CIMM Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Opinion dissidente du Parti conservateur du Canada
Le Parti conservateur du Canada a eu le plaisir de contribuer à l’étude du Comité permanent de la Citoyenneté et de l’Immigration sur les permis de travail fermés et les travailleurs étrangers temporaires. Bien que des efforts aient été déployés pour travailler de manière constructive avec les membres des autres partis afin de produire un rapport unanime, les membres conservateurs du Comité ont finalement constaté que le rapport final ne saisissait pas les points clés et ne formulait pas de recommandations importantes pour améliorer les systèmes et les programmes sur lesquels les entreprises, les agriculteurs et les travailleurs s’appuient pour réussir. Avec ce rapport dissident, nous espérons mettre en lumière ces éléments et tracer une voie à suivre qui profiterait à tous ceux qui travaillent dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).
Le programme des travailleurs étrangers temporaires et l’agriculture canadienne
Le secteur agricole canadien joue un rôle considérable dans notre économie. Comme le souligne Peggy Brekveld du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, en 2022 « le secteur agricole canadien a généré 38,8 milliards de dollars du PIB, soit 1,9 % du total national. »[1] Elle a également noté que :
Le Canada s’est établi comme un important producteur de produits agricoles diversifiés et de grande qualité. Il se classe parmi les plus grands exportateurs du monde, avec 92,8 milliards de dollars d’exportations de produits agricoles et de produits alimentaires transformés en 2022.[2]
Ces succès économiques témoignent du travail acharné des agriculteurs et des producteurs canadiens, et le gouvernement du Canada doit veiller à ce qu’ils aient les moyens de poursuivre sur cette lancée. L’accès à la main-d’œuvre est essentiel à cette fin.
Pour répondre aux besoins d’un secteur agricole canadien en plein essor, le PTET doit se concentrer sur les postes vacants du marché du travail qui, sans les TET, ne seraient pas pourvus. Comme l’a déclaré Brekveld :
En 2022, le secteur agricole, y compris la production de cultures et d’animaux, les services de soutien et la vente en gros de produits agricoles, employait plus de 351 000 travailleurs canadiens et 71 000 travailleurs étrangers temporaires, y compris des travailleurs du Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Même avec ces travailleurs supplémentaires venus d’autres régions du monde, l’industrie a tout de même enregistré 28 200 postes vacants au cours de la même année.[3]
Les régions rurales, en particulier, comptent sur les TET pour répondre à des besoins de main-d’œuvre autrement insatisfaits. Mark Chambers, de Sunterra Farms, a déclaré au Comité :
Ce programme a été une pièce maîtresse pour maintenir l’équilibre entre les marchés du travail et la protection des intérêts des Canadiens. C’est particulièrement vrai pour les entreprises agricoles et agroalimentaires. Elles sont situées dans des régions rurales du Canada. Nous savons qu’il y a un exode rural au Canada, de sorte qu’il peut être très difficile de recruter des Canadiens afin de pourvoir les postes vacants.[4]
Comme le soulignent ces témoins, le PTET remplit une fonction importante : combler les lacunes en matière de main-d’œuvre dans l’économie canadienne. Le programme doit donc rester fidèle à son objectif en veillant à ce que les entreprises aient accès à un bassin de main-d’œuvre fiable lorsque le marché du travail canadien n’est pas en mesure de répondre à leurs besoins.
Kenton Possberg, de la Western Canadian Wheat Growers Association, a averti que, compte tenu des difficultés rencontrées par le secteur pour trouver des résidents canadiens afin de pourvoir les postes vacants, l’adoption d’un modèle de permis de travail ouvert pour le PTET pourrait « entraîner d’importantes conséquences imprévues ». Il a noté que :
Si les TET reçoivent un permis de travail ouvert dès leur arrivée, cela contourne tout le processus de recrutement des travailleurs canadiens par les employeurs pour un emploi spécifique dans leur entreprise. En outre, les employeurs, en particulier ceux du secteur agricole, risquent de perdre leurs employés au moment où ils en ont le plus besoin.[5]
En outre, Possberg a fait la distinction entre un système « poussée » et un système « tirée » pour les permis de travail ouverts, en affirmant que :
Le gouvernement canadien pourrait par exemple dire : « Voici 40 000 travailleurs étrangers. Allez chercher vos emplois. » Ce que nous avons actuellement, c’est une force d’attraction. Il s’agit d’employeurs qui ont démontré qu’ils ne pouvaient pas trouver de citoyens canadiens — dans notre cas, à des fins saisonnières — pour travailler dans leurs fermes. Ils doivent suivre le processus, le démontrer et obtenir les autorisations nécessaires. Il s’agit d’une attraction ; ils démontrent qu’ils ont besoin de cela.[6]
Si le PTET est censé remédier aux pénuries de main-d’œuvre dans des secteurs spécifiques, un système de permis de travail ouvert « ne répond pas à l’objectif ».[7] Comme l’a fait remarquer Gabriela Ramo, de l’Association du Barreau canadien :
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires vise à combler les pénuries de main-d’œuvre dans les cas où aucun travailleur canadien n’est disponible dans une profession. Un permis de travail ouvert permet à n’importe qui de travailler dans n’importe quelle profession. Vous pouvez faire venir quelqu’un et penser qu’il va travailler dans les fermes, mais il pourrait travailler dans n’importe quel autre secteur.
Compte tenu de l’importance de la sécurité alimentaire et de la réalité des pénuries chroniques de main-d’œuvre dans le secteur alimentaire, les permis de travail fermés offrent prévisibilité et fiabilité à un secteur où ces qualités sont rares. Cette stabilité aide les employeurs utilisant le PTET à investir stratégiquement dans leurs employés, surtout si l’on considère les coûts financiers importants associés à l’installation des travailleurs à leurs postes.
Chambers a expliqué au Comité que si la demande d’évaluation de l’impact sur le marché du travail est gratuite dans le cadre de la filière agricole, « le coût de chaque demande s’élève à 1 000 dollars » [8] dans le cas contraire. Il a également souligné qu’il y a des coûts supplémentaires à prendre en compte, car les employeurs doivent aller à l’étranger ou faire appel à un tiers dans un autre pays pour trouver des travailleurs.
D’autres difficultés sont liées au temps nécessaire pour obtenir toutes les autorisations requises pour embaucher des TET. Comme le suggère Possberg :
Dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires actuel, l’étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) doit être soumise six mois ou plus à l’avance pour que toutes les approbations soient obtenues. Non seulement nous devons faire approuver l’EIMT, mais nous devons aussi faire approuver la demande de permis de travail. Le délai de traitement des EIMT s’est considérablement amélioré au cours des dernières années, mais le délai de traitement des permis de travail demeure imprévisible. Selon le pays du résident, l’approbation peut prendre jusqu’à six mois. Il faut aussi du temps et de l’argent pour attirer et recruter ces personnes.
Le temps que mettent les entreprises à recevoir les autorisations a une grande incidence sur leurs opérations. Brekveld note que lorsque les TET n’arrivent pas à temps, les producteurs risquent de perdre « des récoltes entières ».[9]
Afin de mieux soutenir les agriculteurs et les entreprises qui comptent sur les TET, le gouvernement du Canada doit recentrer ses efforts sur l’agilité du système et sa capacité à répondre aux pénuries de main-d’œuvre sectorielles.
Recommandation 1 : Que le gouvernement du Canada établisse un programme autonome de travailleurs étrangers temporaires dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire, distinct du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Réponse aux commentaires du rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavages
Le Parti conservateur du Canada exprime sa profonde inquiétude face à la décision du rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavages, Tomoya Obokata, de qualifier la filière agricole du PTET de « terreau propice aux formes contemporaines d’esclavages ».[10] Cette accusation sans fondement intervient alors qu’il n’a pas fait l’effort de visiter personnellement une exploitation agricole au cours de sa visite de 14 jours au Canada.[11]
Gabriela Ramo, de l’Association du Barreau canadien, a affirmé qu’elle n’avait pas connaissance de cas d’esclavage au Canada, selon une définition juridique.[12]
En réponse à l’accusation de Obokata, Kenton Possberg, de la Western Canadian Wheat Growers Association, a déclaré : « En tant qu’agriculteur canadien, cela m’offusque. Il y a eu beaucoup de propos sensationnalistes dans ce dossier, et tout le tapage médiatique me dérange ».[13]
Nous notons que le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, n’a pas condamné les commentaires du Rapporteur spécial et n’a pas défendu les agriculteurs canadiens qui travaillent dur et qui comptent sur le PTET pour répondre à des besoins légitimes de main-d’œuvre et qui font tous les efforts possibles pour s’assurer que les TET dont ils ont la charge bénéficient de conditions de travail sûres et de qualité. Lorsqu’on a demandé au ministre si l’ambassadeur du Canada aux Nations Unies, Bob Rae, avait parlé au rapporteur spécial ou fait une déclaration au nom du gouvernement du Canada en réponse au rapport, il a simplement répondu qu’il ne savait pas si l’ambassadeur Rae « battait le tambour de qui que ce soit ».[14] Cela implique que le gouvernement ne se soucie pas particulièrement de savoir si ce rapport sera traité par les voies appropriées ou non. C’est ce manque de sérieux qui préoccupe les députés conservateurs : le gouvernement NPD-Libéral ne semble pas se soucier du fait que des dizaines de milliers de familles agricoles canadiennes soient calomniées par un petit bureaucrate des Nations Unies.
Le Parti conservateur du Canada condamne fermement l’exploitation et l’abus des travailleurs vulnérables et exprime son soutien total aux mesures de prévention des abus déjà en place. Nous sommes également favorables à des sanctions sévères pour les employeurs qui ne traitent pas leurs travailleurs avec la dignité et le respect qu’ils méritent. Dans le même temps, nous rejetons l’opinion du rapporteur spécial selon laquelle le PTET représente une « forme contemporaine d’esclavages » et reconnaissons les efforts délibérés de la grande majorité des agriculteurs canadiens pour fournir des environnements de travail de qualité et sûrs aux TET dont ils dépendent.
Recommandation 2 : Que le gouvernement du Canada condamne avec la plus grande fermeté et sans équivoque le rapport du rapporteur spécial des Nations Unies.
Recommandation 3 : Que le gouvernement du Canada, en consultation avec l’industrie, élabore des qualifications et des normes pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires qui établissent un juste équilibre entre la résolution des pénuries chroniques de main-d’œuvre dans divers secteurs et la garantie que les travailleurs sont traités avec équité et respect.
Réponse aux recommandations proposées
L’objectif du PTET doit être de remédier aux pénuries chroniques de main-d’œuvre dans les secteurs en difficulté. Les recommandations 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10 et 13 créeraient des formalités administratives supplémentaires, réduiraient la fiabilité et la prévisibilité dont les employeurs ont besoin pour réussir, et diminueraient l’objectif nécessaire du PTET qui est de répondre aux besoins de main-d’œuvre non satisfaits.
Les conservateurs sont d’accord en principe avec la recommandation 6, qui préconise davantage d’inspections sur place. Des agriculteurs et d’autres intervenants nous ont dit qu’ils étaient favorables à davantage d’inspections sur place pour garantir le respect de la loi contre les quelques pommes pourries qui ont perpétué le faux discours des opposants au programme des TET. En effet, comme nous l’avons appris, les taux de conformité sont très élevés, de l’ordre de 90 %. Cependant, notre préoccupation concernant cette recommandation réside dans sa nature ouverte que ce gouvernement NPD-Libéral gaspilleur pourrait interpréter comme un signal pour dépenser plus d’argent en bureaucratie, plutôt que de cibler les inspections comme il se doit ; par conséquent, nous nous opposons à la recommandation telle qu’elle est rédigée.
Conclusion
Le Parti conservateur du Canada reconnaît l’importante contribution des TET à l’économie canadienne, et en particulier à notre secteur agricole. Le gouvernement du Canada doit maintenir la fonction principale du PTET et veiller à ce qu’il permette aux agriculteurs et aux entreprises canadiennes de réussir, tout en se défendant activement contre l’abus des travailleurs à l’aide des outils existants à sa disposition.
Respectueusement soumis,
Brad Redekopp, député — Saskatoon-Ouest
Vice-présidente du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration
Tom Kmiec, député — Calgary Shepard
Ministre du Cabinet fantôme de l’Opposition officielle responsable de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté
Larry Maguire, député — Brandon-Souris
Greg McLean, député — Calgary-Centre
[1] Peggy Brekveld - Présidente, Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, CIMM, Témoignages, 9 novembre 2023
[2] Peggy Brekveld - Présidente, Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, CIMM, Témoignages, 9 novembre 2023
[3] Peggy Brekveld - Présidente, Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, CIMM, Témoignages, 9 novembre 2023
[4] Mark Chambers - Vice-président, Production porcine canadienne, Sunterra Farms, CIMM, Témoignages, 23 novembre 2023
[5] Kenton Possberg-Directeur, Western Canadian Wheat Growers Association, CIMM, Témoignages, 28 novembre 2023
[6] Kenton Possberg-Directeur, Western Canadian Wheat Growers Association, CIMM, Témoignages, 28 novembre 2023
[7] Gabriela Ramo-Présidente, Section nationale du droit de l’immigration, Association du Barreau canadien, CIMM, Témoignages, 9 novembre 2023
[8] Mark Chambers - Vice-président, Production porcine canadienne, Sunterra Farms, CIMM, Témoignages, 23 novembre 2023
[9] Peggy Brekveld-Présidente, Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, CIMM, Témoignages, 28 novembre 2023
[10] Tomoya Obokata - Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, Nations Unies, Déclaration de fin de mission, 6 septembre 2023
[11] Tomoya Obokata - Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, Nations Unies, Déclaration de fin de mission, 6 septembre 2023
[12] Gabriela Ramo-Présidente, Section nationale du droit de l’immigration, Association du Barreau canadien, CIMM, Témoignages, 9 novembre 2023
[13] Kenton Possberg-Directeur, Western Canadian Wheat Growers Association, CIMM, Témoignages, 28 novembre 2023
[14] Marc Miller - Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, CIMM, Témoignages, 7 novembre 2023