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JUST Rapport du Comité

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Opinion dissidente du Bloc Québécois

Tout d’abord, le Bloc Québécois salue les membres du Comité, les greffiers, les analystes et l’ensemble du personnel de la Bibliothèque du Parlement pour le professionnalisme dont ils ont fait preuve et le travail qu’ils ont accompli au cours de cette étude. Nous remercions tous les témoins et citoyens qui ont nourri le débat et les réflexions, sans lesquels cette étude n’aurait pas été possible.

Conformément à la motion du 21 mars 2024, le Comité a convenu qu’elle mènerait deux études, l’une sur l’islamophobie et l’autre sur l’antisémitisme. Par souci d’équité et en raison du climat social exacerbé par la guerre entre l’État d’Israël et le Hamas et en considération des tensions sur certains campus, le Comité a convenu qu’il mènerait ces deux études de manière synchronique. Le Bloc Québécois a appuyé et participé activement à la démarche du Comité.

Le Bloc Québécois déplore vivement la dérive du Comité qui n’a pas su résister à la tentation de transformer cette étude importante en procès de la société québécoise et s’oppose en conséquence au présent rapport.

LAÏCITÉ QUÉBÉCOISE

La première recommandation du présent rapport propose de mettre en œuvre les recommandations du rapport intitulé Combattre la haine : L’islamophobie et ses répercussions sur les musulmans au Canada publié par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne en 2023. Or, ce rapport du Sénat véhicule des conceptions erronées au sujet de la nation québécoise et de ses choix, dont les suivantes :

  • Le Sénat affirme que la laïcité québécoise impose une discrimination religieuse plutôt que le respect de la neutralité religieuse, alors que la loi est fondée sur la liberté de conscience et la liberté de religion.
  • Le Sénat dénonce le recours à la disposition de dérogation, qui est pourtant une prérogative constitutionnelle du Québec sans laquelle de nombreuses avancées sociales et historiques du Québec, tels la Loi sur la relève agricole, la loi sur l’équité en matière d’emploi, la Cour des petites créances, le tribunal de la jeunesse, n’auraient pas vu le jour. Or, les membres du Sénat canadien, eux-mêmes non-élus, remettent en question la légitimité de ces choix, que l’Assemblée nationale du Québec était légitimement fondée de faire en se prévalant de la disposition de dérogation.
  • Le Sénat suggère erronément que la disposition de la Loi sur la laïcité de l’État sur l’interdiction du port d’un signe religieux par les personnes dans l’exercice de leurs fonctions s’appliquerait inégalement ou viserait un groupe ou une confession particulière. Or, la loi ne vise aucune confession, s’applique également à tous les citoyens et est fondée sur l’égalité de tous les citoyens et citoyennes. Cette accusation est infondée et grave.
  • Le Sénat a aussi ajouté des propos critiquables du modèle québécois en affirmant: « le comité a été choqué d’apprendre qu’elle [la loi] a également enhardi indirectement des groupes et des individus racistes marginaux ». Le Sénat, en rendant la laïcité québécoise responsable des intentions et des actes racistes dans la société, a erré et démontre une grande incompréhension de la nation québécoise.
  • Le Sénat s’est également permis de suggérer que la discussion démocratique québécoise est elle-même une source de danger pour les personnes victimes de crimes haineux en rapportant que « le débat public sur la laïcité et les symboles religieux est étroitement lié à l’augmentation des crimes haineux ». Il est peut-être compréhensible que des législateurs non élus aient en aversion la conversation démocratique, mais nous le déplorons. Il est aisé au pouvoir qui ne repose pas sur le consentement du peuple de s’en tenir loin.
  • Le Sénat a aussi affirmé : « En fin de compte, la Loi 21 a poussé de nombreux musulmans à quitter le Québec afin de profiter de possibilités de carrière offertes ailleurs et de mieux s’intégrer à la société ». Ceci relève de la désinformation.
  • Finalement, le Sénat a jugé bon de reprendre les propos de l’ancien maire de Calgary Naheed Nenshi qui a invité le Sénat à condamner « sans ambages les lois sectaires d’un bout à l’autre du pays, y compris [la Loi 21] au Québec ». Ainsi, contre toute logique et sans assise raisonnable, le Sénat a jugé bon que la Loi sur la laïcité de l’État soit qualifiée de sectaire.

Quels que soient les qualificatifs médisants que des militants canadiens peuvent imaginer pour exprimer leur rejet des lois québécoises, un fait demeure : le Parlement canadien n’a pas la légitimité de s’attaquer aux lois du Québec. Des citoyens et citoyennes du Québec peuvent légitimement s’opposer, en tout ou en partie, à une loi comme la Loi sur la laïcité de l’État. Ils participent à une conversation démocratique qui appartient à la nation québécoise et qui influence des décisions qui sont prises à l’Assemblée nationale du Québec, qui est composée de députés élus au suffrage universel par le peuple québécois et qui tient sa légitimité de ce dernier.

La question est donc la suivante : la Chambre des communes souhaite-t-elle réellement s’associer au Sénat et, ainsi, endosser de tels propos à l’égard de la nation québécoise ? Adopter le présent rapport du Comité de la Justice équivaut à faire précisément cela.

Dans le cadre même du présent rapport du Comité sur la Justice, les propos rapportés par certains témoins au sujet des lois québécoises, en particulier la Loi sur la laïcité de l’État, induisent en erreur les membres du Comité au sujet de la raison d’être et des effets de la laïcité. La présentation n’en est pas objective, n’est pas fondée sur le contenu de la Loi, ni sur la littérature au sujet de la laïcité de l’État.

À cet égard, la citation de la représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, madame Amira Elghawaby, est révélatrice et déplorable. Madame Elghawaby, fonctionnaire fédérale nommée par le premier ministre du Canada, affirme que la loi québécoise sur la laïcité de l’État crée des « citoyens de deuxième classe » et que la Loi « donne immédiatement la permission à ceux qui pourraient avoir un point de vue discriminatoire de traiter ces citoyens différemment des autres ».

Ces propos sont erronés, malhonnêtes et nuisibles à la cohésion sociale. Madame Elghawaby, ou quiconque, serait incapable de démontrer qu’une loi québécoise inciterait des personnes à en discriminer d’autres.

Le Comité manque de considération et se fourvoie en suggérant que la laïcité serait incompatible avec la démocratie libérale. La laïcité est un principe humaniste et démocratique qui repose sur quatre éléments fondamentaux :

  • La neutralité religieuse de l’État;
  • La séparation de l’Église et de l’État;
  • L’égalité des citoyennes et des citoyens;
  • La liberté de croyance des citoyennes et des citoyens.

Le Canada a choisi le modèle de neutralité religieuse, où les appartenances religieuses peuvent s’exprimer au sein de l’État, incluant par les titulaires des emplois publics en position d’autorité. La tradition juridique canadienne s’inspire largement de la tradition britannique. Or, la Grande-Bretagne est un pays où il y a une religion d’État (anglicane en Angleterre, presbytérienne en Écosse), dont le souverain est le gardien. Ne pouvant sortir la religion de l’État, la seule façon pour le Royaume-Uni de composer avec la diversité religieuse était de permettre à toutes les religions d’y avoir une place. C’est le modèle que le Canada a reproduit.

Le Québec, qui a une tradition juridique différente et une expérience historique unique, a choisi un autre modèle : celui de la laïcité. Ce choix est légitime et est celui qui est favorisé par plusieurs États démocratiques. La Cour européenne des droits de l’homme a été saisie à quatorze reprises de questions relatives à l’interdiction des signes religieux dans le système d’éducation. Dans tous les cas, elle a jugé ces lois conformes aux droits fondamentaux, notamment ceux qui concernent la liberté de conscience et de religion.[1]

Au Québec, la laïcité n’est pas un obstacle au respect de la diversité, elle en est une condition. C’est parce que la société québécoise est plurielle et que les citoyens, égaux devant la loi, y jouissent de la liberté de conscience et de croyance, que l’État et ses agents sont soumis à un devoir de réserve. Ceci est d’autant plus important dans notre réseau de l’éducation, où nous défendons le droit des élèves québécois à une instruction publique laïque. Par-là, la Loi sur la laïcité de l’État participe au développement du processus de laïcisation de l’école québécoise, qui s’est amorcé avec la création du ministère de l’Éducation et du système public d’éducation en 1964.

Nous comprenons que la philosophie politique et la conception de la citoyenneté qui sous-tendent la conception québécoise de la laïcité, peuvent être étrangères aux Canadiens qui sont influencés d’abord par un libéralisme d’origine anglo-américaine. Que ces derniers soient ou non intéressés à connaître la riche histoire du Québec, afin de mieux comprendre les discussions et les débats qui animent sa société, rien ne les autorise à se faire les juges des choix démocratiques du Québec. De surcroît, les propos qui assimilent les choix démocratiques des Québécoises et des Québécois à une forme d’intolérance qui serait indissociable de la nation, sont eux-mêmes l’expression d’une incompréhension, produit d’un biais culturel, qui se doit d’être dénoncée.

Tout bien considéré, le Parlement fédéral n’est pas habilité à juger les lois québécoises et la Chambre des communes ne devrait pas répéter l’affront du Sénat, qui a participé à la dévalorisation du caractère distinct du Québec, en plus d’étaler publiquement son ignorance de la société québécoise et son incompréhension absolue des problèmes politiques et philosophiques qui sont au cœur de la discussion démocratique au Québec.

RECOMMANDATIONS SUIVANTES

Le Bloc Québécois est un parti profondément attaché aux valeurs et institutions démocratiques. Le projet indépendantiste que nous portons est démocratique, inclusif et respectueux des droits et libertés de la personne. Notre action politique est guidée par des principes humanistes et par un souci permanent pour la valeur, la dignité et l’autonomie des personnes. À chaque occasion et autant de fois qu’il est nécessaire, nous dénonçons le plus vigoureusement, toutes les formes de discours haineux ainsi que les crimes à caractère haineux.

Au Québec comme au Canada, la discrimination et la haine n’ont pas leur place et c’est à juste titre que les pouvoirs publics prennent des actions pour les dénoncer et les combattre. L’attaque meurtrière à la grande mosquée de Québec, l’attaque au camion bélier contre une famille musulmane à London en Ontario, comme les séries d’incidents violents, ainsi que les menaces et la haine en ligne, au-delà de leurs effets dévastateurs et concrets sur les victimes et leurs proches, inspirent, et nous le comprenons très bien, un sentiment d’insécurité auprès de certaines personnes de culture ou de confession musulmane.

Si l’exercice d’enquête du comité, en particulier les témoignages entendus et les nombreux mémoires déposés, permet d’informer les décideurs et d’envisager des pistes d’action utiles et pertinentes, le Bloc Québécois juge que les recommandations à la Chambre et au gouvernement qui figurent au rapport principal, ne constituent pas une réponse adaptée.

Au Canada, les compétences législatives sont partagées entre le Parlement du Canada et les assemblées législatives des provinces et chacun est souverain dans les champs de compétence exclusifs qui lui ont été accordés. La lutte contre les discriminations, le racisme et la promotion des droits individuels et collectifs, ne sont pas des domaines de compétence spécifiques et les problèmes et les actions publiques qui souhaitent y répondre, doivent être rattachés aux compétences de l’un ou l’autre ordre de gouvernement.

Or, nombre des recommandations au rapport principal proposent des actions publiques qui relèvent des compétences exclusives du Québec et des provinces. Le gouvernement fédéral a pourtant ses propres responsabilités en matière de lutte contre le racisme et de promotion des droits. Au premier chef, son autorité législative en matière criminelle lui permet de sévir contre les actes et discours haineux. À cet effet, le Bloc Québécois a proposé des mesures législatives afin de lutter de manière plus efficace contre les crimes haineux. De même, sa compétence en matière de télécommunications, ce qui comprend la communication en ligne, lui octroie toute la latitude nécessaire afin de se pencher sur l’aspect crucial du problème du racisme qu’est l’expression de la haine en ligne.

Aussi, le gouvernement canadien, en tant que premier employeur au Canada, doit favoriser des milieux de travail exempts de discrimination et il lui incombe d’agir pour les milieux de travail qui sont sous sa juridiction.

Le Bloc Québécois estime qu’il est inutile et contre-productif aux parlementaires d’émettre des recommandations d’action publique dans des domaines qui ne relèvent pas de la compétence du Parlement du Canada. Cette pratique de plus en plus courante au sein des comités de la Chambre des communes, est d’autant plus regrettable lorsque les problèmes publics dont il est question sont d’une haute importance, comme c’est le cas en matière de protection des droits fondamentaux et de lutte contre les discriminations, la haine et la violence. Ces problèmes appellent justement une réponse publique adaptée, c’est-à-dire réaliste et efficace.

Il est maintenant devenu commun à la Chambre d’ajouter maladroitement l’expression « dans le respect des compétences des provinces » ou une expression similaire, lorsque l’on sait que la proposition que l’on émet ne respecte pas ces champs de juridiction. Évidemment, dire qu’on ne commet pas de faute juste avant de la commettre, ne change strictement rien au résultat. Cette pratique révèle soit une disposition peu honorable des parlementaires à l’égard de la Constitution et des fondements mêmes du fédéralisme canadien qui trahit un penchant favorable au développement d’un État centralisé, soit un aveu d’échec annoncé de la politique qu’ils entendent promouvoir, soit les deux à la fois. Le Bloc Québécois n’adhère pas à cette approche qui n’honore pas l’institution en plus de manquer d’égards envers la population qui est en droit d’attendre que les pouvoirs publics apportent des solutions adaptées et conséquentes aux problèmes réels qui sont vécus.

En tant qu’indépendantistes québécois agissant sur la scène politique fédérale, nous comprenons parfaitement l’insatisfaction qui peut être ressentie vis-à-vis du caractère fondamentalement dysfonctionnel du régime fédéral canadien. Ceci ne change toutefois pas ce fait fondamental à l’élaboration des politiques publiques, que la réussite d’une politique nécessite la prise en compte adéquate de l’environnement institutionnel et de la réalité sociale dans lesquels elle s’inscrit et est appelée à se déployer.

Ainsi, le Bloc Québécois est favorable à certaines des recommandations qui permettraient au gouvernement fédéral d’améliorer ses pratiques et ses politiques, de mobiliser l’appareil public dans la lutte contre la discrimination et la haine et de modifier les lois, notamment le Code criminel, afin de mieux protéger les personnes et les communautés contre les actes et les crimes haineux.

À ce chapitre, le Parlement devrait favoriser la proposition du Bloc Québécois visant à éliminer l’exception religieuse de la loi qui permet les propos haineux ou incitant à la violence. Le député de Lac-Saint-Jean et porte-parole en matière d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté, ainsi que Droits de la personne, a présenté le projet de loi C-373, Loi modifiant le Code criminel. Ce texte modifie le Code criminel afin d’éliminer comme moyen de défense contre l’infraction de fomenter volontairement la haine, le fait qu’une personne a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel elle croit, ou a tenté d’en établir le bien-fondé par argument. Plusieurs témoins ont accueilli favorablement ce projet de loi et le Bloc Québécois estime qu’il aurait été nécessaire que cela fasse partie des recommandations de ce rapport.

Nous sommes, par ailleurs, défavorables aux recommandations qui suggèrent une intervention fédérale dans les compétences exclusives du Québec, notamment dans le domaine de l’éducation. Il est inacceptable que le gouvernement fédéral s’invente des droits de regard sur l’administration des établissements scolaires, notamment en matière d’embauche et de contenus des programmes d’études. L’appui de certains, voire une majorité de parlementaires fédéraux à ces propositions inquiétantes, mérite d’être dénoncé.

Le Bloc Québécois souhaite en particulier affirmer son profond désaccord avec la recommandation n°13 du Rapport du comité. Cette dernière, en plus d’être une intrusion flagrante dans le champ de compétence exclusif du Québec et des provinces en matière d’éducation, demande « d’augmenter la représentation des membres du corps professoral musulmans et musulmanes, palestiniens, palestiniennes et arabes ». Il est inconcevable que des universités québécoises et canadiennes se voient imposer un quota de professeurs musulmans, palestiniens ou arabes et jamais le Bloc Québécois n’appuiera l’idée que les professeurs soient nommés en fonction de leur religion ou de leur ethnicité, au lieu de leur savoir et de leur compétence. Cette recommandation va complètement à l’encontre de la liberté académique et de l’autonomie des établissements d’enseignement postsecondaire.

Nous ajoutons que cette proposition d’imposer des embauches ethniques et religieuses dans les universités provient manifestement d’une demande de Mme Amira Elghawaby, représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, en septembre 2024. L’Assemblée nationale du Québec, dès le 17 septembre 2024, a adopté une motion à l’unanimité afin de dénoncer les propos de Mme Elghawaby. Également, le Bloc Québécois avait aussitôt exprimé son opposition ferme à la demande de Mme Elghawaby. 

De façon générale, le rapport semble taire un fait important, à savoir que le Québec déploie ses propres politiques de lutte contre les discriminations, de défense et de promotion des droits et que ces questions sont aussi l’objet de l’attention des élus de la nation québécoise qui siègent au sein du Parlement du Québec. Le gouvernement du Québec est et doit demeurer le maître d’œuvre de la lutte contre le racisme au Québec. Si le sujet étudié par le Comité est important pour la nation canadienne comme pour la nation québécoise, il importe d’établir que nos deux nations entretiennent des conversations démocratiques parallèles et distinctes sur les aspects de la question qui leur sont fondamentaux.

Le vivre-ensemble, l’aménagement de la diversité sociétale, le dialogue interculturel, la souveraineté culturelle et linguistique, l’intégration des personnes immigrantes, la laïcité de l’État, la protection et la promotion des droits ainsi que la lutte contre les discriminations, sont tous des sujets fondamentaux pour la nation québécoise.

Comme énoncé par la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, le Québec est souverain dans les domaines de compétence qui sont les siens. L’Assemblée nationale est composée de députés élus au suffrage universel par le peuple québécois et elle tient sa légitimité de ce peuple dont elle constitue le seul organe législatif qui lui soit propre. Toutes les questions relatives à l’avenir du peuple québécois relèvent des droits et prérogatives de l’Assemblée nationale.

L’Assemblée nationale n’a pas adhéré à la Loi constitutionnelle de 1982 et a unanimement et formellement réaffirmé, à l’occasion du trentième anniversaire de ce coup de force constitutionnel, qu’elle n’a jamais adhéré à cette loi qui a eu pour effet de diminuer les pouvoirs et les droits du Québec sans son consentement et qu’elle demeure toujours inacceptable pour le Québec.

Au Québec, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne établit et protège, entre autres, les droits fondamentaux. Elle protège le droit à la dignité et à l’égalité de tout être humain.  Elle interdit toute discrimination mettant en cause, notamment, l’origine ethnique ou nationale et la couleur de la peau.

La Charte québécoise, à l’article 9.1, précise également que « Les droits et libertés de la personne s’exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de la laïcité de l’État, de l’importance accordée à la protection du français, de l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec ».

En conséquence, le Parlement fédéral doit se garder de légiférer sur ces questions qui sont fondamentales pour le peuple québécois.

Si le Canada entend entretenir des relations harmonieuses avec la nation québécoise, ses élus doivent reconnaître l’engagement résolu du Québec à respecter les droits et libertés de la personne, se souvenir que le Québec n’a pas adhéré à la Loi constitutionnelle de 1982, puis exercer une pratique de fédéralisme asymétrique fondé sur la reconnaissance de la nation québécoise, par la Chambre des communes.

Cette reconnaissance devrait notamment se matérialiser par l’adoption d’une législation fédérale qui affirmerait que la Loi sur le multiculturalisme canadien ne s’applique pas au Québec, que les Québécois forment une nation et que, de ce fait, ils ont en main tous les outils nécessaires à la définition de leur identité, à l’affirmation du pluralisme et à la protection de leurs valeurs communes.

À cet égard, le Bloc Québécois a déposé une telle législation à la Chambre des communes à plusieurs reprises. La dernière occasion était celle du projet de loi C-226, Loi modifiant la Loi sur le multiculturalisme canadien, pendant la 43e législature. Malheureusement, le mercredi 9 juin 2021, les parlementaires des partis canadiens, incluant leurs représentants fédéralistes pour le Québec, ont voté contre cette proposition du Bloc Québécois.

En conclusion, la politique fédérale de lutte contre les discriminations ne serait pas seulement plus efficace si elle prenait mieux en compte les responsabilités respectives des diverses autorités publiques impliquées, elle pourrait aussi devenir plus cohérente, si elle reconnaissait le caractère plurinational du Canada et acceptait de déployer une politique territorialement différenciée pour le Québec.


[1] Entre autres, les décisions suivantes : Mikyas et autres c. Belgique (req. n°50681/20), Ebrahimian c. France (req. n°64846/11). Dogru c. France (req. n°27058/05). Leyla Şahin c. Turquie (req. n°44774/98).