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AGRI Rapport du Comité

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L’abordabilité alimentaire : Regard sur l’augmentation du coût des aliments au Canada

Rapport complémentaire du Nouveau Parti démocratique du Canada

Le droit à l’alimentation

Les néo-démocrates appuient sans réserve les recommandations contenues dans ce rapport et réitèrent que le gouvernement du Canada doit prendre des mesures pour lutter contre l’inflation du prix des aliments, notamment en ciblant la cupidité des entreprises, l’un des principaux moteurs de l’inflation. Nous demandons au gouvernement du Canada d’agir en cohérence avec la politique alimentaire nationale du Canada ainsi qu’avec ses obligations internationales en matière de droit à l’alimentation.

En complément du rapport, nous présentons les observations et les recommandations additionnelles suivantes pour contribuer à l’objectif d’alléger le fardeau que représente l’augmentation du coût des aliments.

Les Canadiens se voient contraints de payer de plus en plus cher pour se nourrir et nourrir leur famille, alors que les grandes entreprises peuvent tirer profit de leurs souffrances en toute impunité.

Lors de la rédaction du rapport final du Comité, le député Alistair MacGregor, porte-parole du NPD en matière d’agriculture, d’agroalimentaire et d’inflation du prix des aliments, a proposé d’y inclure une recommandation préconisant que le gouvernement du Canada inscrive le droit à l’alimentation dans la loi canadienne. Malheureusement, cette recommandation n’a pas reçu l’aval de la majorité des membres du Comité.

Le gouvernement du Canada a déjà fait valoir, dans sa Politique alimentaire pour le Canada, qu’une politique alimentaire durable est la marque d’une société en santé. Cette politique souligne, dans ses principes directeurs, l’importance d’un « système alimentaire qui favorise la durabilité sociale, culturelle, environnementale et économique »; elle précise aussi que les décisions relatives aux systèmes alimentaires doivent être prises « en protégeant les droits fondamentaux et en créant des possibilités qui aboutissent à des résultats équitables[1] ».

Outre sa propre politique nationale, le Canada a également des obligations internationales au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). L’article 11 du PIDESC reconnaît le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant, « y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l’importance essentielle d’une coopération internationale librement consentie[2]. » Le PIDESC oblige le Canada à respecter le droit à l’alimentation, à le protéger et à lui donner effet. Cela signifie que le Canada ne peut entraver l’accès à la nourriture, qu’il doit veiller à ce qu’aucune tierce partie ne compromette l’accès à la nourriture et qu’il doit prendre des mesures positives pour en faciliter la disponibilité[3].

Le 20 mars 2023, M. Neil Hetherington, président-directeur général de la Daily Bread Food Bank, la plus grande banque alimentaire de Toronto, a témoigné devant le Comité. Dans son allocution d’ouverture, il a déclaré ce qui suit au sujet du droit à l’alimentation et du devoir des décideurs : « Nous reconnaissons qu’en raison de l’inflation galopante, le gouvernement sera prudent en matière de dépenses et de stimulation de l’économie, mais nous proposons une mesure qui vise à soutenir les plus démunis.

La Daily Bread Food Bank et les banques alimentaires partout au pays ont déjà atteint le point de rupture. Nous nous préparons à une nouvelle augmentation du nombre de visites dans les banques alimentaires. De fait, en avril dernier, Statistique Canada a indiqué qu’un Canadien sur cinq avait déclaré qu’il allait devoir compter sur la communauté, les organismes de bienfaisance alimentaire, la famille et les amis pour joindre les deux bouts.

Les organismes de bienfaisance ne peuvent pas répondre à ce besoin. Tous les paliers de gouvernement doivent travailler ensemble pour faire en sorte que les Canadiens aient les moyens de se nourrir. […] Le propre de mon domaine, c’est de quémander; je représente un organisme de bienfaisance. Je vous remercie de votre indulgence.

Enfin, je voudrais vous laisser avec une citation de Bryan Stevenson, l’avocat en droits civils, qui a dit que le contraire de la pauvreté n’est pas la richesse, mais la justice.

En tant qu’acteurs assujettis à des obligations en position de pouvoir, vous avez l’occasion de répandre la justice en vous assurant que chaque Canadien voit son droit à l’alimentation concrétisé[4]. »

Par conséquent, le Nouveau Parti démocratique recommande :

Que le gouvernement du Canada reconnaisse son obligation, à titre de partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de respecter le droit à l’alimentation, de le protéger et de lui donner effet, et ce, en adoptant une loi-cadre qui consacrerait ce droit dans la loi canadienne et exigerait du gouvernement fédéral qu’il fixe, par voie législative, des cibles contraignantes, précises et mesurables afin de concrétiser les objectifs définis en 2019 dans la Politique alimentaire pour le Canada.

La cupidité des entreprises

Le Nouveau Parti démocratique souhaite aussi souligner le rôle que joue la cupidité des entreprises dans la flambée de l’inflation touchant le prix des aliments.

Lors de sa comparution devant le Comité le 13 février 2023, M. Jim Stanford, économiste et directeur du Centre for Future Work, a déclaré que :

« La cupidité n’est pas une nouvelle chose, et elle est bien antérieure à la pandémie, mais elle a le vent dans les voiles au Canada depuis la pandémie. Les profits après impôts réalisés au Canada pendant la pandémie ou depuis la pandémie ont augmenté pour atteindre la part du PIB la plus élevée de l’histoire. Au milieu d’une urgence sociale, économique et sanitaire, les entreprises enregistrent des profits records[5]. »

En réponse à une question du député MacGregor au sujet de la marge bénéficiaire nette du secteur pétrolier et gazier qui a augmenté de 1 011 % depuis 2019 et des répercussions possibles de cette hausse sur le prix des aliments, M. Stanford a expliqué ce qui suit :

« En haut de la liste, et sans aucun doute, se trouve le secteur du pétrole et du gaz. Les profits excédentaires touchés depuis la pandémie représentent en gros un quart du volume total des profits dans les 15 secteurs sélectionnés pour mon travail. L’augmentation des prix qui correspond à ces énormes marges bénéficiaires se répercute ensuite sur le reste de la chaîne d’approvisionnement. Les transformateurs alimentaires doivent payer cela, donc leurs coûts sont théoriquement plus élevés, mais après ils ajoutent à tout cela leur propre marge bénéficiaire majorée. C’est la même chose pour le secteur des détaillants alimentaires. Au moment où le consommateur [obtient le produit], des profits excédentaires ont été ajoutés à plusieurs étapes de la chaîne d’approvisionnement. Cela amplifie la répercussion finale sur l’inflation des prix à la consommation[6]. »

Par ailleurs, au cours de la réunion du Comité du 13 février 2023, M. D.T. Cochrane, économiste et chercheur en matière de politiques pour l’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable, a conclu sa déclaration préliminaire en abordant la question des bénéfices excédentaires :

« Je terminerai en recommandant deux mesures fiscales pour remédier à la situation.

La première serait d’imposer un impôt minimum sur les bénéfices déclarés. S’il y avait un impôt minimum de 15 % sur les bénéfices que les sociétés déclarent à leurs actionnaires, les 10 plus grandes sociétés pétrolières et gazières auraient payé un total de 3,6 milliards de dollars plutôt que rien du tout.

La deuxième serait d’imposer une taxe sur les bénéfices excédentaires, ce qui réduirait l’incitation à augmenter les marges à chaque occasion. Les recettes tirées de la taxe sur les bénéfices excédentaires pourraient être redistribuées aux Canadiens pour les aider à absorber l’augmentation du coût de la vie[7]. »

En réponse à une question du député MacGregor sur la façon dont les parlementaires peuvent s’attaquer aux problèmes d’abordabilité qui pèsent sur les familles de travailleurs, M. Cochrane a ajouté que :

« Vous devez commencer à intervenir dans la lutte de redistribution, où les gagnants ont toujours été les mêmes. La pandémie a simplement fait augmenter leurs gains. Nous assisterons à une aggravation considérable de l’inégalité après une brève amélioration, notamment parce que nous avons failli avoir quelque chose s’approchant d’un revenu annuel garanti qui bénéficiait du soutien d’une large part de la population canadienne. Maintenant, cet argent file dans les comptes de ceux qui sont déjà extrêmement riches, en partie à cause de l’augmentation démentielle des marges de profit des sociétés pour laquelle nous payons tous, au bout du compte[8]. »

Le 24 octobre 2022, 19 jours après que le Comité a adopté la motion présentée par le député MacGregor pour étudier la question de l’inflation du prix des aliments, le Bureau de la concurrence du Canada a annoncé son intention d’entreprendre sa propre étude, intitulée La concurrence dans le secteur de l’épicerie au Canada, afin d’« examiner comment les gouvernements peuvent lutter contre la hausse des prix des produits d’épicerie en renforçant la concurrence[9] ».

Sur la page Web où est publié l’avis d’étude de marché, le Bureau de la concurrence décrit ainsi l’objectif de son étude :

« Les prix des produits d’épicerie au Canada augmentent actuellement à leur rythme le plus rapide en 40 ans. L’économie canadienne est généralement en période d’inflation, mais les prix des produits d’épicerie augmentent à un rythme supérieur à la moyenne. Grâce à cette étude, le Bureau espère examiner comment les gouvernements pourraient agir pour lutter contre les hausses de prix des produits d’épicerie par le biais d’une plus grande concurrence dans ce secteur[10]. »

Le 7 juin 2023, la Banque du Canada a annoncé qu’elle augmentait les taux d’intérêt d’un quart de point de pourcentage pour les porter à 4,75 %, mentionnant au passage que les profits des entreprises, et notamment le comportement de celles-ci en matière de fixation des prix, seront l’un des quatre domaines clés qu’elle évaluera. Dans son communiqué, la Banque indique que : « Le Conseil de direction va continuer d’évaluer la dynamique de l’inflation fondamentale et les perspectives de l’inflation mesurée par l’IPC. Il évaluera particulièrement si l’évolution de la demande excédentaire, les attentes d’inflation, la croissance des salaires et les pratiques de fixation des prix des entreprises sont compatibles avec l’atteinte de la cible d’inflation[11]. »

Il est important de souligner, comme le reconnaît le rapport du Comité, que le phénomène de l’inflation du prix des aliments n’est pas exclusif au Canada. D’autres administrations se penchent elles aussi sur ces hausses de prix qui surviennent alors que les grandes entreprises réalisent des profits excessifs.

Le 29 novembre 2021, la Commission fédérale du commerce des États-Unis a lancé une enquête visant neuf grandes entreprises de vente au détail afin de faire la lumière sur les causes des perturbations actuelles de la chaîne d’approvisionnement et sur les conséquences graves et persistantes de ces perturbations pour les consommateurs et pour la concurrence sur le marché américain[12]. Cette enquête se poursuit toujours.

En novembre 2020, le gouvernement néo-zélandais a demandé à la Commission du commerce de la Nouvelle-Zélande de mener une étude pour déterminer si la concurrence dans le secteur de l’épicerie se portait bien et, dans la négative, pour définir des mesures correctives. Le 8 mars 2022, la Commission a publié ses conclusions. Elle a notamment constaté que la concurrence dans le secteur de l’épicerie de détail ne jouait pas en faveur des consommateurs et a recommandé une série de changements visant à accroître la concurrence et à améliorer les prix, la qualité et la diversité des aliments et des services proposés aux Néo-Zélandais[13].

Par conséquent, sous réserve de toute conclusion ou recommandation que le Bureau de la concurrence du Canada pourrait adresser au gouvernement du Canada, et sans présumer des mesures que le Bureau prendrait de son propre chef dans l’éventualité où des actes répréhensibles seraient constatés au regard de la Loi sur la concurrence, le Nouveau Parti démocratique recommande :

Que le gouvernement du Canada envisage de prélever un impôt sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises qui fixent les prix, afin de les dissuader d’augmenter leurs marges bénéficiaires de façon excessive.


[1] Politique alimentaire pour le Canada, Principes directeurs, Durabilité, p. 14.

[3] Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Le droit à une alimentation suffisante, Fiche d’information no 34, p. 22 et 23.

[4] AGRI, Témoignages, 20 mars 2023 (M. Neil Hetherington, président-directeur général, Daily Bread Food Bank).

[5] AGRI, Témoignages, 13 février 2023 (M. Jim Stanford, économiste et directeur, Centre for Future Work).

[6] AGRI, Témoignages, 13 février 2023 (M. Jim Stanford, économiste et directeur, Centre for Future Work).

[7] AGRI, Témoignages, 13 février 2023 (M. D.T. Cochrane, économiste et chercheur en matière de politiques, Canadiens pour une fiscalité équitable).

[8] AGRI, Témoignages, 13 février 2023 (M. D.T. Cochrane, économiste et chercheur en matière de politiques, Canadiens pour une fiscalité équitable).

[9] Bureau de la concurrence Canada, communiqué de presse, 24 octobre 2022.

[10] Bureau de la concurrence Canada, Étude de marché sur la concurrence dans le secteur de l’épicerie au Canada, Objectif de l’étude.

[11] Banque du Canada, communiqué de presse, 7 juin 2023.

[12] Commission fédérale du commerce des États-Unis, Inquiry into Supply Chain Disruptions, 29 novembre 2021.

[13] Commission du commerce de la Nouvelle-Zélande, Market study into the grocery sector, 8 mars 2022.