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CIMM Rapport du Comité

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Rapport complémentaire du Bloc Québécois au rapport intitulé :

« Les demandeurs d’asile à la frontière canadienne ».

Déposé par le député Alexis Brunelle-Duceppe au CIMM le 15 mai 2023

Par la présente, le député du Bloc Québécois, Alexis Brunelle-Duceppe entend déposer un rapport complémentaire au rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l’Immigration (CIMM) adopté le 24 avril 2023. Le Bloc Québécois est partiellement en accord avec ce rapport. Toutefois, il préférait la première version (ébauche) du rapport, rédigé par les analystes, intitulé « Conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile » et présenté au comité le 31 janvier 2023. Cette première version était davantage fidèle aux témoignages entendus au cours de l’étude sur le chemin Roxham.

TITRE

Le Bloc Québécois souhaite modifier le titre (et l’entête des sections suivantes) pour « Conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile au chemin Roxham » tel que partiellement rédigé dans la première version (ébauche) du rapport intitulé « Conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile » et présenté au comité le 31 janvier 2023 à 12 :20.

SOMMAIRE

Le Bloc Québécois est entièrement d’accord avec le sommaire de la première version (ébauche) du rapport intitulé « Conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile » et présenté au comité le 31 janvier 2023 à 12 :20.

Le sommaire de la première version du rapport intitulé « Conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile » est le suivant :

1. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada prévoit que, tout au long de l’année 2022, un nombre potentiellement record de 50 000 demandeurs d’asile auront traversé la frontière du Canada de façon irrégulière, y contournant les points d’entrée pour déposer une demande de statut de réfugié. Suivant les tendances migratoires observées par la Gendarmerie royale du Canada au cours des cinq dernières années, 95 % de ces réfugiés clandestins auront franchi la frontière au chemin Roxham, vers la province de Québec. La situation à cet endroit met non seulement en lumière la nécessité d’adopter une approche modernisée quant au partage des responsabilités à la frontière, mais elle soulève également la question de la vulnérabilité des Canadiens inhérente à la migration humanitaire internationale, et ce, de façon très concrète.

2. Dans ce rapport, on examine les répercussions de la législation canadienne, des processus administratifs connexes et de l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) sur les conditions auxquelles sont exposées les personnes qui demandent l’asile au Canada, en particulier celles qui empruntent le chemin Roxham pour franchir la frontière. Il fait suite à une étude du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes sur les conditions auxquelles font face les demandeurs d’asile, laquelle a été menée du 15 au 25 novembre 2022.

3. Le rapport est divisé en trois chapitres : le chapitre 1 porte sur le rôle joué par le gouvernement du Canada et sur ses obligations juridiques à l’égard des migrants qui cherchent à se protéger contre la persécution. On y explique entre autres la genèse de l’ETPS et les conséquences de cet accord bilatéral avec les États-Unis, ainsi que les rôles joués par les organismes gouvernementaux canadiens dans le traitement des migrants qui traversent la frontière au chemin Roxham. Au chapitre 2, on dresse un portrait statistique de la situation à cet endroit, on expose en détail les traumatismes inhérents aux migrations clandestines, on examine les avantages et les conséquences de la suspension de l’ETPS, les modifications éventuelles ainsi que les plans de modernisation visant à l’élargir, et on se demande si les États-Unis sont un tiers pays sûr pour les demandeurs d’asile. Au chapitre 3, on étudie les difficultés présentes et les solutions à la situation au chemin Roxham, comme le virage vers des solutions technologiques, la conséquence de l’arriéré administratif concernant la diffusion de documents importants requis par les demandeurs d’asile, et l’accessibilité de services sociaux au Québec. Celui-ci se termine par des histoires de réussite, malgré les difficultés auxquelles font face les migrants.

RECOMMANDATIONS

Le Bloc Québécois souhaite que la Recommandation 1 de la première version (ébauche) du rapport intitulé « Conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile » et présenté au comité le 31 janvier 2023 à 12 :20, soit modifiée de la façon suivante pour qu'elle se lise : 

L’avenir de l’Entente sur les tiers pays sûrs  

Recommandation 1  

Que le gouvernement du Canada suspende l’Entente sur les tiers pays sûrs, jusqu’à la fin de ses négociations visant à moderniser l’Entente, avec le gouvernement américain. 

Cet amendement visant à accueillir les demandeurs d’asile avec dignité, par les voies officielles, a été déposé par le Bloc Québécois en comité le 15 février 2023, mais rejeté par la majorité des membres aux fins d’un vote.

Le Bloc Québécois souhaite conserver l’ensemble des recommandations 2 à 6 de la première version du rapport intitulé « Conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile » et qui se retrouvent en partie dans le rapport intitulé « Les demandeurs d’asile à la frontière canadienne » pour qu’elles se lisent :

De cesser d’émettre le document « Contrôle complémentaire ».

Recommandation 2

Que l’Agence des services frontaliers du Canada cesse d’émettre le document « Contrôle complémentaire » aux demandeurs d’asile irréguliers

Émission d’un permis de travail et du document du demandeur d’asile à l’arrivée

Recommandation 3

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada travaillent de concert pour émettre un permis de travail et un document du demandeur d’asile à l’ensemble des demandeurs d’asile admissibles dès leur arrivée au Canada, qu’ils aient franchi la frontière canadienne de façon régulière ou irrégulière

Prolongation de la période de validité du document du demandeur d’asile

Recommandation 4

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada prolonge la période de validité du document du demandeur d’asile pour qu’elle passe de deux à quatre ans

Ajout de ressources à la frontière

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada s’assure que des ressources additionnelles sont allouées à la Gendarmerie royale du Canada, à l’Agence des services frontaliers du Canada et à tous les organismes pertinents à la frontière afin de favoriser un traitement plus rapide des demandes d’asile ainsi que des conditions de travail plus sûres pour les agents du gouvernement

Élaboration d’une formation portant sur le Programme fédéral de santé intérimaire

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada créée un programme de formation destiné aux travailleurs de la santé afin de les renseigner sur le Programme fédéral de santé intérimaire et de les sensibiliser à leur participation active aux services offerts aux demandeurs d’asile grâce à ce programme

CORPS DU TEXTE

Le Bloc Québécois est d’accord avec l’ensemble du corps du texte de la première version (ébauche) du rapport intitulé « Conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile » présenté au comité le 31 janvier 2023 à 12 :20, dont les chapitres et sous-titres se retrouvent en partie dans le rapport intitulé « Les demandeurs d’asile à la frontière canadienne » et qui s’intitulent respectivement :

Introduction; Chapitre 1 : Cadre législatif et formalités à la frontière; Cadre législatif du Canada lié aux demandeurs d’asile; L’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les pays tiers sûrs; La Loi sur la mise en quarantaine : La fermeture de la frontière (2020–2021) ; Processus au chemin Roxham et à Saint-Bernard-de-Lacolle; La Gendarmerie royale du Canada; L’Agence des services frontaliers du Canada au point d’entrée; Chapitre 2 : Les préoccupations à l’égard du chemin Roxham et l’avenir de l’entente sur les tiers pays sûrs; Les passages irréguliers en chiffres; L’ampleur de la migration irrégulière dans le monde entier; L’ampleur de l’immigration canadienne irrégulière

Les traumatismes vécus par les demandeurs d’asile et les répercussions de l’entrée irrégulière; Expériences traumatisantes vécues par les demandeurs d’asile qui traversent la frontière de manière irrégulière pour venir au Canada; Le passage de clandestins par le chemin Roxham; Entente sur les tiers pays sûrs : Propositions pour l’avenir; Avantages et conséquences de l’Entente; Les États-Unis en tant que pays sûr et les procédures connexes devant la Cour suprême; Exceptions prévues à l’Entente sur les tiers pays sûrs

La nécessité de ne pas fermer physiquement le chemin Roxham; Chapitre 3 : Les difficultés liées au traitement actuel des demandeurs d’asile au Canada et leurs répercussions au Québec; Utilisation de la technologie pour relever des défis liés au traitement des demandes d’asile; Problèmes de traitement récurrents à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié; Audiences virtuelles de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié; Délais de traitement de l’Agence des services frontaliers du Canada pour la détermination de la recevabilité des demandes d’asile; Le Portail canadien de la protection des réfugiés; Documentation additionnelle avant l’obtention du document du demandeur d’asile; Document « Contrôle complémentaire »; Conséquences pour les demandeurs d’asile; Nouvelle politique sur l’obtention de permis de travail avant la détermination de la recevabilité; Le Québec sous pression : Soutien temporaire aux demandeurs d’asile et hébergement; Manque de ressources et d’accès aux mesures de soutien; Accès aux soins de santé; Accès à un avocat; Histoires de réussite, malgré les difficultés; ANNEXE A : CARTE DE LA RÉGION DU CHEMIN ROXHAM À LA FRONTIÈRE CANADO-AMÉRICAINE.

TÉMOIGNAGES

Le Bloc Québécois souhaite rappeler que de nombreux témoins se sont exprimés en comité pour soutenir la suspension de l’Entente sur les tiers pays sûrs et l’amélioration des conditions d’accueil des demandeurs d’asiles qui se retrouvent sans documents officiels émis par le Canada leur permettant de trouver un emploi ou d’étudier à leur arrivée sur le territoire québécois, mettant ainsi une trop forte pression sur le Québec et les organismes de la région de Montréal.

Les paragraphes suivants font état de ces témoignages :

Conditions des demandeurs d’asiles

Les principales préoccupations entendues à propos du chemin Roxham sont le nombre élevé de migrants irréguliers qui arrivent à la frontière, les traumatismes vécus par les réfugiés tout au long du processus et le risque de passage clandestin […]

[Paragraphe 22 ; page 18]

La GRC est tout à fait au courant du passage de clandestins au chemin Roxham. La vulnérabilité des personnes déplacées en fait souvent « des proies faciles pour les réseaux de passeurs clandestins, formés de groupes du crime organisé transnationaux qui sont réputés pour leurs actes de violence et leurs autres activités criminelles ». Le sous-commissaire Michael Duheme a confirmé l’existence d’efforts coordonnés pour contrer le passage de clandestins, qui peuvent être déployés au niveau national ou transnational. De nombreux cas de passages clandestins donnent lieu à des mises en accusation par la GRC à l’endroit de groupes établis au Canada et aux États-Unis. L’application du droit pénal est toutefois compliquée à l’extérieur du Canada, étant donné que les autorités américaines ne considèrent pas ces activités comme une infraction de « passage de clandestins ».

Notes : CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1320 (Michael Duheme) ; CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1330 (Michael Duheme) ; CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1355 (Martin Roach).

[Paragraphe 38 ; pages 26 & 27]

À mesure que les passages clandestins sont devenus plus flagrants, les médias se sont de plus en plus intéressés à cette dangereuse tendance. Frantz André a indiqué avoir participé à l’émission « Enquête », à Radio-Canada, dont les animateurs se sont penchés sur les activités liées au passage de clandestins en Floride. Frantz André a parlé de « montants incroyables » allant de 8 000 $ à 12 000 $, et mentionné qu’une femme qu’il connaissait avait été refoulée trois fois vers le Chili et dépensé 37 000 $ pour tenter d’arriver à sa destination. Dans ce reportage, il a été révélé que des sommes allant jusqu’à 12 000 $ étaient extorquées aux migrants bien avant qu’ils n’atteignent la frontière sud des États-Unis. Les demandeurs d’asile doivent ensuite verser 10 000 $ de plus pour que les passeurs les transportent jusqu’au chemin Roxham. Il a été souligné que les migrants étaient prêts à tout sacrifier, y compris l’ensemble de leurs moyens de subsistance, pour arriver à destination. Les passeurs, sachant que les migrants qui tentent d’atteindre des contrées plus sûres sont désespérés, n’hésitent pas à tirer profit de leur précarité.

Notes : CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1340 (Michael Duheme) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1625 (Frantz André) ; CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1435 (Stéphane Handfield).

[Paragraphe 39 ; pages 27 & 28]

Marzieh Nezakat a expliqué que la majorité des familles et des personnes qui franchissent la frontière canadienne avaient « épuisé leurs ressources financières » pour partir de leur pays d’origine, traverser les pays transitoires en Amérique du Sud, passer par les États-Unis et, finalement, atteindre le Canada. Comme l’a expliqué Marzieh Nezakat, le passage de clandestins a une incidence directe sur la capacité du Canada d’intégrer les réfugiés et de régulariser leur statut. Leurs traumatismes sont aggravés par le fait de s’être retrouvés dans des systèmes de passage de clandestins pour arriver à atteindre le Canada, mais ils sont également contraints d’épuiser toutes leurs ressources financières pour tenter de passer par les pays transitoires. À leur arrivée, comme ils doivent attendre passablement longtemps avant d’obtenir un permis de travail, « ils doivent demander l’aide de la collectivité ou des organismes d’aide à l’établissement ou, en dernier recours, travailler illégalement, ce qui, en soi, est une tout autre histoire, car ils sont exposés à la discrimination, à la stigmatisation et à toutes sortes d’abus potentiels de la part d’employeurs ».

Notes : CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1420 (Marzieh Nezakat) ; CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1420 (Marzieh Nezakat).

[Paragraphe 40 ; page 28]

Suspension de l’Entente sur les tiers pays sûrs

Maureen Silcoff a néanmoins souligné que « les effets délétères de l’entente [...] dépassent, de toute évidence, ses avantages ». Les organisations suivantes, qui ont comparu devant le Comité, ont convenu qu’il serait préférable de suspendre l’ETPS :

a) Le Centre de réfugiés, dont les représentants ont conclu que la suspension de l’ETPS serait bénéfique tant pour l’administration publique des demandes d’asile que pour les services d’établissement venant en aide aux réfugiés ;

b) Le Comité d’action des personnes sans statut, dont le représentant a réitéré que l’élimination de l’ETPS éviterait aux migrants d’employer des routes dangereuses pour atteindre le Canada, et leur permettrait d’entrer au pays dignement ;

c) L’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration, qui a indiqué que, sans l’ETPS, il y aurait une meilleure répartition des demandeurs d’asile à l’échelle du Canada, ce qui se traduirait par une meilleure accessibilité aux services sociaux et judiciaires. La suspension de l’ETPS contribuerait également à atténuer une partie de la pression exercée sur l’ASFC et sur les sections de la CISR au Québec ;

d) La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, qui a convenu que la suspension de l’ETPS favoriserait une arrivée plus ordonnée et contrôlée des migrants à la frontière et pourrait atténuer la pression exercée sur les services sociaux du Québec (en matière d’assistance et d’aide juridique) destinés aux nouveaux arrivants.

Notes : CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1630 (Pierre-Luc Bouchard, avocat spécialiste des réfugiés et chef du département juridique, Le Centre de réfugiés) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1630 (Abdulla Daoud) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1635 (Frantz André) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1700 (Vincent Desbiens, avocat, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1725 (Perla Abou-Jaoudé, avocate, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1720 (Stephan Reichhold).

[Paragraphe 45 et ses sous paragraphes ; pages 31 & 32]

Stéphane Handfield, avocat chez Handfield et Associés, a également recommandé que l’ETPS soit suspendue, et que les demandes d’asile soient présentées à l’ensemble des points d’entrée officiels le long de la frontière canadienne, comme c’était le cas avant l’entrée en vigueur de l’Entente, en 2004. Il a indiqué que l’article 10 de l’ETPS accorde aux pays signataires le pouvoir de suspendre unilatéralement l’Entente :

Chacune des parties peut, par avis écrit donné à l’autre, suspendre l’application du présent accord pour au plus trois mois. Une telle suspension peut être renouvelée pour des périodes additionnelles d’au plus trois mois.

Notes : CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1425 (Stéphane Handfield) ; CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1410 (Stéphane Handfield).

[Paragraphe 46 ; page 33]

Utiliser ce mécanisme afin de suspendre temporairement l’ETPS pourrait permettre au Canada d’observer comment les choses se passent sur le terrain. Ainsi, le gouvernement du Canada pourrait déterminer s’il serait opportun pour son système de traitement des demandes d’asile de revenir aux conditions qui prévalaient avant l’entrée en vigueur de l’ETPS.

Note : CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1435 (Stéphane Handfield).

[Paragraphe 47 ; page 33]

Par ailleurs, plusieurs témoins ont remis en doute l’affirmation du ministre Fraser selon laquelle la suspension de l’ETPS se traduirait par une hausse de la migration vers le Canada. Maureen Silcoff a expliqué que l’ASFC avait présenté des preuves en ce sens à la Cour fédérale, lorsque le Conseil canadien pour les réfugiés a contesté la constitutionnalité de l’ETPS (question qui sera abordée à la prochaine section), mais que celles-ci n’avaient pas été acceptées comme preuves admissibles durant le procès. Elle a plutôt fait état de commentaires formulés par un haut fonctionnaire d’IRCC, qui a soutenu, au contraire, que la suspension de l’ETPS aiderait à corriger la situation au chemin Roxham parce que « les gens pourraient traverser aux postes frontaliers » pour entrer au Canada. Maureen Silcoff a donc prôné la suspension de l’entente, affirmant qu’elle contribuerait à « répartir les entrées le long de la frontière d’un océan à l’autre et [à] mettre fin à la canalisation au Québec », ce qui améliorerait l’accès aux services d’établissement.

Notes : CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1710 (Maureen Silcoff) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1655 (Maureen Silcoff).

[Paragraphe 52 ; page 36]

Questionnés par les membres du Comité, la plupart des témoins se sont rangés du côté de la requête du Conseil canadien pour les réfugiés devant la Cour suprême du Canada : c’est-à-dire qu’ils considéraient que les États-Unis ne constituent pas un pays sûr pour les demandeurs d’asile. Janet McFetridge, mairesse de Champlain et citoyenne américaine, a quant à elle fait valoir que le système d’octroi de l’asile des États-Unis était « extrêmement dysfonctionnel » compte tenu de la situation à la frontière sud de ce pays et du nombre de migrants qui arrivent au Canada.

Note : CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1710 (Janet McFetridge).

[Paragraphe 60 ; page 40]

Frantz André, représentant du Comité d’action des personnes sans statut, soupçonnait les États-Unis de contourner l’ETPS en rejetant les demandes d’asile des personnes qui auraient dû être admises dans ce pays. Il a également affirmé que l’entente entre le Canada et les États-Unis était discriminatoire. Il a déploré que 28 000 Haïtiens aient été déportés des États-Unis sans avoir eu la possibilité de faire entendre leur cause. Il a également souligné que les migrants subissaient couramment de mauvais traitements et du racisme aux États-Unis, et que l’approche rigide employée par les États-Unis en matière de migration humanitaire provoquait la migration irrégulière au chemin Roxham. À cet égard, Frantz André a brossé un tableau déconcertant de la façon dont le système américain avait été présenté dans les médias : « des agents frontaliers américains à cheval, pourchassant des migrants vers une rivière avec un lasso en main, comme s’il s’agissait d’une chasse aux esclaves ». Il a souligné que, même si les États-Unis avaient prolongé, en novembre, le statut de protection temporaire pour les ressortissants haïtiens présentant des demandes d’asile, il y a beaucoup d’angoisse et d’incertitude au sein de la diaspora haïtienne quant au statut de ses membres dans ce pays où ils arrivent.

Notes : CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1615 (Frantz André) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 20222, 1555 (Frantz André) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1625 (Frantz André) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1555 (Frantz André) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1610 (Frantz André).

[Paragraphe 61 ; page 41]

Pressions exercées sur le Québec

Il était courant d’émettre le document du demandeur d’asile (ou « papier brun ») au moment de son arrivée au Canada. Or, à mesure que le nombre de demandeurs est devenu de moins en moins gérable, il s’est produit ce que le Centre de réfugiés décrit comme une « dégradation dans les processus bureaucratiques et les promesses » faites aux demandeurs d’asile par le gouvernement du Canada, et un autre document, l’Accusé de réception de la demande d’asile, est souvent délivré, venant remplacer le document du demandeur d’asile.

L’Accusé de réception de la demande d’asile n’octroie pas les mêmes droits au demandeur que le document du demandeur d’asile (pas de permis de travail et pas de pièce d’identité avec photo). Il permet plutôt de fixer la date d’un futur rendez-vous, au cours duquel le demandeur pourra obtenir le document du demandeur d’asile. Le Centre de réfugiés a indiqué que plus de 90 % des 312 demandeurs d’asile avec lesquels il avait travaillé depuis que l’Accusé de réception de la demande d’asile a commencé à être délivré avaient reçu un accusé de réception, assorti d’un rendez-vous pour l’obtention du document du demandeur d’asile. Au départ, le temps d’attente pour l’obtention de ce document était de trois à six semaines, mais récemment, le temps d’attente moyen pour l’obtention d’un rendez-vous est passé de 16 à 18 mois à partir de la date de l’émission. De plus, Abdulla Daoud a indiqué qu’à partir du moment où il entre au Canada, un demandeur d’asile pouvait devoir attendre jusqu’à quatre ans avant de trouver la sécurité au pays.

Notes : CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1600 (Abdulla Daoud) ; Le Centre de réfugiés, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 2 ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 20222, 1600 (Abdulla Daoud).

[Paragraphes 93 & 94 ; pages 59 & 60]

En 2017, les demandeurs d’asile ont commencé à traverser la frontière sans passer par un point d’entrée officiel en grands nombres (notamment au Québec, au Manitoba et en Colombie Britannique), ce qui a poussé le Comité à étudier cet enjeu en 2017 et en 2018.

Le Comité a appris que la GRC comptait jusqu’à 800 agents au Québec, et qu’environ 120 d’entre eux étaient actuellement affectés à la région du chemin Roxham, où ils effectuaient des patrouilles frontalières. Le sous-commissaire Michael Duheme a indiqué que Comité que le mandat de la GRC est complexe et que l’organisation accorde normalement la priorité aux crimes graves, au crime organisé, aux crimes financiers et à la sécurité nationale.

Note : CIMM Témoignages, 25 novembre 2022, 1325 (Michael Duheme ; CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1325 (Martin Roach, officier responsable des enquêtes criminelles par intérim, Division C, Gendarmerie royale du Canada).

[Paragraphe 16 ; page14]

L’augmentation marquée de migrants irréguliers a été observée ailleurs au Canada, mais la grande majorité des passages irréguliers au pays se produisent au chemin Roxham, au Québec. IRCC a affirmé que 90 % des entrées irrégulières au Canada avaient lieu à cet endroit. La GRC a soutenu cette affirmation, et a indiqué qu’entre 2017 et 2021, 95 % des interceptions effectuées par la GRC après des passages illégaux ont eu lieu au chemin Roxham. Ces observations ont poussé IRCC à reconnaître l’importance de réaffecter des ressources d’autres régions vers le Québec, et de partager adéquatement la charge de travail avec leur partenaire provincial.

Note : CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1420 (Marzieh Nezakat, gestionnaire, Programme d’installation et d’intégration des réfugiés, Multilingual Orientation Service Association for Immigrant Communities) ; CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1325 (Christiane Fox) ; CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1320 (Michael Duheme) ; CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1315 (Aaron McCrorie)

[Paragraphe 29 ; page 21 & 22]

Les demandeurs d’asile qui entrent au Canada ont droit à un permis de travail et à des services essentiels, comme des soins médicaux de base. Or, comme on l’a vu ci-devant, il arrive que des demandeurs doivent attendre des mois, voire des années, avant d’avoir accès à des mesures de soutien. De plus, les demandeurs d’asile qui arrivent à la frontière canadienne se concentrent largement au Québec. De fait, 90 % des demandeurs d’asile qui franchissent la frontière canado-américaine le font au chemin Roxham. Vincent Desbiens a expliqué qu’une fois qu’un demandeur d’asile a présenté sa demande au Québec, il pouvait s’avérer pratiquement impossible de déménager dans une autre province :

Certains diront que, bien que l’arrivée des demandeurs d’asile ait lieu au Québec, ceux-ci peuvent se déplacer rapidement ailleurs au Canada. À vrai dire, la réalité est tout autre. Premièrement, leur mobilité est restreinte, car ils doivent attendre la réception de leur permis de travail par la poste pour subvenir aussitôt que possible à leurs besoins. Ils vivent dans la précarité financière, alors que l’accès au logement est déjà difficile et que le prix de la nourriture ne fait que grimper. Durant ce temps, l’ensemble des services sociaux disponibles en vue de leur intégration débute au Québec, sur les plans tant juridique que social. Une fois que les demandeurs ont trouvé un avocat, loué un logement et inscrit leurs enfants à l’école, il devient beaucoup plus difficile pour eux d’aller vivre ailleurs.

Note : CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1700 (Vincent Desbiens)

[Paragraphe 104 ; pages 65 & 66]

Depuis janvier 2022, le Québec a reçu près de 45 000 des 72 000 demandeurs d’asile arrivés au Canada jusqu’en novembre 2022, que ceux-ci soient réguliers ou irréguliers, « une distinction que personne ne fait en matière de services ou d’hébergement », selon le directeur général de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, Stephan Reichhold. Le fardeau qui incombe au Québec en matière de logement, de services sociaux et d’autres mesures de soutien est donc plus lourd que celui qui incombe à toutes les autres provinces et à tous les territoires.

Note : CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1705 (Stephan Reichhold)

[Paragraphe 105 ; page 66]

De nombreux témoins se préoccupent des niveaux de soins reçus par les demandeurs d’asile et du fait que les services mis à leur disposition diminuent, en partie à cause de l’afflux de migrants et de leur concentration à Montréal. Frantz André et Vincent Desbiens ont dénoncé un autre problème très grave : le transfert de certains demandeurs d’asile du Québec vers l’Ontario, alors que ceux-ci ne savent pas qu’ils s’en vont dans une autre province, ou sans leur consentement. Vincent Desbiens a expliqué ce qui suit : « Elles n’avaient pas réellement le désir d’aller vivre sur le territoire ontarien et de subir un autre parcours migratoire, ayant déjà suffisamment souffert pour parvenir jusqu’au Canada ». Frantz André a donné des détails à ce sujet, affirmant que certains demandeurs avaient reçu un court préavis pour se trouver un hébergement au Québec ou changer d’établissement. Il convient de noter que ce ne sont pas tous les demandeurs d’asile au Québec à qui on donne ce choix. Le processus semble passablement aléatoire et des familles peuvent être séparées.

Notes : CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1640 (Frantz André), CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1705 (Stephan Reichhold), CIMM, Mémoire, Mireille Paquet, Chaire de recherche en politique de l’immigration, Université Concordia, 2 décembre 2022, p. 4 ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1700 (Vincent Desbiens) ; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1555 (Frantz André).

[Paragraphe 109 ; pages 68 & 69]