JUST Rapport du Comité
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La défense d’intoxication extrême s’apparentant à l’automatisme : une étude de la réponse législative à la décision R. c. Brown de la Cour suprême du Canada
Chapitre 1 : Contexte de l’étude
Le 22 septembre 2022, le Comité permanent de la Justice et des droits de la personne de la Chambre des communes (le Comité) a décidé de prévoir une étude sur l’objet du projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême)[1] conformément à une motion adoptée par la Chambre des communes le 21 juin 2022. Cette motion prévoyait l’adoption accélérée du projet de loi C-28 tout en requérant que le Comité reçoive instruction d’entreprendre une étude de l’objet de ce projet de loi à la reprise des travaux de la Chambre des communes en septembre 2022, que le ministre de la Justice « soit invité à comparaître comme témoin » et que « le Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre au plus tard le vendredi 16 décembre 2022[2] ».
De manière exceptionnelle, l’étude de l’objet de ce projet de loi en comité parlementaire s’est déroulée après son adoption et son entrée en vigueur, dérogeant ainsi aux étapes habituelles du processus législatif.
L’adoption accélérée de ce projet de loi s’inscrivait dans un contexte particulier : le Parlement devait agir rapidement afin de combler un vide juridique dans le Code criminel en raison de la décision de la Cour suprême du Canada (la CSC) dans l’affaire R. c. Brown rendue le 13 mai 2022[3]. En effet, le projet de loi C-28 a été déposé à la Chambre des communes le 17 juin 2022 par l’honorable David Lametti, ministre de la Justice, en réponse à cette décision dans laquelle la CSC a conclu à l’inconstitutionnalité de l’ancienne mouture de l’article 33.1 du Code criminel[4] qui empêchait la défense fondée sur l’intoxication extrême s’apparentant à l’automatisme relativement à la commission de certaines infractions violentes[5]. Puisque l’ancien article 33.1 du Code criminel a été déclaré inopérant par la CSC, les individus accusés d’une infraction violente visée par cet article pouvaient donc invoquer l’intoxication extrême s’apparentant à l’automatisme comme moyen de défense, peu importe s’ils avaient fait preuve de négligence dans leur consommation de substances intoxicantes. La CSC n’a pas suspendu sa déclaration d’invalidité de l’ancien article 33.1 du Code criminel afin de donner du temps au Parlement pour adopter une solution législative en réponse à sa décision. Par conséquent, la Chambre des communes, confrontée à cette urgence d’agir afin de protéger les victimes de crimes violents perpétrés en état d’intoxication, a accéléré l’adoption du projet de loi tout en ayant la garantie que le Comité étudierait le projet de loi après son adoption. Ce faisant, le projet de loi C-28 est entré en vigueur le 23 juin 2022, soit environ six semaines après la décision R. c. Brown.
Comme prévu, entre le 20 octobre et le 14 novembre 2022, le Comité a tenu cinq réunions sur l’objet du projet de loi C-28 au cours desquelles il a entendu divers témoins. Le Comité remercie d’ailleurs les témoins qui lui ont fait don de leur temps afin de partager leur expertise et leurs connaissances dans le cadre de cette étude. Le Comité s’est appuyé sur le témoignage reçu afin de formuler les principales observations et recommandations du présent rapport.
Chapitre 2 : La nouvelle mouture de l’article 33.1 du Code criminel
2.1 Bref historique de l’ancien article 33.1 du Code criminel
En 1994, dans l’affaire R. c. Daviault, la CSC avait déterminé que l’état d’intoxication extrême voisin de l’automatisme ou de l’aliénation mentale pouvait être invoqué comme moyen de défense dans le cas d’une infraction d’intention générale afin de soulever un doute raisonnable[6]. Elle avait donc établi une exception à la règle de common law énoncée dans l’arrêt Leary[7], selon laquelle l’intoxication ne peut constituer un moyen de défense pour des infractions d’intention générale. La CSC avait alors spécifié qu’il incombait à l’accusé d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était dans un état d’intoxication extrême voisin de l’automatisme ou de l'aliénation mentale, en recourant au témoignage d’experts.
À la suite de la décision Daviault, en 1995, le Parlement avait rapidement légiféré en ajoutant l’ancien article 33.1 au Code criminel. Ce dernier faisait en sorte que la défense d’intoxication extrême s’apparentant à de l’automatisme ne pouvait pas être invoquée dans le cas d’infractions violentes d’intention générale lorsque les conditions prévues à l’article 33.1 étaient respectées :
33.1 (1) Ne constitue pas un moyen de défense à une infraction visée au paragraphe (3) le fait que l’accusé, en raison de son intoxication volontaire, n’avait pas l’intention générale ou la volonté requise pour la perpétration de l’infraction, dans les cas où il s’écarte de façon marquée de la norme de diligence énoncée au paragraphe (2).
(2) Pour l’application du présent article, une personne s’écarte de façon marquée de la norme de diligence raisonnable généralement acceptée dans la société canadienne et, de ce fait, est criminellement responsable si, alors qu’elle est dans un état d’intoxication volontaire qui la rend incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite, elle porte atteinte ou menace de porter atteinte volontairement ou involontairement à l’intégrité physique d’autrui.
(3) Le présent article s’applique aux infractions créées par la présente loi ou toute autre loi fédérale dont l’un des éléments constitutifs est l’atteinte ou la menace d’atteinte à l’intégrité physique d’une personne, ou toute autre forme de voies de fait[8].
Dans l’affaire Brown, la CSC a invalidé l’ancien article 33.1 du Code criminel soutenant que celui-ci viole les principes de justice fondamentale et de présomption d’innocence garantis à l’accusé par l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés[9] (la Charte), entre autres, car il permet de déclarer un accusé coupable d’une infraction sans preuve de mens rea, c’est-à-dire sans intention criminelle. La CSC a conclu que ces violations n’étaient pas justifiées au sens de l’article premier de la Charte. La CSC a néanmoins précisé que sa décision n’affectait pas la règle voulant que « l’intoxication ne constitue pas un moyen de défense opposable aux crimes d’intention générale », sauf en ce qui a trait aux « cas d’intoxication s’apparentant à l’automatisme[10] ».
De plus, la CSC a souligné qu’il existait des solutions plus équitables pour l’accusé que l’ancien article 33.1 du Code criminel qui permettraient d’atteindre les objectifs du Parlement[11]. La CSC a effectivement identifié deux principales solutions législatives:
- 1) Créer une infraction autonome d’intoxication criminelle, l’essence de cette nouvelle infraction étant « l’intoxication volontaire, et non l’acte involontaire qui s’ensuit[12] »;
- 2) Adapter la norme juridique de la négligence criminelle afin qu’elle exige « que l’on démontre à la fois que le risque d’une perte de maîtrise et le risque du préjudice en découlant étaient raisonnablement prévisibles[13] ».
Le gouvernement du Canada a opté pour la deuxième solution en déposant le projet de loi C-28. Il a privilégié cette solution parce qu’elle permet d’obtenir une condamnation pour la commission d’infractions violentes et de tenir les délinquants responsables de leurs gestes[14], comme l’explique la section 3.3 du présent rapport.
2.2 Le nouveau libellé de l’article 33.1 du Code criminel
Le nouvel article 33.1 du Code criminel instaure une nouvelle voie de responsabilité pour s’assurer que les personnes ayant commis une infraction violente alors qu’elles étaient en état d’intoxication extrême s’apparentant à l’automatisme peuvent être tenues responsables de leurs actions si elles ont fait preuve de négligence criminelle dans leur consommation de substances intoxicantes[15].
Ce nouvel article prévoit qu’une personne qui est dans un état d’intoxication volontaire extrême s’apparentant à l’automatisme et qui commet une infraction violente visée au paragraphe 33.1(3) peut être tenue criminellement responsable de ce crime si :
- tous les autres éléments constitutifs de l’infraction commise sont présents; et
- elle a consommé des substances intoxicantes de manière négligente, c’est-à-dire que la personne, avant de se trouver dans un état d’intoxication extrême, « s’est écartée de façon marquée de la norme de diligence attendue d’une personne raisonnable, dans les circonstances, relativement à la consommation de substances intoxicantes ».
De même, la nouvelle mouture de l’article 33.1 du Code criminel requiert que le tribunal prenne en compte la prévisibilité objective du risque que la consommation des substances intoxicantes puisse provoquer une intoxication extrême et amener la personne à causer un préjudice à autrui afin de déterminer si la personne s’est écartée de la norme de diligence :
33.1 (1) La personne qui, en raison de son intoxication volontaire extrême, n’a pas l’intention générale ou la volonté habituellement requise pour commettre une infraction visée au paragraphe (3) la commet tout de même si :
- a) d’une part, tous les autres éléments constitutifs de celle-ci sont présents;
- b) d’autre part, avant de se trouver dans un état d’intoxication extrême, elle s’est écartée de façon marquée de la norme de diligence attendue d’une personne raisonnable, dans les circonstances, relativement à la consommation de substances intoxicantes.
(2) Pour décider si la personne s’est écartée de façon marquée de la norme de diligence, le tribunal prend en compte la prévisibilité objective du risque que la consommation des substances intoxicantes puisse provoquer une intoxication extrême et amener la personne à causer un préjudice à autrui. Dans sa prise de décision, il prend aussi en compte toute circonstance pertinente, notamment ce que la personne a fait afin d’éviter ce risque.
(3) Le présent article s’applique aux infractions créées par la présente loi ou toute autre loi fédérale dont l’un des éléments constitutifs est l’atteinte ou la menace d’atteinte à l’intégrité physique d’une personne, ou toute forme de voies de fait.
(4) Au présent article, extrême se dit de l’intoxication qui rend une personne incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite[16].
Lors de sa comparution devant le Comité, le ministre de la Justice a spécifié que le nouvel article 33.1 du Code criminel avait les mêmes objectifs que son ancienne mouture, « à savoir de protéger les victimes de crimes violents perpétrés sous l'effet de l'intoxication en tenant responsables ceux qui causaient des préjudices à autrui après s'être volontairement intoxiqués de façon négligente[17] ».
Il a aussi réitéré que l’intoxication extrême « est un état mental rare qui s'apparente à l'automatisme lorsqu'un accusé perd la maîtrise de ses actes, mais qu'il est encore capable d'agir », que « l'intoxication, même à un degré avancé, ne répond pas à la définition d'intoxication extrême » et que « l'intoxication à elle seule ne constitue jamais un motif de défense dans le cas de crimes comme l'agression sexuelle[18] ».
Chapitre 3 : Observations et recommandations des témoins concernant le nouvel article 33.1 du Code criminel
Au cours de l’étude, le Comité a entendu des témoins qui ont présenté divers points de vue concernant le nouvel article 33.1 du Code criminel. Certains témoins étaient d’avis que le nouveau libellé était équilibré et répondait aux préoccupations de la décision R. c. Brown[19], alors que d’autres ont soutenu que la disposition devait être modifiée, celle-ci ne comblant pas convenablement le vide juridique créé par la décision Brown[20].
Le présent chapitre présente ainsi les observations et recommandations faites par les témoins qui ont comparu devant le Comité.
3.1 Les consultations ayant mené au projet de loi C-28
Lors de sa comparution, le ministre de la Justice a indiqué que des consultations se sont déroulées avant le dépôt du projet de loi C-28[21].
D’ailleurs, plusieurs témoins ont dit au Comité avoir été consultés par le gouvernement du Canada quant à la marche à suivre pour répondre à la décision R. c. Brown[22]. Néanmoins, certains témoins ont souligné qu’ils auraient souhaité davantage de consultations, entre autres, avant le dépôt du projet de loi[23]. Par exemple, Jennifer Dunn, directrice exécutive du London Abused Women’s Centre, a dit : « Nous convenons que le Parlement devait réagir à la décision de la Cour suprême, mais nous pensons qu’il a agi précipitamment. Il y a eu un manque de consultation avant le dépôt du projet de loi[24]. » Considérant que le projet de loi C-28 a été adopté d’une manière non conventionnelle sans qu’un comité parlementaire ne puisse pleinement l’examiner, certains témoins ont réitéré l’importance de consultations véritables et du besoin de flexibilité afin de modifier la loi après son entrée en vigueur à la lumière des recommandations faites au Comité[25]. Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, a d’ailleurs recommandé spécifiquement que la législation soit modifiée si des préoccupations importantes sont identifiées[26].
3.2 La confusion de la population relativement à la décision R. c. Brown
À la suite de la décision de la CSC dans R. c. Brown, il existait une certaine confusion et incompréhension de la population quant à ses effets et conséquences réelles[27]. Une vague de désinformation est survenue, notamment, sur les médias sociaux et chez les jeunes[28]. Par exemple, plusieurs semblaient croire que la simple intoxication était maintenant une défense pouvant être invoquée, notamment, pour l’agression sexuelle alors que ce n’est pas le cas[29]. Comme expliqué par Jennifer Dunn du London Abused Women’s Centre, certaines femmes qui les ont contactés après que la décision R. c. Brown ait été rendue craignaient « que les agresseurs, principalement des hommes, ne pensent automatiquement qu'ils ne seront pas tenus responsables de leurs actes s'ils sont intoxiqués[30] ». De plus, certains remettaient en doute le caractère inapplicable de cette défense dans le contexte de la conduite avec les facultés affaiblies, alors qu’elle ne peut pas être appliquée dans ce contexte[31].
Ces croyances ont généré des inquiétudes et de la détresse chez la population, notamment chez des victimes chez qui des souvenirs traumatiques ont resurgi[32]. Comme rappelé par le ministre de la Justice, le dépôt rapide du projet de loi C-28 était, entre autres, motivé par l’objectif de contrer cette désinformation[33].
Or, l’incompréhension de la population vis-à-vis de la décision R. c. Brown et de la nouvelle disposition du Code criminel peut avoir de graves conséquences. Par exemple, cela pourrait faire en sorte que certaines victimes décident de ne pas dénoncer une agression sexuelle lorsque leur agresseur était sous l’influence de substances intoxicantes si elles croient qu’elles ne seront pas crues ou si elles croient que leur agresseur pourra facilement soulever avec succès la défense d’intoxication extrême[34]. Il s’agit d’une conséquence particulièrement inquiétante considérant qu’environ seulement 6% des agressions sexuelles sont signalées à la police au Canada tel qu’il a été rappelé au Comité[35].
Dans cette optique, certains témoins ont souligné l’importance pour la population de bien comprendre la nouvelle mouture de l’article 33.1 du Code criminel et de communiquer à la population un message clair quant à l’essence de la loi et quant aux conséquences réelles de la décision Brown[36]. Comme énoncé par Holly Foxall, directrice des programmes, Action Now Atlantic, « [l]a compréhension des lois peut influer puissamment sur les comportements et les cultures à l'intérieur de nos communautés. Il importe donc de disposer sur elles de renseignements clairs et faciles à comprendre »[37].
Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, a indiqué qu’ « [i]l y a encore du travail à faire pour communiquer clairement avec le public afin d'éliminer certaines des idées fausses qui étaient présentes au cours de cette période[38] ». Soulignant l’importance d’utiliser dans la loi un langage limpide et facile à interpréter, il a d’ailleurs indiqué que l’insertion d’un résumé en langage clair au début du projet de loi ou dans le Code criminel qui explique l’essence du texte juridique qui suit pourrait aider à clarifier les choses[39].
Certains témoins ont aussi mis en évidence que les organisations communautaires peuvent jouer un rôle important en tentant de rejoindre la population afin de la sensibiliser et de contrer la désinformation, mais que leur financement en ce sens est nécessaire[40].
De manière générale, certains témoins ont aussi souligné l’importance pour le ministère de la Justice de communiquer davantage avec le public, incluant les jeunes, concernant les décisions de la CSC et leurs répercussions[41]. Particulièrement, Farrah Khan, directrice exécutive chez Possibility Seeds, a spécifié qu’« [i]l faut réfléchir au plan de communication qui accompagne toute décision rendue qui aura des répercussions sur les survivants – cette décision y comprise – afin d'éviter que la population ne diffuse davantage de fausses informations qui pourraient nuire aux survivants[42] ».
Finalement, certains témoins ont également affirmé qu’il est important d’éduquer, de former et de fournir des orientations à ceux qui exercent dans le système judiciaire, incluant les procureurs et les policiers, afin de s’assurer d’une application adéquate de la nouvelle loi[43].
3.3 Les choix possibles pour répondre à la décision R. c. Brown
En ce qui a trait aux deux solutions législatives possibles identifiées par la CSC dans la décision R. c. Brown, le ministre de la Justice a indiqué que la deuxième solution, soit la modification de la l’article 33.1 du Code criminel afin d’y établir une nouvelle norme de négligence criminelle, a été préférée à la création d’une infraction autonome d’intoxication criminelle. D’une part, la solution choisie permet d’obtenir une condamnation pour la commission d’infractions violentes et de « tenir les délinquants responsables de leurs gestes[44] ». D’autre part, elle « s'appuyait sur des normes connues » et « comportait moins de risques de conséquences imprévues pour les juges, les procureurs de la Couronne ou les avocats de la défense[45] ». Chelsea Moore du ministère de la Justice a mis en évidence certains désavantages liés à la création d’une infraction distincte d’intoxication dangereuse, soulignant que « [l]a personne ne serait pas reconnue coupable de l'infraction de violence sous-jacente, telle que l'agression sexuelle ou les voies de fait, mais plutôt d'intoxication dangereuse » et qu’elle ne porterait possiblement pas « les mêmes stigmates ou [écoperait] de la même gamme de sentences que [si elle] était inculpé[e] de l'infraction sous-jacente d'agression sexuelle[46] ». Elle a également indiqué qu’il serait ardu pour la Couronne de faire la preuve d’une telle infraction, considérant que, normalement, seul l’accusé possède la preuve relative à son intoxication[47].
Michele Jules, directrice exécutive du Service des poursuites du Manitoba, s’est dite en accord avec le choix du gouvernement d’opter pour l’option de l’édiction d’une nouvelle norme de négligence criminelle, soulignant le risque que la création d’une infraction d’intoxication distincte ne criminalise la toxicomanie ou la pauvreté[48].
Finalement, pour certains témoins, le Parlement n’avait pas nécessairement à choisir entre les deux options suggérées dans la décision R. c. Brown en utilisant les mêmes mots que la CSC, mais pouvait jouer son rôle de législateur en adoptant l’option qu’il jugeait la plus appropriée pour l’atteinte de son objectif d’une manière constitutionnelle[49].
3.4 La nouvelle norme de négligence criminelle
Dans le cadre de l’étude, plusieurs témoins se sont prononcés sur la nouvelle norme de négligence criminelle édictée à l’article 33.1 du Code criminel, soit l’élément central du projet de loi C-28.
Lors de sa comparution, le ministre de la Justice a souligné que la négligence criminelle est une norme minimale bien comprise et acceptée qui est utilisée dans le cadre d’autres infractions du Code criminel afin d’établir la culpabilité de l’accusé[50]. Il a expliqué le fonctionnement en pratique des nouveaux paragraphes 33.1(1) et (2) du Code criminel : afin de prouver l’intoxication extrême, en vertu d’une règle de common law, l’accusé doit convaincre le juge, selon la norme de preuve de la prépondérance des probabilités et à l’aide de preuves d’experts, qu’il était dans un état d’intoxication extrême alors qu’il a commis l’infraction violente. S’il réussit à le faire, la Couronne devra ensuite prouver que l’accusé n’était pas dans l’état d’intoxication extrême ou que l’accusé, avant de se trouver dans un état d’intoxication extrême, s'est écarté de façon marquée de la norme de diligence attendue d'une personne raisonnable dans les circonstances relativement à la consommation de substances intoxicantes. À cette étape, le tribunal devra faire une analyse contextuelle des circonstances selon une norme objective et les facteurs possibles à prendre en considération incluent « le milieu, la nature et la quantité des substances consommées, l'état d'esprit de l'individu, ainsi que les mesures prises pour minimiser le risque, s'il y a lieu[51] ».
Néanmoins, au cours de l’étude, certains témoins ont dit que le paragraphe 33.1(2) du Code criminel sera difficile, voire impossible, à appliquer considérant que la Couronne sera obligée de prouver la prévisibilité objective du risque de préjudice[52].
Isabel Grant, professeure, a indiqué que la raison pour laquelle la prévisibilité objective du risque était impossible à prouver
tient au fait que l'intoxication extrême risque fort de mener à la perte de conscience, au sommeil ou à une autre réaction chez l'accusé. La violence n'est pas une réaction courante à l'intoxication extrême. Cela signifie qu'un accusé peut toujours faire valoir qu'il a déjà été intoxiqué auparavant et qu'il n'est pas devenu violent à cette époque, alors il ne pouvait pas prévoir qu'il aurait un comportement violent cette fois‑là. Il peut aussi faire valoir qu'il n'a jamais été dans un état d'intoxication extrême auparavant, alors il ne pouvait absolument pas prévoir qu'il serait violent cette fois‑là.
Lorsqu'il s'agit d'événements relativement rares, il est absolument impossible de prévoir objectivement le risque de préjudice. Par conséquent, à moins que l'accusé ait déjà consommé dans le passé la même quantité de drogues et d'alcool dans les mêmes circonstances et qu'il ait commis un acte de violence, il ne sera pratiquement jamais possible de prévoir objectivement qu'un préjudice sera causé à une autre personne[53].
Elizabeth Sheehy, professeure à Université d'Ottawa, a ajouté ce qui suit :
La difficulté que pose le projet de loi est de laisser entendre que la Couronne doit prouver la prévisibilité d'une perte de maîtrise et du risque de préjudice. J'estime notamment que la deuxième norme sera impossible à prouver par la Couronne. Elle devra le faire hors de tout doute raisonnable, ce qui est une norme de preuve très exigeante. Elle aura besoin d'au moins deux experts pour réfuter les deux experts de l'accusé. J'estime qu'il est impossible de prouver que telle drogue était susceptible de provoquer la violence. Par exemple, aucune étude ne prouve une corrélation entre telles drogues et des crimes violents[54].
Certains témoins ont aussi expliqué le fait que le paragraphe 33.1(2) du Code criminel prévoit que le tribunal doit tenir compte, à la fois, de la prévisibilité objective du risque de préjudice et du risque d'intoxication extrême, ce qui est à leur avis excessif[55]. D’ailleurs, Kerri Froc, professeure à l’Université du Nouveau-Brunswick, a précisé que « la Cour suprême, dans l'arrêt Brown, utilise le risque de préjudice et le risque d'intoxication extrême de façon disjonctive[56] ».
Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, de l’Association nationale Femmes et Droit, a formulé les commentaires suivants :
On peut certainement faire valoir que s’il est prévisible que vous allez perdre le contrôle… Si nous croyons à la nécessité de cette défense, et que tout repose sur le principe voulant que lorsqu’on perd contrôle, on perd le contrôle et on ne peut pas dire ce qu’on va faire, alors cela semble suffisant pour tenir quelqu’un responsable si l’intoxication était volontaire[57].
Certains témoins se sont aussi inquiétés du fait que les décisions de porter des accusations par les procureurs ou les policiers ou les décisions des procureurs entourant négociations de plaidoyer de culpabilité pourraient être influencées dans les dossiers où l’on sait que l’accusé était intoxiqué considérant qu’ils devront tenir compte de la défense prévue à l’article 33.1 du Code criminel et qu’il sera ardu pour la Couronne de prouver que l’accusé s’est écarté de la norme de la personne raisonnable[58]. Particulièrement, certains témoins ont souligné qu’il se pourrait qu’un procureur ou policier décide de ne pas porter d’accusations lorsque l’accusé était très intoxiqué[59]. À ce titre, comme exprimé par Kerri Froc, professeure à l’Université du Nouveau-Brunswick, il sera difficile de collecter des données « sur le nombre d'accusations qu'on n'a jamais portées, de poursuites jamais intentées, parce qu'une défense d'intoxication extrême est imminente », d’où l’importante de « peaufiner le projet de loi et en conjurer les conséquences non voulues[60] ».
Pour remédier à ces problèmes, Isabel Grant a recommandé, comme option de préférence, la suppression du paragraphe 33.1(2) du Code criminel, celle-ci considérant qu’il n’est pas nécessaire comme « la norme que la Couronne doit prouver pour éliminer ce moyen de défense se trouve déjà dans le paragraphe 33.1(1) » et que « [l]es juges savent qu'ils doivent tenir compte des circonstances[61] ». À titre d’alternative, elle a suggéré de modifier la norme de « prévisibilité » afin d’exiger « la prévisibilité d'une perte du contrôle de soi au lieu de la prévisibilité d'un préjudice[62] » et d’insérer « une disposition qui inverse le fardeau de la preuve et qui oblige l'accusé à démontrer si le préjudice était prévisible ou non[63] ».
En ce qui a trait à des suggestions impliquant un renversement de fardeau de preuve, Chelsea Moore du ministère de la Justice a rappelé que la présomption d’innocence est protégée par la Charte et que « dès qu'une personne peut être déclarée coupable sans doute raisonnable, les tribunaux concluent à une violation de la présomption d'innocence, qu'il faut ensuite justifier au titre de l'article 1 de la Charte[64] ». En ce sens, elle a souligné l’importance d’examiner si un renversement du fardeau de preuve serait justifiable au sens de l’article premier de la Charte[65]. Similairement, Pam Hrick a soulevé ce qui suit :
Ce qui m'inquiète par rapport à un renversement potentiel du fardeau, c'est que la Cour suprême risquerait fortement de juger qu'il est inconstitutionnel. Ce qui me plaît dans le libellé et la mise en œuvre de ce projet de loi, ce sont les nuances permettant de tenir compte de la partie défenderesse. Selon moi, tous les facteurs pouvant être adéquatement pris en considération garantiront la constitutionnalité du texte de loi[66].
De même, le ministre de la Justice a affirmé que le nouvel article 33.1 du Code criminel est tout à fait applicable et s’est dit en désaccord avec l’argument qu’il sera ardu de faire appliquer cette nouvelle disposition considérant qu’il sera difficile pour la Couronne de prouver que le risque de violence était prévisible. Selon lui, alors que l’article 33.1 du Code criminel exige seulement « un ‛risque’ de perte de contrôle violente[67] », les procureurs réussissent actuellement à obtenir des condamnations en utilisant d’autres dispositions du Code criminel qui incluent des normes de preuve plus exigeantes nécessitant la preuve qu’un résultat particulier soit susceptible de se produire, comme l’article 215 du Code criminel. De plus, Chelsea Moore a expliqué que
le niveau de risque n'a pas à être probable ni même davantage probable que non probable. La question n'est pas de savoir si l'accusé aurait dû savoir que la drogue en question « mènerait » à une perte de contrôle violente, mais plutôt s'il aurait dû savoir que la drogue « pouvait » mener à une perte de contrôle violente, et le tribunal se penchera sur cette question du point de vue d'une personne raisonnable. Une personne raisonnable ne témoignera pas relativement à ce qu'elle savait ou à ce qu'elle a fait. La situation sera évaluée au cas par cas[68].
Les représentants du Service des poursuites du Manitoba se sont aussi montrés optimistes quant à l’efficacité de la nouvelle mouture de l’article 33.1 du Code criminel, soulignant qu’elle permettra d’obtenir des condamnations d'après la preuve au dossier[69]. Michele Jules, directrice exécutive du Service des poursuites du Manitoba, s’est dite convaincue que cet article leur « permettra d'établir la preuve contre ceux qui, par négligence, consomment ces drogues en quantité excessive et mettent ainsi la sécurité d'autres membres de la communauté en danger, afin qu'ils soient tenus responsables de leurs actes[70] ». Elle a, en effet, indiqué qu’ils pensent pouvoir se
servir de la dangerosité inhérente de certaines drogues comme élément de preuve, car tout le monde connaît les effets de ces drogues et peut raisonnablement s'attendre à ce que leur consommation entraîne une perte de maîtrise de soi et une perte de maîtrise de soi violente[71].
De plus, elle a mentionné qu’il serait possible, dans certains cas, d’utiliser les antécédents connus du tribunal d’un accusé afin de prouver qu’il était prévisible qu’il agisse de manière violente en état d’intoxication extrême[72].
Néanmoins, dans l’optique de l’amélioration de la mesure législative, Ami Kotler, avocat général au Service des poursuites du Manitoba, a fait la suggestion suivante :
je dirais qu'à mon avis, le libellé actuel du projet de loi met inutilement l'accent sur la prévisibilité de la violence en faisant un critère à part entière. En règle générale, au moment d'interpréter les lois, les juges considèrent le terme « et » comme une indication claire que les éléments sont indépendants; ils ne voient pas une telle formulation simplement comme une façon de décrire le type de pertes de maîtrise de soi sur lequel porte la mesure législative.
Cela pourrait poser problème, par exemple si un juge déterminait qu'aux termes de la loi, il faut prouver que telle dose de telle substance rend les gens violents, puisque la Couronne dispose rarement de renseignements toxicologiques précis sur les substances consommées par l'accusé. En outre, les drogues illicites sont imprévisibles. Elles évoluent constamment. Ipso facto, il est difficile d'obtenir des témoignages d'experts même dans les cas où ces renseignements sont disponibles.
Par conséquent, si vous cherchez à modifier le projet de loi, vous pourriez considérer la possibilité d'ajouter un énoncé comme « la prévisibilité du risque de perte de maîtrise de soi violente ». Dans l'arrêt Brown, au paragraphe 119, le juge Kasirer parle du « choix [de consommer] volontairement des substances intoxicantes, lorsque ce choix risque de donner lieu à un crime violent »; il n'est pas question de faire de la perte de maîtrise et du préjudice deux critères indépendants devant être prouvés tous les deux hors de tout doute raisonnable[73].
3.5 Autres observations et recommandations des témoins concernant le libellé de l’article 33.1 du Code criminel
Au cours de l’étude, plusieurs témoins ont fait d’autres recommandations particulières concernant le libellé de l’article 33.1 du Code criminel :
- L’alcool comme seule substance intoxicante selon la CSC : Dans la décision Brown, la CSC dit ceci :
-
- Même si l’art. 33.1 parle d’intoxication en général, sans établir de distinction formelle entre les substances licites et les substances illicites, le préambule du projet de loi C‑72 déclare que « le Parlement du Canada est conscient [. . .] de l’existence de preuves scientifiques selon lesquelles la consommation de la plupart des substances intoxicantes, dont l’alcool, n’a pas en soi pour effet de faire en sorte qu’une personne agisse de façon involontaire ». […] Bien que l’arrêt Daviault et le Parlement aient mis l’accent sur l’« ivresse », l’historique parlementaire et les faits du présent pourvoi et des pourvois Sullivan et Chan tendent à indiquer que la défense d’intoxication extrême s’apparentant à l’automatisme ne sera généralement pas pertinente dans les cas où seul l’alcool est en cause[74].
- De même, certains témoins ont également indiqué que lorsqu’une personne ingère que de l’alcool, il lui est probablement impossible d’atteindre l’état d’intoxication extrême s’apparentant à de l’automatisme et le projet de loi aurait dû aborder cet aspect[75]. Particulièrement, Suzanne Zaccour de l’Association nationale Femmes et Droit a recommandé « que le projet de loi indique explicitement que l'alcool est présumé ne pas causer d'intoxication extrême[76] ».
- La codification des règles de preuve prévues dans la décision Daviault : Certains témoins ont souligné qu’il aurait été souhaitable de codifier à l’article 33.1 du Code criminel les enseignements de l’arrêt Daviault à savoir que « le fardeau de la preuve incombe à l'accusé lorsqu'il évoque une défense fondée sur l'intoxication extrême[77] » sans quoi « on risque de voir certains juges omettre de l'appliquer[78] ».
- L’instauration d’une audience préliminaire afin de déterminer si le moyen de défense prévu à l’article 33.1 du Code criminel peut être invoqué par l’accusé au procès : Au cours de l’étude, une question a été soulevée à savoir s’il serait prudent d’élaborer une disposition législative similaire à ce qu’on retrouve aux articles 276 et 278.93 et suivants du Code criminel[79], qui stipulerait qu'avant d'invoquer la défense d’intoxication extrême, une audience préliminaire devant le juge doit avoir lieu, et qu'à cette audience préliminaire, la victime puisse obtenir son propre avocat afin qu’elle soit entendue. Rhiannon Thomas du Women and Harm Reduction International Network a indiqué qu’il s’agissait d’une bonne considération, mais qu’il serait requis de prévoir un soutien financier pour que les victimes puissent effectivement avoir accès à un avocat[80]. Benjamin Roebuck a, pour sa part, a affirmé qu’il s’agissait une proposition intrigante et a indiqué ce qui suit : « Passer par le processus judiciaire cause de la détresse. Je pense que s'il y a un moyen de l'envisager tôt, sans avoir besoin de subir un procès complet, c'est précieux et cela mérite d'être étudié davantage[81]. » Il a ajouté qu’un meilleur travail doit être effectué afin d’explorer la question du statut des victimes dans le processus judiciaire[82].
- L’intoxication extrême voisine de l’aliénation mentale : Hugues Parent, professeur à l’Université de Montréal, a recommandé de modifier le paragraphe 33.1(4) du Code criminel afin de définir l’intoxication extrême comme « l’intoxication s’apparentant à l’automatisme ou à l’aliénation mentale[83] ». Lors de sa comparution, il a expliqué qu’en limitant l’intoxication extrême au paragraphe 33.1(4) du Code criminel aux cas s’apparentant à l’automatisme, « les cas d’intoxication qui n’affectent pas la capacité de l’accusé de maîtriser consciemment sa conduite, mais qui l’empêchent de savoir que son acte est mauvais »[84], comme les épisodes psychotiques, sont laissés de côté. Selon lui, une personne qui commet un crime dans cet état pourrait « plaider une intoxication extrême au seuil de l'aliénation mentale et elle serait libérée, tout simplement[85] ».
3.6 Les effets du nouvel article 33.1 du Code criminel sur le plan pratique
Lors de sa comparution, le ministre de la Justice a souligné que la défense prévue à l’article 33.1 du Code criminel est « rarement invoquée, et il est encore plus rare qu'elle soit retenue », notamment en raison du fardeau de la preuve pesant sur l’accusé et que « seul un ensemble de circonstances très rares pourrait mettre l'accusé dans cette situation [d’intoxication extrême][86] ». Il a spécifié qu’ « [a]ucun cas n'a été signalé depuis que la loi a été modifiée. Depuis la dernière décision de la Cour suprême, elle n'a été que rarement utilisée, et il est très, très rare que cette défense soit couronnée de succès[87] ».
Néanmoins, lors de sa comparution, Elizabeth Sheehy, professeure à l’Université d’Ottawa, a indiqué que « le recours à la défense fondée sur l'intoxication extrême sera plus fréquent dans les cas d'actes de violence perpétrés par des hommes contre des femmes, ce qui aura des conséquences sur les signalements, la répression et la poursuite de ces crimes[88]. » Comme mentionné précédemment, certains témoins étaient aussi préoccupés du fait que les procureurs ou policiers pourraient décider de ne pas porter d’accusations en présence d’un dossier où un accusé est très intoxiqué s’ils prennent en considération le nouvel article 33.1 du Code criminel[89]. Soulignant qu’il s’avère important de se pencher sur la manière dont la loi sera réellement appliquée, certains témoins ont recommandé que des données concernant l’utilisation de la défense soient recueillies[90]. Benjamin Roebuck a recommandé d’ailleurs qu’une révision de la loi soit faite après deux ans afin d’évaluer la manière dont la défense a été utilisée devant les cours de justice[91]. Similairement, Suzanne Zaccour de l’Association nationale Femmes et Droit, a recommandé que « la loi soit réexaminée aux trois ans[92] ».
Chapitre 4 : L’importance d’aborder d’autres problèmes importants dans le système de justice pénale
Dans le cadre de l’étude, plusieurs témoins ont souligné qu’il ne suffisait pas de modifier l’article 33.1 du Code criminel afin de combler une lacune spécifique en réponse à l’affaire Brown : il est nécessaire de considérer des problèmes de plus grande envergure reliés au système de justice pénale, dont les enjeux systémiques et les causes profondes de la violence, tout en protégeant les victimes et en leur offrant des services adaptés à leurs besoins[93]. Comme expliqué par Adam Bond, gestionnaire des services juridiques de l’Association des femmes autochtones du Canada, ce ne sont pas des modifications au Code criminel qui nous permettront de régler ces problèmes systémiques : « Nous avons besoin de politiques et de programmes permettant de cibler ces problèmes sous-jacents[94]. »
Particulièrement, certains témoins ont mis de l’avant qu’afin d’effectivement endiguer la violence, il est essentiel de s’attaquer aux divers facteurs contribuant à la criminalité, aux effets disproportionnés du système de justice pénale sur certains groupes et à la surreprésentation de certains groupes dans le système carcéral[95]. Comme expliqué par Pam Hrick du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes,
[i]l y a de la discrimination systémique dans le système de justice pénale du Canada. Il criminalise de façon disproportionnée les Noirs, les Autochtones et les personnes racisées, mais ne répond pas efficacement au problème de niveaux élevés de violence auxquels sont confrontés les membres de ces mêmes communautés[96].
De même, certains témoins ont mis en évidence l’importance que nos lois, politiques et programmes ainsi que le système de justice pénale tiennent compte des facteurs liés aux problèmes d’abus de substances, notamment dans certaines communautés marginalisées, y compris les communautés autochtones compte tenu des séquelles du racisme systémique et des conséquences intergénérationnelles de la colonisation[97]. Comme illustré par le grand chef Carol McBride, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, la surreprésentation des femmes dans le système carcéral fédéral est un exemple des « liens qui existent entre la colonisation, la discrimination systémique et les traumatismes intergénérationnels[98] ». En effet, plusieurs témoins ont rappelé les données rapportées par l’Enquêteur correctionnel selon lesquelles les femmes autochtones représentent près de 50% de la population incarcérée dans les établissements fédéraux, alors que celles-ci représentent moins de 5 % de la population des femmes au Canada[99].
Non seulement les femmes autochtones représentent une grande proportion des femmes incarcérées dans les établissements fédéraux, elles sont aussi surreprésentées parmi les victimes de crimes violents[100]. Effectivement, au cours de l’étude, plusieurs témoins ont signalé que certains groupes sont plus susceptibles d’être victimes de crimes violents, dont la violence sexuelle. Parmi les groupes identifiés par les témoins figurent les femmes et les filles, les femmes et les filles autochtones, les personnes bispirituelles, les personnes de diverses identités de genre autochtones, les personnes transgenres, les jeunes, les personnes désavantagées sur le plan social ou le plan économique[101].
D’ailleurs, selon les données de l’Enquête sociale générale sur la victimisation de Statistique Canada,
le taux de victimisation avec violence était près de deux fois plus élevé chez les femmes (106 incidents pour 1 000 femmes) que chez les hommes (59 incidents pour 1 000 hommes) en 2019 (tableau 3). Cette différence est entièrement attribuable aux agressions sexuelles, dont le taux était plus de cinq fois plus élevé chez les femmes (50 pour 1 000) que chez les hommes (9 pour 1 000) (graphique 4)[102].
Diverses recommandations ont été mises de l’avant par les témoins afin de protéger davantage ces groupes comme les suivantes :
- Le soutien et le financement adéquat de programmes d’éducation et de prévention, notamment en matière d’agressions sexuelles[103];
- La mise en place d’un « plan d'action national intersectionnel entièrement financé de toute urgence pour mettre fin à la violence sexospécifique et à la violence envers les femmes[104] »;
- L’accès des victimes à des services adaptés à leurs besoins et à la culture, dont des conseils juridiques indépendants et le financement adéquat de ces services[105];
- L’accès pour les victimes autochtones de violence à des « services de guérison et de soutien adaptés au sexe et gérés par la communauté[106] » et le financement adéquat de ces services;
- Un financement et accès accru à la justice réparatrice, aux processus de justice transformatrice et aux mécanismes de reddition de comptes communautaire[107].
Le Comité souhaite souligner que, le 7 décembre 2022, il a déposé à la Chambre des communes son rapport intitulé Améliorer le soutien aux victimes d’actes criminels dans lequel il a fait plusieurs recommandations, entre autres, afin d’améliorer les services offerts aux victimes d’actes criminels et d’élargir les possibilités de justice réparatrice[108].
Conclusion et recommandations du Comité
Le projet de loi C-28 a été adopté dans un contexte particulier compte tenu de l’urgence de répondre à la décision R. c. Brown afin de protéger les victimes de crimes violents perpétrés en état d’intoxication et de tenir les perpétrateurs de cette violence responsables de leurs actes. Bien que l’article 33.1 du Code criminel fasse déjà loi, le Comité reconnaît que la question n’est pas close. C’est d’ailleurs pourquoi le Comité a tenu des audiences afin de recueillir les perspectives et recommandations d’une variété de témoins.
Le Comité s’est ainsi appuyé sur les témoignages entendus pour formuler ses recommandations visant à ce que l’article 33.1 du Code criminel remplisse l’objectif du Parlement tout en étant constitutionnel. Le Comité convient que l’adoption de la nouvelle mouture de l’article 33.1 du Code criminel n’était qu’une pièce du casse-tête : des problèmes plus grands pèsent sur le système de justice pénale et il importe de protéger et de fournir des services adéquats aux victimes et de s’attaquer aux causes profondes de la violence.
À la lumière du témoignage entendu, le Comité recommande :
Recommandation 1
Que le ministère de la Justice communique en langage clair à la population, par le biais d’une campagne de sensibilisation, les conclusions de la Cour suprême du Canada dans la décision R. c. Brown, la nouvelle mouture de l’article 33.1 du Code criminel ainsi que ses effets sur le plan pratique.
Recommandation 2
Que le gouvernement du Canada s’assure qu’un plan de communication avec le public soit mis en place et mis en œuvre afin d’accompagner les décisions de la Cour suprême du Canada qui ont des conséquences importantes pour la population, entre autres, pour les victimes d’actes criminels.
Recommandation 3
Que le ministère de la Justice recueille des données concernant l’utilisation de la défense prévue à l’article 33.1 du Code criminel.
Recommandation 4
Que le Parlement procède à un examen formel de la loi modifiant l’article 33.1 du Code criminel trois ans après son entrée en vigueur afin de s’assurer que l’application et l’interprétation de cette nouvelle disposition répondent adéquatement aux objectifs du Parlement et d’évaluer ses effets sur les victimes d’actes criminels. Au cours de cet examen, le Parlement devrait envisager la possibilité de modifier la norme juridique de négligence criminelle prévue au nouvel article 33.1 du Code criminel pour n’exiger que la prévisibilité d’une perte du contrôle de soi, plutôt que la « prévisibilité objective du risque que la consommation des substances intoxicantes puisse provoquer une intoxication extrême et amener la personne à causer un préjudice à autrui ».
[1] Chambre des communes, Comité permanent de la justice et des droits de la personne (JUST), Procès-verbal, 22 septembre 2022; Projet de loi C‑28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême), 44e législature, 1re session (L.C. 2022, ch. 11).
[3] Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46; R. c. Brown, 2022 CSC 18. Le même jour, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans les affaires Sullivan et Chan. R. c. Sullivan, 2022 CSC 19.
[4] Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 33.1.
[5] R. c. Brown, 2022 CSC 18.
[6] R. c. Daviault, [1994] 3 RCS 63.
[7] Leary c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 29.
[8] Projet de loi C‑72, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire), 35e législature, 1re session (L.C. 1995, ch. 32).
[9] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11, art. 7 et al. 11d).
[10] R. c. Brown, 2022 CSC 18, par. 43.
[11] Les objectifs du Parlement étaient de « protéger les victimes d’actes de violence commis par un contrevenant en état d’intoxication extrême » et d’obliger les contrevenants « à répondre de leur choix d’ingérer volontairement des substances intoxicantes, lorsque ce choix risque de donner lieu à un crime violent ». La CSC dans sa décision R. c. Brown a reconnu que ces objectifs étaient urgents et réels. R. c. Brown, 2022 CSC 18, par. 10, 11, 119 et 120.
[12] R. c. Brown, 2022 CSC 18, par. 98.
[13] Ibid., par. 11.
[14] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada).
[15] Le projet de loi C-28 n’a pas amendé les paragraphes 33(3) et 33(4) du Code criminel.
[16] Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 33.1.
[17] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada).
[18] Ibid. Voir aussi JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (Chelsea Moore, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice).
[19] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Adam Bond, gestionnaire des services juridiques, Association des femmes autochtones du Canada); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Michele Jules, directrice exécutive, Service des poursuites du Manitoba) (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes) (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds).
[20] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit) (Isabel Grant, professeure, à titre personnel) (Elizabeth Sheehy, professeure émérite de droit, Université d'Ottawa) (Kerri Froc, professeure agrégée, Université du Nouveau-Brunswick).
[21] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada).
[22] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Adam Bond, gestionnaire des services juridiques, Association des femmes autochtones du Canada); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds) (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes).
[23] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Jennifer Dunn, directrice exécutive, London Abused Women's Centre) (Adam Bond, gestionnaire des services juridiques, Association des femmes autochtones du Canada); JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Kerri Froc, professeure agrégée, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel) (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[24] JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Jennifer Dunn, directrice exécutive, London Abused Women’s Centre).
[25] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels); JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[26] JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels).
[27] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels); JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Eric Dumschat, directeur juridique, Les mères contre l'alcool au volant (MADD Canada)) (Adam Bond, gestionnaire des services juridiques, Association des femmes autochtones du Canada); JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds) (Holly Foxall, directrice des programmes, Action Now Atlantic) (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes).
[28] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada); JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds) (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes).
[29] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds).
[30] JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Jennifer Dunn, directrice exécutive, London Abused Women's Centre).
[31] JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Eric Dumschat, directeur juridique, Les mères contre l’alcool au volant (MADD Canada)).
[32] JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels).
[33] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada).
[34] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds); JUST, Témoignages, 27 octobre 2022, Elizabeth Sheehy, professeure émérite de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel).
[35] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds); JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Jennifer Dunn, directrice exécutive, London Abused Women's Centre). Voir aussi Adam Cotter, La victimisation criminelle au Canada, 2019, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, Statistique Canada, 25 août 2021.
[36] Par exemple, JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds) (Michele Jules, directrice exécutive, Service des poursuites du Manitoba) (Holly Foxall, directrice des programmes, Action Now Atlantic); JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels).
[37] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Holly Foxall, directrice des programmes, Action Now Atlantic).
[38] JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels).
[39] Ibid.
[40] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Kerri Froc, professeure agrégée, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes).
[41] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds) (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes) (Holly Foxall, directrice des programmes, Action Now Atlantic).
[42] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds).
[43] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes); JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[44] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada).
[45] Ibid.
[46] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (Chelsea Moore, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice).
[47] Ibid.
[48] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Michele Jules, directrice exécutive, Service des poursuites du Manitoba).
[49] JUST, Témoignages, 27 octobre (Kerri Froc, professeure agrégée, Université du Nouveau-Brunswick) (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[50] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada) (Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice).
[51] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada).
[52] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Isabel Grant, professeure, à titre personnel) (Elizabeth Sheehy, professeure émérite de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel). À titre de rappel, le paragraphe 33.1(2) du Code crminel prévoit que « [p]our décider si la personne s’est écartée de façon marquée de la norme de diligence, le tribunal prend en compte la prévisibilité objective du risque que la consommation des substances intoxicantes puisse provoquer une intoxication extrême et amener la personne à causer un préjudice à autrui ».
[53] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Isabel Grant, professeure, à titre personnel). Voir aussi JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[54] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Elizabeth Sheehy, professeure émérite de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel).
[55] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Kerri Froc, professeure agrégée, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel) (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[56] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Kerri Froc, professeure agrégée, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel).
[57] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[58] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Isabel Grant, professeure, à titre personnel) (Elizabeth Sheehy, professeure émérite de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel) (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[59] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Isabel Grant, professeure, à titre personnel) (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[60] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Kerri Froc, professeure agrégée, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel).
[61] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Isabel Grant, professeure, à titre personnel). Voir également le témoignage de Suzanne Zaccour qui a qualifié cette option d’intéressante : Témoignages, 27 octobre 2022 (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[62] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Isabel Grant, professeure, à titre personnel). Voir aussi JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[63] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Isabel Grant, professeure, à titre personnel).
[64] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (Chelsea Moore, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice).
[65] Ibid.
[66] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes).
[67] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada).
[68] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (Chelsea Moore, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice).
[69] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Michele Jules, directrice exécutive, Service des poursuites du Manitoba) (Ami Kotler, avocat général, Service des poursuites du Manitoba).
[70] Ibid.
[71] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Michele Jules, directrice exécutive, Service des poursuites du Manitoba).
[72] Ibid.
[73] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Ami Kotler, avocat général, Service des poursuites du Manitoba).
[74] R. c. Brown, 2022 CSC 18, par. 61 et 62.
[75] JUST, Témoignages, 27 octobre (Kerri Froc, professeure agrégée, Université du Nouveau-Brunswick) (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[76] JUST, Témoignages, 27 octobre (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[77] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Isabel Grant, professeure, à titre personnel).
[78] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Elizabeth Sheehy, professeure émérite de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel).
[79] Ces articles prévoient les règles concernant l’admissibilité de la preuve concernant l’activité sexuelle du plaignant d'une agression sexuelle et requiert la tenue d’une audience si un accusé ou son représentant souhaite présenter une telle preuve afin qu’un juge en détermine l’admissibilité. Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 276 et 278.93.
[80] JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Rhiannon Thomas, Women and Harm Reduction International Network).
[81] JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels).
[82] Ibid.
[84] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Hugues Parent, professeur titulaire, Université de Montréal, à titre personnel).
[85] Ibid.
[86] JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada).
[87] Ibid.
[88] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Elizabeth Sheehy, professeure émérite de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel).
[89] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Isabel Grant, professeure, à titre personnel) (Elizabeth Sheehy, professeure émérite de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel) (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[90] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit); JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels).
[91] JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels).
[92] JUST, Témoignages, 27 octobre 2022 (Suzanne Zaccour, responsable de la réforme féministe du droit, Association nationale Femmes et Droit).
[93] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Le grand chef Carol McBride, présidente, Association des femmes autochtones du Canada); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes); JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Rhiannon Thomas, Women and Harm Reduction International Network).
[94] JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Adam Bond, gestionnaire des services juridiques, Association des femmes autochtones du Canada).
[95] Par exemple, voir JUST, Témoignages, 24 octobre 2022 (L’hon. David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada); JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Rhiannon Thomas, Women and Harm Reduction International Network); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes); JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Le grand chef Carol McBride, présidente, Association des femmes autochtones du Canada).
[96] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes).
[97] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Michele Jules, directrice exécutive, Service des poursuites du Manitoba); JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Jennifer Dunn, directrice exécutive, London Abused Women's Centre) (Adam Bond, gestionnaire des services juridiques, Association des femmes autochtones du Canada).
[98] JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Le grand chef Carol McBride, présidente, Association des femmes autochtones du Canada).
[99] Bureau de l’enquêteur correctionnel, La proportion de femmes autochtones détenues par le gouvernement fédéral approche les 50 % : l’enquêteur correctionnel publie un communiqué, 17 décembre 2021; Bureau de l’enquêteur correctionnel, Rapport annuel 2021–2022. Par exemple, voir JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Le grand chef Carol McBride, présidente, Association des femmes autochtones du Canada) (Adam Bond, gestionnaire des services juridiques, Association des femmes autochtones du Canada); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes); JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Rhiannon Thomas, Women and Harm Reduction International Network).
[100] JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Le grand chef Carol McBride, présidente, Association des femmes autochtones du Canada).
[101] JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Le grand chef Carol McBride, présidente, Association des femmes autochtones du Canada) (Adam Bond, gestionnaire des services juridiques, Association des femmes autochtones du Canada); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds) (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes).
[102] Adam Cotter, La victimisation criminelle au Canada, 2019, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités Statistique Canada, 25 août 2021.
[103] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds) (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes) (Holly Foxall, directrice des programmes, Action Now Atlantic).
[104] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes).
[105] JUST, Témoignages, 14 novembre 2022 (Rhiannon Thomas, Women and Harm Reduction International Network) (Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels); JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds) (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes).
[106] JUST, Témoignages, 20 octobre 2022 (Le grand chef Carol McBride, présidente, Association des femmes autochtones du Canada).
[107] JUST, Témoignages, 31 octobre 2022 (Pam Hrick, directrice exécutive et avocate générale, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes) (Farrah Khan, directrice exécutive, Possibility Seeds).
[108] JUST, Améliorer le soutien aux victimes d’actes criminels, septième rapport, 7 décembre 2022.