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INAN Rapport du Comité

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SOUVERAINETÉ, SÉCURITÉ ET PRÉPARATION AUX URGENCES DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS L’ARCTIQUE

 

Introduction

Avant l’arrivée des colons et la fondation du Canada tel que nous le connaissons aujourd’hui, les Premières Nations, les Inuits et les Métis avaient leurs propres protocoles et méthodes pour assurer la sécurité de leurs communautés. Aujourd’hui, le Canada doit travailler de manière proactive avec les peuples autochtones et les habitants du Nord, et les traiter comme des partenaires à part entière pour garantir une bonne préparation aux situations d’urgence dans les communautés autochtones et pour maintenir la sécurité et la souveraineté dans l’Arctique.

Le 29 avril 2022, le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord (le Comité) a adopté la motion suivante :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité réalise une étude de l’état de préparation des Autochtones du Canada aux situations d’urgence, ce qui inclut la sécurité dans l’Arctique et la souveraineté du Nunavummiut en ce qui concerne la manière dont les communautés nordiques, et en particulier les communautés autochtones du Nord, s’épanouiront et seront durables, résilientes, fortes et sûres; que l’étude du Comité tienne compte des effets possibles des incendies de forêt, des inondations, des séismes et des pandémies sur les Premières Nations; que l’étude comprenne, sans s’y limiter, un examen de l’état de préparation des Rangers et leur rôle dans l’avancement de la réconciliation; que l’étude comprenne, sans s’y limiter, un examen de l’assurance contre les inondations à haut risque, des programmes existants pour le financement des infrastructures, y compris les Accords d’aide financière en cas de catastrophe, ainsi que des mesures pouvant être prises pour bâtir des communautés résilientes et sur les besoins et les défis uniques en matière d’infrastructure dans le Nord; que le Comité examine également les différents partenariats nécessaires pour que les organisations autochtones puissent avoir des communications et des partenariats clairs avec les provinces et les territoires ainsi qu’avec le gouvernement fédéral et qu’elles puissent diriger les opérations et prendre des décisions; que toutes les réunions tenues dans le cadre de cette étude soient télévisées ou diffusées sur le Web; que le Comité fasse rapport de ses conclusions et recommandations à la Chambre; que, conformément à l’article 109 du Règlement, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale au rapport[1].

Pendant son étude, le Comité s’est penché sur deux questions qui doivent faire l’objet de sections distinctes dans le présent rapport, bien qu’elles soient interreliées. Ainsi, la première section donne un aperçu de ce que le Comité a appris au sujet de la préparation aux urgences, tandis que la deuxième traite de la sécurité dans l’Arctique et de la souveraineté de la région.

Dans le cadre de cette étude, le Comité a entendu 43 témoins et reçu 7 mémoires. En mars 2023, le Comité a aussi envoyé une délégation à Cambridge Bay et à Kugluktuk (Nunavut), ainsi qu’à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest). Les observations de la délégation à la suite de ce voyage figurent dans le présent rapport. Le Comité tient à remercier chaleureusement les personnes qui ont participé à l’étude. Comme toujours, le Comité n’aurait pas pu réaliser ce travail sans la contribution de personnes et d’organisations disposées à lui faire profiter de leur expertise et de leurs connaissances.

Préparation aux urgences

Contexte

Des situations d’urgence telles que les inondations et les feux de forêt peuvent se produire partout au Canada, mais nombre de communautés des Premières Nations sont touchées de manière démesurée par ce genre d’événements. Les témoins ont expliqué au Comité que beaucoup de communautés doivent porter un lourd fardeau en raison des difficultés d’accès à leur emplacement éloigné, des infrastructures inadéquates et du nombre insuffisant de ressources financières, humaines et autres pour atténuer les effets des catastrophes naturelles et intervenir en situation d’urgence. Les conséquences de ces situations d’urgence peuvent être durables et dévastatrices pour la santé physique, mentale et culturelle d’une communauté. Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada, qui a comparu devant le Comité dans le contexte du dépôt du Rapport 8 : La gestion des urgences dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada[2], a affirmé que plus de 130 000 personnes ont été déplacées en raison de situations d’urgence dans les collectivités des Premières Nations au cours des 13 dernières années[3].

Les témoignages relatifs à cette partie du rapport ont été entendus en 2022. Or, au moment de l’adoption du rapport, des centaines de feux de forêt faisaient rage un peu partout au Canada. Des dizaines de milliers de personnes ont dû être évacuées et le bilan financier a été considérable. Le Comité tient à reconnaître les difficultés extrêmes que les incendies de 2023 ont provoquées pour un grand nombre de Canadiens.

Au Canada, la sécurité civile est une responsabilité partagée « entre les gouvernements [fédéral, provinciaux et territoriaux] et leurs partenaires respectifs, incluant les peuples autochtones, les municipalités et collectivités et les citoyens[4] ». La préparation est l’une des quatre dimensions interdépendantes de la sécurité civile; les trois autres sont la prévention et l’atténuation, l’intervention et le rétablissement. La préparation se définit comme le fait d’être : « [P]rêt à réagir à une catastrophe et à en gérer les conséquences par des mesures mises en place avant l’événement comme, par exemple, des plans d’intervention d’urgence, des ententes d’assistance mutuelle, l’inventaire des ressources et des équipements, des programmes de formation et des exercices [de sécurité civile][5]. »

Au niveau fédéral, les rôles et les responsabilités en matière de gestion des urgences sont définis dans la Loi sur la gestion des urgences (la Loi)[6]. Aux termes du paragraphe 6(1) de la Loi, chaque ministre responsable d’une institution fédérale doit, d’une part, déterminer les risques qui sont associés à son secteur de responsabilité et, d’autre part, élaborer et mettre en œuvre un plan de gestion des urgences à l’égard de ces risques. Aux fins de la Loi, Services aux Autochtones Canada a déterminé que la gestion des urgences dans les réserves fait partie de ses responsabilités ministérielles[7].

Dans le Nord, les trois gouvernements territoriaux ont leurs propres organisations de gestion des urgences :

  • au Nunavut, Gestion des urgences au Nunavut;
  • dans les Territoires du Nord-Ouest, l’Organisation des mesures d’urgence des Territoires du Nord‑Ouest;
  • au Yukon, l’Organisation des mesures d’urgence du Yukon[8].

Pendant toutes les réunions du Comité, les témoins ont clairement indiqué que les efforts de prévention et de réduction des risques ainsi que la préparation sont essentiels à la gestion des situations d’urgence. Cependant, de nombreuses collectivités n’ont pas les ressources nécessaires pour se concentrer sur ces efforts, en partie parce que le financement fédéral pour appuyer les projets concernés est insuffisant. Les témoins ont soulevé un autre point essentiel, soit la nécessité de renforcer la collaboration entre les communautés, les provinces et territoires, le gouvernement fédéral et les organisations qui fournissent des services d’urgence avant, pendant et après les situations d’urgence. En 2018, le Comité a mis en lumière des questions et des préoccupations semblables dans un rapport sur la sécurité‑incendie et la gestion des urgences intitulé Naître des cendres : Réinventer la sécurité‑incendie et la gestion des urgences dans les collectivités autochtones[9].

La présente section est axée sur les urgences dans les collectivités des Premières Nations. Il y est d’abord question de l’importance de l’autodétermination des collectivités dans le contexte de la préparation aux urgences et des interventions en réponse à ces situations ainsi que de la nécessité d’établir des plans et d’offrir des services qui sont adaptés à la culture. Ensuite, elle traite des lacunes sur le plan du financement et résume la discussion sur la nécessité d’accroître la coordination. Cette partie du rapport examine la prévention et l’atténuation ainsi que la préparation aux urgences en plus de la nécessité d’améliorer les infrastructures, en particulier pour mieux gérer les inondations et les feux de forêt. Enfin, elle examine la réponse aux situations d’urgence dans les collectivités et insiste sur la nécessité de mettre en place des plans d’intervention d’urgence.

Autodétermination et services adaptés à la culture

La reconnaissance du droit à l’autodétermination des collectivités et le soutien à l’exercice de ce droit est un thème qui revient dans la plupart des études menées par le Comité. Le chef Joe Alphonse, du gouvernement national Tsilhqot'in, a déclaré que « [l]’une des meilleures façons de veiller à ce que les communautés autochtones soient prêtes à intervenir, c’est de reconnaître leurs compétentes en matière de préparation et de gestion des situations d’urgence[10] ». Comme l’a expliqué Raymond Lamont, chef et responsable des projets spéciaux de la nation Tsay Keh Dene :

Le Canada et la Colombie-Britannique ont dit qu’ils s’engageaient à faire progresser la réconciliation, à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et à collaborer à la reconnaissance et à la mise en œuvre des droits et des titres autochtones. La vérité, c’est que ces promesses sont creuses si les Premières Nations ne sont pas habilitées à assumer un plus grand contrôle sur leur destinée grâce au droit à l’autodétermination, au droit à l’autonomie gouvernementale. Si l’on n’a pas les capacités qu’il faut pour avoir un gouvernement ouvert, transparent et efficace, l’autonomie gouvernementale est sans substance[11].

L’exercice du droit à l’autodétermination dans le contexte des situations d’urgence exige que les approches soient dirigées par les Premières Nations. Aux yeux des collectivités de la nation Nishnawbe Aski (NNA) du nord de l’Ontario, cela comprend la création d’un service de gestion des urgences dirigé par les Premières Nations « dans le but d’établir et d’appliquer des normes de sécurité incendie et de gestion des urgences identiques ou supérieures à celles qui existent ailleurs au Canada[12] ». L’un des témoins a souligné l’importance de la collaboration pour mettre en place un modèle de prestation des services adaptés à la culture qui habilite les communautés des Premières Nations[13]. La sous-ministre de Services aux Autochtones Canada (SAC), Gina Wilson, a affirmé devant le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (PACP), alors que celui-ci étudiait le Rapport 8 : La gestion des urgences dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, que son ministère « met toute son énergie à transférer des services[14] » aux Premières Nations. Elle a précisé que le transfert s’effectue à un rythme qui convient aux collectivités, et que celles-ci « veulent prendre en charge des programmes qui fonctionnent, qui sont bien financés et qui changent vraiment la donne[15] ».

Le soutien à l’exercice du droit à l’autodétermination de certaines communautés passe par le renforcement des capacités, notamment en matière de gestion des situations d’urgence. M. Lamont a fait la déclaration suivante :

Les [Dénés de] Tsay Keh ont toujours soutenu qu’ils ne s’attendent pas à ce que le gouvernement règle leurs problèmes et qu’ils ne veulent pas qu’il le fasse. Ils veulent avoir la capacité de les résoudre eux-mêmes. Pour y parvenir, ils doivent renforcer leur capacité et former les ressources humaines. Ils ont donc besoin de capital et de financement pour renforcer leur capacité de réagir aux urgences et de prendre leurs propres décisions dans leur propre intérêt[16].

Dans son mémoire, la nation Lil’wat explique que, comme « les situations d’urgence se succèdent à des intervalles de quelques années », son « aptitude à répondre comme il se doit aux situations d’urgence est très limitée[17] ».

Bien que la ministre des Services aux Autochtones et ministre responsable de l'Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario, l’honorable Patty Hajdu, ait indiqué qu’un programme visant à accroître les capacités des Premières Nations a été présenté dans le budget de 2021[18] et que la sous-ministre adjointe ait affirmé que le budget de 2019 comportait une enveloppe particulière pour l’amélioration de la capacité[19], la vérificatrice générale a dit au Comité que SAC n’avait pas su cerner les besoins des Premières Nations en matière de capacité pour gérer les urgences[20].

Dans le domaine de la gestion des urgences, une partie de l’autodétermination se rapporte aux connaissances autochtones et au respect des méthodes de travail des Autochtones. Debbie Lipscombe, directrice exécutive du Grand conseil du Traité no 3 (l’organe directeur de la nation Anishinaabe au titre du Traité no 3 pour le Nord-Ouest de l’Ontario et le Sud-Est du Manitoba) a expliqué de quelle manière les connaissances et les traditions autochtones s’appliquent à la gestion des urgences :

Nous fonctionnons dans le cadre des lois traditionnelles. L’une de nos principales lois traditionnelles s’appelle Manito Aki Inakonigaawin, notre loi sur les ressources. Elle est très importante lorsque nous parlons de la gestion d’urgences, comme les inondations et les incendies, ainsi que des recettes de l’exploitation des ressources d’un point de vue autochtone.
Dans le cadre de nos lois, nous avons des protocoles. Ainsi, lorsque nous devons procéder à des évacuations en situation d’urgence, nos communautés veulent souvent aller vers l’ouest. Nous avons un protocole traditionnel par lequel nous contactons, au Manitoba, l’Organisation des chefs du Sud et l’Assemblée des chefs du Manitoba. Nos grands chefs parlent à leurs homologues du Manitoba et s’assurent que, lorsque nous procédons à une évacuation, ils savent que nous entrons sur les terres visées par le Traité no 1. Le Traité no 3 et le Traité no 1 fonctionnent conjointement, de sorte que lorsque nos membres sont dans des hôtels à Winnipeg, il y a une continuité pour ce qui est de la langue anishinaabemowin. Encore une fois, parce que ces protocoles traditionnels sont en place, nous assurons une continuité linguistique et culturelle, et nous avons du soutien pour que tout le monde travaille bien ensemble[21].

M. Lamont a aussi indiqué au Comité que le savoir-faire autochtone, notamment pour exécuter des techniques comme le brûlage dirigé, permet d’atténuer les risques associés aux feux de forêt catastrophiques[22].

L’autodétermination et le respect du savoir autochtone sont indispensables pour assurer la sécurité culturelle et fournir des services adaptés à la culture en cas d’urgence. Shelley Cardinal, directrice des Relations avec les Autochtones à la Croix-Rouge canadienne, a souligné l’importance de « comprendre les préjudices passés et les défis actuels auxquels la collectivité est confrontée[23] » ainsi que le fardeau qui pèse sur cette dernière lorsque les fournisseurs de services ne tiennent pas compte de son passé et de ses besoins :

Trop souvent, dans les programmes ou les interventions, il y a un moment où les membres de la collectivité doivent éduquer les gens qui sont censés aider la collectivité à surmonter un défi. Quand les membres de la collectivité doivent éduquer des gens alors qu’ils sont au beau milieu d’une crise, cela ne fait qu’ajouter à leur stress[24].

La Croix-Rouge canadienne a recommandé « que le gouvernement du Canada s’assure que la sécurité culturelle fasse partie de la planification stratégique de l’élaboration et de la prestation des politiques, ainsi que des programmes[25] ». L’organisation a fourni les explications suivantes dans son mémoire :

La sécurité culturelle est essentielle : Toutes les mesures de prévention, d’intervention et d’atténuation des risques doivent être prises de façon culturellement sécuritaire. À cette fin, et pour assurer que les communautés visées ne subissent aucun préjudice, il faut adopter une approche holistique dans les programmes et les services, une approche qui porte une attention spéciale au bien-être physique, culturel, spirituel, émotionnel et social, et qui tient compte du savoir traditionnel et des données issues de la recherche, et ce, de façon respectueuse. La sécurité culturelle reconnaît aussi le droit inhérent des peuples autochtones à l’autodétermination, car ce sont elles qui peuvent le mieux identifier ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité, la protection et la préservation de leurs pratiques culturelles. Dans toutes ses opérations, la Croix-Rouge souhaite prioriser la sécurité culturelle, durant toutes les phases de l’offre de services[26].

Lucas King, directeur de l’Unité de planification territoriale du Grand conseil du Traité no 3, a dit au Comité que le fait de devoir « évacuer son domicile a un énorme impact mental, émotionnel et spirituel[27] ». Un certain nombre de témoins ont fait valoir que de rester à proximité des membres de la communauté ou sur le territoire traditionnel procure aux membres des Premières Nations un sentiment de sécurité culturelle, contrairement aux évacuations qui les éloignent de leur domicile. Le chef Alphonse a parlé de ce que sa communauté éprouve en situation d’évacuation :

Lorsque l’on évacue des communautés, bien souvent, on les évacue vers les centres des grandes villes. Ces centres sont installés dans des gymnases, dans lesquels des lits sont alignés. Ces endroits rappellent souvent les pensionnats à notre peuple. Ce n’est pas convenable. La nourriture qui y est servie n’est pas adaptée à la culture […] La nourriture devrait être adaptée à la culture[28].

Il a donc recommandé l’ouverture d’un centre d’évacuation[29]. La vérificatrice générale a constaté que le processus lié aux évacuations doit être amélioré et que SAC « n’avait pas évalué la capacité des communautés hôtes à soutenir les communautés évacuées[30] ». Dans son mémoire, la NNA a recommandé que l’on établisse des liens solides avec les communautés hôtes et que celles-ci se voient accorder un financement « précatastrophe[31] ».

La vérificatrice générale du Canada a décrit ce qui pourrait être considéré comme une pratique exemplaire en matière de gestion des urgences. En effet, elle a loué les efforts de la communauté crie de Kashechewan (Ontario) qui, pendant la saison des inondations, a demandé et obtenu de SAC une aide financière afin de déplacer sa population vers une zone de chasse traditionnelle située sur un terrain plus élevé. Cette solution était plus adaptée à la culture qu’un déplacement vers une autre collectivité[32]. Comme l’indique le rapport de la vérificatrice générale à ce sujet, « [a]lors qu’ils étaient sur leurs terres, les membres de la Première Nation ont pris part à des activités sécuritaires et adaptées sur le plan culturel, comme la récolte et la cueillette communautaires traditionnelles, le partage intergénérationnel du savoir et des activités d’enseignement de la langue autochtone[33] ». Mme Gideon a aussi indiqué que le fait de rester sur le territoire au lieu d’être évacué ailleurs peut aider les communautés. Elle a raconté l’histoire d’une collectivité des Territoires du Nord-Ouest qui a reçu des fonds pour pouvoir s’isoler sur ses terres pendant la pandémie au lieu d’être isolée à domicile[34].

Les approches sur le terrain lors d’évacuations d’urgence peuvent également être plus rentables. Lors de sa comparution devant le comité PACP, Joanne Wilkinson, sous-ministre adjointe principale du Secteur des opérations régionales à SAC, a déclaré que le coût de l’approche sur le terrain était de 140 $ par personne et par jour, comparativement à 235 $ pour l’évacuation de la communauté crie de Kashechewan vers des communautés d’accueil[35]. Les économies réalisées peuvent ainsi être redirigées vers la prévention des situations d’urgence[36].

Le Comité reconnaît que le gouvernement du Canada doit soutenir pleinement le développement des capacités des collectivités des Premières Nations afin que ces dernières puissent exercer leur droit à l’autodétermination. Le Comité considère également que les services fournis lors de situations d’urgence dans les collectivités des Premières Nations doivent être adaptés à leur culture. Pour cette raison, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada travaille avec les peuples autochtones pour cerner les besoins en matière de capacités dans le contexte des situations d’urgence et qu’il octroie suffisamment d’options de financement flexibles (y compris des paiements préalables) et d’autres ressources, comme de la formation, pour répondre à ces besoins.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada, de concert avec les peuples autochtones, collabore avec les gouvernements des provinces et des territoires ainsi que les organisations qui fournissent des services aux Premières Nations en cas d’urgence afin que ces services soient dispensés d’une manière appropriée qui ne porte pas atteinte à la culture des peuples autochtones.

Financement

De nombreux témoins ont fait valoir qu’une hausse du financement[37], et plus particulièrement pour les activités de prévention et de réduction des risques et de préparation aux urgences, est un facteur indispensable pour régler les problèmes de gestion des situations d’urgence. Comme l’a expliqué M. Lamont devant le Comité, « qu’il s’agisse des feux de forêt ou de la route forestière Finlay, il est essentiel que les Tsay Keh reçoivent de la part du Canada des fonds qu’ils pourront utiliser pour mettre en œuvre les solutions qu’ils ont élaborées[38] ».

La vérificatrice générale du Canada a souligné que les dépenses de SAC pour les interventions et le rétablissement « étaient trois fois et demie plus élevées que les dépenses visant à aider les collectivités à [se] préparer [aux situations d’urgence] et à en atténuer les répercussions ». Au cours des quatre dernières années, le ministère a consacré un total de 828 millions de dollars à toutes les activités de gestion des urgences dans les collectivités des Premières Nations[39].

Le Comité a appris que les communautés souhaitaient mettre en œuvre des projets d’atténuation des risques, y compris des projets liés aux infrastructures, mais qu’elles n’étaient pas en mesure d’obtenir des fonds pour les lancer. La vérificatrice générale a constaté qu’il y avait un arriéré considérable de projets approuvés, mais non financés[40], que cet arriéré avait été relevé dans un rapport du vérificateur général du Canada publié en 2013[41] et qu’à l’époque, le ministère « avait déterminé qu’ils avaient besoin de fonds supplémentaires, et c’est toujours le cas[42] ». Le rapport de la vérificatrice générale de 2022 comporte plus de détails à ce sujet :

Nous avons constaté que 102 projets d’atténuation structurelle étaient soit terminés (58), soit en cours (44). Nous avons également examiné la base de données du Ministère pour déterminer le statut des propositions de projets soumises par les collectivités des Premières Nations pour atténuer les répercussions des situations d’urgence. Nous avons constaté que le Ministère avait un arriéré de 72 propositions de projets d’atténuation structurelle en attente d’un examen pour déterminer leur admissibilité au financement. La majorité (65 %, soit 47 sur 72) de ces propositions de projets non examinées ont été présentées au cours de la période allant de l’exercice 2018–2019 à l’exercice 2021–2022.
Par ailleurs, le Ministère a jugé que 112 projets supplémentaires étaient admissibles, sans toutefois les financer. En date d’avril 2022, 74 de ces 112 projets admissibles se trouvaient dans l’arriéré de projets du Ministère depuis plus de cinq ans, et quatre étaient admissibles et en attente depuis près de dix ans […] Le Ministère estimait que le coût total de ces 112 projets était d’au moins 291 millions de dollars. Nous avons noté qu’il s’agissait là d’une sous-estimation, car 43 des 112 projets n’avaient pas de coûts associés. Selon le Ministère, aucune mesure n’avait été prise concernant ces projets à cause du manque de fonds[43].

Le budget de financement des projets d’atténuation structurelle est de 12 millions de dollars par année[44].

Conformément à ce qui a été dit plus haut, de nombreuses communautés ont trouvé des solutions, mais ne peuvent pas les mettre en œuvre sans un financement approprié. M. Lamont a décrit la situation en ces termes :

Qu’il s’agisse de la route forestière Finlay ou de la sécurité alimentaire, des feux de forêt ou de la réponse à une pandémie, nous comprenons le problème et nous avons élaboré des solutions, mais lorsque nous nous efforçons de trouver des solutions, nous sommes constamment confrontés à un manque de ressources financières et humaines. Nous n’avons pas les ressources qu’il faut pour investir dans les ressources humaines nécessaires à la mise en œuvre de bon nombre des solutions que nous avons élaborées. Nous avons élaboré certaines de ces solutions en collaboration avec l’industrie, la province, ou le Canada.
Les Tsay Keh négocient actuellement un traité progressif et un accord de réconciliation comprenant quatre piliers principaux, y compris des engagements spécifiques pour permettre aux Tsay Keh de développer une économie viable pour le peuple des Dénés Tsay Keh. La capacité de développer une économie viable pour notre peuple signifie qu’il disposera de revenus autonomes qu’il pourra utiliser pour répondre à certains de ces besoins.
[…] Le problème, c’est que nous avons du mal à trouver des programmes sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour répondre à certains de ces besoins[45].

Interrogé sur le sujet, un témoin a convenu que le financement de la gestion des urgences devrait également être harmonisé avec les besoins d’infrastructure à plus long terme pour appuyer les communautés en croissance[46]. Dans son mémoire, la NNA a recommandé que l’on consacre davantage de ressources à la prévention et à l’atténuation des situations d’urgence ainsi qu’à la préparation à celles-ci[47].

Mme Gideon a expliqué au Comité que le financement versé par SAC varie en fonction du niveau de risque[48] et que le ministère travaille en collaboration avec les Premières Nations et « avec elles, à partir du niveau de risque qu’elles ont déterminé[49] ». La vérificatrice générale a néanmoins conclu qu’il y a encore à faire pour cibler les communautés les plus à risque et attribuer les fonds de manière appropriée[50].

Les représentants de SAC n’ont pas nié la nécessité d’augmenter le financement[51]. En effet, Mme Wilson a reconnu que certains éléments pouvaient être considérés comme plus prioritaires que les projets d’atténuation : « Il se peut qu’une collectivité privilégie le logement par rapport au nettoyage des rives qui s’érodent. Ces choix deviennent très difficiles pour le ministère et la collectivité[52]. »

Au sujet de l’amélioration du processus d’accès au financement, Mme Gideon a souligné le succès du Fonds de soutien aux communautés autochtones (FSCA), qui a été mis en place pour épauler les communautés au cours de la pandémie de COVID-19 :

[Le FSCA] a vraiment été une pratique exemplaire pour nous. D’abord, il a été mis en place très rapidement. Ensuite, les gens n’avaient pas à présenter une demande pour recevoir du financement. Un montant de base était versé à chaque communauté et, si les communautés avaient des besoins supplémentaires par la suite, elles devaient alors présenter une demande. Je parle bien d’une demande, et non d’une proposition; ce n’est pas la même chose. Le processus était beaucoup plus simple. Nous continuons d’ailleurs de fonctionner de cette façon pour le soutien lié à la COVID‑19. Nous considérons aussi ce processus pour le Programme d’aide à la gestion des urgences[53].

Le Comité considère que les projets d’atténuation des risques pour les infrastructures sont essentiels pour minimiser les conséquences de certaines situations d’urgence dans les communautés des Premières Nations. Pour cette raison, le Comité recommande :

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada octroie à Services aux Autochtones Canada les fonds nécessaires au bon déroulement des projets d’atténuation relatifs aux infrastructures qui ont été approuvés par le ministère.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada travaille avec les communautés et les organisations autochtones pour cibler les besoins supplémentaires en matière de financement des projets d’atténuation et pour y répondre.

Coordination

La coordination entre tous les partenaires est essentielle pour atténuer ou prévenir les situations d’urgence, s’y préparer, y répondre et se remettre de celles-ci. La coordination doit se faire avant, pendant et après une situation d’urgence. Comme l’a expliqué Anthony Moore, président du conseil d’administration de la First Nations’ Emergency Services Society :

En ce qui concerne la coordination des ressources, quel que soit le pilier, qu’il s’agisse de la préparation à l’atténuation ou du rétablissement, etc., l’idée est de réduire au minimum le temps qui s’écoule entre le moment où nous recevons l’appel et le moment où nous passons de l’atténuation de l’incident au début de la planification du rétablissement. Plus tôt cela se fait, plus nous avons de chances de réduire le temps que les familles passent loin de chez elles[54].

Le chef Darcy Gray, du gouvernement Mi’gmaq de Listuguj, a souligné l’importance de la coordination en cas d’urgence au sein de sa communauté :

Nous avons beaucoup de compétences dans notre communauté, et c’est la collaboration et le soutien de SAC et des autres gouvernements qui nous aident en temps de crise. Je dirais surtout que nous n’avons pas les ressources nécessaires pour toujours avoir une équipe de garde ou des gens prêts à réagir quand il le faut, et que c’est cette expertise ou ces ressources supplémentaires qui peuvent intervenir, ou il peut s’agir d’équipement… Nous ne sommes pas si éloignés, mais en même temps, il y a toujours des problèmes d’accès à certains équipements en raison de notre emplacement[55].

SAC n’est pas l’unique fournisseur de services de gestion des urgences[56]. En effet, il a conclu des ententes sur les services de gestion des urgences et des ententes de lutte contre les feux de forêt avec six provinces[57]. Mme Gideon a souligné un élément qui pourrait être considéré comme une lacune importante des ententes de service, soit le fait qu’elles « ne précisent pas explicitement les normes de service auxquelles les autres citoyens de la province peuvent s’attendre et, par conséquent, ce à quoi les Premières Nations peuvent s’attendre[58] ».

Mme Gideon a affirmé qu’au total, SAC a signé huit ententes de services sur la gestion des urgences[59]. Mme Wilson a précisé que, indépendamment de l’existence ou non d’une entente de service sur la gestion des urgences, « toutes les communautés autochtones reçoivent et continueront de recevoir l’aide dont elles ont besoin pour protéger leur population et leurs infrastructures en cas d’urgence. Les provinces et les territoires continuent de protéger tous les citoyens de leur région[60]. »

La ministre Hajdu a insisté sur le rôle joué par les provinces en cas d’urgence[61] et Mme Hogan a expliqué que la gestion des situations d’urgence est une responsabilité partagée :

Je ne pense pas que cette responsabilité incombe uniquement au gouvernement fédéral et aux communautés autochtones. C’est pourquoi il est si important que le gouvernement fédéral s’efforce de réunir toutes les parties qui doivent être présentes, qu’il s’agisse des provinces, des territoires ou de tiers. Dans certains cas, ce sont des tiers, comme la Croix-Rouge, qui appuient les interventions. C’est pourquoi il est important de déterminer le rôle de chacun[62].

Dans le cadre de son audit, la vérificatrice générale a souligné le passage des accords bilatéraux aux accords multilatéraux qui tiennent compte des Premières Nations[63]. De son côté, la ministre Hajdu a mis l’accent sur les travaux effectués pour établir des accords trilatéraux et a mentionné les progrès réalisés en Colombie-Britannique[64]. Quelques témoins ont exprimé leur appui à cette transition vers des accords multilatéraux[65].

La vérificatrice générale du Canada, Mme Hogan, a également souligné l’importance de la collaboration et des échanges d’informations avec d’autres partenaires fédéraux. En faisant référence au rapport 8, La gestion des urgences dans les collectivités des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada, elle a déclaré ce qui suit :

Au paragraphe 8.30 de notre rapport, nous soulignons que nous avons « constaté que Services aux Autochtones Canada n’avait pas exploité les données […] provenant d’autres sources » qui auraient pu contribuer à déterminer quelles collectivités ont les plus grands besoins. Nous mentionnons, par exemple, le « Répertoire des capacités en matière de gestion des urgences dans les collectivités autochtones, dirigé par l’Assemblée des Premières Nations et Sécurité publique Canada. » Il s’agit vraiment d’obtenir de l’information auprès non seulement des collectivités autochtones, mais aussi d’autres partenaires fédéraux qui disposent peut-être de renseignements pouvant contribuer à déterminer quelles collectivités sont les plus à risque et ont les plus grands besoins. Nous avons fait une recommandation à ce sujet en 2013, et aucune mesure n’a encore été prise. C’est la raison pour laquelle nous avons souligné encore une fois la nécessité pour Services aux Autochtones Canada de prendre l’initiative de rassembler toutes les parties intéressées […] SAC devrait tenir compte de ce que les autres ministères font afin de dresser un plan d’intervention global et complet[66].

Dans son rapport de 2018, le Comité a recommandé : « Que Services aux Autochtones Canada, reconnaissant les Premières Nations comme des partenaires de plein droit, travaille avec ces dernières et avec les provinces et les territoires afin de préciser, dans des ententes trilatérales, les rôles et les responsabilités en matière de gestion des urgences dans les communautés des Premières Nations[67]. »

La recommandation de 2018 est manifestement toujours d’actualité, et le Comité appuie sans réserve les travaux en cours visant à élaborer des accords multilatéraux pour les services d’urgence dans les communautés des Premières Nations ainsi que les efforts déployés pour fournir des ressources adéquates aux Premières Nations afin qu’elles puissent participer pleinement à ce processus. Pour ces raisons, le Comité recommande :

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada fasse de la mise sur pied d’accords multilatéraux pour les services d’urgence et le transfert de services dans les communautés des Premières Nations une priorité, notamment en fournissant des ressources adéquates aux Premières Nations pour soutenir leur participation à l’élaboration et à la mise en œuvre des accords, et que Services aux Autochtones Canada rende compte de ses réalisations au Comité dans les six mois suivant le dépôt du présent rapport.

Recommandation 6

Que Services aux Autochtones Canada, dans le cadre de son travail de soutien à la gestion des urgences des peuples autochtones, veille à ce que l’ensemble des renseignements provenant de toutes les sources pertinentes, y compris d’autres ministères fédéraux, soient pris en compte dans l’élaboration d’une réponse exhaustive en matière de gestion des urgences.

Communication

Les témoins ont rappelé l’importance de l’efficacité de la communication pour coordonner les activités de prévention et d’atténuation et les interventions. Ils ont également insisté sur la nécessité de perfectionner l’infrastructure de communication.

P. Whitney Lackenbauer, professeur à l’Université Trent, a tenu à rappeler qu’il y a « encore beaucoup de travail à faire pour améliorer l’échange d’information entre les ministères, les organismes, les gouvernements et les intervenants locaux » et qu’il faut immédiatement saisir l’occasion d’« améliorer l’échange d’information[68] ». Le chef Gray a souligné que l’adoption d’« une structure de commandement unifiée à l’interne et [le fait] d’avoir une personne-ressource à SAC ou au sein des autres gouvernements » permettraient de réduire la confusion qui règne à l’heure actuelle[69].

Nick Daigneault, maire de Beauval (Saskatchewan), a présenté une stratégie efficace de communication à l’échelle municipale :

Nous avons veillé à acheminer les ressources et à diffuser une information exacte par nos publications sur les réseaux sociaux et nos messages radio à la station locale de radiotélévision. Nous avons pu compter sur d’excellentes ressources en communication pour que la bonne information se rende à la population[70].

Dans son mémoire, Kurt Eby, directeur des Affaires réglementaires et des relations gouvernementales au sein de la Pelmorex Corporation, a expliqué le fonctionnement du Système d’agrégation et de dissémination national d’alertes (ADNA) de la façon suivante :

Pelmorex Weather Networks (Television) Inc. est un diffuseur autorisé de MétéoMédia et The Weather Network, qui détiennent une licence du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) leur permettant d’offrir des nouvelles météorologiques et environnementales. Afin de jouer son rôle de diffuseur, Pelmorex a conçu le Système d’agrégation et de dissémination national d’alertes (ADNA) et en assure le fonctionnement afin d’authentifier les alertes émises par les autorités publiques et de les diffuser à l’intention des radiodiffuseurs et des télédiffuseurs, des câblodistributeurs, des distributeurs de télévision directe à domicile par satellite, des fournisseurs de services mobiles et d’autres intervenants du secteur des communications pour qu’ils les retransmettent au public[71].

Le Comité a appris que Pelmorex examine la possibilité de prendre « en charge l’administration des comptes [de systèmes d’alerte] pour les Premières Nations qui le souhaitent, une tâche pour laquelle [Pelmorex recevrait] des directives du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial ou d’une combinaison des deux[72] ». Dans son mémoire, Pelmorex fournit l’explication suivante :

Nous croyons que, dans l’optique du respect des compétences et du renforcement de la sécurité publique, il serait bon de mieux outiller les communautés autochtones pour qu’elles aient directement accès au système ADNA et qu’elles puissent émettre des alertes destinées à leur population au moyen du système En Alerte. Pelmorex est prête à donner aux communautés autochtones l’accès au système ADNA et à gérer les comptes d’utilisateur qui leur seront attribués, pourvu qu’elle reçoive l’autorisation et les directives nécessaires[73].

En ce qui concerne l’infrastructure de télécommunications, conformément à ce qu’a appris le Comité lors d’études antérieures, la connectivité est limitée dans de nombreuses collectivités, ce qui mine la capacité à réagir aux urgences[74]. Mme Cardinal, de la Croix-Rouge canadienne, a insisté sur la nécessité, pour le gouvernement du Canada, de renforcer l’infrastructure numérique pour les collectivités autochtones et du Nord. Elle a affirmé que les outils virtuels peuvent être « une composante importante des efforts de gestion des urgences[75] » :

Par exemple, pour atténuer et prévenir la propagation de la COVID‑19, la Croix-Rouge a pu soutenir les mesures de prévention et de contrôle de l’épidémie en offrant des séances d’information virtuelles et des orientations à l’aide des foires aux questions virtuelles.
Nous réagissons aussi aux urgences sociales en offrant de la formation en premiers soins psychologiques sur Internet et d’autres soutiens virtuels[76].

Le Comité reconnaît que la communication est essentielle pour gérer avec succès les situations d’urgence et que les communications dans certaines collectivités des Premières Nations sont affectées par le manque d’accès à Internet à large bande. Pour cette raison, le Comité recommande :

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada collabore avec tous les intervenants en matière de systèmes d’alerte publique, en partenariat avec les communautés autochtones, les provinces et territoires et les fournisseurs, afin d’évaluer les systèmes d’alerte en cas d’urgence et de s’assurer de répondre aux besoins des communautés.

Prévention et atténuation

Les infrastructures

Comme l’indique la partie du présent rapport axée sur l’Arctique, les besoins en infrastructures dans le Nord sont grandement influencés par les changements climatiques. Le chef Arnold Lampreau a fait état des problèmes liés aux infrastructures sur le territoire de la réserve Shackan, en Colombie-Britannique (qui relève du Conseil tribal Scw’exmx), et a ajouté que celle-ci cherche « à obtenir des terres plus sûres et à construire de nouveaux logements » :

[I]l est question de nos membres, de la perte des terres causée par les glissements de terrain, eux-mêmes provoqués par les feux — et, dans une moindre mesure, par la construction d’un petit barrage sur la rivière Nicola —, ainsi que des coûts de réparation connexes. Pour la suite des choses, nous envisageons de faire des ajouts aux terres de la réserve et de renforcer les infrastructures de lutte contre les incendies, etc[77].

Il a fait la déclaration suivante : « Pour ce qui est de l’économie et de l’avenir, nous devons chercher d’autres endroits où vivre ou nous installer[78]. » Le chef Lampreau a aussi indiqué que, pour la suite des choses, sa communauté examinera le processus établi pour faire des ajouts aux terres de la réserve.

Le Comité reconnaît que, dans certaines circonstances, l’accès à des terres supplémentaires peut entraîner des répercussions non négligeables sur les communautés qui sont confrontées à des situations d’urgence permanentes en raison de l’emplacement et de l’état de leurs terres. Pour cette raison, le Comité recommande :

Recommandation 8

Que, dans le cadre de la refonte en cours de la Politique sur les ajouts aux réserves, le gouvernement du Canada, en partenariat avec les collectivités et les organisations des Premières Nations, étudie la possibilité de simplifier le processus pour les collectivités dont les terres sont fréquemment touchées par des situations d’urgence telles que des inondations et des feux de forêt.

M. Lamont a abordé la grave problématique de la sécurité routière dans sa communauté et la nécessité d’obtenir des fonds fédéraux pour y remédier :

Comme c’est arrivé d’autres années, une situation d’urgence a été déclarée en 2021 par Tsay Keh, car la route était impraticable. La communauté était à quelques jours d’une pénurie alimentaire et d’un manque de carburant pour les génératrices au diésel qui lui fournissent son énergie. Malgré cela, en 2021, le vérificateur général de la Colombie-Britannique a parlé de l’importance névralgique de la route en soulignant le fait que c’était la seule voie d’évacuation viable pour les communautés autochtones de la région en cas de catastrophe naturelle.
Pour faire face à ces problèmes, Tsay Keh a mis sur pied une « table de solutions » à laquelle participaient la province, les industries concernées et les Premières Nations. Des rapports d’ingénierie et des budgets ont été produits et nous nous sommes mis d’accord sur un plan. Cependant, nous avons besoin de 40 millions de dollars pour effectuer les améliorations et les réparations dont la route a cruellement besoin. Nous croyons que la Colombie-Britannique fournira la moitié de ce montant, soit 20 millions de dollars, si nous arrivons à persuader le Canada de fournir un financement similaire[79].

En ce qui concerne l’appui financier fourni par SAC en matière d’infrastructure, la vérificatrice générale a donné l’explication suivante :

[L]e budget annuel qu’ils mettent de côté pour l’atténuation structurelle n’est que de 12 millions de dollars. Au rythme actuel, il faudrait près de 24 ans pour parvenir au simple financement des 112 projets. C’est pourquoi nous avons recommandé à Services aux Autochtones Canada de procéder différemment.
Ils doivent tout d’abord dresser la liste complète de leurs besoins. Ils doivent ensuite examiner les moyens d’atténuer les effets des projets d’infrastructure. Le ministère dispose d’un budget pour tous les types de projets d’infrastructure, qu’il s’agisse d’usines de traitement des eaux, d’atténuation structurelle ou de logement. Dans le cadre de ce programme, ils ont consacré 12 millions de dollars à l’atténuation structurelle. Lorsque vous divisez le financement en sections de cette manière, cela entraîne ces retards[80].

La ministre Hajdu a affirmé devant le Comité que son organisation se concentre davantage sur l’atténuation des risques structurels et qu’elle a investi plus de 121 millions de dollars dans 103 projets d’atténuation structurelle depuis 2016[81].

Les inondations

Un certain nombre de témoins ont parlé des effets actuels ou potentiels des niveaux d’eau imprévisibles dans l’ensemble du pays. M. King a expliqué que les niveaux d’eau de plus en plus imprévisibles en raison des changements climatiques ont causé des inondations et des dommages, « empêchant les collectivités du territoire du Traité no 3 d’accéder à la nourriture, aux rendez-vous médicaux et au travail. Les évacuations et la perte de sites sacrés à cause des inondations ont également touché les collectivités du territoire du Traité no 3 et ont eu un impact direct sur leurs droits inhérents et issus de traités[82]. » Mme Lipscombe a parlé des répercussions des niveaux d’eau élevés sur les collectivités visées par le Traité no 3 :

Au moment où l’on se parle, la Première Nation de Grassy Narrows a été évacuée et déplacée à Thunder Bay. De nombreuses autres communautés ont été partiellement évacuées et se sont réfugiées dans d’autres endroits. De nombreuses communautés visées par le Traité no 3 doivent aussi faire face à une érosion ininterrompue et à des pertes de terres et d’infrastructures, comme notre station de traitement des eaux à Wabauskang. Plusieurs communautés risquent de perdre des maisons le long du littoral, et des infrastructures essentielles pour la bande risquent elles aussi d’être abimées. La destruction de ces maisons vient s’ajouter à une crise du logement déjà bien présente.
Afin de travailler de manière proactive, le Traité no 3 s’emploie actuellement à cartographier par système d’information géographique les zones et les ressources à risque, et procède à des études de vulnérabilité aux inondations afin d’étayer la planification et la réglementation futures de l’eau. Les évacuations de collectivités et de personnes peuvent être incroyablement difficiles pour une communauté, et c’est la deuxième année où nous devons procéder à des évacuations d’une telle envergure[83].

L’imprévisibilité des niveaux d’eau attribuable aux changements climatiques pourrait aussi toucher les Atikamekw de Manawan (Québec) et forcer leur évacuation, voire leur relocalisation[84].

Les changements climatiques ne sont pas le seul facteur qui contribue à la hausse du risque d’inondation, comme l’a expliqué la nation Lil’wat (Colombie-Britannique) dans un mémoire soumis au Comité :

Par exemple, nos terres de réserve ont subi les impacts des travaux d’endiguement effectués en amont, dans le secteur maintenant appelé Pemberton Meadows. Ces travaux, destinés à « redresser la rivière et à abaisser le niveau du lac » ont eu des conséquences négatives importantes pour notre nation, qui a subi les pires impacts des inondations.
Il s’agit d’un transfert inacceptable des risques[85].

Sara Brown, directrice générale de la Northwest Territories Association of Communities, a souligné l’importante de la coordination et de l’échange de renseignements sur les inondations pour les collectivités des Territoires du Nord-Ouest :

Nous devrions avoir un groupe de travail réunissant tous ceux qui risquent d’être inondés, afin qu’ils puissent apprendre les uns des autres. Ils pourront cerner les lacunes en matière de connaissances. Ils pourront identifier les lacunes sur le plan technique. Ils pourront ensuite chercher du financement en tant que groupe pour pouvoir commencer à s’attaquer à ces problèmes. Lorsque nous laissons les collectivités se débrouiller seules avec des risques individuels ou collectifs… Ces personnes sont déjà à bout de souffle. Beaucoup d’entre elles travaillent de 80 à 90 heures par semaine. Il y a un roulement énorme, toutes ces choses, alors nous devons certainement mieux les soutenir et prendre les mesures d’atténuation qui réduiront les répercussions des catastrophes naturelles[86].

Même si la communauté du chef Gray est demeurée forte pendant les inondations de 2018, notamment grâce au soutien de SAC, elle a tout de même dû surmonter des défis de taille pour mener à bien la reconstruction de ses habitations :

Après la réponse initiale à la crise, une société de gestion de projet indépendante a été chargée de réaliser des évaluations. Environ 55 maisons ont été ciblées et évaluées pour des réparations en raison des inondations. Le rapport décrivait l’étendue des réparations nécessaires et leur coût approximatif. On y précisait qu’il fallait vider et nettoyer les sous-sols, et qu’il était impératif de prendre des mesures pour éliminer les moisissures, installer des membranes et imperméabiliser les lieux, au minimum. Dans bien des cas, cela nécessitait de soulever les fondations au complet et de reconstruire à neuf, en raison du niveau élevé des eaux souterraines. Nous avons reçu l’instruction, à ce moment‑là, de la part de la Gestion des urgences, de nous mettre à l’œuvre aussi vite que possible et de reconstruire en mieux. Nous avons engagé des équipes pour nettoyer et vider les sous-sols inondés. Nous avons tout consigné par écrit, effectué un suivi et soutenu au mieux de nos ressources collectives. Nous sommes passés à l’action et avons fait ce qu’il fallait faire.
Plusieurs mois après, le projet est passé, au sein du bureau régional de SAC, de la Gestion des urgences à l’Infrastructure. Du même coup, les critères pour déterminer quelles maisons étaient admissibles à des réparations ont changé, l’aide étant désormais réservée exclusivement aux maisons inondées en raison de l’élévation du niveau des eaux souterraines au printemps 2018. Le nombre de maisons admissibles selon les nouveaux critères a ainsi chuté à environ 40; cependant, nous avions déjà vidé la plupart, sinon toutes les maisons ciblées lors de la première évaluation. Nous avions besoin d’une solution pour ces 15 maisons.
LMG Capital and Infrastructure a joint ses forces à celles du service Infrastructure de SAC pour trouver une solution, et SAC a accepté de couvrir le coût des réparations, mais pas des mesures pour régler le problème à la source, créant ainsi une lacune problématique : les sous-sols seront inondés à nouveau si nous ne nous attaquons pas à la cause principale du problème. Notre équipe de l’infrastructure et des immobilisations a trouvé des solutions pour combler cette lacune et s’est attaquée aux causes des inondations des autres maisons aussi. Nous avons terminé les différentes phases des mesures correctrices en 2020, et aucune de ces maisons n’a été inondée à nouveau, mais nous retenons notre souffle chaque printemps en surveillant la situation de près.
Ces événements et ces mesures ont occasionné un stress énorme au personnel qui est intervenu et aux familles touchées[87].

Il a aussi ajouté ceci : « Ce qui serait vraiment important pour nous, c’est de connaître ces critères dès le départ[88]. »

Les feux de forêt

Le Comité a fait la recommandation suivante au sujet des feux de forêt dans son rapport de 2018 :

Que Services aux Autochtones Canada favorise la collaboration entre les communautés des Premières Nations et les communautés non autochtones à l’échelle locale afin d’identifier une approche systématique pour s’assurer que l’expertise et les connaissances des Premières Nations sur les terres et le comportement du feu soient partagés avec les fournisseurs de services d’urgence pendant et avant une intervention[89].

Le Comité a appris qu’une communauté peut être particulièrement vulnérable aux feux de forêt en raison « de son éloignement, de l’absence d’une capacité d’intervention en cas d’incendie et des grandes étendues de bois mort et en décrépitude attribuables aux infestations et à de piètres pratiques en matière de gestion forestière[90] ».

Lors de son passage devant le Comité, John McKearney, chef des pompiers et président de l’Association canadienne des chefs de pompiers, a décrit la stratégie de protection contre les incendies des Premières Nations :

Cette stratégie comprend des priorités et des objectifs précis dans six domaines : premièrement, le partenariat avec les dirigeants des Premières Nations et la protection contre les incendies; deuxièmement, la sensibilisation à la prévention des incendies; troisièmement, les normes à l’échelle des communautés; quatrièmement, les normes d’exploitation des services d’incendie; cinquièmement, les changements climatiques; et, enfin, sixièmement, les infrastructures essentielles. Il s’agit d’une stratégie réfléchie et bien conçue, qui met l’accent sur l’éducation des dirigeants autochtones. Ce sont eux qui prennent les décisions et qui répartissent les ressources dans leurs communautés. S’ils sont sensibilisés et habilités, ils prendront les bonnes décisions. La stratégie établit également un lien entre la sécurité-incendie et la réduction des risques de catastrophe, ce qui crée des économies d’échelle. Elle appelle à la mise en œuvre de stratégies Intelli-feu, qui sont essentielles compte tenu des problèmes climatiques croissants[91].

M. McKearney a signalé un certain nombre de problèmes liés à la gestion des incendies en général, notamment le recours à des bénévoles et les besoins sur le plan de la formation[92]. Son organisation recommande de « mettre en œuvre au Canada une structure semblable à celle de la Federal Emergency Management Agency et de la Fire Administration des États-Unis[93] ». Le témoin a aussi indiqué qu’il serait primordial de collaborer avec les populations autochtones dans le cadre de cette initiative. Il a également expliqué le lien entre les feux de forêt et les incendies de bâtiments en ces termes :

On essaie de faire le lien entre les feux de forêt, qui relèvent des provinces, et les feux de structures, qui relèvent des municipalités. La surveillance exercée par l’organisme national, par le gouvernement fédéral, pour assurer une formation uniforme en ce qui concerne les incendies en milieu périurbain — qui sont différents des incendies résidentiels et des incendies de structures — et l’état de préparation de l’équipement dans nos collectivités, sont essentiels[94].

Les collectivités des Premières Nations souhaitent gérer par elles-mêmes les urgences liées aux incendies, mais nombre d’entre elles n’ont pas les moyens de le faire. M. Lamont a donné l’explication suivante :

Malheureusement, Tsay Keh n’est pas préparée et bien mal équipée pour répondre aux feux de forêt. C’est d’ailleurs pourquoi Tsay Keh est impatiente de mettre sur pied ses propres capacités de surveillance et de réponse aux feux de forêt. L’acquisition de ces capacités est non seulement vitale pour la sécurité des Dénés de Tsay Keh et conforme à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et aux efforts de réconciliation, mais elle cautionnerait également le rôle inhérent de Tsay Keh en tant que gardien des terres et des ressources de son territoire. Le défi pour Tsay Keh est de se procurer des ressources pour la formation et l’équipement. Nous demandons de l’aide pour obtenir les ressources nécessaires au développement progressif d’une capacité d’intervention pour lutter contre les feux de forêt et, ce faisant, atténuer le risque croissant de feu de forêt pour la communauté et ses résidents[95].

Le chef Ottawa a exposé les dangers pour sa communauté :

À Manawan, nous sommes entourés de forêt. La moindre étincelle pourrait faire brûler des arbres dans les alentours ainsi que nos maisons. Notre service d’incendie ne serait pas suffisant pour sauver quoi que ce soit. Nous ne disposons que d’une poignée de pompiers volontaires et nous n’avons même pas de camion muni d’une échelle. Si notre école prenait feu avec les élèves à l’intérieur, les pompiers ne pourraient pas aller sauver ceux qui seraient coincés au 2e étage.
De plus, la route étant mauvaise et non asphaltée par endroits, nous n’aurions pas forcément l’aide des services d’urgence de l’extérieur pour nous prêter main-forte, à cause des difficultés liées au transport. Effectivement, s’il pleut trop, des tronçons peuvent être emportés. S’il fait trop chaud, la poussière rend difficiles les déplacements.
L’un des autres problèmes serait l’évacuation des personnes blessées ou incommodées si une catastrophe pareille survenait, puisque nous n’avons qu’une seule ambulance sur place. Si nous devions être nombreux à être évacués en même temps pour notre santé, cela serait une véritable catastrophe logistique et sanitaire[96].

À l’instar du chef Gray qui a décrit au Comité les difficultés rencontrées après qu’une inondation a dévasté de nombreuses maisons, le chef Ottawa a indiqué que le Conseil des Atikamekw de Manawan avait éprouvé de grandes difficultés à se faire rembourser auprès du gouvernement fédéral pour l’équipement qu’il a dû acheter pour lutter contre les incendies alors que les ressources provinciales et municipales n’étaient pas disponibles pour appuyer sa communauté[97]. Le chef Alphonse a expliqué que la nation Tsilhqot’in a dû se tourner vers les tribunaux pour obtenir le remboursement des dépenses effectuées pour combattre les incendies de 2017[98].

Comme l’indique le mémoire de la Première Nation des Chipewyans, les feux de forêt peuvent avoir une incidence sur les droits issus de traités :

[L]a menace des feux de forêt plane sur l’ACFN pendant toute la saison sèche. Ces incendies ont eu des répercussions sur notre capacité à vivre de la chasse, de la pêche et de la cueillette sur le territoire et à y naviguer. En raison des changements climatiques, il devient de plus en plus difficile d’exercer ces droits, qui nous ont été garantis par le Traité no 8[99].

La question des incendies résidentiels a également été abordée au cours de l’étude, de façon moins approfondie que celle des feux de forêt, mais les témoins ont souligné l’importance des détecteurs de fumée et de la construction de structures conformes aux normes pour limiter les incendies[100]. Cet enjeu a été étudié plus en détail dans le rapport présenté par le Comité en 2018 et a aussi été évoqué dans le rapport de 2022, Les effets de la pénurie de logements sur les peuples autochtones au Canada[101].

Le Comité convient qu’il est essentiel pour les communautés autochtones de renforcer les mesures de lutte contre les feux de forêt. C’est pourquoi, conformément à ce qui était indiqué dans son rapport de 2018, le Comité recommande :

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada, en partenariat avec les communautés et les organisations autochtones, les provinces et les territoires et des organisations comme le Conseil national autochtone de la sécurité-incendie, s’efforce d’améliorer la capacité des communautés à combattre les feux de forêt en mettant au point une stratégie globale de lutte contre les feux de forêt qui respecte et intègre les connaissances et le savoir-faire autochtones, y compris les pratiques d’atténuation des feux de forêt, et que Services aux Autochtones Canada rende compte de ses réalisations au Comité dans les six mois suivant le dépôt du présent rapport.

Préparation : Plan d’intervention en cas d’urgence

De nombreux témoins ont insisté sur l’importance des plans d’intervention en cas d’urgence ainsi que sur l’absence de tels plans au sein de diverses collectivités. Le Comité avait entendu des commentaires semblables au cours de l’étude ayant mené à la publication du rapport de 2018, dans lequel il a formulé la recommandation suivante :

Que Services aux Autochtones Canada, en collaboration avec les Premières Nations, examine son Programme d’aide à la gestion des urgences afin que le soutien financier offert réponde aux besoins réels des Premières Nations; que, ce faisant, le Ministère veille à ce que des fonds suffisants soient alloués aux activités de préparation aux urgences, telles que l’élaboration, la mise à jour et la mise en œuvre de plans d’intervention d’urgence[102].

Comme l’a expliqué Michael McKay, directeur du Logement et des infrastructures pour la nation Nishnawbe Aski :

[I]l arrive très souvent qu’une situation d’urgence doive être gérée par le chef et le conseil. Tout relève du chef et du conseil — les urgences comme les autres appels téléphoniques. Nous proposons aujourd’hui d’investir dans un service de gestion des urgences en mesure de superviser et de mettre en œuvre un programme de préparation aux situations d’urgence dans les communautés et qui consignerait et mettrait à jour les plans de gestion des urgences dans les communautés[103].

La vérificatrice générale a constaté qu’un nombre élevé de collectivités n’ont pas de plan, et que les rares plans qui existent « sont désuets depuis longtemps[104] ». Marcia Mirasty, directrice principale de la Santé au Conseil tribal de Meadow Lake, a rappelé l’importance de mettre à jour continuellement les plans, y compris les coordonnées[105]. De plus, certains plans peuvent nécessiter l’intervention de plus d’une organisation[106].

La vérificatrice générale a observé que les mesures prises par SAC dans le cadre des plans d’intervention en cas d’urgence des Premières Nations comportaient des lacunes :

Le ministère ignorait si toutes les communautés étaient dotées d’un plan de réaction aux urgences, et quand les communautés avaient reçu des services d’intervention, il ne vérifiait pas si ces services avaient été offerts en temps opportun et s’ils étaient adaptés à la culture et aux besoins de la communauté. Avaient-ils comblé plus que les besoins physiques des gens quand on devait les déplacer? Avaient-ils satisfait leurs besoins en matière de santé mentale, de santé globale et d’éducation[107]?

Anthony Moore, président du conseil d’administration de la First Nations’ Emergency Services Society (FNESS), a expliqué au Comité que son organisation s’efforce de travailler avec les collectivités qui n’ont pas de plan d’intervention en cas d’urgence et d’offrir d’autres mesures de soutien comme de la formation sur la réduction des risques de feux de forêt[108].

Les coordonnateurs de la gestion des urgences jouent aussi un rôle important[109], et la vérificatrice générale a constaté que SAC a fourni du financement pour environ 190 postes de coordonnateurs de la gestion des urgences à temps plein ou partiel. Elle a toutefois déclaré que SAC « ne savait pas quelles communautés n’avaient toujours pas de coordonnateur[110] ».

Mme Cardinal, de la Croix-Rouge canadienne, a recommandé que « le gouvernement du Canada soutienne mieux les chefs autochtones en ce qui concerne les activités de préparation, d’atténuation des risques, y compris l’adaptation, et d’intervention en cas de catastrophes climatiques et d’urgences sociales[111] ».

Le Comité est d’avis que les plans d’intervention en cas d’urgence sont essentiels à la bonne gestion des situations d’urgence. Pour cette raison, comme il l’a fait dans son rapport de 2018, le Comité recommande :

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les communautés et les organisations autochtones, recense les communautés qui n’ont pas de plan d’intervention d’urgence et leur fournisse les ressources nécessaires à l’élaboration de ces plans, et que Services aux Autochtones Canada rende compte de ses réalisations au Comité dans les six mois suivant le dépôt du présent rapport.

Figure 1 — Les membres du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord ont visité l’Arctic Indigenous Wellness Foundation à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest).

La figure 1 est une photo des membres du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord avec des membres de la communauté lors d’une visite à l’Arctic Indigenous Wellness Foundation à Yellowknife, Territoires du Nord-Ouest.

Source : Comité permanent des affaires autochtones et du Nord

Sécurité et souveraineté dans l’Arctique

La sécurité et la souveraineté dans l’Arctique étaient au cœur de la présente étude. La notion de « sécurité » consiste à contrer les menaces et préjudices potentiels, tandis que la « souveraineté » fait référence à la capacité d’un pays à conserver le contrôle sur ses terres et sur ses zones maritimes ainsi que sur les personnes qui relèvent de sa compétence. Tout au long de cette étude, plusieurs témoins ont souligné à quel point il était crucial de placer les peuples autochtones et les habitants du Nord au premier plan du programme politique en matière de sécurité et de souveraineté dans l’Arctique[112]. L’honorable Richard Mostyn, ministre des Services aux collectivités au gouvernement du Yukon, a dit que « [l]a sécurité et la souveraineté de l’Arctique devraient essentiellement viser celles des peuples du Nord[113] ». Les témoins ont insisté sur l’importance de l’autonomie ainsi que sur la résilience et le savoir-faire des habitants du Nord et des peuples autochtones[114].

Les sections suivantes mettent en lumière les témoignages relatifs à la sécurité et à la souveraineté en Arctique. Elles donnent également un aperçu de ce que le Comité a entendu au sujet du Conseil de l’Arctique, le forum intergouvernemental consacré à la coopération dans la région. À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les autres membres du Conseil de l’Arctique ont continué à participer aux réunions lorsque la Russie n’était pas présente, car c’est ce pays qui en assurait la présidence entre 2021 et 2023.

Sécurité dans l’Arctique

Le Comité a été informé de plusieurs menaces pour la sécurité qui pèsent sur l’Arctique canadien. Il a toutefois aussi appris que la notion de « sécurité » peut avoir différentes significations pour les habitants du Nord et du Sud du Canada[115]. Pour assurer la sécurité dans l’Arctique, il ne faut pas se contenter de se préparer aux menaces militaires conventionnelles. Il faut également « renforcer la souveraineté » et avoir des communautés et « des gens forts et résilients », ce qui nécessite des « investissements importants dans les infrastructures essentielles comme les routes, les télécommunications et l’énergie[116] ».

Certains des risques à la sécurité dans l’Arctique comprennent néanmoins des menaces militaires conventionnelles. Les témoins ont évoqué la possibilité peu probable, mais tout de même réelle, d’un « échange nucléaire limité[117] ». Conformément à ce qui a été indiqué ci‑dessus, les menaces dans l’Arctique ne sont pas seulement de nature militaire. Les témoins ont mis en lumière plusieurs autres types de dangers, comme la « menace existentielle » des changements climatiques[118], les préoccupations quant aux activités des scientifiques étrangers[119], les investissements directs étrangers effectués par des pays qui ne sont pas favorables aux intérêts du Canada[120] et les menaces à la sécurité humaine (p. ex. l’insécurité alimentaire)[121].

M. Lackenbauer a décrit sa vision de la sécurité dans l’Arctique de la façon suivante : « [L]e cadre que j’utilise habituellement pour conceptualiser les menaces dans cette région fait la distinction entre les menaces qui passent par l’Arctique, les menaces qui planent sur l’Arctique en soi et les menaces qui proviennent de notre région arctique[122]. » Selon lui, les menaces qui viennent de l’Arctique comprennent, par exemple, « les situations d’urgence humanitaires et environnementales causées ou exacerbées par les changements climatiques ». Les menaces militaires font partie des risques qui planent sur l’Arctique, tandis que les groupes qui passent par l’Arctique « pour frapper des cibles à l’extérieur de l’Arctique[123] » représentent une autre forme de menace.

Lorsqu’il a été question des autres acteurs étatiques, les témoins ont fait référence à la Russie et à la Chine. L’un des témoins a affirmé qu’« il est probable que la Russie maintiendra fermement ses revendications de souveraineté [dans l’Arctique][124] ». Richard Shimooka, agrégé supérieur à l’Institut Macdonald-Laurier, a affirmé que « [l]’ambition de la Russie est de s’assurer au moins une forte présence dans le Nord pour affirmer sa souveraineté, ce qui comprend des revendications contestées avec le Canada[125] ». Cependant, les menaces de la Russie et de la Chine ne sont pas nécessairement de nature militaire : elles sont plutôt économiques et stratégiques[126].

Figure 2 — Des membres du Comité visitent le Système d’alerte du Nord à Cambridge Bay (Nunavut)

La figure 2 est une photo des membres du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord lors de leur visite du Système d’alerte du Nord à Cambridge Bay, au Nunavut.

Source : Comité permanent des affaires autochtones et du Nord

Les Forces armées canadiennes dans l’Arctique

Dans le cadre de son étude, le Comité a visité le quartier général de la Force opérationnelle interarmées (Nord) (FOIN) des Forces armées canadiennes (FAC) à Yellowknife. La FOIN couvre l’ensemble des trois territoires et dirige les opérations des FAC dans le Nord, comme l’Opération NANOOK[127]. Les FAC considèrent que leur rôle dans l’Arctique consiste notamment à assurer une présence visible et constante, à mener des activités de surveillance et de contrôle, à soutenir les peuples et les communautés du Nord et à contribuer à la coopération intergouvernementale.

Pendant l’étude, des témoins ont parlé des rôles essentiels que jouent les FAC et le Système d’alerte du Nord (SAN) pour assurer la sécurité dans l’Arctique. Plus précisément, étant donné que les menaces militaires pesant sur le continent pourraient vraisemblablement toucher l’Arctique canadien, Robert Huebert, professeur agrégé à l’Université de Calgary, a insisté sur la nécessité de « prendre au sérieux le renouvellement du NORAD [Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord]. La technologie de notre système de détection radar date de 1985. Nous avons besoin de radars capables de voir par-dessus l’horizon. Nous devons améliorer nos satellites de détection. » Il a aussi ajouté : « Nous devons aussi montrer aux Américains que nous sommes sérieux […] [I]l est toujours possible qu’on nous voie comme des profiteurs dans les hautes sphères politiques américaines[128]. »

Dans le cadre de son voyage dans l’Arctique en mars 2023, le Comité a visité les installations du SAN à Cambridge Bay (Nunavut). Le SAN est un système de défense qui fait partie de la contribution du Canada à la défense de l’Amérique du Nord et au NORAD[129], un programme conjoint du Canada et des États-Unis. Construit entre 1986 et 1992, le SAN est une chaîne de 50 stations radar à courte et longue portée qui assurent la surveillance des régions septentrionales du Canada et des États-Unis, de l’Alaska jusqu’à Goose Bay, au Labrador. Les stations radar détectent les objets aériens dans la zone de couverture radar, soit environ 5 000 km, dans les régions septentrionales et arctiques du Canada.

Les installations du SAN à Cambridge Bay sont contrôlées par les FAC, mais le contrat de maintenance et de service de celles-ci a été accordé à Nasittuq, une société détenue majoritairement par des Inuits. Au cours de sa visite, le Comité a appris que le SAN était à la fin de son cycle de vie et que celui-ci pourrait être prolongé d’une période de 7 à 15 ans en fonction des travaux de maintenance effectués. Fait important, la technologie du SAN n’a pas évolué au même rythme que les nouvelles menaces et que les armes modernes. Dans le cadre de la modernisation du NORAD[130], le SAN sera renforcé par l’ajout d’un nouveau Système de surveillance des voies d’approche du Nord[131].

Figure 3 — Des membres du Comité visitent le quartier général de la Force opérationnelle interarmées (Nord) à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest)

La figure 3 est une photo des membres du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord lors de leur visite du quartier général de la Force opérationnelle interarmées (Nord) à Yellowknife, aux Territoires du Nord-Ouest.

Source : Comité permanent des affaires autochtones et du Nord

Selon Ken Coates, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’innovation régionale à l’école Johnson Shoyama d’études supérieures en politique publique de l’Université de la Saskatchewan, le Canada a « une présence militaire assez faible dans le Nord[132] ». Il a déclaré que nous devons adapter nos forces armées au Nord. « Elles ne sont pas vraiment bien préparées, mais pas du tout, à y travailler[133]. » Il estime que les FAC ne sont pas préparées à relever les nouveaux défis auxquels l’Arctique doit faire face. Il espère toutefois que la modernisation du NORAD permettra de résoudre certains des problèmes auxquels sont confrontées les forces armées dans la région.

Heather Exner-Pirot, agrégée supérieure à l’Institut Macdonald-Laurier, était aussi d’avis que la modernisation du NORAD aurait des retombées positives pour la région. Elle a dit espérer que « les communautés et les entreprises autochtones du Nord tireront des avantages économiques des investissements réalisés, et que ces communautés seront incluses dans le processus décisionnel civil[134] ».

M. Shimooka a aussi affirmé que les capacités des FAC dans l’Arctique doivent être renforcées :

[L]es capacités du Canada dans le Nord sont en croissance, mais des lacunes importantes demeurent. Les récentes annonces de dépenses en matière de défense visant spécifiquement la sécurité dans le Nord et la modernisation du NORAD sont les bienvenues, mais elles ne règlent que certains problèmes, et il est loin d’être certain qu’elles seront déployées dans les délais et les coûts estimés actuels[135].

En ce qui concerne la Marine en particulier, M. Shimooka a indiqué que

[l]’acquisition continue par la Marine des navires de la classe Harry DeWolf sera un excellent ajout à la présence du Canada dans le Nord. Ces navires aideront à accroître la présence du pays dans le Nord et feront de grands progrès en fournissant une vaste gamme de capacités aux collectivités côtières au-dessus du cercle arctique[136].

Pour ce qui est des aéronefs, M. Shimooka a expliqué que le CC-295 Kingfisher, dont sera composée la nouvelle flotte d’aéronefs de recherche et de sauvetage à voilure fixe de l’Aviation royale canadienne, « présente de nombreuses lacunes techniques et de performance qui font en sorte qu’il est peu probable qu’il entre en service dans son rôle prévu[137] ». Le CC-295 remplacera le CC-115 Buffalo et le CC-130H Hercules lors des opérations de recherche et de sauvetage.

Lors de sa visite dans l’Arctique, le Comité a appris que les ressources en recherche et en sauvetage des FAC dans l’Arctique sont situées à cinq ou à six heures de vol de Cambridge Bay (Nunavut)[138]. D’après les témoins que le Comité a rencontrés à Cambridge Bay (Nunavut), il serait judicieux de conserver certains équipements et ressources dans un nouveau centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage, à Inuvik ou à Yellowknife, afin de mieux desservir les Territoires du Nord-Ouest et l’ouest du Nunavut.

Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada, a fait observer qu’

il est important d’avoir des capacités de surveillance et d’intervention […] et d’avoir la capacité de les appliquer. Nous ne pouvons pas toujours compter sur nos voisins américains, parce que, comme vous le savez, leurs ressources de sécurité sont très sollicitées ces jours‑ci. Nous devons nous assurer d’avoir nos propres ressources et nos propres capacités pour faire reconnaître nos intérêts et les intérêts de nos concitoyens du Nord[139].

À la lumière des témoignages reçus, le Comité recommande :

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada respecte son engagement quant au renouvellement et à la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) et qu’il renforce la capacité des Forces armées canadiennes dans l’Arctique canadien.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada collabore avec les habitants du Nord, les gouvernements des territoires et les Premières Nations, Inuits et Métis à la création d’un nouveau centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage dans les territoires afin que l’Arctique soit mieux desservi par les ressources en recherche et en sauvetage des Forces armées canadiennes.

Les Rangers canadiens

Figure 4 — Des membres du Comité rencontrent des Rangers canadiens à Kugluktuk (Nunavut)

La figure 4 est une photo des membres du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord lors d’une rencontre avec des membres des Rangers canadiens à Kugluktuk, au Nunavut.

Source : Comité permanent des affaires autochtones et du Nord

Les témoins ont insisté sur la contribution inestimable des Rangers canadiens dans l’Arctique. Les Rangers canadiens forment une sous-composante de la Réserve de l’Armée canadienne qui a été créée en 1947. Les 5 000 membres des Rangers vivent et travaillent dans plus de 200 communautés isolées, éloignées et côtières un peu partout au Canada[140]. Les témoins ont formulé des remarques très positives sur le programme des Rangers canadiens. Leur rôle est important, car ils effectuent des patrouilles et affirment la souveraineté du Canada dans l’Arctique en plus de participer aux opérations de recherche et de sauvetage et aux interventions d’urgence.

Comme l’a expliqué M. Lackenbauer :

Les Rangers canadiens sont un exemple de la capacité communautaire au sein des Forces armées canadiennes. Ils jouent un rôle important dans les interventions locales dans tout le spectre des risques […] Les Rangers sont les yeux, les oreilles et la voix des Forces armées canadiennes dans les régions éloignées. Ils guident les militaires du Sud lorsqu’ils sont déployés dans le Nord. Grâce à leur présence et à leurs compétences, les Rangers canadiens aident fréquemment diverses organisations gouvernementales à se préparer et à intervenir dans une vaste gamme de situations d’urgence et de scénarios de catastrophes et à aider les localités à se relever après une catastrophe[141].

Il a aussi mis l’accent sur leur rôle et leurs responsabilités :

Ils effectuent des patrouilles sur leur territoire. C’est une façon de montrer le drapeau, mais aussi de partager des connaissances les uns avec les autres. Ils signalent des activités ou des observations inhabituelles. Ils recueillent des informations locales pertinentes pour l’armée et les autres partenaires. Ils travaillent souvent avec d’autres militaires et des membres d’autres ministères et organismes qui participent à des opérations nationales. Ils jouent un rôle de premier plan dans les efforts de recherche et de sauvetage[142].

Calvin Aivgak Pedersen, bénévole au sein de la Kugluktuk Search and Rescue, a déclaré que les Rangers canadiens sont essentiels à la survie des communautés nordiques et éloignées :

Je suis moi-même un ranger canadien, alors je peux dire que nous sommes sur le terrain. Nous vivons ici. Nous sommes d’ici. Nous connaissons le terrain. Nous connaissons les gens. Nous connaissons l’histoire, et cela est inestimable dans toutes les situations […] Avoir des connaissances locales et de l’expertise, cela change vraiment les choses. Cela change les choses et permet de sauver les gens plus rapidement[143].

Les Rangers canadiens possèdent leur propre équipement (comme des motoneiges ou des véhicules tout-terrain) et reçoivent une compensation quotidienne (selon le taux d’utilisation de l’équipement) lorsqu’ils doivent s’en servir pour effectuer leurs tâches[144]. Toutefois, selon M. Lackenbauer, le taux d’utilisation de l’équipement devrait être revu afin de s’assurer que les montants versés sont suffisants[145]. M. Pedersen a expliqué que le taux d’utilisation de l’équipement « n’a pas été mis à jour depuis longtemps […] Cela aide beaucoup, mais je crois qu’il pourrait y avoir une augmentation[146]. » Selon lui, ce modèle fonctionne bien puisque les Rangers sont plus à l’aise d’utiliser l’équipement avec lequel ils sont familiers, mais qu’il serait opportun de rajuster le taux de façon à suivre l’inflation[147]. Lors de son voyage en Arctique, plusieurs Rangers canadiens à Kugluktuk ont expliqué au Comité qu’il fallait beaucoup de temps avant qu’ils se fassent rembourser pour le matériel et les pièces payés de leur poche.

M. Lackenbauer a insisté sur l’importance de s’assurer « que les Rangers sont admissibles à l’indemnité d’isolement […] afin que, comme tous ceux qui travaillent dans ces communautés, ils touchent en plus de leur solde de Rangers, une indemnité tenant compte du coût de la vie dans la communauté en question[148] ». Lors de sa visite au quartier général de la FOIN, le Comité a appris que l’indemnité d’isolement a récemment été accordée aux Rangers canadiens qui se trouvent dans l’Arctique et que celle-ci avait été versée de façon rétroactive.

M. Lackenbauer a aussi souligné l’importance de la formation pour les Rangers :

[L]es Rangers veulent vraiment des occasions de formation stimulantes. Cela signifie également que les instructeurs des Rangers doivent être suffisamment nombreux pour travailler avec eux. Une recommandation précise serait de s’assurer que l’armée canadienne traite les instructeurs des Rangers comme une priorité et de considérer que l’investissement dans les instructeurs des Rangers, qui appuient les Rangers canadiens, est un investissement pour la souveraineté dans l’Arctique. C’est un investissement dans la sécurité. C’est un investissement dans la sécurité et, au bout du compte, c’est un investissement dans les communautés[149].

Lors de son voyage en Arctique, le Comité a rencontré des Rangers établis à Kugluktuk. Les Rangers ont expliqué que même si les personnes qui prennent les décisions sont bien intentionnées, certaines choses ne fonctionnent pas dans le Nord et que la participation des Rangers au processus décisionnel présenterait des avantages importants. Les Rangers ont également exprimé leur frustration quant aux exigences administratives, qui selon eux, les empêchent d’effectuer leur travail.

Il arrive souvent que les Rangers doivent s’absenter de leur emploi régulier pour se consacrer à leur mission. Par ailleurs, certains résidents ont décidé de ne pas s’engager dans les Rangers en raison des retards dans le versement de leur salaire après avoir été affectés à une tâche. Il est donc essentiel pour le recrutement et le maintien en poste des Rangers qu’ils soient indemnisés en temps voulu et de manière adéquate pour leur travail.

À la lumière des témoignages reçus, le Comité recommande :

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada, considérant le rôle crucial joué par les Rangers canadiens en matière de sécurité et de souveraineté dans l’Arctique, prenne toutes les mesures nécessaires pour qu’ils puissent s’acquitter efficacement de leurs tâches et que, ce faisant, le gouvernement s’engage à :

  • réviser et à rajuster le taux d’utilisation de l’équipement tous les ans;
  • garantir que les membres des Rangers canadiens conservent le droit à une indemnité d’isolement et que celle-ci leur soit versée;
  • veiller à ce que les Rangers canadiens soient rétribués en temps voulu et de manière adéquate pour leur travail et l’utilisation de leur équipement personnel;
  • donner la priorité aux investissements dans la formation des membres des Rangers canadiens.
Les changements climatiques

Nombre de témoins ont indiqué que les changements climatiques constituent l’une des menaces les plus graves pour l’Arctique et ses habitants[150]. Cette menace qui plane sur le monde entier entraîne des répercussions uniques sur l’Arctique. Selon Mme Brown, « [l]es transformations massives de l’environnement font de l’Arctique l’exemple parfait de l’impact réel des changements climatiques[151] ». M. Lackenbauer a expliqué que les changements climatiques accentuent les autres risques et complique les interventions d’urgence dans la région[152].

Les effets des changements climatiques sur les infrastructures font partie des menaces qui pèsent sur l’Arctique. En effet, le dégel du pergélisol[153] compromet les fondations des bâtiments ainsi que les routes praticables en toute saison, en plus de raccourcir les saisons des routes de glace et de la construction[154]. Mme Brown a estimé que les conséquences de la dégradation du pergélisol sur les infrastructures publiques pouvaient se chiffrer à 51 millions de dollars par année, une somme qui est bien « au‑dessus des moyens des gouvernements locaux et territoria[ux][155] ». La construction et l’entretien des infrastructures dans l’Arctique coûtent déjà plus cher qu’ailleurs au pays, et il faut s’attendre à ce que ces coûts augmentent encore[156].

Les changements climatiques peuvent également entraîner des répercussions sur la souveraineté du Canada dans l’Arctique. Les mers arctiques sont de plus en plus empruntées à mesure que la glace de mer recule, ce qui accroît le risque d’incidents maritimes tels que les naufrages[157]. M. Leuprecht a observé que, selon un article publié récemment par les FAC, « les changements climatiques allaient précipiter à divers degrés un niveau d’activité sans précédent dans le Nord[158] ».

Dans un mémoire remis au Comité, Mines Agnico Eagle Limitée a aussi indiqué que les changements climatiques et l’augmentation des tensions géopolitiques pourraient entraîner des répercussions sur l’Arctique canadien :

Les changements climatiques se font sentir plus rapidement dans l’Arctique que dans d’autres régions et entraîneront éventuellement l’ouverture du territoire, qui deviendra accessible au reste du monde par les eaux canadiennes, ce qui pourrait entraîner une concurrence pour le contrôle des abondantes ressources qui s’y trouvent et pourrait donner lieu à un nouveau genre de tensions politiques au XXIe siècle[159].

Comme les changements climatiques ont une incidence sur la situation géopolitique, les FAC pourraient être appelées à jouer un rôle plus actif dans la région pour défendre les intérêts du Canada et intervenir en cas de catastrophes[160].

Lors de leur comparution, des témoins ont formulé des recommandations pour composer avec les répercussions des changements climatiques dans l’Arctique. Mme Brown a souligné l’importance de mettre en œuvre des mesures d’adaptation à ces changements à l’échelle de la communauté. Elle a aussi fait observer que le financement disponible à l’heure actuelle n’est pas suffisant :

Il y a eu énormément de demandes [de financement] dans les [Territoires-du-Nord-Ouest], plus qu’on ne pouvait en absorber, et nous faisons bien attention de traiter avec respect le savoir ancestral et local. Bientôt, nous aurons besoin de sommes beaucoup plus importantes lorsque viendra le temps des immobilisations nécessaires à l’adaptation et que les communautés tenteront d’adopter une approche proactive. Le Canada a l’occasion de faire du Nord un chef de file mondial de l’adaptation aux changements climatiques, et nous avons démontré récemment que le stimulus économique le plus puissant vient de l’argent dépensé à l’échelon local[161].

L’honorable Shane Thompson, ministre des Affaires municipales et communautaires et ministre de l’Environnement et du Changement climatique au sein du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, a affirmé ce qui suit : « Nos collectivités éloignées doivent avoir l’équipement nécessaire pour prédire les dangers liés aux changements climatiques, s’y préparer et y répondre. Je pense entre autres aux inondations, aux incendies, aux vagues de froid extrême, à l’érosion des cours d’eau le long de la côte arctique, à l’état imprévisible des glaces et au dégel du pergélisol[162]. » Le ministre a aussi parlé de la déclaration des leaders du Nord sur les changements climatiques, qui a été publiée avec l’appui des premiers ministres et des chefs autochtones des trois territoires :

Cette déclaration soulignait l’importance d’investir dans des infrastructures résistantes aux changements climatiques, dans des systèmes d’énergie renouvelable et de remplacement sûrs, dans la préparation aux situations d’urgence, dans la recherche, les connaissances et le renforcement des capacités dans le Nord, dans le soutien à la santé et au bien-être, dans la préservation de l’identité culturelle et dans les débouchés économiques[163].

M. Coates a quant à lui recommandé que l’on prenne des engagements supplémentaires pour accroître la santé et la préservation de l’environnement : « Nous faisons le minimum pour la surveillance des changements dans l’environnement. Nous nous sommes à peine mis en train pour remettre les lieux en état. Ce sera le thème de la responsabilité environnementale dans les années à venir[164]. »

Lors de son voyage dans l’Arctique en mars 2023, le Comité a rencontré des Aînés inuits au Centre du patrimoine de Kitikmeot. Les Aînés lui ont fait part de leurs observations sur l’évolution de l’environnement à la suite des changements climatiques, notamment la diminution du nombre d’animaux et de poissons, ainsi que la présence récente de moustiques. Ils ont également mentionné qu’en raison de l’érosion côtière, il a fallu trouver de nouveaux chemins pour se déplacer le long de la côte.

À Kugluktuk, l’association locale de chasseurs et de trappeurs a constaté une augmentation du nombre de prédateurs, comme les grizzlis, ce qui pourrait avoir une incidence négative sur les troupeaux de caribous. Par ailleurs, les Aînés ont observé que les changements des conditions météorologiques saisonnières affectent la faune de la région. En effet, les étés plus longs et le gel tardif à l’automne ont une incidence sur les caribous et sur le trajet qu’ils empruntent pour migrer et traverser l’océan directement depuis le continent jusqu’à l’île Victoria. De nouvelles maladies font également leur apparition chez les animaux sauvages, comme la bronchite vermineuse qui frappe le bœuf musqué.

À la lumière des témoignages reçus, le Comité recommande :

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada reconnaisse que les changements climatiques affectent de manière disproportionnée la région arctique et, par conséquent, travaille avec des partenaires nordiques et autochtones pour en atténuer les répercussions et s’y adapter, notamment en investissant dans des infrastructures résistantes au climat et à zéro émissions nettes, des systèmes d’énergie renouvelable, des mesures de préparation aux situations d’urgence ainsi que dans la recherche, les connaissances et le renforcement des capacités dans le nord du pays.

Les infrastructures

Le Comité a appris que le manque d’infrastructures adéquates dans l’Arctique est un frein à la sécurité et à la souveraineté de la région en plus de nuire à son développement économique et social. Le Comité a formulé des observations semblables en avril 2019 dans son rapport sur le déficit d’infrastructure dans l’Arctique, intitulé Le chemin de la croissance : Investir dans le Nord[165].

Selon le ministre Mostyn, le Yukon se réjouit de recevoir du gouvernement fédéral une aide financière pour les infrastructures dans la région de l’Arctique[166]. Toutefois, l’honorable David Joanasie, ministre des Services communautaires et gouvernementaux au gouvernement du Nunavut, a affirmé que le financement actuel n’est tout simplement pas suffisant pour répondre aux besoins[167]. Dans son rapport de 2019, le Comité a reconnu que les programmes fédéraux de financement des infrastructures de l’Arctique étaient dépassés par l’ampleur des déficits et que la demande était beaucoup plus élevée que l’offre.

Le ministre Joanasie a ajouté que le Nunavut doit « composer avec des facteurs comme la faible accessibilité, les coûts croissants et l’érosion de [ses] infrastructures essentielles[168] ». Quant au ministre Thompson, il a expliqué que l’absence d’infrastructures fait en sorte « que le coût de la vie et des affaires est très élevé, et nos collectivités et l’industrie ont d’ailleurs souligné qu’il s’agissait d’un obstacle important qui mine le potentiel de développement économique[169] ».

Les témoins ont évoqué des problèmes liés à tous les types d’infrastructures dans l’Arctique, des télécommunications aux transports en passant par l’énergie et le logement[170]. Le manque de logements adéquats a été décrit comme un « enjeu critique » qui doit être élevé au rang de « priorité nationale[171] » puisqu’il s’agit d’« un maillon important de la lutte contre un large éventail d’enjeux sociaux et sanitaires[172] ». M. Coates a également insisté sur l’importance cruciale du logement sur les plans de la santé, de l’éducation et de la sécurité alimentaire : « Tous ces éléments doivent être pris en compte de façon intégrée, mais si les gens ne sont pas bien logés, ils ne se porteront jamais bien. C’est aussi simple que cela[173]. » En juin 2022, le Comité a rassemblé ses observations dans un rapport sur le logement intitulé Les effets de la pénurie de logements sur les peuples autochtones au Canada[174].

M. Huebert a souligné l’importance particulière des infrastructures de transport : « Il faut pouvoir se déplacer. Cela signifie, bien sûr, qu’il faut s’assurer qu’il y a non seulement des pistes au‑delà des bases d’opérations avancées[175], mais aussi les moyens dont disposent les collectivités pour se rejoindre les unes les autres en cas d’urgence[176]. » Il a aussi ajouté qu’« [i]l faut de la résilience dans les communications. Cela signifie qu’il ne suffit pas d’avoir un seul câble et un seul moyen de connexion Internet […] Le gouvernement [fédéral] doit s’assurer que vous avez de multiples moyens d’accès à l’information[177]. » Mme Brown a formulé des observations semblables :

La pandémie a fait ressortir la vulnérabilité particulière du Nord en raison des problèmes de télécommunications, qu’il s’agisse d’enseignement en ligne, de télésanté ou de réunions virtuelles. La mise en place d’un réseau plus robuste serait non seulement un avantage pour les militaires et une affirmation de souveraineté, mais elle aiderait aussi grandement les communautés à obtenir un degré de service qui va de soi dans le reste du Canada[178].

En ce qui concerne l’infrastructure en général, M. Coates a fait observer ce qui suit :

Lorsqu’on regarde ce qui se passe dans d’autres pays, que ce soit le Nord de l’Australie ou le Groenland, les investissements militaires sont faits en fonction des besoins en infrastructure de la société dans son ensemble. On construit les routes à un endroit un peu différent. On a recours à l’armée pour développer un réseau énergétique qui sera utilisé par la population non militaire. On fait des liens entre les stratégies d’innovation et le travail scientifique en tenant compte des besoins absolus de la communauté[179].

Dans le même ordre d’idées, M. Lackenbauer a proposé « de faire des investissements stratégiques dans les infrastructures, à des fins à la fois de défense et de sécurité et en harmonie avec les priorités des gouvernements territoriaux, provinciaux et autochtones ». Il a expliqué que « [l]es mesures prises pour combler les déficits d’infrastructure qui créent des vulnérabilités sur le plan de la sécurité dans le Nord doivent également, dans la mesure du possible, viser à atténuer les inégalités socioéconomiques et sanitaires persistantes dans cette région[180] ».

Mme Brown a recommandé l’établissement d’« un plan d’investissement à long terme dans l’infrastructure du Nord ». Elle estime que « [l]e Canada doit financer les travaux nécessaires pour soutenir les communautés et appuyer de nouvelles activités industrielles, touristiques, scientifiques et militaires[181] ». À l’instar d’autres témoins, elle estime que :

Nous avons besoin des investissements militaires. Ils jetteraient les bases d’une croissance et d’une prospérité durables dans les communautés nordiques tout en servant les intérêts économiques et militaires à long terme du Canada dans la région. Nous avons besoin d’une vision d’ensemble qui intègre une présence militaire accrue à l’édification de communautés plus saines, à la protection de l’environnement et à la diversification des économies régionales. Cela comprend des projets comme le prolongement de l’aérodrome à Inuvik[182].

Selon Mme Brown, « la construction du nouveau Nord passe par le recours à des investissements militaires judicieux[183] ».

Le 14 mars 2023, le Comité a rencontré des représentants de la Kitikmeot Inuit Association (KIA). Ils ont mentionné que le projet de la route et du port de la baie de Grays était une initiative stratégique de renforcement national qui, selon eux, devrait être une priorité pour assurer la souveraineté du Canada dans l’Arctique[184]. Le projet consiste à construire une route de 230 km praticable en toute saison et un port en eau profonde à la baie Grays afin de stimuler et de rentabiliser l’exploitation des ressources minérales dans la région de Kitikmeot (Nunavut).

Ce projet pourrait favoriser l’exploitation des gisements de zinc et de cuivre d’Izok Lake et de High Lake et relierait le Nunavut aux mines en activité dans les Territoires du Nord-Ouest par l’intermédiaire de la future route de la baie Grays. Il permettrait également de ravitailler les communautés de Kitikmeot. À Kugluktuk, le Comité a appris que le projet pourrait aussi renforcer la surveillance du passage du Nord-Ouest. Le projet n’a pas progressé en raison de son coût élevé, qui était estimé à environ 580 millions de dollars il y a quelques années et qui pourrait s’élever à 1 milliard de dollars aujourd’hui.

Lors de sa visite à Cambridge Bay, le Comité a également appris que le pavage de la piste d’atterrissage du hameau était une priorité. Une piste plus longue et asphaltée permettrait à un plus grand nombre d’avions de se poser à Cambridge Bay. À l’heure actuelle, seuls certains types d’avions peuvent atterrir sur la piste en gravier de Cambridge Bay. Par ailleurs, on a expliqué au Comité que certains de ces avions seraient bientôt mis hors service, ce qui aura pour effet d’isoler davantage la communauté[185]. Le Comité a entendu des commentaires similaires à Kugluktuk.

À la lumière des témoignages reçus, le Comité recommande :

Recommandation 15

Que le gouvernement du Canada établisse et mette en œuvre, de concert avec ses partenaires autochtones et nordiques, un plan d’investissement à long terme dans les infrastructures du Nord; que ce plan soit utilisé en vue de coordonner les investissements stratégiques dans les infrastructures militaires et civiles des régions éloignées et septentrionales du pays; que les investissements dans les infrastructures de l’Arctique soient axés sur la pérennité des communautés et le développement socioéconomique.

Souveraineté de l’Arctique

Dans le cadre de l’étude, les témoins ont aussi abordé la question de la souveraineté de l’Arctique. M. Huebert a expliqué que « la souveraineté désigne la capacité d’un gouvernement de montrer qu’il est maître d’une région terrestre et maritime donnée. Dans le contexte de l’Arctique, cela veut dire être maître des zones maritimes, c’est‑à‑dire des eaux intérieures du passage du Nord-Ouest[186]. »

De l’avis de Mme Exner-Pirot, les différends à court terme au sujet de la souveraineté de l’Arctique porteront principalement sur le « plancher océanique et […] la possibilité pour un pays de réglementer ce fond marin au sein de son plateau continental étendu[187] ». M. Shimooka a affirmé que « [l]es préoccupations dans la région doivent être cernées et abordées dans le cadre de consultations et de discussions exhaustives avec les communautés afin d’aborder ces enjeux et de déterminer ce que signifie la souveraineté dans ces collectivités[188] ». Dans le même ordre d’idées, Mines Agnico Eagle Limitée a indiqué ce suit dans un mémoire présenté au Comité :

La souveraineté se concrétise par la présence permanente de résidents, par les liens entre les résidents et par une activité commerciale au sein d’une nation. Une stratégie pour l’Arctique et pour le Nord qui renforce la population et l’économie du Nord sera essentielle dans cette nouvelle ère potentielle de défis pour notre souveraineté qui toucheront le Canada, et tout particulièrement ceux qui ont élu domicile dans l’Arctique[189].

Bien qu’il soit « extrêmement improbable [que les différends concernant la souveraineté du Canada dans l’Arctique] entraînent un conflit militaire direct », M. Shimooka a indiqué que « le Canada doit tout de même maintenir des capacités civiles et militaires dans l’ensemble du spectre pour une réponse potentielle[190] ».

Alors que la Russie revendique de plus en plus fermement des droits territoriaux sur les eaux de l’Arctique, M. Leuprecht estime que le Canada devrait « redoubler d’efforts pour se donner les moyens de faire respecter les normes, les conventions et les impératifs juridiques collectivement acceptés, parce qu’il risquerait d’y avoir des conséquences défavorables sur les collectivités locales si elles ne l’étaient pas[191] ».

Pour sa part, M. Coates a fait observer ce qui suit :

[L]a défense de la souveraineté de l’Arctique et l’amélioration des modes de vie des Autochtones coûtent très cher. C’est bien la dernière chose que les députés veulent entendre, mais préparez‑vous à débourser encore plus que maintenant. C’est ce qui est arrivé au Groenland, aux Féroé et dans le Nord de la Norvège. Le Canada essaie de s’en tirer au meilleur prix pour la mise en valeur et les investissements dans le Nord[192].

Le ministre Thompson a fait l’éloge du Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord, lancé en 2019, qu’il a décrit comme une « feuille de route qui nous mènera vers la réussite dans l’Arctique ». Il a poursuivi son intervention sur le sujet en ajoutant ceci : « Il offre la possibilité au Canada de faire preuve de leadership et d’imposer sa souveraineté dans l’Arctique en autonomisant et en équipant les collectivités pour qu’elles soient à la fois résilientes et réactives au contexte international en pleine évolution[193]. » Dans la même veine, Mines Agnico Eagle Limitée a recommandé que le Canada mette en œuvre une vision et une stratégie globales pour l’Arctique :

[D]ès 1958, le gouvernement fédéral avait une « Vision nordique » visant à protéger la souveraineté du Canada dans l’Arctique et à développer ses ressources naturelles au profit de tous les Canadiens. Soixante ans plus tard, notre souveraineté dans l’Arctique demeure plus que jamais sous pression, et nous tentons encore de nous mettre d’accord sur une stratégie et sur une voie à suivre pour tirer pleinement parti des grandes possibilités que représentent le Nord et ses habitants […] Une vision et une stratégie solides pour l’Arctique, visant à soutenir le développement responsable de ces ressources appartenant aux Inuits, contribuent à l’atteinte de notre objectif national de réconciliation et à la création de nouvelles possibilités économiques tout en protégeant la souveraineté canadienne[194].

À l’occasion de son voyage en Arctique, le Comité a rencontré la première ministre des Territoires du Nord-Ouest, l’honorable Caroline Cochrane. Celle-ci a exprimé ses préoccupations concernant la souveraineté de l’Arctique à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ainsi que les risques que la guerre présente pour la sécurité et la coopération dans l’Arctique d’une manière plus générale. Elle a indiqué que, même si elle est tenue informée par le ministère de la Défense (MDN), elle souhaiterait communiquer régulièrement avec les responsables du MDN et travailler en étroite collaboration avec le gouvernement fédéral sur tout ce qui concerne les dossiers prioritaires pour son territoire. La première ministre Cochrane a également mentionné que rien ne devrait être réalisé pour le Nord sans la participation du Nord; elle a aussi souligné la nécessité pour les dirigeants du Nord de participer à tous les aspects du processus décisionnel.

Les témoignages indiquent clairement que le Canada devrait jouer un rôle plus important dans l’Arctique et ne devrait plus se limiter à agiter le drapeau pour défendre la souveraineté de la région. À la lumière des témoignages reçus, le Comité recommande :

Recommandation 16

Que le gouvernement du Canada, en partenariat avec les peuples autochtones, les habitants du Nord et les gouvernements des territoires, élabore et mette en œuvre une stratégie et une vision à long terme pour affirmer la souveraineté du Canada dans l’Arctique, et que cette stratégie soit conçue de manière à favoriser la réconciliation et à donner aux communautés locales les moyens de se mobiliser et de faire preuve de résilience.

Conseil de l’Arctique

Comme il a été mentionné précédemment, l’un des témoins a évoqué l’avenir du Conseil de l’Arctique dans le sillage de la guerre d’agression non provoquée et injustifiée lancée par la Russie contre l’Ukraine. Mme Exner-Pirot a dit s’interroger sur les mesures que le Canada et ses alliés devraient prendre en ce qui concerne le Conseil de l’Arctique :

[Le Conseil de l’Arctique] a suspendu ses activités, mais des débats sur ce que devraient être la nature et l’étendue de l’implication de la Russie ont cours en ce moment dans les ministères des Affaires étrangères à Washington, à Oslo, à Copenhague, à Helsinki et ailleurs. Il n’y a pas de réponse facile, mais je suis convaincue que le Conseil de l’Arctique ne peut pas continuer ainsi et qu’il doit devenir un A7 [Canada, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède et États-Unis][195].

Elle a toutefois insisté sur l’importance de maintenir des liens diplomatiques avec la Russie dans certains dossiers comme les changements climatiques, les pêches dans l’océan Arctique et la réglementation de la navigation maritime et a dit croire que « nous pouvons créer les conditions pour que cela se concrétise sur le plan technique en fonction des préoccupations en question, et ce, sans avoir à se plier aux restrictions et aux concessions qu’imposerait un organisme régional comme le Conseil de l’Arctique[196] ».

Mme Exner-Pirot a par ailleurs exprimé son inquiétude quant à la participation continue des peuples autochtones au Conseil de l’Arctique dans l’éventualité où celui-ci serait démantelé : « Ils craindraient de perdre le seul endroit où les Autochtones ont une représentation à ce niveau si le Conseil de l’Arctique disparaissait[197]. »

À la lumière des témoignages reçus, le Comité recommande :

Recommandation 17

Que le gouvernement du Canada, en partenariat avec des pays aux vues similaires et des participants autochtones permanents, détermine la meilleure voie à suivre pour le Conseil de l’Arctique à la suite de la guerre d’agression non provoquée et injustifiée déclenchée par la Russie contre l’Ukraine, et que le gouvernement collabore avec ses partenaires pour favoriser la participation continue des peuples autochtones à la coopération intergouvernementale dans l’Arctique.

Conclusion

Les membres du Comité qui se sont rendus au Nunavut et dans les Territoires du Nord‑Ouest ont pu voir concrètement, dans le cadre de leur passage dans le Nord, les enjeux abordés par les témoins lors des réunions de Comité à Ottawa au sujet de la souveraineté de l’Arctique, de la sécurité et de la préparation aux urgences dans la région. Cette expérience inestimable a permis de renforcer les conclusions du Comité dans ces dossiers. Le Comité fait toutefois remarquer que de nombreuses recommandations relatives au logement, à la sécurité alimentaire et aux infrastructures dans l’Arctique ont déjà été formulées dans des rapports antérieurs.

De même, en ce qui concerne la gestion des urgences dans les collectivités des Premières Nations, le Comité signale que bon nombre des préoccupations soulevées par les témoins et des recommandations formulées dans le présent rapport reprennent les points abordés dans le rapport qu’il a publié en 2018, Naître des cendres : Réinventer la sécurité‑incendie et la gestion des urgences dans les collectivités autochtones. Le Comité insiste pour que ce dossier soit traité de manière prioritaire. Comme l’a déclaré la ministre Hajdu devant le Comité : « Nous devrions tous être gênés de n’avoir pas fait mieux comme partenaires de traité, comme partenaires tout court, avec les peuples autochtones pendant des décennies d’engagements. Nous devrions tous en être gênés et nous pouvons tous faire mieux[198]. » L’heure est donc venue de faire mieux et d’appuyer les collectivités des Premières Nations afin qu’elles puissent exercer pleinement leur droit à l’autodétermination et protéger leur peuple et leurs terres en cas d’urgence.


[1]              Chambre des communes, Comité permanent des affaires autochtones et du Nord [INAN], Procès-verbal, 29 avril 2022.

[2]              Bureau de la vérificatrice générale du Canada, La gestion des urgences dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, rapport 8 tiré de 2022 - Rapports 5 à 8 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada.

[3]              INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada, Bureau du vérificateur général).

[4]                     Sécurité publique Canada, Un cadre de sécurité civile pour le Canada – Troisième édition, mai 2017.

[5]              Ibid.

[6]              Loi sur la gestion des urgences, L.C. 2007, ch. 15.

[7]              Gouvernement du Canada, Gestion des urgences.

[8]              Gouvernement du Canada, Organisations de gestion des urgences.

[10]            INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (Joe Alphonse, chef, gouvernement national Tsilhqot'in).

[11]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (Raymond Lamont, négociateur en chef et responsable des projets spéciaux, Tsay Keh Dene Nation).

[12]            INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (grand chef Derek Fox, Nation Nishnawbe Aski).

[13]            INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (grand chef Derek Fox).

[14]            Comité permanent des comptes publics [PACP], Témoignages, 25 novembre 2022 (Gina Wilson, sous-ministre, ministère des Services aux Autochtones).

[15]            Ibid.

[16]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (Raymond Lamont).

[17]            Nation Lil’wat, Mémoire.

[18]            INAN, Témoignages, 1er décembre 2022 (l’hon. Patty Hajdu, ministre des Services aux Autochtones).

[19]            INAN, Témoignages, 1er décembre 2022 (Valerie Gideon, sous-ministre déléguée, ministère des Services aux Autochtones).

[20]            INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan).

[21]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (Debbie Lipscombe, directrice exécutive, Grand conseil du Traité no 3).

[22]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (Raymond Lamont).

[23]            INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Shelley Cardinal, directrice, Relations avec les Autochtones, Croix-Rouge canadienne).

[24]            Ibid.

[25]            Ibid.

[26]            Croix-Rouge Canadienne, Mémoire présenté au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, 30 juin 2022.

[27]            INAN, Témoignages, 3 octobre 2022 (Lucas King, directeur, Unité de planification territoriale, Grand Council Treaty No 3).

[28]            INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (chef Joe Alphonse).

[29]            Ibid.

[30]            INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan).

[31]            Nation Nishnawbe Aski, Mémoire au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, 7 juin 2022.

[32]            INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan).

[33]            Bureau du vérificateur général du Canada, La gestion des urgences dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, rapport 8 tiré des Rapports 5 à 8 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada, p. 21.

[34]            INAN, Témoignages, 1 décembre 2022 (Valerie Gideon).

[35]            PACP, Témoignages, 25 novembre 2022 (Joanne Wilkinson, sous-ministre adjointe principale, Secteur des opérations régionales).

[36]            Ibid.

[37]            Voir par exemple INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (David Joanasie, ministre des Services communautaires et gouvernementaux, gouvernement du Nunavut).

[38]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (Raymond Lamont).

[39]            INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan). Selon le rapport du Bureau de la vérificatrice générale du Canada, sur un total de 828 millions de dollars, environ 754 millions de dollars ont été octroyés dans le cadre du Programme d’aide à la gestion des urgences et environ 74 millions de dollars ont été alloués au titre du Fonds d’infrastructure de Premières Nations.

[40]            La vérificatrice générale a affirmé devant le Comité que SAC a un arriéré de 112 projets. Dans le cadre de sa comparution devant le Comité PACP, Valerie Gideon a déclaré que l’arriéré était de 94 projets, ce qui représente une valeur totale estimée à 358 millions de dollars.

[41]            Bureau du vérificateur général du Canada, Chapitre 6 : La gestion des urgences dans les réserves, automne 2013.

[42]            INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan).

[43]            Bureau du vérificateur général du Canada, La gestion des urgences dans les collectivités des Premières Nations — Rapport 8 Services aux Autochtones Canada, rapport 8 tiré de 2022 - Rapports 5 à 8 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada, p. 10.

[44]            PACP, Témoignages, 25 novembre 2022 (Joanne Wilkinson).

[45]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (Raymond Lamont).

[46]            INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (grand chef Derek Fox).

[47]            Nation Nishnawbe Aski, Mémoire au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, 7 juin 2022.

[48]            INAN, Témoignages, 1er décembre 2022 (Valerie Gideon).

[49]            Ibid.

[50]            INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan).

[51]            PACP, Témoignages, 25 novembre 2022 (Valerie Gideon).

[52]            PACP, Témoignages, 25 novembre 2022 (Gina Wilson).

[53]            INAN, Témoignages, 1er décembre 2022 (Valerie Gideon).

[54]            INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (Anthony Moore, président du conseil d’administration, First Nations' Emergency Services Society).

[55]            INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (le chef Darcy Gray, gouvernement Mi'gmaq de Listuguj).

[56]            PACP, Témoignages, 25 novembre 2022 (Gina Wilson).

[57]            SAC a conclu des ententes pour la prestation des services d’urgence avec la Colombie-Britannique, l’Alberta, le Manitoba, l’Ontario et l’Île-du-Prince-Édouard ainsi que des ententes de lutte contre les feux de forêt avec six provinces (la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l’Ontario et le Québec). BVG, paragr. 8.52.

[58]            INAN, Témoignages, 1er décembre 2022 (Valerie Gideon).

[59]            Ibid. SAC a aussi établi des ententes de services relativement à la gestion des urgences avec les administrations du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, Services aux Autochtones Canada, Ententes de services relativement à la gestion des urgences.

[60]            PACP, Témoignages, 25 novembre 2022 (Gina Wilson).

[61]            INAN, Témoignages, 1er décembre 2022 (l’hon. Patty Hajdu).

[62]            INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan).

[63]            Ibid.

[64]            INAN, Témoignages, 1er décembre 2022 (l’hon. Patty Hajdu).

[65]            INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (grand chef Derek Fox); et INAN, Témoignages, 3 octobre 2022 (Lucas King). Voir aussi INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer, professeur, Université Trent, à titre personnel); et Nation Nishnawbe Aski, Mémoire au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, 7 juin 2022.

[66]            INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan). Dans son rapport de 2013, le Bureau de la vérificatrice générale du Canada a fait la recommandation suivante : « 6.37 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, en collaboration avec les Premières Nations, les provinces et d’autres organisations fédérales, devrait assumer un rôle de premier plan pour ce qui est de préciser les rôles et les responsabilités, de sorte que ceux-ci puissent être énoncés officiellement dans les ententes avec les provinces et dans les ententes de contribution avec les Premières Nations et les tiers fournisseurs de services », p. 15.

[68]            INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer).

[69]            INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (le chef Darcy Gray).

[70]            INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Nick Daigneault, maire, Northern Village of Beauval).

[71]            Pelmorex Weather Networks, Mémoire, 21 juillet 2022.

[72]            INAN, Témoignages, 3 octobre 2022 (Kurt Eby, directeur, Affaires réglementaires et relations gouvernementales, Pelmorex Corp.).

[73]            Pelmorex Weather Networks, Mémoire, 21 juillet 2022.

[74]            INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Shelley Cardinal).

[75]            Ibid.

[76]            Ibid.

[77]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (chef Arnold Lampreau, Shackan Indian Band).

[78]            Ibid.

[79]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (Raymont Lamont).

[80]            INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan).

[81]            INAN, Témoignages, 1er décembre 2022 (l’hon. Patty Hajdu).

[82]            INAN, Témoignages, 3 octobre 2022 (Lucas King).

[83]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (Debbie Lipscombe).

[84]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (chef Paul-Émile Ottawa, Conseil des Atikamekw de Manawan).

[85]            Nation Lil’wat, Mémoire.

[86]            INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Sara Brown, directrice générale, Northwest Territories Association of Communities).

[87]            INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (le chef Darcy Gray).

[88]            Ibid.

[90]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (Raymond Lamont).

[91]            INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (John McKearney, président et chef des pompiers, Association canadienne des chefs de pompiers).

[92]            Ibid.

[93]            Ibid.

[94]            Ibid.

[95]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (Raymond Lamont).

[96]            INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (chef Paul-Émile Ottawa).

[97]            Ibid.

[98]            INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (chef Joe Alphonse).

[100]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (John McKearney); et INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (grand chef Derek Fox).

[101]          INAN, Les effets de la pénurie de logements sur les peuples autochtones au Canada, troisième rapport, juin 2022.

[103]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Michael McKay, directeur, Logement et infrastructures, Nation Nishnawbe Aski).

[104]          INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan).

[105]          INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (Marcia Mirasty, directrice principale, Santé, Conseil tribal de Meadow Lake).

[106]          INAN, Témoignages, 3 octobre 2022 (Sarah Sunday-Diabo, Conseil des Mohawks d’Akwesasne).

[107]          INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan).

[108]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (Anthony Moore).

[109]          INAN, Témoignages, 1er décembre 2022 (Valerie Gideon); et INAN, Témoignages, 3 juin 2022 (Debbie Lipscombe).

[110]          INAN, Témoignages, 28 novembre 2022 (Karen Hogan).

[111]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Shelley Cardinal).

[112]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer); INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (l’hon. Shane Thompson, ministre des Affaires municipales et communautaires et ministre de l’Environnement et des Ressources naturelles, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest); et INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (Ken Coates, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’innovation régionale, école Johnson Shoyama d’études supérieures en politique publique, Université de la Saskatchewan, à titre personnel).

[113]          INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (l’hon. Richard Mostyn, ministre des Services aux collectivités, gouvernement du Yukon).

[114]          INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (Ken Coates); et INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (l’hon. David Joanasie).

[115]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Christian Leuprecht, professeur, Collège militaire royal du Canada, à titre personnel).

[116]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (l’hon. Shane Thompson).

[117]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Robert Huebert, professeur agrégé, Université de Calgary, à titre personnel).

[118]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Robert Huebert); INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer); et INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (Heather Nicol, directrice, School for the Study of Canada, Université Trent).

[119]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer).

[120]          Ibid.

[121]          Mines Agnico Eagle Limitée, Mémoire sur l’étude de la souveraineté, de la sécurité et de la préparation aux situations d’urgence des peuples autochtones dans l’Arctique, mémoire présenté au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, 2022.

[122]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer).

[123]          Ibid.

[124]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Richard Shimooka, agrégé supérieur, Institut Macdonald-Laurier, à titre personnel).

[125]          Ibid.

[126]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer).

[127]          Gouvernement du Canada, Opération NANOOK.

[128]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Robert Huebert).

[129]          Le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) se décrit comme « une organisation binationale américaine et canadienne dont la mission est d’assurer la surveillance et le contrôle de l’espace aérospatial de l’Amérique du Nord […] L’alerte aérospatiale consiste à surveiller les objets aériens artificiels, suivre leur trajectoire, puis détecter, valider et signaler toute attaque contre l’Amérique du Nord, provenant d’avions, de missiles ou d’astronefs. Tout cela, par l’entremise d’ententes mutuelles avec d’autres commandements. Le contrôle aérospatial consiste à sauvegarder la souveraineté et la défense aérienne du Canada et des États-Unis. »

[130]          En 2021, le Canada et les États-Unis ont publié conjointement une déclaration sur la modernisation du NORAD dont l’objectif est de « [m]oderniser, [d’]améliorer et [de] mieux intégrer les capacités nécessaires au NORAD pour maintenir une connaissance et une compréhension permanentes des menaces potentielles pour l’Amérique du Nord dans les domaines aérospatial et maritime, pour dissuader les actes d’agression contre l’Amérique du Nord, pour répondre aux menaces aérospatiales de manière rapide et décisive lorsque cela est nécessaire, et pour fournir une alerte maritime conformément à l’Accord du NORAD ».

[131]          En juin 2022, le gouvernement fédéral a annoncé un projet d’investissement de plusieurs milliards de dollars pendant 20 ans pour appuyer la modernisation du NORAD. Le nouveau Système de surveillance des voies d’approche du Nord (SSVAN) viendra compléter le Système d’alerte du Nord existant, qui n’est plus à jour. Les deux composantes du SSVAN devraient être pleinement opérationnelles d’ici 2031 et 2033.

[132]          INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (Ken Coates).

[133]          Ibid.

[134]          INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (Heather Exner-Pirot, agrégée supérieure, Institut Macdonald-Laurier).

[135]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Richard Shimooka).

[136]          Ibid.

[137]          Ibid.

[138]          Les ressources en matière de recherche et de sauvetage de l’Aviation royale canadienne sont situées à Trenton, en Ontario (8e Escadre Trenton), à Gander, à Terre-Neuve-et-Labrador (9e Escadre Gander), à Greenwood, en Nouvelle‑Écosse (14e Escadre Greenwood) et à Comox, en Colombie-Britannique (19e Escadre Comox).

[139]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Christian Leuprecht).

[140]          Gouvernement du Canada, À propos des Rangers canadiens.

[141]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer).

[142]          Ibid.

[143]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Calvin Aivgak Pedersen, bénévole, Kugluktuk Search and Rescue, à titre personnel).

[144]          Ibid.

[145]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer).

[146]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Calvin Aivgak Pedersen).

[147]          Ibid.

[148]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer).

[149]          Ibid.

[150]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer); INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Shelley Cardinal); et INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (l’hon. Richard Mostyn).

[151]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Sara Brown).

[152]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer).

[153]          Dans l’Arctique et ses environs, le pergélisol est présent sur la majeure partie du sol. L’Atlas national du Canada présente une carte détaillée de la répartition, des caractéristiques et des limites du pergélisol et de la glace de sol au pays.

[154]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (l’hon. Shane Thompson); INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (vice chef Joseph Tsannie, Athabasca Denesuline, Grand conseil de Prince Albert); INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (l’hon. Richard Mostyn); INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (l’hon. David Joanasie); et INAN, Témoignages, 3 octobre 2022 (Meeka Atagootak, aînée, Hamlet of Pond Inlet, à titre personnel).

[155]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Sara Brown).

[156]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Christian Leuprecht).

[157]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (l’hon. Shane Thompson).

[158]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Christian Leuprecht).

[159]          Mines Agnico Eagle Limitée, 2022.

[160]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Christian Leuprecht).

[161]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Sara Brown).

[162]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (l’hon. Shane Thompson).

[163]          Ibid.

[164]          INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (Ken Coates).

[165]          INAN, Le chemin de la croissance : Investir dans le Nord, 18e rapport, avril 2019.

[166]          INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (l’hon. Richard Mostyn).

[167]          INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (l’hon. David Joanasie).

[168]          Ibid.

[169]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (l’hon. Shane Thompson).

[170]          En juin 2022, le Comité a présenté un rapport intitulé Les effets de la pénurie de logements sur les peuples autochtones au Canada. Le gouvernement du Canada a publié sa réponse à ce rapport en octobre 2022.

[171]          INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (Ken Coates).

[172]          Mines Agnico Eagle Limitée, 2022.

[173]          INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (Ken Coates).

[175]          Les Forces armées canadiennes disposent d’emplacements d’opérations avancés (EOA) répartis un peu partout en Arctique. Ce sont des endroits où les fournitures et infrastructures nécessaires ont été préparées à l’avance pour appuyer le déploiement du personnel militaire dans les zones éloignées.

[176]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Robert Huebert).

[177]          Ibid.

[178]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Sara Brown).

[179]          INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (Ken Coates).

[180]          INAN, Témoignages, 10 juin 2022 (P. Whitney Lackenbauer).

[181]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Sara Brown).

[182]          Ibid.

[183]          Ibid.

[184]          Selon un article du Nunatsiaq News publié quelques jours après le voyage du Comité à Cambridge Bay (Nunavut), la Kitikmeot Inuit Association (KIA) ne contribuera plus au financement du projet de construction de la route et du port de la baie Grays. La KIA a déclaré que le projet devrait être financé entièrement par le gouvernement, bien qu’elle appuie toujours fermement le projet. Voir : Randi Beers, « Kitikmeot Inuit Association withdraws from Grays Bay port and road project », Nunatsiaq News, 17 mars 2023 [disponible en anglais seulement].

[185]          Ce ne sont pas tous les avions qui sont en mesure d’atterrir sur une piste en gravier. Par exemple, le moteur de certains avions peut être endommagé lors de l’atterrissage sur de telles pistes.

[186]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Robert Huebert).

[187]          INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (Heather Exner-Pirot).

[188]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Richard Shimooka).

[189]          Mines Agnico Eagle Limitée, 2022.

[190]          INAN, Témoignages, 7 juin 2022 (Richard Shimooka).

[191]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (Christian Leuprecht).

[192]          INAN, Témoignages, 21 juin 2022 (Ken Coates).

[193]          INAN, Témoignages, 14 juin 2022 (l’hon. Shane Thompson).

[194]          Mines Agnico Eagle Limitée, 2022.

[195]          INAN, Témoignages, 26 septembre 2022 (Heather Exner-Pirot).

[196]          Ibid.

[197]          Ibid.

[198]          INAN, Témoignages, 1er décembre 2022 (l’hon. Patty Hajdu).