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CIIT Rapport du Comité

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Un accord commercial entre le Canada et l’Équateur : priorités choisies du Canada

 

Introduction

Selon les Données sur le commerce en direct du gouvernement du Canada, l’Équateur se classait, en 2022, au 51e rang des partenaires commerciaux du Canada, avec un commerce bilatéral de marchandises totalisant 1,3 milliard de dollars : 603,3 millions en exportations canadiennes vers l’Équateur et 679,5 millions en importations canadiennes en provenance de ce pays. De plus, le blé et le pétrole raffiné représentaient ensemble, en 2022, 76,9 % de la valeur des exportations canadiennes vers l’Équateur, tandis que le pétrole brut et les minerais de métaux précieux représentaient ensemble 48,3 % de la valeur des importations en provenance de ce pays. L’Alberta et la Saskatchewan ont été les principaux exportateurs du Canada vers l’Équateur cette année-là. Le Service des délégués commerciaux, qui relève d’Affaires mondiales Canada, indique que les entreprises canadiennes ont des débouchés dans les sept secteurs suivants en Équateur : agriculture, aliments et boissons; éducation; infrastructures, produits de construction et services connexes; exploitation minière; pétrole et gaz; technologies propres ainsi que défense et sécurité.

En 1996, le Canada et l’Équateur ont signé un accord de promotion et de protection des investissements étrangers que l’Équateur a résilié unilatéralement en 2017, avec prise d’effet en 2018. Le gouvernement du Canada indique qu’en 2022, le stock d’investissements directs canadiens en Équateur s’élevait à 2,6 milliards de dollars et que l’Équateur occupait le 37e rang des destinations de l’investissement direct canadien à l’étranger parmi les 145 pays pour lesquels des données étaient disponibles cette année-là. Dans la même veine, Affaires mondiales Canada fait observer que l’investissement direct canadien en Équateur, valorisé à 2,6 milliards de dollars en 2022, avait triplé au cours des cinq dernières années, et que le Canada se place donc en tête des investisseurs étrangers dans ce pays, essentiellement dans le secteur de l’exploitation des ressources naturelles. Le Service des délégués commerciaux fait ressortir que les « investissements miniers canadiens cumulés » en Équateur se chiffrent à plus de 2 milliards de dollars en 2021.

Le 24 novembre 2022, le Canada et l’Équateur ont annoncé le lancement de discussions exploratoires concernant un éventuel accord commercial entre eux. À l’époque, les ministres compétents des deux pays avaient laissé entendre qu’un accord pourrait « amélior[er] les conditions d’accès au marché et [créer] un environnement commercial plus prévisible et plus transparent ». Au Canada, des consultations publiques sur un accord ont été tenues du 6 janvier au 21 février 2023. Le 13 décembre 2023, la ministre canadienne de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique a déposé un avis d’intention d’entamer des négociations en vue d’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur. Conformément à sa Politique sur le dépôt des traités devant le Parlement, le gouvernement du Canada déposera les objectifs de négociation de cet accord commercial dans les 30 jours avant le début des négociations.

Le 6 février 2024, le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes (le Comité) a adopté une motion selon laquelle il entreprendra une étude « des objectifs du Canada et des résultats escomptés » des négociations d’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur. Lors de réunions tenues en février 2024, il a entendu des fonctionnaires du gouvernement du Canada, un universitaire ainsi que des représentants de trois organisations de la société civile et de quatre associations professionnelles en agriculture. Il a également reçu un document d’Affaires mondiales Canada, des mémoires de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire et de la Chambre de commerce du Canada, en plus d’une réponse écrite de l’Association canadienne de la distribution des fruits et légumes.

Dans le présent rapport, le Comité s’est particulièrement penché sur les observations que les témoins ont formulées sur cet accord potentiel. Les première et deuxième sections renferment leurs points de vue sur les débouchés de commerce, puis d’investissement en Équateur; la troisième section comporte un résumé de leurs observations sur les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce. Dans la quatrième section, on explique leurs avis sur les consultations publiques sur un tel accord et, enfin, dans la cinquième section, on souligne leurs prises de position sur les « dispositions sur l’inclusivité » dans une entente de cette nature. Le rapport se termine par les réflexions et recommandations du Comité.

Au cours de l’étude, des témoins ont fait des déclarations sur des sujets que le Comité a examinés dernièrement en raison d’autres motions. Citons à titre d’exemple le rapport déposé par le Comité en juin 2021 et intitulé Le règlement des différends entre investisseurs et États : Matière à réflexion pour le Canada. Lors des réunions du Comité tenues en février 2024, des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada, des représentants du Centre canadien de politiques alternatives, d’Amnistie internationale Canada et de Mines Alerte Canada ainsi que Thomas Chiasson-LeBel – professeur adjoint de l’Université de l’Ontario français – ont tenu des propos qui rejoignent les avis des témoins relatés dans le rapport de 2021 et celui exprimé par la Chambre de commerce du Canada dans son mémoire.

Qui plus est, dans le cadre de la présente étude, des témoins se sont exprimés sur les droits de la personne et l’environnement, notamment au regard des activités minières de sociétés canadiennes, et leurs propos rejoignaient la teneur du rapport que le Comité a publié en septembre 2023 intitulé Les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières actives à l’étranger : Conséquences pour les milieux naturels et les droits de la personne. En particulier, les opinions que les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada, Amnistie internationale Canada et Mines Alerte Canada ont exprimées au Comité en février 2024 ressemblent à celles relatées dans le rapport de septembre 2023.

Par ailleurs, certains témoins de la présente étude qui représentaient des associations professionnelles de l’agriculture et de l’agroalimentaire ont fait des observations générales sur les barrières non tarifaires au commerce, dont il est justement question dans le rapport publié en décembre 2023 par le Comité, intitulé Barrières non tarifaires au commerce : Certaines perspectives canadiennes. Plus précisément, les représentants de l’Association canadienne de la distribution des fruits et légumes, de Cereals Canada et de Pulse Canada ont également fait part, en février 2024, de leur point de vue qui ressemble à ceux indiqués dans le rapport de décembre 2023.

Enfin, certaines déclarations faites par des témoins au cours de la présente étude ne portent pas directement sur les « objectifs du Canada et des résultats escomptés » à l’égard des négociations d’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur, ni sur d’autres thèmes abordés dans les dernières études du Comité. Mentionnons que les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont évoqué « la technologie canadienne pour contrôler le torchage du gaz ». Ils ont d’ailleurs souligné l’opposition des organisations de la société civile et des dirigeants de regroupements nationaux des Autochtones en Équateur face à l’exploitation minière et à ses activités illicites dans ce pays liées aux groupes criminels de narcotrafic. Amnistie internationale Canada a expliqué que les sociétés « install[aient] des torchères destructrices pour le climat sur leurs plateformes pétrolières » en Équateur. Mines Alerte Canada a attiré l’attention du Comité sur les projets de sociétés minières canadiennes en Amazonie et dans les paramos, lesquels sont « critiqués » par les communautés autochtones « en raison de leurs répercussions environnementales ». D’ailleurs, l’organisme a évoqué les référendums menés par les citoyens en Équateur, puis a insisté sur le fait que le « droit [des peuples autochtones] de dire non aux projets miniers devait être respecté ».

Échanges commerciaux entre le Canada et l’Équateur

Au chapitre des échanges commerciaux entre le Canada et l’Équateur, des témoins ont donné au Comité leur point de vue sur les possibles retombées économiques d’un accord commercial entre les deux pays. Ils ont également fait des observations sur l’accès aux marchés de produits agricoles, notamment les céréales, les légumineuses à grains, les aliments frais et le porc.

De l’avis des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada, un accord commercial entre le Canada et l’Équateur « générerait des avantages économiques modestes, mais positifs pour les deux pays ». Dans son document[1], Affaires mondiales Canada estime que, d’ici 2030, cet accord ferait augmenter le produit intérieur brut (PIB) du Canada à hauteur de 82,4 millions de dollars américains (0,003 %) et celui de l’Équateur à hauteur de 49,3 millions de dollars américains (0,025 %). Il y a aussi indiqué que l’accord permettrait de faire économiser 55,6 millions de dollars en droits de douane aux exportateurs et 4,5 millions de dollars aux importateurs du Canada.

Selon les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada, Canada cherche à négocier un accord commercial avec l’Équateur qui procurera un accès préférentiel au marché équatorien et qui ressemble aux derniers accords commerciaux conclus récemment dans plusieurs aspects, comme « le commerce numérique, le commerce inclusif, la conduite responsable des affaires, [les milieux naturels] et les droits des travailleurs ». À leur avis, un accord de cette nature donnerait au Canada un avantage concurrentiel par rapport aux autres pays sans accord avec l’Équateur.

De même, plusieurs autres ont dit appuyer la négociation d’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur: l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire dans son mémoire, la Chambre de commerce du Canada dans son mémoire, le Conseil canadien du porc, l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, Cereals Canada ainsi que Pulse Canada. Selon le Centre canadien de politiques alternatives, un accord de cette nature ne procurerait toutefois au Canada qu’un nouvel accès limité au marché équatorien.

Au chapitre de l’accès au marché, les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont signalé que l’Équateur demeure « le seul pays de la côte pacifique de l’Amérique du Sud » sans accord commercial avec le Canada. Dans son mémoire, la Chambre de commerce du Canada a soutenu qu’un accord commercial « bien négocié » améliorerait « substantiellement » les relations commerciales des entreprises canadiennes avec des homologues en Équateur et ailleurs dans l’Amérique latine.

Les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont aussi indiqué que les intérêts des parties sont dégagés dans les négociations d’un accord commercial. En l’espèce, il en est ressorti que les principaux intérêts agricoles du Canada concernaient les lentilles, l’avoine et le blé et que les plus grands intérêts de l’Équateur sont les fleurs coupées. Dans son mémoire, l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a avancé que, la production nationale de denrées alimentaires et d’autres biens essentiels ne suffisant pas pour « satisfaire la demande des consommateurs », l’Équateur compte sur les importations d’orge, de lentilles, d’avoine et de pois en provenance du Canada. Dans son mémoire, la Chambre de commerce du Canada a expliqué qu’il était primordial d’obtenir un accès préférentiel pour les exportations agricoles canadiennes – surtout l’orge, les lentilles, l’avoine, les pois et le blé – en Équateur.

Au chapitre des exportations canadiennes de céréales, Cereals Canada a fait remarquer qu’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur représente « une importante occasion […] de renforcer » l’accès au marché pour les exportateurs canadiens. Cereals Canada a souligné que le Canada est le principal exportateur de blé en Équateur, détenant 60 % du marché, et que l’Équateur représente « un marché au potentiel de croissance important ». Qui plus est, Cereals Canada a dit « constate[r] que la demande est en hausse dans les pays d’Amérique latine pour [les exportations de] blé et [de] céréales qui viennent de l’Ontario et du Québec ». L’organisme a par ailleurs attiré l’attention sur les débouchés à valeur ajoutée en Équateur pour satisfaire notamment les besoins des minotiers et boulangers.

En ce qui concerne les exportations canadiennes d’avoine, Cereals Canada a indiqué qu’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur « contribuera certainement à diversifier » les marchés d’exportations canadiennes de l’avoine. D’après Cereals Canada, le Canada reste en ce moment « le plus grand exportateur d’avoine des Amériques ».

Au chapitre des débouchés d’exportations canadiennes de légumineuses à grains, Pulse Canada a fait observer qu’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur créerait « un autre marché » pour les exportations de ses membres. Déclarant prioritaire la diversification des marchés, Pulse Canada a fait observer que « la recherche de nouveaux accords commerciaux avec des pays comme l’Équateur revêt une grande importance pour les producteurs, les transformateurs et les exportateurs de légumineuses du Canada ». Pulse Canada a ajouté que les exportations canadiennes de lentilles et de pois secs vers l’Équateur totalisent respectivement 28 millions et 4,2 millions de dollars en 2022 et qu’elles représentent « la grande majorité des importations équatoriennes » de ces deux denrées.

En ce qui concerne le commerce des produits maraîchers entre le Canada et l’Équateur, l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes a mis en évidence les « importantes relations commerciales » entre les deux pays, puisque les importations canadiennes de produits maraîchers en provenance de l’Équateur se chiffrent à 89,6 millions de dollars. Dans sa réponse écrite[2], l’association a relevé qu’un accord commercial avec l’Équateur contribuerait à diversifier les sources d’importation de fruits tropicaux impossibles à cultiver au Canada. L’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes a d’ailleurs signalé que ses membres cherchent surtout à diversifier leurs marchés d’exportation et à « permettre l’approvisionnement fiable continu » de produits maraîchers pour les Canadiens.

Enfin, au chapitre des exportations canadiennes de porc, le Conseil canadien du porc a indiqué que le marché qui se « développe » en Équateur revêt de l’intérêt pour ses membres.

Investissements entre le Canada et l’Équateur

À propos des investissements canadiens en Équateur et d’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur, les témoins se sont surtout prononcés sur les protections déjà en place pour ces investissements de même que sur l’ajout possible d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE).

Les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont par ailleurs déclaré que, même si l’Équateur a résilié son accord de promotion et de protection de l’investissement étranger avec le Canada en 2018, les investissements canadiens y seront – pour l’instant – « protégés jusqu’en 2033 ». Ils ont souligné le fait que les futurs investissements ne bénéficieront pas de ces protections et qu’ils ne pourront pas non plus faire appel à un mécanisme de RDIE à moins de l’ajout de dispositions à cet effet dans un accord commercial entre le Canada et l’Équateur.

Le Centre canadien de politiques alternatives a soutenu que la résiliation par l’Équateur de son accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers avec le Canada « n’a pas eu d’incidence sur les investissements » canadiens dans ce pays. Thomas Chiasson‑LeBel a souligné l’accroissement des investissements étrangers en Équateur depuis la résiliation des accords bilatéraux de protection des investissements avec quelques pays, dont le Canada.

Au sujet des dispositions sur l’investissement d’un éventuel accord, les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont avancé que « l’application des obligations prévues au chapitre sur l’investissement » par un mécanisme du RDIE demeure d’intérêt particulier pour les entreprises canadiennes. À leur avis, le Canada demeure « le principal investisseur de l’Équateur », et les deux pays ont donc un « intérêt mutuel » à négocier un chapitre sur les investissements. Les fonctionnaires ont indiqué que le gouvernement de l’Équateur « souhaite qu’un mécanisme de RDIE » fasse partie d’un accord commercial avec le Canada. Ils ont signalé qu’en revanche, les tribunaux du pays ont récemment déclaré inconstitutionnel le même mécanisme dans l’accord commercial conclu avec le Costa Rica. Enfin, ils ont mentionné un référendum tenu en Équateur le 21 avril 2024 sur la modification de la constitution du pays pour autoriser l’utilisation de mécanismes de RDIE.

Dans son mémoire, la Chambre de commerce du Canada a fait valoir que l’ajout d’un mécanisme de RDIE dans un accord commercial entre le Canada et l’Équateur serait de nature « essentielle pour protéger les investissements canadiens » en Équateur. Le Centre canadien de politiques alternatives a cependant insisté sur le fait que l’ajout de ce mécanisme « devrait vouer à l’échec » toutes négociations futures. Dans cette optique, Mines Alerte Canada a estimé que cet ajout constitue une « grande préoccupation ». Il a donc laissé entendre que le gouvernement du Canada « doit retirer le RDIE de la table » lors des négociations d’un accord commercial avec le gouvernement de l’Équateur.

Thomas Chiasson-LeBel a affirmé que l’ajout d’un mécanisme de RDIE à un accord commercial entre le Canada et l’Équateur porterait atteinte à la souveraineté du gouvernement de l’Équateur et à l’habilité des Équatoriens d’« influer sur leur développement ». En outre, Thomas Chiasson-LeBel a attiré l’attention sur le « débat [qui] fait justement rage » en Équateur sur l’ajout de ces mécanismes aux accords commerciaux du pays. De l’avis de Thomas Chiasson-LeBel, il est très difficile d’avoir des mécanismes de RDIE qui ne nuisent pas à la protection des droits des travailleurs, des femmes et des Autochtones.

Dispositions tarifaires et non tarifaires dans un accord commercial entre le Canada et l’Équateur

Des témoins ont fait part au Comité de leur point de vue sur les barrières tarifaires et non tarifaires dans un éventuel accord commercial entre le Canada et l’Équateur.

En ce qui a trait aux droits de douane, les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont indiqué qu’environ 40 % des exportations canadiennes vers l’Équateur et à peu près 90 % des importations canadiennes en provenance de ce pays en sont actuellement exemptes. Ils ont ajouté que l’Équateur maintient « un taux tarifaire moyen de 17 % sur les biens non agricoles ». Qui plus est, les fonctionnaires ont fait observer que les deux concurrents du Canada en Équateur – l’Union européenne et la Chine – bénéficient d’accords commerciaux assortis d’« avantages tarifaires » au détriment du Canada et ses exportations.

Cereals Canada a soutenu qu’avec un accord commercial entre le Canada et l’Équateur, les exportateurs canadiens de produits agricoles bénéficieraient de droits de douane inférieurs, car leurs produits ne sont « pas très concurrentiels pour ce qui est du prix » en Équateur. En particulier, Cereals Canada a réclamé la levée du droit de douane ad valorem de 5 % appliqué sur les importations canadiennes de l’avoine qui n’est pas utilisée comme semence. Toujours selon Cereals Canada, la suppression de ce droit de douane aurait « des répercussions importantes sur les exportations [canadiennes d’avoine] vers l’Équateur et, par la suite, dans toute la région ». Dans la même veine, Pulse Canada a souligné qu’un accord commercial avec l’Équateur « doit inclure la réduction des droits de douane sur les légumineuses canadiennes ».

Au chapitre des barrières non tarifaires au commerce, Affaires mondiales Canada a indiqué dans son document qu’il s’attendait à ce que près de la moitié de la hausse du PIB du Canada et environ le tiers de la hausse du PIB de l’Équateur qui devraient se produire en raison d’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur proviendraient de l’élimination des barrières au commerce en place à cause du Système andin de fourchettes des prix[3], qui frappent certains produits agricoles comme le blé.

Cereals Canada a laissé entendre que, lors de la négociation d’un accord commercial avec l’Équateur ou d’autres pays et de la mise en œuvre de tels accords, le gouvernement du Canada devrait s’attarder à l’ajout de dispositions dans trois domaines : l’encadrement des barrières commerciales non tarifaires, les évaluations scientifiques fondées sur les risques et les processus exécutoires de règlement des différends en temps opportun.

L’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes a fait valoir qu’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur ne devrait pas contenir d’« exigences phytosanitaires et autres exigences qui ne sont pas fondées sur des données scientifiques ou essentielles à la sécurité ». Pulse Canada a mis en évidence le besoin d’un « bon » chapitre sur les questions sanitaires et phytosanitaires, qui prévoit des « exigences prévisibles, transparentes et surtout, fondées sur des données scientifiques » dans un tel accord. En ce qui concerne les limites maximales de résidus de pesticides, Cereals Canada a prôné que le gouvernement du Canada devrait « continuer d’appuyer l’utilisation de normes harmonisées et fondées sur des données scientifiques ». Le Conseil canadien du porc a indiqué que « si le Canada peut élargir le concept de la réglementation fondée sur des données scientifiques » dans ses accords commerciaux, sa position mondiale « s’en portera mieux » et, d’autre part, l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes a attiré l’attention sur l’importance d’une « reconnaissance mutuelle des systèmes de salubrité alimentaire » dans un accord commercial afin que les règles soient alors « les mêmes pour tous ».

Pour le règlement de différends sur les barrières non tarifaires, notamment à propos des mesures sanitaires et phytosanitaires, Cereals Canada a invité le gouvernement du Canada à tenter d’obtenir l’ajout d’un « mécanisme efficace et exécutoire de règlement des différends » dans l’accord en question; la Chambre de commerce du Canada fait de même dans son mémoire. Abondant dans le même sens, le Conseil canadien du porc a insisté sur la nécessité d’ajouter des mécanismes de règlement des différends dans un tel accord.

Thomas Chiasson-LeBel a laissé entendre que, s’il ne parvenait pas à conclure un accord commercial avec l’Équateur ni à régler les obstacles sanitaires et phytosanitaires aux exportations canadiennes de porc et de bœuf vers l’Union européenne, le gouvernement du Canada devrait plutôt prioriser la seconde des deux éventualités.

Consultations sur un accord commercial entre le Canada et l’Équateur

Lors de leur comparution, des témoins ont fait part au Comité de leurs observations au sujet des consultations sur un accord commercial entre le Canada et l’Équateur tenues au Canada, en Équateur ainsi qu’auprès de groupes de personnes en particulier.

Les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont dit qu’ils ont reçu une trentaine de mémoires de Canadiens au cours des consultations publiques au Canada sur cet accord commercial. Par ailleurs, ils ont souligné que le gouvernement du Canada consulte « un groupe de travail autochtone » tout au long des négociations d’un accord commercial et qu’il entend poursuivre cette démarche.

Au chapitre des consultations publiques tenues en Équateur sur la même question, les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont indiqué que le gouvernement de l’Équateur n’avait pas mené « un processus de consultation aussi exhaustif » que celui du Canada et qu’il a dit souhaiter l’aide et le soutien techniques du Canada pour la conduite de consultations. Amnistie internationale Canada a signalé qu’en Équateur, les organisations de défense des droits de la personne, de l’environnement et des peuples autochtones n’ont pas été « informées ni consultées » à l’égard d’un accord commercial. Dans la même veine, le Centre canadien de politiques alternatives a relevé qu’une « grande partie de la société civile équatorienne » n’a pas été consultée; selon Mines Alerte Canada, il existe un « manque de transparence et de consultation » dans ce pays concernant un accord commercial avec le Canada.

Dispositions d’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur sur des groupes et des questions en particulier

Des témoins du Comité ont attiré l’attention sur des dispositions d’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur qui revêtent de l’importance pour des groupes et des communautés en particulier, à savoir les femmes, les peuples autochtones, les salariés et les petites et moyennes entreprises. Ils ont également évoqué d’autres dispositions tout aussi importantes sur des questions en particulier, notamment l’environnement, les droits de la personne et la conduite responsable des entreprises.

Les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont fait observer qu’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur doté de dispositions « solides » en matière « de travail et d’environnement » serait « bénéfique » pour le Canada. Ils ont souligné que, lors des négociations de cet accord, le gouvernement du Canada a l’intention d’obtenir des dispositions dans ces deux domaines et de veiller, selon la méthode habituelle, à ce que ces dispositions soient visées par un mécanisme de règlement des différends. Les fonctionnaires ont d’ailleurs déclaré qu’un chapitre sur la conduite responsable des entreprises est envisagé. Dans son mémoire, la Chambre de commerce du Canada a fait valoir qu’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur doit « tenir compte des meilleures pratiques en matière de conduite responsable des entreprises, en exploitant le leadership canadien en la matière pour favoriser les droits de la personne, l’inclusivité et le développement en Équateur ».

Par ailleurs, d’après les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada, le gouvernement du Canada cherchera à obtenir un accord commercial avec l’Équateur, qui profite aux « groupes généralement sous‑représentés » comme les femmes, les Autochtones et les petites et moyennes entreprises. Selon eux, le gouvernement de l’Équateur « appuie également les concepts de commerce inclusif » liés au genre, aux peuples autochtones, aux droits des travailleurs et à l’environnement. L’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes a exprimé son appui à l’inclusion de dispositions sur les milieux naturels, les peuples autochtones et sur les « populations qui ne sont pas toujours reconnues », dont les femmes.

Mines Alerte Canada a affirmé qu’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur « exacerb[era] les conflits environnementaux, les violations des droits de la personne, la militarisation des territoires et les menaces et l’intimidation à l’encontre des dirigeants autochtones qui s’opposent aux projets miniers canadiens ».

En ce qui concerne le genre, les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont fait remarquer que le chapitre sur le genre de quelques accords commerciaux du Canada a pour objectif « de promouvoir les activités commerciales des entreprises dirigées par des femmes ». Ils ont ajouté que le gouvernement de l’Équateur, désireux d’« explorer » ces « domaines », s’engage à souscrire à des dispositions en ce sens dans le cadre de l’accord.

À propos des répercussions sur les peuples autochtones de l’Équateur engendrées par le décret exécutif no 754, qui modifie le Règlement du Code organique de l’environnement[4], les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont fait valoir que « [l]a cour constitutionnelle n’a pas conclu [que le décret] entravait le consentement préalable, donné librement » des peuples autochtones. Amnistie internationale Canada a déclaré pour sa part que le décret exécutif autorise les sociétés minières à mener leurs activités « sans le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones ».

Mines Alerte Canada a proposé que le gouvernement du Canada « garantisse » qu’aucun accord commercial entre le Canada et l’Équateur « ne serait conclu » sans une consultation exhaustive, transparente et efficace des peuples autochtones visés en Équateur. En outre, Mines Alerte Canada a fait valoir qu’aucun accord ne devrait être mis en œuvre sans « leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ». Mines Alerte Canada a également soutenu que les communautés équatoriennes n’ont pas eu l’occasion « de se prononcer » sur cet accord.

Au sujet des milieux naturels, les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont souligné que le gouvernement du Canada envisage un chapitre complet sur l’environnement même s’il ignore si l’Équateur souhaite discuter des dispositions concernant la taxe sur le carbone lors des négociations d’un accord commercial. Ils sont donc d’avis que le gouvernement n’a pas encore décidé d’ajouter une « disposition de coopération concernant la tarification du carbone » dans ce chapitre. En outre, ils ont indiqué que la tarification du carbone n’était pas à l’ordre du jour lors des rencontres exploratoires avec l’Équateur sur un éventuel accord commercial. Cereals Canada a laissé entendre que « les prix du carbone et les taxes sur le carbone » ne constituent pas « une clause standard dans un accord commercial ».

Enfin, au chapitre des droits de la personne, Mines Alerte Canada a dit craindre qu’un éventuel accord commercial entre le Canada et l’Équateur aggrave la situation en Équateur à cause de la hausse des investissements canadiens dans l’exploitation minière, qui s’ensuivrait. Amnistie internationale Canada a proposé que le gouvernement du Canada doive voir à la réalisation des « évaluations des répercussions sur les droits de la personne a priori et a posteriori » d’un tel accord. Amnistie internationale Canada a également mis en exergue la recommandation formulée par le groupe de travail des Nations Unies sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales selon laquelle « tous les pays [membres des Nations Unies analysent] les répercussions sur les droits de la personne […] des accords internationaux sur les investissements ».

Réflexions et recommandations du Comité

Le commerce international contribue à l’essor économique, à la prospérité des entreprises du pays et au niveau de vie de la population canadienne. En 2018, le gouvernement du Canada a annoncé sa Stratégie de diversification des exportations, qui avait pour objectif d’accroître de 50 % la valeur des exportations canadiennes d’ici 2025. Les accords commerciaux favorisent la diversification des échanges commerciaux effectués selon des règles convenues. Au 6 juin 2024, le Canada avait conclu 15 accords commerciaux avec 51 pays. Un accord commercial entre le Canada et l’Équateur offrirait des débouchés, émergents ou meilleurs, aux entreprises canadiennes et à leurs salariés dans divers secteurs d’activité en Équateur.

La négociation d’accords commerciaux a notamment pour objectif d’éliminer les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce. Le Comité reconnaît donc l’importance d’éliminer ces barrières ainsi que d’autres qui freinent la croissance et la prospérité. Il peut être plus complexe d’éliminer les barrières non tarifaires que les barrières tarifaires ou encore de lever progressivement ces dernières. Il faut donc s’assurer lors des négociations du fondement scientifique des barrières tarifaires restantes, de leur application non arbitraire, de leur nature à ne pas constituer un obstacle déguisé au commerce et de leur respect des objectifs stratégiques légitimes, notamment la protection de la vie et de la santé de l’homme, de la faune et de la flore. Dans le cadre des négociations d’un accord commercial avec l’Équateur, les négociateurs du Canada devraient miser aussi bien sur l’élimination des barrières au commerce que sur l’ajout d’un mécanisme contraignant et opportun pour régler les différends sur les barrières restantes.

En ce qui concerne les mécanismes de RDIE, le débat se poursuit et il y a encore divergence de points de vue sur leurs avantages, leurs inconvénients et leurs répercussions. Le Comité fait observer que, vu la résiliation par l’Équateur de l’accord de promotion et de protection de l’investissement étranger avec le Canada, les investissements canadiens dans ce pays – d’une valeur totale considérable – ne bénéficieront plus des protections à compter de 2033. Par ailleurs, le Comité n’est pas sans savoir que, le 21 avril 2024, les citoyens de l’Équateur ont voté pour le maintien de l’article 422 de la constitution adoptée par leur pays en 2008, qui empêche l’Équateur de conclure des traités prévoyant le recours à l’arbitrage international pour régler les différends entre le pays et des investisseurs étrangers. En ce qui a trait à un accord commercial entre le Canada et l’Équateur, le gouvernement du Canada doit fonder sa décision de chercher à obtenir l’ajout d’un mécanisme de RDIE en partie sur une évaluation éclairée des avenues possibles pour protéger les investissements canadiens en Équateur, de même que sur les points de vue des diverses parties concernées par ces avenues.

Selon Ressources naturelles Canada, les données préliminaires de 2022 sur la valeur des actifs miniers canadiens à l’étranger montrent que l’Équateur ne figure pas dans les dix principaux pays; cela dit, certaines sociétés d’exploration et d’exploitation minières dont le siège social est au Canada mènent des activités dans ce pays. Le Comité est au courant des préoccupations au sujet des droits de la personne, des droits des travailleurs et des milieux naturels au regard de l’exploration et de l’exploitation minières. Dans le cadre des négociations d’un accord avec l’Équateur, le Canada et ses négociateurs devraient chercher à obtenir des dispositions sur ces trois aspects, mais également sur la conduite responsable des entreprises. Ces dispositions devraient, dans la mesure du possible, s’inspirer de celles dans certains autres accords commerciaux récents du Canada.

En parallèle des dispositions sur les droits de la personne, les droits des travailleurs et les milieux naturels, divers accords commerciaux du Canada en renferment d’autres sur le genre, les peuples autochtones ainsi que sur les petites et moyennes entreprises. Le Comité reconnaît les avantages des accords commerciaux dits « inclusifs » selon certains observateurs, qui répondent aux besoins de groupes en particulier. Dans le cadre des négociations d’un accord commercial avec l’Équateur, les négociateurs du Canada devraient chercher à obtenir des dispositions sur le genre, les peuples autochtones ainsi que sur les petites et moyennes entreprises, comparables à celles de certains accords commerciaux « inclusifs » du pays.

Enfin, comme il a déjà été évoqué, le commerce international et les accords commerciaux profitent tant au Canada qu’aux entreprises et salariés canadiens. Le Comité est bien conscient que les consultations auprès des parties prenantes sont importantes pour la détermination des priorités, soit avant le début des négociations commerciales, soit au moment de trouver des compromis durant le processus de négociation. La consultation tout comme la communication revêtent également de l’importance lors de la mise en œuvre de l’accord obtenu. Il y a un peu plus d’un an, le gouvernement du Canada a d’ailleurs mené des consultations sur un accord commercial avec l’Équateur. Toutefois, il faut continuer à consulter les entreprises et travailleurs qui pourraient être visés par l’accord.

En raison de ce qui précède, le Comité formule les recommandations suivantes sur la négociation d’un accord commercial entre le Canada et l’Équateur :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada cherche à obtenir l’élimination des barrières tarifaires et non tarifaires au commerce. Les barrières non tarifaires qui ne sont pas éliminées doivent reposer sur un fondement scientifique, atteindre un objectif légitime de politique publique et restreindre les échanges commerciaux le moins possible. De même, le gouvernement devrait veiller à la mise en place d’un mécanisme contraignant et opportun pour régler les différends sur les barrières non tarifaires au commerce.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada envisage toutes les avenues possibles pour protéger les investissements canadiens en Équateur lorsqu’il devra décider des dispositions sur l’investissement. Avant d’arrêter sa décision, il devrait consulter les parties concernées par ces avenues.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada cherche à obtenir des dispositions qui traiteraient de certaines questions sur les droits de la personne, les droits des travailleurs, les milieux naturels, le genre, les peuples autochtones ainsi que sur les petites et moyennes entreprises. Ces dispositions devraient, dans la mesure du possible, ressembler à celles dans certains autres accords commerciaux en vigueur du Canada.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada entreprenne des consultations auprès des parties prenantes tout au long du processus de négociations lorsque des propositions sont envisagées. Qui plus est, il devrait mettre au point des mesures afin d’informer les entreprises canadiennes des débouchés d’exportations en Équateur et de leur offrir du soutien au moment de la mise en œuvre de l’accord conclu.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada veille à ce qu’aucun accord commercial entre le Canada et l’Équateur ne soit conclu sans que les peuples autochtones concernés de l’Équateur ne soient consultés de manière approfondie, transparente et efficace, et sans que ces peuples autochtones ne donnent préalablement leur consentement libre et éclairé à la mise en œuvre de tout accord du genre. Le collectif Mujeres Amazonicas Defensores de la Selva devrait faire partie des intervenants autochtones qui sont consultés et à qui le consentement devrait être demandé.


[1]              Le document d’Affaires mondiales Canada n’a pas été téléversé sur le site Web du Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes.

[2]              La réponse écrite de l’Association canadienne de la distribution des fruits et légumes n’a pas été téléversée sur le site Web du Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes.

[3]              Le département d’État américain indique que le système des tranches de prix de la Communauté andine est un « système de droits de douane ad valorem variables appliqués à certaines importations agricoles en provenance de pays autres que ceux de la Communauté andine, essentiellement des marchandises en vrac ». Il ajoute que le système est « conçu pour augmenter les droits de douane lorsque les prix mondiaux sont bas et pour les abaisser lorsque les prix mondiaux sont élevés ». La Communauté andine comprend la Bolivie, la Colombie, l’Équateur et le Pérou.