ACVA Rapport du Comité
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Rachel Blaney -- Rapport supplémentaire NPD
Le Comité permanent des anciens combattants (ACVA) a entrepris une étude vitale, attendue depuis longtemps, sur les expériences des Vétéranes pendant leur période de service dans les Forces armées canadiennes (FAC) et en tant que vétérans. Cette étude est cruciale car elle révèle comment les femmes, et nous incluons ici toutes celles qui s’identifient comme des femmes, sont traitées par les systèmes dans lesquels elles se sont engagées. Les femmes qui se sont manifestées ont fait preuve d’un courage incroyable en racontant leur histoire. Nombre d’entre elles ont parlé de leurs expériences de traumatisme sexuel et d’inconduite, de leurs blessures physiques et psychologiques durables et de l’invisibilité qu’elles ont ressentie en voyant leurs réalités ignorées par les FAC, Anciens Combattants Canada (ACC) et les gouvernements de toutes les allégeances.
Malheureusement, l’étude a confirmé ce que de nombreuses femmes que nous avons entendues savaient déjà : les expériences des femmes dans les FAC et en tant qu’anciennes combattantes sont régulièrement ignorées ou rejetées. Elles sont incapables d’obtenir un traitement en raison d’un manque de fournisseurs de soins de santé qui connaissent les soins de santé pour les femmes, et elles sont trop souvent victimes de traumatismes sexuels, de harcèlement et d’autres comportements répréhensibles durant leur parcours au sein des FAC.
Cette question s’étend des FAC à ACC et aux décennies de gouvernements successifs qui ont refusé de reconnaître les voix des femmes et n’ont pas réussi à mettre en œuvre des changements à plusieurs reprises. Elle dépasse également le cadre des organisations pour s’étendre à l’ensemble de la société.
Dans son témoignage, la professeure Maya Eichler a souligné à quel point l’invisibilité des femmes imprègne la société :
« Je pense qu’il n’y a pas non plus d’identité claire des anciennes combattantes au Canada. Il n’y a pas d’imaginaire social de ce qu’est une ancienne combattante. Si vous parlez des anciens combattants, les gens verront l’image d’un ancien combattant âgé de la Seconde Guerre mondiale. Je pense que cela fait partie de ce qui doit changer à un niveau national et sociétal plus large, à savoir que nous considérions les femmes comme des membres des Forces armées et des anciennes combattantes. »[1]
La question sous-jacente est claire. Lorsque les femmes ont finalement été admises dans les FAC, leurs programmes et politiques auraient dû être réexaminés afin de déterminer dans quelle mesure l’intégration des femmes modifierait le mode de fonctionnement des FAC. Les FAC auraient alors dû s’adapter pour traiter les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes, plutôt que de continuer d’appliquer des politiques oppressives qui rendaient le service des femmes incroyablement difficile et traumatisant. Lorsque les femmes se sont manifestées, elles auraient dû être entendues, au lieu de devenir invisibles.
Au contraire, les politiques des FAC punissaient les femmes, portaient atteinte à leur sécurité et faisaient d’elles des cibles lorsqu’elles dénonçaient des problèmes au sein des FAC. Parmi les nombreux abus auxquels les femmes faisaient face, citons le fait d’être obligées de porter des uniformes et d’utiliser des équipements conçus pour les hommes, le manque d’accès à des soins médicaux spécifiques aux femmes et une culture misogyne qui permettait aux traumatismes sexuels militaires de se développer.
Les FAC ont beaucoup parlé de leurs progrès, mais ceux-ci ont presque toujours été imposés, soit par des règlements, soit par le système judiciaire. Il est rare que des changements aient été apportés sans pression extérieure. Souvent, les femmes ont été laissées à elles-mêmes pour résoudre leurs problèmes ou pour supporter un traitement inacceptable.
Au cours de son témoignage, la capitaine de vaisseau (à la retraite) Louise Siew a raconté son histoire : elle était enceinte pendant son service et n’avait pas accès à un uniforme adapté à la maternité. « J’ai porté ma propre version d’un uniforme adapté à la maternité, car l’armée ne m’offrait aucune option à cet égard. J’ai cultivé un réseau informel de centaines de femmes militaires dans l’ensemble des Forces canadiennes, et je leur transmettais des renseignements sur des enjeux constants tels que l’équipement, l’uniforme, les prestations de maternité et ainsi de suite. J’ai contré des agressions sexuelles et j’ai encaissé de nombreux reproches pour mon militantisme, et j’ai toujours eu l’impression d’être seule pour mener ces luttes ».[2]
Le manque d’équipement médical adéquat dans les FAC a conduit les femmes à entreprendre de longs voyages lors de leurs missions pour obtenir des soins médicaux appropriés. Karen Breeck a parlé de l’obligation de fournir du matériel médical, comme des spéculums, lors des missions de l’ONU, afin que les femmes ne soient plus obligées de s’absenter de leur mission – souvent au péril de leur vie – pour avoir accès à du matériel médical vital. [3]
La plupart des recherches sur les FAC sont axées sur les hommes ou sur la comparaison entre les femmes et les hommes. Cela rend généralement les femmes invisibles dans le système et entraîne des erreurs de diagnostic, empêchant les femmes d’obtenir un traitement adéquat. Il en résulte des lacunes importantes dans notre connaissance et notre compréhension de la santé des Vétéranes et de leurs expériences.
La lieutenant-colonel (à la retraite) Sandra Perron a témoigné devant le Comité que les symptômes de la ménopause sont diagnostiqués à tort comme des troubles anxieux, ce qui est clairement lié au manque de connaissances médicales spécifiques aux femmes dans le système médical des FAC. [4]
En outre, la sénatrice Rebecca Patterson a fait remarquer que le terme « neutre » exclut les femmes et a déclaré que les femmes ne devraient pas être regroupées dans un seul programme ou domaine de financement pour tous les groupes visés par l’équité. [5]
Bien que les rapports d’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) soient censés aborder ces questions, la Dre Eichler a noté que ces rapports sont mal faits, souvent de manière superficielle et non transparente.
« Le fait de diffuser [des rapports sur l’ACS+] de manière transparente permettrait d’obtenir de la rétroaction, ce qui serait vraiment important. Anciens Combattants a une stratégie ACS+, mais je n’ai pas vu beaucoup d’analyses qui ont été diffusées, alors je vous encourage vraiment à les demander. »[6]
Le NPD est d’accord pour dire que les expériences des femmes doivent être prises en compte et mises en contexte. Nous recommandons la publication des rapports ACS+ d’ACC, qui fourniront un contexte sur la performance de ses programmes en matière de genre et de diversité et augmenteront la transparence.
Cette étude fournit une image importante des abus et des injustices auxquels les femmes des FAC et les Vétéranes sont confrontées. Cependant, le tableau n’est pas complet. Nous savons que de nombreuses femmes ont lutté, mais nous n’avons pas suffisamment entendu parler des expériences des communautés des personnes noires, autochtones et de couleur ou 2ELGBTQI+ pour obtenir une image complète de ce qu’elles ont enduré. Leurs expériences vécues sont cruciales pour comprendre comment les FAC et ACC traitent toutes les femmes militaires et les vétérans. Il faut redoubler d’efforts pour créer un espace sécuritaire où toutes les personnes qui s’identifient comme des femmes se sentent autorisées à se manifester et à raconter leur histoire.
Le NPD recommande que davantage d’efforts soient déployés au niveau des FAC, d’ACC et des comités pour s’assurer que les personnes qui travaillent avec les vétérans et les militaires et qui les aident reçoivent une formation tenant compte des traumatismes. Tous les vétérans qui communiquent avec ACC ont subi une forme ou une autre de traumatisme pendant leur service, mais peu d’entre eux reçoivent des soins qui reconnaissent le rôle que joue le traumatisme dans leurs problèmes de santé et leurs interactions avec les services.
En outre, cette formation tenant compte des traumatismes doit également prendre en considération les différences dans la manière dont les traumatismes se manifestent entre les femmes et les hommes.
Christine Wood a déclaré que « les problèmes spécifiques aux femmes sont invisibles » et a noté que son syndrome de stress post-traumatique (SSPT) se manifeste physiquement, mais qu’ACC ne reconnaît pas ses problèmes de santé comme étant liés au SSPT. En conséquence, ses demandes de prestations ont toutes été refusées.[7]
Dans son témoignage, la majore (à la retraite) Joanne Seviour, cliente du ministère des anciens combattants depuis 11 ans, a déclaré : « Pour ce qui est des blessures physiques, le ministère des Anciens Combattants a été très utile, mais j’avais presque l’impression de traiter avec un assureur privé qui refuse tout du premier coup dans l’espoir que le client laisse tomber ».[8]
Il est évident, d’après le témoignage des anciennes combattantes, que les processus bureaucratiques de demande d’ACC ne tiennent pas compte des traumatismes. La seule formation que reçoivent les travailleurs d’ACC est une formation de quelques heures sur les traumatismes et les vétérans par le biais d’un portail en ligne, sans aucun suivi.
En outre, malgré les niveaux élevés de traumatismes sexuels militaires, il n’existe pas de formation obligatoire pour soutenir les survivantes de traumatismes sexuels militaires. La majore (à la retraite) Donna Riguidel a déclaré qu’elle avait « tenté de s’en sortir » après avoir été victime d’agressions, d’abus et de harcèlement répétés, mais qu’elle n’avait reçu aucun soutien, même après avoir créé un programme de formation pour les FAC sur le soutien aux victimes de traumatismes sexuels militaires, pour lequel elle a reçu un prix.
« En 2014, il n’existait pas de formation obligatoire sur la façon de soutenir une personne qui divulgue un traumatisme sexuel en milieu militaire, et il n’y en a toujours pas. Être victime d’un viol ne devrait pas vous coûter votre carrière… Au printemps 2021, quatre survivantes se sont réunies pour créer cette entité que nous appelons le Survivor Perspectives Consulting Group. Au cours de ma dernière année en uniforme, j’ai formé près de 2 000 membres des Forces armées canadiennes sur la façon de soutenir les victimes et de reconnaître les signes avant-coureurs du comportement. Nous avons formé des militaires fraîchement recrutés et jusqu’à des généraux trois étoiles, et d’après le sondage que nous effectuons après la formation, 83 % des personnes formées ont dit qu’elles savaient dorénavant comment soutenir quelqu’un. À ce jour, 98 % des personnes formées affirment que cette formation devrait être donnée à l’échelle des Forces Armées Canadiennes… Au cours de ma dernière année en uniforme, j’ai reçu une mention élogieuse du chef d’état-major de la défense pour avoir créé ce programme et j’ai reçu une lettre de la lieutenante-générale Carignan m’informant que les dirigeants des Forces armées canadiennes ne voyaient aucun intérêt à institutionnaliser cette formation. Aucun des dirigeants du groupe Chef – Conduite professionnelle et culture ou du bureau du chef d’état-major de la défense n’a suivi cette formation. »[9]
Joanne Seviour ajoute : « Lorsque j’ai été diagnostiquée – j’ai passé six mois à être traitée par un psychologue clinicien pour une dépression tenace et pour un trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle chez la femme, un nouveau désordre répertorié dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le DSM –, le ministère des Anciens Combattants a ignoré l’un des deux troubles. J’ai parlé à quatre personnes différentes, qui m’ont dit : « Eh bien, nous ne l’avons pas nié, nous l’avons simplement ignoré. Nous l’avons simplement ignoré. »[10]
Les anciens combattants et les personnes desservies par ACC ont risqué leur vie et leur bien-être personnel pour servir leur pays. La culture d’ACC doit passer de celle d’une agence d’assurance à celle d’une agence qui se soucie des autres et qui utilise des pratiques tenant compte des traumatismes pour mieux servir ses clients.
Trop souvent, nous pensons que l’oppression ne prend la forme que de haine et d’abus manifestes. Mais l’oppression est aussi plus insidieuse. L’oppression consiste à ignorer les réalités de nos semblables. C’est dire explicitement ou montrer implicitement que toute personne en dehors d’un cadre de référence spécifique doit soit se changer pour s’adapter à ce cadre de référence, soit risquer d’être ignorée, exclue et diminuée.
Dans le cas des femmes incroyablement courageuses qui se sont enrôlées dans les FAC, cette oppression est venue de l’institution même dont elles étaient prêtes à risquer leur santé et leur sécurité pour en faire partie. Elles se sont dévouées pour les FAC, mais on leur a montré et dit à maintes reprises que leurs réalités, leurs blessures et les abus qu’elles ont subis en s’enrôlant n’avaient pas d’importance.
Les femmes qui ont raconté leur histoire ont fait preuve d’un grand courage, tout comme les personnes qui se sont montrées solidaires avec elles. Il n’est pas facile de parler d’abus, de traumatismes sexuels militaires, de harcèlement et d’invisibilité. Nous avons envers ces femmes une dette qui ne pourra jamais être remboursée et nous devons exiger et attendre des changements à l’avenir.
Comme le dit Hélène Le Scelleur, « Je fais partie de ces nombreuses femmes qui ont appris à taire les maux, les mauvais traitements et leur propre souffrance pour se faire respecter en tant que militaires. Mais, que se passe-t-il lorsque notre carrière est forcée à une fin que nous n’avons pas choisie et que nos blessures, qu’elles soient physiques ou psychologiques, deviennent le symbole de cette fin? Je crois qu’il est important de considérer que cette transition vers la vie civile n’est pas sans heurts pour les Vétéranes, car en plus de devoir se dévoiler, elles doivent aussi lutter pour prouver qu’elles sont aussi des vétérans blessés et qu’elles méritent le respect. »[11]
Si cette étude constitue un pas important dans la bonne direction, elle n’est que cela. Une étape importante. Elle n’est pas et ne peut pas être la fin de ce voyage. Toutes les femmes qui servent, ont servi et serviront méritent que leur voix soit entendue et que leur point de vue soit pris au sérieux. Cela signifie qu’il faut adopter les recommandations du rapport, traiter les femmes comme des participantes égales au sein des FAC et veiller à ce qu’elles aient accès aux soutiens et aux ressources dont elles ont besoin pour s’épanouir, tant pendant leur service qu’en tant qu’anciennes combattantes.
Cela va au-delà des lignes de parti. Tous les gouvernements, les uns après les autres, ont ignoré les voix des anciennes combattantes et des femmes militaires. Le fait que tant de femmes se soient manifestées et aient fait preuve de solidarité montre qu’elles sont convaincues qu’il est encore possible d’apporter des changements significatifs et que ce rapport les passionne.
La Dre Breeck a déclaré : « Il devient vite important pour la sécurité nationale d’élaborer un plan stratégique pangouvernemental sur la façon de mieux nous inclure et de prendre soin de nous dans l’armée et par la suite ».[12]
Les femmes qui ont témoigné et celles qui ne se sentaient pas à l’aise pour le faire méritent notre gratitude, notre reconnaissance et notre respect. Elles méritent également notre action. Elles se sont soutenues et aidées les unes les autres pendant et après leur service, ce qui est une belle chose à voir. Il est plus que temps que le gouvernement et ses institutions les soutiennent et s’occupent d’elles.
Ce rapport a donné aux femmes une lueur d’espoir que quelque chose soit enfin fait. Ne gaspillons pas cet espoir en le transformant en cynisme par l’inaction du gouvernement. Il est de notre devoir de donner suite aux recommandations du rapport afin que ces femmes ne soient vraiment plus invisibles.
[1] ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Maya Eichler (Chaire de recherche du Canada sur l’innovation sociale et l’engagement communautaire, Mount Saint Vincent University, à titre individuel).
[2] ACVA, Témoignages, 15 juin 2023, Captv (à la retraite) Louise Siew (à titre personnel).
[3] ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, majore (à la retraite) Karen Breeck, coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des Vétéranes).
[4] ACVA, Témoignages, 8 mai 2023, lieutenant-colonel Sandra Perron (présidente-directrice générale, The Pepper Pod).
[5] ACVA, Témoignages, 27 avril 2023, l’hon. Rebecca Patterson (sénatrice, Ontario, GSC, à titre personnel).
[6] ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Maya Eichler (Chaire de recherche du Canada sur l’innovation sociale et l’engagement communautaire, Mount Saint Vincent University, à titre individuel).
[7] ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Christine Wood (porte-parole des vétérans, à titre individuel).
[8] ACVA, Témoignages, 5 juin 2023, Joanne Seviour (majore (à la retraite) à titre individuel).
[9] ACVA, Témoignages, 17 avril 2023, Donna Riguidel (majore (à la retraite), à titre personnel).
[10] ACVA, Témoignages, 5 juin 2023, Joanne Seviour (majore (à la retraite), à titre personnel).
[11] ACVA, Témoignages, 18 mai 2023, Hélène Le Scelleur (capitaine (à la retraite), coprésidente, Conseil consultatif pour les vétérans du Centre d’excellence, Centre d’excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens, à titre personnel).
[12] ACVA, Témoignages, 20 avril 2023, Karen Breeck, (majore (à la retraite), coprésidente, Réseau de recherche et d’engagement des Vétéranes).