peut entraîner des conséquences importantes à long terme. Christine Wood, une vétérane, a décrit certains de ces problèmes :

Plus grave que les dommages à mes pieds, l’équipement mal ajusté a aussi, au mieux, aggravé ou, au pire, causé l’affaiblissement de mon plancher pelvien, ce qui a mené à de graves problèmes de reproduction. J’ai eu des grossesses à haut risque, une fausse-couche, un accouchement prématuré, une descente de vessie, sans compter le stress constant et l’incontinence fécale. J’ai 44 ans, et je dois souvent porter un sous-vêtement jetable pour adultes, car une crise de panique ou un cauchemar peuvent provoquer des fuites accidentelles[77].

Les vétéranes ont souvent de la difficulté à se faire indemniser par ACC si elles ne peuvent pas fournir de preuves que leurs problèmes de santé sont liés à cet équipement. Les FAC n’ont pas de registre où les équipements et les pratiques liées à leur usage seraient documentés, ce qui éviterait aux vétéranes le fardeau de devoir démontrer que leur problème de santé est lié à leur service militaire.

Les femmes militaires auront tendance à ne pas porter l’équipement mal adapté, ce qui, bien sûr, menace leur sécurité, leur santé ainsi que leur capacité à se faire indemniser pour toute condition médicale qui en découlerait. Une situation qui paraît simple, comme la disponibilité de bouchons d’oreilles, peut entraîner des lésions auditives permanentes. Mme Doucet a affirmé que ses conduits auditifs étaient trop petits pour pouvoir insérer les bouchons d’oreilles fournis dans les hangars des bases aériennes[78]. Le fait de ne pas porter un équipement mal adapté pourrait-il être reconnu comme suffisant pour qu’ACC indemnise une perte auditive ?

Les FAC reconnaissent le problème, mais on s’étonne encore de leur lenteur à réagir, puisque ce problème existe depuis qu’il y a des femmes militaires. Par exemple, lorsque des membres ont voulu comprendre pourquoi ces problèmes tardaient à se régler, la colonelle Helen Wright, du Groupe de santé des Forces canadiennes, est demeurée évasive et a reporté les solutions à un avenir incertain :

Je peux dire que des travaux sont en cours pour nous assurer que nous adaptons l’équipement à la morphologie féminine. Par exemple, il est notoire que les femmes et les personnes de petite taille ont beaucoup de difficulté à porter les plaques balistiques. Des recherches sont en cours sur la conception qui conviendrait pour ces plaques[79].
[J]'ai bon espoir que le balancier va dans cette direction et que le travail sera fait.
Malheureusement, les solutions ne sont pas toujours simples. Voilà le problème. Nous pouvons souvent trouver des choses qui ne conviennent pas, mais il n’est pas nécessairement facile de trouver une façon de régler le problème[80].

La générale Bourgon a reconnu la nécessité de « faire une analyse comparative entre les sexes ». Elle a ensuite affirmé que l’information concernant touchant les besoins en matière d’équipement pour les femmes militaires avait été compilée. Finalement, l’industrie ne semble pas toujours en mesure de livrer ce qu’il faudrait :

Il y a certaines pièces d’équipement qui sont difficiles à obtenir. Quand on regarde le poste de pilotage d’un avion, en ce qui concerne la grandeur, la longueur des bras requise et ainsi de suite, on ne peut pas adapter les dimensions à 100 % de la population canadienne. Où est-ce qu’on met la boîte pour que tout soit ajusté ? C’est un choix difficile.
Il y a aussi certaines choses comme des plaques de protection balistique, dont la technologie n’est pas encore adaptée à nos besoins parce que nous ne représentons qu’un petit pourcentage des achats mondiaux. C’est aussi un défi. Nous sommes au courant et nous travaillons là-dessus[81].

Lorsqu’est venu le temps d’identifier des initiatives précises qui permettraient d’envisager des solutions dans un avenir rapproché, le major général Marc Bilodeau a dit :

Notre programme de santé des femmes démarre à peine. Il a commencé l’année dernière. Nous sommes en train de constituer une équipe. Nous recrutons des personnes. Par la suite, nous allons commencer à investir davantage dans la recherche et les soins de santé et, nous l’espérons, améliorer la santé des femmes militaires[82].

Il devient difficile de trouver des raisons justifiant la lenteur des FAC à surmonter ce défi connu depuis longtemps. Même lorsqu’il semble y avoir des progrès, le langage utilisé fait soupçonner une tiédeur dans l’engagement et l’absence d’une approche systématique :

Dans le cadre du nouveau contrat passé avec LogistiCore pour le nouvel équipement, nous faisons attention à donner un meilleur soutien aux femmes, par exemple en leur offrant de meilleures grandeurs de bottes. Nous avons aussi lancé, l’an passé, un remboursement pour les sous-vêtements étanches. C’est la même chose pour les soutiens-gorge : il nous faut de l’équipement qui nous convienne[83].

Comme l’a dit la lieutenante-colonelle (à la retraite) Karen McCrimmon : « Il faut vraiment que les Forces canadiennes et le ministère reconnaissent les différences entre hommes et femmes. Chaque fois que l’on commande de l’équipement, il faut veiller à ce qu’ils conviennent aussi bien aux femmes qu’aux hommes[84]. » Le Comité recommande donc :

Recommandation 14

Que le ministère de la Défense nationale ne renouvelle les contrats d’équipements militaires personnels, y compris les vêtements de maternité et les chaussures, que si les fournisseurs peuvent garantir que ces équipements, s’ils existent, sont adaptés à la physiologie des femmes.

Cet enjeu ne semble pas eu la même importance au sein de la GRC. Selon Mme Jennifer Ebert, commissaire adjointe à la GRC :

La situation a beaucoup évolué ces dernières années grâce à l’utilisation d’une optique d’ACS Plus relativement à l’ajustement de l’uniforme. Le manuel de la GRC sur la tenue vestimentaire et la conduite a fait l’objet de nombreuses modifications, notamment la réduction des exigences liées au genre et la possibilité, pour les hommes et les femmes — pour les agents de tous les sexes — de choisir l’équipement qui leur convient le mieux. Habituellement, les pantalons pour hommes me vont mieux que les pantalons pour femmes. Les changements offrent maintenant une certaine souplesse dans la gestion de l’équipement et de la tenue vestimentaire. C’est permis[85].
Des modifications ont été apportées au manuel sur la tenue vestimentaire et la conduite concernant le type de ceinturon d’arme à feu que nous utilisons. […] C’est la même chose pour la modernisation de nos pistolets et l’adaptation à des mains plus petites[86].

Les commentaires de Mme Jane Hall, du Conseil des vétéranes de la GRC, tendraient toutefois à nuancer ces affirmations. Selon elle, les conditions de travail des membres de la police fédérale « ne se distinguent pas de celles mises en évidence par les Forces armées canadiennes ». Cela comprend « les uniformes et l’équipement non conçus pour les femmes [qui] continuent de faire des ravages sur les corps vieillissants[87]. »

« En 2016, j’ai subi une blessure sportive alors que je faisais du conditionnement physique dans une unité. […] Je ne sais pas pourquoi les choses ont changé dans la façon dont j’ai été traitée, mais le revirement s’est produit en 2016, soit un an après que j’ai signalé avoir été agressée sexuellement.

Avant mon signalement, j’avais toujours été prise au sérieux, mais après, on a mis ma santé mentale en cause pour tous mes maux. […] Six mois avant ma libération, on m’a posé un diagnostic de trouble génétique rare. Je n’avais aucune idée que j’en souffrais et je ne l’aurais jamais su si je n’avais pas eu de blessure. […]

[…] Ma santé mentale s’est détériorée dans ces circonstances. Pendant mon service, j’ai reçu à mon insu un diagnostic de trouble anxieux et j’ai demandé à être réévaluée. Lorsque je l’ai été, on m’a dit que je souffrais d’un trouble d’adaptation, ce que je qualifierais d’un mot que je ne prononcerai pas ici, mais je ne pouvais rien y faire. Après ma libération, mon gestionnaire de cas d’Anciens Combattants m’a dirigée vers la clinique de blessure de stress opérationnel, où j’ai été évaluée et diagnostiquée comme souffrant de trouble de stress post-traumatique, ou TSPT, depuis 2008, au milieu de ma carrière. Je me suis tenue debout, littéralement, avec mes muscles, et j’ai maintenu ma santé mentale en me tenant excessivement occupée.

[…] J’ai besoin de beaucoup d’aide. Je ne quitte pas la maison, non pas parce que je ne veux pas le faire, mais parce que j’ai de la difficulté à le faire. Je dois m’adapter et surmonter les obstacles, car je n’ai pas d’autre choix. J’ai deux enfants, et ils ont besoin de moi. »

ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, 1835, Mme Carly Arkell (majore (à la retraite), à titre personnel).

Compétences culturelles des professionnel.le.s de la santé

Les lacunes dans les services offerts aux militaires enceintes, exposées plus haut, soulèvent un enjeu plus général. Puisque la population militaire n’est pas assez nombreuse et est trop disséminée sur un vaste territoire, les FAC ne peuvent pas garder en uniforme des professionnel.le.s de toutes les spécialités médicales. Elles doivent donc compter sur le personnel des systèmes provinciaux et territoriaux. Or, on ne peut pas s’attendre à ce que l’ensemble des spécialistes soit sensibilisé aux particularités du contexte militaire. Selon la professeure von Hlatky :

Lorsqu’un patient ancien combattant vient voir des fournisseurs de soins de santé dans le système civil, son expérience ne leur est peut-être pas familière. L’Université Queen’s et le laboratoire d’analyse comparative entre les sexes dont j’ai parlé plus tôt — par exemple, le travail effectué par la Dre Linna Tam-Setto — ont mis au point des outils pour que les fournisseurs de soins de santé puissent développer cette compétence culturelle afin d’être en mesure d’interagir avec les patients anciens combattants en tenant compte des différences entre les hommes et les femmes[88].

Puisque les FAC ont besoin qu’un plus grand nombre de médecins spécialistes soient sensisibilisé.e.s aux particularités du service militaire, elles gagneraient à faire un effort supplémentaire pour faire connaître ce besoin. Le Comité recommande donc :

Recommandation 15

Que les Forces armées canadiennes engagent plus de spécialistes et sensibilisent les médecins spécialistes du secteur civil afin de favoriser l’acquisition de compétences culturelles mieux adaptées aux besoins des femmes militaires.

« J’ai été violée au Canada pendant que j’étais dans la réserve. Je me suis enrôlée ensuite dans la Force régulière et j’ai été déployée à l’étranger.

Lors d’une affectation, tout s’est bien passé. Je me sentais protégée par les soldats, les hommes, qui m’entouraient. Lors d’autres affectations, je devais être sur mes gardes. Ce que je veux souligner, c’est qu’au début de presque tout déploiement, de toute mission ou affectation, chaque fois que nous étions ensemble au sein d’un bataillon ou d’une brigade, les femmes avaient une petite conversation et disaient de se tenir loin d’un tel, de ne pas être seule avec un tel, et d’essayer de rester avec tel autre. Je me suis demandé à ce moment si les hommes avaient entre eux ce même genre d’avertissement. Je ne pense pas. »

ACVA, Témoignages, 5 juin 2023, 1620, Mme Kathleen Mary Ryan (sergente (à la retraite), à titre personnel).

Exposition aux substances chimiques

Il existe des précédents quant au lien à établir entre l’exposition à des substances dangereuses dans les FAC et certaines maladies. L’exemple le mieux connu est sans doute l’exposition à l’Agent Orange pour laquelle des programmes d’indemnisation ont été consentis.

Marie-Ève Doucet, une vétérane de l’aviation, a reçu un diagnostic de cancer de la glande pinéale — une des formes du cancer du cerveau — il y a cinq ans. Elle l’attribue à son service militaire, et soupçonne que son exposition à des produits cancérigènes, alors qu’elle était enceinte, a également eu des conséquences sur la santé de son fils.

[C]e type de cancer peut être lié à deux facteurs, soit la génétique, soit l’exposition professionnelle et environnementale. Aucune forme de cancer n’est présente dans ma famille. […]
Cela nous laisse l’autre hypothèse logique, à savoir qu’après 20 ans d’exposition importante à de multiples produits chimiques cancérogènes et à des particules ultrafines dont on sait qu’elles nuisent au système nerveux central, c’est mon milieu de travail dans l’armée qui a aggravé, sinon directement causé, mon cancer actuel[89].

Sa demande d’indemnisation à ACC a été rejetée après trois semaines « en raison de l’absence de preuves que mon état de santé était lié à l’exposition à des produits chimiques dans mon milieu de travail[90] ».

Aux États-Unis, des recherches ont pourtant démontré la prévalence plus élevée de cancers du cerveau chez les vétérans par rapport aux non-vétérans[91]. Comme la plupart des études épidémiologiques, elle ne peut cependant pas établir de lien de causalité entre cette prévalence plus élevée et certains facteurs de risque que l’on retrouverait dans les activités militaires. De plus, la faible proportion de vétéranes figurant dans les échantillons exclut toute possibilité d’une démonstration d’un tel lien de causalité. C’est là une illustration de plus du dicton évoqué par la Dre Breeck à l’effet que « l’absence de preuves ne signifie pas la preuve de l’absence d’un problème ». Des recherches ont également soulevé un lien entre l’exposition aux microparticules émises lors de l’entretien des aéronefs durant la grossesse et certaines conditions médicales chez les enfants[92].

Le Dr Remington Nevin a expliqué une situation similaire qui affectait les vétéranes dans le cas des médicaments antipaludiques dont on ne sait pas s’ils ont des effets spécifiques chez les femmes, en particulier lors de la grossesse :

Pour des raisons historiques, la plupart des médicaments antipaludiques préventifs ont été testés principalement chez les hommes et, par conséquent, dans de nombreux cas, les données directes sur la sécurité humaine et les risques pour la reproduction ne sont pas disponibles pour éclairer leur utilisation rationnelle chez les femmes.
Par exemple, la monographie canadienne de l’atovaquone-proguanil, un médicament antipaludique populaire commercialisé sous le nom de Malarone, indique « qu’aucune étude n’a été menée sur les femmes enceintes » et que l’innocuité du médicament pendant la grossesse « n’a pas été établie ». De même, la monographie canadienne de la doxycycline, un autre médicament antipaludique populaire, prévient qu’il « ne devrait pas être administré aux femmes enceintes ».
Ces mises en garde sont particulièrement pertinentes dans la mesure où l’expérience militaire américaine a montré que les femmes en âge de procréer courent un risque élevé de grossesse pendant les déploiements, où la consommation de ces médicaments ou d’autres médicaments est habituellement obligatoire[93].

La question est donc de déterminer si une prévalence accrue est suffisante pour justifier une présomption de lien avec le service militaire lorsque les études indiquent la possibilité d’un tel lien sans qu’il soit possible de démontrer un lien de causalité. Jusqu’à maintenant, les gouvernements américain et canadien ont affirmé que non.

Dans certains cas, ce refus peut paraître incompatible avec le principe du « bénéfice du doute » qui est ancré dans la législation pour tout ce qui touche l’attribution au service militaire. Toutefois, l’interprétation stricte de ce principe est que le bénéfice du doute s’applique à la validité des preuves fournies par les vétéran.e.s, et non à des présomptions de liens de causalité qui sont à peu près impossibles à établir. Par exemple, les études scientifiques ont démontré le lien de causalité entre l’exposition prolongée à l’amiante et certains cancers. Si on transpose cet exemple dans le contexte militaire, le principe du bénéfice du doute s’appliquerait alors aux preuves déposées par les vétéran.e.s qu’elles ont effectivement été exposées à l’amiante[94].

Pour Mme Doucet, le fardeau de preuve qu’on exige pour les maladies dont les causes ne sont pas connues est excessif. De plus, la faible proportion de vétéranes exclut toute possibilité d’identifier des causes qui seraient différentes de ce qu’on observe chez les hommes. Les descriptions du travail effectué par Mme Doucet soulèveraient un soupçon raisonnable chez la plupart des personnes auxquelles on les présenterait :

Quand on travaille sur un avion, il arrive souvent que du carburant vous coule sur la tête, si bien que gants ou pas, on se retrouve couvert de carburant. Le carburant vous dégouline le long des bras. Il nous est arrivé d’utiliser des chiffons pour empêcher le carburant de couler sous nos aisselles et sur notre poitrine. Aucune protection n’est prévue à cet égard. Les gants n’empêchent pas le carburant de vous couler dessus, mais c’est comme ça. Vous êtes en fonction et le carburant vous dégoutte sur votre tête. Hormis une paire de lunettes, il n’existe pas vraiment de protection[95].

Le Comité recommande donc :

Recommandation 16

Qu’Anciens Combattants Canada établisse une liste de conditions médicales auxquelles serait accordé un lien présomptif avec le service militaire lorsque les études épidémiologiques indiquent une prévalence plus élevée de ces conditions chez les vétéran.e.s par rapport à l’ensemble de la population civile, chez les vétéranes par rapport à la population féminine en général et chez les vétéranes par rapport aux hommes vétérans.

Une fois que le lien de causalité est établi ou présumé, il faut encore que les vétéran.e.s soient capables de documenter leur exposition à ces facteurs de risque. Or, présentement, les FAC ne tiennent aucun registre des substances à risque auxquelles sont exposé.e.s les militaires. Le Comité recommande donc :

Recommandation 17

Que les Forces armées canadiennes mettent sur pied un registre des lieux où sont entreposées ou utilisées des substances chimiques dont des études ont indiqué qu’elles pourraient être liées à une prévalence accrue de certaines conditions médicales, chez les militaires et les vétéran.e.s, y compris chez les femmes enceintes et les enfants, et que ce registre soit accessible aux vétéran.e.s qui soumettent une demande d’indemnisation auprès d’Anciens Combattants Canada.

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada détermine le nombre de vétéranes et de militaires qui ont été exposées à des médicaments antipaludéens, tels que le méfloquine ou le Lariam, et évalue les mesures prises par les pays alliés pour faire face aux risques que ces médicaments posent en ce qui concerne la santé reproductive.

« J’ai joint les Forces armées canadiennes en 1990, à l’âge de 17 ans, en tant qu’une des premières femmes à joindre les armes de combat dans l’effort de faire grandir le nombre de femmes dans le service. Il va sans dire que notre présence dans l’infanterie n’était pas la bienvenue. Dès que je suis entrée dans les forces armées, j’ai dû déployer plus d’efforts que n’importe quel homme rien que pour être traitée en tant qu’égale. Dans ce monde masculin très homogène, j’ai évacué ma féminité pour faire place au soldat et ainsi gagner en respect.

[…] Dès le début et tout au long des 26 ans de ma carrière, j’ai subi des inconduites de la part d’hommes. Au départ, pour me faire abandonner, mais par la suite pour s’approprier mon corps — du harcèlement verbal, aux attouchements, aux baisers forcés par des supérieurs et aussi à de l’envahissement de ma vie privée comme moyen de me forcer à accepter l’inacceptable. Mais je me considère chanceuse, car je ne fais pas partie de celles qui ont été violées. »

ACVA, Témoignages, 18 mai 2023, 1905, Mme Hélène Le Scelleur (capitaine (à la retraite), coprésidente, Conseil consultatif pour les vétérans du Centre d’excellence, Centre d’excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens).

Lignes directrices et Table des invalidités à ACC

ACC travaille depuis plusieurs années à l’adaptation des Lignes directrices sur l’admissibilité au droit à pension et de la Table des invalidités, de manière à mieux intégrer les problèmes de santé qui affectent seulement ou principalement les femmes. Les « Lignes directrices » aident les évaluateurs du ministère à établir si certains problèmes médicaux courants pour lesquels les vétérans.e.s déposent une demande justifient le versement d’une prestation d’invalidité. La « Table des invalidités » a, quant à elle, un statut législatif, et sert à établir le degré d’invalidité, variant de 5 % à 100 %, qu’entraîne une condition particulière. Ce pourcentage servira à établir le montant des prestations à verser aux vétéran.e.s.

Par exemple, l’infertilité liée au service, dont il a été question plus haut, a été ajoutée au chapitre 16 de la Table des invalidités, sous « Stérilité permanente avant la ménopause ». Une « cote de déficience médicale » de 9 % lui est attribuée. Ensuite, les évaluateurs doivent déterminer un des trois niveaux possibles de « l’indice de qualité de vie » qui évalue l’incidence de cette condition sur la capacité de la vétérane à accomplir les « activités habituelles et coutumières de la vie quotidienne ». Dans le cas de la stérilité, l’indice de qualité de vie maximale est de 2 %. On additionne donc 9 % à 2 %, ce qui donne un degré d’invalidité de 11 %. Le montant de l’indemnité pour douleur et souffrance pour un degré d’invalidité de 11 % est de $129,70 par mois à vie, ou un montant forfaitaire unique de 42 200,19 $.

Plusieurs vétéranes ont affirmé que certaines conditions médicales qui affectent les femmes ne sont pas reconnues par ACC, ou ne sont pas reconnues à la juste valeur de leur incidence sur la qualité de vie des vétéranes. De plus, certaines conditions peuvent affecter les femmes et les hommes de manière différente. Or, la Table ne permet pas d’établir cette distinction. La capitaine de vaisseau (à la retraite) Louise Siew a ainsi reproché à ACC sa résistance à reconnaître les particularités des traumatismes articulaires cumulatifs affectant les femmes comme une condition indemnisable dans la Table des invalidités[96].

Selon la Dre Breeck, la difficulté ne consiste pas seulement dans le fait que ces documents peuvent ne pas intégrer équitablement les affections médicales des femmes, mais également que, si des améliorations ont été apportées, ou sont en cours d’implantation, il sera difficile de le savoir. Par exemple, les prothèses font partie de la Table des invalidités depuis longtemps, mais celles dont ont besoin les femmes ne sont pas toujours les mêmes que celles des hommes. ACC tient-il compte de ces distinctions dans l’évaluation des demandes ? « Pour être juste, cet examen est peut-être en cours, mais nous ne le savons pas[97]. »

Ce manque d’information a été confirmé par l’Ombud des vétérans :

En ce qui concerne les mesures prises par ACC, je me souviens que lorsque je suis entrée en poste, le ministère m’a conviée à une séance d’information. Il nous a dit qu’il procédait à une révision de la table des invalidités, le document crucial qui présente toutes les affections pouvant être liées au service militaire. Ce document est la clé, mais je n’ai pas encore vu la nouvelle version de la table et je n’ai reçu aucun nouveau renseignement à ce sujet[98].

Les témoins du ministère ont affirmé progresser dans la mise à jour de ces outils, mais il est difficile de connaître la nature précise des modifications qui en ont découlé. Selon Mme Trudie MacKinnon :

[N]ous procédons à un examen pluriannuel et intergouvernemental de la table des invalidités. Nous avons commencé cet examen il y a quelques années et nous prévoyons qu’il sera terminé à la fin de l’exercice en cours, c’est-à-dire d’ici mars 2024.
[…]
Je dois dire que la table des invalidités va également de pair avec nos lignes directrices en matière d’admissibilité. Nous utilisons ces deux instruments pour déterminer le droit aux prestations et nous utilisons la table des invalidités pour déterminer le degré d’invalidité. Ces deux instruments sont en cours de mise à jour, et ils sont également examinés sous l’angle de l’ACS Plus pour s’assurer, une fois encore, qu’il n’y a pas d’obstacles à l’accès, par exemple, pour les femmes vétérans et les vétérans en quête d’équité qui se présentent[99].

Sur le site d’ACC, il est écrit que la mise en œuvre de cette initiative de modernisation de la Table des invalidités est « en attente ».

Mise à jour des Lignes directrices : l’exemple des dysfonctions sexuelles

Le traitement des dysfonctions sexuelles liées à la santé mentale est un exemple de la lenteur du processus de mise à jour de la Table des invalidités et des Lignes directrices. Comparativement à la santé mentale des vétérans, les vétéranes ont des taux plus élevés de dépression et des risques accrus de développer un trouble panique, une phobie sociale, un trouble d’anxiété généralisée ou un trouble de stress post-traumatique. Selon la Dre Elaine Waddington Lamont, directrice de la santé mentale du Jardin de ressourcement des femmes combattantes :

Les femmes sont beaucoup plus susceptibles de souffrir de TSPT par suite de leur service. La documentation spécialisée ne s’accorde pas sur les raisons exactes de ce phénomène. La question est complexe, mais on peut dire qu’elle est probablement liée à des différences physiologiques, des différences dans le cerveau et des différences hormonales, mais aussi à des différences dans les expériences, y compris les traumatismes sexuels liés au combat, à des différences sociologiques, au harcèlement et à des différences structurelles[100].

Dans le cadre d’une revue systémique publiée en avril 2022, le Bureau de l’ombud des vétérans a révélé un exemple d’iniquité dans l’application des règles d’admissibilité aux prestations d’invalidité. Cet exemple affecte justement une affection où la santé mentale et la santé physique sont liées. Plusieurs des médicaments utilisés pour le traitement de problèmes de santé mentale peuvent entraîner des dysfonctions sexuelles, tant chez les femmes que chez les hommes. Lors d’une révision visant à rationaliser le traitement des demandes d’indemnisation pour dysfonction sexuelle consécutive à un trouble psychiatrique, ACC a simplifié le processus pour le traitement de la dysfonction érectile. Le ministère n’a cependant pas effectué un travail équivalent pour les dysfonctions sexuelles affectant les femmes :

La [Directive sur la prise d’une décision relative à l’invalidité — Dysfonction érectile découlant de troubles psychiatriques (utilisation de médicaments)] permet aux arbitres des prestations d’invalidité de prendre des décisions sur les prestations d’invalidité pour cette affection, tandis que toutes les autres demandes pour dysfonction sexuelle doivent être envoyées à un conseiller médical pour examen, ce qui peut allonger le temps d’attente pour les décisions. En fait, cette directive rationalise l’affection de dysfonction sexuelle la plus courante vécue par les clients masculins à la suite d’un trouble psychiatrique ouvrant droit à des prestations d’invalidité, mais aucun processus similaire n’a été mis en œuvre pour les clientes[101].

Mme Jardine, lors de son témoignage, a présenté d’autres aspects étonnants de la mise à jour de cette directive :

Selon le questionnaire remis au médecin, ce dernier doit demander à la personne assise devant lui si elle souffre d’une dysfonction sexuelle, mais seulement si cette personne est un homme. Cette question n’est pas posée aux femmes. Or, le trouble de stress post-traumatique et certains problèmes psychiatriques et de santé mentale peuvent aussi affecter la santé sexuelle des femmes, mais de manière invisible. La Table des invalidités ne prévoit rien à cet effet[102].

Sans application d’un processus systématique et intentionnel dans le traitement des demandes provenant des vétéranes, de tels exemples sont appelés à se répéter. Lors de son témoignage, une représentante d’ACC, Mme Trudie MacKinnon, a confirmé que des modifications avaient été apportées au traitement des dysfonctions sexuelles chez les femmes, mais n’en a pas crédité le Bureau de l’ombud, comme si le Ministère avait agi de sa propre initiative :

En janvier 2022, nous avons mis en œuvre de nouvelles lignes directrices sur l’admissibilité au droit à la pension pour dysfonction sexuelle, une affection qui touche les vétérans des deux sexes qui se présentent, mais de façon très différente. C’est un bon exemple de la façon dont nous allons les mettre à jour. Lorsque des vétérans se présentent pour la même affection, les conséquences peuvent être très différentes selon qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Nous sommes en train de revoir nos lignes directrices sur l’admissibilité au droit et la table des invalidités en même temps[103].

Mme Melanie MacDonald, qui est responsable de la mise à jour de ces documents à ACC, n’a pas non plus crédité le Bureau de l’ombud, et a révélé que cette nouvelle directive était en fait la première à avoir fait l’objet d’une démarche systématique d’inclusion :

Nous sommes particulièrement enthousiasmés par la publication, pour la première fois en sept ans, de nouvelles Lignes directrices sur l’admissibilité au droit à pension, ou LDADP, à savoir les nouvelles LDADP pour la dysfonction sexuelle. Ce sont les premières lignes directrices d’admissibilité inclusives en matière de sexe et de genre, en ce sens que nous examinons les répercussions sur les femmes et les hommes. Ces lignes directrices tiennent compte des causes de la dysfonction sexuelle, y compris les traumatismes sexuels en milieu militaire[104]

Selon Mme Hughes, l’adoption de ces lignes directrices a commencé à se faire sentir : « Nous commençons à voir un changement. Il a fallu attendre plus d’un an pour que les décisions soient rendues. Le processus est donc très lent. […] Le nombre de décisions favorables commence à augmenter, mais lentement. Très lentement[105]. »

Le Comité recommande donc :

Recommandation 19

Qu’Anciens Combattants Canada accélère la mise à jour des Lignes directrices sur l’admissibilité au droit à pension et de la Table des invalidités au cours des dernières années en ce qui touche les conditions médicales affectant plus ou exclusivement les vétéranes, élimine les préjugés spécifiques en appliquant de manière plus transparente une analyse comparative entre les sexes +, et dépose au Comité un rapport sur la mise à jour de ces documents.

« J’ai 32 ans d’expérience dans les Forces armées canadiennes. […] J’ai occupé divers postes au sein de la cavalerie de Lord Strathcona, de la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, du 1er Régiment de la Police militaire, du Quartier général de la 3e Division du Canada et j’en passe, en plus d’être actuellement commis aux libérations à la 6e Compagnie du renseignement. […] Durant mes années de service, j’ai été violée, harcelée sexuellement, menacée verbalement et contrôlée émotionnellement. En raison de mon traumatisme, je n’arrive plus à contrôler mes réactions, ce qui a eu des répercussions négatives sur ma capacité d’obtenir des promotions. Le harcèlement sexuel continu a nui à ma santé physique et mentale, et ce n’est qu’en 2018 qu’Anciens Combattants et une clinique pour traumatismes liés au stress opérationnel ont diagnostiqué correctement le problème. »

ACVA, Témoignages, 5 juin 2023, 1605–1610, Caporale-chef Jacqueline Wojcichowsky (à titre personnel)

« J’ai déposé ma première demande de pension en 1996, qui m’a été refusée. Mon premier appel a également été rejeté. Peu avant de figurer sur la couverture de Maclean’s, il y a 25 ans ce mois‑ci, on m’a accordé une petite pension partielle et on m’a dit que c’était parce que mon agression sexuelle n’était pas liée au service et que je n’étais pas en service. […] Le problème a été rectifié après le recours collectif, et j’ai finalement reçu une pension complète. […] Pendant six ans, j’ai été maintenue dans le programme de réadaptation en dépit de dépressions nerveuses successives et de tentatives de suicide. […]

Un gestionnaire de cas m’a dit que j’étais mentalement instable et que je devais être placée en établissement, alors que j’étais en train de quitter mon ex‑mari violent. On m’a dit que j’en demandais trop alors que j’avais besoin d’aide pour ma subvention en nutrition. Des médecins ont refusé de remplir des formulaires de demande de pension parce qu’ACC leur avait envoyé mon dossier complet de 492 pages. […]

Si l’armée veut vraiment recruter plus de femmes, le ministère des Anciens Combattants doit commencer à comprendre que les besoins des femmes sont différents, surtout si une femme a été maltraitée et s’est isolée pendant un certain temps.

[…] Le ministère des Anciens Combattants doit comprendre qu’il s’agit d’un processus individuel et que certaines personnes n’entrent pas dans les cases qu’il a créées pour elles. Parfois, la rigidité d’ACC et les attitudes analogues à celles des assurances ne sont pas ce qu’il faut. L’acceptation et l’écoute font beaucoup. »

ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, 1650, Mme Dawn McIlmoyle (matelot de 3e classe, infirmière autorisée, à titre personnel).

Bilan historique du traitement des femmes dans les Forces armées canadiennes et à Anciens Combattants Canada

De nombreux témoignages ont mis en évidence les défis liés à la présentation de preuves permettant de relier certaines conditions médicales et le service militaire. Cela est particulièrement vrai des situations où elles sont apparues dans un contexte autre que celui d’une opération militaire désignée comme « service spécial ». Dans ce dernier cas, si une condition médicale apparaît durant un déploiement, les vétéranes n’auront pas à en documenter les causes. Par contre, si les problèmes sont le résultat d’activités courantes se déroulant sur une base militaire ou dans tout autre contexte où la personne est en service sans être déployée dans une opération de service spécial, le fardeau sera plus lourd et les vétéranes devront prouver les faits permettant d’attester un lien de causalité entre le service militaire et leur condition médicale. La loi contraint ACC à accorder le bénéfice du doute à de telles preuves, mais elles doivent pouvoir être recueillies, ce qui peut s’avérer difficile, et parfois impossible.

Cette contrainte affecte les femmes militaires plus que les hommes puisqu’il a fallu longtemps avant que les femmes puissent être déployées dans des opérations de service spécial, et que, encore aujourd’hui, elles s’intègrent plus rarement que les hommes à des unités de combat. Selon Mme Hughes, de la Légion royale canadienne, les blessures qui ne se produisent pas durant les opérations militaires ne sont pas prises avec le même sérieux par ACC :

Il arrive que des demandes soient refusées parce qu’une vétérane a servi comme commis administrative, par exemple, et qu’on en déduit qu’au fond, un commis administratif tape, prend des notes, est assis à son bureau et traite de la paperasse. Cependant, quand on est en poste dans une base comme celle de Petawawa ou de Gagetown ou dans toute autre base active, on suit le même entraînement physique que tout autre soldat sur cette base. Quand on sert dans une unité comme commis — par exemple, dans une unité d’infanterie —, on suit le même entraînement physique que les membres de cette unité tous les matins[106].

La capitaine de vaisseau (à la retraite) Louise Siew a donc proposé que ce fardeau soit renvoyé aux FAC elles-mêmes et qu’elles procèdent à un inventaire historique complet de leur traitement des femmes, et fournissent la documentation qui soulagerait les vétéranes de ce fardeau :

[O]n attend des femmes qu’elles présentent des demandes et fournissent des preuves quant à leurs conditions de service, alors qu’en fait, elles n’ont aucune preuve. Le MDN et les Forces canadiennes savent toutefois comment ces femmes ont été traitées au fil des ans. Je pense qu’ils ont une obligation envers les vétéranes, car ils n’ont rien fait pour elles lorsqu’elles étaient en service. Ils leur ont fait du mal lorsqu’elles étaient en service, alors ils ont maintenant l’obligation de dire ce qu’ils ont fait.
Ils sont au courant. Ce n’est pas comme s’ils ne savaient rien. S’ils sont dans l’ignorance, il y a des femmes comme moi parmi les vétérans qui se feraient une joie de venir les informer. Nous sommes là. Nous savons. Nous nous occupons constamment de vétérans. Nous nous ferons un plaisir de leur fournir des explications.
Si les Forces canadiennes fournissent l’information, les vétéranes n’auront pas à présenter elles-mêmes les preuves alors qu’elles n’ont aucun document. C’est ridicule. Si les Forces canadiennes le font pour le traumatisme sexuel en milieu militaire et admettent qu’à cet égard, la voix des femmes et leurs histoires comptent, nous savons déjà ce qu’il en est, car ce précédent a été établi. C’est déjà fait. Cette simple admission ferait avancer les choses à la vitesse de la lumière si les Forces canadiennes agissaient et disaient ce qu’elles ont fait aux femmes. Elles connaissent les problèmes liés à l’équipement[107].

On voit aisément comment un tel renversement du fardeau documentaire faciliterait le traitement de certaines conditions comme les traumatismes articulaires cumulatifs mentionnés par Mme Siew. Par exemple, il peut être compliqué pour une vétérane de fournir des preuves que les bottes étaient trop grandes, que les courroies des sacs à dos étaient trop larges, que les gilets pare-balles écrasaient la poitrine et créaient une tension lombaire permanente, que les bouchons d’oreilles étaient trop grands, que des femmes enceintes étaient exposées à des substances toxiques, etc. Si les FAC étaient en mesure de documenter de telles pratiques et, au besoin, de préciser les périodes et les endroits où elles avaient lieu, cela soulagerait d’un seul coup toutes les vétéranes d’avoir à présenter des preuves de ces pratiques. Selon Rosemary Park :

Il n’existe aucune donnée sur les endroits où des femmes ont été envoyées en déploiement et sur les fonctions qui leur étaient assignées. Il nous faut maintenant chercher à nous renseigner auprès des intéressées elles-mêmes. Il va de soi que ces expériences de déploiement, et surtout celles se déroulant dans des conditions difficiles, ont des répercussions sur les soins de santé requis par la suite et sur d’autres problématiques. […] Il y a eu un total de 399 missions depuis 1945. Des femmes sont déployées à l’étranger depuis 1975. Nous devons nous contenter de faire appel à la contribution du plus grand nombre pour obtenir des informations à ce sujet[108].

Dans le cas des demandes liées à des traumatismes sexuels, cela faciliterait certainement le traitement des demandes. Il y a eu un certain progrès dans le bénéfice du doute accordé à ces demandes, mais accorder ce bénéfice par incertitude n’a pas la même force que de confirmer le bien-fondé d’une demande. Selon Mme Hughes :

Nous avons vu augmenter considérablement le nombre de demandes de prestations refusées faute d’éléments de preuve suffisants ou parce que la police a conclu que la plainte était sans fondement ou que la chaîne de commandement a imposé le silence, de sorte qu’il n’y a aucune documentation sur ce qui s’est passé.
Les politiques se sont améliorées dernièrement pour ce qui est des traumatismes sexuels subis au sein des forces armées, et les demandes de prestations sont plus favorables, mais on n’a pas réexaminé toutes les demandes de prestations qui ont été rejetées dans le passé. Les femmes ont dû se présenter à nous pour que nous sachions. À notre commandement national, nous avons examiné proactivement tous nos dossiers. Nous avons cherché les demandes de prestations qui ont peut-être été refusées faute de données médicales sur ce qui est arrivé ou parce que la plainte pour harcèlement n’a pas abouti. Nous avons réussi à faire annuler ces rejets en plus haute instance[109].

Le Comité recommande donc :

Recommandation 20

Que les Forces armées canadiennes procèdent à un inventaire historique complet de toutes les opérations, actions et décisions susceptibles d’avoir eu des incidences sur les conditions médicales pour lesquelles les vétéranes ont déposé des demandes d’indemnisation auprès d’Anciens Combattants Canada, que cet inventaire soit régulièrement et systématiquement mis à jour et puisse servir de base à l’approbation présumée des demandes d’indemnisation lorsqu’il n’y a pas d’autre documentation.

« J’avais été agressée sexuellement par un camarade à l’âge de 17 ans. À partir de ce moment‑là, j’avais ressenti le besoin d’adopter une sorte de comportement masculin. De plus, je ne voulais pas ternir ma réputation en révélant ce qui m’était arrivé. C’est pourquoi j’ai gardé le silence pendant 20 ans. […] J’ai paniqué parce que j’avais l’impression de ne pas recevoir le soutien dont j’avais besoin de la part de ma chaîne de commandement, composée uniquement d’hommes, à l’exception d’une femme qui, je tiens à le dire, m’a harcelée sexuellement et m’a demandé de me comporter de façon plus féminine dans mes interactions avec les gens, alors même que je souffrais d’une lésion cérébrale. »

ACVA, Témoignages, 24 avril 2023, 1650, Mme Kristin Topping (ambassadrice du programme, La Fondation du prince au Canada).

Les effets du service militaire sur le travail des femmes

Diminution de revenu des vétéranes

Comme indiqué plus haut, les revenus des vétéranes diminuent de 17 % à 22 % durant les trois années qui suivent leur libération, alors que les revenus des hommes vétérans ne changent pas. Cela s’expliquerait en partie par le fait qu’elles choisissent de « s’occuper d’autres personnes[110] ». Selon Mary Beth MacLean, qui a effectué des recherches pour ACC : « Nous ne savons pas exactement ce qu’elles font, mais étant donné leur âge moyen au moment de la libération, il est probable que ce sont les enfants. Il peut également s’agir de parents, mais il est beaucoup plus probable qu’il s’agisse d’enfants. Elles peuvent éventuellement être libérées pour commencer à avoir des enfants[111]. »

Durant les trois années qui suivent la libération, les vétéranes gagnent en moyenne 40 % de moins que les hommes vétérans. Outre le choix de prendre une pause professionnelle pour avoir des enfants, plusieurs autres facteurs contribuent à cette différence importante. D’abord, au moment de leur libération, le revenu des femmes militaires représente 90 % du revenu des hommes militaires[112], surtout parce que les vétéranes ont accumulé en moyenne moins d’années de service. Par exemple, 39 % des vétéranes libérées entre 1998 et 2013 ont servi 20 ans ou plus, comparativement à 49 % des hommes durant la même période[113]. Selon Mme Jessica Miller, qui a servi pendant 22 ans comme infirmière militaire :

Il n’y a pas de différence substantielle entre les salaires des membres des forces. Le problème c’est que de jeunes femmes subissent des préjudices de la part de hauts responsables et que ces femmes sont ensuite punies en quittant les forces parce qu’elles ne peuvent plus supporter de travailler aux côtés de la personne qui les a agressées à répétition. Elles quittent les forces et ont un salaire dérisoire parce qu’elles ont à peine 10 ans de service[114].

Elles sont donc plus jeunes et n’ont pas obtenu les mêmes promotions. Ensuite, elles sont libérées pour des raisons médicales dans une plus grande proportion que les hommes et seraient donc plus susceptibles de souffrir d’invalidités qui limitent leur avancement professionnel, à tout le moins durant les premières années après leur libération. Selon Nathan Svenson, directeur de la recherche à ACC, « près du tiers des militaires sont libérés pour raisons médicales, ce qui est très élevé, mais chez les femmes, ce taux est considérablement plus élevé, à 42 %, pour la même période[115] ». La lieutenante-générale Lise Bourgon, cheffe du personnel militaire par intérim des FAC, a même avancé une proportion de libérations médicales de 47 % chez les femmes[116]. Ces données sont confirmées par celles du RARM : sur les 2 000 nouveaux dossiers qu’il reçoit en moyenne par année, entre 20 % et 22 % proviennent des femmes[117], ce qui est nettement plus élevé que leur proportion au sein des FAC.

Pour celles qui quittent les FAC volontairement, le portrait reflète une perception de ne pas avoir été traitées équitablement durant leur service. Selon Alana Jaquemet, travailleuse sociale autorisée et psychothérapeute autorisée :

De nombreuses femmes avec lesquelles nous travaillons sont libérées non pas en raison d’un traumatisme lié au déploiement, mais après avoir vécu un traumatisme systémique durable, se sentant réduites au silence ou forcées de poursuivre leur lutte malgré des blessures morales et physiques, ou elles se libèrent volontairement parce qu’elles estiment que la lenteur du processus de libération augmente leur risque d’idée ou de tentative de suicide, causant ainsi un traumatisme à leur famille, ou elles estiment qu’elles ne peuvent plus survivre au processus[118].

Selon la professeure von Hlatky :

[E]n s’appuyant sur les données fournies dans les sondages de départ à mesure que les militaires quittent l’armée, la stratégie de maintien en poste des FAC souligne que « certains des facteurs de mécontentement associés à une libération volontaire sont plus fréquents chez les femmes que chez les hommes ». Le rapport mentionne le manque d’adéquation avec la vie militaire, l’insatisfaction à l’égard du système d’avancement et de promotion, les exigences en matière d’instruction et de perfectionnement, ainsi que les exigences liées à la charge de travail. Le document reconnaît que les préjugés fondés sur le sexe « peuvent affecter l’accès aux possibilités d’exercer un rôle de leader, l’avancement professionnel et la présence de femmes comme modèles ou mentors auprès de futures dirigeantes au sein des FAC. » Cela a une incidence sur le bien-être des membres actifs et des membres nouvellement libérés, ainsi que sur les possibilités professionnelles qui découlent d’une carrière militaire[119].

Autrement dit, les femmes militaires, lorsqu’elles choisissent de quitter volontairement, sont plus insatisfaites de leur service militaire que les hommes, et elles ont tendance à attribuer cette insatisfaction au traitement inégal dont elles font l’objet. De tels constats sont au cœur de ce qui nuit à la rétention des femmes militaires. On sait qu’elles sont plus insatisfaites que les hommes et que, par conséquent, elles servent en moyenne moins longtemps, mais on est encore incapable d’expliquer pourquoi. Les femmes militaires ont raconté qu’elles avaient été traitées de manière injuste, et les FAC affirment vouloir traiter les femmes de manière équitable, mais n’ont pas encore défini concrètement ce que signifie l’équité dans la vie quotidienne des militaires. Il est donc encore impossible d’agir de manière cohérente afin de surmonter ces défis. Reconnaître le problème est certainement un premier pas vers une solution, mais une étape supplémentaire pourrait consister à demander directement aux femmes en voie d’être libérées pourquoi elles pensent que l’environnement militaire a été injuste à leur égard. Ces informations pourraient ensuite être partagées avec ACC et complétées par les propres conclusions du ministère sur ce que les vétéranes ont vécu.

Leurs revenus avant libération étant inférieurs, leurs revenus de prestations ont également tendance à être moindres puisque les prestations de remplacement de revenu du Régime d’assurance-revenu militaire (RARM) et d’ACC se fondent sur les revenus avant la libération.

Cette diminution des revenus après le service s’explique également par le fait que, dans l’année qui suit leur libération, 39 % des vétéranes considèrent que leur activité principale est le travail, comparativement à 59 % des hommes vétérans. Dans une plus grande proportion que pour les hommes, leur activité principale après leur libération est d’être aux études, de s’occuper de quelqu’un d’autre (enfants ou autres) ou d’être en invalidité. Par conséquent, leur taux d’emploi à temps partiel est plus élevé que celui des hommes. Leur taux de satisfaction à l’égard de leur emploi demeure toutefois le même que celui des hommes[120].

Ce taux de satisfaction à l’égard de leur emploi suggère que les vétéranes qui travaillent sont satisfaites. Il faut toutefois qualifier cette affirmation générale. L’avantage qu’accordent implicitement les employeurs aux hommes vétérans grâce à leurs qualités de leadership et d’autonomie ne se transmet pas aisément aux vétéranes, en particulier si elles ont de nombreuses années de service. Selon Lisa Garland Baird, chercheuse principale à ACC :

[L]es femmes vétéranes considéraient l’âge comme un problème lorsqu’elles réintégraient ou essayaient de réintégrer le marché du travail. […] De nombreuses femmes disent avoir été victimes d’âgisme et ne pas avoir été considérées comme des femmes vétéranes par les employeurs parce qu’elles ne correspondaient pas à la vision traditionnelle qu’ils ont d’un vétéran[121].

Il existe divers programmes d’intégration à l’emploi, dont certains sont financés partiellement par ACC. Le Comité s’est d’ailleurs penché sur ces questions dans le cadre de son rapport déposé en octobre 2023 portant sur une stratégie nationale pour l’emploi des vétérans. Par exemple, le programme Du Régiment aux bâtiments, au cours des dix dernières années, a permis à 453 vétéranes d’être orientées vers des métiers de la construction[122]. On note également un intérêt grandissant des vétéranes pour des métiers où les femmes sont traditionnellement absentes, par exemple en programmation informatique[123].

Selon la colonelle (à la retraite) Patricia Henry, de l’Association nationale des collèges de carrières, une proportion élevée de vétéranes souhaitent se lancer en affaires et souhaiteraient qu’ACC puisse servir de carrefour d’accès aux ressources pour les entrepreneures[124]. Kathleen Kilgour, de la Fondation du Prince au Canada, affirme que 25 % des vétéranes optent pour l’entrepreneuriat, ce qui, en comparaison des hommes, constitue selon elle un nombre « disproportionné[125] ».

Les particularités des besoins des vétéranes, ainsi que la forte proportion d’entre elles qui envisagent l’entrepreneuriat, mériteraient que les programmes de soutien à la transition professionnelle tiennent compte de ces besoins de manière plus ciblée. L’un des principaux constats du rapport sur la Stratégie nationale pour l’emploi des vétérans avait été la nécessité d’intervenir le plus tôt possible avant que les militaires aient complété le processus de libération afin de mieux les préparer à leur transition professionnelle. Les formations auxquelles sont admissibles les vétéran.e.s en voie d’être libéré.e.s ne peuvent habituellement débuter qu’après que les militaires soient devenu.e.s des vétéran.e.s. Cela retarde le moment où les vétéranes peuvent chercher un emploi ou démarrer une entreprise, et contribue à la diminution de leurs revenus durant les premières années qui suivent leur libération. À cet effet, le Comité avait recommandé :

Qu’Anciens Combattants Canada et le ministère de la Défense nationale harmonisent les critères définissant les formations admissibles au financement offert par l’allocation pour étude et formation et par le Régime d’assurance-revenu militaire, et permettent aux militaires en voie de libération pour raisons médicales de recevoir l’allocation pour étude et formation alors qu’ils sont encore en service.

Ce même thème est revenu dans le cadre des discussions sur l’expérience professionnelle des vétéranes. Mme Kilgour, par exemple, a rappelé l’importance « d’offrir une formation sur la transition au moment où elle peut avoir le plus d’effet, c’est‑à‑dire pendant que les membres sont toujours en service. Un à deux ans avant leur libération, ils ont besoin d’un programme de transition — que ce soit sur l’entrepreneuriat ou un autre domaine — afin d’acquérir la confiance nécessaire pour élaborer un plan et adopter une attitude positive à l’égard de leur avenir[126]. »

Le Comité souhaite donc réitérer de manière plus générale la recommandation formulée dans son rapport précédent :

Recommandation 21

Qu’Anciens Combattants Canada et le ministère de la Défense nationale permettent aux militaires en voie de libération, particulièrement celles et ceux qui sont en voie d’être libérées pour raisons médicales, d’être admissibles aux formations offertes par les programmes de transition professionnelle alors qu’elles sont encore en service, y compris le soutien et la formation offerts à celles et ceux qui souhaitent devenir entrepreneurs.

On ne connaît pas le degré de satisfaction générale des vétéranes qui ne travaillent pas après leur libération. On ne sait pas non plus si ce taux varie beaucoup selon qu’elles ont quitté volontairement les FAC, ou qu’elles ont été libérées pour raisons médicales. Il est donc urgent de s’interroger sur les causes de la proportion plus élevée de femmes militaires qui sont libérées pour raisons médicales. On sait déjà que la proportion de ces libérations qui est liée à des problèmes musculosquelettiques est légèrement plus importante que chez les hommes, mais n’explique pas à elle seule la différence. On sait que la proportion de libérations pour raisons médicales liées à la santé mentale est équivalente pour les femmes et les hommes. On sait également que, chez l’ensemble des vétéran.e.s, la participation à des opérations de combat constitue l’un des facteurs les plus décisifs de ce type de libération médicale. Or, les hommes font partie des unités de combat dans une proportion plus grande que les femmes. Comment s’explique alors la prévalence similaire de libérations pour problèmes de santé mentale ? Si les problèmes musculosquelettiques et les problèmes de santé mentale ne permettent pas d’expliquer la plus grande proportion de femmes militaires qui sont libérées pour raisons médicales, quelles peuvent bien être les autres motifs de ces libérations ?

Ces questions sont au cœur de la capacité des FAC à prévenir les libérations pour raisons médicales et les invalidités qui peuvent en découler, ainsi que de la capacité d’ACC à offrir des programmes et des services bien adaptés aux besoins spécifiques des vétéranes. Et pourtant, les recherches actuelles sont incapables d’y répondre. Le Comité recommande donc :

Recommandation 22

Qu’Anciens Combattants Canada et les Forces armées canadiennes, en partenariat avec les Instituts canadiens de recherche en santé, financent un programme de recherches dont les objectifs seraient, entre autres, d’identifier :

  • Les causes de la proportion plus élevée de femmes militaires qui sont libérées pour des raisons médicales comparativement aux hommes ;
  • Les causes des problèmes musculosquelettiques qui affectent les femmes militaires dans une proportion plus élevée que les hommes ;
  • Les facteurs de risque permettant d’expliquer la proportion similaire de libérations pour raisons médicales liées à des problèmes de santé mentale chez les femmes et chez les hommes militaires, malgré une participation moindre des femmes à des opérations de combat ;
  • Les risques du service militaire sur la fertilité et la grossesse.

En parallèle à ces recherches sur les causes des libérations pour raisons médicales des femmes, il faut également mieux comprendre les obstacles particuliers que rencontrent les vétéranes sur le marché du travail puisque les données actuelles se basent sur des échantillons qui ne comptent que trop peu de femmes. Le Comité recommande donc :

Recommandation 23

Qu’Anciens Combattants Canada finance un programme de recherches se penchant exclusivement sur les obstacles à la transition professionnelle que vivent les vétéranes.

« J’ai vécu toute la gamme des inconduites sexuelles au cours des 18 premiers mois de mon service. L’agression sexuelle que j’ai subie 18 mois après mon arrivée a été de loin la plus dommageable de ces expériences, et j’ai depuis développé des troubles de stress post-traumatique. […] On m’a diagnostiqué 10, plus de 10, maladies physiques distinctes depuis mon agression, maladies qui vont demander un suivi et un traitement jusqu’à la fin de mes jours. Il y a entre autres le syndrome des jambes sans repos, le diabète de type 1, qui est sorti de nulle part à 36 ans, les migraines chroniques, la fibromyalgie, l’infection transmise sexuellement, des problèmes de plancher pelvien et de reproduction, la dysfonction sexuelle, des douleurs dans le bas du dos, l’arthrite au niveau du cou, la sensibilité extrême aux sons et à la lumière, l’apnée du sommeil et l’acouphène. Ce ne sont là que les répercussions physiques, toutes directement liées au fait que je suis en état d’hypervigilance depuis 12 ans. »

ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, 1605–1610, Mme Christine Wood (porte-parole des vétérans, à titre personnel).

Services de garde

La conciliation entre le service militaire et la vie familiale constitue un enjeu dont les représentant.e.s des FAC ont affirmé qu’il était prioritaire et qu’il est celui qui pourrait avoir les plus grandes répercussions sur la rétention des femmes militaires. Il est toutefois difficile d’identifier clairement les mesures mises en œuvre pour répondre aux nombreux défis qui demeurent lorsque des militaires sont déployées. Par exemple, selon la colonelle Noonan, « même les femmes qui occupent des postes déployables sont mieux en mesure de concilier cela avec leurs responsabilités familiales qu’il y a 20 ans. Nous prenons certaines mesures pour assurer cet équilibre, peu importe le poste[127]. »

Toutefois, les mesures que décrit ensuite la colonelle Noonan sont justement celles qui évitent aux militaires d’être déployées :

Disons qu’elles veulent, pour consacrer plus de temps à leur famille, un poste qui se déploie peut-être moins souvent que celui qu’elles occupent actuellement. Nous avons un programme de réaffectation. Elles peuvent présenter une demande dans le cadre de ce programme pour occuper volontairement un autre emploi qui est peut-être plus stable et moins déployable.
Bien sûr, nous essayons d’encourager les femmes à s’enrôler dans les armes de combat et dans d’autres professions opérationnelles, de façon à ce que l’équilibre travail-vie personnelle soit bien respecté et qu’il soit pris en compte, même dans ces professions. Il y a moyen de le faire et, si elles sont mariées à un militaire, d’équilibrer les deux carrières également[128].

Les représentations traditionnelles de la vie militaire masculine se modifient également et ajoutent de nouvelles exigences sur la conciliation entre le travail et la vie familiale. Les hommes qui ont une famille s’attendent à y participer plus activement qu’auparavant. Cela implique que le soutien offert aux membres de la famille des militaires en déploiement, de plus en plus, touchera tout autant les hommes que les femmes.

Selon la lieutenante-générale Lise Bourgon, « à peu près 45 % des familles militaires ont de la difficulté à trouver des services de garde pour leurs enfants. C’est un très grand défi[129]. » L’accessibilité des services de garde adaptés aux besoins des femmes militaires constitue donc l’un des principaux défis touchant leur intégration aux FAC :

[L]orsque nous nous déplaçons d’une province à l’autre, nous nous retrouvons sur une liste d’attente. Cependant, nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre deux ans pour obtenir une place, car deux ans plus tard, on nous envoie ailleurs.
[…]
Ce n’est pas une question de coût. […] C’est plutôt l’accessibilité à des services de garde d’enfants et surtout à des services de garde d’enfants qui répondent à nos besoins. En effet, nous ne travaillons pas de 7 heures à 16 heures. Nous travaillons plutôt 24 heures sur 24, sept jours sur sept, les fins de semaine et sur appel, et il est donc très important d’avoir un accès sûr à des services de garde d’enfants[130].

Le mémoire déposé par Telah Morrison confirme ces besoins :

La question des services de garde d’enfants est de loin la plus grande source d’insatisfaction pour les femmes des FAC qui sont aussi mères. Au début de la pandémie de COVID-19, les garderies ont fermé d’un bout à l’autre du pays, ce qui a eu des conséquences sur les opérations des FAC. Des commandants de base m’ont appelée pour me demander comment faire rouvrir les garderies gérées par la province, car certains de leurs membres ne pouvaient pas être déployés dans les opérations nationales de soutien à la réponse à la pandémie en raison de leurs besoins en matière de garde d’enfants[131].

L’organisation des services de garde pour les militaires varie d’une province ou d’un territoire à l’autre. Les services peuvent être offerts soit dans des installations militaires à la base ou à l’escadre, soit hors de la base dans des installations civiles comme les locaux des centres de ressources pour les familles des militaires, ou des installations privées ou publiques civiles avec lesquelles la base ou l’escadre a signé une entente. Outre les enjeux liés à la disponibilité des places, qui touchent l’ensemble de la population canadienne, tous ces arrangements sont régis par les règlements provinciaux et territoriaux qui peuvent parfois mal s’adapter aux réalités de la vie militaire. L’un des enjeux souvent évoqués touche les heures d’ouverture et la souplesse des heures d’arrivée et de départ des enfants. Par exemple, le Centre de la petite enfance Alouette est situé dans les installations de l’escadre de Bagotville, au Québec. Il peut accueillir 80 enfants d’âge préscolaire et lorsqu’une place se libère sur la liste d’attente, la priorité est donnée à un :

  • Enfant d’un membre du personnel du CPE Alouette ;
  • Enfant dont le statut de fréquentation est à temps partiel ;
  • Frère ou sœur d’un enfant fréquentant l’organisation (fratrie) ;
  • Enfant d’un parent militaire nécessitant des « besoins particuliers »
  • Enfant de tout militaire « rattaché à la BFC Bagotville » ;
  • Enfant d’un parent « réserviste à temps complet » ;
  • Enfant d’un parent civil « travaillant à la BFC Bagotville » dont le statut est permanent.

La politique sur les heures d’arrivée est assez restrictive et le centre ferme à 18 h. Autrement dit, on calque l’organisation des services qui convient normalement à la grande majorité des civils. Le Centre de ressources pour les familles des militaires de la Base de Borden, comme autre exemple, offre des services de garde entre 7 h et 17 h.

Si les FAC étaient en mesure de définir plus précisément les éléments de l’organisation de ces services qui seraient adaptés aux besoins du personnel militaire, cela établirait un modèle général à partir duquel il serait plus facile de négocier des ententes avec les organisations provinciales et territoriales appropriées.

L’incertitude liée à l’accès aux services de garde d’enfants lorsque les militaires sont déployées dans un nouvel endroit peut avoir des répercussions importantes. Elle peut contribuer au fait que les femmes demeurent moins longtemps dans les FAC, que leurs possibilités d’avancement seraient plus restreintes et que les compétences qu’elles ont acquises durant leur service seraient moins attrayantes pour les employeurs lorsqu’elles seront devenues des vétéranes, et qu’elles auraient donc des besoins plus importants en réorientation professionnelle.

Le Comité recommande donc :

Recommandation 24

Que les Forces armées canadiennes, en partenariat avec les autorités provinciales et territoriales compétentes et dans le respect de leurs juridictions, offrent des services de garde souples et adaptés aux besoins des militaires.

Cet enjeu touche de manière plus générale celui du déménagement fréquent des familles et les difficultés professionnelles que cela peut entraîner pour les conjoints. L’initiative Canada sans faille a été conçue pour répondre à ces besoins. La seule mesure décrite sur la page web de ce programme est que : « Plusieurs réunions du Comité directeur du Canada sans faille (CDSC) ont eu lieu depuis juin 2018. »

La générale Bourgon, en décrivant les mesures facilitant l’emploi des conjoints, a repris cette affirmation : « Nous le faisons avec l’initiative Canada sans faille, dont le comité directeur tient des discussions avec les provinces et les territoires pour voir comment faciliter l’emploi après une mutation. […] Nous travaillons très fort sur cette question avec les provinces et les territoires. Nous faisons des progrès, tranquillement[132]. »

« En 2011, après avoir intégré la Force de réserve dans ma province natale, j’ai été agressée. J’ai été entièrement prise au dépourvu. C’était si soudain. Cet incident m’a amené à tout remettre en cause au sujet de l’armée et du personnel en uniforme. On entend toujours dire que si une femme a été agressée, c’est en raison de la façon dont elle était habillée. J’étais pourtant en uniforme lorsque cela s’est produit et je me rendais au souper de Noël des soldats, une de mes activités favorites. Cette soirée a été gâchée pour moi.

Cet incident me hantera toujours, mais comme un grand nombre de femmes qui participent au recours collectif, je ne laisserai pas cette expérience me définir. Aucun système ou organisme n’est parfait, et il reste beaucoup de travail à faire. […]

Au cours des dernières années, j’ai constaté de grandes améliorations. Je veux continuer de faire partie de la solution afin que d’autres femmes militaires et vétérans puissent avoir des expériences favorables et se remémorer leur carrière militaire avec fierté. »

ACVA, Témoignages, 24 avril 2023, 1610, Mme Cora Saunders (spécialiste en sensibilisation, Femmes et LGBTQ2+, Du régiment aux bâtiments).

Réintégration familiale durant la transition

L’un des problèmes les plus fréquents durant la transition est la difficulté d’adaptation qu’entraîne la réintégration de l’unité familiale. Comme l’a expliqué Alisha Henson, psychologue clinicienne :

Comme le temps consacré au service militaire l’a souvent été au détriment de la vie familiale, la difficulté réside parfois dans la réintégration dans cette unité familiale. Pendant longtemps, les familles à la maison ont fait les choses d’une certaine manière, en évoluant à gauche et à droite jusqu’au moment où cet individu réintègre le foyer pour les soutenir et être présent, mais en bout de course, après des années de service, comment fait-on pour réintégrer pleinement la vie familiale, pour redevenir un membre à part entière de la famille[133] ?

Pour faire face à ce défi, un accompagnement psychothérapeutique serait certes bienvenu, mais il ne sera pas couvert par ACC si la vétérane ne participe pas à un programme de réadaptation. Comme l’a dit la professeure von Hlatky :

Dans les Forces, on est très accompagné pour ce qui est de l’accès aux services, qu’il s’agisse de services de relocalisation ou de soins de santé. Quand on arrive dans le monde civil, on doit s’adapter à un tout nouvel environnement et on se sent désorienté. […] Le manque d’accompagnement à cet égard est particulièrement malheureux[134].

Le Service d’aide d’ACC en santé mentale offre du soutien psychologique aux vétéran.e.s et aux membres de la famille, mais il vise surtout des besoins ponctuels qui nécessitent une intervention à court terme. Il est donc difficile de définir les services qui contribueraient à atténuer cet aspect de la transition autrement qu’en essayant de préparer à ce risque les militaires en voie d’être libérées.

Dans son rapport de 2021 sur les aidants, le Comité avait recommandé que les conjoint.e.s des vétéran.e.s puissent bénéficier d’une couverture d’assurance pour soins de santé mentale équivalente à celle dont bénéficient les retraité.e.s de la fonction publique. Pour les vétéranes dont les besoins ne nécessitent pas un plan de réadaptation, cette couverture pourrait être offerte durant les premières années de la transition, et leur permettrait de choisir les services qui leur conviennent le mieux.

Recommandation 25

Que le gouvernement du Canada paie les primes du régime de soins de santé de la fonction publique durant les premières années de la transition des vétéran.e.s à la vie civile, lorsqu’il.elle.s ne participent pas à un programme de réadaptation d’Anciens Combattants Canada.

« Je me suis enrôlée dans les Forces armées canadiennes en 1986. J’étais très honorée et fière de servir. Je voulais devenir policière militaire, et c’est ce que j’ai fait, […] mais un jour, j’ai été affectée à l’Unité des enquêtes spéciales […]. Cette unité était chargée de mener les enquêtes criminelles les plus graves, y compris le sabotage, la subversion, l’espionnage et les allégations d’homosexualité.

[…] [Mon chef] m’a dit que nous allions participer à une enquête à Ottawa en partant de la Base des Forces canadiennes de Toronto. Je l’ai suivi dans une voiture banalisée, un modèle K. J’étais habillée en civil. En arrivant près de l’aéroport, il s’est arrêté dans un hôtel, et j’ai été interrogée là sur mon orientation sexuelle pendant les deux jours qui ont suivi. […]

Plus tard, la police m’a emmenée en avion à Ottawa pour me faire passer un polygraphe sur mon orientation sexuelle. Alors que j’étais assise, attachée à la chaise du polygraphe, j’ai admis que j’étais tombée amoureuse d’une femme. […]

J’ai également été forcée de faire ma sortie du placard auprès de ma famille. […] Sur mon dossier de licenciement, il est mentionné “ne peut être employée avantageusement en raison de son homosexualité”. J’ai poursuivi l’armée pour ce traitement et, en 1992, c’est mon action en justice qui a officiellement mis fin à la politique de discrimination à l’encontre des personnes 2SLGBTQI qui servaient leur pays dans les Forces armées canadiennes.

[…] En 2018, un recours collectif a abouti à un règlement pour plus de 700 personnes qu’il a été possible de retracer et qui ont pu obtenir un peu de justice. Une justice différée est quand même parfois une justice. »

ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, 1550, Mme Michelle Douglas (directrice exécutive, Fonds Purge LGBT).

Itinérance

Debbie Lowther est présidente-directrice générale et cofondatrice de Veterans Emergency Transition Services, un organisme qui vient en aide aux vétéran.e.s itinérant.e.s ou à risque de le devenir. Selon elle, il y a proportionnellement plus de femmes que d’hommes qui recourent à ses services :

Ces femmes font face à beaucoup d’autres défis que ceux des anciens combattants. Un grand nombre d’entre elles fuient la violence conjugale. La plupart d’entre elles ont des enfants. Elles ont plus tendance à venir nous voir afin de ne pas rester dans les refuges et mal dormir, parce qu’elles ont des enfants. Elles sont plus susceptibles de demander de l’aide[135].

Ces affirmations ont été reprises par une analyse récente qui utilise les conclusions du rapport d’ACVA sur l’itinérance, déposé en 2019 et adopté par la Chambre en février 2022. Selon ces analyses, les vétéranes compteraient pour environ 30 % de la population des vétéran.e.s itinérants, soit deux fois plus que leur proportion de la population totale des vétéran.e.s[136]. Ces chiffres sont toutefois une estimation peu fiable d’une situation dont nous ne savons à peu près rien. La crise du logement qui prévaut actuellement risque de faire augmenter les besoins. Selon Mme Lowther, cette situation commence même à affecter des militaires en service qui, faute de logement, vivaient dans leur voiture[137].

De plus, « presque toutes les anciennes combattantes avec lesquelles nous avons travaillé nous ont révélé qu’elles ont subi des traumatismes sexuels et du harcèlement sexuel dans l’armée[138] ». Les capacités d’intervention d’ACC en ces circonstances semblent limitées. Jennifer Smith, une vétérane qui a connu les épreuves de l’itinérance, s’est fait dire par un gestionnaire du ministère « qu’ACC n’avait pas de mandat en matière de logement et qu’on n’avait qu’à regarder Kijiji[139] ».

Bien qu’elle salue les intentions ayant mené, par exemple, à la création de la Maison du vétéran, de telles initiatives semblent mal adaptées à l’expérience des vétéranes qui ont vécu des traumatismes sexuels :

C’est un mode de vie communautaire. Si vous regardez les photos en ligne, vous pouvez voir à quoi ressemble ce système de logement. Il reproduit presque fidèlement l’environnement dans lequel de nombreuses femmes militaires ont été agressées sexuellement. Juste du point de vue de la sécurité, pensez à la buanderie du sous-sol et à tous les endroits où le danger existe et se cache[140].

De tels projets illustrent une fois de plus l’invisibilité des femmes lorsqu’il est question des vétérans de manière générale. Le Comité recommande donc :

Recommandation 26

Que le gouvernement du Canada contribue financièrement à la construction de logements communautaires réservés aux vétéranes.

Recommandation 27

Qu’Anciens Combattants Canada veille à ce que les vétéran.e.s sans abri ou dont le logement est précaire ne soient pas privé.e.s d’accès aux programmes et services d’Anciens Combattants Canada simplement parce qu’ils n’ont pas d’adresse fixe.

Recommandation 28

Qu’Anciens Combattants Canada fasse plus pour trouver et contacter les vétéran.e.s sans abri et leur offrir les avantages et services appropriés, et les mettre en contact avec des services de logement d’urgence ou à long terme.

« Dois‑je parler de mes premières années — je me suis engagée à 17 ans — durant lesquelles j’ai été agressée et harcelée, et du point culminant atteint lorsque l’un de mes instructeurs, qui a fini par accéder au grade de colonel, m’a ordonné de lui faire une fellation ? Dois‑je parler de la façon dont les hommes ont brisé les luminaires de la chambre d’hôtel où nous avions organisé une fête pour célébrer notre formation afin que nous ne sachions pas qui nous touchait et que nous soyons prisonnières dans le noir, ou du fait qu’à ma première nuit dans mon unité, hésitante et inquiète, on m’a mise à l’écart pour me remettre une lettre d’amour que m’avait écrite l’officier responsable du cours, ou de la façon dont j’ai essayé de tout oublier parce que l’armée pouvait assurer mon avenir financier, et ce, même après avoir reçu mon premier diagnostic de trouble de stress post-traumatique, après avoir commencé à prendre des médicaments pour m’aider à dormir et après avoir été violée par mon petit ami de l’époque, un membre de rang supérieur de l’unité ? »

ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, 1540, Mme Donna Riguidel (majore (à la retraite), à titre personnel).

Les vétéranes vivant seules

Comme le Comité l’avait fait remarquer dans un rapport de juin 2021 portant sur les services offerts aux aidants et aux membres de la famille :

Avant les années 1960, on s’attendait naturellement à ce que les vétérans blessés, presque exclusivement des hommes, soient pris en charge par leur épouse s’ils étaient mariés, ou par d’autres membres de la famille s’ils ne l’étaient pas. On avait donc ajouté à la Loi sur les pensions toutes sortes de bonifications et d’allocations particulières afin de reconnaître et d’indemniser ces responsabilités supplémentaires qui retombaient sur les membres de la famille. Ces avantages sont disparus avec l’adoption de la Nouvelle Charte des Anciens combattants, mais on a continué à présumer que si le vétéran avait besoin d’une attention continue à la maison, la conjointe s’en chargerait tout naturellement[141].

Ainsi, sous le régime de la Loi sur les pensions, un vétéran célibataire recevait moins qu’un vétéran marié puisqu’on présumait que le vétéran était également le soutien de famille. Si le vétéran était gravement handicapé, on accordait au vétéran une allocation pour soins reconnaissant le fardeau supplémentaire que pouvait représenter une telle responsabilité pour sa conjointe. Autrement dit, le soutien offert au domicile par la conjointe ou d’autres membres de la famille était implicite et pris pour acquis[142].

Le nombre de vétérans vivant seuls étant faible, on considérait que cette solitude les libérait d’une charge financière. On ne voyait pas que, d’autre part, cette solitude les privait d’un soutien crucial. Or, Jennifer Smith, lors de son témoignage, a mis en lumière les difficultés que pouvaient vivre les vétéran.e.s qui vivent seul.e.s :

J’ai parlé à plusieurs personnes qui occupent des postes administratifs à ACC, et elles m’ont dit que la présomption est que l’ancien combattant bénéficie d’un soutien informel. Tout financement, comme les services offerts dans le cadre du PAAC, par exemple, n’est qu’un complément. Il ne s’agit pas vraiment de payer les services dont l’ancien combattant a besoin. C’est comme si on disait : « Eh bien, si vous avez besoin d’un petit complément à ce que votre conjoint vous apporte », ou « Si vos enfants peuvent déneiger l’allée cet hiver, nous pouvons vous donner un peu plus pour compléter cela. »
Si vous ne bénéficiez pas de ces soutiens informels, comme je l’ai fait valoir à maintes reprises à Anciens Combattants Canada, de façon claire et nette, en disant que je dépendais à 100 % de services externes payants… malgré cela, je n’obtiens toujours pas les services dont j’ai besoin.
Je ne fais que marquer le pas en attendant la mort, essentiellement. Cela peut sembler dramatique, mais c’est vrai. C’est la vérité[143].

Il semblerait également que la proportion de vétéranes vivant seules soit plus élevée que celle des hommes vétérans vivant seuls[144]. Beaucoup d’entre elles ne s’identifient pas comme vétéranes. Selon Dawn McIlmoyle, une ancienne matelot de 3e classe devenue infirmière, même si elles n’ont pas intégré cette identité de vétéranes, les blessures subies en service n’en finissent pas moins par remonter tôt ou tard :

[B]eaucoup de femmes ne veulent pas dire qu’elles sont des vétéranes pour éviter d’avoir à avouer que la raison de leur retraite est une agression sexuelle. […]
Elles ne veulent même pas avoir affaire au ministère des Anciens Combattants parce qu’elles ne veulent pas rouvrir d’anciennes blessures. Beaucoup de femmes arrivent à fonctionner pendant qu’elles élèvent leurs enfants, si elles en ont. Toutefois, dès qu’ils partent et qu’elles se retrouvent seules et qu’elles n’ont pas d’enfants à s’occuper, leurs problèmes remontent à la surface. Certaines s’aperçoivent qu’elles ne vont pas bien seulement à 45 ou 50 ans[145].

Le Comité souhaite donc que le ministère se penche sérieusement sur cette réalité qui toucherait les vétéranes plus durement que les hommes vétérans et recommande donc :

Recommandation 29

Qu’Anciens Combattants Canada veille à ce que les vétéranes qui vivent seules ne soient pas désavantagées lorsqu’elles demandent des prestations et des services.

« En 2018, j’étais à bout de nerfs et j’ai appelé Anciens Combattants Canada afin de demander si je pouvais obtenir une aide appropriée pour mes blessures physiques et les dommages mentaux causés par mon passage dans l’armée.

Les traitements physiques que j’ai reçus ont commencé par une rééducation visant à tenter de ramener mon corps à un état normal pour mon âge. Il y a cependant des blessures physiques à long terme qu’aucune rééducation ne peut réparer. Depuis, Anciens Combattants Canada m’a envoyé voir un médecin pour qu’il m’aide à soigner mes blessures au dos et à gérer la douleur. Présentement, tous ces traitements sont suspendus, car je lutte contre le cancer.

Après avoir quitté l’armée, j’ai passé de nombreuses années à souffrir d’anxiété et de dépression et à être incapable de me détendre. Même aujourd’hui, j’ai l’impression que je devrais être en alerte pour quelque chose qui devrait se produire, mais qui ne se produit jamais. Je suis nerveuse et j’ai l’impression qu’il y a un vide dans ma vie. Or, parallèlement à cela, j’ai aussi l’impression qu’on ne me prendra pas au sérieux. J’ai toujours l’impression d’être en train de lutter et d’être plongée dans de mauvais souvenirs qui ne s’estompent pas. Anciens Combattants Canada m’a mis en contact avec un professionnel de la santé mentale qui m’a diagnostiqué un trouble de stress post-traumatique. Mon traitement comprend des médicaments, une thérapie et des groupes de soutien par les pairs. Les groupes de soutien par les pairs m’ont été particulièrement utiles.

Pour ce qui est de mes perspectives à long terme, disons qu’à mon âge, je devrais encore travailler, sauf que mes blessures physiques et mentales m’en empêchent. Le ministère des Anciens Combattants a fini par reconnaître cet état de fait et il me donne du soutien. »

ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, 1555, Mme Nicole Langlois (vétérane, à titre personnel).

Politiques d’ACC sur les vétéranes

Raconter son histoire encore et encore… puis encore

Depuis de nombreuses années, les vétéran.e.s se plaignent de devoir relater à de nombreuses reprises chaque détail des événements ayant causé l’invalidité pour laquelle ils.elles demandent une indemnisation. Cette exigence paraît superflue pour tout type de blessure, peu importe les circonstances, et on conçoit aisément que ces témoignages devraient être compilés et retransmis lorsque des révisions ou de nouvelles demandes s’avèrent nécessaires.

Dans les études précédentes du Comité, cette frustration s’exprimait surtout chez les vétéran.e.s qui devaient décrire les circonstances pénibles des événements traumatisants survenus lors de déploiements, et ayant mené à un problème de santé mentale. Pour les vétéranes — et chez les hommes vétérans dans une plus faible proportion — ayant subi des agressions sexuelles, cette exigence de répéter son histoire est tout aussi pénible, mais elle s’accompagne d’une souffrance distincte due à la nature du traumatisme. En effet, les vétéran.e.s qui ont vécu des expériences traumatisantes en déploiement peuvent parfois préserver la dimension plus honorable de leur blessure psychologique puisqu’elle s’est produite dans l’accomplissement de leur devoir. Les survivantes de traumatismes sexuels, elles, doivent raconter la trahison dont elles ont été victimes de la part d’un frère d’armes ou d’une figure d’autorité. Le chemin menant à la rédemption d’une telle épreuve n’est pas une route qu’on emprunte à la légère. Et pourtant on force les survivantes à y retourner à chaque fois que l’exigent les instructions d’un nouveau formulaire.

Le témoignage de Jennifer Smith est à cet égard troublant par le simple fait que les membres du Comité en ont fréquemment entendu des semblables:

J’ai eu plusieurs gestionnaires de cas, cinq gestionnaires de cas différents, en Ontario. Cela peut prendre des mois. Il a même fallu six mois pour partir du bureau de Toronto pour Ottawa. Je n’avais pas de gestionnaire de cas. Donc pas de médicaments. Il n’y avait pas de continuité des soins. Il fallait trouver un autre médecin. Les gestionnaires de cas reçoivent des rapports, mais ils veulent tout recommencer. Ils disent : « Racontez-moi encore ce qui s’est passé », même s’ils ont déjà tous les rapports et toute l’information. C’est également inscrit dans vos demandes de règlement. Ces renseignements sont là. Il faut être un peu paresseux pour continuer à compter sur l’ancien combattant et ressasser toutes ces choses traumatisantes au lieu de faire ses devoirs. L’information est là. Ils l’ont. S’ils ont d’autres questions ou s’ils estiment qu’on n’a peut-être pas répondu suffisamment à l’une de leurs questions, je leur recommanderais de demander à l’ancien combattant de fournir des précisions[146].

Ces affirmations semblent parfaitement raisonnables, au point d’en paraître banales. Et pourtant, malgré les frustrations réitérées année après année, on continue d’exiger des vétéranes qu’elles répètent tous les détails des circonstances ayant conduit à leur traumatisme. Le Comité recommande donc :

Recommandation 30

Qu’Anciens Combattants Canada évite de retraumatiser les vétéran.e.s et les exempte de devoir raconter plus d’une fois les circonstances des événements traumatisants ayant mené aux conditions médicales pour lesquelles une demande d’indemnisation a été déposée, lorsque ces informations ont déjà été compilées par une personne agissant en vertu de l’autorité d’une institution fédérale et transmises avec le consentement des vétéran.e.s.

Recommandation 31

Qu’Anciens Combattants Canada reconnaisse que ses procédures opérationnelles retraumatisent souvent les vétéran.e.s, et établisse des sessions de formation en personne et approfondies sur les pratiques informées par le traumatisme pour tout son personnel.

« Je crois que j’étais une bonne soldate et que je me suis acquittée de mes tâches avec diligence. Je suis sûre que le manque de respect et de soutien de la part des deux régiments en raison de mon sexe et de mon statut de parent a contribué à aggraver le syndrome de stress post-traumatique dont je souffrais et dont je souffre encore.

J’étais une mère célibataire dans l’armée, ce qui était très difficile. Devenir mère a joué un rôle énorme dans ma vie, et j’ai eu l’impression que je devais choisir entre l’armée et la maternité. En fin de compte, j’ai décidé qu’il était plus important d’être mère. Quand je repense à cette décision, il est évident que certains de mes supérieurs m’ont fait croire que je devais choisir entre le service et la maternité. »

ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, 1550, Mme Nicole Langlois (vétérane, à titre personnel).

Analyse comparative entre les sexes plus

Dans le cadre de cette étude, un débat a fréquemment été soulevé au sujet de la publication par ACC de ses rapports touchant l’ACS Plus, c’est-à-dire l’Analyse Comparative entre les Sexes Plus. Selon le site web de Femmes et Égalité des genres Canada, « l’ACS Plus fournit un cadre permettant de contextualiser l’ensemble des attributs personnels comme le sexe, le genre, la race, l’ethnicité, la religion, l’âge et les handicaps de nature physique ou mentale et fait en sorte que ces facteurs ne limitent pas la réussite et l’inclusion ».

Ce mode de contextualisation identitaire a été intégré progressivement à toutes les étapes du processus d’élaboration des politiques publiques du gouvernement du Canada à partir de 1995. Chaque institution fédérale est responsable de l’élaboration, de la mise en œuvre et du suivi des résultats de sa propre stratégie ACS Plus.

Depuis quelques années, plusieurs intervenant.e.s, dont l’ombud des vétérans, ont demandé à ACC de publier ses analyses ACS Plus. Selon Mme Jardine :

Si elles sont effectuées correctement, les ACS Plus permettront à ACC de mieux comprendre en quoi ses politiques peuvent avoir des effets différentiels non seulement sur les vétéranes, mais aussi sur tous les groupes méritant l’équité qui souhaiteraient accéder aux avantages et aux programmes que le Parlement a créés pour tous les vétérans au Canada[147].

Une section dédiée à ce suivi a été ajoutée aux Rapports sur les résultats ministériels que les institutions fédérales déposent à la fin de chaque exercice financier. ACC a intégré ces analyses aux Tableaux de renseignements supplémentaires qui sont annexés à ses rapports ministériels depuis l’exercice financier 2018–2019.

Les tableaux de renseignements annexés au rapport ministériel 2022–2023 contiennent une grande quantité d’informations sur la stratégie ACS Plus mise en œuvre par le ministère depuis 2020 ainsi qu’une analyse statistique de chacun des principaux programmes qu’administre ACC. Ces tableaux sont certes bienvenus et manifestent une volonté de transparence quant aux statistiques dont dispose ACC pour élaborer et analyser ses programmes.

Comme l’indique à propos le rapport ministériel, « ACC poursuit son travail vers l’ACS Plus en développant et en améliorant la collecte de données, l’analyse et l’évaluation des répercussions des programmes sur le genre et la diversité ». Lorsqu’on compare cet énoncé d’objectifs avec la réalité des analyses publiées, les limites apparaissent toutefois rapidement. En effet, les tableaux publiés se limitent à une comparaison statistique de la participation des hommes et des femmes à chacun des programmes administrés par ACC. Ils sont très loin de « l’analyse et l’évaluation des répercussions des programmes sur le genre et la diversité ». L’un des objectifs essentiels de l’ACS Plus est d’anticiper l’impact des politiques et des programmes sur les personnes appartenant aux catégories identitaires sélectionnées. Cela passe par exemple par une projection des effets pervers non intentionnels de certaines décisions. Or, les analyses du ministère se restreignent à la compilation du sexe des personnes inscrites à chacun des programmes. La notion de genre ne semble même pas avoir été intégrée et les dimensions d’intersectionnalité entre les catégories identitaires ne sont pas abordées.

Cela ne signifie cependant pas qu’ACC n’effectue pas de telles analyses. Selon Mme Jardine :

Nous pensons qu’ils font des ACS+, mais nous ignorons si elles sont bien faites. Si elles étaient publiées, nous pourrions les examiner. Ce serait transparent, et les anciennes combattantes pourraient les consulter. Je pense que cela contribuerait grandement à donner aux femmes plus d’assurance que le ministère cherche à satisfaire à leurs besoins. C’est aussi une question de perception. Voilà pourquoi nous insistons sur la publication de ces analyses[148].

Selon la professeure Eichler :

[T]out ce que nous pouvons faire pour que les ministères diffusent ces analyses de manière transparente permettrait à des voix et à une expertise externes de les évaluer et de contribuer à les améliorer. Ces analyses ne sont pas faciles à réaliser, et je pense que tout le monde le sait. […]
Anciens Combattants a une stratégie ACS+, mais je n’ai pas vu beaucoup d’analyses qui ont été diffusées, alors je vous encourage vraiment à les demander[149].

Les remarques formulées à ce sujet par les témoins du ministère ont été évasives et ne permettent pas d’avoir une idée claire des intentions d’ACC sur cette question. C’est le Bureau des femmes et des vétérans LGBTQ2, créé en 2019, qui est responsable de l’ACS Plus au sein du ministère[150]. Selon la Dre Courchesne, « nous disposons désormais d’une stratégie ACS Plus qui identifie les principaux domaines d’action, et d’une politique ACS Plus qui définit clairement les rôles et responsabilités au sein du Ministère[151] ». Selon M. Harris :

Pour veiller à ce que la modernisation soit guidée par la recherche sur le sexe et le genre, nous avons élaboré une méthodologie d’ACS Plus adaptée pour orienter notre travail. Nous avons eu recours aux documents de Femmes et Égalité des genres Canada, à la Stratégie d’ACS Plus d’ACC, à l’ébauche de la politique d’ACS Plus, à des guides étape par étape et à des consultations avec le Bureau de la condition féminine et des vétérans LGBTQ2.
L’application de notre approche d’ACS Plus fera en sorte que nos clients se verront reflétés dans nos outils parce que nous avons tenu compte de la diversité des expériences liées à la santé des militaires et des policiers canadiens[152].

Le langage utilisé par le ministère peut également provoquer des frustrations inutiles en créant des attentes irréalistes. Les représentant.e.s d’ACC ont tellement vanté les procédures du ministère qu’on pourrait croire qu’elles tendent maintenant vers la perfection. Par exemple, selon M. Svenson :

ACC applique les pratiques exemplaires émergentes afin de répondre aux besoins cernés grâce à la recherche et aux données probantes. Par exemple, ACC a créé une équipe affectée au traitement des demandes de prestations d’invalidité présentées par des femmes. Le ministère travaille à la modernisation du tableau des invalidités, en adoptant comme principe de base l’équité entre les sexes dans la prise de décision. Cela comprend la mise à jour des Lignes directrices sur l’admissibilité au droit à pension afin de tenir compte d’autres conditions sexospécifiques. Le ministère a encouragé l’adoption d’une approche tenant compte des traumatismes dans l’ensemble de ses services de première ligne et du traitement des demandes. ACC a adopté les principes sur l’équité en matière de sexe et de genre en recherche, ou SAGER, pour veiller à la prise en compte des impacts selon le sexe et le genre à chaque étape de la recherche, de la conception des études au recrutement des participants, à l’analyse des données et à la mobilisation des connaissances[153].

On peut certes saluer les efforts mis en œuvre à ACC, mais plus de modestie dans la description des résultats réels obtenus contribuerait peut-être à faire rétrécir le décalage qui existe entre le discours du ministère et la réalité que perçoivent les vétéranes.

Le ministère doit en faire plus pour démontrer sa volonté d’analyser les répercussions que ses politiques et programmes peuvent avoir sur les femmes et les autres personnes faisant partie des groupes identitaires de l’ACS Plus. Le Comité recommande donc :

Recommandation 32

Qu’Anciens Combattants Canada publie les analyses comparatives entre les sexes (ACS +) de ses programmes d’une manière qui évalue réellement les répercussions de ces programmes sur le genre et la diversité, ainsi que les changements aux programmes qu’ont entraînés ces analyses.

Certains enjeux qui ont été soulevés dans le cadre de cette étude affectent tous les vétéran.e.s. Ils ont été abordés à de nombreuses reprises dans les rapports précédents du Comité et nous ne ferons ici que les mentionner puisqu’ils ne touchent pas spécifiquement les vétéranes. Plusieurs témoins ont souligné les progrès réalisés par le Ministère au fil des ans en ce qui touche par exemple les programmes d’éducation, les prestations versées aux conjoint.e.s lorsque les vétéran.e.s ne peuvent pas les obtenir, et le dévouement des gestionnaires de cas[154]. Les autres récriminations formulées par les femmes à l’endroit du Ministère sont essentiellement les mêmes que celles formulées par l’ensemble des vétéran.e.s depuis de nombreuses années. Selon l’Ombud des vétérans, « elles portent premièrement sur le temps d’attente lié aux prestations d’invalidité et, ensuite, sur les avantages médicaux et d’autres programmes. On ne peut pas pointer les femmes du doigt et dire que cela vient seulement d’elles[155]. » Les autres plaintes formulées à l’endroit du ministère dans le cadre de cette étude concernent :

  • l’impossibilité, maintes fois dénoncée, de communiquer avec qui que ce soit au Ministère sans passer par le numéro 1-800[156] ;
  • le fardeau des preuves documentaires à fournir pour qu’une demande d’indemnisation soit jugée recevable ou complète, alors que de tels documents ont déjà été fournis à plusieurs reprises[157] ou qu’ils sont introuvables[158] ;
  • le manque de soutien de la part des FAC dans la préparation des demandes auprès d’ACC lors de la transition[159] ;
  • la sous-représentation des vétéran.e.s au sein des employé.e.s d’ACC ;
  • la perception générale que le Ministère n’est pas au service des vétéran.e.s[160] ;

Sur ces thèmes généraux, le Comité recommande :

Recommandation 33

Qu’Anciens Combattants Canada reconnaisse plus clairement les sacrifices que doivent faire les familles des militaires et assouplisse en conséquence les critères d’admissibilité aux avantages et services pour les membres de la famille immédiate des vétéran.e.s.

Recommandation 34

Que le gouvernement du Canada s’engage à embaucher davantage de vétéran.e.s dans la fonction publique, qu’Anciens Combattants Canada donne l’exemple à cet égard et qu’une analyse comparative entre les sexes + soit effectuée sur l’embauche de vétéran.e.s.

Recommandation 35

Qu’Anciens Combattants identifie les obstacles que rencontrent les vétéran.e.s, en particulier les vétéranes, pour accéder aux avantages et services ; et communique proactivement avec les vétéran.e.s lorsqu’ils commencent leur transition hors des Forces armées canadiennes concernant tous les avantages et services disponibles, peu importe la durée de leur service.

« Ma carrière militaire de 17 ans fut parsemée d’événements assez traumatisants, et ceux-ci ont toujours un effet dans mon quotidien. […].

Aujourd’hui, en 2023, 43 ans plus tard, je revis l’agression sexuelle dont j’ai été victime lors de mon entraînement de base, à Saint‑Jean. Cette agression n’a pas été commise par un collègue de peloton, mais par un haut gradé, qui savait très bien que je ne parlerais pas, par crainte d’être renvoyée des Forces armées canadiennes. À cette époque, j’étais âgée de 17 ans. J’ai dû faire face aux démons du silence et accepter de n’être qu’un visage pour ce prédateur. J’ai pu trouver la force et le courage de ne pas abandonner mon rêve de devenir technicienne en cellule d’avion et d’accéder à cette belle carrière.

Malheureusement, depuis novembre 2017, je me retrouve dans le tourbillon du recours collectif pour inconduite sexuelle au ministère de la Défense nationale. J’essaie aussi de faire reconnaître cet événement dans mon dossier d’Anciens Combattants Canada, qui est toujours en processus d’appel au TACRA, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

Depuis qu’on parle de mon dossier dans les médias, mon trouble de stress post-traumatique s’est aggravé sérieusement.

Le 24 mai 1986, j’ai fait face à la mort du capitaine Tristan De Koninck, lorsque celui-ci s’est écrasé, avec son F— 18, sur la base de Summerside, à l’Île-du-Prince‑Édouard. Faisant partie de l’équipe de la Défense de la base, mon devoir était de récupérer le pilote et les pièces de l’aéronef. Dois-je mentionner qu’il n’est pas normal pour quiconque de récupérer des restes humains ? J’étais jeune et je me disais que cela faisait partie de mon travail. Nous n’avons eu aucun soutien psychologique ni aucun suivi médical.

Le 14 novembre 1988, à Bagotville, au Québec, j’ai moi-même eu peur pour ma vie. En effet, j’ai soudainement été projetée à 75 pieds dans les airs quand un pilote de T— 33, en préparation pour la piste, a fait une fausse manœuvre ; j’ai reçu le souffle des réacteurs dans le dos. J’ai dû subir une chirurgie au genou gauche à la suite de cet incident. […] J’ai été déclassée et libérée pour raison médicale. Je me suis sentie comme un vieux torchon qu’on envoie dans la poubelle une fois souillé. Ma sortie des forces a été misérable et je me suis sentie seule dans le processus. Depuis, j’ai toujours eu à me battre contre le système pour faire reconnaître mon état de santé à Anciens Combattants Canada. J’avais l’impression de ne pas être écoutée parce que j’étais une femme qui exerçait un métier non traditionnel et que je n’avais pas à être là. […]

En terminant, j’aimerais remercier de son soutien mon psychiatre, le Dr Hugues Poirier. »

ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, 1605, Mme Brigitte Laverdure (vétérane, à titre personnel).

Création d’un groupe consultatif dédié aux vétéranes

ACC peut compter sur l’appui de six « groupes consultatifs ministériels » où siègent une douzaine de personnes. Ces groupes se réunissent quelques fois par année en présence de représentant.e.s du Ministère et discutent des enjeux se rapportant à leur domaine : les familles, les soins et le soutien, la commémoration, la santé mentale, les politiques relatives aux vétérans, et l’excellence du service et transition (sic).

Les sujets qui les affectent plus particulièrement sont abordés au besoin par chacun des groupes, mais aucun ne porte sur les vétéranes. Or, comme on l’a vu à maintes reprises au cours de cette étude, le fait que les hommes représentent 80 % des vétéran.e.s, malgré toute la bonne volonté du monde, fera en sorte que les préoccupations des vétéranes ne seront pas abordées en priorité.

Comme l’a dit Mme Lowther, en recommandant la création d’un groupe consultatif sur les vétéranes, il faudrait également s’assurer de faire place au plus grand nombre de voix possible :

Il est important qu’ACC écoute les femmes vétérans, mais en choisissant une bonne représentation de ces femmes. L’an dernier, ACC a tenu un forum des femmes et des vétérans 2ELGBTQI+, qui consistait en une série de discussions en groupes. Il y avait 11 anciens combattants et membres actifs des Forces canadiennes dans les divers groupes d’experts. L’un était un sergent à la retraite, et l’autre un caporal-chef à la retraite, les autres étaient tous des officiers. Je ne pense pas que ce soit une représentation réaliste de l’expérience des anciennes combattantes[161].

Aux États-Unis, un tel comité existe depuis 1983. Il est plus structuré que les groupes consultatifs d’ACC et fait rapport au secrétaire américain des Anciens Combattants de manière autonome à partir de son propre budget[162].

Le Comité recommande donc :

Recommandation 36

Qu’Anciens Combattants Canada crée un groupe consultatif ministériel sur les vétéranes en s’assurant qu’y soient représentées à la fois d’anciennes officières et d’anciennes militaires du rang provenant de l’armée, de l’aviation et de la marine, ainsi que des vétéranes de la Gendarmerie royale du Canada.

Recommandation 37

Que le Comité directeur mixte Forces armées canadiennes/Anciens Combattants Canada crée un sous-comité sur les femmes militaires et les vétéranes.

« J’ai commencé l’instruction de base de la Force régulière avec les FAC, et j’étais à la BFC Cornwallis. J’étais l’une des sept femmes d’un peloton comptant près de cent hommes. Le harcèlement sexuel par les recrues et les enseignants hommes était quotidien, en particulier les blagues déshumanisantes, les gestes sexuels et les commentaires sexuels obscènes. Mes sous-vêtements étaient exposés devant le peloton, accrochés au mât ou pendus par les fenêtres de la caserne. […] Pendant mon service militaire, j’ai été agressée à maintes reprises physiquement et sexuellement, j’ai notamment été violée par un instructeur de drill, violée en groupe dans des casernes par d’autres recrues masculines et agressée sexuellement lors d’une intervention dentaire par le dentiste militaire. […] Avant mon affectation dans la flotte de l’Atlantique, j’ai été agressée par de multiples assaillants — tous des militaires — on m’a attachée, bandé les yeux et séquestrée de force pendant, je crois, trois jours. J’ai été dénudée, privée de sommeil, violée à répétition, sodomisée, embarquée et submergée dans l’eau glacée. Au cours de cette épreuve, on m’a répété à maintes reprises que les femmes n’étaient pas bienvenues à bord d’un navire de guerre et que je ferais mieux trouver un moyen de quitter l’armée si je voulais vivre. Ils m’ont mis une baïonnette sous le menton et m’ont dit comment ils allaient me tuer, en me disant : “Un marin peut facilement glisser et tomber du navire pendant le quart, la nuit, sans faire de bruit.”

J’ai quitté l’armée au bout de 13 mois par crainte pour ma vie. On m’a donné un billet aller simple à destination de ma ville d’origine et rien d’autre, pas de contacts, pas de soutien, rien. On m’a larguée à un aéroport et abandonnée à une vie irrémédiablement bouleversée par la violence dévastatrice que j’avais vécue dans les FAC. Même si c’était il y a plus de 30 ans, les attaques brutales, le manque de sécurité et les mauvais traitements psychologiques ont eu de graves répercussions sur tous les aspects de ma vie. Je souffre d’un TSPT et d’une dépression graves et chroniques, de douleurs chroniques et sévères causées par des blessures physiques, des infections chroniques, des problèmes sexuels, urinaires et reproductifs, et des problèmes d’estomac et d’intestin.

Je suis incapable de fonctionner au jour le jour et je passe une grande partie de mon temps dans ma chambre à coucher dans l’obscurité, gravement isolée et incapable de subvenir à mes besoins les plus élémentaires. J’ai eu des problèmes d’itinérance pendant de longues périodes ; de multiples hospitalisations ont eu une incidence sur le fait d’être avec mes enfants, et je suis seule, car je ne suis pas en mesure de me sentir en sécurité dans une relation.

Depuis que j’ai pris contact avec ACC il y a cinq ans, je ne me suis pas sentie soutenue, comprise ou entendue par le système du ministère. »

ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, 1545, Mme Jennifer Smith (vétérane, à titre personnel).

Rôle des organismes communautaires

« La raison pour laquelle ce n’est pas facile c’est que je ne suis pas seulement la personne qui dirige le Veteran Farm Project. Je suis une femme qui a été agressée sexuellement par des hommes des Forces canadiennes, ceux qui étaient censés être là pour vous, vos compagnons de combat. Comment peut‑on s’attendre à ce que quelqu’un revienne et fasse de nouveau confiance aux hommes, aux organisations… ?

C’est incroyablement difficile. Je souris tous les jours et je pense à des moyens de soutenir les autres femmes, parce que moi aussi j’ai besoin de ce soutien. Cela doit être un effort de groupe que de se soutenir mutuellement, parce que nous nous sentons toutes opprimées. »

ACVA, Témoignages, 28 novembre 2023, 1735, Mme Jessica Miller (Fondatrice et directrice, Veteran Farm Project Society).

En de nombreuses circonstances, l’envergure et la complexité des programmes gouvernementaux peuvent mal convenir à des besoins plus ciblés. Le contexte plus accueillant que peuvent souvent offrir les organismes communautaires peut alors suppléer à certaines lacunes des services gouvernementaux.

Des représentant.e.s de plusieurs de ces organismes sont venu.e.s présenter les services qu’ils peuvent offrir aux vétéranes. Par exemple, le Fonds de la Capitaine Nichola Goddard, mis sur pied par la Fondation Les Fleurons glorieux, finance directement des programmes qui soutiennent les femmes militaires, les vétéranes et leur famille[163].

Le Davidson Institute, à la demande d’ACC, a élaboré en 2015 un programme de rétablissement pour les femmes atteintes du trouble de stress post-traumatique. Mais, comme l’a affirmé sa directrice des opérations, Mme Adrienne Davidson-Helgerson, « nous avons remarqué que presque toutes les femmes qui ont participé à notre programme avaient également fait l’expérience d’un traumatisme sexuel militaire[164] ».

D’autres organismes, comme le Pepper Pod, offrent des groupes de soutien. Selon sa présidente-directrice générale, la lieutenante-colonelle (à la retraite) Sandra Perron :

Notre programme phare s’appelle le Lifeshop. Elles viennent pour une fin de semaine. Elles arrivent le vendredi. Elles ne se connaissent pas, pour la plupart. Elles sont nerveuses, effrayées et anxieuses parce qu’elles ne savent pas ce que sera la fin de semaine.
Lorsqu’elles partent le dimanche, elles ont une nouvelle tribu[165].
Elles reviennent entre quatre et six semaines après le lifeshop. Elles reviennent pour une réunion avec leur tribu. Souvent, elles n’attendent même pas aussi longtemps. Elles font déjà des activités avec leur nouvelle tribu. Elles sortent prendre un café, elles vont ramasser des bleuets, etc[166].

Les Healing Gardens offrent, quant à eux, diverses formes d’intervention thérapeutique axées sur le contact avec la nature :

Nous avons commencé avec quelques outils et un tout petit jardin, et au cours des cinq dernières années, nous avons ajouté plusieurs hectares à notre jardin. Nous avons des chevaux, une thérapie équine, nous avons une thérapie horticole, nous avons l’apiculture et nous avons une thérapie par l’art, à la fois en personne et virtuellement. Bien sûr, nous avons dû nous adapter à la pandémie, comme tout le monde. Cependant, je crois que la différence dans l’offre, qui était vraiment axée sur des sujets d’intérêt masculin, tenait en partie au simple fait d’une sous-représentation, alors nous aimons dire que nous servons les personnes sous-représentées — les femmes et les membres de la communauté 2SLGBTQ[167].

De son côté, la Veteran Farm Project Society, en Nouvelle-Écosse, permet « aux femmes en service et aux vétéranes d’accéder à un espace au sein duquel elles pourront utiliser les outils qu’elles ont appris à maîtriser dans le cadre d’autres programmes offerts par la ferme[168] ». Le Réseau de transition des vétérans, quant à lui, offre gratuitement des programmes de counseling et de traitement des traumatismes aux membres et vétéran.e.s des Forces armées partout au pays, et dans les deux langues officielles. Les programmes sont offerts distinctement en groupes pour hommes seulement et groupes pour femmes seulement. Selon sa directrice régionale pour le Québec, Mme Marion Turmine :

Les femmes sont entre elles, et les cliniciens ont suivi des formations sur les défis que doivent affronter les militaires, mais aussi sur les problèmes propres aux femmes. Il s’agit surtout de violence sexuelle, malheureusement.
Souvent, après avoir suivi nos programmes, ces femmes restent en contact. Elles se créent un réseau et, enfin, elles ne sont plus seules et elles peuvent parler de leurs problèmes entre elles. Cela les aide énormément[169].

L’une des demandes répétées à ACC venant des organismes communautaires est la tenue d’un répertoire auquel les organismes pourraient s’inscrire et qui leur donnerait une vitrine auprès des vétéran.e.s. Selon Mme von Hlatky, ce répertoire permettrait que des renseignements mis à jour, par ville ou par région, soient à portée de main[170]. Une telle initiative faciliterait également les relations entre les organismes et le ministère. Selon Mme Davidson-Helgerson, il était auparavant plus facile pour les organismes de faire connaître leurs programmes aux gestionnaires de cas qui pouvaient les évaluer et les recommander au besoin. Le nombre de références venant du ministère a diminué :

Il y a eu énormément de roulement au ministère des Anciens Combattants. Les nouveaux gestionnaires de cas ne connaissent pas notre programme, alors ils ne le recommandent à personne. C’est le client qui doit faire les démarches. […] Donc, le déclin est en partie attribuable au fait qu’il nous est interdit de communiquer avec eux pour leur montrer ce que nous faisons ou de leur envoyer de l’information, parce que cela est considéré comme une forme de sollicitation.
Il n’existe aucun registre central où on peut facilement consulter tous les programmes[171].

Afin de faciliter l’accès aux programmes des organismes communautaires, le Comité recommande :

Recommandation 38

Qu’Anciens Combattants Canada soutienne la mise sur pied, la publication et la mise à jour d’un répertoire des programmes offerts aux vétéran.e.s par les organismes communautaires et d’autres tiers, y compris ceux qui fournissent des services spécifiquement pour les femmes, et s’assure que les gestionnaires de cas du ministère soient en mesure d’y référer les vétéran.e.s.

« Deux ans avant que je sorte des Forces, donc en 2017, j’ai reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique. J’ai fondu en larmes. Je me disais que je ne pouvais pas être atteinte de ce trouble, puisque je n’étais pas allée en mission. On m’a fait comprendre que, ma guerre, je l’avais menée sur la base. Je n’étais pas capable d’accepter ce diagnostic. Pendant deux ans, de 2017 à 2019, je ne suis pas sortie de chez nous. On a passé un an à constamment appeler chez moi. Comme je vous l’ai dit, on a refusé que j’aille voir ma famille. On m’avait demandé de remplir une demande d’autorisation, mais on me l’a refusée. Pour être sûr que je n’allais pas dans ma famille, on m’appelait à la maison matin et soir. Qu’est-ce que ça fait, ça ? À un moment donné, le cerveau abandonne. »

ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, 1910, Mme Lisa Cyr (caporale (à la retraite) et propriétaire, Café Félin Ma Langue Aux Chats).

Traumatismes sexuels militaires

« Nous entraînons les soldats à croire que nous les préparons à mourir pour leur pays. Par conséquent, tout ce qui ne se rapporte pas à cela devient presque secondaire. […] Je pense que c’est la raison pour laquelle la violence sexuelle est parfois si banalisée. […]

Je pense qu’une reconfiguration des valeurs que nous voulons voir chez un bon soldat constitue un point de départ. Cela ne se résume pas au courage, à la bravoure et à tout le reste, mais il s’agit d’être une bonne personne, c’est‑à‑dire une personne juste et éthique tant dans le monde civil que dans le monde militaire. »

ACVA, Témoignages, 5 décembre 2023, 1605, Mme Caleigh Wong (à titre personnel).

Dès l’intégration des femmes dans la GRC au milieu des années 1970, et aux unités de combat des FAC en 1989, les allégations d’inconduites sexuelles ont commencé à surgir dans les médias[172]. Durant les décennies qui ont suivi, aucune analyse systématique du problème n’a été entreprise au sein de ces deux organisations.

C’est une enquête publiée dans le magazine L’Actualité en 2014 qui a mis le feu aux poudres en affirmant que « chaque jour, cinq personnes sont agressées sexuellement dans les Forces canadiennes[173] ». En réaction à ces allégations, le chef d’état-major de la Défense, Tom Lawson, a immédiatement annoncé que les FAC allaient procéder à un examen externe. C’est la juge Marie Deschamps, ancienne juge à la Cour suprême, qui en fut nommée responsable. Malgré des délais serrés, la juge Deschamps a déposé un rapport dévastateur[174] qui a confirmé les constats de l’enquête de L’Actualité.

En août 2015, le nouveau chef d’état-major de la défense, Jonathan Vance, a procédé au lancement de l’opération HONOUR, qui comportait trois objectifs :

  • améliorer le soutien aux membres des FAC affectés par les inconduites sexuelles ;
  • modifier rapidement les comportements nuisibles ;
  • augmenter la compréhension et la vigilance à tous les niveaux de leadership[175].

Dans un rapport subséquent, Louise Arbour, également ancienne juge à la Cour suprême, a commenté ainsi les travaux de la juge Deschamps :

Son rapport a choqué de nombreux Canadiens qui nourrissaient jusqu’alors l’illusion que les abus sexuels commis au sein des Forces armées et précédemment rapportés dans les médias n’étaient que des événements anecdotiques ou marginaux. Ces révélations ont poussé les FAC à entreprendre un tourbillon d’actions pour essayer d’endiguer le problème. Or, jusqu’à maintenant, ces efforts ont malheureusement échoué[176].

Malgré ce constat d’échec, dans un message du 24 mars 2021, le nouveau CEMD, Wayne Eyre, annonçait :

L’opération HONOUR a atteint son point culminant ; nous y mettrons donc un terme, nous en conserverons les mesures fructueuses, nous apprendrons en prenant conscience de ce qui n’a pas fonctionné, et nous élaborerons un plan délibéré pour aller de l’avant. Nous harmoniserons mieux les organisations et les processus axés sur le changement culturel afin de produire de meilleurs effets.

Entretemps, d’autres rapports et analyses avaient continué à dévoiler toute l’ampleur du problème, tout autant dans les FAC que dans la GRC.

Les recours collectifs Merlo et Davidson

« Ce que les femmes m’ont confié m’a fait perdre confiance dans la capacité de la GRC à changer sa culture. »

Michel Bastarache, Rêves brisés, vies brisées. Les effets dévastateurs du harcèlement sexuel sur les femmes au sein de la GRC, p. 56.

C’est sur la question de la culture organisationnelle dans le traitement des traumatismes sexuels que se rapprochent le plus les préoccupations des vétéranes des FAC et de celles de la GRC.

En 2012, la gendarme Janet Merlo a intenté un recours collectif en Colombie-Britannique au nom des femmes ayant subi du harcèlement au sein de la GRC. Plusieurs poursuites civiles individuelles avaient été intentées auparavant, dont la première avait été remportée en 1989[177]. Après une tentative de la GRC de faire rejeter le recours collectif, une entente de règlement a été conclue avant que la Cour suprême de Colombie-Britannique rende une décision après avoir entendu les parties en juin et en novembre 2015. Cette entente de règlement a servi de base aux démarches de réclamation subséquentes.

Entretemps, en mars 2015, l’inspectrice Linda Davidson avait déposé en Ontario un recours collectif aux motifs similaires. La Cour supérieure de l’Ontario a commencé à entendre la cause en février 2016, puis, en avril 2016, Michel Bastarache, ancien juge de la Cour suprême, a été nommé comme médiateur afin de parvenir à une entente de règlement qui couvrirait à la fois le recours Merlo et le recours Davidson[178]. Cette entente a été rendue publique en octobre 2016 et a mené à la création du Bureau de l’évaluateur indépendant dirigé par le juge Bastarache et dont le rôle fut « d’administrer le processus de réclamation et d’évaluer les réclamations faites dans le cadre de l’entente[179] ». En janvier 2017, la Cour fédérale a autorisé le recours collectif unifié de Merlo et Davidson, lançant ainsi les démarches de diffusion auprès des membres potentielles du groupe. Les coordonnées de 33 513 femmes ayant travaillé à la GRC entre 1974 et 2017 ont été remises au Bureau de l’évaluateur indépendant. Selon M. Bastarache, « dès le départ, la GRC a reconnu qu’elle n’avait su assurer un milieu de travail sécuritaire et respectueux aux femmes employées à son service. Par conséquent, la nature systémique du harcèlement a constitué un facteur important du processus d’évaluation[180]. »

Le processus de réclamation découlant de l’entente a débuté le 12 août 2017. 3 086 dossiers ont été reçus entre août 2017 et mai 2018. Des indemnités ont été accordées à 2 304 femmes en fonction de six catégories d’indemnisation dont le montant varie entre 10 000 $ et 220 000 $. Le tiers des réclamantes (747) a reçu l’indemnité la plus basse, alors que 6,5 % (150) des réclamantes a reçu la plus haute.

Selon les évaluateurs, « les agressions sexuelles flagrantes, qu’on qualifierait de comportements criminels, étaient plus fréquentes que ce que les évaluateurs auraient pu imaginer[181] ». Ils ont conclu que « 131 cas de viol pur et simple leur avaient été signalés[182] ». La constatation générale du rapport Bastarache est la suivante : « L’incapacité de la GRC à offrir un milieu de travail sécuritaire à ces femmes est tragique et accablante : perte de potentiel, perte de la santé mentale, perte de la famille et des liens, changement irrémédiable de la personnalité causé par des années d’émotion, de stress et d’anxiété intériorisés[183]. »

Selon Mme Huggins, la GRC s’est engagée à mettre en œuvre l’ensemble des recommandations du rapport Bastarache, et les progrès réalisés sont affichés sur le site web de l’organisation : « La GRC est consciente que le principal obstacle au recrutement des femmes, outre les risques inhérents à la profession, est la culture de l’organisation. […] Le défi n’est pas de faire une meilleure promotion, mais d’accroître la capacité de la GRC d’être un employeur de choix[184]. »

Selon une réglementation bien établie, il n’est pas possible de réclamer plus d’une indemnisation pour le même événement. Par exemple, si une réserviste a choisi de se faire indemniser par la commission des accidents de travail de sa province plutôt que de déposer une demande à ACC, le ministère ne l’indemnisera pas. Dans le cas du règlement Merlo Davidson, l’application de cette règle a soulevé un débat qui a amené plusieurs vétéranes de la GRC à déposer des plaintes au bureau de l’Ombud des vétérans après qu’ACC ait réclamé le remboursement de certains versements de pension d’invalidité[185]. Selon Mme Jardine, ces réclamations ont parfois été injustifiées :

[L’entente Merlo Davidson] prévoyait en quelque sorte six niveaux de préjudice. […] Nous savons tous que le gouvernement ne peut pas et ne doit pas verser deux indemnisations pour le même type de réclamation. Or, les indemnisations des niveaux 1 et 2 visaient des situations différentes. Les femmes qui recevaient des prestations d’invalidité pour, par exemple, un trouble de stress post-traumatique n’ont pas été indemnisées deux fois pour la même chose. En revanche, nous avons constaté des chevauchements possibles pour les indemnisations des niveaux 3 à 6.
La recommandation que nous avons formulée au ministre était de rembourser intégralement les sommes récupérées à celles qui avaient reçu à la fois une indemnisation de niveau 1 ou 2 et des prestations d’invalidité. Pour celles qui avaient reçu une indemnisation des niveaux 3 à 6, nous avons recommandé au ministre de publier la méthodologie utilisée pour déterminer la somme récupérée des pensions selon l’indemnisation découlant de l’entente de règlement[186].

Le gouvernement a répondu qu’il examinerait les demandes en litige et les clarifierait avec les requérantes[187]. En février 2024, l’Ombud des vétérans s’est réjouie des actions entreprises par le ministère dans ce dossier :

En réponse, ACC nous a informés que le Ministère avait communiqué avec toutes les clientes bénéficiaires d’une pension d’invalidité qui avaient déclaré avoir reçu une indemnisation au titre du règlement Merlo Davidson afin d’offrir à chacune la possibilité de soumettre des renseignements supplémentaires sur leur indemnisation. Les clientes pour qui ACC a déterminé que l’indemnisation reçue au titre du règlement n’était pas liée en partie ou en totalité à l’affection leur ouvrant droit à la pension d’invalidité ont vu leur montant de pension recalculé par ACC et ont reçu un paiement correctif.
Je suis convaincue qu’ACC a apporté les ajustements appropriés et respecté l’esprit de mes recommandations pour toutes les demanderesses connues ayant déclaré avoir reçu une indemnisation au titre du règlement Merlo Davidson[188].

Les recours collectifs Heyder et Beattie

Le processus mis en œuvre par les recours Merlo et Davidson a ouvert la voie à des recours collectifs intentés contre les FAC dans la foulée du rapport Deschamps. Selon la Dre Breeck : « Les femmes de la GRC ont considérablement aidé les femmes militaires et leur ont rendu de fiers services, particulièrement sur le plan des allégations d’inconduite sexuelle. Nous avons beaucoup appris d’elles et de leurs allégations[189]. »

En 2016 et 2017, au moins six recours collectifs ont été intentés contre les FAC. Trois d’entre eux ont été intentés conjointement ou individuellement par Sherry Heyder, Amy Graham, Nadine Schultz-Nielsen et Larry Beattie. Deux de ces trois recours ont été présentés conjointement à la Cour fédérale en 2017, les recours Heyder et Beattie, alors que ceux intentés par Glynis Rogers en Nouvelle-Écosse, Nicola Peffers en Colombie-Britannique, et Alexandre Tessier au Québec, ont été suspendus en attendant un règlement dans les instances déposées à la Cour fédérale.

Une Entente de règlement définitive a été signée entre les parties en juillet 2019 et approuvée par la Cour fédérale le 25 novembre 2019. Elle comprend une enveloppe de 900 millions de dollars pour des indemnités individuelles dont le montant variera entre 5 000 $ et 55 000 $, mais qui pourra s’élever jusqu’à 155 000 $ dans les cas de « préjudice exceptionnel ». Elle prévoit également des « mesures réparatrices » permettant aux personnes inscrites au recours collectif de « parler de leur expérience avec des officiers supérieurs ou des hauts fonctionnaires du Ministère dans un environnement sécuritaire et respectueux[190] ».

Selon les statistiques recueillies dans le cadre du rapport Arbour, 19 516 réclamations en vertu de cette Entente ont été reçues entre mars 2020 et novembre 2021[191]. 12 423 incidents d’inconduite sexuelle, s’étant produits entre 2000 et 2020, ont été rapportés par les parties demanderesses. Mme Arbour s’est désolée que, de ce nombre, seulement 246 aient été portés en Cour martiale[192]. Aucune date n’a été avancée pour la conclusion de la mise en œuvre de cette démarche.

Le traitement des traumatismes sexuels militaires par les FAC

Les révélations des traitements réservés aux survivantes de traumatismes sexuels au sein des Forces armées canadiennes continuent de bouleverser le fonctionnement de l’institution, d’affaiblir sa crédibilité et de reporter à un avenir incertain l’espoir longtemps entretenu qu’elle pouvait se réformer suffisamment pour devenir un milieu de travail accueillant pour les femmes attirées par la vocation militaire.

En contrepartie, plusieurs vétéranes ont témoigné du bilan positif de leur expérience militaire. Par exemple, la professeure Aiken a affirmé : « Je pense que je me suis assez bien débrouillée, et j’attribue une partie de cette réussite à l’armée. À l’âge de 23 ans, j’étais responsable d’un groupe d’hommes qui n’avaient jamais eu de supérieur de sexe féminin, et j’étais trop jeune pour penser que je n’y arriverais pas[193]. »

La notion de traumatisme sexuel militaire peut être définie de multiples manières, mais elle inclut toujours les séquelles d’une « agression sexuelle ». Dans le Code criminel, l’agression sexuelle est définie comme une forme de « voies de fait » commises dans des circonstances de nature sexuelle. En vertu de l’article 265(1) :

  • Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :
    • a) d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement ;
    • b) tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein ;
    • c) en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie.

Lorsqu’une telle agression est « commise dans des circonstances de nature sexuelle de manière à porter atteinte à l’intégrité sexuelle de la victime[194] », elle est alors définie comme « agression sexuelle » et traitée en vertu des articles 271 à 273. L’agression sexuelle comporte trois degrés : l’agression sexuelle simple, l’agression sexuelle armée, et l’agression sexuelle grave.

Selon un feuillet d’information de l’Institut Atlas pour les vétérans et leur famille, une femme militaire sur quatre a été victime d’une agression sexuelle en contexte militaire durant son service. Selon Statistique Canada, en 2022 :

Environ 1 960 membres de la Force régulière, soit 3,5 %, ont dit avoir été agressés sexuellement dans le milieu de travail militaire ou lors d’un incident impliquant des militaires au cours des 12 mois ayant précédé le sondage. À titre de comparaison, moins de 2 % des membres de la Force régulière ont indiqué avoir été agressés sexuellement en 2016 (1,7 %) et en 2018 (1,6 %)[195].

Si on ne considère que les femmes militaires, ce pourcentage passe en 2022 à 7,5 % (4,3 % en 2018), alors qu’il est de 2,8 % (1,1 % en 2018) pour les hommes. L’augmentation est donc très importante, tant chez les femmes que chez les hommes. La générale Bourgon y voit malgré tout des signes intéressants :

[I]l y a une différence entre l’augmentation du nombre de cas d’inconduite sexuelle et l’augmentation du nombre de signalements. Il est faux de dire qu’il y a augmentation du nombre de cas. Les gens signalent les incidents, ce qui est une bonne chose, non ? C’est une bonne chose. Est‑ce que cela signifie qu’il y a plus d’inconduites sexuelles ? Non, je ne pourrais pas dire cela. Les gens dénoncent les incidents et font des signalements. Pour moi, c’est un signe clair que nous faisons quelque chose de bien si les gens ont la confiance nécessaire pour signaler les incidents afin que nous puissions prendre des mesures[196].

Les hommes sont très majoritairement responsables de ces agressions, mais une plus grande proportion d’agressions commises contre des hommes l’a été par des femmes militaires. Selon la même étude : « Plus de 9 femmes sur 10 (91 %) ont indiqué qu’un homme était responsable d’au moins une agression, alors que c’était le cas de 44 % des hommes. Par ailleurs, plus du tiers (35 %) des hommes ont déclaré que, pour au moins un type et un incident d’agression sexuelle, une femme était responsable. »

Environ 30 % des femmes militaires ayant subi une agression sexuelle l’ont déclarée à une personne en position d’autorité au sein de l’organisation militaire. Cette proportion est demeurée stable depuis la première analyse similaire de Statistique Canada en 2016. Il y a donc un plus grand nombre de signalements, mais cette proportion ne signifie pas qu’un plus grand pourcentage des agressions est rapporté. Chez les hommes, cette proportion a diminué, alors que 17 % des hommes militaires ont signalé l’agression subie.

La mise sur pied du Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle (CSRIS), et son indépendance de la chaîne de commandement militaire, n’a pas eu d’effet sur les signalements puisqu’environ 3,7 % des membres de la Force régulière qui ont été agressé.e.s sexuellement l’ont consulté. Son rôle consiste essentiellement à fournir des services de counseling aux victimes, mais il ne semble ni soutenir ni orienter clairement les démarches de signalement auprès de la chaîne de commandement, ou, comme il en sera question plus loin, des autorités judiciaires.

Près des deux tiers des militaires ayant signalé une agression sexuelle ont affirmé avoir subi des conséquences négatives de ce signalement :

Les conséquences les plus courantes du signalement d’une agression sexuelle étaient les réactions négatives de pairs et d’autres membres des FAC, comme l’exclusion, l’intimidation ou les taquineries, auxquelles ont dû faire face environ la moitié (47 %) des personnes qui ont signalé une agression sexuelle. Parmi les membres ayant fait un signalement, près de 4 sur 10 (37 %) ont été blâmés, critiqués ou victimisés davantage, tandis que le tiers (34 %) ont subi des conséquences négatives pour leur carrière, comme des représailles[197].

La Lcol (H) Sandra Perron a parlé de l’impact tangible de la peur des conséquences négatives sur la volonté des militaires de signaler les cas d’abus sexuels :

Une personne peut se taire après avoir été violée ou maltraitée parce que les conséquences sont souvent pires que l’acte lui-même, croyez‑le ou non. Je ne compte plus le nombre de femmes qui ont raconté qu’elles avaient essayé de faire une dénonciation et que les répercussions avaient été brutales, ou qu’elles avaient été retirées de leur unité, comme si le problème venait d’elles[198].

En ce qui touche ce que Statistique Canada définit comme « comportements sexualisés ou discriminatoires », leur nombre est en diminution constante depuis 2016. Cette diminution est essentiellement attribuable à la proportion de militaires qui se sont dit victimes ou témoins de « communications verbales ou non verbales inappropriées » (64 % en 2022, comparativement à 78 % en 2016).

Cela signale peut-être l’amorce d’un changement de culture au sein des FAC. Comme on l’a vu, il ne se traduit cependant pas encore par une diminution du nombre d’agressions sexuelles. Selon la générale Bourgon, l’augmentation du nombre de signalements est un résultat de la prise de conscience qui a accompagné le recours judiciaire. Elle s’attend à ce que ce nombre diminue à l’avenir[199].

Cet espoir se reflète dans les perceptions qu’en ont les militaires. Selon Statistique Canada, en 2022, les trois quarts des membres de la Force régulière étaient « tout à fait d’accord (38 %) ou plutôt d’accord (37 %) avec l’énoncé selon lequel la culture entourant les inconduites sexuelles s’est améliorée dans les FAC depuis qu’ils se sont enrôlés[200] ».

Des témoins ont donné des exemples concrets des améliorations apportées au fil des ans. L’une d’elles touche la disponibilité des trousses de prélèvement en cas de viol et la préparation du personnel. Selon la sergente (à la retraite) Kathleen Mary Ryan :

Dans chaque clinique, dans chaque opération de déploiement, on trouve une trousse de prélèvement en cas de viol. C’est un équipement réglementaire. Les membres du personnel médical sont formés à Borden.
Si une femme me dit qu’elle a été violée, j’appelle tout d’abord l’infirmière responsable et la police militaire, car il y a une procédure à suivre. Nous sommes très bien formés pour ce type d’incident[201].

Mmes Riguidel et Hayward ont mis en doute ces affirmations[202]. Il n’en demeure pas moins que tous les intervenant.e.s reconnaissent que cette préparation et ce professionnalisme peuvent être déterminants dans la nature et la gravité des séquelles que subira la victime. Selon Mme Riguidel :

Le principal facteur qui fait qu’une personne aura ou n’aura pas d’effets à long terme est le soutien qu’elle reçoit quand elle dénonce l’incident pour la première fois. Ce qui compte, ce n’est ni le coupable ni les blessures subies. Ce qui compte, c’est ce qui se passera la première fois qu’elle aura le courage de dire que quelque chose de terrible lui est arrivé. La façon dont on réagit à ces révélations est déterminante pour le rétablissement de cette personne[203].

Cette même ouverture doit être cultivée à ACC, car, dans bien des cas, la victime n’aura pas dénoncé son agresseur durant son service militaire. Selon Mme Douglas : « Il ne faut pas qu’une personne qui appelle enfin pour la première fois afin d’obtenir de l’aide d’Anciens Combattants Canada se fasse dire qu’il est impossible de penser qu’une telle histoire puisse s’être produite au Canada. La personne est alors rejetée à nouveau, et c’est la dernière fois que nous la verrons[204]. » Selon la professeure Aiken, il existe des lacunes à cet égard à ACC[205].

Plusieurs organismes offrent de la formation sur la façon de soutenir les survivantes et de reconnaître certains signes avant-coureurs de comportements inappropriés. Par exemple, Mme Riguidel a mis sur pied le Survivor Perspectives Consulting Group qui a formé près de 2 000 membres des FAC et a reçu une mention élogieuse de la part du chef d’état-major de la Défense, mais elle a déploré que ce programme n’ait pas été institutionnalisé par la suite[206]. Les programmes généraux offerts aux militaires et aux vétéran.e.s qui ont subi une blessure de stress opérationnel conviennent rarement aux expériences vécues par les femmes militaires puisque, même si les comportements peuvent se produire durant un déploiement, ils ne se produisent pendant les opérations militaires comme tel. Comme l’ont noté Mme Douglas[207] et Mme Laverdure[208], la même remarque vaut pour les militaires LGBTQ victimes de discrimination ou d’inconduites sexuelles qui doivent bénéficier de soutien et de ressources adaptés.

Par exemple, le réseau de soutien par les pairs SSBSO (soutien social pour les blessures de stress opérationnel) s’est développé en réponse aux besoins des vétéran.e.s de l’Afghanistan, et a accompli en ce sens un travail remarquable. Il est cependant conçu pour les vétéran.e.s dont les problèmes découlent de leur participation à des opérations militaires et peut difficilement s’adapter au contexte particulier des TSM. Le colonel Peter Rowe, directeur de la gestion du soutien aux blessés des FAC, a d’ailleurs mis en lumière les limites des capacités du SSBSO à apporter du soutien aux femmes militaires : « Nous faisons actuellement évoluer notre programme afin de soutenir la diversité et l’inclusion. Nous avons à présent des groupes de soutien spécialisés pour les pairs autochtones, des groupes pour les personnes séparées et deux groupes régionaux de femmes, un troisième étant prévu[209]. »

En 2021, l’Ombud des vétérans avait dénoncé le fait que le SSBSO n’acceptait pas les survivantes de traumatismes sexuels militaires, et que celles-ci étaient invitées à aller chercher du soutien au CSRIS[210]. Or, le CSRIS est censé développer son propre réseau de soutien par les pairs, mais cette initiative est encore « en préparation[211] ».

Recommandation 39

Qu’Anciens Combattants Canada, en partenariat avec les Forces armées canadiennes, offre des programmes de soutien entre pairs réservés aux femmes.

Toutes les interventions visant à transformer cette dimension de la culture militaire sont évidemment bienvenues, et elles sont toutes susceptibles d’avoir un impact direct sur la capacité des FAC à retenir les femmes militaires en leurs rangs. Mme Riguidel a toutefois proposé de faire face à ce défi en des termes différents : « Et si l’agression sexuelle ne nous obligeait pas à abandonner l’uniforme ? Et si les gens pouvaient recevoir du soutien, comme c’est le cas pour toute autre blessure ? Ils pourraient alors reprendre leurs fonctions. Il n’est pas nécessaire de perdre ces personnes[212]. »

Selon Mme Park :

[Q]ue signifie pour le pays le choix que font les femmes de servir le Canada ?
Quelle source de talents extraordinaire représentent les femmes militaires et qu’offrent-elles à titre de cohorte unique au service de la démocratie, de la défense et de la sécurité, de la société civile et du développement économique du Canada, et maintenant de ses exigences stratégiques en matière d’adaptation à l’environnement ?
Inversement, quelles sont les conséquences de l’incapacité des Forces armées canadiennes d’évaluer cette occasion et de la saisir en 55 ans, et de leur choix répété de ne pas adopter de plan stratégique visant expressément l’optimisation et la valorisation de l’inclusion des femmes militaires en 55 ans[213] ?

Comme il en a été question à maintes reprises, la capacité des FAC à attirer un plus grand nombre de femmes dépendra dans une grande mesure de sa capacité à faire la démonstration qu’elles sont protégées autant qu’humainement possible contre les agressions sexuelles. Advenant qu’un tel acte se produise, la victime doit également savoir qu’elle sera écoutée, accueillie et soutenue autant par ses sœurs que par ses frères d’armes.

« J’ai enduré de multiples situations traumatisantes lorsque j’étais déployée en Afghanistan. Aujourd’hui encore, la plupart de mes camarades savent que j’ai été libérée pour des raisons de santé mentale et la plupart d’entre eux supposent que c’est lié au combat, ce qui est faux. Il s’agit à 100 % de problèmes de santé mentale pour avoir subi une inconduite sexuelle militaire prolongée. Je ne pouvais plus être forte. Tant de traumatismes non reconnus accumulés au fil des années sont remontés à la surface. Pendant près de sept ans, j’ai essayé de revenir à mon mode de fonctionnement antérieur, où je pouvais tout réprimer et “tenir bon”. Cela m’a conduit à des années de dépression, d’idées suicidaires et de multiples tentatives de suicide. Aucune thérapie ne m’a aidée, et j’ai fini par obtenir une libération médicale contre laquelle je n’avais plus la force de lutter. »

ACVA, Témoignages, 18 mai 2023, 1855, Témoignage d’une vétérane, cité par Alisha Henson (psychologue clinicienne, Exercice sous supervision, à titre personnel)

Incompréhension du système de justice militaire

Lorsque les agresseurs font partie de la chaîne de commandement, les risques liés à une dénonciation sont très élevés pour les survivantes. On comprend donc aisément pourquoi elles préfèrent se taire, et attendent le moment de changer d’unité ou de carrément quitter le service. Dans le cas de celles qui choisissent d’aller de l’avant et d’entamer des procédures judiciaires, on s’attendrait à ce qu’un processus clair ait été mis en place afin de les protéger. On s’attendrait également à ce que ce processus fasse l’objet d’une campagne de sensibilisation à grande échelle pour que chaque victime et chaque témoin sachent immédiatement à qui s’adresser en de telles circonstances.

Or, le témoignage de Jennifer Smith a révélé que, même lorsqu’elles veulent que justice soit rendue, les survivantes d’agression sexuelle au sein des FAC ne connaissent pas la procédure appropriée :

J’en ai parlé devant la Cour fédérale. J’ai informé de nombreux très hauts fonctionnaires. J’ai même fourni les noms de certains de mes agresseurs ainsi que des photos. Là encore, on ne m’a jamais offert la possibilité d’aller de l’avant. Encore aujourd’hui, j’ignore comment je devrais m’y prendre. On m’a suggéré de remplir un formulaire de demande d’indemnisation. J’ai le sentiment que cette démarche ne débouche sur rien. Il s’agit pourtant d’une activité criminelle. Je connais certains de ceux qui ont commis ces actes. Je continue à me demander pourquoi personne n’est venu me voir, pourquoi personne n’a cherché à me contacter. J’ai fourni les informations. On ne m’a pas demandé si je voulais lancer des poursuites, on ne m’a pas présenté d’options. Cela ne s’est tout simplement pas produit[214].

Face cette impuissance, Mme Smith a demandé l’aide des membres du Comité qui ont été confrontés à leur propre désarroi puisqu’ils ne connaissaient pas non plus la procédure et ne furent pas en mesure d’offrir leur soutien à une victime qui leur demandait. Cela a mis en lumière l’incompréhension générale qui règne au sujet du système de justice militaire. Pour une victime qui a pu témoigner publiquement, combien ont abandonné ou se sont tues, faute d’avoir identifié une institution, une personne compétente, un site web ou un numéro de téléphone qui leur garantirait la sécurité et un soutien adéquat ?

Lorsqu’on demande à un moteur de recherche : « Quoi faire en cas d’agression sexuelle dans les Forces armées canadiennes ? », la première ressource qui apparaît est le recours collectif pour lequel la réception des demandes a pris fin le 23 janvier 2022[215]. La seconde est la page sur l’inconduite sexuelle des FAC. La page contient toute une série de liens à des ressources existantes qui offrent essentiellement du soutien psychosocial. Tout au bas de la page, on retrouve la section « Pour déposer une plainte officielle ». On invite alors les survivantes à communiquer avec le Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle (CSRIS), ou à « parler à votre superviseur ou à votre conseiller en relations de travail ». Les autres options sont celles qui se rapportent au traitement de n’importe quel type de plaintes au sein des FAC.

La seule véritable ressource, noyée dans la multitude de liens périphériques, est donc le CSRIS. Or, là aussi, on offre essentiellement du counseling et de « l’orientation vers des organismes de soins et de services ». La générale Bourgon a confirmé ces limites du rôle du CSRIS :

[L]e Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle est le centre d’expertise en ce qui concerne le soutien offert en cas de traumatisme sexuel dans le contexte militaire. L’équipe de soutien du Centre utilise des démarches réparatrices, comme on le fait dans le Programme de soutien social aux blessés de stress opérationnel. L’équipe travaille avec les victimes de traumatisme sexuel dans un contexte militaire pour essayer de les aider à se rétablir[216].

Le CSRIS offre du soutien psychosocial, et réfère à une liste d’organismes communautaires ou d’institutions provinciales de soins de santé. Sur son site, l’emphase qui est mise sur les victimes en attente d’être contactées au sujet du recours collectif crée une certaine confusion et pourrait laisser croire qu’il n’existe que pour cela. Le numéro de la ligne d’urgence n’apparaît qu’en lien avec le recours collectif.

Pour qui voudrait entreprendre des démarches judiciaires sans passer par la chaîne de commandement militaire, il n’y a donc rien. La seule ressource est un lien au Programme d’assistance juridique indépendante. Selon Linda Rizzo Michelin, cheffe des opérations du CSRIS, ce programme « aide les personnes victimes d’inconduite sexuelle dans les FAC à avoir accès à des services juridiques[217] ». Or, en réalité, cet aspect du programme n’a pas encore été mis en œuvre. Pour le moment, le Programme d’assistance juridique indépendante ne fait que rembourser les frais juridiques déjà encourus pour « de l’information, des conseils et de la représentation juridiques dans les systèmes juridiques militaire et criminel ». Pour en bénéficier, il faut donc avoir déjà entrepris des démarches. Il n’y a donc rien pour guider une victime qui voudrait entreprendre des démarches dans un système de justice militaire avec lequel très peu de spécialistes sont familiers.

Suite aux recommandations des juges Fish[218] et Arbour, le ministère de la Défense nationale a annoncé, en novembre 2021, que « le transfert des cas de crimes sexuels du système de justice militaire au système de justice pénale civil commencerait de façon provisoire, tandis que des travaux sont en cours pour déterminer la meilleure façon de mettre en œuvre ces changements de compétence[219] ». Ensuite, le 21 mars 2024, le ministre de la Défense nationale, l’honorable Bill Blair, a déposé le projet de loi C-66 qui « conférerait aux autorités civiles la compétence exclusive d’enquêter sur ce type d’infraction et d’en poursuivre les auteurs au Canada[220] ».

On s’attend à ce que de tels changements facilitent les démarches pour les survivantes et contribuent à faire valoir la détermination des FAC et, par conséquent, rehaussent la confiance du public envers elles. Cela passera par exemple par le sentiment de la part des survivantes que justice a été rendue et que les coupables en subissent les conséquences, ce qui peut être difficile à établir si tout le processus s’est déroulé à l’intérieur du système de justice militaire. Comme l’a dit Mme Cyr :

Si quelqu’un dépose une plainte à l’intérieur de l’organisme, que ce soit pour agression sexuelle ou psychologique, et qu’il y a une enquête reconnue, il faut qu’un suivi soit fait à l’extérieur aussi et qu’on puisse donner des sanctions. La personne qui a été agressée doit savoir ce qui a été fait. Sinon, on n’encourage pas les autres personnes à passer par tout le processus, qui est ardu, pour déposer une plainte[221]

Il faudra toutefois plusieurs années avant que les résultats de ces changements puissent être évalués. En attendant l’étude et l’adoption du projet de loi C-66, le Comité recommande donc :

Recommandation 40

Que le ministère de la Défense nationale, conformément aux nombreuses recommandations formulées dans la foulée des rapports Deschamps, Fish et Arbour, mette en place un système de dépôt des plaintes extérieur à la chaîne de commandement militaire, mette à la disposition des victimes de traumatismes sexuels militaires des ressources juridiques confidentielles et sécuritaires, et transfère aux autorités civiles la compétence d’enquêter sur les inconduites sexuelles et d’en poursuivre les auteurs.

Traitement des traumatismes sexuels par ACC

Certaines dispositions contenues dans le Règlement des recours collectifs Heyder et Beattie ont obligé le ministère à modifier ses politiques sur la recevabilité des preuves, celle définissant le « principe d’assurance » ainsi que l’application du principe du « bénéfice du doute » aux demandes d’indemnisation liées aux traumatismes sexuels. Dans la foulée du recours collectif contre les FAC et de l’augmentation générale du nombre des dénonciations, ACC a reçu un grand nombre de demandes d’indemnisation liées à des traumatismes sexuels.

En 2020, le ministère a mis sur pied une unité dédiée au traitement de ces demandes. Toutefois, contrairement à ce que les témoignages des représentant.e.s du ministère ont pu laisser croire, il ne l’a pas fait de sa propre initiative. En effet, cette unité était une exigence de l’Entente de règlement définitive des recours Heyder et Beattie. Selon Mme MacKinnon, ACC a reçu environ 3 580 demandes entre 2020 et juin 2023, dont 72 % venaient de femmes[222] :

Elles sont traitées de façon prioritaire dans une file d’attente à part. […] Nous avons donné beaucoup de formation aux employés responsables des décisions relatives aux prestations d’invalidité afin que ces employés sachent comment apporter un soutien éclairé qui tienne compte des traumatismes. Ces employés sont sensibles aux problèmes qui leur sont présentés et sont en mesure de communiquer avec leurs clients de manière sensible et respectueuse, car ces situations sont très difficiles à relater pour les victimes[223].

Étant donné la nature particulière de ces demandes, ACC a dû adapter ces procédures. Comme il en a été question plus haut, si une condition médicale apparaît durant la participation à une opération militaire désignée comme « opération de service spécial », les vétéranes n’auront pas à en documenter les causes. Le lien au service militaire sera présumé. C’est ce qu’ACC appelle le « principe d’assurance ». Par contre, si les problèmes sont le résultat d’activités se déroulant dans n’importe quel autre contexte où la vétérane est en service, le fardeau sera plus lourd et les vétéranes devront prouver les faits permettant d’attester un lien de causalité entre le service militaire et leur condition médicale.

Cela signifie qu’un problème de santé mentale, dont un.e professionnel.le de la santé attesterait qu’il découle vraisemblablement d’une agression sexuelle subie durant une opération de service spécial, sera indemnisé par ACC sans que la vétérane ait besoin de fournir d’autres preuves. Par contre, une démonstration supplémentaire de « lien au service » sera exigée si l’agression sexuelle n’a pas eu lieu durant un tel déploiement.

À une question soumise à propos des demandes d’indemnisation des vétéranes de la GRC suite à un traumatisme sexuel, ACC n’a pas pu répondre :

Bien qu’ACC ne recueille pas de données sur les causes, la plupart des membres féminins qui ont été victimes d’actes d’inconduite sexuelle ou d’un traumatisme reçoivent des indemnités approuvées pour des problèmes de santé mentale. En date du 31 mars 2023, il y avait 3 732 femmes membres de la GRC qui recevaient des prestations d’invalidité, dont 2 894 avaient reçu des indemnités approuvées pour des problèmes de santé mentale, 2 248 d’entre elles recevant des indemnités pour le TSPT, en particulier[224]. [les caractères gras ont été ajoutés]

Autrement dit, parmi les 2 894 vétéranes de la GRC qui reçoivent des prestations d’invalidité pour un problème de santé mentale, une proportion inconnue de ce nombre a été victime d’une inconduite sexuelle. Le ministère peut affirmer que « la plupart » d’entre elles ont reçu une indemnité, mais ne peut pas affirmer que ce traumatisme sexuel est la cause de cette condition médicale. Mais alors comment le ministère a-t-il pu établir que le problème de santé mentale était lié au service militaire ? Comment peut-il faire cette attribution sans identifier une cause ? Toutes les preuves présentées lors du dépôt d’une demande d’indemnisation visent justement à établir la cause d’une condition médicale. Que le ministère ne recueille pas de données sur ce qui est au cœur de ses activités quotidiennes semble étonnant. La conséquence en est qu’ACC est incapable de savoir combien de vétéranes de la GRC ont été indemnisées pour un trouble de santé mentale consécutif à un traumatisme sexuel[225].

La procédure pour établir ce lien au service est pourtant détaillée dans la Politique d’ACC sur les prestations d’invalidité versées à l’égard du service en temps de paix — Principe d’indemnisation. La preuve supplémentaire à fournir découle de deux questions qui n’ont pas besoin d’être posées en fonction du « principe d’assurance », mais doivent l’être lorsque s’applique le « principe d’indemnisation » :

  • Existe-t-il une preuve raisonnable permettant d’établir un lien entre une maladie ou une blessure et un événement ou un facteur relié au service ?
  • L’invalidité permanente faisant l’objet de la demande est-elle associée à la maladie ou la blessure liée au service ?

Que signifie « établir un lien entre une maladie et un événement » sinon présumer que cet événement est la cause de cette maladie ? Ce sont les arbitres du ministère qui doivent fournir les réponses à ces questions à partir des preuves fournies par les vétéranes. La loi contraint ACC à accorder le bénéfice du doute à de telles preuves, mais elles doivent pouvoir être recueillies, ce qui peut s’avérer difficile, et parfois impossible.

Pour se conformer à l’Entente de règlement dans les recours Heyder et Beattie, le ministère a assoupli l’interprétation de ces règles lorsqu’elles s’appliquent à des allégations de traumatismes sexuels. Selon Mme MacKinnon : « Les demandeurs n’ont plus besoin de fournir de preuves corroborantes. Dans le cas précis des inconduites sexuelles, les événements arrivent souvent en privé, sans la présence de témoins qui pourraient vérifier ou valider les allégations du demandeur. Nous acceptons la déclaration du demandeur comme preuve et nous poursuivons le traitement de la demande à partir de là[226]. »

Dans la même politique, le ministère reconnaît à cet égard que « l’absence d’éléments de preuve documentés et objectifs pour montrer que des fonctions militaires ou des facteurs ont causé une maladie ou une blessure ou y ont contribué ne doit pas être considérée comme une preuve que la déclaration du demandeur est fausse ».

Selon le commodore Bouchard, les femmes militaires libérées pour raisons médicales qui veulent déposer une demande d’indemnisation liée à un traumatisme sexuel seront orientées vers « des services de transition plus personnalisés » qui les guideront à travers ces démarches[227]. Toutefois, selon la professeure Aiken, ces services ne sont pas toujours adéquats :

J’ai mentionné que lorsque j’ai quitté l’armée, quelqu’un s’est assis avec moi, m’a montré un document et m’a dit que c’était ce qu’ils allaient présenter au ministère des Anciens Combattants et qu’ils m’aideraient à obtenir les services nécessaires. Les centres de transition ne font pas exactement cela.
[…] [I]l s’agit de militaires qui peuvent eux-mêmes être en difficulté. La personne qui m’a aidé était un fonctionnaire, un civil, qui travaillait dans le système de santé de l’armée. Je pense vraiment qu’il serait essentiel d’avoir des personnes sur place pour aider les gens à faire la transition vers le ministère des Anciens Combattants, s’ils ont besoin d’aide[228].

Afin d’assurer que les centres de transition, présentement en cours de déploiement sur les bases militaires du pays, soient en mesure de conseiller adéquatement les militaires en transition qui s’apprêtent à déposer une demande d’indemnisation auprès d’ACC, le Comité recommande :

Recommandation 41

Qu’Anciens Combattants Canada, en collaboration avec les Forces armées canadiennes, affecte du personnel civil dans les centres de transition dont le rôle serait de soutenir et d’accompagner les victimes d’inconduites sexuelles et les autres militaires en transition lors de la préparation de leurs demandes d’indemnisation, et collecte des données sur le nombre de militaires en transition qui ont ainsi été soutenu.e.s.

L’un des éléments de la politique qui mériterait d’être plus clairement expliquée au moment de déposer une demande est de savoir si la vétérane était ou non « en service » au moment des événements. Le Tribunal des Anciens Combattants (Révision et Appel) a souvent été amené à se prononcer sur cette question, que ce soit dans des situations d’inconduites sexuelles ou d’autres. Selon le paragraphe 9 de la politique :

Une blessure ne doit pas nécessairement être survenue sur une base militaire pour être liée au service. De façon analogue, les décès, les maladies, les blessures ou les événements qui se produisent sur des terrains appartenant à l’administration militaire, ou pendant le service, ne sont pas tous liés au service. Il importe de faire la distinction entre les événements obligatoires liés au service et les activités récréatives qui ne le sont pas ; par exemple, un dîner régimentaire constitue généralement un événement obligatoire (à moins qu’un membre ait obtenu une dérogation de la part du commandant, du commandant de la base ou de l’escadre, ou du sergent-major régimentaire ou de l’adjudant-chef de la base ou de l’escadre) ; par contre, une soirée dansante officieuse au mess représente une activité récréative, et les membres sont libres d’y participer ou non.

Autrement dit, une agression sexuelle entraînant des séquelles durables, mais qui se serait produite durant une soirée au mess des officiers, ne serait pas reconnue comme étant reliée au service. ACC serait donc en droit de refuser de l’indemniser parce qu’il ne s’agissait pas d’une activité obligatoire. La faiblesse d’une telle distinction saute aux yeux. N’importe quel employé de n’importe quelle organisation comprend que, parfois, la participation à telle ou telle activité, sans être obligatoire, peut être « fortement recommandée », « bonne pour favoriser une promotion », « indicative de la volonté d’une personne à bien s’intégrer à une équipe », etc. La formulation utilisée dans la politique du ministère paraît trop rigide pour une distinction qui, dans les faits, peut être ambiguë selon une foule de contextes. De plus, les séquelles du harcèlement ou de l’agression sexuelle dépassent largement l’événement particulier où les actes se sont déroulés. La personne doit continuer à « être en service » le lendemain, à côtoyer « obligatoirement » son agresseur, et à vivre dans le même environnement que celui dans lequel se sont produits les événements.

La même politique précise l’interprétation qui doit en être donnée lorsqu’on l’applique à des allégations de traumatismes sexuels : « Bien qu’ACC puisse accepter que l’incident ou les incidents se soient produits tel que décrit par le demandeur, la présence d’une relation avec le service doit également être établie afin d’accorder l’admissibilité. » Autrement dit, le ministère ne contestera pas la validité des preuves fournies par la vétérane et leur accordera le bénéfice du doute, mais maintiendra les autres critères, y compris la distinction entre les activités obligatoires et les activités volontaires établie au paragraphe 9 qui pourrait entraîner le rejet de la demande.

Le paragraphe 16 vient établir une nuance dans l’application de cette distinction dans une situation de traumatisme sexuel :

  • Pour plus de clarté : un ou des incidents de traumatisme sexuel peuvent être liés au service, même dans un ou l’autre des cas suivants :
  • l’agression sexuelle ou le harcèlement sexuel s’est produit à l’extérieur de la propriété des FAC ou lors d’une activité non obligatoire ;
  • l’agresseur n’était pas en position de pouvoir sur le demandeur.
  • Chaque décision quant à savoir si l’affection faisant l’objet de la demande est liée ou non au service sera prise en fonction de tous les facteurs pertinents du cas particulier.

Ces formulations sont un calque des instructions données dans l’Entente de règlement définitive des recours Heyder et Beattie[229]. Elles semblent avoir été collées là sans qu’ait été vérifiée la cohérence avec le reste de la Politique. Elles semblent donc subordonnées aux explications du paragraphe 9. De plus, elles ne précisent ni n’illustrent les contextes auxquels elles seraient applicables, contrairement au paragraphe 9 qui encadre clairement la distinction entre activités obligatoires et activités volontaires.

Le Comité recommande donc :

Recommandation 42

Qu’Anciens Combattants Canada révise sa « Politique sur les prestations d’invalidité versées à l’égard du service en temps de paix — Principe d’indemnisation » afin d’offrir plus de souplesse dans la détermination des événements auxquels la participation des vétéranes permet de les considérer comme étant « en service ».

Conclusion

Malgré quelques progrès, les vétéranes restent largement invisibles et leurs besoins spécifiques sont souvent négligés par les programmes des FAC et d’ACC. Les raisons à cela sont complexes et liées à des siècles de représentations de la vie militaire comme essentiellement masculine.

Les femmes représentent entre 16 % et 19 % des Forces armées canadiennes, loin de la cible de 25 % que les FAC tentent d’atteindre depuis de nombreuses années. Les traumatismes sexuels en contexte militaire demeurent un obstacle majeur à cette intégration. Les femmes militaires ont 2,55 fois plus de chances d’être victimes d’inconduite sexuelle durant leur service militaire que les hommes militaires. Les vétéranes n’ont pas tendance à s’identifier comme vétéranes. Des efforts sont en cours pour changer cette culture d’invisibilité, mais ils en sont encore à leurs débuts.

Aujourd’hui, les femmes représentent 16,2 % de la population totale des vétéran.e.s au Canada, avec une augmentation attendue en raison de l’augmentation progressive du nombre de femmes dans les FAC. Les vétéranes ont une prévalence plus élevée de migraines, de troubles de l’humeur, d’anxiété, de troubles gastro-intestinaux et de besoin d’aide pour les activités de la vie quotidienne. Les femmes sont libérées pour raisons médicales plus souvent que les hommes et leur revenu diminue de 17 à 22 % durant les trois années qui suivent leur libération.

Puisque les enquêtes épidémiologiques regroupent habituellement les hommes et les femmes, il existe des lacunes importantes dans la recherche portant sur les femmes militaires et les vétéranes. De plus, on note un manque de coordination entre les stratégies de recherche d’ACC et des FAC. Le Comité recommande donc la mise en œuvre d’un programme structuré à long terme de recherche spécifique sur les femmes militaires et les vétéranes. Cela permettrait, entre autres, d’identifier les causes de la proportion plus élevée de femmes militaires qui sont libérées pour des raisons médicales.

ACC pourra refuser de lier certaines conditions médicales au service militaire si les recherches ne permettent pas d’établir un lien de causalité, même si des études épidémiologiques suggèrent la vraisemblance d’un tel lien. Le rapport recommande qu’ACC accorde une présomption de lien avec le service militaire à certaines conditions médicales lorsque les études épidémiologiques indiquent une prévalence plus élevée de ces conditions chez les vétéranes.

Du côté des FAC, le Comité a relevé plusieurs lacunes dans les services médicaux offerts aux femmes militaires. On note d’abord un manque de ressources spécialisées pour accompagner les militaires enceintes, et diagnostiquer des problèmes courants comme la dépression post-partum.

Le rapport met également en évidence des problèmes d’équipement mal adapté pour les femmes, par exemple des gilets pare-balles qui peuvent entraîner des problèmes à long terme. Les FAC connaissent ces problèmes depuis longtemps. Le rapport recommande que le ministère de la Défense nationale ne renouvelle les contrats d’équipements militaires personnels que si les fournisseurs peuvent garantir que ces équipements sont adaptés à la physiologie des femmes.

Du côté d’ACC, on note une bonne appréciation du programme de réadaptation dans son ensemble. Il est toutefois segmenté en trois volets successifs qui ne peuvent pas se chevaucher : les volets médical, psychosocial, puis professionnel. Le Comité recommande qu’ACC réorganise son programme pour permettre un accès simultané à tous les aspects du soutien, en fonction des besoins individuels de chaque vétérane.

Les vétéranes ont des taux plus élevés de troubles de santé mentale par rapport aux vétérans. Il est connu que les médicaments utilisés pour traiter ces problèmes peuvent entraîner des dysfonctions sexuelles. ACC a simplifié le processus d’indemnisation pour la dysfonction sexuelle pour les hommes, mais pas pour les femmes. Des modifications ont été apportées aux politiques en 2022 grâce aux représentations de l’ombud des vétérans, mais le processus reste lent.

ACC a entrepris une révision de ses Lignes directrices sur l’admissibilité au droit à pension et de sa Table des invalidités pour mieux intégrer les problèmes de santé affectant principalement les femmes. Il est cependant difficile de connaître la nature précise des modifications apportées à ces outils. Le Comité recommande donc qu’ACC lui soumette les modifications apportées à ces documents concernant les conditions médicales affectant plus ou exclusivement les vétéranes.

La conciliation entre le service militaire et la vie familiale est un enjeu prioritaire pour les Forces armées canadiennes. Les défis incluent le déploiement des militaires, l’accessibilité aux services de garde d’enfants et les déménagements fréquents. Ces problèmes peuvent affecter la durée du service des femmes dans les FAC, leurs possibilités d’avancement et leur réorientation professionnelle. Le Comité recommande que les FAC offrent des services de garde souples et adaptés aux besoins des femmes militaires, en s’assurant de respecter les juridictions provinciales et territoriales.

Les vétéranes font face à des défis uniques, et la crise du logement actuelle aggrave la situation. Les initiatives de logement existantes, comme la Maison du vétéran, sont composées majoritairement d’hommes et ne sont donc pas adaptées aux besoins des femmes dont une proportion importante a subi des traumatismes sexuels. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada contribue financièrement à la construction de logements communautaires qui seraient réservés aux vétéranes.

Les vétéran.e.s se plaignent de devoir constamment raconter les détails des événements ayant causé leur invalidité pour demander une indemnisation. Cette situation est particulièrement pénible pour les survivantes de traumatismes sexuels. Le Comité recommande qu’ACC exempte les vétéran.e.s de la nécessité de raconter les circonstances des événements ayant mené aux conditions médicales pour lesquelles une demande d’indemnisation a été déposée, lorsque ces informations ont déjà été compilées.

L’Analyse Comparative entre les Sexes Plus (ACS Plus) a été progressivement intégrée dans l’élaboration des politiques publiques du gouvernement du Canada depuis 1995. Cependant, les analyses actuelles de l’ACS Plus d’ACC se limitent à une comparaison statistique de la participation des hommes et des femmes aux programmes, sans tenir compte des conséquences possibles de ces programmes sur certaines populations dont les vétéranes. Le ministère possède peut-être de telles analyses, mais elles n’ont pas encore été rendues publiques. Le Comité recommande qu’ACC fournisse une liste des programmes qui ont fait l’objet d’analyses ACS Plus évaluant les répercussions sur le genre et la diversité.

Les organismes communautaires jouent un rôle crucial dans le soutien aux vétérans, comblant les lacunes des services gouvernementaux. Des exemples incluent le Fonds de la Capitaine Nichola Goddard, le Davidson Institute, le Pepper Pod et les Healing Gardens. Cependant, ces organismes qu’ACC crée un répertoire pour faciliter la visibilité et l’accès à leurs programmes, et permettre aux gestionnaires de cas du ministère d’y référer les vétéranes.

Des allégations d’inconduites sexuelles ont émergé dès l’intégration des femmes dans la GRC et les unités de combat des FAC. Une enquête de 2014 a révélé que cinq personnes étaient agressées sexuellement chaque jour dans les FAC, ce qui a conduit au rapport dévastateur de l’ancienne juge Marie Deschamps. En 2015, l’opération HONOUR a été lancée par les FAC pour soutenir les membres affectés, modifier les comportements et augmenter la vigilance. Cependant, malgré ces efforts, le problème persiste.

Les recours collectifs Merlo et Davidson ont mis en lumière le harcèlement sexuel systémique au sein de la GRC. Des indemnisations ont été accordées à 2 304 femmes, avec des montants variant entre 10 000 $ et 220 000 $. Les évaluateurs ont signalé 131 cas de viol. La GRC s’est engagée à mettre en œuvre les recommandations du rapport Bastarache. Cependant, des problèmes ont surgi concernant les indemnisations multiples pour la même réclamation, conduisant à des plaintes et à des demandes de clarification.

Plusieurs recours collectifs similaires ont par la suite été intentés contre les FAC. Une Entente de règlement définitive signée en 2019 dans les recours Heyder et Beattie prévoit une enveloppe de 900 millions de dollars pour des indemnités individuelles. Entre mars 2020 et novembre 2021, 19 516 réclamations ont été reçues.

Les survivantes d’agressions sexuelles au sein des FAC rencontrent des difficultés pour dénoncer et poursuivre leurs agresseurs, en particulier lorsque ces derniers font partie de la chaîne de commandement. L’absence de procédures claires et de ressources juridiques accessibles contribue à cette situation. Le Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle (CSRIS) offre principalement du soutien psychosocial, mais ne fournit pas d’aide juridique. Le Comité recommande donc que le ministère de la Défense nationale mette à disposition des survivantes des ressources juridiques confidentielles et sécuritaires à l’extérieur de la chaîne de commandement militaire.

Suite aux dispositions du Règlement des recours collectifs Heyder et Beattie, ACC a dû modifier ses politiques sur la recevabilité des preuves et l’application du principe du « bénéfice du doute ». Une unité dédiée au traitement des demandes liées aux traumatismes sexuels a été créée en 2020. Les demandes sont traitées de manière prioritaire et les employés ont reçu une formation spécifique. Cependant, le fardeau de la preuve reste lourd pour les vétéranes qui doivent établir un lien de causalité entre le service militaire et leur condition médicale. Le rapport recommande qu’ACC affecte du personnel civil dans les centres de transition pour accompagner les survivantes d’inconduites sexuelles et modifie sa politique pour offrir plus de souplesse dans la détermination des événements durant lesquels les vétéranes sont considérées comme étant « en service ».

Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude envers toutes les personnes qui ont contribué à cette étude, notamment les vétéranes qui ont courageusement partagé leurs expériences parfois bouleversantes. Leur témoignage a permis d’éclairer de manière précieuse les réalités auxquelles elles ont été confrontées. Leur participation à cette étude est un hommage à leur résilience et à leur détermination. Nous espérons sincèrement que les recommandations issues de ce rapport permettront non seulement de donner aux vétéranes la visibilité qu’elles méritent, mais aussi d’ouvrir des perspectives prometteuses pour toutes les femmes qui envisagent une carrière militaire.


[1]              US Department of Veterans Affairs, « Women and Veterans in Focus ». [disponible en anglais seulement]

[2]              Australian Government, Defence, Women in the Australian Defence Force (ADF), 2021–2022. Ten Years in Review, p. 5.

[3]              France, Ministère des Armées, Rapport social unique 2021, p. 19.

[4]              ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Mélanie Morin-Pelletier (historienne, Musée canadien de la guerre), 1610.

[5]              ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Mélanie Morin-Pelletier (historienne, Musée canadien de la guerre), 1610.

[6]              Voir à ce sujet le site d’ACC.

[7]              Ce nombre est inférieur aux estimations d’Anciens Combattants Canada qui l’établissait à 617 800. Cette différence de 25 % a entraîné une révision complète des calculs se rapportant à toutes les caractéristiques de la population des vétérans au Canada, ce qui jette présentement un doute sur toutes les estimations s’y rapportant.

[8]              On estime qu’il y avait en 2021 23 075 vétéran.e.s autochtones au Canada, mais on ne connaîtra la proportion de femmes que dans des analyses à venir des données du recensement de 2021. On ne connaît pas encore la proportion de vétéran.e.s noir.e.s ou de couleur, ni celle des membres de la communauté 2SLGBTQ.

[9]              ACVA, Témoignages, 7 novembre 2023, Mme Nadine Huggins (dirigeante principale des ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada), 1815.

[10]            A.L. Hall et al., “Comparing negative health indicators in male and female veterans with the Canadian general population”, BMJ Military Health, vol. 168, 2022, p. 82 à 87. [disponible en anglais seulement]

[11]            ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Chris Edwards (chercheuse, à titre personnel), 1615.

[12]            ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Mme Laura Kelly (directrice, Examen et analyse stratégiques, Bureau de l'ombudsman des vétérans), 1915.

[13]            ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Colonelle (à la retraite) Nishika Jardine (Ombud des vétérans, Bureau de l’ombudsman des vétérans), 1920.

[14]            ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Dre Sara Rodrigues (directrice, Recherche appliquée, Institut Atlas pour les vétérans et leur famille), 1845.

[15]            ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Dre Sara Rodrigues (directrice, Recherche appliquée, Institut Atlas pour les vétérans et leur famille), 1845.

[16]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Mme Maya Eichler (Chaire de recherche du Canada en innovation sociale et engagement communautaire, Université Mount Saint Vincent, à titre personnel), 1835.

[17]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Dre Karen Breeck (majore (à la retraite), coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes), 2010. Voir aussi les remarques de la colonelle (à la retraite) Nishika Jardine (Ombud des vétérans, Bureau de l’ombudsman des vétérans), ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, 1840.

[18]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Dre Karen Breeck (majore (à la retraite), coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes), 2010.

[19]            Amy L. Hall, Trish Batchelor, Laura Bogaert, Robert Buckland, Ali B. Cowieson, Michael Drew, Kate Harrison, David I. McBride, Aaron Schneiderman, Kathryn Taylor, “International Perspectives on military exposure data sources, applications, and opportunities for collaboration”, Frontiers in Public Health, 4 mai 2023. [disponible en anglais seulement]

[20]            ACVA, Témoignages, 27 avril 2023, L’hon. Rebecca Patterson (sénatrice, Ontario, GSC), 1915.

[21]            ACVA, Témoignages, 1 mai 2023, Captv Iain Beck (directeur de la santé mentale, Groupe des Services de santé des Forces canadiennes, Forces armées canadiennes), 1550.

[22]            ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Dre Sara Rodrigues (directrice, Recherche appliquée, Institut Atlas pour les vétérans et leur famille), 1940.

[23]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Dre Karen Breeck (majore (à la retraite), coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes), 1915. Voir également les commentaires de la sergente (à la retraite) Nina Usherwood dont la demande d’indemnisation pour le diabète de type 2 a été rejetée par ACC par manque de preuves scientifiques : ACVA, Témoignages, 30 novembre 2023, 1550.

[24]            ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Mme Lisa Garland Baird (chercheuse principale, ministère des Anciens Combattants), 2015.

[25]            ACVA, Témoignages, 1 mai 2023, Captv Iain Beck (directeur de la santé mentale, Groupe des Services de santé des Forces canadiennes, Forces armées canadiennes), 1550.

[26]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Mme Maya Eichler (Chaire de recherche du Canada en innovation sociale et engagement communautaire, Université Mount Saint Vincent, à titre personnel), 1950.

[27]            Maya Eichler, Megan Poole, Kimberley Smith-Evans, Leigh Spanner, Advancing Canadian Research on Servicewomen and Women Veterans, 1 novembre 2022. [disponible en anglais seulement]

[28]            ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Colonelle (à la retraite) Nishika Jardine (Ombud des vétérans, Bureau de l’ombudsman des vétérans), 1835.

[29]            ACVA, Témoignages, 27 avril 2023, L’hon. Rebecca Patterson (sénatrice, Ontario, GSC), 1835.

[30]            ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Chris Edwards (chercheuse, à titre personnel), 1615.

[31]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Dre Karen Breeck (majore (à la retraite), coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes), 1905.

[32]            ACVA, Témoignages, 18 mai 2023, Mme Hélène Le Scelleur (capitaine (à la retraite), coprésidente, Conseil consultatif pour les vétérans du Centre d’excellence, Centre d’excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens), 2005.

[33]            ACVA, Témoignages, 30 novembre 2023, Mme Vivienne Stewart (Conseil des vétéranes de la GRC, à titre personnel), 1610.

[34]            ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Christine Wood (porte-parole des vétérans, à titre personnel), 1650.

[35]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Dre Karen Breeck (majore (à la retraite), coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes), 1925. Voir aussi les remarques de Mme Maya Eichler (Chaire de recherche du Canada en innovation sociale et engagement communautaire, Université Mount Saint Vincent, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, 1930.

[36]            ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, Mme Lisa Cyr (caporale (à la retraite) et propriétaire, Café Félin Ma Langue Aux Chats), 1940.

[37]            ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Rosemary Park (capitaine de corvette (à la retraite), fondatrice, Hommage aux Femmes Militaires Canada), 1600.

[38]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Mme Maya Eichler (Chaire de recherche du Canada en innovation sociale et engagement communautaire, Université Mount Saint Vincent, à titre personnel), 2020.

[39]            ACVA, Témoignages, 27 avril 2023, L’hon. Rebecca Patterson (sénatrice, Ontario, GSC), 1835.

[40]            ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Stéfanie von Hlatky (professeure titulaire, Queen’s University, Chaire de recherche du Canada sur le Genre, la sécurité, et les forces armées, à titre personnel), 1550.

[41]            ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1840.

[42]            ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1910.

[43]            ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, Captv (à la retraite) Louise Siew (à titre personnel), 1900.

[44]            ACVA, Témoignages, 1 mai 2023, Colonelle Lisa Noonan (directrice des services et politiques de transition, Groupe de transition des forces armées canadiennes, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1650.

[45]            ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Mgén Marc Bilodeau (médecin général, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1935.

[46]            ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1915.

[47]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Mme Maya Eichler (Chaire de recherche du Canada en innovation sociale et engagement communautaire, Université Mount Saint Vincent, à titre personnel), 1840.

[48]            ACVA, Témoignages, 24 octobre 2023, Mme Eleanor Taylor (gestionnaire, Engagement communautaire et services d’assistance judiciaire, La Fondation Les Fleurons glorieux), 1720.

[49]            ACVA, Témoignages, 1 mai 2023, Colonelle Lisa Noonan (directrice des services et politiques de transition, Groupe de transition des forces armées canadiennes, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1710.

[50]            Bien que les hommes militaires soient trois fois moins susceptibles que les femmes d’être victimes d’agressions sexuelles dans les FAC, les membres du Comité sont parfaitement conscients que les cas d’inconduite sexuelle à l’encontre des hommes ont augmenté au cours des dix dernières années. Cette tendance est très préoccupante et mérite d’être traitée comme un enjeu spécifique. Les causes particulières de cette augmentation doivent être analysées séparément afin d’éviter qu’elles ne deviennent invisibles si elles sont amalgamées avec les données qui sont, à juste titre, principalement basées sur les agressions sexuelles commises à l’encontre des femmes.

[51]            ACVA, Témoignages, 18 mai 2023, Mme Joy MacDermid (professeure, Centre d’excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens), 1935.

[52]            ACVA, Témoignages, 18 mai 2023, Dr Ramesh Zacharias (chef de la direction, Centre d’excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens), 1940.

[53]            ACVA, Témoignages, 18 mai 2023, Mme Joy MacDermid (professeure, Centre d’excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens), 1910.

[54]            ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Christine Wood (porte-parole des vétérans, à titre personnel), 1605.

[55]            Voir, par exemple, les remarques de la Sergente Nina Charlene Usherwood (à titre personnel), ACVA, Témoignages, 30 novembre 2023, 1630.

[56]            Les analyses de ce chapitre ne s’appliquent qu’indirectement aux vétéranes de la GRC parce que, contrairement à celles des FAC, elles sont couvertes par les régimes d’assurance-maladie provinciaux. Les services de santé qui leur sont offerts s’apparentent donc davantage aux avantages sociaux offerts aux membres de la fonction publique fédérale, y compris des soins de santé complémentaires qui dépassent la couverture des régimes provinciaux dans les cas de blessure ou de maladie professionnelle. Voir à ce sujet le témoignage de Mme Joanne Rigon (directrice exécutive, agente de liaison, Services nationaux de rémunération, Ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada), ACVA, Témoignages, 7 novembre 2023, 1815.

[57]            ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Chris Edwards (chercheuse, à titre personnel), 1700.

[58]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Dre Karen Breeck (majore (à la retraite), coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes), 2000.

[59]            Le ministère de la Défense nationale et ACC viennent d’ouvrir deux projets de financement pour la recherche sur le dysfonctionnement du plancher pelvien. Le premier offre un financement de 40 000$ sur deux ans pour une revue de littérature; le deuxième offre une subvention de 150 000$ pour la publication en anglais d’un rapport sur les facteurs de risques liés à cette condition.

[60]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Dre Karen Breeck (majore (à la retraite), coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes), 2000.

[61]            ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Chris Edwards (chercheuse, à titre personnel), 1615.

[62]            ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Chris Edwards (chercheuse, à titre personnel), 1650. Voir également les commentaires de Mme Stephanie Hayward (vétérane, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 5 décembre 2023, 1630.

[63]            ACVA, Témoignages, 27 avril 2023, Mme Karen McCrimmon (lieutenante-colonelle (à la retraite), à titre personnel), 1840.

[64]            ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Dre Cyd Courchesne (médecin-chef, ministère des Anciens Combattants), 2025.

[65]            ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Chris Edwards (chercheuse, à titre personnel), 1615.

[66]            ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Chris Edwards (chercheuse, à titre personnel), 1700.

[67]            ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Chris Edwards (chercheuse, à titre personnel), 1630.

[68]            ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, Captv (à la retraite) Louise Siew (à titre personnel), 1905.

[69]            ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Donna Riguidel (majore (à la retraite), à titre personnel), 1625.

[70]            ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, Lieutenante-colonelle Sandra Perron (présidente-directrice générale, Le Pepper Pod), 1705.

[71]            ACVA, Témoignages, 5 juin 2023, Caporale-chef Jacqueline Wojcichowsky (à titre personnel), 1605.

[72]            ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Chris Edwards (chercheuse, à titre personnel), 1640.

[73]            ACVA, Témoignages, 5 juin 2023, Caporale-chef Jacqueline Wojcichowsky (à titre personnel), 1635.

[74]            ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Chris Edwards (chercheuse, à titre personnel), 1640.

[75]            ACVA, Témoignages, 7 décembre 2023, Dre Cyd Courchesne (médecin-chef, ministère des Anciens Combattants), 1720.

[76]            ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, Captv (à la retraite) Louise Siew (à titre personnel), 1905.

[77]            ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Christine Wood (porte-parole des vétérans, à titre personnel), 1605.

[78]            ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Marie-Ève Doucet (technicienne en essais non-destructifs, à titre personnel), 1625.

[79]            ACVA, Témoignages, 1 mai 2023, Colonelle Helen Wright (directrice de la protection de la santé des forces, Groupe de santé des Forces canadiennes, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1600.

[80]            ACVA, Témoignages, 1 mai 2023, Colonelle Helen Wright (directrice de la protection de la santé des forces, Groupe de santé des Forces canadiennes, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1620.

[81]            ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1840.

[82]            ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Mgén Marc Bilodeau (médecin général, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1935.

[83]            ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1840.

[84]            ACVA, Témoignages, 27 avril 2023, Mme Karen McCrimmon (lieutenante-colonelle (à la retraite), à titre personnel), 1855.

[85]            ACVA, Témoignages, 7 novembre 2023, Mme Jennifer Ebert (commissaire adjointe, commandante divisionnaire, Division B, Gendarmerie royale du Canada), 1805.

[86]            ACVA, Témoignages, 7 novembre 2023, Mme Jennifer Ebert (commissaire adjointe, commandante divisionnaire, Division B, Gendarmerie royale du Canada), 1810.

[87]            ACVA, Témoignages, 28 novembre 2023, Mme Jane Hall (membre, Conseil des vétéranes de la GRC), 1610.

[88]            ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Stéfanie von Hlatky (professeure titulaire, Queen’s University, Chaire de recherche du Canada sur le Genre, la sécurité, et les forces armées, à titre personnel), 1710.

[89]            ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Marie-Ève Doucet (technicienne en essais non-destructifs, à titre personnel), 1535.

[90]            ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Marie-Ève Doucet (technicienne en essais non-destructifs, à titre personnel), 1535.

[91]            Aux États-Unis, il existe une application mobile permettant au personnel militaire de noter et de suivre leur exposition à certaines substances dont on soupçonne des risques pour la santé.

[92]            Sarah A. Carter et al., “Maternal exposure to aircraft emitted ultrafine particles during pregnancy and likelihood of ASD in children”, Environment International, vol. 178, 2023. [“Exposition de la mère aux particules ultrafines émises par les aéronefs pendant la grossesse et probabilité de TSA chez l’enfant”].

[93]            ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Dr Remington Nevin (directeur exécutif, The Quinism Foundation), 1600.

[94]            ACC a récemment procédé à une recension des pratiques touchant cette présomption de lien avec le service comme établies aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Aucune conclusion quant à la pertinence d’utiliser cette approche au Canada n’en est ressortie. Amy L. Hall, Paul A. Demers, Linda VanTil, Mary Beth MacLean, Maria E. Dalton, Trish Batchelor, Lesley Rushton, Tim R. Driscoll, “Lessons Learned From Presumptive Conditions Lists in Veteran Compensation Systems”, Frontiers in Public Health, 9 mai 2022. [disponible en anglais seulement]

[95]            ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Marie-Ève Doucet (technicienne en essais non-destructifs, à titre personnel), 1625.

[96]            ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, Captv (à la retraite) Louise Siew (à titre personnel), 2005.

[97]            ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Dre Karen Breeck (majore (à la retraite), coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes), 2000.

[98]            ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Colonelle (à la retraite) Nishika Jardine (Ombud des vétérans, Bureau de l’ombudsman des vétérans), 1905.

[99]            ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Mme Trudie MacKinnon (directrice générale intérimaire, Direction générale des opérations centralisées, ministère des Anciens Combattants), 1910.

[100]          ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, Dre Elaine Waddington Lamont (directrice de la santé mentale, Jardin de ressourcement des femmes combattantes), 1605.

[102]          ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Colonelle (à la retraite) Nishika Jardine (Ombud des vétérans, Bureau de l’ombudsman des vétérans), 1845.

[103]          ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Mme Trudie MacKinnon (directrice générale intérimaire, Direction générale des opérations centralisées, ministère des Anciens Combattants), 1910.

[104]          ACVA, Témoignages, 12 juin 2023, Mme Melanie MacDonald (chef d’équipe, Initiative de modernisation des Lignes directrices sur l’admissibilité (LDA) au droit à pension, ministère des Anciens Combattants), 1730.

[105]          ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, Mme Carolyn Hughes (directrice, Services aux vétérans, Siège national, La Légion royale canadienne), 1655.

[106]          ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, Mme Carolyn Hughes (directrice, Services aux vétérans, Siège national, La Légion royale canadienne), 1650.

[107]          ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, Captv (à la retraite) Louise Siew (à titre personnel), 2015.

[108]          ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Rosemary Park (capitaine de corvette (à la retraite), fondatrice, Hommage aux Femmes Militaires Canada), 1735.

[109]          ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, Mme Carolyn Hughes (directrice, Services aux vétérans, Siège national, La Légion royale canadienne), 1655.

[110]          ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Mary Beth MacLean (associée-conseil en recherche, à titre personnel), 1900.

[111]          ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Mary Beth MacLean (associée-conseil en recherche, à titre personnel), 1900.

[112]          Anciens Combattants Canada, Pre- and Post-Release Income of Regular Force Veterans: Life After Service Studies 2019, section 3.8. [disponible en anglais seulement]

[113]          39 % des vétéranes ont cumulé 20 ans de service militaire ou plus, comparativement à 49 % des vétérans. Voir Mary Beth MacLean, Jacinta Keough, Alain Poirier, Kritopher McKinnon et Jill Sweet, “Labour Market Outcome of Veterans”, Journal of Military, Veteran and Family Health, Vol. 5, No. 1, 2019. [disponible en anglais seulement]

[114]          ACVA, Témoignages, 28 novembre 2023, Mme Jessica Miller (Fondatrice et directrice, Veteran Farm Project Society), 1730.

[115]          ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, M. Nathan Svenson (directeur, Recherche, ministère des Anciens Combattants), 1935.

[116]          ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 2005.

[117]          ACVA, Témoignages, 12 juin 2023, Mme Maureen McGrath (directrice, Programme de réadaptation professionnelle de l’Assurance invalidité prolongée des Forces armées canadiennes, Financière Manuvie), 1705.

[118]          ACVA, Témoignages, 18 mai 2023, Mme Alana Jaquemet (travailleuse sociale autorisée et psychothérapeute autorisée, à titre personnel), 1855.

[119]          ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Stéfanie von Hlatky (professeure titulaire, Queen’s University, Chaire de recherche du Canada sur le Genre, la sécurité, et les forces armées, à titre personnel), 1550.

[120]          ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Mary Beth MacLean (associée-conseil en recherche, à titre personnel), 1835.

[121]          ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Mme Lisa Garland Baird (chercheuse principale, ministère des Anciens Combattants), 1950.

[122]          ACVA, Témoignages, 24 avril 2023, M. Joseph Maloney (directeur général, Du régiment aux bâtiments), 1605.

[123]          ACVA, Témoignages, 24 avril 2023, M. Jeff Musson (directeur général, Coding for Veterans), 1635.

[124]          ACVA, Témoignages, 24 avril 2023, Colonelle (à la retraite) Patricia Henry (coordinatrice de connexion pour les militaires et les anciens combattants, Willis College, Association nationale des collèges de carrières), 1630.

[125]          ACVA, Témoignages, 24 avril 2023, Mme Kathleen Kilgour (gestionnaire principale de programmes, La Fondation du prince au Canada), 1620.

[126]          ACVA, Témoignages, 24 avril 2023, Mme Kathleen Kilgour (gestionnaire principale de programmes, La Fondation du prince au Canada), 1630. Voir aussi les remarques de Mme Kristin Topping (ambassadrice du programme, La Fondation du prince au Canada), 1620, et de Mme Cora Saunders (spécialiste en sensibilisation, Femmes et LGBTQ2+, Du régiment aux bâtiments), 1630.

[127]          ACVA, Témoignages, 1 mai 2023, Colonelle Lisa Noonan (directrice des services et politiques de transition, Groupe de transition des forces armées canadiennes, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1720.

[128]          ACVA, Témoignages, 1 mai 2023, Colonelle Lisa Noonan (directrice des services et politiques de transition, Groupe de transition des forces armées canadiennes, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1720.

[129]          ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1840.

[130]          ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 2015.

[131]          Telah Morrison, Mémoire déposé au Comité.

[132]          ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1840.

[133]          ACVA, Témoignages, 18 mai 2023, Mme Alisha Henson (psychologue clinicienne, Exercice sous supervision, à titre personnel), 2010.

[134]          ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Stéfanie von Hlatky (professeure titulaire, Queen’s University, Chaire de recherche du Canada sur le Genre, la sécurité, et les forces armées, à titre personnel), 1700.

[135]          ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Debbie Lowther (présidente-directrice générale et cofondatrice, Veterans Emergency Transition Services), 1625.

[136]          Michael Short, Stephanie Felder, Lisa Garland Baird, Brenda Gamble, “Female Veterans’ risk factors for homelessness: A scoping review”, Journal of Military, Veteran and Family Health, 6 octobre 2023. [disponible en anglais seulement]

[137]          ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Debbie Lowther (présidente-directrice générale et cofondatrice, Veterans Emergency Transition Services), 1655.

[138]          ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Debbie Lowther (présidente-directrice générale et cofondatrice, Veterans Emergency Transition Services), 1620.

[139]          ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Jennifer Smith (vétérane, à titre personnel), 1610.

[140]          ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Jennifer Smith (vétérane, à titre personnel), 1700.

[142]          Sur cette persistance dans la compréhension des rôles féminin et masculin durant le service militaire et la transition à la vie civile, voir Maya Eichler, « Making military and Veteran women (in)visible : The continuity of gendered experiences in military-to-civilian transition », Journal of Military, Veteran and Family Health, 30 novembre 2021. [disponible en anglais seulement]

[143]          ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Jennifer Smith (vétérane, à titre personnel), 1655.

[144]          ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Jennifer Smith (vétérane, à titre personnel), 1550.

[145]          ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, Mme Dawn McIlmoyle (matelot de 3e classe, infirmière autorisée, à titre personnel), 1715.

[146]          ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Jennifer Smith (vétérane, à titre personnel), 1615. Voir également les remarques de Mme Anna-Lisa Rovak (vétérane, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 24 octobre 2023, 1710.

[147]          ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Colonelle (à la retraite) Nishika Jardine (Ombud des vétérans, Bureau de l’ombudsman des vétérans), 1840.

[148]          ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Colonelle (à la retraite) Nishika Jardine (Ombud des vétérans, Bureau de l’ombudsman des vétérans), 1920.

[149]          ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Mme Maya Eichler (Chaire de recherche du Canada en innovation sociale et engagement communautaire, Université Mount Saint Vincent, à titre personnel), 2025.

[150]          ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Dre Cyd Courchesne (médecin-chef, ministère des Anciens Combattants), 1855.

[151]          ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Dre Cyd Courchesne (médecin-chef, ministère des Anciens Combattants), 1855.

[152]          ACVA, Témoignages, 12 juin 2023, M. Steven Harris (sous-ministre adjoint, Secteur de la prestation des services, ministère des Anciens Combattants), 1650.

[153]          ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, M. Nathan Svenson (directeur, Recherche, ministère des Anciens Combattants), 1935.

[154]          Voir par exemple les témoignages de Mme Alice Aiken (vétérane, vice-présidente recherche et innovation, Université Dalhousie, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, 1620 ; Mme Carly Arkell (majore (à la retraite), à titre personnel), ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, 2025.

[155]          ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Colonelle (à la retraite) Nishika Jardine (Ombud des vétérans, Bureau de l’ombudsman des vétérans), 1900.

[156]          Voir à cet égard le témoignage de Mme Anna-Lisa Rovak (vétérane, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 24 octobre 2023, 1630.

[157]          Voir entre autres les témoignages de Mme Alice Aiken (vétérane, vice-présidente recherche et innovation, Université Dalhousie, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, 1700 ; Mme Lisa Nilsson (maître de 2e classe (à la retraite), à titre personnel), ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, 1845.

[158]          Voir entre autres les témoignage de Mme Nicole Langlois (vétérane, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, 1635 ; et de Mme Brigitte Laverdure (vétérane, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, 1635.

[159]          Voir entre autres le témoignage de Mme Alice Aiken (vétérane, vice-présidente recherche et innovation, Université Dalhousie, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, 1635.

[160]          Par exemple : ACVA, Témoignages, 24 octobre 2023, Mme Anna-Lisa Rovak (vétérane, à titre personnel), 1735 ; ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Christine Wood (porte-parole des vétérans, à titre personnel), 1630 ; ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Rosemary Park (capitaine de corvette (à la retraite), fondatrice, Hommage aux Femmes Militaires Canada), 1645 ; ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, Mme Nadine Schultz-Nielsen (matelot de 1re classe (à la retraite), à titre personnel), 2015.

[161]          ACVA, Témoignages, 31 octobre 2023, Mme Debbie Lowther (présidente-directrice générale et cofondatrice, Veterans Emergency Transition Services), 1620. Voir aussi les remarques de Mme Christine Wood (porte-parole des vétérans, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, 1635 ; de Dre Karen Breeck (majore (à la retraite), coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes), ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, 1925 ; de Mme Karen McCrimmon (lieutenante-colonelle (à la retraite), à titre personnel), ACVA, Témoignages, 27 avril 2023, 1840.

[162]          Advisory Committee on Women Veterans, 2022 Report.[disponible en anglais seulement]

[163]          ACVA, Témoignages, 24 octobre 2023, Mme Eleanor Taylor (gestionnaire, Engagement communautaire et services d’assistance judiciaire, La Fondation Les Fleurons glorieux), 1625.

[164]          ACVA, Témoignages, 24 octobre 2023, Mme Adrienne Davidson-Helgerson (directrice des opérations, Operational Stress Recovery, Davidson Institute), 1650.

[165]          ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, Lieutenante-colonelle Sandra Perron (présidente-directrice générale, Le Pepper Pod), 1625.

[166]          ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, Lieutenante-colonelle Sandra Perron (présidente-directrice générale, Le Pepper Pod), 1645.

[167]          ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, Dre Elaine Waddington Lamont (directrice de la santé mentale, Jardin de ressourcement des femmes combattantes), 1600.

[168]          ACVA, Témoignages, 28 novembre 2023, Mme Jessica Miller (Fondatrice et directrice, Veteran Farm Project Society), 1620.

[169]          ACVA, Témoignages, 28 novembre 2023, Mme Marion Turmine (directrice des opérations, province de Québec, Réseau de transition des vétérans), 1725.

[170]          ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Stéfanie von Hlatky (professeure titulaire, Queen’s University, Chaire de recherche du Canada sur le Genre, la sécurité, et les forces armées, à titre personnel), 1710.

[171]          ACVA, Témoignages, 24 octobre 2023, Mme Adrienne Davidson-Helgerson (directrice des opérations, Operational Stress Recovery, Davidson Institute), 1730.

[172]          Ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes (MDN/FAC), Rapport d’étape des Forces armées canadiennes sur la lutte contre les comportements sexuels inappropriés, 1 février 2016, p. 3.

[173]          Noémi Mercier et Alec Castonguay, « Crimes sexuels : le cancer qui ronge l’armée canadienne », L’Actualité, 22 avril 2014.

[175]          MDN/FAC, « À propos de l’opération HONOUR ».

[177]          Pour un aperçu des litiges antérieurs au recours collectif de Merlo, voir le chapitre 4 de Michel Bastarache, Rêves brisés, vies brisées. Les effets dévastateurs du harcèlement sexuel sur les femmes au sein de la GRC. Rapport final sur la mise en œuvre de l’Accord de règlement de Merlo Davidson, 11 novembre 2020.

[184]          ACVA, Témoignages, 7 novembre 2023, Mme Nadine Huggins (dirigeante principale des ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada), 1800.

[185]          Pour une étude détaillée de cette question, voir le Mémoire de Vivienne Stewart.

[186]          ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Colonelle (à la retraite) Nishika Jardine (Ombud des vétérans, Bureau de l’ombudsman des vétérans), 1840. Voir également les remarques de Mme Vivienne Stewart (Conseil des vétéranes de la GRC, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 30 novembre 2023, 1600.

[187]          ACVA, Témoignages, 30 mars 2023, Colonelle (à la retraite) Nishika Jardine (Ombud des vétérans, Bureau de l’ombudsman des vétérans), 1845.

[189]          ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Dre Karen Breeck (majore (à la retraite), coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes), 2000.

[190]          Quelques témoins ont critiqué l’organisation de ces mesures réparatrices. Voir par exemple Mme Alice Aiken (vétérane, vice-présidente recherche et innovation, Université Dalhousie, à titre personnel), ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, 1600 et 1615.

[191]          Des demandes tardives ont pu être présentées jusqu’au 5 février 2023.

[193]          ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, Mme Alice Aiken (vétérane, vice-présidente recherche et innovation, Université Dalhousie, à titre personnel), 1710. Voir également l’expérience positive relatée par Mme Elena Vazquez (adjudante-maître (à la retraite), étudiante, Coding for Veterans), ACVA, Témoignages, 24 avril 2023, 1600.

[194]          Pour une analyse plus détaillée de ces notions, voir la section « Agression sexuelle et autres infractions d’ordre sexuel » de l’étude Estimation de l’incidence économique des crimes violents au Canada en 2009, Ministère de la justice du Canada, 2014.

[195]          Statistique Canada, Les inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennes, 2022, 8 mai 2023. La définition d’agression sexuelle utilisée par Statistique Canada est la même que celle qui figure au Code criminel. Les proportions sont comparables pour les membres de la Première réserve, mais les échantillons sont trop faibles pour permettre des comparaisons avec les années antérieures.

[196]          ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1840.

[197]          Statistique Canada, Les inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennes, 2022, 8 mai 2023. La définition d’agression sexuelle utilisée par Statistique Canada est la même que celle qui figure au Code criminel.

[198]          ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, Lieutenante-colonelle Sandra Perron (présidente-directrice générale, Le Pepper Pod), 1715.

[199]          ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 1930.

[200]          Statistique Canada, Les inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennes, 2022, 8 mai 2023. La définition d’agression sexuelle utilisée par Statistique Canada est la même que celle qui figure au Code criminel.

[201]          ACVA, Témoignages, 5 juin 2023, Mme Kathleen Mary Ryan (sergente (à la retraite), à titre personnel), 1720.

[202]          ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Donna Riguidel (majore (à la retraite), à titre personnel), 1625. ACVA, Témoignages, 5 décembre 2023, Mme Stephanie Hayward (vétérane, à titre personnel), 1645.

[203]          ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Donna Riguidel (majore (à la retraite), à titre personnel), 1540.

[204]          ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Michelle Douglas (directrice exécutive, Fonds Purge LGBT), 1555.

[205]          ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, Mme Alice Aiken (vétérane, vice-présidente recherche et innovation, Université Dalhousie, à titre personnel), 1705.

[206]          ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Donna Riguidel (majore (à la retraite), à titre personnel), 1540.

[207]          ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Michelle Douglas (directrice exécutive, Fonds Purge LGBT), 1550.

[208]          ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, Mme Brigitte Laverdure (vétérane, à titre personnel), 1705.

[209]          ACVA, Témoignages, 7 décembre 2023, Col Peter Rowe (directeur, Gestion du soutien aux blessés, ministère de la Défense nationale), 1545.

[211]          ACVA, Témoignages, 7 décembre 2023, Mme Linda Rizzo Michelin (chef des opérations, Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle, ministère de la Défense nationale), 1550.

[212]          ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Donna Riguidel (majore (à la retraite), à titre personnel), 1655.

[213]          ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Mme Rosemary Park (capitaine de corvette (à la retraite), fondatrice, Hommage aux Femmes Militaires Canada), 1600.

[214]          ACVA, Témoignages, 9 novembre 2023, Mme Jennifer Smith (vétérane, à titre personnel), 1620.

[215]          Le tribunal a accepté de recevoir des demandes tardives jusqu’au 5 février 2023 si le retard pouvait être justifié.

[216]          ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Lgén Lise Bourgon (chef du personnel militaire par intérim, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 2025.

[217]          ACVA, Témoignages, 7 décembre 2023, Mme Linda Rizzo Michelin (chef des opérations, Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle, ministère de la Défense nationale), 1550.

[218]          Morris J. Fish, Rapport de l’autorité du troisième examen indépendant au ministre de la Défense nationale, 30 avril 2021, en particulier le chapitre 2.

[219]          Statistique Canada, Les inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennes, 2022, 8 mai 2023.

[220]          Ministère de la Défense nationale, « Présentation de la Loi modernisant le système de justice militaire », 21 mars 2024.

[221]          ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, Mme Lisa Cyr (caporale (à la retraite) et propriétaire, Café Félin Ma Langue Aux Chats), 2005.

[222]          ACVA, Témoignages, 4 mai 2023, Mme Trudie MacKinnon (directrice générale intérimaire, Direction générale des opérations centralisées, ministère des Anciens Combattants), 1915.

[223]          ACVA, Témoignages, 12 juin 2023, Mme Trudie MacKinnon (directrice générale intérimaire, Direction générale des opérations centralisées, ministère des Anciens Combattants), 1715.

[224]          Réponse à une question posée lors de la réunion du 7 novembre 2023.

[225]          La réponse du ministère montre également l’assimilation sommaire faite entre les conséquences d’un traumatisme sexuel et les problèmes de santé mentale. Comme l’explique Paula MacDonald dans son mémoire : « Les blessures liées aux agressions sexuelles sont considérées comme des “maladies mentales” dans le cadre d’ACC et les victimes reçoivent une indemnisation en vertu des directives relatives aux blessures mentales comme le syndrome de stress post-traumatique (SSPT), l’anxiété ou la dépression. Il est scientifiquement inexact de concevoir les conséquences de la violence sexuelle uniquement comme une maladie mentale pour les victimes. Les conséquences physiques des TSM ne sont pas évaluées et traitées de manière adéquate par le ministère. »

[226]          ACVA, Témoignages, 12 juin 2023, Mme Trudie MacKinnon (directrice générale intérimaire, Direction générale des opérations centralisées, ministère des Anciens Combattants), 1715.

[227]          ACVA, Témoignages, 1 juin 2023, Cmdre Daniel Bouchard (commandant, Groupe de transition des Forces armées canadiennes, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale), 2025.

[228]          ACVA, Témoignages, 26 octobre 2023, Mme Alice Aiken (vétérane, vice-présidente recherche et innovation, Université Dalhousie, à titre personnel), 1715.

[229]          Selon l’Entente, les mises à jour des politiques devaient comprendre une précision selon laquelle une demande de prestations « ne peut pas être rejetée au seul motif que cet incident est survenu hors de la propriété des FAC ou à un événement auquel le requérant n’était pas tenu d’assister. Il est reconnu que chaque décision en ce qui concerne le lien ou l’absence de lien entre une blessure ou une maladie et le service militaire est prise par ACC eu égard à tous les facteurs de preuve contextuelle pertinents. » Entente de règlement définitive, section 6.02, « Politiques mises à jour ».