ACVA Rapport du Comité
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L’INTÉGRATION DES CHIENS D’ASSISTANCE AU PROGRAMME DE RÉADAPTATION D’ANCIENS COMBATTANTS CANADA
Préambule : Définitions
Un élément clé du débat entourant la contribution des chiens d’assistance à la qualité de vie des vétérans souffrant de problèmes de santé mentale réside dans la définition même de ce qu’est un chien d’assistance. On utilise généralement l’appellation de « chien d’assistance » pour le distinguer du simple chien de compagnie. Le chien d’assistance contribue à la santé et au bien-être de la personne qu’il accompagne parce qu’il peut faire des choses que le chien de compagnie ne peut pas faire. On s’attend à ce qu’il soit en quelque sorte un « professionnel de la santé ». Ce qui fait de lui un professionnel est l’entraînement spécialisé qu’il a reçu. Pour être appelé un chien d’assistance, un animal doit donc avoir reçu un entraînement qui soit supérieur au dressage que reçoivent habituellement les chiens de compagnie.
Le professionnalisme du chien d’assistance doit également être reconnu par une autorité publique sous la forme d’une certification quelconque. Puisque le chien fournit des services de santé et de bien-être, la division constitutionnelle des pouvoirs législatifs au Canada fait en sorte que cette certification est sous la juridiction des provinces et, par délégation de l’autorité fédérale, des territoires. Le gouvernement fédéral ne conserve cette responsabilité que si les services sont fournis à des personnes vivant sur les réserves indiennes ou qui sont en service dans les Forces armées canadiennes. Les provinces et les territoires n’ayant pas, jusqu’à maintenant, harmonisé leurs définitions, un chien d’assistance est ce que chaque province ou territoire décide qu’il est. Les définitions sont donc variables, et un chien reconnu comme chien d’assistance dans une province ne le sera pas nécessairement ailleurs au pays.
Pour qu’un chien obtienne la certification de chien d’assistance, il faut une attestation que l’animal a suivi un entraînement rigoureux auprès d’un dresseur reconnu par la province ou le territoire et/ou a réussi un test garantissant le professionnalisme du chien. La certification accorde habituellement une autorisation légale d’accès dans les lieux d’où les animaux sont normalement exclus. Pour maintenir la distinction entre les chiens de service et les chiens de compagnie, les chiens de compagnie ne devraient pas être capables de réussir ce test.
Certains jugeront que les critères en vigueur dans une province sont trop laxistes ou trop sévères, mais, à défaut d’une définition harmonisée, ils sont la seule référence légitime qui demeure indépendante des acteurs de l’industrie. Étant donné ce qui précède, la définition de chien d’assistance utilisée tout au long de ce rapport sera :
Chien d’assistance : un chien dont les compétences et l’entraînement rigoureux qu’il a reçu contribuent à la santé et au bien-être de la personne qu’il accompagne et ont été certifiés par une autorité provinciale ou territoriale.
Lorsqu’on l’applique au contexte spécifique des vétérans souffrant de problèmes de santé mentale, cette définition doit être précisée. Tous les chiens contribuent d’une manière ou d’une autre au bien-être ou au bonheur des personnes qu’ils accompagnent. Les chiens d’assistance fournissent une contribution supplémentaire du fait qu’ils sont entraînés à réagir à certains signes, être attentifs à ce qui peut déclencher certains symptômes, réconforter et calmer la personne qui éprouve des difficultés, etc. Ces chiens d’assistance apportent un soutien émotionnel essentiel au bien-être des vétérans et contribuent à l’amélioration de leur qualité de vie au-delà de ce que pourrait faire un chien de compagnie.
Parmi ce groupe des chiens d’assistance pour vétérans, certains, un petit nombre, ont été élevés dès leur naissance et entraînés de manière soutenue afin d’accomplir des tâches très précises faisant partie d’un plan clinique de traitement psychiatrique élaboré par le médecin traitant d’un vétéran. Ces chiens d’assistance hyperspécialisés seront désignés tout au long de ce rapport sous le terme de chiens d’assistance psychiatrique. Tous les autres chiens d’assistance seront désignés sous le terme de chiens de soutien émotionnel lorsqu’on voudra les distinguer des chiens d’assistance psychiatrique.
Introduction
Au Canada, depuis une quinzaine d’années, plusieurs groupes de vétérans et spécialistes demandent que les chiens d’assistance soient intégrés à part entière au programme de réadaptation en santé mentale d’Anciens Combattants Canada. Selon eux, les recherches scientifiques en démontrent les bienfaits et les témoignages qui appuient ces conclusions sont devenus tellement nombreux qu’on ne peut plus douter de leur véracité. En effet, plusieurs études, dont certaines seront présentées plus loin, ont suggéré que l’accompagnement d’un chien pouvait contribuer de manière notable à l’atténuation de certains symptômes, en particulier ceux liés au trouble de stress posttraumatique. Ces études s’appuyaient toutefois sur un échantillon restreint de vétérans, et utilisaient des critères différents pour faire la distinction entre un chien de compagnie, un chien d’assistance psychiatrique ou un chien de soutien émotionnel, par exemple. Tout en renforçant l’hypothèse de la valeur thérapeutique des chiens, elles n’atteignaient pas un niveau de démonstration scientifique suffisant pour que le ministère puisse considérer leur utilisation comme un traitement médical en bonne et due forme.
Tout en reconnaissant les bienfaits que pouvaient apporter les chiens auprès des personnes souffrant de problèmes de santé mentale, ACC n’était pas en mesure de répondre adéquatement aux questions suivantes :
- a) Les chiens de soutien émotionnel, même s’ils sont bien dressés et ont réussi un test leur donnant des droits d’accès aux édifices et aux transports publics, procurent-ils les mêmes bienfaits que les chiens d’assistance psychiatrique ayant subi un entraînement spécialisé, rigoureux et orienté vers l’accomplissement de tâches spécifiques pour les vétérans?
- b) Les chiens procurent-ils des bienfaits comparables chez tous les vétérans souffrant de problèmes de santé mentale, peu importe la nature ou la gravité de leurs symptômes, ou existe-t-il des vétérans pour lesquels ils seraient contre-indiqués?
- c) Si on reconnaît la valeur thérapeutique des chiens d’assistance, doit-on accorder à tous les clients d’ACC propriétaires d’un chien d’assistance des privilèges d’accès aux édifices et aux transports publics comparables à ceux accordés aux personnes handicapées, ou doit-on limiter cet accès aux chiens d’assistance psychiatrique sans lesquels les vétérans seraient incapables d’accéder à ces lieux publics?
Très peu d’analyses scientifiques permettaient d’obtenir des réponses claires à ces questions, jusqu’à ce qu’une étude de grande envergure soit publiée par le département américain des vétérans en 2020[1]. Grâce à elle, il est désormais possible de faire des distinctions plus claires entre les bienfaits que procurent les chiens d’assistance psychiatrique quand on les compare aux bienfaits que procurent les. L’étude a clairement démontré que les chiens d’assistance, peu importe qu’ils soient d’assistance psychiatrique ou de soutien émotionnel, contribuaient à l’amélioration de la qualité de vie des vétérans souffrant de problèmes de santé mentale. Dans la plupart des situations, elle n’a pas pu démontrer que les chiens d’assistance psychiatrique procuraient des bienfaits supérieurs à ceux des chiens de soutien émotionnel, sauf pour une catégorie de vétérans dont les symptômes, et donc les besoins d’interventions cliniques, sont modérés. La première partie du présent rapport fait le point sur l’état des connaissances en ce qui touche les bienfaits que les chiens d’assistance sont susceptibles d’apporter aux vétérans souffrant de problèmes de santé mentale.
Étant donné que les provinces et les territoires n’ont pas harmonisé les critères leur permettant de distinguer les particularités de dressage d’un chien d’assistance psychiatrique de celles d’un chien de soutien émotionnel, il est difficile de savoir si tel chien correspond bel et bien aux exigences de dressage qu’exige un chien d’assistance psychiatrique et si cet animal est indiqué pour atténuer les symptômes dont souffre un vétéran particulier. Par extension, il n’est pas possible déterminer lesquels parmi ces chiens mérite d’obtenir pour son propriétaire des privilèges d’accès aux édifices et transports publics. Un consensus général sur de telles normes permettrait à tous les acteurs impliqués, y compris ACC, de clarifier leur rôle. En leur absence, le secteur des éleveurs et des dresseurs s’en est remis à des critères d’autoréglementation proposés par un organisme privé de certification dont il est difficile de savoir comment il maintient l’équilibre entre le bien-être des vétérans et l’intérêt de ses membres. Ne pouvant pas se référer à une norme reconnue quant à ce qui définit un chien d’assistance, les provinces et les territoires peuvent difficilement harmoniser leur réglementation sur l’accès des animaux aux édifices et aux transports publics.
La majorité des témoins entendus dans le cadre de cette étude s’entendent sur la nécessité d’une telle norme harmonisée, mais il existe depuis de nombreuses années des divergences importantes sur ce qu’elle devrait contenir, à qui elle devrait s’appliquer, et quelle organisation devrait être responsable de son application. L’élaboration de cette norme est donc au cœur de toutes les discussions s’étant déroulées au cours des dernières années à propos de la contribution que les chiens pouvaient apporter aux vétérans souffrant de problèmes de santé mentale. La deuxième partie du présent rapport examine les arguments présentés par les témoins quant aux actions que devrait poser le gouvernement du Canada afin de favoriser l’harmonisation des normes provinciales et territoriales.
De nombreux vétérans peuvent présentement accéder aux édifices et transports publics avec leur chien si l’animal a réussi un test autorisé par les provinces et territoires dont l’objectif devrait être de garantir qu’il ne constitue pas une menace pour le public. Si une norme venait préciser les critères permettant de définir un chien d’assistance psychiatrique et un chien de soutien émotionnel, plusieurs vétérans craignent que les chiens dont ils sont présentement propriétaires ne soient plus considérés comme des chiens d’assistance et que leurs privilèges soient révoqués. Étant donné l’ambiguïté du vocabulaire, il est facile de désigner comme chien d’assistance tout chien de compagnie qui a réussi un tel test. Or, les critères qui permettent de déterminer qu’un chien ne constitue pas une menace pour le public sont différents des critères qui garantissent qu’un chien a été dressé de manière rigoureuse pour accomplir certaines tâches dont l’objectif spécifique est d’atténuer les symptômes du stress posttraumatique. Autrement dit, la question de savoir si un chien devrait ou non avoir le droit d’accéder avec son propriétaire dans les édifices et transports publics est séparée de celle qui permet de distinguer un chien d’assistance psychiatrique d’un chien de soutien émotionnel. La troisième partie du présent rapport tente d’établir des balises qui permettraient au gouvernement du Canada de surmonter les incompatibilités que plusieurs témoins ont identifiées entre les normes d’accès public mises en place par les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Le Comité a consacré quatre réunions à cette étude au cours de la deuxième session de la 43ème législature. 16 témoins ont comparu et neuf organisations ou individus ont soumis des mémoires. Les membres du Comité souhaitent les remercier sincèrement de leur contribution à la résolution de cet enjeu.
État des connaissances sur les chiens d’assistance et la santé mentale des vétérans
Il est indéniable que les chiens peuvent contribuer à améliorer la qualité de vie des vétérans souffrant de problèmes de santé mentale, comme ils le font pour d’autres invalidités. Contrairement aux chiens de compagnie, les chiens d’assistance sont des chiens entraînés à certaines tâches spécifiques, c’est-à-dire que lorsqu’ils perçoivent l’apparition d’une situation ou d’un symptôme, ils vont poser une action prévisible. Ils obtiennent une autorisation légale d’accès dans les lieux d’où les animaux sont normalement exclus. Il existe plusieurs types de chiens d’assistance. Par exemple :
- Le chien-guide aide les personnes dont la vision ou l’audition est réduite;
- Le chien d’assistance à la mobilité peut aller chercher des objets ou déplacer un fauteuil roulant.
- Le chien d’alerte médicale reconnaît les signes d’un événement médical dangereux, comme la baisse du taux de sucre chez les diabétiques, peut aller chercher de l’aide ou appeler le 911.
- Le chien de thérapie est utilisé lorsqu’une personne se présente à un traitement. Il fournit des services sur place à plusieurs personnes et appartient au fournisseur de soins.
- Finalement, le chien de soutien émotionnel et le chien d’assistance peuvent accomplir une variété de tâches pour lesquelles il est entraîné, par exemple rappeler à une personne de prendre ses médicaments, calmer une personne subissant une crise d’anxiété, etc.
La différence entre le chien de soutien émotionnel et le chien d’assistance psychiatrique réside dans la complexité des tâches accomplies et le niveau d’entraînement nécessaire pour y parvenir. Dans le cadre d’une étude américaine qui sera présentée en détail plus loin, cinq tâches avaient été identifiées comme étant des tâches communes minimales que les chiens d’assistance psychiatrique devaient pouvoir accomplir sur commande verbale[2] :
- Le chien trouve et active l’interrupteur dans une pièce non éclairée.
- Le chien entre dans une pièce et l’inspecte afin de détecter un intrus;
- Le chien va chercher un objet identifié par le vétéran;
- Le chien se place devant le vétéran pour fournir une barrière entre lui et une autre personne qui approche par devant;
- Le chien se place derrière le vétéran pour fournir une barrière entre lui et une autre personne qui approche par derrière.
Dans chaque cas, d’autres tâches viendront s’y ajouter en fonction des symptômes particuliers qu’éprouve le vétéran.
Les chiens de soutien émotionnel apportent un bienfait thérapeutique en fournissant de la compagnie et de l’affection. Ils ne sont habituellement pas dressés pour accomplir des tâches liées à un handicap et n’ont pas de privilège d’accès aux lieux d’où les animaux sont exclus. Aux États-Unis, certains accommodements légaux ont été prévus dans le domaine du logement pour les personnes handicapées possédant un chien de soutien émotionnel. Toutefois, les accommodements dans les transports publics sont en voie de révision après que de nombreux incidents impliquant des animaux mal entraînés aient été déplorés[3].
Selon les auteurs d’une étude américaine publiée récemment :
Il existe une confusion potentielle entre une « tâche » apprise par le chien d'assistance pour réduire l'anxiété du maître et le confort apporté par la présence d'un chien de soutien émotionnel. Dans un exemple fourni par le ministère de la Justice, si un chien est entraîné à sentir qu'une crise d'angoisse est sur le point de se produire et qu'il effectue une action spécifique (tâche) pour aider à éviter la crise ou à en atténuer l'impact, il serait considéré comme un chien d'assistance. Cependant, si la simple présence du chien apporte du réconfort, cela n'est pas considéré comme une tâche et le chien n'est pas considéré comme un chien d'assistance[4].
Anciens Combattants Canada (ACC) couvre à titre de frais médicaux certains coûts associés aux soins de chiens-guides, jusqu’à concurrence de 1 500 $ par année, pour les vétérans souffrant d’une déficience visuelle liée à leur service militaire. Comme l’a confirmé au Comité Mme Crystal Garrett-Baird d’ACC : « Les coûts associés aux autres chiens d’assistance, par exemple pour les problèmes de santé mentale, les troubles auditifs et les problèmes de mobilité, ne sont pas couverts[5]. »
L’efficacité de la thérapie canine pour les vétérans souffrant de problèmes de santé mentale fait débat depuis une vingtaine d’années au Canada et dans les pays alliés. Plusieurs études à portée restreinte semblaient suggérer que les chiens d’assistance pouvaient entraîner une amélioration de la qualité de vie des personnes qui en bénéficiaient. C’est une étude américaine de 1980 qui avait lancé le débat. Elle portait sur 92 individus ayant subi un infarctus du myocarde[6]. Un an après leur infarctus, sur 53 participants possédant un animal de compagnie, trois étaient décédés, alors que parmi les 39 participants ne possédant pas d’animal de compagnie, onze étaient décédés. Par la suite, les animaux de compagnie, et les chiens en particulier, ont été identifiés comme des outils thérapeutiques pouvant améliorer la qualité de vie des personnes souffrant de tous types de maladie, y compris les maladies mentales.
Le Comité avait étudié sommairement cette question dans son rapport de juin 2017 sur la santé mentale et avait recommandé « qu’Anciens Combattants Canada (ACC) tienne compte des recherches internationales sur les normes de service et les études d’efficacité sur la thérapie canine ».
Dans le cadre de cette étude antérieure, quelques témoins avaient déploré la lenteur du ministère à adopter une politique claire à cet égard, dont M. Philip Upshall, directeur général national de la Société pour les troubles de l’humeur Canada[7]. Ces témoins estimaient que le ministère se réfugiait derrière l’absence d’études scientifiques de grande envergure au lieu de prendre l’initiative. En réponse à ces critiques, le ministère avait répondu que le problème ne résidait pas tant dans l’absence de données scientifiques sur les chiens en général que dans la difficulté d’établir des normes qui permettraient de distinguer les animaux entraînés pour fournir des services thérapeutiques reconnus de ceux qui sont entraînés pour fournir un soutien émotionnel[8].
Afin d’établir une meilleure base scientifique, ACC, en collaboration avec l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans (ICRSMV), avait alors financé un projet de recherche, démarré en 2015, et dont les résultats ont été transmis au ministère en juillet 2018. Cette recherche visait à évaluer l’innocuité et l’efficacité de l’utilisation des chiens d’assistance pour aider les vétérans ayant un trouble de stress post-traumatique, mais ajoutait peu à la solution du problème des normes.
Selon des notes de breffage du sous-ministre des anciens combattants [disponible en anglais seulement] datées du 9 décembre 2019, cette étude a produit des « résultats limités ». En effet, l’étude rapporte une réduction des symptômes du syndrome de stress post-traumatique, et une diminution modérée mais durable des symptômes liés à la dépression. De plus, le sentiment subjectif de bien-être lié à la qualité de vie en général s’améliore de manière significative. Par contre, aucune diminution n’a été notée dans la consommation de médicaments, ni dans l’allégement du fardeau des aidants des vétérans aux prises avec des problèmes de santé mentale[9].
Selon M. Nathan Svenson, d’ACC, la diversité des approches adoptées par les écoles de dressage existantes a nui à la capacité de cette étude de fournir des recommandations générales, de même que « la grande variation des placements et des milieux. D’un patient à l’autre, on notait des différences entre les types de logement, les relations sociales, les autres traitements et médicaments reçus, l’intérêt personnel dans des activités et la possession d’un autre animal de compagnie[10]. » À la suite de cette étude, l’Agence du revenu du Canada a ajouté aux frais médicaux admissibles les chiens d’assistance, mais sa portée est restreinte car la personne qui en bénéficie doit souffrir d’une déficience grave[11].
Colleen Anne Dell, professeure au département de sociologie de l’Université de la Saskatchewan, a cité deux autres études de portée plus restreinte, découlant d’entrevues avec respectivement 26 et 5 vétérans :
Dans une étude qualitative menée en 2016, nous avons constaté que [les chiens d’assistance] contribuaient à réduire la consommation problématique de substances et de médicaments d'ordonnance. Ils appuyaient également la santé physique, un sentiment d'acceptation psychologique, un lien social et un but spirituel, que nous appelons aujourd'hui « blessure morale ».
Dans une étude exploratoire menée en 2017, nous avons relevé une diminution de la toxicomanie et des symptômes du TSPT, ainsi qu'une baisse ou une stabilisation de la consommation de médicaments ayant habituellement des effets négatifs, comme les médicaments utilisés à des fins psychiatriques. Au cours de la première phase de notre étude pilote, en 2019, nous avons constaté une réduction de la consommation problématique d'alcool et d'opioïdes, ainsi que des symptômes du TSPT[12].
À partir de ces résultats, la professeure Dell a pu obtenir un financement de 1,4 million de dollars pour un projet de recherche intitulé « Service Dog Research ». Santé Canada fournit 850 000$, l’Université de la Saskatchewan 175 000$, et l’organisme de bienfaisance AUDEAMUS, qui dresse et fournit des chiens pour les vétérans, 360 000$ sous forme de contributions en nature puisque l’organisme mettra à la disposition des chercheurs une trentaine d’équipes vétérans-chiens afin de mener leur étude-pilote devant aboutir à une trousse qui guidera l’utilisation des chiens d’assistance dans le traitement des dépendances chez les vétérans souffrant du TSPT.
Selon Philip Ralph, de Wounded Warriors Canada (WWC), un organisme de bienfaisance ayant mis sur pied un programme de chiens d’assistance pour vétérans, « en 2020, à l'Université Purdue aux États-Unis, on a constaté que calmer les épisodes d'anxiété figurait parmi les tâches les plus importantes et les plus courantes des chiens d'assistance[13] ». Mais tant qu’on ne sait pas ce que fait le chien pour arriver à ce résultat, ou s’il a été délibérément entraîné pour le faire, on ne sait pas non plus si l’animal peut ou non être considéré comme un chien d’assistance.
Par exemple, pour Marc Lapointe, l’un des fondateurs d’AUDEAMUS qui dirige maintenant Meliora chiens de service : « Le chien d'assistance réveille son partenaire dans les moments de terreurs nocturnes, il exerce une pression réconfortante — avec le poids de son corps — sur son partenaire pendant une crise, l'aide à se remettre de la paralysie provoquée par la peur ou d'un état dissociatif, et il prévient ou interrompt les moments de surcharge émotionnelle[14]. »
Darlene Chalmers, de l’université de Regina, a décrit des résultats similaires : « [C]e que le chien apporte au vétéran, c'est un soutien et la possibilité de fonctionner au quotidien. Il peut s'agir d'établir une routine, de soutenir le vétéran, de faire les mêmes activités au quotidien, d'être en mesure de se rendre à des rendez-vous, de reprendre certaines des activités de la vie d'avant[15]. »
Ces conclusions ont été confirmées par les témoignages de certains vétérans, dont William Webb : « Je prenais beaucoup de médicaments antipsychotiques à cette époque. Dès la première année, […] j'ai diminué à un, peut-être deux. Deux années plus tard, je n'en prenais plus[16]. » Medric Cousineau est allé jusqu’à affirmer que « jusqu'ici, il n'y a aucun cas connu d'automutilation chez les vétérans qui ont un chien d'assistance complètement dressé. Ces chiens sont d'une précieuse aide thérapeutique dans la guerre contre le TSPT[17]. »
De tels témoignages sont nombreux et, même sans atteindre le degré de certitude d’une étude scientifique, ils peuvent difficilement être considérés comme anecdotiques. Ils confirment les bienfaits que procure la présence d’un chien en général, mais tant qu’il n’y a pas de norme claire définissant ce que peut faire le chien d’assistance que ne peut pas faire le chien de compagnie, la description des bienfaits que procurent les chiens ne semble que nourrir l’ambiguïté du problème.
La question, toutefois, sur le plan de la recherche, consiste à déterminer si les bienfaits des chiens d’assistance proviennent du soutien émotionnel qu’ils apportent aux vétérans, ou s’il est nécessaire d’avoir un chien d’assistance psychiatrique pour que ces bienfaits se fassent sentir. Lorsqu’on analyse des programmes particuliers, il est parfois difficile de déterminer si les chiens qui sont entraînés ou fournis par une organisation se qualifient comme chiens d’assistance psychiatrique ou chiens de soutien émotionnel, ou s’ils sont des chiens de compagnie que l’on désigne comme chiens d’assistance pour les privilèges d’accès public qu’un tel titre peut conférer.
C’est ce qui donne toute son importance à une étude américaine récente[18] comparant les bienfaits des chiens d’assistance psychiatrique aux bienfaits des chiens de soutien émotionnel. Cette étude est présentement considérée comme la référence incontournable sur le sujet. Toutefois, l’interprétation des résultats de cette étude diffère selon les témoins qui l’ont abordée[19]. C’est pourquoi il est nécessaire de clarifier ce que les auteurs établissent clairement et ce qui ne demeure que des pistes de recherches.
Avant cette étude, « aucun essai clinique randomisé [n'avait] été réalisé pour examiner les avantages potentiels des chiens d'assistance pour les anciens combattants souffrant de syndrome de stress posttraumatique (SSPT)[20] ». On y rappelle d’abord qu’avec les traitements actuels le taux de rémission chez les personnes souffrant du SSPT est faible, à entre 30 % et 40 %[21]. Les vétérans qui en souffrent peuvent donc s’attendre à en vivre les effets de manière chronique. C’est pourquoi la possibilité que les chiens d’assistance puissent constituer un nouveau traitement pouvant contribuer à une meilleure qualité de vie est primordiale. Les données scientifiques sur l’efficacité des chiens d’assistance étant peu nombreuses et de portée limitée, le ministère américain des anciens combattants a entrepris une étude de grande envergure. Elle a mobilisé 23 auteurs et une équipe de coordination d’une quarantaine de personnes.
227 vétérans souffrant du SSPT ont été jumelés à l’aveugle soit à un groupe de participants qui recevraient un chien d’assistance psychiatrique (appelé simplement « chien d’assistance » dans l’étude), soit à un groupe qui recevrait un chien de soutien émotionnel n’ayant reçu aucun entraînement préalable à accomplir des tâches spécifiques liées aux symptômes du SSPT.
153 participants ont complété l’étude après avoir été jumelés à un chien durant une période de 18 mois. L’étude fut conçue de manière que « les résultats soient évalués en termes d'impacts sur la fonction mentale, sociale et psychosociale globale. Une attention particulière a été accordée à l'importance de la réintégration des vétérans souffrant de SSPT dans la société et à l'efficacité d'un chien pour faciliter ce processus[22]. »
Les mesures des résultats primaires (primary outcome measures) de l’étude ont donc été établies en fonction du bien-être général et de la qualité de vie des vétérans.
Six mesures de résultats secondaires (secondary outcome measures) ont été ajoutées afin d’évaluer l’évolution de certains aspects de la santé mentale des participants : la qualité du sommeil, le risque de suicide, les symptômes du SSPT tels que décrits dans le DSM-V, les symptômes de dépression et les comportements colériques.
Les résultats de l’étude sont les suivants :
De manière globale, il est apparu clairement que la seule présence d’un chien, peu importe l’entraînement reçu, contribuait de manière significative à l’amélioration de la santé mentale des vétérans souffrant du SSPT. Ces résultats s'ajoutent à la littérature qui démontre que les chiens peuvent :
- réduire le stress lié au fait de vivre seul, de déménager fréquemment ou de devoir gérer des interactions sociales ;
- réduire les niveaux d'anxiété et améliorer l'humeur ;
- réduire les symptômes de dépression, de peur et d'agression ;
- réduire la douleur, augmenter la relaxation et le calme ;
- augmenter la confiance envers les autres ;
- accroître la motivation, le sentiment d'utilité et d'estime de soi, l'empathie et l'apprentissage[23].
Quant à la différence entre le groupe des chiens d’assistance psychiatrique et celui des chiens de soutien émotionnel : « Nous n'avons pas pu rejeter l'hypothèse nulle pour les résultats primaires et tous les résultats secondaires sauf un. Cette absence de différence entre les deux interventions en matière d'invalidité et de qualité [de vie] témoigne très probablement des effets bénéfiques de la possession d'un chien de compagnie en général[24]. »
Cela signifie que l’équipe de recherche n’a pas été en mesure de confirmer, pour les résultats primaires, une différence statistique significative entre l’amélioration de la qualité de vie des participants du groupe des chiens d’assistance psychiatrique et ceux du groupe des chiens de soutien émotionnel. Pour les résultats secondaires, comme il sera précisé plus loin, seule la diminution des symptômes du SSPT s’est avérée plus grande, et statistiquement significative, chez le groupe des chiens d’assistance psychiatrique comparativement au groupe des chiens de soutien émotionnel :
L'analyse du résultat secondaire des symptômes du SSPT à l'aide du PCL‑5 a révélé des améliorations du SSPT pour l'intervention du [chien d’assistance] par rapport à l'intervention du [chien de soutien émotionnel]. En outre, des analyses supplémentaires au sein du groupe ont démontré des améliorations dans les deux groupes au fil du temps pour les résultats primaires, à l'exception du fonctionnement de la santé physique[25].
L’analyse détaillée des résultats permet d’apporter des précisions importantes quant aux différents éléments mesurés par l’étude. Pour les résultats primaires, deux tests furent utilisés pour mesurer le degré d’incapacité et de qualité de vie : celui de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et celui, adapté aux particularités des vétérans, appelé le « Veterans Rand 12 ».
Les résultats au test de l’OMS révèlent que le degré d’incapacité a diminué tant chez le groupe de participants ayant un chien d’assistance psychiatrique que chez le groupe ayant un chien de soutien émotionnel, mais sans qu’il y ait de différence significative entre les deux groupes[26]. Aucune différence significative n’a été signalée non plus en ce qui concerne les habiletés cognitives, la mobilité et les soins personnels, les activités du quotidien et la participation sociale. Les interactions interpersonnelles se sont améliorées dans les deux groupes, mais l’amélioration est plus marquée chez le groupe des chiens d’assistance psychiatrique, sans toutefois que la différence soit statistiquement significative[27].
Les résultats au test Veterans Rand 12 ont révélé une détérioration significative de la santé physique chez les vétérans des deux groupes après la période d’évaluation de 18 mois[28]. La santé mentale des vétérans des deux groupes s’est améliorée, mais sans qu’une différence significative soit notée entre le groupe des chiens d’assistance psychiatrique et celui des chiens de soutien émotionnel[29].
Les mesures des résultats secondaires donnent les précisions suivantes :
- La qualité du sommeil s’est améliorée chez les deux groupes, sans différence significative entre les groupes[30].
- Les risques suicidaires ont diminué en fonction de la durée du jumelage chez les vétérans des deux groupes. Cette diminution devient toutefois plus prononcée chez le groupe des chiens d’assistance psychiatrique, près du seuil où elle serait devenue statistiquement significative, ce qui pourrait indiquer un lien entre la durée du jumelage avec un chien d’assistance psychiatrique et la diminution des idées suicidaires[31].
- Les symptômes de dépression se sont estompés chez les vétérans des deux groupes, sans qu’il y ait de différence significative entre les groupes[32].
- La disposition à la colère s’est atténuée chez les vétérans des deux groupes durant les premiers six mois. Elle s’est ensuite stabilisée chez le groupe des chiens de soutien émotionnel, mais a continué à s’atténuer chez le groupe des chiens d’assistance psychiatrique. La différence n’était toutefois pas suffisamment prononcée pour être statistiquement significative[33].
- Les symptômes du SSPT sont devenus moins graves chez les vétérans des deux groupes, mais, à partir du neuvième mois de jumelage, l’amélioration est devenue plus importante, et statistiquement significative, chez le groupe des chiens d’assistance psychiatrique[34]. Les chercheurs en ont tiré la conclusion que, peu importe le modèle de traitement statistique utilisé, « une différence de groupe significative a été observée pour le PCL-5 (symptômes du TSPT), une amélioration plus importante étant observée chez les participants jumelés à un [chien d’assistance] par rapport à un [chien de soutien émotionnel][35] ».
La conclusion générale de l’étude est que :
Bien qu'il n'y ait pas eu de différences significatives entre les interventions [des chiens d’assistance] et [des chiens de soutien émotionnel] sur les résultats primaires ou de multiples autres résultats secondaires, cette recherche a démontré des améliorations au sein du groupe pour les deux interventions et des avantages entre les groupes pour l'intervention [des chiens d’assistance] concernant le fardeau des symptômes du SSPT. Cette réduction des symptômes du TSPT chez les participants qui ont bénéficié de l'intervention [des chiens d’assistance] a placé les scores moyens très près du point de coupure pour un moindre besoin d'intervention clinique, ce qui suggère un avantage de l'intervention [des chiens d’assistance] par rapport à l'intervention [des chiens de soutien émotionnel][36].
À partir de cette étude, on peut donc affirmer que, peu importe que le chien en soit un d’assistance psychiatrique ou de soutien émotionnel, il contribue à une amélioration significative de la qualité de vie des vétérans souffrant du SSPT et de leur santé mentale, mais constitue un certain risque pour leur santé physique. Les vétérans ayant bénéficié d’un chien d’assistance psychiatrique ont connu une atténuation plus importante de la gravité des symptômes de leur SSPT que ceux qui ont bénéficié d’un chien de soutien émotionnel. Cette différence pourrait s’avérer importante sur le plan clinique, car le score obtenu au test PCL-5 par les participants du groupe des chiens d’assistance psychiatrique (31,66) se rapprochait du seuil communément utilisé pour déterminer un besoin d’intervention clinique (31,00). Autrement dit, il est raisonnable de penser que certains participants ayant bénéficié d’un chien d’assistance psychiatrique auraient connu une diminution de leurs symptômes telle que leur condition n’aurait plus nécessité d’intervention clinique soutenue[37].
Cette conclusion est compatible avec ce qu’a affirmé M. Svenson, d’ACC, au sujet de cette étude américaine :
Le ministère a constaté que les chiens de soutien émotionnel avaient une incidence semblable à celui des chiens d’assistance sur la qualité du sommeil, le niveau de dépression et les aspects mentaux de la qualité de vie. Cependant, il a constaté plus précisément que les chiens d’assistance psychiatrique avaient une incidence beaucoup plus importante pour ce qui est de l’amélioration des symptômes du syndrome de stress post-traumatique et des réactions de colère et, dans une certaine mesure, des tendances suicidaires, comparativement aux chiens de soutien émotionnel[38].
L’étude américaine a confirmé que les chiens de soutien émotionnel procuraient une amélioration significative de la qualité de vie chez les vétérans souffrant du TSPT. Elle n’a cependant pas pu démontrer que les chiens d’assistance psychiatrique faisaient une différence significative sur le plan statistique, sauf pour la réduction de la gravité des symptômes du TSPT.
Ces conclusions semblent poser un paradoxe difficile dans l’élaboration des politiques qui pourraient en découler. En effet, les symptômes du TSPT diminuent davantage chez les vétérans qui ont bénéficié d’un chien d’assistance psychiatrique que chez ceux qui ont bénéficié d’un chien de soutien émotionnel, mais cette différence ne s’est pas traduite par une différence dans la qualité de vie en général. L’exception, suggérée par les auteurs de l’étude, serait les vétérans dont les symptômes sont modérés, c’est-à-dire ceux dont le score au test PCL-5 se situe près de 30. Dans leur cas, un chien d’assistance psychiatrique pourrait contribuer à réduire les interventions cliniques, ce qui constituerait certes une nette amélioration de leur qualité de vie.
Pour le moment, la science confirme les avantages des chiens de soutien émotionnel en général pour le bien-être des vétérans qui peuvent en prendre soin, sans qu'il soit nécessaire d'avoir des chiens d'assistance psychiatrique hautement qualifiés pour remplir cette fonction. En d'autres termes, pour procurer des avantages, les chiens n'ont pas à atteindre le seuil de ce que serait un traitement médical. Cela place ACC dans une position ambiguë, car il ne peut intégrer un chien au programme de réadaptation d'un vétéran que s'il correspond à ce seuil clinique. Le ministère reconnaît bien sûr certains bénéfices associés aux chiens d’assistance sur le plan de la santé mentale :
[Ils] reçoivent un entraînement intensif qui les amène à réagir précisément à la déficience particulière de leur maître, notamment dans le cas des personnes ayant reçu un diagnostic de trouble de santé mentale comme le trouble de stress post-traumatique. Les chiens d’assistance sont dressés pour détecter l’anxiété chez leur maître et intervenir; ils contribuent ainsi à donner à leur maître un sentiment de sécurité, à l’aider à se détendre et à favoriser la socialisation[39].
Toutefois, selon la Dre Alexandra Heber, d’ACC, ces bénéfices sont insuffisants « pour confirmer que la présence d’un chien d’assistance psychiatrique constitue un traitement ou une thérapie[40] » ce qui permettrait de l’intégrer comme dépense admissible dans le programme de réadaptation d’ACC. La solution à ce dilemme pourrait être celle adoptée par le ministère de la Défense nationale (MDN). Le MDN a adopté une Directive sur les chiens d’assistance qui prévoit des mesures d’adaptation pour les militaires souffrant entre autres de problèmes de santé mentale, et qui voudraient que leur animal puisse les accompagner dans les bâtiments de la Défense nationale. Cette directive affirme que « l’utilisation de chiens d’assistance ne correspond pas à une forme de traitement médical, mais il est reconnu qu’un tel chien peut être bénéfique à une personne ayant une déficience, s’il est utilisé au bon moment dans le cadre d’un plan de traitement établi par un médecin ». Un compromis de cette nature pourrait être élaboré à ACC pour l'accès public des chiens des vétérans qui participent à un plan de réadaptation. Cette questions sera examinée plus loin dans ce rapport.
D’autres travaux de recherche sont en cours dans d’autres pays. Selon Mme Garrett-Baird, l’Australie mène depuis 2019 une étude dont les résultats devraient être connus en 2023. En attendant que des normes puissent être adoptées en conformité avec les résultats définitifs de cette étude, le pays a quand même décidé de modifier sa politique et d’intégrer les chiens d’assistance psychiatrique à son programme de réadaptation à certaines conditions, dont la nécessité d’avoir participé à un traitement avec un psychiatre ou un psychologue durant trois mois[41]. Il s’agit toutefois d’un programme temporaire.
Aux États-Unis, jusqu’à tout récemment, les vétérans n’étaient admissibles qu’à une « prestation de santé vétérinaire », mais elle était limitée aux problèmes d’audition, de vision et de mobilité. Elle ne s’appliquait donc pas aux problèmes de santé mentale[42]. Selon Sheila O’Brien :
Les États-Unis ne paient pour aucun type de chien d'assistance ou de chien-guide. Cependant, l'administration des anciens combattants — dans le cas d'un ancien combattant qui a obtenu une libération honorable — fournit des prestations de santé vétérinaire pour le chien, si c'est un chien accrédité par ADI ou par l'IGDF. […] Le gouvernement ne paie pas pour le chien[43].
Ce contexte pourrait être amené à changer d’ici quelques années, car le 25 août 2021, le président américain a signé la loi intitulée Puppies Assisting Wounded Servicemembers for Veterans Therapy Act (PAWS for Veterans Therapy Act). La loi enjoint au secrétaire américain aux Anciens combattants (Veterans Administration) de mettre sur pied un projet pilote de cinq ans pour fournir « de l’entraînement canin » (canine training) aux vétérans admissibles comme complément à leur programme de soins de santé. Pour être admissibles, les vétérans doivent avoir reçu un diagnostic de TSPT, être bénéficiaires des services de soins de santé mentale offerts par le secrétariat et avoir reçu une recommandation de participation au programme par un fournisseur de soins de santé mentale qualifié ou une équipe clinique. L’entraînement sera fourni par « des entités non gouvernementales accréditées » avec lesquelles le secrétariat cherchera à conclure des ententes. La loi prévoit que les vétérans admissibles participeront à l’entraînement des chiens, et seront autorisés à l’adopter si le fournisseur de soins de santé juge que ce serait dans le meilleur intérêt du vétéran. Le secrétariat doit documenter précisément le déroulement du programme et l’évolution de la condition médicale des participants, et le Government Accountability Office devra déposer un rapport au Congrès à l’échéance du projet pilote. Le coût du programme a été estimé à 30 millions de dollars américains sur cinq ans par le Congressional Budget Office, et environ 150 vétérans par année devraient y participer. Il faut donc continuer de soutenir la recherche. À cette fin, le Comité recommande :
Recommandation 1
Qu'Anciens Combattants Canada augmente le financement de la recherche canadienne sur les chiens d'assistance psychiatrique et établisse un partenariat avec ses homologues internationaux afin de coordonner et d'exploiter le nombre croissant de recherches disponibles dans le monde entier.
Recommandation 2
Qu'après l'établissement de normes nationales, Anciens Combattants Canada consulte le département des Anciens Combattants des États-Unis au sujet de son programme pilote de cinq ans visant à fournir un entraînement canin aux anciens combattants admissibles dans le cadre de la Puppies Assisting Wounded Service members for Veterans Therapy Act ou PAWS for Veterans Therapy Act, et qu'il planifie la mise en œuvre d'un programme pilote similaire au Canada en se fondant sur les premiers résultats et les pratiques exemplaires du gouvernement américain.
À la lumière des dernières études publiées, on voit donc une ouverture prudente à développer des programmes qui permettront d’en apprendre davantage sur les bénéfices que procurerait un programme de chiens d’assistance. Il faut toutefois noter que les programmes actuels, tant aux États-Unis qu’en Australie, sont des projets pilotes.
Les données scientifiques permettent de justifier un programme de chiens d’assistance psychiatrique pour les vétérans chez qui cela entraînerait une réduction ou une suspension des besoins d’intervention clinique. Une fois ce groupe de vétérans identifié, il faut ensuite déterminer qui, parmi ces vétérans, est en mesure de prodiguer les soins quotidiens et l’entraînement continu dont ces animaux ont besoin.
Ces deux critères sont, selon Philipp Ralph, de Wounded Warriors Canada (WWC), les plus importants pour déterminer à quels vétérans un chien d’assistance serait le plus profitable. L’harmonisation des normes provinciales et territoriales permettrait de les clarifier. M. Ralph a, comme plusieurs autres, déploré l’absence d’une telle norme :
Cela crée une confusion indue pour les vétérans qui sont déjà aux prises avec des problèmes de santé mentale. Ils ne devraient pas avoir à faire leurs propres recherches pour essayer de déterminer quel programme va répondre à leurs besoins.
Il faut qu'il y ait une sorte de norme objective pour que, lorsqu'un vétéran est dans le besoin et que son clinicien a déterminé qu'un chien d'assistance pourrait lui être utile, il puisse s'adresser à une source fiable. Cette source devrait respecter des normes. Il n'y a pas d'autre façon de fonctionner à l'échelle nationale[44].
Sur son site web, WWC a publié des « Directives aux prescripteurs » qui mettent en garde les professionnels de la santé contre la tentation de prescrire un chien d’assistance alors que la situation du vétéran ne correspond pas aux besoins ou aux critères de la loi. Selon ce document, les critères sont de deux ordres :
- a) Obtenir un diagnostic de handicap conformément aux exigences des autorités provinciales ou territoriales du lieu de résidence du vétéran;
- b) Les symptômes de ce handicap doivent être atténués, non par la seule présence du chien, mais par des comportements spécifiques que le chien a été entraîné à adopter.
Ce second critère est décisif car il permet de distinguer le réconfort que procure le chien de compagnie du « travail » que doit effectuer le chien pour être considéré comme un « chien d’assistance ».
Le document de WWC fait ressortir des situations où l’utilisation d’un chien d’assistance serait contre-indiquée. Par exemple, comme l’a également mentionné la Dre Heber, d’ACC, l’existence de problèmes de santé mentale peut limiter la capacité de certains vétérans à fournir les soins appropriés à leur animal[45]. Dans le même esprit, l’étude américaine avait appliqué des critères rigoureux pour sélectionner les vétérans qui allaient y participer.
Le document de WWC offre également un arbre de décision qui illustre les distinctions à faire entre un vétéran qui pourrait bénéficier d’un chien de compagnie et celui qui pourrait bénéficier d’un chien d’assistance. Un autre arbre de décision permet de distinguer les situations où le vétéran serait capable d’entraîner lui-même son chien, et celles où il aurait besoin d’un chien complètement entraîné par un programme reconnu. Ce dernier critère a été exclu par l’étude américaine qui n’a admis que les chiens entraînés par certains programmes reconnus.
Finalement, la reconnaissance des chiens d’assistance comme option crédible dans le traitement des symptômes du SSPT nécessite l’implication active des professionnels de la santé. Selon Medric Cousineau :
Lorsqu'une personne tend la main, une des choses qui doivent se produire, c'est le processus d'admission et de présélection au sein de l'organisme Paws Fur Thought [qui dresse des chiens d’assistance], ce qui suppose d'obtenir les ordonnances auprès des médecins pour que la personne participe à ce processus. Le défaut de le faire signifie littéralement que nous pourrions fournir à la personne quelque chose qui est contre-indiqué par le médecin traitant. C'est pourquoi nous devons vraiment tenir compte du fait qu'ils doivent participer à ce processus.
Les gens dans l'industrie des chiens aiment tous les chiens, et ils font un travail incroyable pour les former, mais ils ne sont pas des professionnels de la santé ni des professionnels de la santé mentale qualifiés. Nous devons accéder à ces professionnels.
Pensez‑y. Le TSPT est reconnu comme étant l'une des atteintes à la santé mentale les plus complexes et les plus débilitantes qui existent en raison de ses comorbidités. Quiconque pense qu'il existe une solution simple à un problème complexe comme celui‑là rêve. Et c'est pourquoi c'est un scénario où tout le monde doit mettre l'épaule à la roue[46].
Le Comité recommande donc :
Recommandation 3
Qu’Anciens Combattants Canada assume les dépenses liées à un chien d’assistance psychiatrique pour les vétérans aux conditions suivantes :
- Un ensemble de normes générales pour les chiens d'assistance a été établi;
- Le recours à un chien d’assistance psychiatrique est susceptible d’entraîner une diminution importante de l’intensité des interventions cliniques;
- Les vétérans peuvent démontrer périodiquement leur capacité à s’occuper d’un animal selon des techniques respectueuses de son bien‑être.
Normes, certifications, accréditations et autres règles des autorités publiques
« Pour que l'industrie canadienne des chiens d'assistance survive et même s'épanouisse, ne serait-il pas temps de mettre de côté les obstacles liés à la marque et à la part de marché pour se concentrer sur ce qui compte le plus, c'est à dire honorer et soutenir les anciens combattants du Canada et leurs familles[47]? »
Dans le cadre de cette étude, il fut abondamment question de la possibilité et de la pertinence d’harmoniser les normes provinciales et territoriales, de manière à créer une norme qui encadrerait l’industrie des chiens d’assistance pour les vétérans souffrant de problèmes de santé mentale. Une telle norme n’existe présentement ni au Canada, ni ailleurs dans le monde[48]. Une certaine confusion prévaut également en ce qui concerne le champ d’application de la norme. Certains organismes privés ou communautaires offrent des lignes directrices, mais elles ne s’appliquent qu’à leurs propres membres. C’était pour combler cette lacune qu’en 2015, en même temps qu’il avait financé une étude sur l’efficacité des chiens d’assistance (voir par. 11–13 ci-haut), ACC avait conclu un contrat avec l’Office des normes générales du Canada (ONGC) :
… pour établir un ensemble de normes nationales afin de s’assurer que les chiens d’assistance fournis aux vétérans sont bien dressés et répondent aux exigences normalisées en matière de comportement. Le 17 avril 2018, l’Office a informé les membres du comité technique qu’il ne produirait pas de norme nationale pour les chiens d’assistance, car les membres du comité ne s’entendaient pas pour dire qu’une telle norme pouvait être établie. Par conséquent, l’initiative visant à élaborer une norme nationale a été abandonnée[49].
Cette entente entre le ministère et l’ONGC faisait suite, selon Mme Moss, à deux conférences nationales sur les chiens d’assistance militaire organisées par la Fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux (FCSSAA) auxquelles avait participé l’ONGC. La FCSSAA, fondée en 1957, regroupe des sociétés de protection des animaux et d’autres organisations vouées à la protection des animaux, et est chargée de coordonner les interventions de haut niveau et de faire appliquer les normes des autorités publiques par ses membres. Elle semblait donc toute désignée pour organiser ces conférences nationales. Plusieurs participants avaient alors délégué à Mme Moss la responsabilité de soumettre une proposition à l’ONGC qui prendrait la forme d’une étude de faisabilité préalable à l’élaboration de la norme comme tel[50]. Par la suite, « des conversations internes entre Anciens Combattants Canada, l'ONGC et d'autres parties ont eu lieu en coulisse, et ils ont pris la décision d'aller de l'avant avec l'élaboration de la norme[51] ».
On en sait très peu sur les raisons ayant mené ce comité d’une quinzaine de membres à abandonner la définition d’une norme. Les multiples éléments d’information présentés lors des témoignages illustrent la grande variété des interprétations quant aux difficultés ayant mené à cette décision, ainsi que la complexité de la tâche qui incombait alors à l’ONGC. Lors de son témoignage, M. Nathan Svenson, d’ACC, a expliqué que :
[l]’apport des diverses parties prenantes a contribué à élargir l’objet de la norme des chiens d’assistance psychiatrique à l’ensemble des chiens d’assistance. Ça pourrait avoir rendu le consensus plus difficile. […] L’impossibilité du consensus est attribuable à un certain nombre de partenaires et d’acteurs, particulièrement dans l’industrie. Ça concernait la durée exigée du dressage, l’âge du début du dressage des chiens et l’emploi de colliers électriques. Les sujets de désaccord étaient très nombreux. Ç’a été la véritable cause de l’interruption du processus[52].
Certains, dont Medric Cousineau, ont affirmé que des participants avaient délibérément miné le travail de ce comité technique :
Je parle de ce groupe de contestation autoproclamé, qui a pris le travail de l'ONGC pour le présenter au Conseil canadien des normes et qui a réussi à créer un environnement tellement toxique qu'il était inévitable que l'ONGC finisse par être enfermé dans une impasse. Ce groupe avait pour but de faire dérailler le processus et il a réussi[53].
Selon Danielle Forbes, qui était co-présidente du comité de l’ONGC, plusieurs membres craignaient que la manière dont la norme serait mise en œuvre par les gouvernements empêcherait des vétérans d’obtenir un chien d’assistance ou de garder le leur :
C'est le volet politique qui a effrayé les gens. La norme était une chose, mais ils avaient peur de la façon dont elle allait être intégrée à la loi et aux politiques, et des répercussions que cela aurait sur la vie des utilisateurs, et peut-être de la violation de leurs droits.
Ce n'était pas le rôle de l'Office des normes générales du Canada d'élaborer les éléments relatifs à la politique et à la réglementation. Il n'y avait pas de réponse directe à ces questions, ce qui rendait les gens encore plus craintifs quant à la poursuite du processus[54].
Selon le caporal Lohnes, d’AUDEAMUS, qui, à l’époque, représentait la Gendarmerie royale du Canada au Comité de l’ONGC, l’une des mésententes touchait plutôt la manière de développer un programme de dressage qui s’appliquerait de manière spécifique aux problèmes de santé mentale :
Jusqu'où devrait aller l'entraînement du chien? Que devons-nous inclure dans la norme? Certains participants étaient convaincus qu'un programme de dressage devait être intégré à la norme. Je leur ai fait remarquer, au cours d'une réunion, que la GRC n'avait pas commencé par mettre en place un programme d'entraînement, avant même d'établir une norme. Il nous a fallu un certain temps pour élaborer une norme rigoureuse reconnue dans le monde entier. La GRC a essayé trois programmes de dressage différents avant d'en arriver au programme actuel qui donne d'excellents résultats[55].
Un autre débat portait sur l’aspect ouvert ou fermé de la norme. Par exemple, MIRA est une organisation qui met en œuvre une norme fermée que cette fondation est seule à pouvoir appliquer. Certains intervenants au Comité ONGC préconisaient une telle norme fermée, alors que d’autres, comme AUDEAMUS, préféraient une norme ouverte que toutes les organisations intéressées auraient pu adopter sans créer un monopole d’accréditation[56].
Finalement, des désaccords ont porté sur l’importance de l’obéissance du chien à des ordres. Selon les représentants d’AUDEAMUS, la capacité du chien à obéir à un ordre est nécessaire, mais pas suffisante. « S'agit-il de certifier qu'un chien est obéissant ou qu'il peut fournir un soutien en santé mentale[57]? » Selon lui, l’obéissance ne peut pas être le principal critère d’évaluation de la compétence d’un chien. Pour soutenir un vétéran souffrant de problèmes de stress opérationnel, la relation thérapeutique entre le vétéran et son animal doit manifester un soutien affectif mutuel et une complicité. Des techniques de dressage plus uniformisées peuvent être adaptées aux chiens d’assistance pour les personnes souffrant de problèmes de santé physique. En revanche, pour les problèmes de santé mentale, les comportements appris par le chien pour reconnaître et réagir aux situations qui déclenchent des symptômes chez le vétéran ne pourront pas nécessairement être transposés d’un chien à l’autre. Comme l’a dit le général Holt, « c’est un chien qui fait partie de l’âme[58] ».
Tous ces débats illustrent bien la complexité des questions à régler, la variété des approches, des points de vue et des intérêts, ainsi que les compromis qui auraient dû être consentis de toutes parts afin d’en arriver à des normes qui auraient pu être acceptées de manière générale. Jusqu’à maintenant, les programmes de chiens d’assistance offerts par le secteur privé ou communautaire, qu’ils soient ou non accrédités ou liés de quelque manière aux gouvernements, se sont développés de manière désordonnée. Selon Mme Moss, la perspective d’une norme obligatoire peut apparaître à certains comme une occasion d’affaires ou comme un risque nouveau au sein d’une industrie jusque-là autoréglementée :
La situation dans le présent contexte de l'industrie des chiens d'assistance est très fragmentée, et ne suit aucune logique. N'importe qui peut suspendre une enseigne à sa porte. C'est pourquoi, dès qu'une norme aura été définie et publiée par le Conseil canadien des normes, il existera une norme impartiale que tout le monde aura contribué à produire, et une norme à la définition de laquelle toutes les parties prenantes auront eu l'occasion de participer. Ceux qui souhaitent ne pas participer sont libres de le faire. Maintenant, les choses pourraient devenir intéressantes lorsque le gouvernement dira, « Eh bien, c'est du beau travail. Nous aimons ce que nous voyons ici. Nous allons faire référence à cette norme dans nos lois. » Et c'est à ce moment‑là que la norme devient loi. Et si elle devient loi, elle oblige toutes les industries concernées à examiner le genre de certification qui sera exigé à titre de preuve de conformité à la norme, parce qu'alors, il ne sera plus question de choix, cela deviendra obligatoire[59].
L’abandon par l’OGNC de son mandat d’établir une norme nationale a créé un vide qui a ramené tous les acteurs de cette industrie à leur fragmentation initiale. Alors que les données scientifiques se précisent et permettent de documenter les bienfaits des chiens d’assistance, ACC semble moins capable qu’avant de mener cette initiative puisque la tâche qui lui incombe s’est avérée insurmontable. C’est pourquoi la solution qui sera examinée ci-après exclut à la fois les gouvernements et les membres de l’industrie. Le Comité estime qu'une organisation impartiale et objective est nécessaire pour créer une norme canadienne qui s’harmoniserait avec celles que les provinces et territoires ont élaborées.
De son côté, la FCSSAA, que dirige Mme Moss, a poursuivi son travail :
En 2019–2020, étant donné que le processus précédent avait échoué, nous sommes repartis de zéro, et avons entrepris une étude de faisabilité d'une durée d'un an sur les chiens d'assistance. Nous avons effectivement mené une étude auprès de l'industrie et du marché. Cette étude peut être consultée sur notre site Web et dans mon exposé également[60].
Selon Mme Moss, ACC n’a pas souhaité s’impliquer dans le projet et a plutôt soutenu le programme de WWC qui s’appuie sur la norme privée d’Assistance Dogs International (ADI).
En 2019, selon les Comptes publics du Canada pour 2019, WWC a reçu 245 000 $ dans le cadre du Fonds pour le bien-être des vétérans et de leur famille afin d’étendre son programme de chiens d’assistance pour les vétérans souffrant du syndrome de stress post-traumatique. Selon un formulaire de l’organisme, le coût initial d’un chien d’assistance entraîné est d’environ 25 000 $. Selon Sheila O’Brien, à titre de comparaison, aux États-Unis, un projet pilote élaboré dans la foulée de l’adoption récente du PAWS for Veterans Therapy Act, établit à environ 60 000$ le coût d’un chien et d’une équipe pour entraîner le chien et le vétéran[61]. Les quelques centaines de vétérans qui pourront bénéficier du projet pilote américain y auront accès gratuitement.
WWC a également développé des normes applicables aux entraîneurs, aux écoles de dressage ainsi que des lignes directrices destinées aux professionnels de la santé qui peuvent fournir des ordonnances en vertu des régimes provinciaux/territoriaux ou des régimes d’assurance. Ces normes ont été établies en conformité avec celles recommandées par Assistance Dogs International, un regroupement d’organisations sans but lucratif de dressage et de placements de chiens d’assistance. Ces normes comprennent :
- Des vérifications de la santé financière et de l’éthique des fournisseurs qui doivent s’engager à travailler en collégialité avec d’autres fournisseurs du pays et à être accrédités par Assistance Dogs International ou par l’International Guide Dog Federation;
- des tâches spécifiques que les chiens doivent pouvoir accomplir, de manière à les distinguer des chiens de compagnie;
- ces tâches doivent obligatoirement inclure la dimension de santé mentale pour que les écoles de dressage puissent obtenir du financement de WWC;
- le dressage des chiens doit promouvoir leur bien-être;
- l’entraînement doit se faire conjointement avec la présence du vétéran afin de favoriser le meilleur lien possible entre l’humain et l’animal.
- Les fournisseurs doivent maintenir un niveau de services par des rencontres de vérification par lesquelles sont autorisés les versements périodiques du financement[62].
De plus, le dressage fourni en vertu de ces normes doit permettre au pairage maître-chien de passer avec succès l’équivalent du test d’évaluation publié par la Colombie-Britannique. Selon M. Ralph, de WWC, « [les normes que nous avons publiées sont] un excellent point de départ, et c'est certainement beaucoup mieux que ce que nous avons actuellement[63] ». Les vétérans qui bénéficient du soutien de WWC peuvent ainsi obtenir un chien d’assistance, mais ces dépenses ne sont pas admissibles à un remboursement dans le cadre du programme de réadaptation d’ACC.
Selon M. Svenson, d’ACC, « [WWC] fait de son mieux pour combler activement le manque en attendant que nous ayons des normes nationales. Dans une certaine mesure, il démontrera qu’une instance de gouvernance peut coordonner les services entre les fournisseurs de chiens d’assistance. Voilà qui nous intéresse[64]. » Autrement dit, le ministère espère que les différents acteurs de ce secteur d’activité auront un intérêt à se donner de leur propre initiative des normes qui pourront ensuite être étendues à l’ensemble du pays. Grâce à son programme et au soutien d’ACC, WWC se trouve à assumer ce rôle informel « d’instance de gouvernance » en attendant que de véritables normes entrent en vigueur.
Ce rôle informel qu’a acquis WWC a toutefois alimenté les dissensions au sein des membres de l’industrie qui y voient un avantage déloyal. M. Webb et Marc Lapointe, l’un des fondateurs d’AUDEAMUS qui entraîne maintenant des chiens pour l’entreprise Meliora, ainsi que Citadel Canine[65] ont critiqué cette décision d’ACC de se retirer du processus et de s’en remettre à WWC, et ont défendu l’impartialité de la FCSSAA[66]. Cette dernière, avec le soutien de l’Organisme de normalisation de la recherche humaine (ONRH), qui supervise les normes s’appliquant à la recherche sur des êtres humains, a choisi de poursuivre son travail avec les autres parties prenantes intéressées :
Les normes comptent parmi les nombreux outils à notre disposition, si vous voulez. Elles font partie du tableau d'ensemble. Elles ne vont pas tout régler, mais elles donneront la possibilité, si un ordre de gouvernement souhaite éventuellement faire référence à des normes dans une loi, de citer une norme nationale du Canada, élaborée suivant un processus transparent et équitable en fonction de critères réglementés, plutôt que de se réclamer d'une marque de commerce. La Loi sur le Conseil canadien des normes veille aussi à la protection de ce travail et de son intégrité[67].
Le vide que crée présentement l’absence de normes harmonisées bloque tout processus d’accréditation structuré des organisations capables de fournir des chiens d’assistance en santé mentale. Il devient, par exemple, impossible de distinguer les organisations qui entraînent ou fournissent des chiens d’assistance psychiatrique de celles qui entraînent ou fournissent des chiens de soutien émotionnel. Susan Brock, d’AUDEAMUS, insiste à juste titre sur l’importance des liens affectifs entre le chien et le vétéran comme condition nécessaire au bien-être que l’animal peut favoriser[68]. Mais comme il a été montré plus haut, ces liens sont insuffisants pour accorder le statut de « chien d’assistance psychiatrique ».
De plus, certaines organisations sont en mesure d’affirmer qu’elles sont « accréditées » ou que les chiens qu’elles fournissent sont « accrédités » pour la simple raison que les animaux sont en mesure de se conformer aux normes provinciales d’accès aux transports ou aux édifices publics, sans autre forme de vérification de leur utilité thérapeutique. Sans une norme permettant de distinguer les conditions d’élevage et d’entraînement continu des chiens d’assistance psychiatrique des conditions d’élevage et d’entraînement des chiens de soutien émotionnel ou de chiens de compagnie bien dressés, les organisations et les entreprises demeurent libres de prétendre offrir les uns ou les autres.
L’adoption d’une norme canadienne permettrait donc de clarifier deux distinctions importantes :
- 1) Les procédures obligatoires permettant à une organisation ou à une entreprise de désigner les chiens qu’elle fournit sous l’appellation réservée de « chiens d’assistance psychiatrique », en les distinguant des pratiques exemplaires recommandées pour le dressage de chiens de soutien émotionnel lorsqu’on veut les adapter aux circonstances de vie particulières des vétérans souffrant de problèmes de santé mentale;
- 2) Les conditions auxquelles les autorités provinciales, fédérale et territoriales choisiront d’autoriser le privilège d’accès des chiens d’assistance aux transports et aux édifices publics.
Les sections suivantes porteront sur chacun de ces deux éléments.
Normes obligatoires pour les chiens d’assistance
Il n’existe pas de norme internationale reconnue par les autorités publiques pour les chiens d’assistance psychiatrique. Il faut donc replacer dans leur contexte les mentions fréquentes d’Assistance Dogs International (ADI) comme proposant de telles normes. Cet organisme offre un programme d’accréditation par les pairs aux organisations qui en sont membres. Il a certainement rendu un service louable à de nombreuses organisations puisque, en l’absence de normes publiques reconnues, elle a offert des lignes directrices qui sont devenues des pratiques exemplaires au sein de l’industrie. Selon Sheila O’Brien, la division nord-américaine de l’organisme, dont elle est présidente, « supervise 106 programmes de dressage de chiens d'assistance et de chiens-guides[69] ». Par exemple, Wounded Warriors Canada les applique dans le cadre de son programme. À ses débuts, en 1987, ADI ne fournissait des chiens qu’aux personnes aux prises avec des blessures physiques. C’est la recrudescence de problèmes psychiatriques lors du retour des vétérans américains d’Irak et d’Afghanistan qui a amené l’organisme à développer un programme pour les blessures de stress opérationnel. Le premier chien issu de ce programme a été confié à un vétéran en 2006. Toujours selon Mme O’Brien :
Les normes ont été mises en œuvre il y a trois ans maintenant. Présentement, notre comité des normes internationales étudie ces normes pour s'assurer que nous sommes sur la bonne voie. Nous avons vraiment fait du bon travail de ce côté‑là. Elles ont aidé notre département des Anciens combattants, qui verse seulement des prestations à ceux qui ont des chiens d'ADI ou de [l'International Guide Dog Federation (IGDF)]. Le département des Anciens combattants des États‑Unis ne veut pas avoir à décider si un chien est un chien d'assistance ou s'il fait son travail.
Les normes ont aussi été communiquées aux compagnies aériennes de l'Amérique du Nord et du Canada. Nous travaillons là‑dessus depuis longtemps; nous voulions qu'elles comprennent ce qu'un chien d'assistance bien dressé fait et quelle formation un vétéran doit suivre pour avoir un chien[70]. […] Chaque programme agréé d'ADI doit respecter ces normes. Elles sont revues tous les cinq ans[71].
Comme l’a toutefois évoqué M. Svenson, d’ACC, ces normes ont fait l’objet de désaccords importants au sein du Comité technique de l’Office des normes générales du Canada : « [C]ertains des fournisseurs estimaient que les normes d’Assistance Dogs International n’étaient pas assez strictes et n’exigeaient pas suffisamment d’heures de dressage pour les chiens. Par ailleurs, certaines des écoles qui ont souscrit à cette norme n’étaient pas d’accord avec les autres fournisseurs[72]. »
De son côté, Joanne Moss, de la FCSSAA a voulu faire ressortir les limites que comportent les accréditations obtenues à partir de ces normes. Selon elle, l’accréditation que fournit ADI est :
une accréditation par un processus interne qui laisse deviner une auto-attestation, ou un examen par des pairs qui détermine le barème d’une organisation ou les normes d’une entreprise privée pour évaluer la valeur et la notoriété de la marque. Autrement dit, tous les documents désignés comme des normes nationales ou internationales sont des documents privés qui ne s’appliquent qu’à ceux qui les développent ou au sein de leurs organisations membres ou de leurs fournisseurs de services affiliés, et non à l’ensemble de l’industrie des chiens d’assistance[73].
D’autres ont évoqué le processus en cours aux États-Unis et souhaiteraient l’adoption de normes similaires qui permettraient l’ouverture d’une industrie nord-américaine. M. Svenson, d’ACC, a mis le Comité en garde contre une telle transposition des normes américaines. Selon lui, les moyens dont dispose le ministère américain ainsi que le nombre de vétérans qui pourraient en bénéficier leur a permis de mettre sur pied un système extrêmement rigoureux qu’il serait très difficile de transposer au Canada : « [I]l n’est pas pratique pour le ministère de dire, "[v]oici comment on doit procéder", si personne au pays ne peut respecter cette norme[74]. »
Il faut donc trouver un équilibre entre les exigences élevées qu’implique une norme canadienne, et la capacité des fournisseurs à la mettre en œuvre de manière à répondre adéquatement aux besoins des vétérans qui pourraient en bénéficier.
La FCSSAA, dont l’impartialité est reconnue depuis sa fondation il y a 65 ans, s’est dit prête à présenter un projet de norme nationale dans un avenir rapproché. Comme l’a expliqué Mme Moss, sa présidente :
C'est le début du processus. Il commence par la mise en place d'un comité technique, qui votera et qui travaillera diligemment à l'élaboration d'une version préliminaire des normes. Ensuite, cette version sera soumise à une consultation publique. Nous recevrons des rétroactions, qui seront transmises au comité technique. Nous apporterons les modifications nécessaires et soumettrons un projet de normes à l'examen du Conseil canadien des normes. Si le projet est accepté, le Conseil publiera une norme nationale[75].
[…] En tant que comité, nous allons étudier le vocabulaire utilisé dans tout le secteur, y compris le vocabulaire lié aux chiens d'assistance, de même que les définitions et un code d'éthique, à l'échelle nationale. Et nous allons commencer à approfondir à partir de là[76].
Afin de s'assurer que les informations recueillies pour la création d'une norme sont complètes, l'organisme chargé de l'établir devrait être sensibilisé à la diversité des normes actuellement appliquées par les acteurs du secteur. Le Comité recommande donc :
Recommandation 4
Qu'Anciens Combattants Canada appuie et favorise la création de normes nationales pour les chiens d'assistance au Canada en encourageant tous les fournisseurs de chiens d'assistance au Canada à soumettre leur documentation sur leurs normes et leur matériel de formation à l'Organisme de normalisation de la recherche humaine, car il s'est associé à la Fondation canadienne des services de soutien assistés par des animaux dans le cadre d'une initiative nationale visant à élaborer des normes nationales du Canada pour tous les types de services assistés par des animaux.
La norme que propose ici la FCSSAA serait englobante et s’appliquerait à l’ensemble des animaux de service. Les chiens d’assistance seraient un sous-groupe à l’intérieur de cet ensemble et le soutien en santé mentale pour les vétérans serait l’un des services que peuvent rendre les chiens d’assistance. Tel que présenté dans l’Avis d’intention de la FSSAA[77], ce cadre général s’appliquant à toute l’industrie des animaux de service comprendrait quatre « normes nationales du Canada » :
- 1) La norme « Développement d’un système de gestion des services assistés par les animaux » s’appliquerait aux modes de gestion de toute organisation ou entreprise fournissant des services assistés par des animaux (SAA).
- 2) La norme « Production et prestation de services assistés par les animaux » préciserait les exigences applicables aux prestations de services par les animaux eux-mêmes, de manière à établir des critères spécifiques pour chaque type de service fourni par un animal dans des conditions d’exercice réelles.
- 3) La norme « Dressage, gestion et soin des animaux en service » s’appliquerait aux écoles de dressage et à toute organisation fournissant ou utilisant des animaux de service.
- 4) La norme « Production et prestation de services assistés par les animaux lors des situations d’urgence officiellement déclarées » s’appliquerait à tous les aspects des services fournis par des animaux lors de situations d’urgence.
ACC a décliné l’offre faite par la FCSSAA de se joindre au comité technique qui se chargerait de l’étude de ces normes[78].
L’Organisme de normalisation de la recherche humaine a lancé une consultation publique sur le projet de norme nationale « Développement d’un système de gestion des services personnels assistés par des animaux » élaboré par la FCSSAA. Y voyant une occasion de favoriser l’adoption rapide d’une norme, le Comité recommande :
Recommandation 5
Que, jusqu’à ce que des normes nationales aient été établies pour les chiens d’assistance au Canada, Anciens Combattants Canada (ACC) collabore avec les parties prenantes pour dresser une liste exhaustive de tous les fournisseurs et dresseurs actuels de chiens d’assistance au Canada et l’examiner régulièrement afin de s’assurer qu’ils sont régulièrement informés du processus d’élaboration des normes nationales, et qu’ACC donne un avis d'intention au groupe technique de l’Organisme de normalisation de la recherche humaine et de la Fondation canadienne des services de soutien assistés par des animaux d'élaborer des normes nationales portant spécifiquement sur les chiens d'assistance pour les vétérans.
Danielle Forbes est directrice exécutive de National Service Dogs, un organisme de bienfaisance qui fournit gratuitement des chiens spécialement entraînés à accompagner les vétérans souffrant du SSPT[79]. Mme Forbes a dressé une liste des éléments qui devraient être inclus dans une norme qui s’appliquerait de manière spécifique aux chiens d’assistance :
Nous devons veiller à ce que les chiens qui sont offerts aux Canadiens aient été dressés d'une façon spécifique pour réduire au minimum les restrictions de la personne handicapée. Nous devons nous assurer que les chiens sont en santé, que leur tempérament et leur condition physique conviennent au service et qu'ils soient sécuritaires pour leurs maîtres-chiens et pour la collectivité en général. Nous devons veiller à ce que les fournisseurs de chiens d'assistance travaillent de façon éthique, sécuritaire, adaptée et responsable, pas seulement pour leurs clients, mais aussi pour les chiens qu'ils déploient. Nous devons nous assurer que le public sache, quand il voit un chien avec une veste de chien d'assistance ou un harnais de chien-guide, que le chien ne leur créera pas de problème, ni à leur propriété ni à leur entreprise[80].
Même si des témoins, dont William Webb[81], ont recommandé qu’ACC ne participe pas à l’élaboration de la norme, cela ne signifie pas que le ministère n’aurait aucun rôle à jouer dans son application. M. Marc Lapointe, de Meliora, a décrit les tâches spécifiques qui devraient incomber à ACC, une fois que la norme englobante décrite par Mme Moss a été appliquée au cas spécifique des chiens d’assistance en santé mentale pour vétérans. Il faut, selon lui :
Une reconnaissance de ces chiens par ACC et partout au Canada; un registre national des fournisseurs responsables et éthiques de chiens d'assistance identifiant les chiens, les utilisateurs, les maîtres-chiens, les entraîneurs et les organismes de formation certifiés; une norme commune pour la formation et la certification des équipes de chiens d'assistance au Canada; un registre national des éleveurs responsables et éthiques ayant prouvé que leurs chiens sont sains, calmes et ont une vie professionnelle suffisamment longue; un financement pour élever, dresser et prendre soin des chiens d'assistance psychiatrique pour les anciens combattants blessés; la formation des gestionnaires de cas d'ACC sur les chiens d'assistance psychiatrique et les chiens d'assistance à la mobilité pour les anciens combattants, ainsi que sur le processus de demande, parce que les gestionnaires de cas n'ont aucune idée de ce qui se passe[82].
Il a ajouté que, si une telle norme entrait en vigueur, il faudrait ensuite qu’un organisme s’occupe d’en assurer la conformité, et d’accompagner les membres de l’industrie dans sa mise en place. Les provinces et territoires pourraient identifier les organisations capables d’assumer cette fonction[83].
Accès public des chiens de soutien émotionnel
Il est important de séparer la question de l’accès public des chiens de celle de l’entraînement nécessaire à un chien d’assistance psychiatrique. Il va de soi que lorsqu’une norme canadienne aura été élaborée pour les chiens d’assistance et qu’ils pourront être intégrés au programme de réadaptation des vétérans qui pourraient le plus en bénéficier, ces animaux devraient bénéficier de tous les privilèges d’accès aux transports et aux édifices publics.
Le problème qui se pose actuellement vient du fait qu’en l’absence d’une telle norme, il est impossible d’établir une distinction claire entre les chiens d’assistance psychiatrique spécialement entraînés pour soutenir les vétérans aux prises avec des problèmes de santé mentale et les chiens de soutien émotionnel, qu’ils aient ou non été entraînés dans le but spécifique d’accompagner des vétérans. Les autorités publiques qui octroient ces privilèges n’ont donc pas de critères uniformes pouvant les guider, d’où la confusion qui semble régner.
M. Webb, un vétéran propriétaire d’un chien d’assistance, a bien décrit le malentendu qui pouvait exister entre l’examen permettant d’octroyer ces privilèges d’accès public et l’entraînement rigoureux qui découlerait des exigences d’une norme obligatoire :
Le chien de ma propre sœur a réussi l'examen imposé par la Colombie-Britannique en 22 petites minutes. Son chien n'est pas dressé, mais il est maintenant accrédité comme chien d'assistance par la province de la Colombie-Britannique, et il peut l'accompagner partout. C'est un très petit chien… J'ai donc des problèmes avec ma propre famille à cause de la manière dont la loi est rédigée et appliquée en Colombie-Britannique. Tout le monde peut avoir un chien d'assistance dans cette province, absolument tout le monde. Si votre chien se comporte bien, il passe l'examen. Mon chien doit être dressé en fonction d'une norme, pas pour réussir un examen[84].
Selon M. Carl Fleury, de Meliora :
N'importe qui peut, en cinq minutes à peine, commander sur Amazon une carte d'identité de chien de service qui sera valide ici, au Canada. La situation est problématique, présentement. C'est aberrant. N'importe qui peut obtenir une carte d'identité de chien de service sans avoir suivi de cours. Cette carte coûte 35 $ et elle est livrée sans frais à domicile[85].
Dans une proportion qu’il est difficile d’évaluer, les chiens qui passent l’examen d’accès public sont désignés comme « chiens d’assistance », alors que ce sont souvent des chiens de compagnie dont le propriétaire s’adonne à être un vétéran inscrit au programme de réadaptation d’ACC. Si une telle approche se généralisait, le statut de chien d’assistance et le privilège ainsi accordé ne dépendraient plus de l’entraînement particulier qu’aurait reçu l’animal, mais plutôt de la condition de la personne qu’il accompagne.
À l’inverse, les chiens d’assistance qui font partie du processus thérapeutique élaboré par les professionnels de la santé, peuvent être exclus de certains lieux où ils seraient admis si une norme permettait de faire une distinction entre les chiens d’assistance et les chiens de compagnie. Par exemple, selon Darlene Chalmers :
Lorsqu'un vétéran qui a un chien d'assistance se voit refuser du counselling ou des services dans un bureau de counselling, cela pose un problème. Lorsqu'un vétéran se voit refuser un logement à cause d'un chien d'assistance, il y a un problème. Il ne semble pas y avoir d'uniformité au chapitre des expériences au pays. Il faut que les professionnels de la santé et les autres professionnels soient sensibilisés au rôle des chiens d'assistance et aux bienfaits qu'ils apportent aux vétérans[86].
De plus, l’incapacité des autorités publiques à évaluer le risque que pose un animal particulier les oblige à appliquer des critères élaborés par des organisations privées, sans que ces critères découlent d’une norme bien établie. Comme l’a bien décrit M. Webb, cela entraîne une incohérence qui se remarque particulièrement dans les transports puisqu’ils impliquent des critères différents pour chacune des provinces et chacun des territoires :
Je vais me diriger vers la maison […] à partir du Manitoba, avec mon nouveau chien d'assistance. Et je vous garantis que lorsque je monterai sur les traversiers de la Colombie‑Britannique […], on me refusera l'accès au pont des passagers parce que mon chien provient de Courageous Companions plutôt que d'Assistance Dogs International[87].
Selon Medric Cousineau, l’adoption d’une norme canadienne harmonisée aiderait également les transporteurs privés à uniformiser leurs critères : « Chaque compagnie aérienne que j'appelle a des exigences différentes quand je voyage avec mon chien d'assistance. Même s'il y a des choses comme des lois sur l'accessibilité et les droits des personnes handicapées dans tout le pays, il s'agit d'un ensemble disparate non réglementé, non contrôlé et sans réciprocité interprovinciale[88]. »
En l’absence de normes, les transporteurs privés et les organismes publics de réglementation doivent s’en remettre à ce qui s’en rapproche le plus, et c’est pourquoi les normes proposées par ADI et par l’International Guide Dog Federation se sont imposées et que les seuls chiens auxquels ils voudront permettre un accès public seront ceux entraînés par l’une de leurs organisations membres. Certains, dont M. Webb, déplorent ce quasi-monopole dont bénéficient les membres d’ADI et de l’IGDF[89]. Par exemple, en Colombie-Britannique, pour qu’un chien soit reconnu comme chien d’assistance, il doit avoir été entraîné par une organisation membre d’ADI ou de l’IGDF[90]. Les provinces doivent se rabattre sur ces normes privées, car aucune autre n’a réussi à s’imposer. Il en existe d’autres, mais, sans processus formel et rigoureux comme celui qu’avait entrepris l’OGNC, il est difficile d’établir les critères qui feraient qu’une norme dusse valoir plutôt qu’une autre.
Par exemple, M. Webb, tout comme John Dugas de Courageous Companions[91], ont vanté les normes développées par Mehgan Search and Rescue, une organisation gérée par des premières nations du Manitoba[92]. Cette norme figure d’ailleurs parmi les normes reconnues dans la Directive sur les chiens d’assistance du ministère de la Défense nationale, au même titre que celles d’ADI et de l’IGDF. Pourquoi le ministère de la Défense nationale l’ajoute-t-il à ses fournisseurs reconnus, et pas la Colombie-Britannique? Seul l’élaboration d’une norme harmonisée permettrait de résoudre cette incohérence apparente.
Présentement, c’est la contribution thérapeutique de l’animal, qu’elle soit présumée ou accréditée, comme dans le cas des chiens d’assistance pour les non-voyants, qui justifie le privilège d’accès public qui leur est accordé. Dans le cas des chiens de soutien émotionnel, la question qui se pose est de savoir si leur contribution au bien-être des vétérans est suffisante pour que leur soit accordé ce privilège. Si la réponse était positive, il faudrait envisager d’ouvrir cet accès public à tous les chiens dont les propriétaires peuvent présenter un diagnostic de santé mentale. Le risque serait alors très élevé de provoquer des situations comme celles qui ont amené l’administration américaine à reculer en raison des aptitudes inégales des propriétaires de chiens à garantir la sécurité du public en présence de leur animal. En effet, aux États-Unis, certains accommodements légaux ont été prévus dans le domaine du logement et du transport pour les personnes handicapées possédant un chien de soutien émotionnel. Toutefois, « le Secrétariat américain au Transport est en train d'élaborer des règles visant à supprimer les droits d'embarquement accordés aux chiens de soutien émotionnel et à d'autres espèces, notamment en raison de l'augmentation du nombre d'incidents d'agression et d'incidents insalubres causés par des animaux de soutien émotionnel mal dressés[93] ». Il y a donc lieu de penser que les bonnes intentions sous-jacentes à la volonté d’élargir les privilèges d’accès aux chiens de soutien émotionnel ne seraient pas suffisantes pour garantir la sécurité du public.
Il existe plusieurs fournisseurs de chiens qui souffriraient d’une clarification de la définition de chien d’assistance. Il est vraisemblable que, par exemple, ceux qui recueillent et dressent des chiens abandonnés pourraient difficilement obtenir une accréditation pour des chiens d’assistance psychiatrique. Selon les auteurs de l’étude américaine citée plus haut, l’histoire inconnue de ces animaux pose un risque particulier et ce risque doit être abordé avec beaucoup de précaution lorsque les personnes qui vivent avec ces animaux souffrent de problèmes de santé mentale. Dans une phase préliminaire de l’étude, cette distinction n’avait pas été appliquée de manière systématique, et deux enfants ont été mordus par des chiens qui se sont révélés des chiens abandonnés recueillis par un refuge. Ces animaux ont donc été exclus, et seul ceux élevés spécifiquement pour devenir des chiens d’assistance ont été inclus dans l’étude[94].
M. Medric Cousineau a offert une mise en garde similaire :
Certains programmes appliquent le modèle participatif propriétaire-dresseur. Cependant, vous devez être conscient, et cela est souligné dans les lignes directrices à l'intention des prescripteurs, du danger inhérent qui se présente quand on prend une personne qui a de graves problèmes de santé mentale, qu'on la jumelle à un chien de provenance inconnue et qu'on essaie de les amener à la ligne d'arrivée dans le monde des chiens d'assistance. S'ils échouent, ce qui est une possibilité assez forte, vous avez littéralement renforcé le sentiment d'échec d'un ancien combattant qui a des difficultés[95].
Cela pose une difficulté particulière pour les fournisseurs de chiens qui élèvent des animaux abandonnés. AUDEAMUS, un organisme sans but lucratif qui a élaboré un programme de chiens d’assistance pour vétérans souffrant de blessures de stress opérationnel, a souvent recours à ces « chiens rescapés » (rescue dogs), et cela contribue à maintenir les coûts assez bas. Selon le président de son conseil d’administration, le brigadier-général (à la retraite) Peter Holt, « il en coûte entre 3 000 et 5 000 $ avant de pouvoir remettre un chien à un vétéran[96]», au lieu des 25 000$ que coûte les chiens du programme de WWC ou les 60 000$ que coûtent les chiens du projet pilote américain.
Selon le caporal Christopher Lohnes, membre du Service des chiens de police de la Gendarmerie royale du Canada, et récipiendaire de la mention élogieuse du ministre des Anciens combattants à titre de cofondateur du programme d’AUDEAMUS, le programme se fonde sur le renforcement positif des comportements pour lesquels le chien est dressé : « [D]es routines et des rituels propres à la personne blessée sont élaborés pour lui apprendre à faire des activités avec son futur chien d’assistance. L'établissement de routines aide le cerveau blessé à se reconnecter et à développer de meilleurs souvenirs à court et à long terme[97]. »
Sur une période de plusieurs mois, une quinzaine de modules sont enseignés au vétéran afin de le préparer à dresser son chien. L’objectif principal est d’établir un lien de confiance durable entre le maître et son chien, et non à se servir de l’animal comme d’un simple outil de parfaite obéissance. Comme l’a remarqué Darlene Chalmers, « les chiens d'assistance ne sont pas des outils. Ce ne sont pas des instruments au service des humains, même s'ils sont complémentaires au traitement et au soutien des vétérans[98]. » Comme l’a dit le général Holt, le chien devient le « compagnon de combat » du vétéran blessé. La certification qu’offre AUDEAMUS ne se limite donc pas seulement à un test d’obéissance du chien à des ordres spécifiques, mais à une évaluation plus globale de la capacité du vétéran et de son chien à travailler en équipe et à maintenir une relation profonde.
Il s’agit donc d’un programme sophistiqué permettant au vétéran d’entraîner son chien en tenant compte des besoins respectifs de l’un et de l’autre, dans un contexte où la condition médicale du vétéran peut poser des défis additionnels. La certification accordée suite au programme évalue la qualité de la relation entre le vétéran et son animal, et la capacité de ce dernier à réagir adéquatement aux déclencheurs dans divers environnements de leur quotidien.
Le programme complet de certification que nous offrons dure trois jours […]. Dans le cadre de notre programme, nous les amenons ici et là, à différents endroits, dans les environnements dans lesquels ils évoluent normalement. S'ils ne sont jamais allés chez Costco, nous ne les amènerons pas là, mais si un vétéran va au bureau de son médecin cinq jours par semaine, nous irons y faire des exercices, pour voir comment il se débrouille. Comment se sent-il dans la salle d'attente? Dans le bureau du médecin?
Nous cherchons toujours à vérifier si l'équipe est présente. Si le maître et son chien sont tous les deux présents l'un à l'autre, s'ils sont en sécurité. S'ils ne sont pas présents ou qu'ils ne sont pas synchronisés, ils ne peuvent pas bien comprendre leur environnement immédiat et ils n'y sont pas en sécurité. Dans ce cas, nous devons refaire nos devoirs pour aider l'équipe à évoluer plus facilement dans cet environnement[99].
Un tel programme peut sans nul doute contribuer de manière significative au bien-être des vétérans aux prises avec des problèmes de santé mentale. Le programme vise le renforcement du lien d’attachement profond entre l’humain et son animal. Il a été clairement démontré qu’un tel lien favorise de manière significative le bien-être des vétérans souffrant de problèmes de santé mentale. La présence de tels chiens auprès des vétérans qui le souhaitent et qui démontrent les compétences nécessaires pour s’en occuper de manière adéquate ne peut être que bénéfique. Cela ne constitue cependant pas un traitement thérapeutique admissible au sens des critères du programme de réadaptation d’ACC. Comme on l’a vu plus haut, les chiens dressés spécifiquement pour devenir des chiens d’assistance psychiatrique sont les seuls dont on peut démontrer qu’ils apportent à certains vétérans des avantages cliniques supérieurs aux bienfaits que procurent les chiens de soutien émotionnel pour tous les autres.
La question qui se pose est de savoir si les bienfaits que procurent les chiens de soutien émotionnel sont suffisants pour qu’ACC envisage d’en couvrir les frais dans le cadre de son programme de réadaptation. Pour les chiens d’assistance psychiatrique, la question ne se pose pas et a été abordée plus haut.
Il y a présentement environ 40 000 vétérans, clients d’ACC, qui ont obtenu un diagnostic de santé mentale. De ce nombre, environ le quart est admissible au programme de réadaptation du ministère. Il y a donc environ 10 000 vétérans pour lesquels il serait justifiable qu’ACC couvre les frais liés à un chien de soutien émotionnel. En supposant que la moitié de ces vétérans se prévale de ce programme, la dépense serait substantielle puisqu’à 5 000$ (le coût maximum d’un chien chez AUDEAMUS) elle s’élèverait à 25 millions, mais ne serait pas récurrente, sauf pour les dépenses liées aux soins vétérinaires si on choisissait de les inclure, et lors du remplacement d’un chien.
Si un privilège d’accès public pouvait être accordé aux chiens de soutien émotionnel dont les propriétaires sont clients du programme de réadaptation d’ACC en santé mentale, les fournisseurs actuels maintiendraient leur accès à un marché important et pourraient offrir des chiens de soutien émotionnel bien entraînés à coût beaucoup plus faible que des chiens d’assistance psychiatrique dans les cas où les bienfaits thérapeutiques du chien d’assistance psychiatrique sont négligeables en comparaison de ceux des chiens de soutien émotionnel. Dans son mémoire, l’Unité des chiens d’assistance pour les anciens combattants (UCAACC) demande par exemple qu’une norme soit établie pour assurer le bien-être des animaux lors du dressage et la protection du public, de la même manière que l’accréditation d’une école de conduite assure les clients qu’ils seront bien traités et que la réussite du cours permettra de réussir l’examen de conduite[100]. Elle craint toutefois que si la norme était trop exigeante et ne permettait de reconnaître comme « chiens d’assistance » que ceux qui sont entraînés à accomplir des tâches thérapeutiques spécifiques, cela détruirait quantité de petits organismes qui font un excellent travail sur le plan local[101].
Selon Laura A. MacKenzie, de K-9 Country Inn Working Service Dogs :
Les normes n'empêcheront pas qu'il y ait des faux chiens d'assistance ou des chiens mal dressés. Ce qui est plus important que d'avoir des normes, c'est qu'elles soient appliquées et il faut une réglementation et des examens et des autorisations pour l'équipe. Vous pourriez élargir l'accès à un plus grand nombre de chiens si vous autorisiez d'autres dresseurs de l'Ontario, du Canada, à utiliser leurs chiens, mais il doit y avoir une sorte de mise à l'épreuve pour vérifier qu'ils suivent les bonnes normes et que les résultats — les maîtres-chiens, l'équipe — répondent aux critères[102].
Il faut faire ici une distinction entre l’accès aux édifices et l’accès aux transports publics. Les exigences de protection du public peuvent se permettre d’être moins strictes pour les édifices publics et le logement. Toutefois, dans les transports, le fait de demeurer durant de longues périodes dans un espace clos exige des règles plus strictes. Le ministère de la Défense nationale offre déjà des accommodements sans reconnaître formellement que les chiens d’assistance constituent un traitement médical. Ce devoir d’accommodement devrait-il être étendu aux propriétaires d’immeubles locatifs et d’édifices publics?
La seule raison de refuser l’accès des chiens aux lieux publics est la menace pour les personnes et les biens qui s’y trouvent. Si le test d’obéissance garantit cette sécurité, il n’y a pas de raison que l’accès aux lieux publics nécessite une vérification de la capacité du chien à atténuer les symptômes des blessures de stress opérationnel des vétérans. ACC, sans rembourser les frais liés aux chiens de soutien émotionnel, pourrait simplement fournir la preuve que le vétéran est client d’ACC pour un problème de santé mentale, et le vétéran devrait ensuite soumettre une preuve de la réussite du test de sécurité.
Recommandation 6
Que le gouvernement du Canada encourage les provinces et les territoires à harmoniser les règlements actuels ou à élaborer de nouveaux règlements afin d'accorder des droits de location et des droits d'accès aux transports et aux lieux publics aux chiens d'assistance qui démontrent leur capacité à accomplir des tâches de chien d'assistance, et non seulement des tâches d'obéissance.
Conclusion
Parmi les quelques 120 000 vétérans qui sont clients d’ACC, environ 40 000 ont reçu un diagnostic de santé mentale. Parmi ces derniers, environ 10 000 éprouvent des symptômes dont la gravité justifie leur participation à un programme de réadaptation coordonné par un gestionnaire de cas. Avec les traitements actuels, le taux de rémission est variable, mais l’on sait que chez les personnes souffrant du syndrome de stress posttraumatique, il se situe à entre 30 % et 40 %[103]. Les vétérans qui en souffrent peuvent donc s’attendre à en vivre les effets de manière chronique. C’est pourquoi la possibilité que les chiens d’assistance puissent constituer un nouveau traitement pouvant contribuer à une meilleure qualité de vie est primordiale.
En s’appuyant sur les études scientifiques existantes, on peut désormais affirmer clairement que, peu importe l’entraînement reçu, la présence d’un chien d’assistance contribue de manière significative à l’amélioration de la santé mentale des vétérans souffrant du syndrome de stress posttraumatique. Toutefois, il n’est pas possible d’affirmer que les chiens d’assistance psychiatrique entraînés à accomplir des tâches spécifiques faisant partie d’un plan de traitement médical procurent des bienfaits supérieurs à ceux que procurent les chiens de soutien émotionnel qui n’ont pas reçu un tel entraînement.
Pour le moment, la science ne permet donc pas de justifier l’élaboration d’un programme de grande envergure qui intégrerait un chien d’assistance psychiatrique au plan de réadaptation de tous les vétérans qui le souhaiteraient. C’est la position qu’a adoptée ACC.
Il existe cependant une exception en ce qui concerne les vétérans dont les symptômes sont modérés. Il est possible dans leur cas que la présence d’un chien d’assistance psychiatrique contribue à une atténuation des symptômes telle qu’elle libérerait le vétéran d’une partie des interventions cliniques d’un programme de réadaptation. Ces effets n’ont pas été remarqués de manière aussi nette chez les vétérans qui possédaient un chien de soutien émotionnel. C’est pourquoi le Comité recommande qu’ACC mette sur pied un projet pilote qui intégrerait les chiens d’assistance psychiatrique ayant subi un entraînement rigoureux au programme de réadaptation pour les vétérans éprouvant des symptômes modérés de stress posttraumatique.
Jusqu’à maintenant, les programmes développés par le secteur privé ou communautaire se sont développés de manière désordonnée. Qu’ils soient ou non accrédités par un organisme international privé ou par des autorités publiques, il n’est pas possible présentement d’identifier les programmes ou les entreprises qui puissent garantir que leurs chiens correspondront aux exigences d’un programme structuré de chiens d’assistance psychiatrique. C’est pourquoi il est impératif que le gouvernement du Canada confie à une autorité compétente et indépendante de l’industrie du dressage des chiens la responsabilité de définir une norme qui en encadrerait tous les acteurs.
Selon les connaissances actuelles, la plupart des vétérans souffrant de problèmes de santé mentale bénéficieraient de la présence d’un chien de soutien émotionnel s’ils ont la volonté et la capacité de s’en occuper adéquatement. Il n’est pas raisonnable de rejeter ces bienfaits en affirmant que ces animaux n’ont pas obtenu un entraînement suffisant pour que leur utilisation soit qualifiée d’intervention thérapeutique à proprement parler. Autrement dit, ACC pourrait-il encourager les vétérans à obtenir un chien de soutien émotionnel, sachant les bienfaits que ces animaux procurent?
L’une des pistes que recommande le Comité serait d’utiliser les privilèges d’accès public avec animal qui sont accordés à certaines personnes. Par exemple, on sait que, sans la considérer comme un traitement médical, le ministère de la Défense nationale a adopté une Directive sur les chiens d’assistance qui prévoit des mesures d’adaptation pour les militaires souffrant entre autres de problèmes de santé mentale, et qui voudraient que leur animal puisse les accompagner dans les bâtiments dont le ministère est responsable.
Si un privilège d’accès public pouvait être accordé aux chiens de soutien émotionnel dont les propriétaires sont clients du programme de réadaptation d’ACC en santé mentale, les fournisseurs privés et communautaires actuels maintiendraient leur accès à un marché important et pourraient offrir des chiens de soutien émotionnel bien entraînés à coût beaucoup plus faible que des chiens d’assistance psychiatrique dans les cas où les avantages thérapeutiques du chien d’assistance sont négligeables en comparaison de ceux des chiens de soutien émotionnel. Il faudrait pour cela qu’ACC certifie des exigences de comportement pour les chiens des vétérans, et les provinces et territoires se chargeraient ensuite de confier leur application à des organismes compétents. Cela assurerait l’uniformité des accès publics à la grandeur du pays.
Dans le cadre de cette étude, les membres du Comité ont pu constater que la question des chiens d’assistance pour vétérans est plus complexe qu’il semblerait de prime abord. D’un côté, la volonté de favoriser le bien-être des vétérans ne peut pas se faire en ignorant les limites qu’imposent les données scientifiques, et de l’autre, le ministère a un devoir d’offrir aux vétérans toutes les ressources susceptibles de favoriser leur mieux-être, même si cela s’intègre mal aux critères existants de ce qui constitue ou non un traitement thérapeutique admissible.
Nous remercions sincèrement tous les témoins et les organismes qui nous ont permis de clarifier ces questions. Nous espérons que ce rapport traduira avec justice leurs préoccupations et aura réussi à offrir des pistes de solution constructives qui aideront ACC à mettre en œuvre toutes les mesures susceptibles de favoriser le mieux-être des vétérans.
[1] Joan T Richerson (dir.) et al., Department of Veterans Affairs, “A Randomized Trial of Differential Effectiveness of Service Dog Pairing Versus Emotional Support Dog Pairing to Improve Quality of Life for Veterans with PTSD”, 5 janvier 2020 [disponible en anglais seulement].
[2] Joan T. Richerson (dir.) et al., Department of Veterans Affairs, “A Randomized Trial of Differential Effectiveness of Service Dog Pairing Versus Emotional Support Dog Pairing to Improve Quality of Life for Veterans with PTSD”, 5 janvier 2020, p. 30 [disponible en anglais seulement].
[3] Joan T. Richerson (dir.) et al., Department of Veterans Affairs, “A Randomized Trial of Differential Effectiveness of Service Dog Pairing Versus Emotional Support Dog Pairing to Improve Quality of Life for Veterans with PTSD”, 5 janvier 2020, p. 21. [disponible en anglais seulement].
[4] Ibid.
[5] ACVA, Mme Crystal Garrett-Baird (directrice générale, Politique et recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1650.
[6] Friedmann, E., Katcher, A.H., Lynch, J.L., & Thomas, S.A. (1980). Animal companions and one-year survival of patients after discharge from a coronary care unit. Public Health Rep, 25(4), 307–312 [disponible en anglais seulement].
[7] ACVA, M. Philip Upshall (directeur général national, Société pour les troubles de l'humeur du Canada), Témoignages, 15 février 2017, 1645.
[8] ACVA, M. Michel Doiron (sous-ministre adjoint, Prestation des services, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 8 décembre 2016, 1615.
[9] C. Vincent et al., Potential effectiveness of psychiatric service dogs used by Veterans with posttraumatic stress disorder (PTSD) in Canada », Université Laval, 2018 [disponible en anglais seulement].
[10] ACVA, M. Nathan Svenson (directeur, Recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1710.
[11] ACVA, Mme Crystal Garrett-Baird (directrice générale, Politique et recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1655.
[12] ACVA, Mme Colleen Anne Dell (professeure et titulaire de la Chaire Centennial Enhancement, One Health and Wellness, University of Saskatchewan, à titre personnel), Témoignages, 28 mai 2021, 1445.
[13] ACVA, Captv (à la retraite) Philip Ralph (directeur, Services de santé, Wounded Warriors Canada), Témoignages, 28 mai 2021, 1455.
[14] ACVA, M. Marc Lapointe (entraineur certifié, Meliora chiens de service), Témoignages, 14 juin 2021, 1620.
[15] ACVA, Mme Darlene Chalmers (professeure agrégée et doyenne associée de premier cycle, University of Regina, à titre personnel), Témoignages, 28 mai 2021, 1510.
[16] ACVA, M. William Webb (à titre personnel), Témoignages, 14 juin 2021, 1700.
[17] ACVA, M. Medric Cousineau (co-fondateur, Paws Fur Thought), Témoignages, 7 juin 2021, 1550.
[18] Joan T Richerson (dir.) et al., Department of Veterans Affairs, “A Randomized Trial of Differential Effectiveness of Service Dog Pairing Versus Emotional Support Dog Pairing to Improve Quality of Life for Veterans with PTSD”, 5 janvier 2020. [disponible en anglais seulement].
[19] ACVA, M. Nathan Svenson (directeur, Recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1735. Voir aussi les commentaires de Mme Sheila O'Brien (présidente, Assistance Dogs International, North America), Témoignages, 7 juin 2021, 1715; et de Captv (à la retraite) Philip Ralph (directeur, Services de santé, Wounded Warriors Canada), Témoignages, 28 mai 2021, 1455.
[20] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 25.
[21] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 17.
[22] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 48.
[23] Joan T Richerson (ed.) et al., op. cit., p. 19.
[24] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 99.”
[25] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 100.
[26] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 73.
[27] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 74 et 104.
[28] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 94.
[29] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 76.
[30] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 79.
[31] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 82.
[32] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 87–88.
[33] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 90.
[34] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 85.
[35] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 92.
[36] Joan T. Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 110.
[37] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 102.
[38] ACVA, M. Nathan Svenson (directeur, Recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1735.
[39] ACVA, Mme Crystal Garrett-Baird (directrice générale, Politique et recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1650.
[40] ACVA, Dre Alexandra Heber (chef de la psychiatrie, Division des professionnels de la santé, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1715.
[41] ACVA, M. Nathan Svenson (directeur, Recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1755.
[42] ACVA, Mme Crystal Garrett-Baird (directrice générale, Politique et recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1655.
[43] ACVA, Mme Sheila O'Brien (présidente, Assistance Dogs International, North America), Témoignages, 7 juin 2021, 1655.
[44] ACVA, Captv (à la retraite) Philip Ralph (directeur, Services de santé, Wounded Warriors Canada), Témoignages, 28 mai 2021, 1515.
[45] ACVA, Dre Alexandra Heber (chef de la psychiatrie, Division des professionnels de la santé, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1715.
[46] ACVA, M. Medric Cousineau (co-fondateur, Paws Fur Thought), Témoignages, 7 juin 2021, 1730.
[47] ACVA, Mme Joanne Moss (présidente et directrice générale, La fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux), Témoignages, 14 juin 2021, 1635.
[48] ACVA, Mme Joanne Moss (présidente et directrice générale, La fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux), Témoignages, 14 juin 2021, 1755.
[49] ACVA, Notes de breffage du sous-ministre des anciens combattants [disponible en anglais seulement] datées du 9 décembre 2019. Le contenu de ces notes a été repris intégralement à plusieurs reprises par Mme Crystal Garrett-Baird (directrice générale, Politique et recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1700, 1720, 1740.
[50] ACVA, Mme Joanne Moss (présidente et directrice générale, La fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux), Témoignages, 14 juin 2021, 1640.
[51] ACVA, Mme Joanne Moss (présidente et directrice générale, La fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux), Témoignages, 14 juin 2021, 1725.
[52] ACVA, M. Nathan Svenson (directeur, Recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1700.
[53] ACVA, M. Medric Cousineau (co-fondateur, Paws Fur Thought), Témoignages, 7 juin 2021, 1620.
[54] ACVA, Mme Danielle Forbes (directrice exécutive, Chiens d'assistance nationale), Témoignages, 7 juin 2021, 1655.
[55] ACVA, Cpl Christopher Lohnes (Audeamus Service Dogs Program), Témoignages, 28 mai 2021, 1415.
[56] ACVA, Bgén (à la retraite) Peter Holt (Audeamus Service Dogs Program), Témoignages, 28 mai 2021, 1420.
[57] ACVA, Cpl Christopher Lohnes (Audeamus Service Dogs Program), Témoignages, 28 mai 2021, 1445.
[58] ACVA, Bgén (à la retraite) Peter Holt (Audeamus Service Dogs Program), Témoignages, 28 mai 2021, 1425.
[59] ACVA, Mme Joanne Moss (présidente et directrice générale, La fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux), Témoignages, 14 juin 2021, 1750.
[60] ACVA, Mme Joanne Moss (présidente et directrice générale, La fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux), Témoignages, 14 juin 2021, 1725.
[61] ACVA, Mme Sheila O'Brien (présidente, Assistance Dogs International, North America), Témoignages, 7 juin 2021, 1720.
[62] ACVA, Captv (à la retraite) Philip Ralph (directeur, Services de santé, Wounded Warriors Canada), Témoignages, 28 mai 2021, 1520.
[63] Ibid.
[64] ACVA, M. Nathan Svenson (directeur, Recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1725.
[65] J. Brian Archer, président et administrateur, Citadel Therapy Canine Society, « Mémoire déposé à ACVA », 23 juin 2021.
[66] ACVA, M. William Webb (à titre personnel), Témoignages, 14 juin 2021, 1705-1710; M. Marc Lapointe (entraineur certifié, Meliora chiens de service), Témoignages, 14 juin 2021, 1655.
[67] ACVA, Mme Joanne Moss (présidente et directrice générale, La fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux), Témoignages, 14 juin 2021, 1730.
[68] Susan Brock, psychologue clinicienne agréée, AUDEAMUS, « mémoire déposé à ACVA », 9 juin 2021.
[69] ACVA, Mme Sheila O'Brien (présidente, Assistance Dogs International, North America), Témoignages, 7 juin 2021, 1605.
[70] ACVA, Mme Sheila O'Brien (présidente, Assistance Dogs International, North America), Témoignages, 7 juin 2021, 1615.
[71] Ibid.
[72] ACVA, M. Nathan Svenson (directeur, Recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1740.
[73] Mme Joanne Moss, présidente et directrice générale, La fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux, « Mémoire sur les chiens d’assistance. Avis d’intention », 20 mai 2021, p. 1.
[74] ACVA, M. Nathan Svenson (directeur, Recherche, ministère des Anciens Combattants), Témoignages, 12 mai 2021, 1740.
[75] ACVA, Mme Joanne Moss (présidente et directrice générale, La fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux), Témoignages, 14 juin 2021, 1720.
[76] ACVA, Mme Joanne Moss (présidente et directrice générale, La fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux), Témoignages, 14 juin 2021, 1725; voir aussi M. William Webb (à titre personnel), Témoignages, 14 juin 2021, 1740.
[77] Mme Joanne Moss, présidente et directrice générale, La fondation canadienne des services de soutien assistés par animaux, « Mémoire sur les chiens d’assistance. Avis d’intention », 20 mai 2021, p. 4.
[78] Ibid.
[79] ACVA, Mme Danielle Forbes (directrice exécutive, Chiens d'assistance nationale), Témoignages, 7 juin 2021, 1600.
[80] Ibid.; voir aussi M. Medric Cousineau (co-fondateur, Paws Fur Thought), Témoignages, 7 juin 2021, 1620.
[81] ACVA, M. William Webb (à titre personnel), Témoignages, 14 juin 2021, 1615.
[82] ACVA, M. Marc Lapointe (entraineur certifié, Meliora chiens de service), Témoignages, 14 juin 2021, 1625.
[83] Ibid.
[84] ACVA, M. William Webb (à titre personnel), Témoignages, 14 juin 2021, 1700.
[85] ACVA, M. Carl Fleury (Meliora chiens de service), Témoignages, 14 juin 2021, 1735.
[86] ACVA, Mme Darlene Chalmers (professeure agrégée et doyenne associée de premier cycle, University of Regina, à titre personnel), Témoignages, 28 mai 2021, 1450.
[87] ACVA, M. William Webb (à titre personnel), Témoignages, 14 juin 2021, 1740.
[88] ACVA, M. Medric Cousineau (co-fondateur, Paws Fur Thought), Témoignages, 7 juin 2021, 1630.
[89] ACVA, M. William Webb (à titre personnel), Témoignages, 14 juin 2021, 1610.
[90] ACVA, M. William Webb (à titre personnel), Témoignages, 14 juin 2021, 1615.
[91] John Dugas, président, Courageous Companions, président, Canadian Association of Service Dog Trainers, « mémoire déposé à ACVA le 23 juin 2021 ».
[92] Michel M. Bourassa, « Service Dog Training Standards. MSAR vs ADI. Comparison and Commentary. » pièce jointe au mémoire de William Webb [Disponible en anglais seulement].
[93] Joan T Richerson (dir.) et al., Department of Veterans Affairs, “A Randomized Trial of Differential Effectiveness of Service Dog Pairing Versus Emotional Support Dog Pairing to Improve Quality of Life for Veterans with PTSD”, 5 janvier 2020, p. 21. [Disponible en anglais seulement].
[94] Joan T Richerson (dir.) et al., Department of Veterans Affairs, “A Randomized Trial of Differential Effectiveness of Service Dog Pairing Versus Emotional Support Dog Pairing to Improve Quality of Life for Veterans with PTSD”, 5 janvier 2020, p. 31 [Disponible en anglais seulement].
[95] ACVA, M. Medric Cousineau (co-fondateur, Paws Fur Thought), Témoignages, 7 juin 2021, 1645.
[96] ACVA, Bgén (à la retraite) Peter Holt (Audeamus Service Dogs Program), Témoignages, 28 mai 2021, 1355.
[97] ACVA, Cpl Christopher Lohnes (Gendarmerie royale du Canada, Audeamus Service Dogs Program), Témoignages, 28 mai 2021, 1405.
[98] ACVA, Mme Darlene Chalmers (professeure agrégée et doyenne associée de premier cycle, University of Regina, à titre personnel), Témoignages, 28 mai 2021, 1450.
[99] ACVA, Cpl Christopher Lohnes (Gendarmerie royale du Canada, Audeamus Service Dogs Program), Témoignages, 28 mai 2021, 1435.
[100] Révérend (Maj retraité) R.M.A. « Sandy » Scott M.S.M., CD1 Secrétaire de la Commission, UCAACC (Veteran Service Dog Unit), « Commentaires sur les témoignages reçus à ACVA », 21 juin 2021.
[101] Révérend (Maj retraité) R.M.A. « Sandy » Scott M.S.M., CD1 Secrétaire de la Commission, UCAACC (Veteran Service Dog Unit), « Présentation au comité permanent des anciens combattants sur l’unité des chiens d’assistance pour les anciens combattants canadiens », 16 juin 2021.
[102] ACVA, Mme Laura A. MacKenzie (propriétaire et maître-animateur, K-9 Country Inn Working Service Dogs), Témoignages, 7 juin 2021, 1650.
[103] Joan T Richerson (dir.) et al., op. cit., p. 17.