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FOPO Rapport du Comité

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Atténuer les dommages aux stocks de poissons canadiens causés par la pêche illégale, non déclarée et non réglementée

 

Introduction

Le 1er janvier 2022, le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes (le Comité) a adopté la motion suivante :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude examinant la portée et les effets de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) sur les ressources halieutiques du Canada et la dégradation de ces ressources causée par la pêche illégale, non déclarée et non réglementée; que le Comité entende les témoignages du ministre des Pêches et des Océans, du ministre de la Défense nationale, de fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans et du ministère de la Défense nationale et des Canadiens touchés par la pêche INN; que le Comité accorde pas moins de huit séances de deux heures pour recevoir ledit témoignage; que le Comité accepte également les mémoires écrits d’individus ou d’organisations qui souhaitent soumettre des commentaires; que le Comité présente ses conclusions accompagnées de recommandations dans un rapport à la Chambre; et que la motion est sous réserve des droits autochtones et issus des traités[1].

Entre le 21 novembre 2023 et le 1er février 2024, le Comité a entendu 33 témoins, dont des porte-parole d’organisations de pêcheurs, des membres de Premières Nations, des universitaires et chercheurs, des représentants d’organisations non gouvernementales ainsi que des fonctionnaires de Pêches et Océans Canada (MPO) et de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Des témoignages pertinents tirés de l’étude « Mesures visant à prévenir la violence au cours de la saison de pêche à la civelle de 2024[2] » que le Comité a menée sont également inclus dans le présent rapport.

Le rapport présente d’abord une définition de la pêche INN et une explication des circonstances entourant cette pêche en eaux internationales et les mesures prises par le gouvernement du Canada pour la contrecarrer. Ensuite, sont expliquées les conséquences de la pêche INN dans les eaux canadiennes pour la conservation et les localités côtières. Le rapport donne ensuite une description des mesures nationales prises pour contrecarrer cette pêche, ainsi que des embûches rattachées à leur application. Enfin, il aborde la mise en œuvre des droits aux droits ancestraux et issus de traités des Premières Nations en matière de pêche.

Pêche illégale, non déclarée et non réglementée : une définition

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (la FAO), la pêche INN est

un terme général qui englobe une grande variété d’activités liées à la pêche. La pêche [INN] est présente dans tous les types de pêche et a plusieurs dimensions; elle a lieu à la fois en haute mer et dans les zones relevant de la juridiction nationale. Elle concerne tous les aspects et toutes les étapes de la capture et de l’utilisation du poisson, et elle peut parfois être associée au crime organisé[3].

S’entend par pêche illégale toute activité :

  • menée par des navires nationaux ou étrangers dans les eaux relevant de la juridiction d’un État, sans la permission de cet État, ou en contravention de ses lois et règlements;
  • menée par des navires battant pavillon des États parties à une organisation régionale de gestion des pêches compétente mais qui contreviennent aux mesures de conservation et de gestion adoptées par cette organisation et par laquelle les États sont liés, ou aux dispositions pertinentes du droit international applicable;
  • pratiquée en violation des lois nationales ou des obligations internationales, y compris celles contractées par les États coopérant avec une organisation régionale de gestion des pêches compétente[4].

S’entend par pêche non déclarée toute activité :

  • qui n’a pas été déclarée ou a été déclarée de manière erronée à l’autorité nationale compétente, en violation des lois et règlements nationaux;
  • est menée dans la zone de compétence d’une organisation régionale de gestion des pêches pertinente qui n’a pas été signalée ou a été déclarée de manière erronée, en violation des procédures de notification de cette organisation[5].

S’entend par pêche non réglementée toute activité exercée :

  • dans la zone d’application d’une organisation régionale de gestion des pêches compétente qui est menée par des navires sans nationalité, ou par ceux qui battent pavillon d’un État non partie à cette organisation, ou par une entité de pêche, d’une manière qui n’est pas compatible avec les mesures de conservation et de gestion de cette organisation ou qui contrevient à ces mesures;
  • dans les zones ou pour les stocks de poissons pour lesquels il n’existe pas de mesures de conservation ou de gestion applicables et où ces activités de pêche sont incompatibles avec les responsabilités de l’État en matière de conservation des ressources marines vivantes dans le droit international[6].

Répondant à une question, Jamie Fox, ancien ministre des Pêches et des Communautés du gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard comparaissant à titre personnel, a fait observer que la détection de la pêche INN est du ressort fédéral : « Les frontières provinciales, la compétence provinciale et l’autorité provinciale ne s’appliquent qu’à partir du moment du débarquement à quai. Tout ce qui se trouve du côté de l’eau, à l’extérieur du bateau, relève entièrement du ministère des Pêches et des Océans et du ministre[7]. »

La FAO explique pourquoi la pêche INN est fort préoccupante :

La pêche [INN] entrave les efforts nationaux et régionaux de conservation et de gestion des stocks de poissons et, par conséquent, freine les progrès vers la réalisation des objectifs de durabilité et de responsabilité à long terme. De plus, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée désavantage grandement les pêcheurs qui agissent de manière responsable, honnête et conforme aux termes de leurs autorisations de pêche. Si les pêcheurs [INN] ciblent les stocks vulnérables soumis à des contrôles de gestion stricts ou des moratoires, les efforts pour reconstituer ces stocks à des niveaux durables ne seront pas atteints, menaçant la biodiversité marine, la sécurité alimentaire des communautés qui dépendent des ressources halieutiques pour les protéines et les moyens de subsistance dans le secteur[8].

Le Comité a entendu de nombreux témoins se prononcer sur les conséquences de la pêche INN dans les eaux internationales. Adam Burns, sous-ministre adjoint du Secteur des programmes du MPO, a expliqué le danger que représente la pêche INN pour les ressources marines du monde :

[La pêche INN] peut avoir de nombreuses répercussions sur les Canadiennes et Canadiens, notamment la possibilité d’intercepter directement des espèces migratrices, comme le saumon et le thon, et le commerce des produits de la mer pêchés de façon non réglementée peut nuire au secteur légitime des produits de la mer. La pêche INN peut également avoir des effets néfastes sur les écosystèmes marins et sur la sécurité économique et alimentaire des pays en développement et des collectivités côtières vulnérables qui dépendent de la pêche à petite échelle pour leur survie.
Nous savons que la pêche INN peut être liée aux réseaux mondiaux du crime organisé, et qu’elle est souvent associée au travail forcé et aux mauvais traitements infligés aux équipages[9].

En ce qui a trait au crime organisé, Mark Young, directeur général du International Monitoring, Control, and Surveillance (IMCS) Network, a indiqué que l’intérêt des organisations criminelles dans la pêche INN réside entre autres dans la valeur des prises :

[L]es revenus qu’on peut en tirer sont assurément un élément. Un thon, par exemple, peut se vendre des milliers de dollars.
Dans le cas du crime organisé, les navires de pêche peuvent aussi être utilisés pour faire du trafic d’armes ou de drogues. Habituellement, lorsque des navires de pêche servent aussi à cette fin, les capitaines ou les propriétaires de ces navires ne respectent pas systématiquement les règles et la réglementation des pêches[10].

De manière plus générale, Mark Young a également expliqué que, comme « trois milliards de personnes dans le monde dépendent du poisson pour se nourrir, les pratiques de pêche INN menacent la sécurité et la durabilité alimentaires et minent les efforts visant à réduire la faim et la malnutrition dans le monde, surtout dans les pays en développement[11] ».

Morley Knight, consultant en gestion de la pêche qui a comparu à titre personnel, a donné des explications sur la pêche illégale au Canada. La pêche illégale se produit de deux façons dans le secteur commercial :

[P]remièrement, tricher sur les quotas ou les allocations d’entreprise et débarquer plus de poissons que ce que le permis autorise. Cela est fréquent dans les pêcheries de grande valeur telles que le crabe et le flétan. Deuxièmement, éviter l’imposition, ce qui se produit dans les pêcheries de grande valeur comme celle du homard. Bien qu’il n’y ait pas de quotas à respecter, il y a une forte incitation à ne pas déclarer toutes les prises et à éviter d’être imposé sur le revenu.

Les personnes qui n’ont pas de permis de pêche peuvent aussi pêcher illégalement :

Parfois elles le font illégalement pour vendre le poisson, comme du saumon, ou pour se nourrir. Dans certains cas, des personnes qui n’ont pas besoin de nourriture veulent juste, par exemple, braconner du saumon. Peut-être qu’elles le font simplement pour le plaisir[12].

Bon nombre de témoins de la présente étude ont employé le terme « pêche illégale » au sens large, de manière parfois à englober la pêche récréative non autorisée et la pêche pratiquée par les membres et groupes des Premières Nations invoquant leur droit de pêche ancestral et issu des traités.

Pêche illégale, non déclarée et non réglementée dans les eaux internationales

Chaque pays possède une zone économique exclusive dont la limite se trouve à 200 milles marins de sa côte. La pêche INN est souvent exercée dans les eaux internationales bien loin des autres navires ou des yeux inquisiteurs. La surveillance exercée depuis la mer, l’air et l’espace figure parmi les activités de conformité et d’application de la loi que le Canada mène dans les eaux internationales afin de faire respecter la loi[13].

Le Comité a appris que la pêche INN représente entre 20 et 30 % des produits de la mer pêchés dans le monde, ce qui correspond à au plus 23,5 milliards de dollars américains tous les ans[14]. Selon une étude commandée par Oceana Canada, « les Canadiens dépensent jusqu’à 160 millions de dollars par an en produits de la mer importés issus de la pêche INN, y compris des produits de la mer éventuellement récoltés au moyen de travail forcé[15] ». Le Comité a également été avisé que les flottes de haute mer pratiquant la pêche INN battent surtout pavillon chinois, taïwanais, sud-coréen et thaïlandais en ce qui concerne les importations au Canada[16]. Ian Urbina, directeur du Outlaw Ocean Project, a décrit les divers types de pêche INN exercée par la flotte chinoise : certains navires contreviennent aux lois chinoises et autres règlements, car ils éteignent pendant des semaines, voire des mois, le transpondeur qui les localise. Il y a aussi des navires qui font des incursions dans des eaux pour lesquelles ils n’ont aucun permis ni autorisation, tandis que d’autres se servent d’engins prohibés. M. Urbina a ajouté qu’on a recensé également des cas de traite de personnes et de graves violations des droits de la personne à bord de ces navires[17].

Adam Burns a indiqué au Comité que « [l]e Canada joue un rôle actif dans la lutte mondiale contre la pêche INN. Nous menons cette lutte dans le cadre de trois grandes approches : rendre les règles internationales plus efficaces, faire respecter ces règles et établir des partenariats pour résoudre le problème de manière concrète[18]. » Mark Young et lui ont qualifié le Canada de figure de proue dans cette lutte mondiale[19].

Coopération internationale

Les stratégies internationales de nature collaborative sur les problèmes transfrontaliers revêtent une importance particulière pour les stocks des grands migrateurs comme le maquereau, le calmar, le saumon et la thonine à ventre rayé. Selon Morley Knight, les pays abritant les espèces de grands migrateurs doivent recourir à la coopération internationale pour bien gérer les grands stocks de ces espèces : « Si un pays s’empare de tous ces poissons lorsqu’ils se trouvent dans ses eaux territoriales, les stocks s’effondreront[20]. » Ainsi, les organisations régionales de gestion des pêches s’avèrent utiles pour faire respecter la réglementation[21]. Adam Burns a fait le survol de l’utilité de ces organisations et la fonction du Canada au sein de plusieurs d’entre elles :

Le Canada joue un rôle de chef de file au sein de sept organisations régionales de gestion des pêches, ou ORGP, qui gèrent en collaboration les ressources halieutiques dans des zones précises en haute mer. Il s’agit notamment du travail essentiel de renforcement, de suivi, de contrôle et de surveillance. Par l’entremise de ces organisations, le Canada a dirigé la mise en œuvre de nouvelles mesures clés dans ces ORGP, notamment l’introduction de pouvoirs d’inspection en haute mer, une surveillance accrue du transbordement du poisson en mer et l’interdiction de l’enlèvement des nageoires de requin et de la pollution plastique[22].

Il a été indiqué au Comité que l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (l’Accord) représente un autre moyen de combattre la pêche INN à l’échelle internationale[23]. De l’avis de Mark Young, l’Accord est un important traité international qui gagnera en efficacité à mesure que d’autres pays y adhéreront. Parmi les obligations qu’il impose, notons « celle de communiquer l’information et les données recueillies lors des inspections menées dans un port, en particulier lorsque le navire présente un risque d’activités de pêche illicite, non déclarée et non réglementée. L’accord donne l’occasion à un pays de communiquer avec l’État du pavillon concerné[24]. » Morley Knight a convenu que l’Accord contribue à renforcer la surveillance et le suivi des activités illégales. L’Accord n’a pas beaucoup changé la donne pour les navires étrangers qui débarquent au Canada; mais « [s]i des navires pêchent à proximité du Canada, mais en dehors de notre limite de 200 milles, nous pouvons demander, quel que soit l’endroit où le navire débarque, qu’il soit inspecté conformément aux mesures » de l’Accord[25].

Morley Knight a avancé que la pêche INN connaît en ce moment un recul dans les zones en haute mer, en particulier sur la côte Est, comparativement aux années 1990, à savoir avant l’entrée en vigueur de mesures plus vigoureuses visant à la dissuader et à y mettre fin. Reconnaissant le besoin permanent de surveiller, il a fait la comparaison suivante : « [L]es pêcheurs ne font plus de captures et de faux rapports à la pelle; ils le font à la petite cuillère[26]. »

Adam Burns a décrit la coopération entre le Canada et d’autres pays dans la lutte contre la pêche INN. Il a par ailleurs noté que, s’inscrivant dans la Stratégie pour l’Indo-pacifique[27], le Fonds commun pour les océans

investira 84 millions de dollars sur cinq ans dans la région indo-pacifique en augmentant la coopération maritime, en soutenant un environnement marin sain et en faisant la promotion de mesures contre la pêche INN. Ce fonds permettra d’établir des partenariats avec des organisations non gouvernementales de calibre mondial qui peuvent aider à surmonter les défis complexes que pose la pêche INN[28].

Dans le cadre du Fonds commun pour les océans, le Canada a injecté des fonds dans la Joint Analytical Cell, « un groupe d’organisations non gouvernementales qui travailleront ensemble pour fournir des renseignements de grande qualité sur les pêches, l’analyse des données et le soutien des capacités aux côtés des autorités des pays en développement[29] ».

Surveillance par satellite

Des témoins ont renseigné le Comité sur diverses applications des technologies satellitaires pour détecter la pêche INN. Ian Urbina a décrit la non-détection par le système d’identification automatique (SIA) qui se produit lorsque les « navires deviennent invisibles ou “sombres” en éteignant leurs transpondeurs pendant de longues périodes — souvent des semaines et des mois[30] ». Minda Suchan, vice-présidente de la Division du renseignement géospatial de MDA, a donné des détails sur les technologies satellitaires de RADARSAT-2, utilisées pour surveiller les pêches depuis plus d’une quinzaine d’années :

En partenariat avec le ministère des Pêches et des Océans du Canada et Affaires mondiales Canada, nous utilisons notre technologie satellitaire pour détecter les navires pratiquant la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.
Les satellites radar peuvent saisir des images de la Terre de jour comme de nuit, quelles que soient les conditions météorologiques, ce qui nous donne une vision complète de ce qui se passe à la surface des océans. En combinant l’imagerie satellitaire radar avec nos analyses maritimes, nous sommes en mesure de repérer et de suivre les navires de pêche qui ont éteint leurs dispositifs de transmission de localisation pour tenter d’échapper au contrôle et à la surveillance[31].

Le Programme de détection des navires sombres du MPO dispose d’un « système de surveillance par satellite à la fine pointe de la technologie pour aider les États en développement vulnérables à détecter et à suivre les navires de pêche potentiellement INN[32] ». Des analystes des Philippines et de l’Équateur y ont d’ailleurs été formés[33]. Le Programme de détection des navires sombres a également été mis en place de manière à appuyer 15 États insulaires du Pacifique[34].

Mark Young a fait une mise en garde en ce sens que la « technologie peut aider à faire la lumière sur les activités des navires et à rendre leur suivi plus efficace ». Or, cela n’est guère utile s’il est impossible « d’intégrer ces technologies à d’autres renseignements sur les pêches et de faire analyser efficacement les extrants par des agents des pêches compétents et bien formés[35] ».

Patrouilles en mer

Adam Burns et Morley Knight ont confirmé que la présence de navires, les patrouilles en mer et les opérations d’inspection à proximité de la limite de 200 milles ont un effet dissuasif et qu’elles forment un volet important d’un programme de conformité efficace[36]. À l’été 2023, le Canada « a renforcé sa surveillance des eaux internationales en effectuant ses premières opérations d’inspection en haute mer dans le Pacifique Nord, en patrouillant plus de 12 000 milles marins et en détectant 58 infractions aux accords internationaux, notamment plus de 3 000 ailerons de requin récoltés illégalement[37] ». Adam Burns a affirmé au Comité que le Canada collabore étroitement avec ses partenaires, notamment les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud[38]. Minda Suchan a déclaré que l’arraisonnement de navires identifiés par la technologie radar a permis de confirmer des activités de pêche INN et d’y mettre fin[39].

Marc Mes, directeur de la Flotte et des services maritimes de la Garde côtière canadienne (GCC), a expliqué pourquoi le nombre de patrouilles effectuées par la GCC a diminué dans la zone réglementée par l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest dans la région du Canada atlantique au cours des deux dernières années. C’est « principalement en raison » du fait que les navires de la GCC sont dans une période de prolongation du cycle de vie utile en prévision de l’arrivée de nouveaux bâtiments. M. Mes a ajouté que les patrouilles reprendront aux niveaux habituels d’ici environ un an[40].

Travail forcé

Le Comité a été mis au courant du travail forcé et les violations des droits de la personne à bord des navires de pêche[41]. Le centre national de ciblage, chapeauté par l’ASFC, « applique des cibles conçues à partir de situations hypothétiques, d’algorithmes, de renseignements, de résultats de recherche en libre accès choisis » afin d’assurer la sécurité des frontières canadiennes[42]. Le centre national de ciblage mène des évaluations des risques des équipages, des navires et des marchandises entrant dans un port canadien. Un navire étranger qui entre dans un port canadien s’expose à une inspection et à la vérification du statut des travailleurs à son bord[43]. L’ASFC s’assure que « seuls les ressortissants étrangers, les Canadiens, les résidents permanents et les travailleurs temporaires qui travaillent légalement sont employés dans une entreprise de pêche[44] ». Lorsqu’elle mène des évaluations des risques pour des navires commerciaux qui emploient des travailleurs étrangers, elle doit souvent vérifier que ces travailleurs « détiennent les documents nécessaires et que les employeurs les emploient légalement[45] ».

Le travail forcé peut aussi se trouver dans un autre maillon de la chaîne d’approvisionnement des pêches, à savoir dans les usines de transformation. Ian Urbina a souligné le recours au travail forcé parrainé par la Corée du Nord ou encore à la main-d’œuvre forcée ouïghoure du Xinjiang dans les usines de transformation des produits de la mer en Chine[46]. Puisque de grandes quantités de poisson récoltées ici et à l’étranger sont envoyées en Chine aux fins de transformation, les produits de la mer issus du travail forcé atterrissent dans l’assiette des Canadiens[47]. Les entreprises qui vendent les produits de la mer transformés en Chine sur le marché canadien ferment peut-être les yeux sur la possibilité du travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement chinoise pour profiter des faibles prix[48].

Kimberley Elmslie, directrice de campagne pour Oceana Canada, a insisté sur la nécessité d’« [a]dopter d’urgence un projet de loi visant directement à éliminer le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement mondiales du Canada, y compris dans le secteur des produits de la mer[49] ». Une fois combiné avec certaines recommandations qu’elle a proposées, le projet de loi créerait des garde-fous « de sorte que les Canadiens qui achètent des produits de la mer ne contribuent pas sans le savoir au travail forcé ou à d’autres violations des droits de la personne[50] ». Pour sa part, Ian Urbina a laissé entendre que les acteurs au sein du gouvernement et de l’industrie devront mettre fin aux principales préoccupations liées « aux contrôles des importations, à la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement et à la volonté des entreprises, qu’elles soient canadiennes, américaines ou autres, de savoir si elles peuvent réellement contrôler les conditions à bord des navires ou dans les usines de transformation[51] ». Il est d’avis que le manque de volonté politique ou d’expérience dans l’application des lois sur les contrôles des importations freine les efforts déployés pour « empêcher l’importation de certains produits de la mer liés à la pêche INN ou aux droits de la personne [auxquels on contrevient][52] ».

Recommandation 1

Que le gouvernement adopte sans tarder un projet de loi visant directement à éliminer le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement mondiales du Canada, notamment dans le secteur des produits de la mer.

Comme Ian Urbina l’a laissé entendre, si les discussions sur la pêche INN ne tiennent pas compte des préoccupations liées à l’« esclavage de mer » et aux droits de la personne dans le réseau d’usines de transformation, il faudra s’y prendre à deux fois pour régler le même problème. Le témoin a ajouté que si « nous avons une méthode bifurquée et cloisonnée de lutte contre la pêche INN qui n’inclut pas les conditions humaines, ces mêmes préoccupations au sein de la chaîne d’approvisionnement des produits de la mer vont réapparaître sous une autre forme ». Il a invité le Comité à envisager l’ajout des conditions humaines dans la définition de pêche INN[53].

Recommandation 2

Que le gouvernement veille à ce que toutes les définitions de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée employées à des fins de nature administrative et d’élaboration de politiques englobent les produits de la mer récoltés ou transformés au moyen de pratiques de travail illégales, dont le travail forcé.

Traçabilité et contrôles des importations

L’ASFC s’emploie à ce que « seuls les produits légaux et légalement déclarés ou pêchés puissent entrer au Canada[54] ». Daniel Anson, directeur général du Renseignement et des enquêtes de l’ASFC, a décrit une partie de la formation sur la pêche INN donnée aux agents des services frontaliers. La formation comprend entre autres un cours de fouille par lequel les agents acquièrent des connaissances sur « des navires, de leurs différents modèles, des méthodes de dissimulation ordinaire et profonde », notamment les endroits où il serait possible de cacher des produits de contrebande ou des produits récoltés ou pêchés illégalement[55]. Outre cette formation, l’ASFC publie des bulletins opérationnels afin de tenir « les agents de première ligne au courant de l’évolution des différentes menaces et tendances, même si elles sont liées à des enjeux économiques[56] ». Pour ce qui est des produits issus de la pêche INN, le bulletin indiquerait également une description du produit en tant que tel et la manière de l’identifier[57].

Kimberly Elmslie a insisté sur l’importance d’un « système de traçabilité [,] du bateau à la table pour tous les produits de la mer vendus et pêchés au Canada[58] ». Puisque la « chaîne d’approvisionnement du Canada en produits de la mer reste opaque et [que] les normes de traçabilité sont insuffisantes », Mme Elmslie a donné les explications suivantes :

Lorsque du poisson provenant de sources illégales, non réglementées et non déclarées entre dans la chaîne d’approvisionnement canadienne, il compromet notre sécurité alimentaire, trompe les consommateurs et l’industrie de la pêche canadienne, contrecarre les efforts visant à mettre fin à la surpêche et contribue à la violation des droits de la personne.
Au Canada, le manque de traçabilité dans les chaînes d’approvisionnement en produits de la mer permet au poisson provenant de sources illégales, non déclarées et non réglementées d’entrer sur notre marché. Sans traçabilité, une espèce de poisson menacée, capturée par le travail forcé sur un navire pêchant illégalement, peut se retrouver sur les étals des épiceries canadiennes sans que les consommateurs connaissent la vérité sur son origine[59].

En plus de contrecarrer la pêche INN et le recours au travail forcé, une traçabilité renforcée donnerait lieu à moins d’étiquetage trompeur des produits de la mer. Le Comité a appris que, des échantillons de produits de la mer qu’Oceana Canada a prélevés dans des épiceries et restaurants pour effectuer des tests ADN au printemps 2021, 46 % étaient mal étiquetés. L’étiquetage trompeur peut occasionner la consommation involontaire d’espèces en danger ou d’espèces provoquant des effets néfastes sur la santé[60].

Recommandation 3

Que Pêches et Océans Canada mette en œuvre sans tarder un programme de traçabilité du bateau à la table pour tous les produits de la mer afin de donner suite à la promesse inscrite dans la lettre de mandat de la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne en 2019 ainsi qu’aux recommandations du présent Comité formulées dans son rapport de 2022, Traçabilité et étiquetage du poisson et des produits de la mer.

Répercussions de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée au Canada

Biodiversité et conservation

Parmi les raisons de lutter contre la pêche INN, notons les effets sur les stocks de certaines espèces de poisson, qui se répercutent sur l’environnement en général. Concernant les effets de la pêche INN sur la conservation des espèces, plusieurs témoins ont exprimé des préoccupations particulières quant à la pêche du homard et du saumon du Pacifique. Colin Sproul, président de l’Unified Fisheries Conservation Alliance, a déclaré au Comité que la « conservation doit passer avant l’idéologie et la politique ». Au sujet du homard en particulier, le Comité a été avisé de ce qui suit :

[I]l est important de souligner, non pas tant la quantité de homard, mais l’endroit où les pêches sont menées. Ce sont des frayères très importantes, peu profondes et chaudes où l’on n’a jamais pêché, selon une règle imposée par les pêcheurs de homard, depuis plus de 100 ans, parce que nous avons compris l’importance de ces endroits.
Nous croyons que l’effet cumulatif n’est pas seulement lié au homard qui arrive à terre, mais aussi aux dommages causés aux femelles reproductrices lorsqu’elles sont à un stade si vulnérable de leur mue en été[61].

Ian MacPherson, directeur général de la Prince Edward Island Fishermen’s Association, a expliqué que :

[C]ertaines espèces, comme le hareng et le crabe commun, constituent le fondement indispensable de nos pêches dans l’est du Canada. L’effondrement de ces pêches entraînerait essentiellement celui de nombreuses autres pêches dont la survie dépend de ces stocks et de la place importante qu’ils occupent dans l’écosystème. Toute activité illégale entourant ces deux pêches doit être traitée avec une rigueur accrue[62].

Jesse Zeman, directeur général de la B.C. Wildlife Federation, a affirmé que les prévisions sur la montaison en 2023 des stocks de Thompson et de Chilcotin, deux bons indicateurs pour la truite arc-en-ciel du Fraser intérieur, les placent « en plein dans la zone extrêmement préoccupante sur le plan de la conservation[63] ». Il a poursuivi en disant qu’en août 2021, des agents des pêches ont saisi dans le cours moyen du Fraser deux truites arc-en-ciel, fort probablement du stock de Chilcotin, dont le nombre de reproducteurs était estimé à 19 à ce moment. À cause de la pêche INN, « des agents des pêches ont notamment relevé un incident où 10 % de la montaison a été tuée[64] ».

Jesse Zeman a également abordé les effets des stocks de poisson en déclin sur l’environnement en général :

[N]ous sommes tous interreliés. Nous devons prendre soin de cette ressource si nous voulons des arbres anciens. Si nous voulons soutenir les grizzlis ici en Colombie-Britannique, nous aurons besoin de saumons dans nos rivières. Encore une fois, en l’absence d’organisme de contrôle de la conformité et de protection bien financé et bien doté en personnel, nous ne savons pas vraiment combien nous en perdons. Il y a des cas où des gens sont arrêtés, sont mis à l’amende ou se retrouvent devant les tribunaux, mais je pense que nous ne faisons que gratter la surface en ce qui concerne la pêche illégale, la pêche non déclarée et la pêche non réglementée. C’est une inconnue, on dirait[65].

Lorsqu’on lui a demandé si le MPO tenait compte de la quantité estimée de pêche INN dans son calcul du total autorisé des captures, Adam Burns a indiqué au Comité que les « conseils scientifiques [du MPO] tiennent compte du plus d’information possible et comprennent souvent des estimations des prises non déclarées[66] ». Dans sa réponse complémentaire envoyée au Comité, le MPO a donné de plus amples explications :

Il est possible de prendre en compte directement ou indirectement les prises non déclarées, selon la méthodologie d’évaluation des stocks utilisée.
La prise en compte directe a lieu dans certains modèles qui précisent les « limites de prises » desquelles le modèle se sert pour l’estimation des taux réels de prises, en fonction des renseignements que nous avons tirés du relevé, de la mortalité naturelle, de la croissance et du recrutement au sein du stock.
La prise en compte indirecte survient dans les évaluations de stocks où la prise sous-estimée est attribuée à la mortalité naturelle ou à une faible productivité (p. ex. taux de croissance et de reproduction plus faibles), ce qui ajoute de l’incertitude par rapport à l’évaluation du stock. Cette information fait partie de l’avis des sciences sur lequel on appuie la décision relative au TAC.
Pour les stocks qui sont évalués et gérés dans ce qu’on appelle une « évaluation de la stratégie de gestion », les dépassements peuvent être estimés et pris en compte. Dans de tels cas, il est possible de tester les règles de contrôle des prises selon des hypothèses de dépassements fixes (par exemple un dépassement des prises 10 % plus élevé) pour garantir une stratégie de pêche durable même si on sous-estime les prises.
Les gestionnaires peuvent également prendre directement en compte les prises sous-estimées à l’étape de la prise de décision en « excluant » la quantité de poissons du TAC officiel[67].

Le Comité a aussi été mis au courant de l’importance d’un financement à long terme des programmes qui favorisent le saumon :

Au Canada, nous avons besoin d’un financement à long terme pour la gestion de notre saumon. À l’heure actuelle, nous n’en avons pas. Le saumon, très franchement, ne respecte pas de cycle quadriennal comme notre processus électoral. Lorsque les temps sont durs, la première victime des compressions de dépenses est l’environnement. Lorsque tout va bien, la dernière chose qui obtient du financement, c’est l’environnement. Le Canada doit vraiment se donner un modèle de financement durable et à long terme qui soit consacré à la gestion du poisson, de la faune et de l’habitat. Autrement, je pense que la situation va continuer de se détériorer[68].

Il a été rappelé au Comité que les changements climatiques nuisent aux espèces marines et aux stocks de poissons[69]. Ian MacPherson et Jamie Fox ont tous deux préconisé de faire évoluer les activités de surveillance et d’application de la loi en fonction des changements à la répartition des stocks de poissons causés par les changements climatiques[70].

Colin Sproul a indiqué au Comité que l’industrie de la pêche s’est mise à établir le lien de causalité entre le déclin du homard et la pêche de celui-ci hors-saison et les dommages causés aux stocks de reproducteurs[71]. D’autre part, Murray Ned-Kwilosintun, directeur général de la Lower Fraser Fisheries Alliance, a souligné qu’« [i]l était assez difficile de protéger et de conserver le saumon » surtout à cause de « procédés et de structures axés sur les prises et les aspects socioéconomiques[72] ». Il y a bel et bien un lien entre la conservation d’une ressource et les effets sur la culture. « Quand le saumon disparaît, notre culture et notre identité disparaissent aussi[73] », comme l’a indiqué Murray Ned‑Kwilosintun.

Enfin, Greg Witzky, directeur général du Fraser Salmon Management Council, a insisté sur l’importance du savoir autochtone pour la gestion des pêches :

Les Autochtones ont su quoi faire pendant plus de 10 000 ans, depuis des temps immémoriaux. La science occidentale nous a menés, en 150 ans à peine, au bord de l’extinction et de la disparition dans bien des secteurs. Il faut donner aux Autochtones la chance légitime de reconstituer cette ressource. Soit dit en passant, les poissons sont résilients et le rétablissement des stocks est possible si nous mettons toutes les chances de leur côté. Les peuples autochtones portent en leur âme d’agir pour reconstituer les stocks de saumon. Il suffit de travailler main dans la main[74].

Murray Ned-Kwilosintun a souligné que le Traité sur le saumon du Pacifique ne reconnaît pas les Premières Nations comme « des représentants ayant autorité sur leurs propres territoires et ressources[75] ». Il ne croyait pas que les participants des Premières Nations recevaient suffisamment de financement pour participer efficacement aux réunions de la Commission du saumon du Pacifique.[76]

À la lumière des témoignages reçus, le Comité recommande :

Recommandation 4

Que, compte tenu des nombreuses menaces pesant sur l’existence du saumon sauvage du Pacifique, le gouvernement du Canada accorde la priorité voulue à la prévention de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée du saumon en consacrant suffisamment de ressources à l’application de la loi, aspect indispensable d’une démarche à multiples volets pour protéger ces espèces fondamentales.

Recommandation 5

Puisque la crise climatique d’origine anthropique provoque le réchauffement des eaux et modifie le comportement des espèces marines et la répartition des populations, que le gouvernement du Canada veille à ce que les politiques d’application en matière de pêche illégale, non déclarée et non réglementée soient prospectives et adaptables aux besoins évolutifs.

Perte de l’accès aux pêches et de débouchés économiques

Le Comité a appris que la pêche INN entrave l’accès des titulaires de permis aux pêches, ce qui limite ou empêche la concrétisation des retombées économiques de leur participation. Lors de sa comparution en décembre 2023, Stanley King, président intérimaire à l’époque du Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., a déclaré au Comité que « la récolte illicite [de civelle] n’a pas cessé d’augmenter au cours des dernières années, et elle a même explosé en 2023 au point que le nombre de braconniers est 10 fois supérieur à celui des pêcheurs titulaires de permis[77] ».

Le 11 mars 2024, l’honorable Diane Lebouthillier, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, a annoncé qu’aucun permis de pêche ne sera délivré pour la civelle en 2024 et que la pêche à la civelle ne sera pas ouverte dans les Maritimes[78]. Cette dernière mesure, annoncée en mars 2024, a grandement inquiété les titulaires de permis. Lorsqu’elle a témoigné le 19 mars 2024 dans le cadre de l’étude « Mesures visant à prévenir la violence au cours de la saison de pêche à la civelle de 2024[79] » du Comité, Genna Carey, présidente du Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., a indiqué au Comité que l’annulation de la pêche à la civelle depuis 2020 a coûté 100 millions de dollars aux localités rurales[80]. Pendant la même réunion, Zachary Townsend, pêcheur de la coopérative Shelburne Elver, a donné l’explication suivante : « Lorsque la ministre n’annule pas la pêche, Shelburne Elver emploie jusqu’à 50 personnes. Cela injecte de l’argent dans les collectivités rurales dans une région économiquement éprouvée[81]. » Zachary Townsend a poursuivi en disant qu’« après l’an dernier, bien des gens ont traversé une épreuve difficile parce que la pêche a été fermée au bout de deux semaines. Je voudrais ajouter que bien des gens ont à peine réussi à passer l’année à cause de cette fermeture[82]. »

Stanley King et Genna Carey ont tous deux réclamé une rencontre entre les titulaires de permis de pêche et la ministre des Pêches et des Océans et de la Garde côtière canadienne[83].

Au chapitre des répercussions de la pêche INN et de son importance pour les provinces de l’Atlantique, Jamie Fox a affirmé au Comité que les ministres provinciaux s’en sont inquiétés entre 2019 et 2023 et qu’ils ont réclamé davantage de collaboration entre l’Agency du revenu du Canada, la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le MPO et les provinces. Il a insisté sur les conséquences néfastes pour les pêcheurs, qui sont « de petits entrepreneurs qui essaient de gagner de l’argent pour leur famille, qu’ils vont dépenser dans les petites villes, les villages et les villes portuaires. Lorsque cet argent est retiré de la circulation de façon illégale, cela se répercute sur le gouvernement fédéral, sur la province et sur la localité[84]. »

Lorsqu’il a évoqué la récente fermeture d’une usine de transformation du homard en Nouvelle-Écosse apparemment à cause d’une quantité insuffisante du produit, Colin Sproul a souligné la valeur de la pêche au homard : « C’est extrêmement important pour nos économies et pour les collectivités côtières, autochtones et non autochtones. Tout ce qui met en danger la ressource doit être pris au sérieux par le ministère[85]. »

Jim McIsaac, coordonnateur du BC Commercial Fishing Caucus, a indiqué que : « Toute la pêche au saumon est à peu près fermée ici […] Nous ne sommes plus que l’ombre de ce que nous étions en ce qui a trait à la pêche au saumon[86] ». Des activités de pêche illégale ont eu lieu dans le cours inférieur du fleuve Fraser bien qu’aucune pêche commerciale n’ait été prévue dans tout le fleuve en 2022. M. McIsaac a ajouté que le MPO a ouvert la pêche commerciale du saumon rouge et qu’il a par le fait même « donné une certaine légitimité à la vente illégale de poisson le long du fleuve[87] ».

Le Comité a aussi entendu parler des répercussions économiques des produits exportés illégalement :

Les exportations illégales ont toutes sortes de répercussions, comme la perte de revenus, le non-versement de revenus au Trésor du gouvernement du Canada, de même que les taxes locales ou provinciales qui peuvent avoir été payées ou non. La situation est la même pour toutes les fraudes commerciales et le blanchiment d’argent dans les opérations commerciales. Il y a beaucoup de méthodes d’évasion fiscale qui sont implicites dans ce genre d’activités[88].

Par conséquent, le Comité fait les recommandations suivantes :

Recommandation 6

Que Pêches et Océans Canada détermine à quel point la pêche INN est attribuable à des pêcheurs incapables d’obtenir un accès licite aux pêches et par ailleurs privés de leur moyen de subsistance à cause du coût élevé d’achat ou de location des permis ainsi que des quotas.

Recommandation 7

Que Pêches et Océans Canada détermine et rende compte du pourcentage du total autorisé des captures pour la pêche réglementée de la côte Ouest qui est accordé aux intérêts étrangers et dont le quota n’a pas été pêché soit parce que les propriétaires refusaient l’accès aux permis et quotas leur appartenant, soit parce qu’ils fixaient un prix trop exorbitant pour les pêcheurs.

Recommandation 8

Que Pêches et Océans Canada travaille à un plan de transition viable et ambitieux de la durabilité de la pêche.

Recommandation 9

Que Pêches et Océans Canada s’attaque réellement et sans plus tarder à la mise en place d’un plan propice à la prévisibilité de ses orientations ministérielles en matière de pêcheries.

Mesures nationales en vigueur et leur application

Surveillance

Les activités de surveillance constituent un moyen incontournable de repérer la pêche INN et de protéger les stocks de poissons. Neil Davis, directeur régional de la Direction de la gestion des pêches, Région du Pacifique au MPO, a indiqué que, dans les eaux intérieures sur la côte Pacifique,

nous effectuons des survols pour surveiller les pêches. Nous avons des agents à bord de patrouilleurs semi-hauturiers et de petits navires côtiers. À mesure que nous avançons vers la côte, nous avons des programmes de surveillance en mer et à quai que les pêcheurs eux-mêmes doivent respecter. Tout cela nous donne une vue d’ensemble[89].

Neil Davis a également évoqué la ligne « Observer, Enregistrer et Signaler » mise à la disposition des pêcheurs et de la population pour le signalement de possibles violations, ce qui « peut aider nos agents de conservation et de protection à intervenir[90], [91] ». En revanche, Jesse Zeman a remis en question son efficacité, car on tombe invariablement sur la messagerie vocale et qu’il faut avoir beaucoup de chance pour pouvoir parler à quelqu’un. Il a ajouté que les biologistes du MPO ne sont pas non plus en mesure de signaler des infractions en appelant la ligne « Observer, Enregistrer et Signaler »[92]. En réponse à ces difficultés, la B.C. Wildlife Federation a développé sa propre application de signalement, auquel le MPO a fait mauvais accueil au départ[93].

Adam Burns a discuté des travaux sur le programme de journal de bord électronique. Essentiellement volontaire au Canada, ce programme est pourtant obligatoire dans le cas de certaines pêches au Québec. M. Burns a expliqué que le MPO envisage de passer à un système avec des journaux de bord entièrement électroniques, qui fournirait « des données en temps réel provenant des pêcheurs pour mieux comprendre l’état d’avancement d’une pêcherie particulière et aussi pour qu’il leur soit plus facile de nous fournir ces renseignements[94] ».

Ian MacPherson a affirmé au Comité que la Prince Edward Island Fishermen’s Association lancera son application de journal électronique au printemps 2024 :

L’option du registre électronique fait l’objet de discussions depuis 2014, mais elle est utilisée dans très peu de pêches. Il n’y a aucune indication claire en vue d’une mise en œuvre à grande échelle, ce qui place les groupes comme notre Association dans une position d’incertitude quant aux investissements à consentir. Le moment est venu de mettre en place un plan de mise en œuvre détaillé, et tous les groupes de pêcheurs doivent y adhérer une fois que les registres électroniques sont activés pour une pêche donnée[95].

Il a souligné que la mise en œuvre des journaux électroniques pour la pêche au homard était prévue en « en 2018 ou en 2019, mais elle ne cesse d’être repoussée. Il s’agit d’une dépense d’investissement importante, et il est donc très difficile de mettre ces mesures en place s’il n’y a pas de date de mise en œuvre. » Lorsqu’il lui a été demandé si le MPO avait une idée de la quantité totale de homards capturés légalement et illégalement, Ian MacPherson a répondu « [j]e dirais que non[96] ».

Certains témoins se sont exprimés sur l’importance de la collecte de données pour combattre la pêche INN au Canada. Julian Hawkins, président-directeur général de Vericatch, a fait valoir au Comité qu’il « ne [pouvait] trouver de meilleure façon de s’attaquer à la pêche INN que d’obtenir des données réelles sur la situation. C’est l’essentiel[97]. » Il a ensuite décrit les avantages des registres électroniques :

La déclaration numérique des prises au moyen de journaux électroniques facilite la pêche de diverses façons. Elle réduit évidemment le temps, le coût et l’effort nécessaires pour recueillir des données fiables sur les pêches. Elle fournit aux pêcheurs et au ministère des Pêches et des Océans des renseignements en temps réel qui leur permettent de prendre des décisions éclairées et rapides fondées sur des données probantes. Elle permet aussi de diminuer les effets négatifs — qui peuvent être nombreux dans le domaine — et d’offrir une preuve d’origine au sein de la chaîne d’approvisionnement, ce qui peut contribuer à la lutte contre la pêche INN[98].

Jamie Fox a par ailleurs expliqué qu’« un système de registre électronique [constitue] une étape essentielle pour aider le fédéral et les provinces à collecter des données en temps réel qui vont permettre de prendre rapidement des décisions plus judicieuses concernant nos ressources[99] ».

Carl Allen, vice-président de l’Union des pêcheurs des Maritimes, a exprimé des réserves quant aux journaux de bord électroniques et aux tierces parties. Il a fourni l’explication suivante :

En raison des renseignements exclusifs et des préoccupations des pêcheurs en ce qui concerne leur utilisation, certaines organisations comme le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie, à Gaspé et même la Prince Edward Island Fisherman’s Association, ont essayé de créer leurs propres journaux électroniques, parce qu’en tant qu’organisations membres, nous voulons contrôler l’information[100].

Au sujet des journaux de bord électroniques, des tierces parties et de la protection de la vie privée, Julian Hawkins a cependant indiqué que les données sont stockées de façon sécuritaire sur des serveurs canadiens et que leur politique sur la protection de la vie privée respecte la législation fédérale et provinciale[101].

La vérification à quai figure aussi parmi les moyens de contrôler les prises évoqués par les témoins. Ian MacPherson a proposé de modifier les consignes sur l’embauche de vérificateurs à quai afin de tenir compte du « contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre ». En effet, il a suggéré d’abaisser le niveau de scolarité requis ou de ne plus interdire le poste aux pêcheurs titulaires de permis si le permis est inutilisé[102]. Morley Knight a insisté sur l’importance de la vérification à quai du homard, qui « est la pêche la plus lucrative au Canada. La plupart des pêcheries contingentées disposent d’un [programme de vérification à quai] PVQ, mais ce n’est pas le cas pour le homard. L’industrie résistera, mais un PVQ efficace résoudrait la plupart des problèmes actuels de la pêche au homard[103]. » Il a donné plus d’explications sur les avantages d’un tel programme :

Je pense que le programme de vérification à quai, le PVQ, est un lien essentiel avec les autres outils en place dans la pêcherie. Par exemple, les pêcheurs de homard sont tenus de remplir des journaux de bord, et les acheteurs — que ce soient des acheteurs ou des transformateurs — sont tenus de remplir des bordereaux d’achat et de déclarer les débarquements aux autorités provinciales ou fédérales. Le PVQ, qui garantit, grâce à un système de vérification par un tiers, que tous les débarquements sont déclarés et que les ventes au comptant ne se font pas sans la documentation appropriée, permet de lier tout cela[104].

Melanie Sonnenberg, présidente de la Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, n’abonde pas dans le même sens. À son avis, la vérification à quai n’est pas la solution au problème de la pêche INN au homard, car « [l]es personnes qui pêchent illégalement ne seront pas attrapées par un PVQ, surtout dans une pêche qui utilise des efforts de contrôle comme la pêche au homard » et que celles « qui utilisent des méthodes illégales essaient de se cacher de quelque chose, et en général, c’est de ne pas soumettre de déclaration à Revenu Canada[105] ».

Dans son mémoire au Comité, Alan Joseph Clarke, qui a occupé divers postes au cours de sa carrière de 35 ans au MPO, était aussi de cet avis. En effet, « la portée et l’ampleur opérationnelle de la pêche côtière du homard dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse feraient de la vérification à quai des homards côtiers une tâche extrêmement coûteuse et presque impossible à réaliser sur le plan opérationnel[106] ».

Les moyens de surveillance efficaces, tels les journaux de bord électroniques et la vérification à quai, contribuent à un système de traçabilité fiable. Stanley King a fait savoir que le Maine possède un système de traçabilité pour sa pêche à la civelle avec des cartes magnétiques, qui aide à identifier le poisson pêché illégalement : « Nous savons, à partir du moment où le poisson est pêché dans la rivière, quand il est capturé, à qui il est vendu et qui l’achète par la suite […] La question de la traçabilité, de la chaîne de possession, est toujours transparente[107]. »

Lorsqu’il a témoigné le 19 mars 2024 dans le cadre de l’étude « Mesures visant à prévenir la violence au cours de la saison de pêche à la civelle de 2024[108] », Stanley King avait avisé le Comité que le Maine avait mis en place son système de traçabilité de la civelle en moins d’un an[109]. Il a d’ailleurs indiqué que l’État s’était associé à de nombreuses Premières Nations et en avait « fait un problème collectif. Tout le monde veut que cette pêche se déroule sans heurts, parce qu’elle profite à tous[110]. » Il a par ailleurs ajouté que les pêcheurs à la civelle ne cessent de réclamer un tel système au Canada :

Nous demandons au MPO un système de traçabilité depuis 10 ans. Cela fait 10 années complètes que nous demandons sans cesse si nous pouvons avoir un système de traçabilité, alors c’est la priorité. Nous venons tout juste de lancer un projet pilote financé par l’industrie qui, nous l’espérons, sera mis en place, mais encore une fois, c’est notre idée. C’est venu de notre initiative; le MPO n’a vraiment rien fait[111].

Lors de son témoignage dans le cadre de l’étude « Mesures visant à prévenir la violence au cours de la saison de pêche à la civelle de 2024 », Annette Gibbons, sous-ministre du MPO, a convenu de l’utilité d’un système de traçabilité pour les civelles :

Un système de traçabilité va main dans la main avec des règlements sur la possession de civelles tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Les règlements nous donnent le pouvoir supplémentaire de faire appliquer la loi afin d’interdire la possession de civelles. Le système de traçabilité va nous permettre de suivre ce qui se passe d’un bout à l’autre de cette chaîne d’approvisionnement.
Nous avons besoin de ces deux éléments. Nous avons travaillé très fort là-dessus et avons fait de très grands progrès à propos des règlements, mais il reste encore du travail à faire[112].

Kimberly Elmslie a recommandé que le MPO « [mette] en place un système de traçabilité du bateau à la table pour tous les produits de la mer vendus et pêchés au Canada. […] En ce qui concerne les stocks nationaux, le MPO doit rendre compte de la performance et des décisions de gestion pour tous les stocks[113]. » Elle a ensuite décrit le « déficit de mise en œuvre » au sein du Ministère, à savoir que d’impeccables politiques ministérielles ne sont pas mises en œuvre. Elle a poursuivi en citant la Politique de surveillance des pêches comme exemple d’une « excellente politique » qui « n’a pas encore été mise en œuvre[114] ». Dans son rapport sur la surveillance des prises de pêche maritime publié en novembre 2023, le commissaire à l’environnement et au développement durable a également relevé des déficits de mise en œuvre[115]. Il conclut que « Pêches et Océans Canada n’avait toujours pas réussi à recueillir des données fiables et opportunes sur les prises nécessaires pour assurer la gestion durable des pêches maritimes commerciales et protéger les stocks de poissons du Canada[116] ».

Ghislain Collin, président du Regroupement des pêcheurs pélagiques professionnels du sud de la Gaspésie, a fait part des divergences en matière de déclaration obligatoire entre les provinces, qui peuvent désavantager celles dotées de mesures plus sévères. En effet, « [d]ans les autres provinces, à l’exception des flottilles de dragueurs, aucune mesure de déclaration des prises n’est appliquée. Au Québec, la pêche est très réglementée. Appels d’entrée, journal de bord et pesage à quai font partie du quotidien du pêcheur commercial au Québec[117]. »

En raison de tout ce qui précède, le Comité recommande :

Recommandation 10

Que, pour mieux combattre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée et pour mieux connaître les espèces pêchées de manière illégale, non déclarée et non réglementée, Pêches et Océans Canada :

  • augmente ses activités de vérification à quai;
  • augmente ses activités d’application de la loi; et
  • augmente le nombre d’espèces soumises à la vérification à quai, comme le homard et d’autres espèces de grande valeur et des espèces à faible abondance.

Recommandation 11

Que Pêches et Océans Canada entame un virage significatif en implantant des systèmes technologiques et informatiques modernes de collecte de données, tel qu’une forme de registre des prises numérique et uniformisé et que pour les espèces menacées, ce registre soit à déclaration obligatoire pour l’ensemble des pêcheurs canadiens afin que les exigences de déclaration deviennent davantage uniformisées partout au pays.

Recommandation 12

Que Pêches et Océans Canada ouvre la pêche indicative au maquereau à l’hameçon et que des obligations de prises de mesures soient effectuées pour toutes les provinces canadiennes.

Recommandation 13

Que Pêches et Océans Canada collabore avec différents intervenants pour assurer que la traçabilité soit une clé importante pour cibler et éviter les pêches illégales.

Recommandation 14

Que Pêches et Océans Canada prenne les mesures appropriées le plus rapidement possible pour donner suite aux recommandations émises par le commissaire à l’environnement et au développement durable dans son 9e rapport de 2023 sur la surveillance des prises de pêche maritime à l’intention du Ministère.

Recommandation 15

Que Pêches et Océans Canada insiste de façon réelle et pragmatique sur la surveillance des pêches et des prises de poisson au moyen d’outils et technologies modernes et appropriés afin de contrer, le plus possible, les pêches illégales, non déclarées et non réglementées.

Recommandation 16

Que Pêches et Océans Canada procède à une écoute active des pêcheurs autochtones et allochtones et des autres intervenants du milieu des pêches afin que ces derniers collaborent avec lui à établir des politiques de surveillance des prises envisageables et déterminantes.

Recommandation 17

Que Pêches et Océans Canada travaille en concertation avec les pêcheurs afin d’assurer l’exactitude, la rapidité et la continuité de la collecte de données sur la biodiversité marine et les stocks de poisson et d’ainsi prendre des décisions éclairées fondées sur les données recueillies.

Gardes-pêche autochtones

Le Comité a entendu parler des gardiens autochtones dans le contexte des pêches. Adam Burns a expliqué que « [l]es gardes-pêche autochtones jouent un rôle important dans la réconciliation. Nous avons de très bons exemples démontrant que ce système fonctionne bien. C’est un domaine que le ministère cherche à élargir[118]. » Il a poursuivi en disant que ces gardes-pêche sont notamment chargés d’exercer la surveillance et parfois de faire appliquer la loi[119].

Trevor Russ, directeur des politiques et des programmes de la Coastal First Nations – Great Bear Initiative, a indiqué qu’outre les partenariats de recherche, les programmes de gardiens de Nations membres surveillent un territoire marin pour y détecter les activités illégales[120]. Il a toutefois fait observer que les programmes de gardiens font face à des difficultés vu le faible financement reçu : « Nos communautés reçoivent très peu de soutien. C’est toujours compliqué de trouver le financement nécessaire pour accomplir tout ce qu’il y a à faire, mais elles travaillent d’arrache-pied pour tirer le maximum des ressources limitées[121]. »

Trevor Russ a fourni quelques détails sur la surveillance exercée par les gardes-pêche :

Si des pêcheurs commerciaux se présentent dans le secteur, les gardes-pêche assisteront normalement au déchargement et ils consigneront la prise en question. S’il s’agit d’une double pêche, ils consigneront la prise commerciale et la prise fondée sur l’accès reposant sur des droits.
L’autre partie qui est surveillée l’est plus sur une base volontaire, et il s’agit de la pêche dite récréative. Comme ils n’ont aucun pouvoir en matière d’application de la loi, ils se contentent d’interroger le pêcheur qui communique l’information s’il le veut[122].

Recommandation 18

Qu’à la lumière du rôle primordial du Programme des garde-pêches autochtones dans la souveraineté autochtone, le gouvernement du Canada soutienne entièrement le programme afin d’en maximiser la capacité.

Application de la loi

Mécanismes d’application

Doug Wentzell, directeur général régional de la région des Maritimes au MPO, a fait savoir au Comité que la pêche non autorisée au Canada peut donner lieu à des sanctions et que le Ministère collabore avec la Garde côtière canadienne, la GRC et les autres organismes pour mettre fin aux activités de pêche non autorisée[123]. Afin de contrer la pêche non autorisée, les agents des pêches disposent d’une panoplie d’outils, allant de l’éducation à la saisie, en passant par l’arrestation et la mise en accusation[124].

Au chapitre de la réglementation sur la pêche au homard, Doug Wentzell a fait observer au Comité que son application dans la zone de pêche du homard 34 a donné lieu à la saisie de 1 200 cages et de trois navires au cours de l’été 2023. On a d’ailleurs procédé à 15 arrestations, et six enquêtes sont toujours en cours. Quant à la pêche à la civelle, M. Wentzell a indiqué qu’on dénombre plus d’une centaine d’arrestations en 2023[125].

Par ailleurs, les membres du Comité ont posé nombre de questions sur la formation des agents de conservation et de protection. Adam Burns a signalé qu’en plus d’examiner les politiques et les procédures, le MPO veille à ce que les agents de conservation et de protection reçoivent des directives adéquates de leur chaîne de commandement[126]. Il a ajouté que le Ministère « veill[e] à ce que les règles et la situation sur le terrain soient claires. Les agents doivent aussi disposer des ressources et des outils convenables, et avoir reçu la formation permanente indiquée[127]. »

Les membres du Comité ont également demandé si les agents de conservation et de protection ont déjà reçu l’ordre de ne pas intervenir dans certaines circonstances. Adam Burns leur a répondu qu’« [a]ucune directive n’est donnée à l’organisme de conservation et de protection. Leur responsabilité consiste à appliquer la Loi sur les pêches et, dans les cas de pêche non autorisée, ils prennent les mesures appropriées[128],[129]. » Au sujet de la mise en accusation des personnes, il a souligné que la détermination relève du Service des poursuites pénales, mais que l’équipe de Conservation et Protection collabore avec lui et avec « le comité régional d’examen des accusations qui examine le rapport de cas […] pour essayer de trouver l’information nécessaire afin de bien évaluer l’intérêt public et la probabilité de succès[130] ».

Adams Burns a aussi indiqué que le MPO travaille avec ses homologues provinciaux pour remédier au problème des ventes au comptant non déclarées, surtout dans la pêche au homard. Cette collaboration vise à « s’assurer que toutes les prises de homard sont déclarées au ministère et que les provinces sont alors en mesure de suivre la progression de ce produit dans la chaîne d’approvisionnement[131] ». En ce qui concerne la pêche à la civelle, Annette Gibbons a donné les explications suivantes :

Actuellement, le [MPO] a seulement le droit de réglementer ce qui se passe sur les rivières, c’est-à-dire la pêche comme telle. Cependant, nous n’avons pas l’autorité d’intervenir dans le commerce subséquent de ces prises. Alors, si nous voyons quelque chose, mais que nous ne pouvons pas déterminer d’où cela provient, il est difficile d’intervenir[132].

Nécessité d’une meilleure application de la loi

Les fonctionnaires du MPO ont informé le Comité qu’en plus d’être bien équipés, les agents de conservation et de protection disposent des ressources nécessaires pour faire respecter la Loi sur les pêches. Or, un certain nombre de témoins les ont contredits en citant des circonstances où l’application de la loi s’avère parfois insuffisante. Les discussions ont certes porté sur la pêche INN au homard et du saumon du Pacifique, mais bien des témoignages avaient pour thème l’application de la Loi sur les pêches quant à la civelle et le mécontentement chez des témoins, qui ont fait ressortir l’application de la loi déficiente pour les activités illégales présumées. Jamie Fox a reconnu que, selon certaines allégations faites par des intervenants du milieu au cours des deux ou trois dernières années, il y aurait de la pêche INN au homard dans la baie St. Marys et à la civelle dans les Maritimes[133].

Des témoins ont cité des exemples de saumons du Pacifique provenant possiblement du marché noir jetés parce qu’ils étaient gâchés[134], de saumon rouge vendu à même les camions ou sur Facebook avant l’ouverture de la pêche commerciale[135] et des 8 000 homards capturés illégalement dans la baie St. Marys[136] ainsi que de nombreux autres concernant la civelle[137].

Au chapitre de l’application de la loi, Jesse Zeman a parlé d’une transformation de l’équipe de Conservation et Protection, au MPO :

Le ministère semble passer rapidement de gens sur le terrain qui se passionnent pour la conservation du poisson et des ressources pour miser sur les gestionnaires d’autres ministères et organismes, notamment de l’Agence des services frontaliers du Canada. Culturellement parlant, ce changement n’a pas été très bien accueilli. Compte tenu des salaires peu élevés et de l’évolution de la culture, il y aura sans doute des agents en congé, un taux de roulement élevé et, surtout, un rendement moins assidu en ce qui a trait à la conservation et à la protection de nos ressources halieutiques. D’anciens agents ayant des dizaines d’années d’expérience affirment que le moral au sein du ministère n’a jamais été aussi bas.
Cette année, je sais que les patrouilles nocturnes et les patrouilles en bateau et en hélicoptère ont été considérablement réduites dans le cours inférieur et moyen du fleuve Fraser. Cette absence se traduira nécessairement par un regain des activités illégales. Par le passé, les agents retiraient ou saisissaient habituellement de 300 à 400 filets. Cette année, je m’attendrais à ce que ce nombre diminue considérablement[138].

Jesse Zeman a également fait ressortir que « [s]i nous n’affectons pas de ressources à ces activités, ou si nous les réduisons, nous n’allons pas arrêter les gens qui se livrent à des activités illégales[139] ». Selon lui, pour faire appliquer la loi et lutter contre la pêche INN, « il faut se concentrer sur le terrain. Le temps d’administration et le temps passé dans un bureau n’aident pas à assurer une présence sur la rivière ou sur l’océan[140]. »

Le Comité a également été mis au courant que les agents d’application de la loi s’exposent à la violence dans l’exercice de leurs fonctions, en particulier dans le cas des pêches lucratives. En effet, Morley Knight lui a indiqué que, dans l’éventualité d’une situation instable, ils ont l’ordre d’observer et de signaler au lieu de faire respecter la loi[141].

Pour ce qui est du saumon du Pacifique, Jim McIsaac a signalé la division des pouvoirs entre les ordres de gouvernement, qui empêche aussi de faire respecter la loi :

Nous avons cette compétence partagée entre la gestion des pêches et la gestion de la transformation et des marchés. Cela crée une sorte de milieu complexe pour traiter de certaines questions.
Dans le cas du saumon, si le MPO gère la pêche et que le poisson est partout sur le marché, que doit faire la province? Est-elle censée interdire la vente de ce poisson, alors que ce n’est pas elle qui réglemente la pêche proprement dite? C’est vraiment complexe[142].

Il a donné aussi l’exemple d’une mauvaise décision dans l’application de la loi rapportée dans un article de presse sur un cas de pêche « illégale » de thon. Selon l’article, la confiscation a été évaluée à 130 000 $ :

Or, certains faits très importants ont été omis dans cet article. Le pêcheur avait pêché légalement le thon pendant plus d’une décennie, il avait acheté un journal de bord de pêche au thon de 1 500 $ juste avant de partir pêcher et il a avisé le MPO avant de partir pêcher le thon. Il pêchait depuis près d’un mois et s’apprêtait à rentrer pour faire la livraison de ses prises lorsque le MPO s’est approché du navire. Dans son empressement de partir à la pêche, le pêcheur avait oublié d’acheter un permis de pêche au thon de 32 $ par année[143].

Sur la côte Ouest, Greg Witzky a expliqué que, dans le contexte de la pêche INN, les Premières Nations de la Colombie-Britannique s’inquiètent de l’application de la loi et de la pêche récréative :

La surveillance de la pêche récréative par le MPO ne couvre pas efficacement les vastes eaux libres où plus de 300 000 de ces pêcheurs récréatifs sont libres de se déplacer comme bon leur semble. De nombreux rapports anecdotiques font état de pêcheurs sportifs qui n’ont jamais vu un seul agent des pêches ou un observateur à quai pendant toute la saison, qui peut s’étendre pendant 12 mois dans de nombreux cas et dans de nombreuses zones.
[…]
Il n’existe actuellement aucune réglementation limitant la quantité de saumon quinnat que les pêcheurs récréatifs peuvent pêcher puis remettre à l’eau. Ces dernières années, cette quantité a considérablement augmenté, mais le MPO insiste pour donner un accès accru aux pêcheurs récréatifs sans disposer des données techniques appropriées et des possibilités de surveillance nécessaires pour soutenir ces autorisations[144].

M. Witzky a par ailleurs recommandé que la pêche récréative soit « réduite et autorisée uniquement dans certaines zones côtières où les stocks sauvages locaux sont importants, ou dans lesquelles il existe de petites écloseries capables de la soutenir[145] ». Faisant écho aux préoccupations concernant les répercussions de la pêche récréative, Murray Ned-Kwilosintun a souligné que la « pêche récréative avec remise à l’eau des prises a entraîné une mortalité importante du saumon quinnat et du saumon coho, les poissons mêmes du fleuve Fraser que nous essayons de conserver[146] ».

Des lacunes tant dans la coordination que dans la transmission des informations sur la pêche INN entre les ministères et organismes fédéraux compliquent davantage la situation. Jesse Zeman a déclaré au Comité que le MPO affirme collaborer avec l’ASFC, mais qu’il ignore si la GRC est mise au courant des activités de pêche illégale[147]. Les fonctionnaires de l’ASFC qui ont comparu devant le Comité le 28 novembre 2023 ne savaient pas que la pêche à la civelle avait été fermée. Daniel Anson a néanmoins dit que les équipes régionales de l’Agence avaient peut-être été au courant[148]. Stanley King a ajouté ceci : « Je ne blâme pas tellement les agents de l’ASFC, parce qu’ils devraient être informés par [l’équipe de Conservation et Protection] du MPO sur ce qu’il faut surveiller et à quel moment de l’année; ils devraient en quelque sorte être avertis afin de pouvoir faire leur travail plus efficacement[149]. »

Dans le cadre de l’étude « Mesures visant à prévenir la violence au cours de la saison de pêche à la civelle de 2004 » menée par le Comité, Dominic Malette, directeur général régional de la Région de l’Atlantique de l’ASFC, a déclaré que « [l]’ASFC élabore activement un plan d’action pour prévenir l’exportation de civelles capturées illégalement. À l’heure actuelle, il n’y a pas de permis, de certificats prescrits par la législation d’autres ministères qui doivent être présentés ou vérifiés à la frontière pour exporter du poisson, y compris les civelles, du Canada[150]. » Brent Napier, directeur général par intérim de Conservation et Protection au MPO, a dit au Comité que des civelles pêchées notamment dans les Antilles passaient légalement au Canada[151]. Dominic Malette a expliqué que la réglementation en cours d’élaboration par le MPO « traiterait précisément du mélange de civelles pêchées légalement au Canada et de celles qui sont importées. Cela garantirait qu’elles demeurent séparées et [offrirait à l’ASFC] beaucoup de clarté sur le fait de savoir laquelle est laquelle et comment [l’ASFC peut] appliquer la loi en conséquence[152]. » M. Malette a également fait remarquer au Comité que l’ASFC fait partie d’un groupe de travail interministériel sur la traçabilité du poisson et des produits de la mer, mené par le MPO. Ce groupe de travail s’occupera notamment de la pêche INN[153].

Jamie Fox a insisté sur l’importance d’améliorer la coordination et la collaboration entre les ministères lorsqu’il a raconté les événements entourant une manifestation au quai de Souris :

Comment avons-nous fait face à cette situation? Ce genre de situation place un agent seul dans une position déstabilisante. Je pense que lorsque les ministères et les organismes travaillent ensemble à la collecte de renseignements, ils peuvent former un seul organisme uni lorsque des incidents se produisent. C’est utile. Cependant, les agents de conservation doivent connaître les circonstances qui les entourent et être informés de ce qui se passe réellement sur le terrain[154].

M. Fox a prôné une meilleure collaboration entre les ministères, notamment pour la collecte et la transmission de renseignements, et a signalé « un écart entre le bureau régional du MPO et les fonctionnaires de l’administration centrale quant à la situation et à ce qui est nécessaire sur le terrain ou dans la pêche elle-même[155] ». Il a insisté sur le fait que l’Île-du-Prince-Édouard disposait d’un bon mécanisme de collecte de renseignements auquel participaient l’équipe de Conservation et Protection du MPO, la GRC et les services de police municipaux. Grâce à ce mécanisme, « dès qu’ils étaient connus, les renseignements étaient immédiatement transmis[156] ».

Jamie Fox s’est exprimé sur la présence réduite de l’équipe de Conservation et Protection sur les eaux. Il a rappelé ce qui se faisait, car dans le passé, « [l]es agents du MPO étaient bien plus présents sur les quais […] Nous faisions beaucoup plus de vérifications, et le ministère également, à différents endroits de la province, notamment dans le but de suivre les déplacements des différentes espèces de poissons et d’animaux[157] ». Il a fait part de son impression « qu’il y a désormais moins d’agents de conservation déployés sur le terrain pour faire appliquer la loi ou pour effectuer des vérifications[158] ».

Au chapitre de l’application de la loi à la pêche au homard, Colin Sproul a indiqué au Comité :

Le 11 juillet, le directeur de la conservation et de la protection de la région des Maritimes a déclaré à CBC News que son secteur était très bien équipé pour faire respecter les règlements sur la pêche au homard à l’avenir, en référence à la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Il a ajouté que pour ce qui est de la capacité du ministère de surveiller adéquatement la conformité des permis ASR au cours de l’été, les ressources nécessaires étaient disponibles pour le faire efficacement dans des régions comme la baie [St. Marys].
Pourtant, malgré toutes ces assurances, le 30 août, à la frontière entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, les autorités ont saisi plus de 8 000 homards de la baie [St. Marys]. Fait révélateur, cela ne s’est pas produit grâce aux enquêtes du MPO, mais parce que le camion transportant les homards est tombé en panne au poste de pesage des camions à la frontière entre les provinces, et que des agents qui avaient des soupçons l’ont signalé. De plus, cet automne, [la Unified Fisheries Conservation Alliance] a effectué des survols du port de Saulnierville. Le 5 octobre, nous avons vu environ 25 000 livres de homard mis en caisse pour la vente flottant dans le port et, le 13 octobre, 12 000 livres de plus[159].

Colin Sproul a également signalé que l’opinion sur les agents de conservation et de protection pâtit du manque perçu dans l’application de la loi, comme l’a révélé un sondage Nanos. D’après ce sondage, « 67 % des pêcheurs des Maritimes ont dit qu’ils considéraient la gestion actuelle du MPO comme une menace pour l’avenir de leurs pêches[160] ». À son avis, cela a pour conséquence « un manque de respect sur l’eau pour le personnel de première ligne de Conservation et Protection du MPO. Ce n’est pas de sa faute et cela rend son travail très difficile[161]. »

À propos de la civelle, Doug Wentzell a reconnu certains problèmes dans l’application de la loi : « Cette pêche à la civelle, qui est pratiquée le long des rivières, présente un certain nombre de défis uniques, étant donné qu’elle est très lucrative et que les civelles sont expédiées à l’extérieur du pays[162]. » Les titulaires de permis de pêche à la civelle ont raconté, avec force détails, les événements mouvementés entourant la pêche à la civelle. Stanley King a informé le Comité qu’une application déficiente de la loi encourage les braconniers :

Pour 2023, le MPO estime que 45 % du quota a été volé par des pêcheurs sans permis, mais presque rien n’a été fait en matière d’application de la loi pour réduire le braconnage. Parmi ces braconniers, il se trouve sans doute des délinquants soutenus par le crime organisé. Notre industrie, habituellement tranquille, a récemment connu des enlèvements, des vols qualifiés, des voies de fait, de la violence armée et des troubles généraux de l’ordre public.
[…]
Les titulaires de permis ont maintes fois signalé des cas de braconnage et fourni au MPO la description des véhicules, les numéros de plaque d’immatriculation, le nom des acheteurs déclarés, l’adresse des installations de stabulation déclarées et même des détails sur les vols pour les expéditions à venir de poisson exportés au noir. Le MPO n’a pris aucune mesure à l’égard de ces signalements[163].

Il a brossé un tableau sombre du fonctionnement de la pêche à la civelle :

[Les Chinois] sont associés au crime organisé et aux criminels. Ils se présentent avec des sacs d’argent liquide pour conclure des transactions sur le marché noir, et ils ont essentiellement miné notre pêche et notre économie locale. Ils volent des fonds publics. Ils volent des emplois. Nos pêches ferment les unes après les autres. Des organisations criminelles ont essentiellement menacé et intimidé beaucoup de pêcheurs autorisés pour qu’ils cessent de pêcher.
[…]
Une de nos employés, qui pêche depuis 15 ans, a deux jeunes enfants de moins de cinq ans. Elle gagne son salaire annuel dans cette industrie depuis 15 ans, mais elle ne reviendra pas travailler cette année, parce qu’elle a dit que c’était trop dangereux et qu’elle devait rester prudente pour ses enfants.
Il y a cette organisation transnationale. C’est un groupe criminel mondial, et personne n’y prête attention. Nous appelons la GRC; nous lui donnons des tuyaux et nous appelons le Programme de conservation et protection, ou C et P — l’organe d’application de la loi — du ministère des Pêches et des Océans, le MPO, et personne ne fait rien[164].

Stanley King a également signalé les faits suivants :

  • Les agents de Conservation et Protection ne vérifient pas les permis ni les pièces d’identité;
  • Pour six rivières surveillées par le Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., il n’y a eu aucune mesure d’application de la loi ni avant l’ouverture de la saison de 2023 ni pendant celle‑ci; et
  • Les camions de personnes soupçonnées d’activité illégale auraient pu être saisis[165].

Parmi les solutions proposées pour remédier aux lacunes dans l’application de la loi, notons le ciblage du marché des produits illégaux[166] et l’augmentation des ressources de l’équipe de Conservation et Protection à affecter aux zones qui affichent de forts taux de pêche INN[167]. Melanie Sonneberg a insisté sur le besoin d’accorder davantage de ressources à cette équipe, puisque « le MPO n’a pas la capacité d’appliquer pleinement l’ensemble des règles en vigueur ». Par ailleurs, « [s]i les agents ne disposent pas de ressources suffisantes, nous ne pourrons jamais nous attaquer à la racine du problème. Avoir une bonne présence sur l’eau, des navires solides et fiables sur l’eau… Tout cela est très important pour lutter contre la pêche INN[168]. » À propos du financement du MPO, Jamie Fox a expliqué que le MPO devrait disposer « de ressources financières et humaines suffisantes pour que cet important travail d’application de la loi puisse se faire[169] ». Convenant de la nature essentielle de l’application de la loi, Stanley King a estimé que c’était « plus facile à dire qu’à faire[170] ».

Enfin, Morley Knight a déclaré au Comité que « l’éducation et l’intendance sont des éléments clés du programme de conservation et de protection » et que l’équipe du programme « doit collaborer étroitement avec les pêcheurs pour définir les priorités et les moyens de faire respecter la loi dans leur région[171] ».

Outre le renforcement de l’application de la loi, le Comité a été informé que des sanctions plus lourdes constitueraient un excellent moyen de dissuasion. Par exemple, Jamie Fox lui a dit que :

Les amendes imposées à la suite d’une infraction doivent être portées à des niveaux vraiment susceptibles de dissuader les individus et les entreprises de persister dans leurs agissements illégaux. À l’heure actuelle, certaines amendes et pénalités sont simplement considérées comme des coûts d’exploitation. L’imposition de sanctions financières et la réduction du nombre de jours de pêche ou d’achat pourraient permettre d’envoyer un message fort aux contrevenants pour leur faire comprendre que les activités semblables ne seront plus tolérées[172].

Abondant dans le même sens, Ian MacPherson a fait savoir que de faibles amendes deviennent en fait un coût d’exploitation et que son organisation préconise « des amendes plus élevées et plus sévères, des suspensions et tout ce qu’il faut pour que le message passe[173] ». Stanley King a fait l’observation suivante sur l’amende de 500 $ infligée pour le braconnage de civelles : « Il faut tenir compte du fait que les braconniers peuvent gagner 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $ en une seule nuit, et parfois plus. Qui n’a pas les moyens de payer 500 $ s’il est pris et condamné dans ces conditions? Il faut commencer à imposer de vraies pénalités[174]. »

Ian MacPherson a prôné une majoration des amendes proportionnelle aux revenus d’un navire, car « il devrait y avoir des conséquences plus graves pour les récidivistes. Cela devrait comprendre une diminution du nombre de jours de pêche lors de la saison en cours ou des saisons à venir. Les technologies à notre disposition, comme les caméras de bord, pourraient aussi nous aider à appréhender les récidivistes[175]. » Melanie Sonnenberg a signalé que la perte de jours de pêche pourrait servir d’un autre bon moyen de dissuasion[176].

Concédant que cet aspect relève de la compétence des provinces, Jamie Fox et Ian MacPherson ont tous deux appuyé l’idée de majorer les amendes à infliger aux usines et aux acheteurs associés aux produits illégaux[177]. M. MacPherson a également proposé une autre solution du ressort des provinces, à savoir que celles-ci harmonisent leurs amendes pour activités illégales[178]. Il a expliqué que « l’amende pour une infraction donnée peut être de 1 000 $ à l’Île-du-Prince-Édouard et de 200 $ en Nouvelle-Écosse. Étant donné [nos] importantes eaux communes, cela pourrait encourager la pêche dans une zone différente[179]. »

Jamie Fox a préconisé de financer la conservation avec les amendes[180]. Enfin, Melanie Sonnenberg a souligné l’importance de faire participer les regroupements de pêcheurs à l’élaboration des moyens de dissuasion[181].

Par conséquent, le Comité fait les recommandations suivantes :

Recommandation 19

Que Pêches et Océans Canada prenne les mesures indispensables au renforcement de l’application de la Loi sur les pêches pour décourager efficacement le braconnage d’espèces, notamment le thon rouge, le homard, la civelle et le saumon, et ainsi protéger les populations aquatiques et les personnes les pêchant en toute légalité.

Recommandation 20

Que le gouvernement du Canada établisse, en collaboration avec les provinces, des mesures de dissuasion plus efficaces contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, en augmentant la certitude de sanction par le renforcement de l’application de la réglementation et en appuyant les efforts des provinces afin de porter des accusations, de poursuivre rapidement les pêcheurs accusés et de leur imposer des sanctions proportionnelles à la gravité de l’infraction commise ainsi qu’aux actions connexes qui nuisent au sentiment de sécurité de la population et à sa confiance en la primauté du droit.

Recommandation 21

Que, vu la forte solidarité des petits regroupements dans les localités touchées par la pêche illégale, Pêches et Océans Canada envisage de muter des employés chargés de l’application de la loi postés dans d’autres collectivités, afin qu’ils puissent exercer leurs fonctions sans faire l’objet d’une campagne d’intimidation.

Recommandation 22

Que Pêches et Océans Canada établisse, par voie réglementaire, que les amendes infligées pour la pêche INN perçues soient investies dans la restauration et la conservation des stocks de poissons qui contribueront à la durabilité des pêches et des localités qui dépendent des pêches durables.

Recommandation 23

Que le gouvernement du Canada élabore et mette en œuvre, en collaboration avec ses partenaires, un programme de soutien financier destiné aux pêcheurs touchés par la fermeture de pêches ou par la baisse des totaux autorisés des captures.

Recommandation 24

Que des mécanismes de traçabilité du bateau à la table soient instaurés afin de certifier les produits de la mer pêchés en toute légalité, et que des accusations, des poursuites et des sanctions soient prévues pour les personnes reconnues coupables du transport et de la transformation de produits de la mer pêchés illégalement.

Mise en œuvre des droits ancestraux et issus des traités des Premières Nations

Nombre de témoins ont insisté sur le fait que l’incertitude et le manque de clarté entourant certains droits ancestraux et des droits issus de traités des Premières Nations[182] alimentent la tension dans les communautés de pêche.

Pour ce qui est des atteintes aux droits ancestraux ou issus de traités dans le cadre de l’étude du Comité, Naiomi Metallic, professeure de droit et membre de la Première Nation Mi’kmaq de Listuguj, a fait appel à la prudence. Elle a par ailleurs relevé des lacunes dans l’application de ces droits par le Canada :

[J]e suis préoccupée de constater qu’une partie de la discussion a été unilatérale et associe souvent la pêche autochtone à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée. Une telle réflexion ne tient absolument pas compte du fait que nous parlons de droits protégés par la Constitution qui exigent le respect et la mise en œuvre par les gouvernements, d’autant plus que le Canada a adopté la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones[183].

Trevor Russ a convenu qu’il était très problématique de qualifier la pêche autochtone de pêche INN. Selon lui, « il semble y avoir une incompréhension fondamentale des droits économiques et autres des Premières Nations et de la manière dont ces droits sont liés à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée au Canada, ou y contribuent[184] ». Toujours selon lui, « il est dans l’intérêt primordial de la réconciliation que le gouvernement fédéral et les intervenants évitent les accusations inexactes et sensationnalistes impliquant les Premières Nations et la pêche illégale, non déclarée et non réglementée au Canada[185] ».

De l’avis de certains, le droit ancestral de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles, garanti par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, est mal utilisé dans certaines circonstances[186]. D’autres témoins n’approuvent pas la portée et l’application du droit de pêcher pour assurer une subsistance convenable, qui est un droit issu des traités confirmé par la Cour suprême du Canada dans les arrêts de l’affaire Marshall[187]. En 2021, le Comité s’est penché sur la question de la mise en œuvre du droit de pêcher pour assurer une subsistance convenable et a déposé son rapport Mise en œuvre des droits de pêche issus de traités des Mi’kmaq et des Malécites visant à assurer une subsistance convenable[188] à la Chambre des communes en mai de la même année. Le rapport était accompagné de deux opinions dissidentes, preuve de la complexité de la question.

Dans cette partie du rapport, sont expliqués de façon sommaire les droits ancestraux et issus des traités évoqués au cours de l’étude. La mise en œuvre de ces droits est ensuite décrite dans l’optique des Premières Nations d’une part, et dans celle des regroupements de pêcheurs et des personnes ayant exprimé des préoccupations, d’une autre part. Enfin, l’accent est mis sur la nécessité d’améliorer la communication, l’éducation et la collaboration, et cette partie du rapport comprend des recommandations visant à favoriser des initiatives de réconciliation.

Droits de pêche ancestraux et issus des traités

Naiomi Metallic et Adam Burns ont donné les grandes lignes de la jurisprudence sur les droits de pêche ancestraux et issus des traités. Naiomi Metallic a fait remarquer que dans l’affaire R. c. Sparrow, la Cour suprême du Canada a reconnu le droit des Autochtones de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles.[189] À propos de l’arrêt Sparrow, Adam Burns a fait la déclaration suivante au Comité :

L’objectif est de répondre aux besoins locaux de la communauté, et essentiellement à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Nous cherchons à travailler avec les nations pour comprendre quels sont ces besoins ASR. À cette fin, nous voulons prioriser la pêche pour des motifs alimentaires, sociaux et rituels par rapport à la pêche commerciale ou récréative — en fait, cette pêche vient tout de suite après les objectifs de conservation fondamentaux[190].

Dans l’affaire Marshall, la Cour suprême du Canada a conclu à l’existence d’un droit issu des traités de pêcher pour assurer un moyen de subsistance convenable aux Mi’kmaqs et aux Wolastoqiyik. Ce droit est d’ailleurs fondé sur les traités de 1760 et 1761[191]. Au sujet de l’affaire Marshall, Adam Burns a expliqué que le gouvernement fédéral « travaill[e] avec chacune [des nations micmaques et Wolastoqey] pour comprendre comment elles veulent faire valoir ce droit reconnu par les tribunaux » et qu’il « abord[e] ce droit de nation à nation et qu’[il travaille] directement avec chacune afin de comprendre sa vision et la manière dont elle veut exercer son droit[192]. » Brent Napier a énoncé certaines difficultés à mettre en œuvre ce droit :

En examinant les différentes affaires judiciaires, on constate que les règles en vigueur à cet égard ne sont pas très claires. En essayant de fusionner la pêche commerciale et la pêche fondée sur les droits, on crée de la confusion. Voilà pourquoi il est difficile pour nous d’intenter des poursuites de cette nature. Ce que nous devons faire, c’est d’établir des lignes directrices claires pour ces pêches à des fins de subsistance convenable[193].

Pour ce qui est des atteintes aux droits ancestraux ou issus de traités, Naiomi Metallic a expliqué que toute atteinte

doit satisfaire à un critère de justification en deux étapes… Autrement dit, il faut déterminer ce qui constitue une réglementation raisonnable des droits. La première étape consiste à démontrer un objectif valable, comme la conservation et la gestion des ressources naturelles, mais le gouvernement ne peut pas se contenter de l’affirmer. Il doit présenter des preuves concrètes à l’appui de l’objectif. Dans le contexte commercial, les objectifs peuvent également comprendre l’équité économique et régionale au sein d’une industrie, ainsi que la dépendance et la participation historiques de groupes non autochtones dans une industrie. Ensuite, il y a une deuxième étape.
Les gouvernements doivent suivre un processus qui garantit que leur traitement des droits autochtones est conforme à l’honneur de la Couronne et à la relation fiduciaire du gouvernement avec les peuples autochtones. En ce qui concerne les droits alimentaires, sociaux et rituels, cela signifie que les gouvernements doivent accorder la priorité aux droits une fois que les préoccupations en matière de conservation ont été abordées[194].

Quelques Premières Nations ont signé des ententes de réconciliation et de reconnaissance des droits (ERRD) sur le droit de pêcher pour assurer une subsistance convenable. Répondant à une question sur la déclaration dans le cadre des ERRD, Adam Burns a affirmé ce qui suit :

L’enregistrement et la surveillance des prélèvements varient d’une pêcherie à l’autre […] Les exigences en matière de déclaration varient selon les activités de pêche commerciale et les activités de pêche fondée sur les droits. Le ministère travaille au cas par cas pour garantir un niveau de surveillance approprié afin d’étayer les diverses activités dont nous sommes responsables en matière de gestion de la pêche, d’activités scientifiques et autres, notamment la collaboration avec les pêcheurs qui participent à une pêche particulière afin de répondre à leurs exigences en matière d’accès au marché international[195].

Au chapitre de la déclaration et la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles, Adam Burns a indiqué que « nous avons observé des taux de capture [à des fins alimentaires, sociales et rituelles] très faibles par rapport à l’ensemble des prélèvements de la pêcherie[196] ». Il a cependant averti qu’il ne pouvait pas confirmer que la totalité des prises destinées à des fins alimentaires, sociales et rituelles soit déclarée[197].

Au chapitre des activités illégales, Trevor Russ a affirmé que

les Premières Nations ont montré à maintes reprises que ce n’est pas l’exercice de leurs droits inhérents et ancestraux qui est illégal, mais les efforts du Canada pour les nier et les éliminer. La notion selon laquelle toute pêche que nous entreprenons conformément à nos lois, nos systèmes juridiques et nos systèmes de gouvernance est illégale et non réglementée, qu’elle soit autorisée ou non par les lois du Canada, est manifestement fausse[198].

Greg Witzky a pour sa part soutenu que pour nourrir les familles, certaines communautés autochtones à l’intérieur des terres pratiquent parfois la pêche malgré la fermeture[199].

Naiomi Metallic a mis en exergue l’incapacité à modifier la Loi sur les pêches et ses règlements de manière à tenir compte du droit à une subsistance convenable, de l’accès inadéquat de la pêche commerciale et des difficultés du système de délivrance de permis de pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles :

Au cours des dernières années, certains Micmacs et Wolastoqiyik ont décidé, à juste titre, d’exercer leurs droits sur l’eau. Beaucoup ont fait l’objet d’accusations. En Nouvelle-Écosse, il y a environ 55 poursuites en cours en vertu de la Loi sur les pêches. Ces droits ne sont peut-être pas tous protégés par la Constitution, mais bon nombre le sont.
Ce que je veux dire, c’est qu’il s’agit moins d’un problème d’application de la loi ou de pêche illégale que de l’incapacité du Canada à respecter et à accommoder les droits autochtones et les droits issus de traités. La résolution exige des consultations significatives avec les groupes autochtones, des négociations, la prise au sérieux du rôle autochtone dans la gestion des pêches et l’accommodement législatif de ces droits[200].

Comme Adam Burns l’a soutenu au Comité, « qu’il s’agisse de conditions de permis ou d’autres éléments, dans le contexte d’une activité de pêche fondée sur des droits, il est important que le gouvernement comprenne la nature de ces droits et des droits revendiqués[201] » pour respecter la loi. Neil Davis était d’avis que les agents d’application de la loi connaissent les droits de pêche, puisqu’ils ont été formés. Il a par ailleurs admis que « [c]’est un sujet qui évolue[202] ».

Murray Ned-Kwilosintun ne partageait pas cet avis, car les agents d’application de la loi ne comprennent pas les droits des Premières Nations. Il a poursuivi en disant ceci : « Il faudra un certain temps pour faire de la sensibilisation et en arriver à une réelle compréhension […] Nous serons ravis de leur offrir la chance de s’éduquer[203]. » À propos de la mise en œuvre des droits ancestraux dans une optique non autochtone, Ian MacPherson a également signalé le manque de clarté associé aux droits ancestraux et à l’application de la loi[204].

Colin Sproul et Carl Allen se sont tous exprimés sur la pêche INN et les pêcheurs autochtones. De l’avis de Colin Sproul, était pratiquée « une pêche illégale massive dans les baies côtières des Maritimes, sous le couvert d’une pêche alimentaire, sociale et rituelle légale, particulièrement dans la baie [St. Marys] ». Il a fait savoir au Comité que les pêcheurs étaient « scandalisés par la complicité perçue du ministère des Pêches et des Océans et attristés au plus haut point par la destruction d’une ressource qui a fait vivre toutes nos familles pendant des générations ». Selon le témoin, des accusations de pêche hors-saison ont certes été déposées, mais le Service des poursuites pénales a donné suite à peu d’entre elles. Toujours selon lui, « [l]es pêcheurs se méfient donc, à juste titre, de l’ingérence politique dans le processus judiciaire relatif aux pêches[205] ».

Colin Sproul a insisté sur l’importance du MPO et de l’exercice de son autorité pour la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles, les conflits et la controverse :

Il faut communiquer clairement aux collectivités de pêcheurs du Canada atlantique en quoi consistent les droits [à des fins alimentaires, sociales et rituelles] et ce qu’ils ne comprennent pas. Il faut que cela vienne d’en haut. C’est une responsabilité du gouvernement et du ministre. En l’absence de cela, nos collectivités sont laissées à elles-mêmes pour explorer ce qu’elles peuvent faire et ne pas faire et se débrouiller toutes seules. C’est certainement ce qui a mené au conflit. C’est la première priorité[206].

Carl Allen a pour sa part dit craindre qu’une surveillance insuffisante des pêches à des fins alimentaires, sociales et rituelles incite les non-Autochtones à profiter de la situation : « Ils jetteront des cages sans étiquette, parce qu’ils savent que les agents de Conservation et Protection ne pourront pas faire respecter la réglementation. C’est une pente glissante[207]. »

Au chapitre du droit de pêcher pour assurer une subsistance convenable, Colin Sproul a estimé que « la loi n’était pas suffisamment claire. Je pense qu’il est ressorti sans équivoque, après la deuxième décision Marshall, que la cour renvoyait la question au gouvernement et à la Chambre, en demandant que les négociations soient poursuivies[208]. » M. Sproul a ajouté ceci :

Je pense qu’il y a eu beaucoup d’efforts depuis ce temps, de la part d’un grand nombre de gouvernements successifs, pour négocier avec les nations, afin d’aller de l’avant, mais il faut qu’il y ait de la bonne foi entre le gouvernement et les dirigeants des Premières Nations pour reconnaître que l’accès fourni à ces dernières leur permet de pêcher, sinon la solution ne deviendra jamais évidente[209].

Carl Allen abondait dans le même sens : « [D]e quoi parlons-nous? Nous ne savons même pas ce qu’est une subsistance convenable, et encore moins en quoi cette pêche pourrait consister[210]. » Par ailleurs, Andrew Roman, avocat à la retraite qui témoignait à titre personnel, s’est exprimé sur les arrêts Marshall : « La décision a eu un effet sur l’industrie en ce sens que certains pêcheurs croient qu’elle garantit des droits issus de traités pour pêcher n’importe quelle espèce, où qu’on se trouve, alors que d’autres croient que la décision a une portée très étroite[211]. »

Morley Knight a insisté sur les répercussions du manque de clarté :

Ces situations sont très frustrantes pour les agents de conservation qui sont pris entre deux feux, pour les pêcheurs licenciés et pour les Autochtones qui se sentent harcelés à la fois par le personnel chargé de l’application de la loi et par les pêcheurs commerciaux. Il est possible d’atténuer les frustrations en communiquant clairement les règles, en organisant une pêche ordonnée et réglementée, et en assurant une présence adéquate en matière de contrôle et de respect des règles afin de les mettre en œuvre efficacement[212].

À l’évidence, il faut apporter une plus grande clarté aux droits ancestraux et issus des traités entourant la pêche. À la lumière des témoignages reçus, le Comité recommande :

Recommandation 25

Que Pêches et Océans Canada reconnaisse qu’une véritable réconciliation avec les Premières Nations passe par une concertation entre le ministère à titre d’organisme de réglementation et les Premières Nations pour la mise en œuvre de leurs droits ancestraux et issus des traités.

Recommandation 26

Lorsque les décisions sur la gestion des pêches engendrent des effets sur les droits ancestraux ou issus des traités des Premières Nations, dont le droit de pêche à des fins alimentaires, sociales ou rituelles (ASR) ou à des fins de subsistance convenable, que Pêches et Océans Canada s’emploie, dans la mesure du raisonnable, à faire participer au processus décisionnel les Premières Nations visées par ces décisions; et

que, vu la nature distincte des Premières Nations par rapport aux autres parties concernées en raison de leurs droits protégés par la Constitution que le gouvernement du Canada est tenu de faire respecter, Pêches et Océans Canada accorde aux Premières Nations un statut de partenaires au lieu d’un statut de participantes aux consultations et à la prise de décisions au plus haut niveau.

Recommandation 27

Que l’ensemble du personnel de Pêches et Océans Canada qui agit à titre d’agent de liaison, de communicateur ou de négociateur avec les Premières Nations, et les agents de conservation et de protection en particulier, reçoivent davantage d’informations à jour, de formation et de perfectionnement sur les droits ancestraux et issus des traités des Autochtones et sur leurs obligations à les faire respecter afin que les personnes pêchant en toute légalité soient libres de le faire.

Recommandation 28

Que Pêches et Océans Canada renforce la collecte de données sur les pêches pratiquées à des fins alimentaires, sociales et rituelles (ASR) afin de mieux connaître la quantité de poissons pêchés, ce qui contribuera aux efforts de conservation et d’application de la loi.

Recommandation 29

Que Pêches et Océans Canada fournisse des définitions et des précisions claires afin que soient bien interprétées les décisions des tribunaux sur les droits de pêche autochtones.

Recommandation 30

Que l’attribution des montants pêchés en lien aux droits de pêche pratiquée à des fins alimentaires, sociales et rituelles (ASR) soient établis de manière collaborative et de façon à tenir compte des commentaires et des orientations des peuples autochtones pour éviter les écarts entre les peuples et favoriser la compréhension et la bonne entente entre les pêcheurs autochtones et allochtones.

Établissement de relations

Tant les témoins autochtones que les témoins non autochtones ont souligné la nécessité de collaborer. Colin Sproul a exprimé sa grande tristesse, car il y a « eu une fracture entre les deux communautés. Il incombe au gouvernement de nous réunir de nouveau dans un esprit de conservation et de réconciliation[213]. » Dans le cadre de l’établissement des relations, Naiomi Metallic a fait ressortir qu’il est essentiel de reconnaître le rôle particulier des Premières Nations dans le dialogue sur les pêches :

Je pense qu’en travaillant ensemble et en collaborant, nous pourrions en faire beaucoup plus, mais ce n’est pas la réalité actuelle. Nous ne sommes pas considérés comme ayant un mot à dire ou un rôle à jouer dans la gestion de ces ressources, malgré nos droits de pêche. On nous perçoit simplement comme un intervenant au même titre que les autres, ce qui, à mon avis, ne fonctionne pas, et ce, depuis 20 ans[214].

Murray Ned-Kwilosintun a proposé une avenue possible :

Je pense à un modèle qui vient des Premières Nations du bas Fraser et qui repose sur des relations de gouvernement à gouvernement à gouvernement, mais à condition que les parties concernées puissent encore participer en qualité de conseillers et avoir une table technique avec la science occidentale et le savoir autochtone[215].

M. Ned-Kwilosintun a également avisé le Comité que « les parties concernées et les Premières Nations seront toujours en concurrence, sauf si nous réussissons à nous réunir dans la même pièce[216] ». Colin Sproul s’est exprimé du point de vue d’une partie concernée : « Si nous pouvions comprendre la nature de la mise en œuvre des droits pour pouvoir en faire part à nos membres, l’intégration se ferait beaucoup plus facilement[217]. » Il a ajouté ce qui suit :

[I]l incombe au ministre et au gouvernement de créer un endroit où les pêcheurs des Premières Nations et les pêcheurs non autochtones pourront se réunir à nouveau. Il revient certainement au gouvernement de trouver une solution pour nous tous. Nous avons hâte de nous asseoir à la table avec nos partenaires des Premières Nations. Qui pêche le homard importe peu au bout du compte. Nous avons tous l’intention de partager l’océan de façon rentable à l’avenir. Nous espérons vraiment que le ministre en place trouvera un moyen de nous réunir à nouveau, car le fait que tout se déroule en vase clos n’a pas du tout contribué à améliorer la situation.

Naiomi Metallic a expliqué que la sensibilisation aux droits fait partie intégrante de la réconciliation :

Je pense que la sensibilisation est un élément très important, tout comme une bonne compréhension de la protection des droits garantis par la Constitution. Ils ne doivent pas nous effrayer; ils ne sont pas néfastes. Ils font partie de notre identité canadienne. Des francophones font partie du groupe, et nous les protégeons grâce aux droits linguistiques des minorités au Nouveau-Brunswick et à d’autres droits linguistiques des minorités dans d’autres régions du pays.
[…]
Il est important d’avoir des occasions de discuter et de bâtir des ponts. On a vu de beaux exemples dans les Maritimes. Dans la région de la Première Nation de Bear River, un excellent projet a vu le jour au début des années 2000 avec des pêcheurs locaux de Digby. Les participants ont pu établir de bonnes relations. Ce travail peut se faire, mais je pense qu’il y a un énorme travail d’éducation à faire[218].

Le Comité reconnaît que la confiance, la communication et la volonté de prioriser la collaboration sont indispensables à la véritable résolution de ces problèmes. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 31

Qu’afin de réduire la probabilité de conflits et de divisions, le gouvernement du Canada entreprenne des campagnes de sensibilisation et d'éducation du public spécifiques à chaque région, si nécessaire, afin de :

  • promouvoir la compréhension par le public des droits de pêche inhérents aux Premières nations et issus de traités;
  • réduire la désinformation; et
  • promouvoir les objectifs et les valeurs partagés de responsabilité et d'obligation de rendre des comptes pour assurer la durabilité des pêcheries.

Recommandation 32

Que Pêches et Océans Canada rende publiques toutes les ententes conclues avec les Premières Nations sur la gestion des pêches et l’accès à celles‑ci.

Conclusion

Lors de son étude, le Comité a relevé les lacunes auxquelles le MPO doit remédier avant de disposer d’une réponse parfaitement étayée en matière de pêche INN. Il y a notamment fort à faire pour déterminer l’ampleur de la pêche INN, améliorer la collecte et la transmission de renseignements ainsi que pour renforcer les mesures d’application de la loi en matière de pêche INN, en particulier à l’égard du rôle du crime organisé. Le Comité a formulé un certain nombre de recommandations visant à remédier aux lacunes. Il a insisté sur l’importance d’une collaboration et d’une concertation entre le gouvernement fédéral et les provinces pour s’attaquer à la pêche INN, surtout en ce qui a trait à la traçabilité.

Des témoins se sont prononcés avec vigueur sur les effets néfastes de la pêche INN sur leur capacité à subvenir aux besoins de leur famille, sur la conservation et l’environnement ainsi que sur les relations entre les communautés autochtones et non autochtones. Le mécontentement exprimé à propos de l’application insuffisante de la loi a interpellé le Comité. Le Comité a également pris acte, comme par le passé, de la tension et de l’incertitude dans certaines communautés, qui résultent des lacunes dans les politiques et la législation sur la mise en œuvre des droits de pêche ancestraux et issus des traités. Bon nombre des problèmes soulevés ne datent pas d’hier. Le Comité presse tous les ministères concernés de travailler ensemble avec célérité afin d’appuyer les pêcheurs et les communautés qui contribuent de manière considérable à l’alimentation des Canadiens et à l’économie canadienne.


[1]                Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes (FOPO), Procès-verbal.

[3]                Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture,Qu’est-ce que la pêche INDNR?

[4]                Ibid.

[5]                Ibid.

[6]                Ibid.

[7]                Jamie Fox, ancien ministre des Pêches et des Communautés du gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard (à titre personnel), Témoignages, 30 novembre 2023.

[8]                Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture,Qu’est-ce que la pêche INDNR?

[9]                Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, Pêches et Océans Canada (MPO), Témoignages, 21 novembre 2023.

[10]              Mark Young, directeur général, International Monitoring, Control, and Surveillance (IMCS) Network, Témoignages, 1er février 2024.

[11]              Ibid.

[12]              Morley Knight, consultant en gestion de la pêche (à titre personnel), Témoignages, 12 décembre 2023.

[13]              Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[14]              Kimberly Elmslie, directrice de campagne, Oceana Canada, Témoignages, 12 décembre 2023; et Mark Young, directeur général, International Monitoring, Control, and Surveillance (IMCS) Network, Témoignages, 1er février 2024.

[15]              Kimberly Elmslie, directrice de campagne, Oceana Canada, Témoignages, 12 décembre 2023.

[16]              Ian Urbina, directeur, The Outlaw Ocean Project, Témoignages, 12 décembre 2023.

[17]              Ibid.

[18]              Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[19]              Ibid.; et Mark Young, directeur général, International Monitoring, Control, and Surveillance (IMCS) Network, Témoignages, 1er février 2024.

[20]              Morley Knight, consultant en gestion de la pêche (à titre personnel), Témoignages, 12 décembre 2023.

[21]              Ibid.

[22]              Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023. Le Canada fait partie de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO), de la Commission interaméricaine du thon des tropiques (CITT), de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA), de l’Organisation pour la conservation du saumon de l’Atlantique Nord (OCSAN), de la Commission des poissons anadromes du Pacifique Nord (CPAPN), de la Commission des pêches du Pacifique Centre-Ouest (CPPCO) et de la Commission des pêches du Pacifique Nord (CPPN).

[23]              L’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port) est le « premier accord international contraignant à cibler spécifiquement la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Son objectif est de prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN en empêchant les navires engagés dans la pêche INN d’utiliser les ports et de débarquer leurs captures. » L’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du Port est entré en vigueur au Canada en 2019. Voir : FAO, Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du Port (PSMA).

[24]              Mark Young, directeur général, International Monitoring, Control, and Surveillance (IMCS) Network, Témoignages, 1er février 2024.

[25]              Morley Knight, consultant en gestion de la pêche (à titre personnel), Témoignages, 12 décembre 2023.

[26]              Ibid.

[27]              La Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique a nombre d’objectifs : promouvoir la paix, la résilience et la sécurité; accroître les échanges commerciaux et les investissements et renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement; investir dans les gens et tisser des liens entre eux; bâtir un avenir durable dans la région; élargir et approfondir les partenariats régionaux du Canada. Voir : Affaires mondiales Canada, La Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique.

[28]              Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[29]              Ibid. Voir : Premier ministre du Canada, Le Canada soutient des mesures internationales énergiques et ambitieuses lors de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, document d’information, 21 septembre 2023.

[30]              Ian Urbina, directeur, The Outlaw Ocean Project, Témoignages, 12 décembre 2023.

[31]              Minda Suchan, vice-présidente, Division du renseignement géospatial, MDA, Témoignages, 7 décembre 2023.

[32]              Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[33]              Minda Suchan, vice-présidente, Division du renseignement géospatial, MDA, Témoignages, 7 décembre 2023.

[34]              Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[35]              Mark Young, directeur général, International Monitoring, Control, and Surveillance (IMCS) Network, Témoignages, 1er février 2024.

[36]              Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023; et Morley Knight, consultant en gestion de la pêche (à titre personnel), Témoignages, 12 décembre 2023.

[37]              Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[38]              Ibid.

[39]              Minda Suchan, vice-présidente, Division du renseignement géospatial, MDA, Témoignages, 7 décembre 2023.

[40]              Marc Mes, directeur général, Flotte et services maritimes, Garde côtière canadienne, Témoignages, 1er février 2024.

[41]              Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023; Kimberly Elmslie, directrice de campagne, Oceana Canada, Témoignages, 12 décembre 2023; Ian Urbina, directeur, The Outlaw Ocean Project, Témoignages, 12 décembre 2023; et Mark Young, directeur général, International Monitoring, Control, and Surveillance (IMCS) Network, Témoignages, 1er février 2024.

[42]              Daniel Anson, directeur général, Renseignement et enquêtes, Agence des services frontaliers du Canada, Témoignages, 28 novembre 2023.

[43]              Ibid.

[44]              Ibid.

[45]              Ibid.

[46]              Ian Urbina, directeur, The Outlaw Ocean Project, Témoignages, 12 décembre 2023.

[47]              Ibid.

[48]              Ibid.

[49]              Kimberly Elmslie, directrice de campagne, Oceana Canada, Témoignages, 12 décembre 2023.

[50]              Ibid.

[51]              Ian Urbina, directeur, The Outlaw Ocean Project, Témoignages, 12 décembre 2023.

[52]              Ibid.

[53]              Ibid.

[54]              Daniel Anson, directeur général, Renseignement et enquêtes, Agence des services frontaliers du Canada, Témoignages, 28 novembre 2023.

[55]              Ibid.

[56]              Ibid.

[57]              Ibid.

[58]              Kimberly Elmslie, directrice de campagne, Oceana Canada, Témoignages, 12 décembre 2023.

[59]              Ibid.

[60]              Ibid.

[61]              Colin Sproul, président, Unified Fisheries Conservation Alliance, Témoignages, 5 décembre 2023.

[62]              Ian MacPherson, directeur général, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 30 novembre 2023.

[63]              Jesse Zeman, directeur général, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 28 novembre 2023.

[64]              Ibid.

[65]              Ibid.

[66]              Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[68]              Jesse Zeman, directeur général, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 28 novembre 2023.

[69]              Ibid.; Jamie Fox, ancien ministre des Pêches et des Communautés, gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard (à titre personnel), Témoignages, 30 novembre 2023; Ian MacPherson, directeur général, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 30 novembre 2023; Murray Ned-Kwilosintun, directeur général, Lower Fraser Fisheries Alliance, Témoignages, 30 janvier 2024; et Annette Gibbons, sous-ministre, MPO, Témoignages, 13 février 2024.

[70]              Jamie Fox, ancien ministre des Pêches et des Communautés, gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard (à titre personnel), Témoignages, 30 novembre 2023; et Ian MacPherson, directeur général, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 30 novembre 2023.

[71]              Colin Sproul, président, Unified Fisheries Conservation Alliance, Témoignages, 5 décembre 2023.

[72]              Murray Ned-Kwilosintun, directeur général, Lower Fraser Fisheries Alliance, Témoignages, 30 janvier 2024.

[73]              Ibid.

[74]              Greg Witzky, directeur général, Fraser Salmon Management Council, Témoignages, 30 janvier 2024.

[75]              Murray Ned-Kwilosintun, directeur général, Lower Fraser Fisheries Alliance, Témoignages, 30 janvier 2024.

[76]              Ibid.

[77]              Stanley King, président par intérim, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 7 décembre 2023.

[78]              Gouvernement du Canada, « Décision de la ministre Lebouthillier concernant la pêche à la civelle pour 2024 », déclaration, 11 mars 2024.

[80]              Genna Carey, présidente, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 19 mars 2024.

[81]              Zachary Townsend, pêcheur, coopérative Shelburne Elver, Témoignages, 19 mars 2024.

[82]              Ibid.

[83]              Stanley King, porte-parole, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 19 mars 2024; et Genna Carey, présidente, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 19 mars 2024.

[84]              Ibid.

[85]              Colin Sproul, président, Unified Fisheries Conservation Alliance, Témoignages, 5 décembre 2023.

[86]              Jim McIsaac, coordonnateur, BC Commercial Fishing Caucus, Témoignages, 5 décembre 2023.

[87]              Ibid.

[88]              Daniel Anson, directeur général, Renseignement et enquêtes, Agence des services frontaliers du Canada, Témoignages, 28 novembre 2023.

[89]              Neil Davis, directeur régional, Gestion des pêches, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[90]              Ibid.

[91]              L’équipe du Programme de conservation et de protection du MPO est « chargée de promouvoir et de maintenir la conformité aux lois, aux règlements et aux mesures de gestion dans le but de conserver les ressources aquatiques canadiennes et d’en assurer l’exploitation durable, de même que pour protéger les espèces en péril, les habitats des poissons et les océans ». Gouvernement du Canada, Service national de renseignements sur les pêches.

[92]              Jesse Zeman, directeur général, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 28 novembre 2023.

[93]              Ibid.

[94]              Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[95]              Ian MacPherson, directeur général, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 30 novembre 2023.

[96]              Ibid.

[97]              Julian Hawkins, président-directeur général, Vericatch, Témoignages, 1er février 2024.

[98]              Ibid.

[99]              Jamie Fox, ancien ministre des Pêches et des Communautés, gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard (à titre personnel), Témoignages, 30 novembre 2023.

[100]           Carl Allen, vice-président, Union des pêcheurs des Maritimes, Témoignages, 12 décembre 2023.

[101]           Julian Hawkins, président-directeur général, Vericatch, Témoignages, 1er février 2024.

[102]           Ian MacPherson, directeur général, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 30 novembre 2023.

[103]           Morley Knight, consultant en gestion de la pêche (à titre personnel), Témoignages, 12 décembre 2023.

[104]           Ibid.

[105]           Melanie Sonnenberg, présidente, Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, Témoignages, 12 décembre 2023.

[106]           Alan Joseph Clarke, Mémoire présenté au Comité permanent des pêches et des océans, 19 janvier 2024.

[107]           Stanley King, président par intérim, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 7 décembre 2023.

[109]           Stanley King, porte-parole, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 19 mars 2024.

[110]           Stanley King, président par intérim, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 7 décembre 2023.

[111]           Ibid.

[112]           Annette Gibbons, sous-ministre, MPO, Témoignages, 13 février 2024.

[113]           Kimberly Elmslie, directrice de campagne, Oceana Canada, Témoignages, 12 décembre 2023.

[114]           Ibid.

[115]           Voir : Commissaire à l’environnement et au développement durable, Rapport 9 — La surveillance des prises de pêche maritime — Pêches et Océans Canada.

[116]           Ibid.

[117]           Ghislain Collin, président, Regroupement des pêcheurs pélagiques professionnels du sud de la Gaspésie, Témoignages, 7 décembre 2023.

[118]           Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[119]           Ibid.

[120]           Trevor Russ, directeur, Politique et programmes, Coastal First Nations – Great Bear Initiative, Témoignages, 30 janvier 2024.

[121]           Ibid.

[122]           Ibid.

[123]           Doug Wentzell, directeur général régional, Région des Maritimes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[124]           Ibid.

[125]           Ibid.

[126]           Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 1er février 2024.

[127]           Ibid.

[128]           Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14.

[129]           Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[130]           Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 1er février 2024.

[131]           Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[132]           Annette Gibbons, sous-ministre, MPO, Témoignages, 13 février 2024.

[133]           Jamie Fox, ancien ministre des Pêches et des Communautés, gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard (à titre personnel), Témoignages, 30 novembre 2023.

[134]           Jesse Zeman, directeur général, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 28 novembre 2023.

[135]           Jim McIsaac, coordonnateur, BC Commercial Fishing Caucus, Témoignages, 5 décembre 2023.

[136]           Colin Sproul, président, Unified Fisheries Conservation Alliance, Témoignages, 5 décembre 2023.

[137]           Stanley King, président par intérim, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 7 décembre 2023; Stanley King, porte-parole, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 19 mars 2024; et Genna Carey, présidente, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 19 mars 2024.

[138]           Jesse Zeman, directeur général, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 28 novembre 2023.

[139]           Ibid.

[140]           Ibid.

[141]           Morley Knight, consultant en gestion de la pêche (à titre personnel), Témoignages, 12 décembre 2023.

[142]           Jim McIsaac, coordonnateur, BC Commercial Fishing Caucus, Témoignages, 5 décembre 2023.

[143]           Ibid.

[144]           Greg Witzky, directeur général, Fraser Salmon Management Council, Témoignages, 30 janvier 2024.

[145]           Ibid.

[146]           Murray Ned-Kwilosintun, directeur général, Lower Fraser Fisheries Alliance, Témoignages, 30 janvier 2024.

[147]           Jesse Zeman, directeur général, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 28 novembre 2023.

[148]           Cathy Toxopeus, directrice générale, Programmes Commerciaux, Agence des services frontaliers du Canada, Témoignages, 28 novembre 2023; et Daniel Anson, directeur général, Renseignement et enquêtes, Agence des services frontaliers du Canada, Témoignages, 28 novembre 2023.

[149]           Stanley King, président par intérim, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 7 décembre 2023.

[150]           Dominic Mallette, directeur général régional, Région de l’Atlantique, Agence des services frontaliers du Canada, Témoignages, 19 mars 2024.

[151]           Brent Napier, directeur général par intérim, Conservation et Protection, MPO, Témoignages, 1er février 2024.

[152]           Dominic Mallette, directeur général régional, Région de l’Atlantique, Agence des services frontaliers du Canada, Témoignages, 19 mars 2024.

[153]           Ibid.

[154]           Jamie Fox, ancien ministre des Pêches et des Communautés, gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard (à titre personnel), Témoignages, 30 novembre 2023.

[155]           Ibid.

[156]           Ibid.

[157]           Ibid.

[158]           Ibid.

[159]           Colin Sproul, président, Unified Fisheries Conservation Alliance, Témoignages, 5 décembre 2023.

[160]           Ibid.

[161]           Ibid.

[162]           Doug Wentzell, directeur général régional, Région des Maritimes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[163]           Stanley King, président par intérim, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 7 décembre 2023.

[164]           Ibid.

[165]           Ibid.

[166]           Colin Sproul, président, Unified Fisheries Conservation Alliance, Témoignages, 5 décembre 2023.

[167]           Ibid.; et Morley Knight, consultant en gestion de la pêche (à titre personnel), Témoignages, 12 décembre 2023.

[168]           Melanie Sonnenberg, présidente, Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, Témoignages, 12 décembre 2023.

[169]           Jamie Fox, ancien ministre des Pêches et des Communautés, gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard (à titre personnel), Témoignages, 30 novembre 2023.

[170]           Stanley King, président par intérim, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 7 décembre 2023.

[171]           Morley Knight, consultant en gestion de la pêche (à titre personnel), Témoignages, 12 décembre 2023.

[172]           Jamie Fox, ancien ministre des Pêches et des Communautés, gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard (à titre personnel), Témoignages, 30 novembre 2023.

[173]           Ian MacPherson, directeur général, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 30 novembre 2023.

[174]           Stanley King, président par intérim, Canadian Committee for a Sustainable Eel Fishery Inc., Témoignages, 7 décembre 2023.

[175]           Ian MacPherson, directeur général, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 30 novembre 2023.

[176]           Melanie Sonnenberg, présidente, Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, Témoignages, 12 décembre 2023.

[177]           Jamie Fox, ancien ministre des Pêches et des Communautés, gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard (à titre personnel), Témoignages, 30 novembre 2023; et Ian MacPherson, directeur général, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 30 novembre 2023.

[178]           Ian MacPherson, directeur général, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 30 novembre 2023.

[179]           Ibid.

[180]           Jamie Fox, ancien ministre des Pêches et des Communautés, gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard (à titre personnel), Témoignages, 30 novembre 2023.

[181]           Melanie Sonnenberg, présidente, Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, Témoignages, 12 décembre 2023.

[182]           Les droits ancestraux découlent des pratiques, des traditions et des coutumes des sociétés ancestrales qui existaient avant le contact avec les Européens, alors que les droits issus de traités sont particuliers, et seuls les groupes autochtones qui sont signataires des traités peuvent les exercer. Voir les par. 35(1) et 35(3) de la Loi constitutionnelle de 1982.

[183]           Naiomi Metallic, professeure associée et titulaire de la Chaire du chancelier en droit et politiques autochtones (à titre personnel), Témoignages, 1er février 2024.

[184]           Trevor Russ, directeur, Politique et programmes, Coastal First Nations – Great Bear Initiative, Témoignages, 30 janvier 2024.

[185]           Ibid.

[186]           Colin Sproul, président, Unified Fisheries Conservation Alliance, Témoignages, 5 décembre 2023; Melanie Sonnenberg, présidente, Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, Témoignages, 12 décembre 2023; et Carl Allen, vice-président, Union des pêcheurs des Maritimes, Témoignages, 12 décembre 2023.

[187]           R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 456; R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 533.

[189]           Naiomi Metallic, professeure associée et titulaire de la Chaire du chancelier en droit et politiques autochtones (à titre personnel), Témoignages, 1er février 2024.

[190]           Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 1er février 2024.

[191]           Naiomi Metallic, professeure associée et titulaire de la Chaire du chancelier en droit et politiques autochtones (à titre personnel), Témoignages, 1er février 2024.

[192]           Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 1er février 2024.

[193]           Brent Napier, directeur général par intérim, Conservation et Protection, MPO, Témoignages, 1er février 2024.

[194]           Naiomi Metallic, professeure associée et titulaire de la Chaire du chancelier en droit et politiques autochtones (à titre personnel), Témoignages, 1er février 2024.

[195]           Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[196]           Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 1er février 2024.

[197]           Ibid.

[198]           Trevor Russ, directeur, Politique et programmes, Coastal First Nations – Great Bear Initiative, Témoignages, 30 janvier 2024.

[199]           Greg Witzky, directeur général, Fraser Salmon Management Council, Témoignages, 30 janvier 2024.

[200]           Naiomi Metallic, professeure associée et titulaire de la Chaire du chancelier en droit et politiques autochtones (à titre personnel), Témoignages, 1er février 2024.

[201]           Adam Burns, sous-ministre adjoint, Secteur des programmes, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[202]           Neil Davis, directeur régional, Gestion des pêches, Région du Pacifique, MPO, Témoignages, 21 novembre 2023.

[203]           Murray Ned-Kwilosintun, directeur général, Lower Fraser Fisheries Alliance, Témoignages, 30 janvier 2024.

[204]           Ian MacPherson, membre du conseil d’administration, Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, Témoignages, 12 décembre 2023.

[205]           Colin Sproul, président, Unified Fisheries Conservation Alliance, Témoignages, 5 décembre 2023.

[206]           Ibid.

[207]           Carl Allen, vice-président, Union des pêcheurs des Maritimes, Témoignages, 12 décembre 2023.

[208]           Colin Sproul, président, Unified Fisheries Conservation Alliance, Témoignages, 5 décembre 2023.

[209]           Ibid.

[210]           Carl Allen, vice-président, Union des pêcheurs des Maritimes, Témoignages, 12 décembre 2023.

[211]           Andrew Roman, avocat à la retraite (à titre personnel), Témoignages, 1er février 2024.

[212]           Morley Knight, consultant en gestion de la pêche (à titre personnel), Témoignages, 12 décembre 2023.

[213]           Colin Sproul, président, Unified Fisheries Conservation Alliance, Témoignages, 5 décembre 2023.

[214]           Naiomi Metallic, professeure associée et titulaire de la Chaire du chancelier en droit et politiques autochtones (à titre personnel), Témoignages, 1er février 2024.

[215]           Murray Ned-Kwilosintun, directeur général, Lower Fraser Fisheries Alliance, Témoignages, 30 janvier 2024.

[216]           Ibid.

[217]           Colin Sproul, président, Unified Fisheries Conservation Alliance, Témoignages, 5 décembre 2023.

[218]           Naiomi Metallic, professeure associée et titulaire de la Chaire du chancelier en droit et politiques autochtones (à titre personnel), Témoignages, 1er février 2024.