CIIT Rapport du Comité
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Les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières actives à l’étranger : Conséquences pour les milieux naturels et les droits de la personne
Introduction
Le secteur canadien de l’exploitation minière et de l’exploration minérale contribue de manière importante au produit intérieur brut (PIB) du pays ainsi qu’à son niveau d’emploi et à la valeur de son commerce des marchandises à l’échelle internationale. En 2021, le secteur a contribué à hauteur d’environ 97 milliards de dollars au PIB nominal, a permis la création d’environ 665 000 emplois au Canada grâce à ses activités, et la valeur de ses exportations était estimée à 126,6 milliards de dollars. Au chapitre du commerce international, les trois principales destinations des exportations des produits du secteur canadien de l’exploitation minière et de l’exploration minérale cette année-là étaient les États-Unis (68,5 milliards de dollars), le Royaume-Uni (12,3 milliards de dollars) et la Chine (9,4 milliards de dollars). De plus, la même année, les exportations de minéraux les plus prisés du Canada dans le monde étaient : l’or, avec 21,3 milliards de dollars; le fer et l’acier, avec 20 milliards de dollars; l’aluminium, avec 15,2 milliards de dollars; le minerai de fer, avec 10,1 milliards de dollars; le cuivre, avec 9,9 milliards de dollars.
Dans un rapport de février de 2023, Ressources naturelles Canada indique qu’en 2021, environ 750 entreprises canadiennes d’exploitation minière et d’exploration minérale possédaient collectivement des actifs dans 96 administrations à l’étranger. Cette année-là, le Canada comptait près de 1 400 de ces entreprises, et la valeur des actifs miniers canadiens se chiffrait à 285,8 milliards de dollars, dont environ 195,9 milliards ou 68,5 % se trouvaient à l’étranger.
Figure 1 — Valeur estimative des actifs miniers canadiens à l’étranger, par pays étranger, en 2020 et en 2021 (milliards de dollars)
Notes : Les nombres ont été arrondis.
Les données de 2021 sont préliminaires.
Source : Ressources naturelles Canada, « Actifs miniers canadiens à l’étranger selon la région », Actifs miniers canadiens, février 2023.
Au fil du temps, le gouvernement du Canada a mis en œuvre des mesures qui visent à accroître la responsabilité sociale et la conduite responsable en matière d’activités commerciales des entreprises canadiennes d’exploitation minière et d’exploration minérale actives à l’étranger. Selon la Commission européenne, les termes « responsabilité sociale d’entreprise » et « conduite responsable des entreprises » sont parfois employés indifféremment en ce qui concerne les répercussions possibles des gestes posés par les entreprises, y compris sur les milieux naturels et les droits de la personne. Cependant, laissant entendre que la signification de ces termes peut différer légèrement, dans le document intitulé Conduite responsable des entreprises à l’étranger : Stratégie du Canada pour l’avenir, le gouvernement indique que la « responsabilité sociale des entreprises » concerne les mesures volontaires « prises par une [entreprise], au‑delà des exigences prévues par la loi, afin de réaliser ses activités d’une manière durable sur les plans économique, social et environnemental », et on indique que la « conduite responsable des entreprises » est le « processus d’intégration de la gestion des risques pour l’environnement, les personnes et la société aux activités principales d’une [entreprise] ».
Les mesures mises en place par le gouvernement du Canada en ce qui a trait à la responsabilité sociale des entreprises et à la conduite responsable en matière d’activités commerciales sont les suivantes : Renforcer l’avantage canadien : Stratégie de responsabilité sociale des entreprises (RSE) pour les sociétés extractives Canadiennes présentes à l’étranger, en 2009, la Stratégie améliorée du Canada relative à la responsabilité sociale des entreprises, visant à renforcer les industries extractives du Canada à l’étranger, de 2014, la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif, de 2015, la création du poste d’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, en 2018, et la Conduite responsable des entreprises à l’étranger : Stratégie du Canada pour l’avenir, en 2022. Parmi les mesures relatives à la responsabilité sociale des entreprises élaborées et adoptées par le secteur de l’exploitation minière et l’exploration minérale au Canada, on note l’initiative Vers le développement minier durable de l’Association minière du Canada et celle appelée e3 Plus: A Framework for Responsible Exploration, de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs. Par ailleurs, le Canada est membre du Minerals Security Partnership qui, en date du 5 juin 2023, représentait l’Union européenne en tant qu’entité, ainsi que l’Allemagne, l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Italie, le Japon, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni.
Le premier ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a été nommé en avril 2019, et son bureau établi en mai 2019. L’ombudsman a pour mandat :
- d’encourager les entreprises à se conformer aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et aux Principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques à l’intention des entreprises multinationales;
- de conseiller les entreprises canadiennes en matière de conduite responsable des affaires à l’étranger;
- d’étudier les plaintes concernant d’éventuelles atteintes aux droits de la personne visant des entreprises canadiennes exerçant leurs activités à l’étranger dans le secteur de la confection de vêtement ou les secteurs minier, pétrolier et gazier;
- d’offrir des services de médiation informelle pour régler les préoccupations et les différends, notamment en ce qui concerne l’incidence des activités des entreprises canadiennes à l’étranger sur les droits de la personne et l’environnement; et
- d’informer le ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique sur toute question relative à son mandat, y compris les pratiques et politiques des entreprises canadiennes œuvrant à l’étranger.
Malgré les mesures adoptées dans un certain nombre de pays en ce qui concerne la responsabilité sociale des entreprises, certaines organisations de la société civile, notamment Amnistie internationale, Human Rights Watch et le Human Rights Law Centre, allèguent que les activités extérieures de quelques entreprises d’exploration minière ayant leur siège dans des pays comme l’Australie, le Canada, la Chine et le Royaume-Uni sont liées à des violations des droits de la personne ou nuisent aux milieux naturels.
Le 2 février 2022, le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes (le Comité) a adopté une motion visant à entreprendre une étude sur les considérations relatives à l’environnement et aux droits de la personne des activités à l’étranger des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières. Au cours de quatre réunions qui se sont tenues les 6, 9 et 13 février et le 27 mars 2023, le Comité a entendu le ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique, le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, des représentants d’Affaires mondiales Canada et d’Exportation et Développement Canada, un géologue qui a témoigné à titre personnel, ainsi que des représentants d’une association commerciale, d’un groupe patronal-syndical organisé et de cinq organisations de la société civile. Il a par ailleurs reçu des mémoires du Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, du Justice and Corporate Accountability Project, de l’Association minière du Canada et de Mines Alerte Canada, le premier et le dernier de ces organismes ayant également comparu en tant que témoins.
Ce rapport résume les commentaires des témoins et ceux contenus dans les mémoires sur les activités à l’étranger des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières. La première section présente des opinions générales concernant ces activités, en plus d’observations sur leurs conséquences pour le milieu naturel et les droits de la personne, et la deuxième section cerne les approches visant à accroître la responsabilité sociale des entreprises et la conduite responsable en matière d’activités commerciales canadiennes d’exploitation et d’exploration minières actives à l’étranger. Le rapport se termine sur les réflexions et les recommandations du Comité.
Points de vue généraux et répercussions sur les milieux naturels et les droits de la personne
Les témoins ont exprimé leurs opinions générales sur les activités à l’étranger des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières, ainsi que sur les répercussions de ces activités sur les milieux naturels et les droits de la personne.
Points de vue généraux
La ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique a qualifié le secteur canadien de l’exploration minière d’important pour le Canada, et le Global Compact Network Canada a fait une remarque similaire. Le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a mis en relief la position de chef de file mondial du Canada dans le secteur minier, surtout parmi les pays du Groupe des Sept et de l’Organisation de coopération et de développement économiques.
Le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises estime qu’environ 50 des entreprises d’exploration minière du monde ont leur siège social au Canada. Le Syndicat des Métallos a soutenu que certaines de ces entreprises étaient immatriculées au Canada « sur papier ». Indiquant que la présence au pays de quelques-unes de ces entreprises était « très limitée », Mines Alerte Canada a laissé entendre que certaines d’entre elles pouvaient avoir une « boîte aux lettres » comme siège social ou peut-être ne pas disposer de suffisamment d’employés pour leur permettre de gérer leur bureau. En outre, Mines Alerte Canada a soutenu que le siège social de plusieurs entreprises était situé au Canada pour des motifs fiscaux et autres, et que celles-ci pourraient être impliquées dans des activités de « blanchiment à la neige » ou de blanchiment d’argent. La ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique a souligné que les entreprises d’exploitation et d’exploration minières n’étaient pas considérées comme « canadiennes » si elles avaient une « boîte postale » comme siège social et qu’elles n’exerçaient pas d’activité au Canada.
L’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs et André Gauthier, d’Eval Minerals, qui a comparu à titre individuel, ont qualifié de « complexes » les activités à l’étranger des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières. En particulier, André Gauthier a indiqué que des problèmes de nature complexe pouvaient survenir lorsque des entreprises doivent interagir avec divers gouvernements et employés locaux, et il a mentionné que les activités de certaines entreprises comprenaient l’exploration, la construction, l’extraction et le transport. Il a également pu recenser plusieurs risques environnementaux, financiers, juridiques, politiques et sociaux associés aux projets menés par ces entreprises.
Mettant l’accent sur l’exploration des ressources minérales à l’étranger, l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs a fait remarquer que les entreprises canadiennes qui s’adonnent à cette activité étaient principalement de petites et de moyennes entreprises, et qu’elles fonctionnaient dans des administrations ayant des processus réglementaires différents de ceux du Canada. Selon l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, ces différences entre les processus créent « un contexte de travail difficile » pour les entreprises canadiennes d’exploration des ressources minérales qui envisagent de mettre sur pied des opérations à l’étranger.
La ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique a déclaré qu’au cours des récentes négociations avec l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est, l’Inde, l’Indonésie et le Royaume-Uni, le gouvernement du Canada réclamait des accords commerciaux visant à faire respecter les droits de la personne et les milieux naturels. Mettant l’accent sur les accords de promotion et de protection des investissements étrangers du Canada, Oxfam Canada a indiqué que, de son point de vue, ces accords empêchent souvent les gouvernements étrangers de mettre en œuvre des « normes solides » relatives aux droits de la personne et aux milieux naturels. D’autre part, dans son mémoire, Mines Alerte Canada soulignait que des organisations de la société civile colombiennes et internationales demandaient au gouvernement de la Colombie de se retirer des accords d’investissement qui permettent aux entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières, notamment Eco Oro Minerals Corp., Galway Gold Inc. et Red Eagle Mining Corporation, de poursuivre la Colombie devant des tribunaux internationaux conçus pour favoriser les intérêts de l’entreprise.
Selon Global Compact Network Canada, Oxfam Canada et KAIROS : Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice, l’inégalité entre les sexes était un grand problème qui touche les activités des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières, notamment des entreprises étrangères. Oxfam Canada a cité un rapport de la Fondation pour l’exploitation minière responsable datant de 2022, qui permet de confirmer qu’à l’échelle mondiale, les entreprises d’exploitation et d’exploration minières ont « réalisé très peu de progrès, voire aucun, en ce qui a trait à l’égalité des sexes », notant qu’aucune entreprise au Canada ne se classait parmi les 10 principales entreprises d’exploitation et d’exploration minières dans le monde à avoir pris des mesures pour lutter contre l’inégalité entre les sexes.
Le milieu naturel
De l’avis d’André Gauthier, d’Eval Minerals, les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières respectent les normes « les plus élevées au monde » dans leurs activités à l’étranger, et les « dommages environnementaux et sociaux » résultant de ces activités sont « minimes ». De même, dans son mémoire, l’Association minière du Canada a fait remarquer que, malgré le fait que les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières en Afrique, en Asie et en Amérique latine « aient fait face à des allégations de dommages environnementaux ou de conflit », elles se conforment à des normes environnementales plus strictes que leurs homologues chinoises et russes, ainsi que leurs concurrentes dans d’autres administrations.
Le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, Global Compact Network Canada, KAIROS : Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice et Mines Alerte Canada ont attiré l’attention sur les allégations concernant les effets négatifs des activités à l’étranger de certaines entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières sur le milieu naturel. Selon Global Compact Network Canada, KAIROS : Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice et le mémoire de Mines Alerte Canada, ces activités entraînent notamment l’accroissement du niveau de contamination et de pollution, le déplacement de communautés autochtones et de la violence contre les militants en faveur des droits de la personne ainsi que des milieux naturels. De plus, le Global Compact Network Canada a affirmé que plusieurs de ces entreprises « font l’objet d’une surveillance mondiale pour leurs méthodes d’exploitation à l’extérieur du Canada », le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises laissant entendre que celles-ci causent de « graves dommages à l’environnement ».
Dans son mémoire, Mines Alerte Canada a fait valoir que certaines entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières exerçant leurs activités dans plusieurs pays – dont l’Argentine, le Brésil, le Kirghizistan, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Philippines et la République dominicaine – étaient liées à des « dommages environnementaux », comme des déversements de « substances dangereuses » et « toxiques » touchant les milieux naturels. Elle émet également l’hypothèse que la dégradation de l’environnement résultant de l’activité des mines « perdurera pendant des centaines d’années », et aura des répercussions sur la santé et le bien-être des membres des collectivités locales, ainsi que sur la « croissance locale et nationale ».
Mettant l’accent sur les Autochtones des pays du Sud, KAIROS : Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice a fait valoir qu’« étant donné le racisme environnemental, le colonialisme et bien d’autres raisons », les activités des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières qui œuvrent à l’étranger ont tendance à se produire près des territoires autochtones ou sur ceux-ci. Du point de vue de Mines Alerte Canada, ces entreprises s’efforcent d’étendre leur « présence dans le monde » et de déployer leurs activités sur des territoires autochtones éloignés et dans des « écosystèmes essentiels », comme les pâturages en haute montagne de la cordillère des Andes, la forêt amazonienne et les glaciers.
Droits de la personne
La ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique a fait remarquer que, peu importe qu’elles œuvrent au Canada ou à l’étranger, les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières doivent respecter les normes canadiennes en matière de droits de la personne, en plus de celles qui existent à l’échelle internationale. Selon André Gauthier, d’Eval Minerals, du point de vue des entreprises qui exercent des activités à l’étranger, « le respect des droits de la personne est plus qu’essentiel ». André Gauthier a aussi laissé entendre que, contrairement à celles d’Afrique du Sud, du Royaume-Uni et des États-Unis, les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières ont l’« obligation » de respecter les droits de la personne lorsqu’elles sont à l’extérieur du Canada. De même, de l’avis d’André Gauthier, cette obligation et les possibilités de formation offertes au sein des collectivités locales incitaient « les gens » à vouloir travailler pour les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières.
D’après l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières installées à l’étranger mettent en œuvre des pratiques exemplaires en matière de droits de la personne dans le cadre de leurs activités, et les violations des droits de la personne commises par ces entreprises ne sont pas généralisées. L’Association minière du Canada a prétendu dans son mémoire que ces entreprises « continuent d’être tenues responsables de tout acte répréhensible », et de « surpasser » leurs homologues de la Chine et d’autres pays pour ce qui est du respect de normes élevées en matière de droits de la personne.
Comparant les activités à l’étranger des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières à celles de leurs homologues chinoises, André Gauthier, d’Eval Minerals, a affirmé que les entreprises chinoises « sont à peu près les pires » en ce qui concerne le respect des droits de la personne. André Gauthier a également attiré l’attention sur des allégations selon lesquelles les violations des droits de la personne commises par les entreprises chinoises d’exploitation et d’exploration minières installées à l’étranger influaient sur les activités extérieures de certaines entreprises canadiennes. En particulier, faisant référence à une entreprise minière chinoise exploitant la mine de cuivre Las Bambas, au Pérou, André Gauthier a fait valoir que les manifestations contre l’exploitation minière là-bas visaient non seulement cette entreprise, mais aussi les entreprises minières canadiennes opérant à proximité.
Le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a présenté un point de vue différent, et laissé entendre que les études menées par le Justice and Corporate Accountability Project et le Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l’homme portant sur les activités des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières en Amérique latine et dans d’autres pays permettaient de conclure que, comparativement à leurs homologues étrangères, ces entreprises ne respectaient pas des normes plus strictes en matière de droits de la personne ou de milieux naturels.
Selon le mémoire de Mines Alerte Canada, les forces nationales de sécurité et les entreprises de sécurité privées qui gardent les mines appartenant à des intérêts canadiens en Afrique, dans la région Asie-Pacifique et en Amérique latine maltraitent les Autochtones, les défenseurs des droits de la personne et des milieux naturels, ainsi que les employés de ces mines. Dans son mémoire, l’association a prétendu que ces violations des droits de la personne sont « persistant[e]s » et « répandu[e]s dans le monde entier ». Elle a également mentionné un rapport publié en 2017 par le Justice and Corporate Accountability Project, selon lequel, entre 2000 et 2015, les activités à l’étranger de 28 entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières en Amérique latine s’étaient traduites par environ 40 morts et 400 blessés.
Affirmant que la surveillance nationale des activités à l’étranger des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières est « déficiente » et « volontaire », le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a soutenu que certaines de ces entreprises vont « s’en tirer à bon compte en cas de graves violations des droits de la personne », qui touchent « un grand nombre de personnes partout dans le monde ». De même, selon Mines Alerte Canada, les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières évoluaient à l’étranger en toute « impunité », et d’une manière qui « donne lieu à davantage de violations [des droits de la personne] ».
Dans son mémoire, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a laissé entendre que certaines entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières faisaient l’objet d’« allégations bien documentées » de violations des droits de la personne liées à leurs activités au Guatemala, en Papouasie–Nouvelle-Guinée et en Tanzanie, et a indiqué que les forces nationales de sécurité ainsi que les entreprises de sécurité privées qui gardent les mines appartenant à des intérêts canadiens dans ces pays commettaient des gestes de « lésions corporelles, de décès et de viols collectifs » contre les Autochtones, les militants en faveur des droits de la personne et des milieux naturels, de même que ceux qui s’opposent aux projets miniers.
Étant d’avis qu’au cours de la dernière décennie, les activités minières mondiales ont été associées à plus de 200 conflits entre, d’une part, les forces nationales de sécurité et les entreprises de sécurité privées qui gardent les mines à capital étranger et, d’autre part, les Autochtones et les défenseurs des droits de la personne et des milieux naturels, KAIROS : Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice a dit que deux entreprises minières canadiennes auraient été impliquées dans de tels conflits en Argentine. De plus, dans son mémoire, le Justice and Corporate Accountability Project a émis l’hypothèse selon laquelle ces types de conflits accroissaient le « risque de préjudice pour les communautés touchées et [les défenseurs des droits de la personne] visés par des menaces, des enlèvements et des assassinats ».
De l’avis d’Oxfam Canada, certains comités des droits de la personne des Nations Unies « ont pris le Canada à partie à plusieurs reprises pour les torts [découlant des activités d’exploitation minière canadiennes] aux peuples autochtones dans d’autres pays ». Le témoignage de Mines Alerte Canada et le mémoire du Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises indiquent qu’entre 2007 et 2016, un certain nombre de comités des Nations Unies, notamment le Comité des droits de l’homme, ont publié des rapports, des observations et des recommandations dans lesquels ils ont déterminé que des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières étaient impliquées dans des violations des droits de la personne, notamment dans leurs activités à l’étranger.
Selon KAIROS : Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice et Oxfam Canada, les forces nationales de sécurité et les entreprises de sécurité privées qui gardent plusieurs mines canadiennes exploitées en Amérique latine étaient associées à des violences contre les femmes et les filles. En outre, dans son mémoire, Mines Alerte Canada a indiqué qu’en 2016, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations Unies avait exprimé des préoccupations par rapport à certaines entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières, qui enfreignent les droits des femmes et des filles à l’étranger.
Enfin, le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, le Global Compact Network Canada et Mines Alerte Canada ont mentionné certaines poursuites judiciaires intentées au Canada par des militants en faveur des droits de la personne et des milieux naturels, des mineurs et d’autres personnes contre des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières qui auraient été impliquées dans des violations des droits de la personne à l’étranger. Mines Alerte Canada a prétendu qu’entre 1997 et 2022, plusieurs recours avaient été lancés contre des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières actuelles et anciennes, notamment Anvil Mining Limited, Barrick Gold Corporation, Cambior Inc., Hudbay Minerals Inc. et Nevsun Resource Ltd., en raison de leur implication présumée dans de telles violations ou parce qu’elles avaient nui aux milieux naturels.
Stratégies visant à améliorer la responsabilité sociale des entreprises et la conduite responsable en matière d’activités commerciales
Lorsqu’ils ont parlé des stratégies visant à améliorer la responsabilité sociale des entreprises et la conduite responsable en matière d’activités commerciales, les témoins ont formulé des commentaires sur les sujets suivants : la responsabilité sociale des entreprises, la conduite responsable en matière d’activités commerciales et les initiatives connexes; le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises; le soutien diplomatique et les autres soutiens fédéraux.
Les témoins ont en outre discuté de la législation nationale relative aux activités à l’étranger des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières. Ils ont parlé, plus particulièrement, de la présentation possible par le gouvernement d’un projet de loi visant à éliminer le travail forcé des chaînes d’approvisionnement nationales et à garantir que les entreprises canadiennes qui mènent des activités à l’étranger ne contribuent pas à des violations des droits de la personne, et ils ont formulé des observations générales au sujet de lois sur la diligence raisonnable en matière de droits de la personne et d’environnement. De plus, des témoins ont attiré l’attention sur trois projets de loi : le projet de loi C-262, Loi concernant la responsabilité des entreprises de prévenir les incidences négatives sur les droits de la personne qui sont liées à leurs activités commerciales à l’étranger, d’en tenir compte et d’y remédier (ci‑après, le projet de loi C-262); le projet de loi S-211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes (ci-après, le projet de loi S-211); le projet de loi C-263, Loi établissant le Bureau du commissaire à la conduite responsable des entreprises à l’étranger et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois (ci-après, le projet de loi C-263)[1].
Enfin, des témoins ont parlé des lois étrangères concernant la responsabilité sociale des entreprises et la conduite responsable en matière d’activités commerciales, ainsi que de certains des engagements internationaux du Canada en matière de droits de la personne.
Responsabilité sociale des entreprises et conduite responsable en matière d’activités commerciales et initiatives connexes
La ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique a expliqué qu’en plus de « tout un régime d’obligations de nature juridique » dans les pays étrangers dans lesquels les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières sont présentes, elles sont assujetties aux exigences canadiennes. La ministre a insisté sur les attentes du gouvernement, à savoir que, quel que soit l’endroit où se déroulent leurs activités, les entreprises canadiennes doivent se conformer à leurs obligations juridiques, notamment relativement à leur conduite responsable. Faisant le même genre de commentaires, le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a ajouté que les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières installées à l’étranger avaient le « devoir de respecter » deux directives internationales : les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et les Principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques à l’intention des entreprises multinationales.
L’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs a soutenu que, dans la « vaste majorité des cas », les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières, y compris celles qui sont actives à l’étranger, se conforment aux normes les plus élevées relatives à la responsabilité sociale des entreprises et à la conduite responsable des activités commerciales. De même, l’Association minière du Canada a affirmé dans son mémoire que le gouvernement du Canada avait « l’une des approches les plus fortes et les plus complètes » pour faire en sorte que ses entreprises d’exploitation et d’exploration minières « sont exploitées de façon responsable dans n’importe quel pays à l’extérieur de ses frontières ». Selon le Global Compact Network Canada, que ces entreprises devraient être assujetties au « cadre réglementaire et législatif » national, peu importe qu’elles exercent leurs activités au pays ou à l’étranger.
Dans son mémoire, le Justice and Corporate Accountability Project a laissé entendre que la stratégie de 2022 du gouvernement pour une conduite responsable des entreprises dans les pays étrangers était « pratiquement identique » à ses stratégies relatives à la responsabilité sociale des entreprises de 2009 et de 2014, et il a soutenu que la stratégie de 2022 ne prévoyait pas de « mesures ou d’obligations concrètes » à prendre ou à respecter par lui-même ou par les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières installées à l’étranger, respectivement. Selon le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, la stratégie de 2022 est une approche qui consiste essentiellement à conseiller ces entreprises au sujet de la gestion du risque, et qui repose sur des « lignes directrices à application volontaire » et sur l’offre de services de médiation pour la réponse aux préoccupations concernant les droits de la personne ainsi que les milieux naturels.
Le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a fait état de discussions avec l’Association minière du Canada et l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs en ce qui concerne les options qui s’offrent pour permettre d’aider les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières à « faire un meilleur travail et à être plus responsables » en ce qui concerne leurs activités à l’étranger. L’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs a parlé de son engagement à se référer à Affaires mondiales Canada, au Service des délégués commerciaux, à Ressources naturelles Canada, au Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises et à d’autres organismes afin de veiller à que le secteur de l’exploitation minière et minérale du Canada puisse continuer d’être « un chef de file mondial en matière de pratiques [commerciales] durables et responsables ».
Les fonctionnaires d’Exportation et Développement Canada ont souligné que, depuis 2019, Exportation et Développement Canada avait adopté une politique des droits de la personne, élaboré des principes d’influence et de mesures correctives, et créé un conseil consultatif sur les questions environnementales et sociales ainsi qu’un conseil consultatif de gouvernance. De plus, les fonctionnaires ont insisté sur le fait qu’Exportation et Développement Canada était doté d’un processus de vérification très rigoureuse des effets environnementaux et des répercussions sur les droits de la personne pour chacune des transactions potentielles. Les fonctionnaires ont également fait remarquer que le processus de vérification se poursuivait tout au long de la relation d’Exportation et Développement Canada avec ses clients.
L’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs a indiqué qu’à son avis, son cadre pour l’exploration responsable et l’initiative d’exploitation minière durable de l’Association minière du Canada visait à « promouvoir des pratiques exemplaires dans les régions où la surveillance réglementaire est moindre qu’au Canada ainsi que d’exporter les valeurs canadiennes ». Dans son mémoire, l’Association minière du Canada a fait valoir que la mise en œuvre de son initiative d’exploitation minière durable par plus de 200 entreprises minières à l’échelle mondiale témoignait « de la manière dont le Canada rehausse le niveau à l’international ». En outre, toujours selon ce mémoire, l’une des priorités clés du Partenariat pour la sécurité des minéraux est de faire progresser, « en tant qu’avantage concurrentiel dans les régions du monde riches en minéraux », les mesures relatives aux facteurs environnementaux et sociaux ainsi qu’aux facteurs de gouvernance qui jouent dans les décisions d’investissement et les droits de la personne.
Faisant remarquer que le cadre pour l’exploration responsable de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs et l’initiative d’exploitation minière durable de l’Association minière du Canada étaient des « mesures volontaires », Mines Alerte Canada a laissé entendre qu’il faudrait imposer des conséquences aux entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières pour que celles-ci prennent ces mesures au sérieux. Oxfam Canada a prétendu que le fait de dépendre uniquement des mesures volontaires en ce qui concerne la responsabilité sociale des entreprises et la conduite responsable en matière d’activités commerciales était « néfaste sur le plan des affaires et des relations diplomatiques ».
L’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises
La ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique a insisté sur le fait que le gouvernement examinerait les points de vue des différents intervenants lorsqu’il se pencherait sur l’avenir du travail du Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises. S’intéressant à ses pouvoirs additionnels possibles, le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a ajouté que le fait d’avoir le pouvoir de contraindre des témoins à témoigner et à présenter des documents permettrait d’atteindre trois objectifs : assurer un « accès à des recours » efficaces pour les personnes et les collectivités sur lesquelles l’exploitation à l’étranger d’entreprises canadiennes des secteurs du vêtement, de l’exploitation minière et de l’exploration des ressources minérales, ainsi que du pétrole et du gaz ont des répercussions néfastes, inciter les entreprises à participer volontairement au processus de plainte, et démontrer que le gouvernement respecte son « obligation » de veiller à ce que « l’accès à des recours fasse partie de la responsabilité des entreprises en matière de droits de la personne et d’environnement ».
De même, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises et Mines Alerte Canada ont prié le gouvernement de fournir au Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises le pouvoir de contraindre des témoins à comparaître et à produire des documents, ce dernier rappelant que, en 2018, le gouvernement s’y était engagé. Le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a affirmé que, sans ce pouvoir, le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises n’avait aucun effet.
KAIROS : Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice a préconisé l’octroi de pouvoirs qui seraient suffisants pour que le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises puisse « obtenir justice au nom de ceux qui n’en ont pas la possibilité », Mines Alerte Canada proposant dans son mémoire des pouvoirs selon lesquels serait prévue « une option non judiciaire efficace » pour les personnes qui cherchent des recours contre les préjudices découlant des opérations à l’étranger des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières. En outre, le Syndicat des Métallos soutient « les pouvoirs d’enquête et d’application de la loi » qui permettraient au Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises d’exercer efficacement ses fonctions.
Selon Mines Alerte Canada, la manière dont le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a été établi pose « problème à de nombreux égards ». Dans son mémoire, le Justice and Corporate Accountability Project a indiqué qu’à son avis, le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises manquait d’indépendance à l’égard d’Affaires mondiales Canada. De plus, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a fait valoir qu’au 13 février 2023, le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises n’avait pas « exercé » sa mission, à savoir s’assurer que « les personnes ne sont pas laissées à elles-mêmes » lorsque des violations des droits de la personne et des dommages aux milieux naturels sont liés aux activités à l’étranger d’entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières.
En ce qui concerne les plaintes relatives à toute violation des droits, le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a déclaré qu’en date du 13 février 2023, il y avait 15 plaintes, ajoutant qu’il y « en a 13 provenant de la région du Xinjiang, dont deux qui portent sur des sociétés minières ». Selon Mines Alerte Canada, bien que le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises existe depuis cinq ans, aucun cas de plainte n’avait été traité en rapport avec ces entreprises. De même, Oxfam Canada a laissé entendre que le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises « n’a toujours pas mené une seule enquête exhaustive » sur l’une ou l’autre de ces entreprises.
Soutien diplomatique et autres soutiens fédéraux
Quant au soutien fédéral, notamment diplomatique, qui est accordé aux entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières actives à l’étranger, André Gauthier, d’Eval Minerals, a attiré l’attention sur la collaboration avec les ambassades du Canada. En particulier, André Gauthier a affirmé que ces ambassades aidaient les entreprises canadiennes actives à l’étranger et, dans certains cas, elles pouvaient les « surveiller ». André Gauthier a prétendu que la relation entre ces entreprises et les membres des collectivités étrangères dans lesquelles celles-ci sont actives est « importante », et a indiqué que l’ambassadeur du Canada à l’étranger « s’en assure » [en parlant de cette relation].
Selon Mines Alerte Canada, les ambassades du Canada soutenaient les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières installées à l’étranger lorsque la réputation de ces entreprises était menacée. En outre, Mines Alerte Canada a mentionné qu’elle avisait très souvent les ambassades du Canada des enjeux liés aux droits de la personne et à l’environnement impliquant ces entreprises, ajoutant qu’elle devait « faire pression ne serait‑ce que pour avoir une réunion » avec le représentant de l’ambassade au sujet de ces enjeux. De plus, dans son mémoire, le Justice and Corporate Accountability Project a affirmé que les ambassades du Canada, les délégués commerciaux et les hauts fonctionnaires fédéraux « continuent souvent d’appuyer et de défendre » les entreprises, « malgré la vive opposition des communautés locales, des niveaux élevés de violence et de criminalisation et des preuves crédibles de contamination de l’environnement ».
En ce qui concerne le Mexique et le soutien offert aux militants en faveur des droits de la personne et des milieux naturels, dans son mémoire, Mines Alerte Canada a annoncé que l’ambassade du Canada au Mexique « n’a pas […] agi pour protéger » Mariano Abarca, une dirigeante communautaire mexicaine opposée à la mine de Blackfire Exploration à Chicomuselo (Mexique), « lorsqu’elle a été avertie que sa vie et sa sécurité étaient en danger ». Dans son mémoire, le Justice and Corporate Accountability Project a laissé entendre que l’« approche diplomatique » du Canada à l’égard des personnes touchées par les opérations à l’étranger des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières a « souvent accru les risques » pour les défenseurs des droits de la personne ainsi que des milieux naturels.
La ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique a déclaré que, en ce qui concerne les violations des droits de la personne, le gouvernement travaillait avec les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières à s’assurer que leurs chaînes d’approvisionnement sont « propres », et il a indiqué que les entrepreneurs canadiens devaient produire une déclaration à l’intention du Service des délégués commerciaux et d’Exportation et Développement Canada pour l’obtention de services. De même, les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont fait ressortir la nécessité de signer des déclarations. De plus, les fonctionnaires ont fait remarquer que le gouvernement cherchait à déterminer comment examiner l’exploitation à l’étranger des entreprises du Canada, à attirer leur attention sur les « risques » liés à leur conduite à l’étranger et à les aider à « atténuer ces risques ».
Selon le mémoire de l’Association minière du Canada, le Canada est le seul pays au monde qui « impose des conséquences » à ses entreprises d’exploitation et d’exploration minières si celles-ci ne participent pas « de bonne foi » à certaines procédures de règlement des différends à ce sujet. L’Association, dans son mémoire, faisait également allusion à des conséquences telles que l’éventuelle perte de « soutien accru des délégués commerciaux et diplomatiques », ainsi que du soutien financier de la part d’Exportation et Développement Canada.
Dans une déclaration sur le « processus de diligence raisonnable » d’Exportation et Développement Canada, les fonctionnaires du Ministère ont souligné le fait que l’on « env[errait] des gens sur le terrain pour vérifier les circonstances » s’il y avait des violations des droits de la personne commises par des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières qui obtiennent du financement d’Exportation et Développement Canada susciteraient des préoccupations. Les fonctionnaires ont ajouté qu’à plusieurs reprises, Exportation et Développement Canada n’avait fourni aucune aide financière à ces entreprises. Cependant, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a prétendu qu’il existait « huit cas où le financement [d’Exportation et Développement Canada] a été accordé » à des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières actives à l’étranger et qui avaient fait l’objet « d’allégations de violation des droits de la personne ».
Mines Alerte Canada a affirmé que le Service des délégués commerciaux continuait de soutenir ces entreprises de façon continue dans tous les cas où celles-ci violaient les droits de la personne ou nuisaient aux milieux naturels. De plus, Mines Alerte Canada a indiqué que les entreprises devaient signer « une évaluation ou une entente d’intégrité » lorsqu’elles recevaient le soutien du Service des délégués commerciaux. Cependant, selon l’association, celle-ci éprouvait parfois de la difficulté à demander des comptes au gouvernement quant au soutien d’une entreprise en particulier, y compris dans des cas très « flagrants », parce que l’information sur la signature d’un tel document par une entreprise est considérée comme confidentielle.
Législation nationale
La ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique a décrit le travail qui perdure sur une mesure législative envisagée visant à éliminer le travail forcé des chaînes d’approvisionnement canadiennes, et a souligné l’appui accordé par le gouvernement à « certains travaux complémentaires… dans le cadre d’un projet de loi d’initiative parlementaire ».
Selon le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, le Canada ne disposait actuellement d’aucune mesure législative qui obligera les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières à respecter les droits de la personne et les milieux naturels, et à « prendre des mesures » pour empêcher la violation de ces droits, et qui facilite l’accès aux recours pour les personnes touchées par de telles violations. En outre, dans son mémoire, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, qui exprime une « réponse solide » possible aux violations des droits de la personne par ces entreprises à l’étranger, prône l’adoption de dispositions législatives visant à obliger les entreprises à empêcher « les violations des droits de la personne et fassent preuve de diligence raisonnable » et à aider les personnes touchées par ces violations à accéder à une procédure de recours, et qui s’appliqueraient à l’ensemble des droits de la personne.
Le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, le Syndicat des Métallos, Mines Alerte Canada et Oxfam Canada ont appuyé l’adoption d’une loi nationale rendant obligatoire la diligence raisonnable en matière de droits de la personne et d’environnement. Dans son mémoire, Mines Alerte Canada a laissé entendre qu’aux termes des dispositions de cette loi, les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières installées à l’étranger devraient prendre les mesures suivantes : prévenir les violations des droits de la personne et les dommages aux milieux naturels; procéder à un examen afin de déterminer les risques pouvant donner lieu à des violations des droits de la personne; dresser un bilan public des risques recensés et les atténuer; garantir « l’accès aux tribunaux canadiens » pour les personnes alléguant que ces entreprises sont coupables de violations des droits de la personne ou portent atteinte au milieu naturel.
Relativement au projet de loi C-262, le Syndicat des Métallos a avancé que celui-ci était « fondamental pour aborder les préoccupations [en matière de droits de la personne et d’environnement] ». Mines Alerte Canada a réclamé que le gouvernement mette en œuvre « une loi sur la diligence raisonnable en matière de droits de la personne et d’environnement, comme celle proposée » dans le projet de loi C-262. De même, Oxfam Canada a déclaré que l’adoption du projet de loi C-262 permettrait de mettre en place le « cadre complet de diligence raisonnable » qui est nécessaire au Canada.
Selon le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, l’adoption du projet de loi S-211 constituerait un « premier pas en avant pour renforcer le respect des droits de la personne » par les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières actives à l’étranger. Toujours selon le Bureau, des modifications permettraient d’améliorer le projet de loi S-211 dans quatre domaines : la traite de travailleurs, certains pouvoirs réglementaires, les exigences en matière de rapports et les mécanismes de surveillance.
D’après le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, l’adoption du projet de loi S-211 n’aiderait pas « à lutter contre les abus des entreprises ». Le Syndicat des Métallos a formulé une observation semblable et, comme Mines Alerte Canada, a affirmé que le projet de loi ne créerait pas une « obligation juridique » de lutter contre le travail des enfants et le travail forcé ni d’offrir un accès à des recours. Le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a soutenu que, bien qu’en vertu du texte du projet de loi, les entreprises canadiennes soient tenues de faire rapport chaque année sur toute mesure prise pour permettre de « cibler, atténuer et traiter le travail forcé et le travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement », elles n’auraient pas réellement à prendre de telles mesures. En outre, selon le Syndicat des Métallos, l’adoption du projet de loi pourrait nuire au « mouvement visant à accroître la responsabilité des entreprises : certains pourraient qualifier ce projet de loi de suffisant et s’en servir comme excuse pour arrêter les avancées dans ce dossier ».
Au sujet du projet de loi C-263, Oxfam Canada et le Syndicat des Métallos ont laissé entendre que le projet de loi permettrait de renforcer le rôle du Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises.
Lois étrangères et engagements internationaux
Mettant l’accent sur les mesures législatives étrangères en matière de responsabilité sociale des entreprises et de conduite responsable en matière d’activités commerciales, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a affirmé que plusieurs administrations « reconnaissent de plus en plus » l’importance « des mesures concrètes pour lutter contre les actes répréhensibles des entreprises ». Pour donner des exemples, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a déclaré que la France et les Pays-Bas cherchaient très sérieusement à se doter de lois pour exiger que les entreprises ayant leur siège social dans leur pays respectent les droits de la personne.
Du point de vue des engagements internationaux du Canada en ce qui concerne les droits de la personne, Mines Alerte Canada a fait remarquer qu’en 2016, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies avait exhorté le gouvernement à « élaborer un cadre juridique prévoyant des recours judiciaires pour les victimes des activités » des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières actives à l’étranger. De même, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a souligné que les Nations Unies avaient demandé au gouvernement de mettre en place une loi qui permettrait d’exiger le respect des droits de la personne par les entreprises d’exploration minière et de garantir l’accès à des recours pour les personnes touchées par une violation des droits de la personne commise par ces entreprises dans le cadre de leurs activités.
Réflexions et recommandations du Comité
Comme indiqué dans l’introduction, le secteur canadien de l’exploitation et de l’exploration minières contribue de manière importante au produit intérieur brut du pays, compte tenu des centaines de milliers d’emplois associés à ses activités et de la valeur élevée de ses exportations. Le Comité est au courant du fait que la façon dont les entreprises canadiennes agissent, tant au Canada qu’à l’étranger, y compris en ce qui concerne les droits de la personne et l’absence de préjudice aux milieux naturels, se répercute sur la réputation internationale du pays et sur ses intérêts économiques. La conduite des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières actives à l’étranger est souvent examinée de près.
En raison, du moins en partie, du nombre important d’entreprises d’exploitation minière et d’exploration minérale ayant leur siège social au Canada, le pays pourrait jouer un rôle important et prépondérant dans la promotion de la responsabilité sociale des entreprises et de la conduite responsable en matière d’activités commerciales, et dans l’établissement de normes des droits de la personne ainsi que des milieux naturels. Le Comité reconnaît l’existence de mesures du fédéral et du secteur privé visant à garantir que les entreprises d’exploitation et d’exploration minières répondent à des normes élevées. Du point de vue de ces entreprises, ces mesures visent à envoyer le signal nécessaire au sujet de la priorité que le gouvernement et leur secteur accordent à la satisfaction à des normes élevées. Du point de vue des employés locaux et des membres des collectivités dans lesquelles ces entreprises exercent leurs activités, elles peuvent contribuer à soulever des préoccupations quant aux droits de la personne ainsi qu’aux milieux naturels.
Enfin, quel que soit le degré actuel de respect de normes élevées par les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières qui opèrent à l’étranger, la surveillance et la reddition de comptes sont essentielles à l’assurance de la responsabilité sociale des entreprises et de la conduite responsable en matière d’activités commerciales. Le Comité admet que le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises exerce un rôle de surveillance à cet égard, et précise qu’une évaluation continue des pouvoirs du titulaire, y compris en ce qui concerne l’examen des plaintes, permettrait de veiller à ce que le Canada réponde aux attentes nationales et internationales, à savoir que les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières respectent les droits de la personne et évitent de nuire aux milieux naturels.
À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande ce qui suit :
Recommandation 1
Que le gouvernement du Canada, en consultation avec les parties prenantes concernées, envisage des stratégies, des politiques et d’autres mesures, nouvelles ou modifiées, qui aideraient à promouvoir et à accroître davantage la responsabilité sociale des entreprises canadiennes et leur conduite responsable dans leurs activités commerciales à l’étranger, y compris celles du secteur de l’exploitation minière et de l’exploration minérale.
Recommandation 2
Que le gouvernement du Canada examine les pouvoirs du Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises et qu’il explore toutes les options pour élargir son mandat. Cet examen doit permettre de s’assurer que l’ombudsman a la capacité d’examiner – convenablement et en temps utile – les plaintes relatives aux actes allégués de violation des droits de la personne et aux dommages causés aux milieux naturels liés aux opérations à l’étranger des entreprises canadiennes qui s’inscrivent dans le cadre de son mandat. Cet examen devrait inclure des consultations avec les parties prenantes concernées.
[1] Ces projets de loi ont été présentés lors de la 1re session de la 44e législature.