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FAAE Rapport du Comité

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L’approche du Canada en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs

Introduction

Le 20 juin 2022, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes a convenu de ce qui suit :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, étant donné les rapports récents faisant état d’un recul international des droits sexuels et reproductifs des femmes, le Comité permanent des affaires étrangères entreprenne une étude exhaustive sur l’accès mondial à la totalité des services de santé, y compris la planification familiale et la contraception moderne, l’éducation sexuelle complète, l’avortement sûr et légal et les soins post-avortement; les lois qui restreignent ou interdisent le droit des femmes à l’avortement, l’importance médicale et socioéconomique du maintien du droit d’accès à l’avortement sécuritaire; la prévention et le traitement du VIH/sida et des infections transmises sexuellement et les mesures que le Canada peut prendre pour soutenir la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes dans le monde[1].

Aux fins de cette étude, le Comité a reçu des mémoires et a entendu des témoins lors de cinq réunions entre le 7 décembre 2022 et le 21 mars 2023. Les points soulevés ont réitéré pour le Comité qu’il est important d’appliquer une analyse comparative entre les sexes Plus (ACS+) aux activités d’élaboration des politiques[2].

Comme l’indique clairement la motion encadrant les travaux du Comité, l’étude visait la situation dans le monde. Puisque l’étude n’avait pas pour but d’examiner en profondeur la situation dans les différents pays et pour les divers groupes, le rapport présente un aperçu des grandes tendances et préoccupations à l’échelle mondiale et recommande des moyens de renforcer les politiques canadiennes pour corriger les problèmes.

Pour commencer, le rapport offre un résumé du cadre international (obligations et engagements) qui a été mis en place afin de protéger la santé et les droits sexuels et reproductifs. À partir des témoignages entendus, le rapport examine ensuite s’il y a un recul des progrès en matière de droits des femmes à l’échelle internationale. Dans les sections qui suivent sur la conception, la prestation et l’orientation de l’aide internationale, le rapport rappelle le principe selon lequel « personne ne doit être laissé de côté » et explique à quel point il est important de disposer de contexte et de données solides. Il examine également les aspects de la santé et des droits sexuels et reproductifs qui sont considérés comme « négligés ». Les témoins ont d’ailleurs insisté sur deux de ces aspects : l’éducation sexuelle complète (pour les adolescents surtout) et l’accès à des services d’avortement sécuritaires. Le rapport traite ensuite du rôle de l’activisme local et des partenariats en vue de l’avancement de la santé et des droits sexuels et reproductifs. Il se termine par des observations sur les liens entre les efforts déployés à ce chapitre et la politique étrangère canadienne en général.

Cadre international

Pour mettre en contexte les témoignages, il faut d’abord expliquer pourquoi le sujet de l’étude, qui est axée sur la santé des femmes et des filles dans le monde, est une question de droits de la personne. Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies,

[l]a santé sexuelle et procréative des femmes est liée à de nombreux droits fondamentaux, tels que le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit à la santé, le droit au respect de la vie privée, le droit à l’éducation et l’interdiction de la discrimination. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ont l’un et l’autre bien précisé que le droit des femmes à la santé comprenait le droit à la santé sexuelle et procréative[3].

Des accords politiques internationaux viennent donner du poids aux travaux de ces organismes. Par exemple, le Programme d’action adopté par 179 gouvernements lors de Conférence internationale sur la population et le développement, qui a eu lieu au Caire en 1994, reconnaissait que la santé sexuelle et reproductive constituait un droit de la personne et établissait un lien entre, d’une part, l’autonomisation des femmes et des filles, et, d’autre part, le bien-être des personnes, des familles et des sociétés[4]. En ce qui concerne le terme « santé reproductive », les participants à la Conférence du Caire ont convenu qu’il suppose « qu’une personne peut mener une vie sexuelle satisfaisante en toute sécurité, qu’elle est capable de procréer et libre de le faire aussi souvent ou aussi peu souvent qu’elle le désire[5] ». En outre, le Programme d’action a établi que les droits reproductifs « reposent sur la reconnaissance du droit fondamental de tous les couples et des individus de décider librement et avec discernement du nombre de leurs enfants et de l’espacement de leurs naissances et de disposer des informations nécessaires pour ce faire, et du droit de tous d’accéder à la meilleure santé en matière de sexualité et de reproduction[6] ». Comme l’a expliqué dans son mémoire le Fonds des Nations Unies pour la population, dans la pratique, ces principes signifient que « [c]haque fois qu’une femme se voit refuser la possibilité de décider par elle-même si elle veut tomber enceinte, à quel moment et combien de fois, il s’agit d’une violation de ses droits de la personne reconnus à l’échelle internationale[7] ».

En 1995, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing sont venus renforcer les principes adoptés au Caire et confirmer explicitement que les droits des femmes sont des droits de la personne. Dans leurs efforts pour établir un programme sur l’autonomisation des femmes, les représentants de 189 gouvernements[8] ont appliqué cette optique afin de s’attaquer aux problèmes liés à la pauvreté, à l’éducation, à la santé et aux conflits armés et de bien examiner les dynamiques économiques, sociales et politiques, les processus décisionnels et les institutions sous-jacentes. Le Programme d’action de Beijing consacre d’ailleurs un chapitre aux filles. Les participants ont affirmé que les droits de la personne des femmes « comprennent le droit [pour elles] d’être maîtresses de leur sexualité, y compris leur santé en matière de sexualité et de procréation, sans aucune contrainte, discrimination ou violence, et de prendre librement et de manière responsable des décisions dans ce domaine[9] ».

Objectifs non réalisés

Donnant suite à la Déclaration du millénaire qu’elle avait adoptée, la communauté internationale a convenu en 2000 qu’il fallait améliorer la santé maternelle. D’ailleurs, l’une des cibles établies, depuis 2007, pour faciliter les efforts en ce sens était la concrétisation de l’accès universel aux soins de santé reproductifs[10]. Ces cibles ont été reprises et développées dans le cadre des objectifs de développent durable (ODD) relatifs à la santé, au bien-être, à l’autonomisation et aux droits des femmes et des filles.

Le délai prévu pour l’atteinte des cibles liées aux ODD est 2030. Or, selon les indicateurs, il y a encore beaucoup de lacunes et de disparités dans la réalisation des ODD, que ce soit d’un pays à l’autre ou au sein d’une même administration[11]. L’ODD 3 est de faire passer le taux mondial de mortalité maternelle au-dessous de 70 pour 100 000 naissances vivantes[12]. Bien qu’il y ait eu à l’échelle mondiale une hausse du pourcentage de naissances assistées par des professionnels de la santé, le taux de mortalité maternelle était toujours de 223 pour 100 000 en 2020, ce qui veut dire environ 287 000 décès. Autrement dit, « il y a environ 800 décès d’accouchées tous les jours, soit environ une personne toutes les deux minutes à l’échelle du globe[13] ». La région de l’Afrique subsaharienne comptait pour quelque 70 % des décès maternels en 2020, et celles de l’Asie centrale et du Sud, pour environ 17 %[14]. De 2000 à 2020, le taux de mortalité maternelle aurait connu une baisse de 34,3 %[15]. Pourtant, les données donnent à penser que les progrès ont cessé et que la « majorité des progrès réalisés entre 2000 et 2020 se sont produits avant 2015[16] ».

En plus d’être informé de ces tendances « alarmantes » de la mortalité maternelle[17], le Comité s’est vu présenter d’autres statistiques révélatrices des pressions ayant une incidence négative sur la santé des femmes et des filles et la réalisation de leurs droits. Ces statistiques sont liées à d’autres éléments des ODD, tels que l’engagement à assurer un accès universel à des services de soins de santé sexuelle et reproductive (y compris la planification familiale, l’information et l’éducation) et l’accès universel à la santé sexuelle et reproductive et aux droits reproductifs, tel qu’il avait été convenu dans les documents issus des conférences de 1994 et 1995 tenues au Caire et à Beijing et des conférences en vue de leur examen[18].

Les données sur la santé sexuelle et reproductive recueillies par l’Organisation mondiale de la santé « soulignent constamment de profondes défaillances dans les droits et la justice, l’égalité des sexes, la dignité humaine et le bien-être social en général[19] ». Par exemple, « 43 % des femmes (15–49 ans) signalent un manque de planification dans les décisions sur les relations sexuelles, l’utilisation de contraceptifs et les soins de santé[20] ». Or, comme l’a appris le Comité, les « chiffres réels sont beaucoup plus élevés[21] » étant donné que les Nations Unies récoltent uniquement des données sur les femmes mariées ou en couple.

Le Comité a également entendu qu’un grand nombre de femmes et de filles font face à des risques accrus en raison des normes et des pratiques nuisibles qui portent atteinte à leurs « droits de la personne, leur autonomie à disposer de leur corps et leur accès à des soins de santé relatifs à la maternité[22] ». À l’appui de cette observation, Dre Natalia Kanem, vice‑secrétaire générale des Nations Unies et directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population, a indiqué ce qui suit :

Une femme sur trois subit des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie. Une fille sur cinq est mariée ou dans une union forcée avant l’âge de 18 ans. Plus de quatre millions de filles sont à risque de subir une mutilation génitale féminine cette année[23].

Pour arriver à changer ses normes et pratiques, elle a déclaré qu’il « faut établir des partenariats, d’abord et avant tout avec les communautés, avec les organismes de la société civile, avec les chefs religieux et traditionnels et, plus essentiel encore, avec les hommes et les garçons[24] ».

Approche globale en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs

Depuis de nombreuses années, le Canada fait de l’avancement de la santé des femmes une priorité, notamment en mobilisant des fonds dans le cadre de l’Initiative de Muskoka sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, qui a été lancée en 2010. Renouvelée en 2020, cette initiative a été élargie en 2017 pour inclure la santé et les droits sexuels et reproductifs[25]. Un représentant d’Affaires mondiales Canada a informé le Comité que l’Initiative de Muskoka, en plus de bénéficier d’un financement canadien de 2,85 milliards de dollars[26], « a permis d’obtenir de nouveaux engagements de la part d’autres pays évalués à plus de 9,6 milliards de dollars américains[27] ». Julia Anderson, directrice générale du Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants, a précisé que cette initiative a également « permis de faire avancer les choses considérablement », car elle était assortie d’un cadre redditionnel clair et accompagnée d’« efforts diplomatiques […] pour s’assurer que ces deux éléments qui faisaient alors partie des objectifs du millénaire pour le développement et qui avaient largement été oubliés, à savoir la santé maternelle et la santé néonatale, obtiennent du soutien[28] ».

En 2017, le gouvernement du Canada a adopté la Politique d’aide internationale féministe du Canada. Selon des représentants ministériels, dans la mise en place de cette politique, le gouvernement s’est appuyé sur les bases de l’Initiative de Muskoka. En plus de continuer à soutenir la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, le gouvernement a « intensifié ses investissements dans la santé et les droits sexuels et reproductifs, en reconnaissant que la promotion de sociétés ouvertes, inclusives et fondées sur les droits représente un moyen efficace de sauver des vies et de favoriser la prospérité, la paix et la durabilité[29] ».

En 2019, le gouvernement du Canada s’est engagé à porter le financement annuel moyen à l’appui de la santé et des droits des femmes et des filles à 1,4 milliard de dollars d’ici 2023–2024, promettant de maintenir ce niveau jusqu’à 2030[30], un engagement dont « la portée et la durée [est] sans précédent pour Affaires mondiales Canada [31]». De ce total, il a également prévu de consacrer 700 millions de dollars par année à la promotion de la santé et des droits sexuels et reproductifs, en mettant l’accent sur quatre aspects qui, selon le gouvernement, sont « négligés ». Ces aspects, qui « ont été identifiés à l’aide de vastes consultations auprès de spécialistes canadiens et internationaux, puis d’organisations de la société civile[32] », sont les suivants : la planification familiale et la contraception; les services d’avortement sécuritaires et légaux et les soins après l’avortement; l’éducation complète en matière de sexualité; et les activités de promotion en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs[33]. Ainsi, selon les porte-parole du ministère, l’engagement à long terme et de grande portée de 2019 visait à adopter une « approche globale » en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs[34].

Elizabeth Sully, chercheuse scientifique principale au Guttmacher, a qualifié d’« historique » l’engagement du Canada à l’égard de la santé et des droits sexuels et reproductifs[35]. De même, Kelly Bowden, directrice de la politique chez Action Canada pour la santé et les droits sexuels, estime que l’approche canadienne est « unique » et que ces efforts sont « essentiels » puisque très peu de fonds sont accordés par d’autres donateurs pour ces aspects négligés et qu’il y a un besoin énorme en matière de leadership à l’échelle mondiale[36]. Selon elle, l’engagement du Canada peut montrer que le pays « intensifie ses efforts là où le monde n’en fait pas assez, en mettant l’accent sur l’importance fondamentale d’une approche de la santé sexuelle fondée sur les droits et en investissant là où les besoins sont les plus criants[37] ».

Un lien a été établi entre la réalisation de la santé et des droits sexuels et reproductifs et l’avancement des objectifs de développement, l’égalité entre les sexes et la prospérité économique[38]. Selon Affaires mondiales Canada, ce lien a été souligné durant les consultations que le ministère a tenues avec des experts et des partenaires canadiens et internationaux lors de l’élaboration de la Politique d’aide internationale féministe du Canada et est ressorti clairement des « données probantes scientifiques et programmatiques énoncées dans le rapport de 2018 de la Commission Guttmacher‑Lancet et dans d’autres études[39] ». Toutes ces informations ont éclairé la politique fédérale ainsi et les programmes mis en place depuis par le gouvernement[40].

Le rapport de la Commission Guttmacher-Lancet proposait « une définition complète du concept de SDSR [santé et droits sexuels et reproductifs] qui prend appui sur les nombreux accords internationaux et régionaux, de même que des rapports techniques et lignes directrices[41] ». La définition repose sur l’idée que toute personne a « le droit de prendre des décisions concernant son corps et d’accéder à des services à l’appui de ce droit[42] ». La Commission insiste également sur le fait que les services de santé, d’information et d’éducation touchant tous les aspects de la sexualité, les expériences sexuelles et la reproduction devraient respecter les normes en matière de santé publique et de droits de la personne[43].

Ces informations ont été présentées sommairement au Comité par le Guttmacher Institute. Mme Sully a expliqué que les données recueillies au fil de deux décennies de recherche « montrent clairement qu’il est judicieux et économique d’investir dans un ensemble complet de services de santé sexuelle et reproductive qui préservent la santé et sauvent des vies[44] », ajoutant que de tels investissements sont également avantageux pour la société :

Investir dans un ensemble complet de services peut se traduire par des gains substantiels. Par exemple, dans les pays où les revenus sont faibles ou moyens, si toutes les femmes désireuses d’éviter une grossesse utilisaient des moyens de contraception modernes et si toutes les femmes enceintes et leurs nouveau-nés recevaient des soins conformes aux normes internationales, on assisterait à une diminution de deux tiers des grossesses non désirées, des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses et des décès de mères et de nouveau-nés, ainsi qu’à une baisse de 88 % des infections par le VIH chez les bébés âgés de six semaines ou moins[45].

Les données peuvent également être présentées autrement, pour montrer ce qui arrive lorsque les services sont inexistants ou inaccessibles. Par exemple, Julia Anderson a informé le Comité qu’« une baisse moyenne de 12 % de l’accès à la contraception moderne donnerait lieu à 734 000 grossesses non désirées[46] » et qu’une « hausse de 23 % des avortements dangereux mènera à 491 000 avortements supplémentaires dans des conditions insalubres[47] ».

Le Comité a aussi entendu qu’en plus d’améliorer les résultats en matière de santé des femmes et des filles, les investissements dans un programme complet de services de santé et de droits sexuels et reproductifs avaient pour avantage d’alléger le fardeau pour les systèmes de soins de santé. Mme Sully a indiqué que « [c]haque dollar supplémentaire investi dans les services de contraception modernes permet d’économiser trois dollars sur les soins liés à la grossesse et aux nouveau-nés grâce à la prévention des grossesses non désirées[48] ».

La santé et les droits sexuels et reproductifs, s’ils sont concrétisés, ont aussi des effets à long terme. Songeant aux différents récits qu’elle a entendus en tant que représentante d’un partenariat constitué de plus de 100 organisations canadiennes, dont des entités du secteur privé, des instituts de recherche et des organisations de la société civile, Mme Anderson a pu dégager un thème constant :

Ce thème est le choix : le choix de décider quand, avec qui et si on a des enfants, et combien d’enfants. Ce choix ne vise pas juste le moment présent. C’est un choix intergénérationnel qui concerne son avenir et sa capacité d’obtenir une éducation, de gagner sa vie, de trouver un emploi et d’offrir une sécurité économique à soi-même et à sa famille. C’est un choix de la façon dont on veut bâtir sa collectivité. Ce sont des choix faits par des femmes partout au monde, et ce sont des choix critiques. En fait, ces choix touchent à chaque aspect du développement international[49].

Plusieurs témoins ont fait valoir que la plupart des décès maternels sont évitables. À ce sujet, Affaires mondiales Canada a déclaré que des « femmes meurent inutilement parce qu’elles n’ont pas accès à des services de santé de base essentiels[50] ». Le gouvernement est guidé dans son approche en matière de santé et droits sexuels et reproductifs par la volonté de redresser cette réalité et, de façon plus générale, par son soutien à l’égard de « l’objectif visant à garantir que chaque grossesse est désirée, que chaque naissance est sûre et que chaque fille et chaque femme est traitée avec dignité et respect[51] ».

Dans l’esprit de cet objectif et conscient que le respect des droits sexuels et reproductifs est essentiel à l’avancement de la santé sexuelle et reproductive, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada continue à investir dans une approche globale en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs à l’échelle mondiale.

Risque de recul

Conformément à la motion adoptée en vue de la présente étude, le Comité a cherché à déterminer s’il y avait un recul en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs à l’échelle mondiale. D’après certains témoignages, la situation varie : certains pays connaissent une régression, tandis qu’ailleurs, il y a eu un allègement des restrictions touchant les services de santé sexuelle et reproductive et les droits d’accès à ces services. Or, selon d’autres témoins, il y aurait définitivement un recul qui serait le résultat d’un mouvement organisé d’opposition aux droits des femmes ou de refoulement de ces droits.

Mme Sully a indiqué que d’après le Guttmacher Institute, la situation mondiale en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs a atteint un « point critique[52] ». Même si des progrès importants ont été réalisés au cours des dernières décennies, « en 2019, 218 millions de femmes vivant dans des pays où les revenus sont faibles ou moyens n’avaient pas accès à des méthodes contraceptives modernes[53] ». Résultat : chaque année, on compte plus de 111 millions grossesses non désirées et 35 millions d’avortements non sécuritaires[54]. Par ailleurs, Mme Sully a signalé le risque de régression « par rapport aux progrès que nous avons réalisés, à cause de l’opposition mondiale à la santé et aux droits sexuels et reproductifs que la récente annulation de [Roe v. Wade] aux États-Unis a confortée[55] ». Elle a toutefois laissé entendre qu’en « abolissant le droit à l’avortement, les États-Unis sont devenus une anomalie dans le monde[56] », ajoutant que la situation actuelle « contraste fortement avec des décennies de progrès en matière de droits à l’avortement et avec la tendance mondiale à la libéralisation des lois sur l’avortement[57] ». À ce sujet, elle a fait remarquer que depuis 1994, près de 60 pays ont élargi les motifs ouvrant droit légalement à un avortement[58].

Affaires mondiales Canada a exprimé des vues semblables. Reconnaissant qu’il y a eu un recul dans « plusieurs pays », ils ont signalé que « bien des pays ont pris des mesures pour libéraliser leurs lois et adopter une approche davantage fondée sur des données probantes qui offre un meilleur soutien[59] ». Ils ont donné le Bénin, l’Argentine, la Colombie, la République démocratique du Congo et le Mexique comme exemple de pays ayant élargi « la portée de leurs lois sur l’avortement[60] ».

D’un autre côté, Affaires mondiales Canada note toutefois que, depuis leur arrivée au pouvoir en 2021, « les talibans ont institutionnalisé une répression systémique et à grande échelle des femmes et des filles, mettant en péril les progrès réalisés en ce qui concerne les femmes, la paix et la sécurité au cours des vingt dernières années. », ce qui a eu pour effet d’entraver la capacité d’intervention du Canada[61].

La directrice exécutive d’Oxfam Canada, Lauren Ravon, a déclaré qu’à certains égards, les pires reculs ont lieu dans des pays « où les mouvements féministes ont été renforcés et soutenus et où des progrès ont été réalisés en matière de droits des femmes[62] ». À son avis, « les acteurs anti-droits et anti-choix se sont enhardis » depuis le renversement de la décision Roe c. Wade aux États-Unis, ce qui produit « dans le monde entier une réaction en chaîne qui remet en cause certains gains durement acquis[63] ».

Kelly Bowden a décrit la situation comme un perpétuel « va-et-vient entre les progrès et le risque de recul[64] ». Elle a d’ailleurs porté à l’attention du Comité des rapports publiés par l’Association pour les droits de la femme et le développement et le Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, qui font un suivi des « investissements financiers dans des organisations qui cherchent activement, au moyen de démarches juridiques ou de revendications publiques, à limiter l’accès à ces droits[65] ». Selon elle, ces données « montrent une augmentation de tels flux financiers, ce qui nous mène à craindre le développement d’un mouvement organisé pour s’opposer à ces droits[66] ».

La Fédération internationale pour le planning familial estime que les tentatives partout dans le monde « de faire reculer les droits en matière de reproduction qui ont été durement acquis et l’égalité entre les genres » témoignent d’« une opposition audacieuse et organisée[67] ». Elle a laissé entendre que ce mouvement, « combiné à la polarisation politique et à l’augmentation de l’extrémisme dans de nombreux pays, menace la justice sexuelle et reproductive, les droits de la personne et l’égalité entre les genres[68] ».

Beth Woroniuk, vice-présidente des politiques du Fonds Égalité, a présenté le point de vue d’un organisme qui distribue des fonds à plus de 300 organisations de défense des droits des femmes et des groupes LGBTQI dans quelque 85 pays. Reconnaissant les gains importants réalisés, surtout en Amérique latine, elle a déclaré au Comité que :

Nous assistons à des attaques bien organisées et bien financées contre les défenseurs des droits de la personne, de même qu’à des efforts coordonnés pour limiter l’accès à une éducation sexuelle complète et restreindre les droits à l’avortement. C’est ce que l’on appelle souvent le mouvement « anti-genre », qui est intimement lié aux efforts visant à restreindre les droits des personnes LGBTQI et, de manière générale, à faire reculer les avancées en matière de droits des femmes[69].

Elle a déclaré que les organisations féminines cherchent à « tenir bon[70] » devant ses attaques.

La Pologne a été présentée comme étude de cas en matière de régression de la santé et des droits sexuels et reproductifs. Depuis 1993, l’accès aux services d’avortement est limité légalement à trois situations : la vie de la femme enceinte est en danger; la grossesse est le résultat d’un viol ou d’inceste; ou le fœtus présente des anomalies graves ou fatales. En 2020, le Tribunal constitutionnel du pays, dont l’indépendance fait l’objet de préoccupations, a jugé que cette troisième exception était inconstitutionnelle. Krystyna Kacpura, présidente de la Foundation for Women and Family Planning, a informé le Comité que cette décision – qui va à l’encontre des obligations de la Pologne découlant de divers traités internationaux relatifs aux droits de la personne et de la Convention européenne des droits de l’homme – « a considérablement réduit la protection déjà très limitée de l’accès des femmes à l’avortement légal en Pologne et a abouti à une interdiction quasi totale de l’avortement[71] ». De plus, l’accès aux contraceptifs, en particulier les contraceptifs d’urgence, est limité dans ce pays. Selon Mme Kacpura, pour comprendre ce recul, il faut tenir compte de « l’incidence du mouvement transnational antigenre, qui est très puissant en Pologne et opère en synergie avec le gouvernement ultraconservateur actuel[72] ».

Ne laisser personne de côté

Le programme de développement international repose sur un principe fondamental : « personne ne doit être laissé de côté ». Ce principe marque un tournant par rapport à l’évaluation des progrès fondée uniquement sur des statistiques agrégées. Il a pour but de concentrer les efforts de manière à ce que les gains en matière de développement se répercutent sur les communautés marginalisées et les populations vulnérables.

Dans l’esprit de ce principe, les témoins ont fait valoir que la santé et les droits sexuels et reproductifs doivent être intégrés aux systèmes de santé et être accessibles à la population, au moment et à l’endroit où les gens en ont besoin. Dans le même ordre d’idées, ils ont recommandé que la santé et les droits sexuels et reproductifs soient pris en compte dans les interventions internationales menées en réponse aux conflits et aux crises. En cas de conflit, il faut renforcer les systèmes de santé, tandis qu’en situation de crise, il importe d’offrir ce genre de services, même si les systèmes sont perturbés. Dans l’un ou l’autre cas, les programmes sont plus efficaces s’ils reposent sur des données. Or, le Comité a entendu qu’il y a encore d’importantes lacunes à ce chapitre.

La Fédération internationale pour le planning familial affirme que ce principe « implique de rejoindre non seulement les plus pauvres, mais nécessite également de lutter contre la discrimination et les inégalités et leurs causes profondes[73] ». Selon cet organisme, il faut non seulement agir pour assurer un accès équitable aux services aux plus vulnérables, mais aussi faire en sorte que les femmes et les filles ont accès à « un ensemble complet de services et de soins en matière de santé sexuelle et reproductive » et investir dans « une gamme de soins de santé reproductive, maternelle et pour les nourrissons[74] ». Toujours d’après la Fédération, diverses interventions ont fait leurs preuves lorsqu’il s’agit d’améliorer l’accès des groupes mal desservis, par exemple les services mobiles de sensibilisation, la planification familiale après l’accouchement et les programmes destinés aux jeunes[75].

Humanité & Inclusion Canada a également souligné la nécessité de mettre en place des programmes de santé et de droits reproductifs et sexuels qui inclut les personnes handicapées, notant que très peu de fonds sont alloués à cette fin actuellement[76]. Par exemple, les projets d’aide visant l’inclusion des personnes handicapées ont totalisé 3,2 milliards de dollars américains entre 2014 et 2018, représentant moins de 0,5 % de l’ensemble de l’aide internationale. Humanité & Inclusion rappelle que le Canada, en 2022, lors du Sommet mondial sur le handicap, avait réitéré son engagement visant fournir une plus grande assistance aux personnes handicapées dans les pays en développement, conformément à la lettre de mandat du ministre du Développement international[77].

Le Comité a entendu que les investissements dans le personnel de première ligne peuvent contribuer à accroître les services de santé offerts et à faire en sorte que ces services soient prodigués à des personnes dans le besoin. Dre Kanem a fait remarquer que la formation et le déploiement de sages-femmes figurent parmi les « façons les plus rentables d’éviter la mortalité maternelle[78] ». Elle a toutefois précisé que bien que ces professionnels fournissent « 90 % des services essentiels de santé sexuelle et reproductive et des soins aux mères et aux nouveau-nés », il « manque toutefois actuellement 900 000 sages-femmes dans le monde[79] ». Julia Anderson était d’accord pour dire qu’« investir dans du personnel des soins de santé communautaire, des sages-femmes formées, constitue l’intervention la plus efficace que le Canada pourrait soutenir dans tous ses projets de développement, en particulier lorsqu’il s’agit de la santé des femmes et des enfants[80] ». Établissant un lien à cet égard avec l’inclusion, elle a également fait valoir que les sages-femmes qualifiées « peuvent être des interlocutrices de premier plan pour les collectivités et leurs dirigeants[81] ».

Les efforts visant à renforcer les systèmes de santé et à répondre aux crises humanitaires sont généralement perçus comme étant distincts, le premier relevant de l’aide au développement et le second de l’aide humanitaire. Kelly Bowden a toutefois expliqué pourquoi ces efforts ne doivent pas être considérés indépendamment les uns des autres :

À moins que la santé et les droits sexuels et reproductifs ne soient pleinement intégrés dans les systèmes de santé comme un aspect fondamental des soins de santé, ils sont facilement considérés comme non prioritaires lorsque le système est soumis à des pressions ou à des tensions. C’est ce que nous constatons dans les États fragiles et les contextes humanitaires, et c’est ce que nous avons observé dans le monde tout au long de la pandémie de COVID‑19. La mortalité maternelle et la violence fondée sur le genre ont augmenté, et les services de contraception et les autres services de santé sexuelle et reproductive ont été réduits[82].

Lorsqu’on lui a demandé ses recommandations quant aux mesures à prendre pour assurer à toutes les femmes un accès à un éventail complet de services de santé sexuelle et reproductive, notamment dans des situations de conflits, Mme Bowden a rappelé l’importance de renforcer les systèmes de santé grâce à l’application d’une approche intégrée et exhaustive, laquelle doit être accompagnée de « programmes autonomes pour garantir l’accès à ces services en période de grande nécessité[83] ».

Au sujet de ces périodes ou crises, Alvaro Bermejo, directeur général de la Fédération internationale pour le planning familial, a commenté qu’il « ne fait aucun doute dans notre esprit, et il ne devrait faire aucun doute dans l’esprit de quiconque que les services de santé sexuelle et reproductive sauvent des vies et doivent être fournis dans les situations de conflit[84] ». Or, le Comité a entendu que ces services sont sous-financés dans le contexte de l’aide humanitaire ou ne sont pas considérés comme un volet essentiel de l’action humanitaire, au même titre que l’approvisionnement en eau, les conditions sanitaires ou les infrastructures[85].

Il est généralement admis que les besoins en matière de santé sexuelle et reproductive sont exacerbés en période de crise humanitaire, lorsque le risque de violence sexuelle est accru et que l’accès aux installations et aux services de santé est interrompu. Malgré ces réalités et même si l’on reconnaît que les services de santé sexuelle et reproductive devraient faire partie des soins primaires, Mme Sully a fait remarquer que ces services « sont souvent oubliés et exclus de l’intervention humanitaire[86] », et ce, même si l’InterAgency Working Group on Reproductive Health in Crises – une coalition d’organismes onusiens, de gouvernements, d’organismes non gouvernementaux nationaux et internationaux, et d’autres encore[87] – a mis sur pied un Dispositif minimum d’urgence en matière de santé reproductive. Ce dispositif est décrit comme un « ensemble d’interventions minimales en matière de santé sexuelle et reproductive » qui répondent à « une norme internationale de soins qui devrait être mise en œuvre dès le début de chaque situation d’urgence[88] ».

Abondant dans le même sens, Mme Anderson a indiqué que son organisation recommande « énergiquement » que le gouvernement du Canada fasse valoir la santé et les droits sexuels et reproductifs comme étant des services « centraux », et non « additionnels », lorsqu’il est question de l’ensemble des interventions en cas de crise humanitaire[89]. Dans la même veine, à savoir que la santé et les droits sexuels et reproductifs constituent « un aspect essentiel dans les réponses du Canada aux diverses crises », Beth Woroniuk a rappelé au Comité que le gouvernement travaille au troisième plan d’action national du Canada du programme pour les femmes, la paix et la sécurité et est en train de mettre à jour sa Politique d’aide humanitaire sensible aux genres. À son avis, « [l]es ressources consacrées à la SDSR, en particulier les aspects négligés, devraient représenter des éléments clés de ces deux plans[90] ».

Les risques auxquels sont exposées les femmes et les filles en situation de conflits sont souvent décrits en termes généraux. Lesia Vasylenko, députée du Parlement ukrainien, a toutefois exposé en détail comment la Russie utilise la violence sexuelle comme une arme contre le peuple de son pays. Relatant les événements de février et de mars 2022, lorsque la région entourant Kyiv était occupée par les forces russes, Mme Vasylenko a déclaré que « les unités militaires avaient reçu l’ordre de n’épargner aucun civil et d’intimider la population civile par tous les moyens possible[91] ». Voici un exemple de récits horrifiants livrés par des survivantes :

Des femmes et des jeunes filles ont été gardées en captivité, parfois dans le sous-sol de leur propre maison, où elles étaient contraintes d’entendre les conversations des soldats qui les retenaient en otage; elles étaient victimes de viols et devaient choisir, parmi elles, laquelle serait violée cette nuit‑là[92].

L’âge des victimes de violence sexuelle de cette guerre varie de 4 à 80 ans[93]. Mme Vasylenko a indiqué que le but de ses tactiques russes est « d’intimider les gens, de semer la crainte au sein de la population et de la démoraliser pour miner sa résilience et sa résistance[94] ». En outre, elle a admis que, même en Ukraine, où les survivantes sont activement soutenues par un gouvernement pleinement opérationnel et ses partenaires internationaux, on ne connaît pas l’ampleur des violences sexuelles commises, et ce en raison de la stigmatisation, qui empêche les victimes de signaler ces actes[95].

Dans bien d’autres contextes humanitaires partout dans le monde, les femmes sont exposées à des risques accrus en raison de la violence et des déplacements de population. Mme Sully a reconnu que l’organisme qu’elle représente – le Guttmacher Institute – n’a pas de données solides sur les contextes fragiles, et encore moins sur la situation à laquelle font face certains groupes, notamment les adolescentes. Elle a indiqué qu’il faut investir dans la collecte de données « pour générer des preuves qui nous permettront de bien comprendre ces besoins[96] ». Malgré tout, elle a déclaré que certains éléments importants du tableau sont déjà clairs :

Nous savons que lorsque les adolescentes et toutes les femmes qui vivent dans ces contextes tombent enceintes sans le vouloir et ne peuvent pas accéder à des services d’avortement sûrs, elles recourent à des avortements dangereux et que ce sont les avortements les moins sûrs qui sont alors pratiqués. L’avortement à risque est une catégorie très large, mais elle comprend des avortements à risque extrêmement dangereux. Dans le cadre des recherches que nous avons effectuées dans des camps de réfugiés et dans des contextes humanitaires, nous avons constaté que les complications liées aux avortements pratiqués dans des conditions dangereuses étaient plus graves et plus sévères dans ces camps que dans les communautés environnantes. Ces femmes ne peuvent même pas accéder aux mêmes services que les personnes qui vivent dans la même zone géographique[97].

Ces graves complications, a expliqué Mme Sully, ont des conséquences à long terme sur la santé des femmes ayant subi ce genre d’avortement.

Bien que les lacunes en matière de données soient particulièrement criantes dans le contexte de l’aide humanitaire, il s’agit d’un problème généralisé. Même au Canada, un pays à revenu élevé, on ne comprend pas pleinement les vulnérabilités liées à la santé et aux droits sexuels et reproductifs. Dre Diane Francoeur, directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, a dit au Comité que :

Le Canada ne dispose pas de données fiables et exactes sur la santé de ses femmes lorsque vient le temps de surveiller les indicateurs et de produire des rapports qui orienteront les investissements et la prise de décisions. Nous observons sur le terrain certaines aberrations, notamment le fait que les femmes de couleur, les femmes autochtones et les Néo-Canadiennes semblent plus susceptibles de mourir pendant l’accouchement au Canada. Cependant, nous ne disposons d’aucune donnée pour appuyer ces observations, puisque ces données ne sont ni mesurées ni communiquées[98].

Élaborant sur ce point, Jocelynn Cook, directrice des affaires scientifiques de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, a expliqué que l’on pourrait utiliser les données pour mener des interventions ciblées au sein des systèmes de santé, et ce dans le but d’améliorer les résultats sur le plan de la santé :

Si nous comprenons bien la situation en nous appuyant véritablement sur les données probantes, nous pourrons commencer à planifier, à prévoir et à évaluer les besoins en matière de sensibilisation du public — les langues de communication, par exemple — et en matière de formation du personnel soignant, qui fait face à une grande variété de circonstances, de contextes et même de populations de patients. Nous pourrons ensuite travailler de concert et décider de nos points d’intervention et de prévention[99].

D’ailleurs, l’Organisation mondiale de la Santé a souligné l’importance d’établir une base d’information, écrivant dans son mémoire qu’« [i]nvestir dans la recherche et la production de données probantes sur la santé sexuelle et reproductive, ses déterminants et ses voies est un investissement dans les droits sexuels et reproductifs des femmes[100] ». L’OMS a expliqué que c’est grâce « à l’élaboration de meilleures données probantes et à la formulation de meilleures recommandations fondées sur des recherches rigoureuses et des interventions cliniques et communautaires [que] les approches de la santé sexuelle et reproductive fondées sur les droits de la personne peuvent être soutenues; les normes, valeurs et systèmes sociaux préjudiciables à la santé peuvent, eux, être remis en question[101]. »

Se fondant sur les informations recueillies au sujet des systèmes de santé et les situations de crise et dans l’esprit du principe selon lequel personne ne doit être laissé de côté, le Comité recommande :

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre de son aide au renforcement des systèmes de santé à l’échelle internationale, fasse de la promotion de l’intégration de la santé sexuelle et reproductive un volet essentiel des soins de santé primaires et qu’il favorise un accès égal à ces services de santé.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada accorde des fonds pour l’atteinte des normes minimales en matière de santé sexuelle et reproductive dans le cadre de ces activités immédiates et courantes d’aide humanitaire et qu’il fasse appel à son rôle au sein du système d’aide humanitaire internationale pour demander que la santé et les droits sexuels et reproductifs soient priorisés dans le cadre de toute intervention humanitaire.

Recommandation 4

Que le prochain plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité du gouvernement du Canada et sa politique d’aide humanitaire sensible aux genres traduisent la priorité accordée à la santé et aux droits sexuels et reproductifs par le Canada.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada incite et aide les pays donateurs affinitaires et les pays admissibles à l’aide publique au développement (APD) à consolider la collecte et l’analyse de données exhaustives et désagrégées sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, y compris sur les femmes et les filles dans des contextes de conflits armés ou de crises humanitaires.

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada augmente le financement pour les programmes de santé et de droits reproductifs et sexuels qui incluent les personnes handicapées.

Aspects négligés

Comme il est indiqué au début du rapport, de son financement global pour la santé et les droits des femmes, le gouvernement du Canada s’est engagé à consacrer 700 millions de dollars par année à l’appui de la santé et des droits sexuels et reproductifs et à mettre l’accent, dans le cadre de ses programmes, sur quatre aspects négligés. En guise de rappel, ces aspects sont : la planification familiale et la contraception; les services d’avortement sécuritaires et légaux et les soins après l’avortement; l’éducation complète en matière de sexualité; et les activités de promotion en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs.

En 2020–2021, le Canada a contribué 489 millions de dollars à cette cause[102], mais Affaires mondiales s’attend à « atteindre l’objectif de consacrer 700 millions de dollars » pour l’exercice 2023–2024[103]. Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Oxfam-Québec et d’Oxfam Canada, estime toutefois que le gouvernement devra « rapidement augmenter le financement dans ces domaines s’il veut atteindre son objectif d’ici l’échéance de 2024[104] ». De même, Julia Anderson a laissé entendre que des « hausses régulières, stables et prévisibles » du financement sont nécessaires si le Canada veut atteindre son objectif d’ici la fin de l’exercice[105].

Les intervenants ont également soulevé des préoccupations au sujet des sommes investies à ce jour dans les quatre aspects négligés. En 2020–2021, ces investissements représentaient environ 104 millions de dollars par rapport au financement total de 489 millions de dollars pour la santé et les droits sexuels et reproductifs[106]. Lauren Ravon était d’avis qu’il y avait un « manque évident d’investissements » dans ces aspects[107]. Par ailleurs, le Comité a appris que la majorité de ces fonds étaient consacrés à la planification familiale et à la promotion des activités relatives à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, et que seulement « une part minime[108] » était allouée à l’éducation sexuelle complète (soit 5,4 millions de dollars) et la prestation de services d’avortement sécuritaires (1,9 million de dollars[109]). Kelly Bowden a indiqué que le manque est « particulièrement criant » pour ces aspects, lesquels requièrent « plus d’attention[110] ». Ces points sont abordés dans la prochaine sous-section.

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada respecte son engagement d’investir au moins 700 millions de dollars dans la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes à l’échelle mondiale d’ici la fin de l’exercice 2023–2024 et qu’il maintienne ce niveau de dépenses jusqu’en 2030.

Adolescentes

Bien qu’Affaires mondiales Canada n’est pas désigné les adolescentes comme faisant partie des aspects négligés de la santé et des droits sexuels et reproductifs, les témoins ont attiré l’attention du Comité sur les indicateurs de la santé liés à ces jeunes filles et ont indiqué qu’il faudrait apporter un soutien ciblé à ce groupe. D’ailleurs, il est devenu apparent que les quatre aspects en question, y compris l’éducation sexuelle complète, sont liés aux droits et à la santé des adolescentes.

Affaires mondiales Canada a décrit en ces termes le principal défi :

[T]rop souvent dans le monde, les jeunes et les adolescents des pays en développement ne reçoivent pas d’informations adéquates tant sur leurs propres droits, notamment le droit à l’autonomie corporelle, que sur la sexualité, les fonctions reproductives et les services de santé génésique auxquels ils devraient avoir accès[111].

Les représentants du ministère ont indiqué que, pour corriger la situation, les initiatives peuvent soutenir les programmes scolaires structurés, mais que des informations peuvent également être transmises par les services sociaux pour que les adolescents puissent s’en servir « pour exercer correctement leur autonomie corporelle[112] ». Selon le ministère, l’approche globale en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs « qui suit les pratiques exemplaires de l’Organisation mondiale de la santé est la meilleure façon de l’appuyer[113] ».

À la question de savoir s’il ne serait-il pas tout aussi important d’investir dans la sensibilisation et l’accès aux moyens de contraception que de fournir des ressources pour les avortements sécuritaires, le représentant du ministère a indiqué que tout « commence par une éducation sexuelle complète pour que les adolescentes aient de l’information claire et fondée sur des données probantes au sujet des services qu’elles peuvent obtenir[114] ». De même, la Fédération internationale pour le planning familial a souligné que l’éducation est « essentielle pour les jeunes pour qu’ils puissent exercer et revendiquer leurs droits et contester les normes néfastes, pour les filles et les femmes, ainsi que pour les garçons et les hommes[115] ». Lucy Akello, députée du Parlement de la République de l’Ouganda, a apporté un point de vue bien différent en disant que les parents qu’elles représentent considèrent l’éducation sexuelle complète comme une « atteinte à la santé et à l’innocence des enfants[116] ».

De façon générale, le Comité a entendu que les conséquences peuvent être lourdes lorsque les adolescentes n’ont pas accès à des services de santé et d’éducation adéquats et que leurs droits ne sont pas protégés. Dre Kanem a déclaré :

[N]ous savons que près du tiers des femmes dans les pays à faible et moyen revenus vivent leurs premières grossesses pendant l’adolescence, soit à 19 ans ou avant. Ce phénomène comporte des répercussions sur le plan du consentement et sur la façon de vivre leur adolescence en sécurité, souvent sans éducation sexuelle convenable qui pourrait les protéger. On estime à 21 millions le nombre de grossesses, chaque année, chez les filles de 15 à 19 ans dans les pays à faible et moyen revenus; près de la moitié de ces grossesses ne sont pas intentionnelles. Un grand nombre de ces grossesses se terminent par un avortement, et la majorité de ces procédures se font dans des conditions dangereuses[117].

Lors de la période de questions, Dre Kanem a fait référence au tout dernier rapport État de la population mondiale du Fonds des Nations Unies pour la population, qui traite de la question des grossesses non désirées et des « circonstances dans lesquelles le manque d’accès peut littéralement être mortel puisque les femmes perdent la vie[118] ». Elle a souligné que « les femmes qui meurent dans bon nombre de ces scénarios ne sont pas du tout des femmes. Ce sont des filles adolescentes qui, à cause de l’ignorance ou du manque d’accès, ou parfois de la coercition, sont tombées enceintes et n’ont pas reçu de soutien[119] ».

Les adolescentes connaissent donc des difficultés multiples en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs, que ce soit au niveau de l’accès, de l’information ou des droits. Les causes et les conséquences – y compris les mauvais résultats scolaires – sont étroitement liées[120]. Par ailleurs, le Comité a entendu que les adolescentes font face à « des obstacles uniques et disproportionnés[121] », par exemple l’incapacité de payer pour des services de santé ou de se rendre dans des cliniques de soins de santé. Certains de ces obstacles sont liés à des restrictions, notamment des lois et des politiques qui, dans de nombreux pays « interdisent la prestation de divers services de santé (p. ex. contraception) aux adolescentes ou à celles qui ne sont pas mariées[122] ».

De plus, les adolescents en général sont exposés à des risques plus élevés de contracter des infections transmises sexuelles; en l’absence d’éducation complète, ils sont « moins bien préparés » pour prévenir ces infections[123]. Le Comité a appris que les adolescentes d’Afrique subsaharienne constituent le seul groupe de population qui ne connaîtra pas la réduction escomptée du nombre d’infections par le VIH. Selon Affaires mondiales Canada, la situation est « intimement liée à des questions plus larges d’autonomie corporelle et d’égalité des genres[124] ».

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada accorde la priorité aux adolescentes dans le cadre de ses programmes axés sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, notamment en les aidant à accéder à des services de santé, à des renseignements et à de l’éducation, ainsi qu’à des initiatives qui sont avérés efficaces pour prévenir les infections transmises sexuellement.

Services d’avortement sécuritaires

Le Comité a appris qu’au moins 40 000 femmes meurent chaque année à la suite d’avortements à risque, mais que ce nombre est « certainement sous-déclaré » et « probablement beaucoup plus élevé[125] ». Ces décès représentent environ 13 % des décès maternels[126], et le risque est encore plus élevé pour les femmes habitant dans certaines régions du monde[127], l’Afrique comptant pour environ 62 % des décès liés à des avortements[128]. Cette région, ainsi que l’Asie et l’Amérique latine, « ont certaines des lois sur l’avortement les plus restrictives au monde et représentent 97 % de toutes les interruptions de grossesse non sécuritaires[129] ».

À cela s’ajoute une nouvelle réalité provoquée par la pandémie de COVID-19. Le mémoire du Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants, qui fait référence au rapport du Centre africain pour la santé de la population, a indiqué que dans cinq pays d’Afrique (Burkina Faso, Éthiopie, Kenya, Malawi et Ouganda), la pandémie a forcé les femmes et les jeunes filles à se rendre dans des établissements de santé, plus éloignés, pour avoir accès aux services de SSRDC[130].

Les décès liés aux avortements à risque s’expliquent principalement par le « manque d’accès à des services de santé génésique efficaces, notamment des services d’avortement et des soins post-avortement sûrs et légaux en nombre suffisant pour répondre aux besoins[131] », la contraception étant l’un de ces services. Mme Sully a indiqué au Comité que :

[L]es pays qui ont les taux les plus élevés de grossesses non désirées sont souvent aussi ceux qui restreignent l’accès à la contraception et qui ont des taux d’avortement plus élevés. La restriction de l’avortement va souvent de pair avec le manque d’accès aux services de planification familiale[132].

Mme Sully a donc recommandé que ce genre de services soient offerts[133], expliquant toutefois que l’accès et le financement ne sont pas les seuls enjeux lorsque l’on parle de programmes de contraception. Elle a souligné que les femmes « doivent toujours pouvoir choisir, librement et en connaissance de cause, une gamme de méthodes disponibles près de chez elles, dans leur communauté[134] ». Il s’agit donc d’une question d’information et d’éducation.

De nombreux témoins ont insisté sur le fait que les restrictions en matière d’avortement prévues dans les lois n’empêchent pas les femmes de se faire avorter. Elles ne font qu’accroître la proportion d’avortements à risque[135]. Après avoir indiqué que son organisme, le Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants, appliquait « une approche fondée sur des données probantes » à cet égard, Julia Anderson a déclaré : « Les faits sont clairs. Restreindre l’accès à l’avortement ne met pas fin à l’avortement. Cela fait plutôt augmenter le nombre d’avortements dangereux et cause la mort de femmes[136] ». Dans son mémoire au Comité, l’Organisation mondiale de la Santé souligne que dans les pays où l’avortement est autorisé sur demande, « près de 87 % des avortements sont sécurisés, contre 25 % seulement dans les pays qui l’interdisent ou ne l’autorisent que pour sauver la vie de la femme ou protéger sa santé physique[137] ». Une témoin, Dre Nkechi Asogwa a qualifié de « mythe » les données indiquant que les interdictions relatives à l’avortement n’empêchent pas les avortements et que la légalisation de cette pratique réduit la mortalité maternelle[138].

Informant le Comité de la situation en Pologne où, comme on l’a déjà indiqué, les motifs d’avortement ont été restreints, Krystyna Kacpura a indiqué qu’environ 120 000 avortements par année ont quand même lieu, « principalement à la maison à l’aide de pilules » (on parle alors d’avortement médical[139]). Certaines femmes se rendent dans des pays voisins de l’Union européenne pour subir l’intervention[140], ce qui fait ressortir les problèmes d’équité que causent les restrictions d’accès à l’avortement. Comme l’a indiqué Mme Kacpura :

Nous sommes un pays démocratique au cœur de l’Europe, alors on peut facilement avoir accès à des services d’avortement sûrs, mais il faut connaître la langue, vivre dans une grande ville et avoir accès à Internet. Et il faut de l’argent[141].

De l’avis de Mme Kacpura, la situation en Pologne représente une « injustice reproductive[142] », puisque les restrictions touchent « les personnes les plus pauvres parmi celles qui sont déjà mal servies, qui n’ont aucun privilège, qui vivent dans de petites bourgades et qui n’ont pas d’argent[143] ».

On observe ces inégalités ailleurs, même aux États-Unis[144]. Résumant les observations d’Oxfam America, qui travaille en collaboration avec des organismes partout dans ce pays, Lauren Ravon a indiqué que,

les communautés marginalisées sont les plus touchées. Les femmes noires en particulier ont plus difficilement accès à l’avortement. Il y a une corrélation directe entre la pauvreté et la possibilité de prendre l’avion, le train ou la voiture pour accéder à un avortement sécuritaire.
C’est plus difficile pour les membres de communautés pauvres de prendre les trois jours de congé nécessaires pour monter à bord d’une voiture, voyager jusqu’à un autre État et réussir à obtenir des soins de santé. La pauvreté est un facteur intersectionnel important. La répression ne touche pas seulement les femmes; elle touche aussi les personnes démunies[145].

Mme Ravon a attiré l’attention sur le fait qu’en dépit de tout ce que l’on sait des conséquences des avortements à risque en ce qui concerne la santé, les droits et la dignité des femmes, le gouvernement a alloué moins de 2 millions de dollars pour l’appui aux services d’avortement sécuritaire au cours de la première année de référence de l’engagement du Canada en matière de santé et droits sexuels reproductifs[146]. « Vous savez ce que coûtent les soins de santé », a-t-elle indiqué afin de faire valoir que ce n’est pas beaucoup d’argent à répartir à l’échelle du globe. Son organisme – Oxfam Canada – aimerait donc que le Canada « intensifie son action » dans ce domaine, car la plupart des donateurs ne le font pas[147]. Dans la même veine, Kelly Bowden a fait remarquer que même si le gouvernement du Canada inclut l’accès à des services d’avortement sécuritaire, « dans l’ensemble de soins complet, les fonds ne suivent pas encore dans ce secteur[148] ».

En outre, Mme Ravon a rappelé qu’il ne faut pas oublier les soins après l’avortement :

J’ai travaillé dans des pays comme le Kenya, où les salles d’urgence sont inondées de femmes ayant subi des avortements à risque, ce qui fait peser un poids énorme sur le système de santé publique et sur les hôpitaux. En outre, l’avenir de ces femmes est compromis. Elles risquent de ne pas pouvoir avoir d’enfants plus tard, quand elles en voudront, ou d’avoir des problèmes de santé pour le reste de leur vie; c’est donc vraiment un domaine dans lequel le Canada peut investir[149].

Sur ce point, Julie Théroux-Séguin, leader thématique principale en matière de droits des femmes et des filles au Centre d’étude et de coopération internationale, a observé que « dans les pays où l’avortement est interdit, le personnel médical manque de connaissances sur les soins à donner après un avortement, même dans les cas d’une interruption de grossesse non volontaire », ajoutant que ces professionnels manquent « de formation sur les compétences d’accompagnement [pour tenir] compte des besoins des femmes ou des difficultés que les femmes peuvent rencontrer[150] ». Enfin, il est à noter que le Comité sait que les lignes internationales sur les « soins […] complets d’avortement » comprennent les soins après avortement[151].

Recommandation 9

Que, dans le cadre de ses efforts visant à accroître l’aide en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs dans le monde, le gouvernement du Canada veille à appuyer pleinement l’accès à des formes modernes de contraception, à des services d’avortements légaux et sécuritaires et à des soins de santé après avortement.

Programmes offerts par l’entremise de partenariats

Certains témoins ont indiqué au Comité qu’il faut respecter la souveraineté et les cadres juridiques nationaux en ce qui concerne la santé et les droits sexuels et reproductifs et critiqué ce qu’ils considèrent comme l’imposition de programmes. En revanche, d’autres ont affirmé que les programmes bénéficiant d’un financement international sont conçus et offerts en partenariat avec des intervenants locaux, qui sont les protagonistes à l’origine des efforts visant à défendre les droits de la personne, et non de simples bénéficiaires. Les prochains paragraphes examinent ces différents points de vue.

Selon Lucy Akello, députée du Parlement de la République de l’Ouganda, un sondage réalisé en 2013 montrait que la majorité des Ghanéens, des Ougandais, des Kényans, des Nigérians et des Tunisiens voyaient l’avortement « comme un acte moralement répréhensible[152] ». À l’appui de ce qu’elle a qualifié de croyances largement répandues, il est à noter que près de 80 % des pays africains disposent d’une forme ou d’une autre de loi interdisant ou restreignant l’avortement[153]. Dans le même ordre d’idées, Theresa Okafor, directrice de la Foundation for African Cultural Heritage, a présenté les observations suivantes :

Le militantisme exercé pour libéraliser les lois dans les pays qui sont contre l’avortement équivaut à miner les processus législatifs et démocratiques dans ces États souverains et à saper leurs valeurs profondes et leurs solides traditions culturelles[154].

À son avis, il « devient de plus en plus clair que le financement et la politique d’aide internationale féministe visent moins l’aide, l’émancipation, les soins de santé et la réduction de la pauvreté que la colonisation idéologique[155] ».

Dre Asogwa a décrit les circonstances que pourrait connaître une femme pauvre vivant à Lagos, au Nigeria. Pour elle, la nutrition, l’éducation, les soins prénatals de base, l’accouchement assisté par du personnel qualifié et l’émancipation économique sont des priorités plus importantes que les solutions aux problèmes de santé sexuelle et reproductive définies par les donateurs[156].

Maria Cristina Rodriguez Garcia, conseillère de recherche de l’équipe Récits politiques et affaires féminines au sein de l’Association nationale civique des femmes, a présenté, de manière générale, le point de vue d’une organisation qui travaille à la participation publique des femmes au Mexique. Elle a prié le Comité de ne pas trop mettre l’accent sur la contraception dans le cadre de son étude sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, et de tenir compte des attentes culturelles et des pressions que vivent les femmes, de même que de l’importance des relations saines[157]. Parlant de l’expérience des survivantes d’actes de violences et d’exploitation sexuelles dans un pays qui est le théâtre de « féminicides » et où les narcotrafiquants violentent les femmes[158], elle a également affirmé qu’une plus grande attention doit être accordée aux « traumatismes et [à] l’éclatement intérieur des femmes[159] ».

D’autres témoins ont mis l’accent sur les mouvements d’activisme locaux et, dans de nombreux cas, populaires, qui font pression en faveur d’un accès élargi aux services de santé et de la réalisation des droits sexuels et reproductifs. Au sujet de la situation au Mexique, Lauren Ravon a indiqué au Comité que « ce sont les femmes autochtones qui ont mené la charge pour la légalisation de l’avortement dans les provinces les plus pauvres du pays, en commençant par Oaxaca[160] », et ce « parce qu’elles savent que ce sont elles qui subissent les conséquences des avortements non sécuritaires et du manque de services publics[161] ». Selon Mme Ravon, ce mouvement n’est pas initié ou imposé aux femmes par d’autres. Au contraire, c’est le leadership et la mobilisation de « groupes communautaires et ruraux formés de femmes autochtones » qui ont amené ces changements dans un pays ayant des « lois très contraignantes sur l’avortement[162] ».

Mme Sully du Guttmacher Institute a parlé de ce qui se passe en Afrique. Elle a fait référence au Protocole de Maputo, qui a été signé en 2003 et dont l’alinéa 14(2)c)[163] établit « les fondements juridiques sur lesquels les États membres de l’Union africaine se sont mis d’accord pour que l’avortement soit accessible sur leurs territoires respectifs[164] ». Elle a noté que 21 pays avaient depuis libéralisé « leurs lois dans une certaine mesure pour se conformer au protocole de Maputo, et sept d’entre eux sont allés au‑delà des conditions énoncées dans ce protocole[165] ». Ces initiatives montrent les « efforts déployés par les pays africains pour protéger les vies, étendre les droits et réduire la crise de la mortalité maternelle qui sévit en Afrique subsaharienne[166] ». Elle a précisé que ces efforts sont souvent dirigés, dans les pays concernés, « par des politiciens, des cliniciens et des bureaucrates qui comprennent les conséquences sanitaires des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses[167] ». Prenant l’exemple du Bénin, le dernier pays à libéraliser sa loi, Mme Sully a souligné le rôle joué par « [d]eux de ses députés [qui] étaient des gynécologues-obstétriciens [et] qui avaient vu de leurs propres yeux les conséquences des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses[168] ».

Plusieurs témoins ont indiqué que leurs efforts en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs visent à soutenir les femmes et à leur permettre de prendre leurs propres décisions. Mme Ravon a insisté sur ce point :

L’aide fournie par le Canada s’adresse à des pays indépendants, qui disposent de leurs propres mouvements sociaux et de perspectives variées au sein de leur propre communauté. Nous ne disons pas que tous les habitants de ces pays veulent avoir accès à ces services. Ce que nous disons, c’est qu’il y a une demande. Il existe un besoin non satisfait, qu’il s’agisse de planification familiale, de contraception ou d’avortement sans risque, et les personnes qui le souhaitent devraient pouvoir y avoir accès[169].

Le but, a-t-elle déclaré, n’est pas de changer la culture, mais de sortir de l’ombre l’inévitable, c’est-à-dire les grossesses non désirées, pour que les femmes de tous les pays, sans exception, aient accès à des services sécuritaires et des options médicales[170].

Les témoins ont également souligné que les programmes de santé et de droits sexuels et reproductifs sont offerts dans le cadre de partenariats. Le représentant d’Affaires mondiales Canada a indiqué au Comité que le ministère « ne fournit de l’aide internationale en matière de santé mondiale et de SDSR que si elle appuie les priorités locales[171] ». Par ailleurs, le ministère veut s’assurer « que ces priorités locales soient déterminées non seulement par les gouvernements nationaux, mais aussi par les gouvernements infranationaux et les communautés, y compris les jeunes[172] ». En tant que vecteur de cette aide internationale, Oxfam Canada a indiqué qu’il travaille en partenariat avec des organismes de défense des droits des femmes, et que ce sont eux qui « tiennent les rênes » et travaillent « pour soutenir leurs communautés[173] ».

En ce qui concerne la planification familiale, le Fonds des Nations Unies pour la population a insisté sur le caractère volontaire « précisément parce que l’enjeu des droits est une question de choix individuel[174] ». Dre Kanem a déclaré fermement que l’organisme « ne participe pas aux pratiques coercitives et ne soutient pas ces pratiques[175] ». Deux organisations internationales non gouvernementales qui fournissent des services de santé reproductive incluant l’avortement ont indiqué que les associations qui en sont membres travaillent dans le plein respect des cadres juridiques nationaux des pays où elles sont actives[176].

Compte tenu de l’importance des partenariats locaux, Mohini Datta-Ray, directrice générale de Planned Parenthood Toronto, était d’avis que le Canada devrait en faire plus pour renforcer « les organisations féministes sur le terrain[177] » :

Je pense que, comme des témoins l’ont indiqué, il y a souvent une tension, un sentiment qu’on a une approche occidentale ou une mentalité de sauveur blanc. On peut contourner cette difficulté en construisant des liens sur le terrain avec les féministes qui sont toujours là, qui défendent leurs droits fondamentaux et la justice relative à la reproduction[178].

Beth Woroniuk a toutefois informé le Comité que les organismes de défense des droits des femmes « manquent cruellement de financement » malgré le rôle « essentiel » qu’ils jouent[179]. En fait, selon les toutes dernières données produites par le Comité d’aide au développement de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques, « le financement global des organismes de défense des droits des femmes dans le cadre de l’aide au développement a en fait diminué[180] ».

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada continue de faire avancer la santé et les droits sexuels et reproductifs partout dans le monde par l’entremise de partenariats locaux, à l’appui des mouvements féministes et de défense des droits des femmes et dans le respect des droits de la personne reconnus à l’échelle internationale.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada augmente la proportion d’aide internationale offerte à des organismes de défense des droits des femmes et par l’entremise de ceux-ci, y compris les organismes qui cherchent à faire progresser la santé et les droits sexuels et reproductifs.

Conclusion

La plupart des recommandations présentées dans ce rapport concernent l’aide internationale fournie par le gouvernement du Canada. Des témoins ont toutefois exhorté le Comité à ne pas adopter une approche en vase clos à l’égard de la santé et des droits des femmes, car, selon eux, la question ne se limite pas à la politique en matière de développement.

Recommandant qu’une « stratégie cohérente sur la santé et les droits sexuels et reproductifs » soit intégrée à la politique étrangère du Canada en général, Julia Anderson a déclaré que « les investissements à eux seuls ne suffisent pas[181] ». Il faut, comme l’a dit Lauren Ravon, « combiner l’argent et la parole[182] ». Kelly Bowden a soutenu que face au risque de « recul » des droits des femmes observé dans différents pays et forums internationaux, le Canada « jouit d’une énorme plateforme » en raison de l’ampleur de son investissement[183]. Elle estime qu’il faut « tirer parti de cette occasion pour donner l’exemple sur la scène internationale et travailler avec d’autres pays pour continuer de faire progresser ces droits[184] », ajoutant que les efforts en ce sens doivent être « intégrés à une approche plus complète au moyen d’une politique étrangère féministe[185] ». Le Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants et Action Canada pour la santé et les droits sexuels souhaitent tous les deux que le Canada assume son rôle de leadership, en mobilisant les pays du G7 et d’autres alliés pour stimuler de nouveaux investissements dans la santé et les droits sexuels et reproductifs, et plus particulièrement dans les aspects négligés[186].

Soulignant aussi que le Canada doit s’exprimer « de manière claire et systématique au sein des forums mondiaux et des discussions bilatérales », Beth Woroniuk a demandé que le gouvernement publie « la politique étrangère féministe promise depuis longtemps[187] ». Elle a expliqué qu’il est important d’avoir un document clairement défini, car celui-ci « établira des orientations politiques féministes non seulement pour le développement international, mais aussi pour le commerce, l’immigration, la diplomatie et les affaires consulaires[188] ». En l’absence d’un tel document, elle soutient que « les diplomates et les travailleurs humanitaires ne sont souvent pas conscients de leurs responsabilités, et notre orientation n’est pas claire non plus au regard du monde[189] ».

En plus d’avoir un effet pratique, soit de guider les programmes, les activités, les relations et les négociations du gouvernement du Canada, peu importe le ministère ou la direction touchés, ces documents peuvent également servir de repère pour d’autres. Comme l’a résumé Dre Kanem, le leadership du Canada « est une lueur d’espoir en cette ère où l’égalité des sexes et les droits des femmes et des filles sont de plus en plus bafoués[190] ».

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada fasse appel à son rôle au sein de forums internationaux tels que le G7 pour stimuler d’autres investissements dans les programmes liés à la santé et aux droits sexuels et reproductifs et pour recommander que la priorité soit accordée à la santé et aux droits sexuels et reproductifs à l’échelle mondiale.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada publie sa politique étrangère féministe, et que ce document expose en détail les principes, les objectifs et les lignes directrices de la mise en œuvre de la politique et intègre l’approche globale du Canada en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs.

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada s’oppose activement aux mesures de régulation coercitive des populations prises à l’égard des femmes ouïghoures dans le cadre du génocide de leur peuple, et qu’il demande aux autres gouvernements et aux organes internationaux de rejeter et de combattre les politiques de régulation coercitive des populations.


[1]              Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (FAAE), Procès-verbal, 16 mai 2022.

[2]              Pour plus de renseignements sur ce genre d’analyses, voir : gouvernement du Canada, Qu’est-ce que l’Analyse comparative entre les sexes plus?

[3]              Nations Unies, Haut-Commissariat des droits de l’homme, Santé et droits en matière de sexualité et de procréation.

[5]              Ibid., paragraphe 7.2. Au sujet de l’avortement, le Programme d’action précise que « [l]’avortement ne devrait, en aucun cas, être promu en tant que méthode de planification familiale ». Il exhorte les gouvernements et les organismes internationaux et non gouvernementaux « à renforcer leur engagement en faveur de la santé de la femme, à traiter les conséquences des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité en tant que problème majeur de santé publique et à réduire le recours à l’avortement en étendant et en améliorant les services de planification familiale ». De plus, les États participants se sont entendus sur le fait que les mesures en matière d’avortement « ne peuvent être arrêtées qu’à l’échelon national ou local conformément aux procédures législatives nationales ». Là où l’avortement est légal, les pratiques devraient être sécuritaires. Par ailleurs, dans tous les cas, « les femmes devraient avoir accès à des services de qualité pour remédier aux complications découlant d’un avortement ». Voir le paragraphe 8.25. La question du « langage consensuel » est abordée dans le témoignage de Theresa Okafor, directrice, Foundation for African Cultural Heritage. Voir FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1250.

[6]              Programme d’action adopté à la Conférence internationale sur la population et le développement, paragraphe 7.3. Le terme « droits sexuels » n’est pas utilisé dans le document.

[7]              Fonds des Nations Unies pour la population, mémoire, 27 mars 2023.

[8]              ONU Femmes, Conférences mondiales sur les femmes.

[9]              Nations Unies, Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, Déclaration et Programme d’action de Beijing, du 4 au 15 septembre 1995, paragr. 96.

[10]            Women Deliver, Focus on 5: Women’s Health and the MDGs [disponible en anglais seulement].

[11]            Pour plus de renseignements sur les progrès réalisés en vue de l’atteinte des ODD et les obstacles qui continuent de se poser, voir Nations Unies, Conseil économique et social, Point sur les objectifs de développement durable : Rapport du Secrétaire général, E/2022/55, 29 avril 2022; et Nations Unies, Conseil économique et social, « Statistical Annex: Global and regional data for Sustainable Development Goal indicators », Progress towards the Sustainable Development Goals: Report of the Secretary-General – Supplementary Information, E/2022/55. [disponible en anglais seulement].

[12]            Le taux de mortalité maternelle est utilisé pour quantifier « le risque de décès maternel par rapport au nombre de naissances vivantes ». Le terme « décès maternel » désigne « le décès d’une femme alors qu’elle est enceinte ou dans les 42 jours suivant l’interruption de la grossesse, peu importe le stade de la grossesse, pour toute cause liée ou aggravée par la grossesse ou sa prise en charge, à l’exclusion des causes non intentionnelles ou fortuites ». Voir : Trends in maternal mortality 2000 to 2020: Estimates by WHO, UNICEF, UNFPA, World Bank Group and UNDESA/Population Division, Organisation mondiale de la Santé, 2023, p. 7–8. [traduction].

[13]            Ibid., p. 30 [traduction].

[14]            Ibid.

[15]            Ibid., p. 36.

[16]            Ibid. [traduction].

[17]            Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, mémoire, 18 avril 2023.

[18]            Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, Développement durable, « 3 : Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge », et « 5 : Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles », Objectifs.

[19]            Organisation mondiale de la Santé, mémoire, 6 avril 2023.

[20]            Ibid.

[21]            Ibid.

[22]            FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1210 (Dre Natalia Kanem, directrice exécutive et sous-secrétaire générale des Nations Unies, Fonds des Nations Unies pour la population).

[23]            Ibid.

[24]            Ibid.

[26]            De 2010 à 2015, le gouvernement du Canada a consacré 1,75 milliard de dollars au titre des programmes existants et 1,1 milliard de dollars de nouveaux fonds à la mise en œuvre de l’Initiative de Muskoka. Voir : Affaires mondiales Canada, Évaluation formative de la contribution du Canada à l’Initiative sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants (SMNE), décembre 2015.

[27]            FAAE, Témoignages, 7 décembre 2022, 1735 (Peter MacDougall, sous-ministre adjoint, Enjeux Mondiaux et du développement, ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement).

[28]            FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1250 (Julia Anderson, directrice générale, Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants).

[29]            FAAE, Témoignages, 7 décembre 2022, 1735 (Peter MacDougall).

[30]            FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1115 (Joshua Tabah, directeur général, Santé et nutrition, ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement). Voir aussi : Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, Le Canada rehausse son engagement à l’égard de la santé et de la nutrition mondiales au-delà de 2020, 4 juin 2019.

[31]            FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1115 (Joshua Tabah).

[32]            FAAE, Témoignages, 7 décembre 2022, 1735 (Peter MacDougall).

[33]            FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1115 (Joshua Tabah).

[34]            Ibid., 1140.

[35]            FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1105 (Elizabeth Sully, chercheuse scientifique principale, Guttmacher Institute).

[36]            FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1210 (Kelly Bowden, directrice, Politique, Action Canada pour la santé et les droits sexuels).

[37]            Ibid.

[38]            Selon l’Organisation mondiale de la Santé, « il est essentiel de mettre l’accent sur la santé et les droits sexuels et reproductifs tout au long de leur vie, ainsi que sur la lutte contre la violence faite aux femmes et les pratiques néfastes (par exemple, le mariage d’enfants, le mariage précoce et forcé, les mutilations génitales féminines) pour promouvoir l’égalité des sexes, la santé et le bien-être des femmes, et réaliser les engagements pris dans le cadre des objectifs de développement durable ». Voir : Organisation mondiale de la Santé, mémoire, 6 avril 2023.

[39]            FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1115 (Joshua Tabah).

[40]            Ibid.

[41]            Selon le rapport de la Commission Guttmacher-Lancet, les critères sélectionnés pour les objectifs de développement durable font explicitement référence à certains aspects de la santé et des droits sexuels et reproductifs, mais ils ne répondent pas à l’ensemble des besoins des personnes à cet égard. Voir : Ann M. Starrs et coll. « Accelerate progress – sexual and reproductive health and rights for all: report of the Guttmacher–Lancet Commission », The Lancet, vol. 391, no 10140, 9 mai 2018 [traduction].

[42]            Ibid. [traduction].

[43]            Ibid.

[44]            FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1105 (Elizabeth Sully).

[45]            Ibid.

[46]            FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1215 (Julia Anderson).

[47]            Ibid.

[48]            FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1105 (Elizabeth Sully).

[49]            FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1215 (Julia Anderson).

[50]            FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1115 (Joshua Tabah).

[51]            Ibid., 1130.

[52]            FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1105 (Elizabeth Sully).

[53]            Ibid.

[54]            Ibid.

[55]            Ibid. Le 24 juin 2022, la Cour suprême des États-Unis a déterminé que la Constitution du pays ne garantit pas le droit à l’avortement et a laissé aux États le soin de décider de ce droit.

[56]            FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1105 (Elizabeth Sully).

[57]            Ibid.

[58]            Ibid.

[59]            FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1150 (Joshua Tabah).

[60]            Ibid.

[61]            Affaires mondiales Canada, réponses écrites à des questions, 18 mai 2023.

[62]            FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1125 (Lauren Ravon, directrice exécutive, Oxfam Canada).

[63]            Ibid.

[64]            FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1250 (Kelly Bowden).

[65]            Ibid., 1245.

[66]            Ibid.

[67]            Fédération internationale pour le planning familial, mémoire, 20 mars 2023.

[68]            Ibid.

[69]            FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1105 (Beth Woroniuk, vice-présidente, Politiques, Fonds Égalité).

[70]            Ibid.

[71]            FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1235 (Krystyna Kacpura, présidente, Foundation for Women and Family Planning).

[72]            Ibid.

[73]            Fédération internationale pour le planning familial, mémoire, 20 mars 2023.

[74]            Ibid.

[75]            Ibid.

[76]            Humanité et Inclusion Canada, mémoire, 28 avril 2023.

[77]            Ibid.

[78]            FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1210 (Dre Natalia Kanem).

[79]            Ibid.

[80]            FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1240 (Julia Anderson).

[81]            Ibid.

[82]            FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1210 (Kelly Bowden).

[83]            Ibid., 1225.

[84]            FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1215 (Alvaro Bermejo, directeur général, Fédération internationale pour le planning familial).

[85]            FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1225 (Kelly Bowden).

[86]            FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1200 (Elizabeth Sully).

[87]            Inter-Agency Working Group on Reproductive Health in Crises, IAWG: At a Glance, 11 août 2022.

[88]            Fonds des Nations Unies pour la population, Minimum Initial Service Package (MISP) for SRH in Crisis Situations, novembre 2020 [Traduction].

[89]            FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1240 (Julia Anderson).

[90]            FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1105 (Beth Woroniuk).

[91]            FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1130 (Lesia Vasylenko, députée, Parlement de l’Ukraine ou Verkhovna Rada).

[92]            Ibid.

[93]            Ibid., 1150.

[94]            Ibid.

[95]            Ibid., 1130.

[96]            FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1210 (Elizabeth Sully).

[97]            Ibid.

[98]            FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1225 (Dre Diane Francoeur, directrice générale, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada).

[99]            FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1235 (Jocelynn Cook, directrice des affaires scientifiques, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada).

[100]          Organisation mondiale de la Santé, mémoire, 6 avril 2023.

[101]          Ibid.

[102]          FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1115 (Joshua Tabah).

[103]          Ibid., 1140.

[104]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1115 (Béatrice Vaugrante, directrice générale, Oxfam-Québec, Oxfam Canada).

[105]          FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1215 (Julia Anderson).

[107]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1140 (Lauren Ravon).

[108]          FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1230 (Kelly Bowden).

[110]          FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1235 (Kelly Bowden).

[111]          FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1120 (Joshua Tabah).

[112]          Ibid.

[113]          Ibid.

[114]          Ibid., 1155.

[115]          Fédération internationale pour le planning familial, mémoire, 20 mars 2023.

[116]          FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1145 (L’hon. Lucy Akello, députée, Parlement de la République d’Ouganda).

[117]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1245 (Dre Natalia Kanem).

[118]          Ibid., 1250.

[119]          Ibid.

[120]          Marie Stopes International Reproductive Choices, mémoire, 11 avril 2023.

[121]          Ibid.

[122]          Ibid.

[123]          FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1245 (Kelly Bowden).

[124]          FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1125 (Joshua Tabah). Avant le début de la présente étude, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a informé le Comité que les adolescentes et les jeunes femmes d’Afrique subsaharienne (âgées de 15 à 24 ans) sont « deux fois plus susceptibles de contracter le VIH que leurs homologues masculins ». Près de 900 nouveaux cas d’infection sont recensés chaque semaine parmi ce groupe de population. Voir : FAAE, Témoignages, 16 mai 2022, 1120 et 1140 (Françoise Vanni, directrice, Relations extérieures et communications, Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme).

[125]          FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1135 (Joshua Tabah).

[126]          Le Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants, mémoire, 28 avril 2023.

[127]          Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, mémoire, 18 avril 2023.

[128]          Ibid.

[129]          Ibid.

[130]          Le Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants, mémoire, 28 avril 2023.

[131]          FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1135 (Joshua Tabah).

[132]          FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1200 (Elizabeth Sully).

[133]          Ibid.

[134]          Ibid.

[135]          FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1105 (Elizabeth Sully); FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1300 (Julie Théroux‑Séguin, leader thématique principale, Droits des femmes et des filles, Centre d’étude et de coopération internationale); et FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1105 (Beth Woroniuk).

[136]          FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1245 (Julia Anderson).

[137]          Organisation mondiale de la Santé, mémoire, 6 avril 2023.

[138]          Nkechi Asogwa, mémoire, 6 avril 2023.

[139]          FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1300 (Krystyna Kacpura).

[140]          Ibid.

[141]          Ibid.

[142]          Ibid., 1320.

[143]          Ibid.

[144]          FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1205 (Elizabeth Sully).

[145]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1155 (Lauren Ravon).

[146]          Ibid., 1130.

[147]          Ibid.

[148]          FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1235 (Kelly Bowden).

[149]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1130 (Lauren Ravon).

[150]          FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1240 (Julie Théroux-Séguin).

[151]          Organisation mondiale de la Santé, mémoire, 6 avril 2023. Voir aussi : Organisation mondiale de la Santé, Programme de santé reproductive, Lignes directrices sur les soins liés à l’avortement, 2022.

[152]          FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1140 (L’hon. Lucy Akello).

[153]          Ibid.

[154]          FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1250 (Theresa Okafor).

[155]          Ibid.

[156]          FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1205 (Dre Nkechi Asogwa, à titre personnel).

[157]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1105 (Maria Cristina Rodriguez Garcia, conseillère de recherche, Récits politiques et affaires féminines, Association nationale civique des femmes).

[158]          Ibid., 1145.

[159]          Ibid., 1110.

[160]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1150 (Lauren Ravon).

[161]          Ibid.

[162]          Ibid.

[163]          Aux termes de l’alinéa 14(2)c) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo), les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées pour « protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou de la vie de la mère ou du fœtus ».

[164]          FAAE, Témoignages, 7 mars 2023, 1205 (Elizabeth Sully).

[165]          Ibid.

[166]          Ibid.

[167]          Ibid.

[168]          Ibid.

[169]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1130 (Lauren Ravon).

[170]          Ibid.

[171]          FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1120 (Joshua Tabah).

[172]          Ibid.

[173]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1150 (Lauren Ravon).

[174]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1230 (Dre Natalia Kanem).

[175]          Ibid.

[176]          Marie Stopes International Reproductive Choices, mémoire, 11 avril 2023; Fédération internationale pour le planning familial, mémoire, 20 mars 2023.

[177]          FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1245 (Mohini Datta-Ray, directrice générale, Planned Parenthood Toronto).

[178]          Ibid.

[179]          FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1105 (Beth Woroniuk).

[180]          Ibid. Affaires mondiales Canada a indiqué qu’environ 30 % des 489 millions de dollars affectés à la santé et aux droits sexuels et reproductifs en 2020–2021 sont allés à des organisations de la société civile, mais les fonctionnaires n’avaient pas « de données désagrégées pour savoir s’il s’agissait d’organismes de la société civile internationaux, locaux ou canadiens »; il n’a pas pu préciser non plus s’il s’agissait d’organisations vouées à la défense des droits des femmes. Voir : FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1145 (Joshua Tabah).

[181]          FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1220 (Julia Anderson).

[182]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1130 (Lauren Ravon).

[183]          FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1240 (Kelly Bowden).

[184]          Ibid.

[185]          Ibid., 1210.

[186]          Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants, mémoire, 28 avril 2023; and FAAE, Témoignages, 16 février 2023, 1210 (Kelly Bowden).

[187]          FAAE, Témoignages, 21 mars 2023, 1105 (Beth Woroniuk).

[188]          Ibid., 1120.

[189]          Ibid.

[190]          FAAE, Témoignages, 9 mars 2023, 1210 (Dre Natalia Kanem).