TRAN Rapport du Comité
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L’expansion des infrastructures portuaires au Canada
Introduction
Le 3 février 2022, le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes (le Comité) a convenu d’entreprendre une étude sur les grands projets d’expansion de l’infrastructure portuaire au Canada. Dans le cadre de cette étude, le Comité a visité en mars 2023 les ports de Montréal, d’Halifax, de St. John’s, de Hamilton et de Prince Rupert. Le Comité a également consacré deux rencontres à cette étude et a entendu dix témoins.
Les sections qui suivent résument les discussions qui ont eu lieu avec divers intervenants à propos des enjeux de capacité et de concurrence des ports canadiens, des défis liés à la mise en œuvre de projets d’expansion portuaires au pays et de la collaboration entre les parties impliquées dans la chaîne d’approvisionnement canadienne.
Enjeux de capacité et de concurrence
« Il faut financer des projets visant à soutenir la redondance d'infrastructures essentielles afin de réduire le risque de défaillances critiques dans les chaînes d'approvisionnement […] »
Robin Guy, vice-président et chef adjoint, Relations gouvernementales, Chambre de commerce du Canada
Au cours de cette étude, divers témoins se sont prononcés sur les enjeux de capacité au sein de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement canadienne, afin d’en identifier les principaux goulots d’étranglement et de voir comment ceux-ci ont un impact sur l’efficacité des ports canadiens. Des témoins ont parlé de problèmes de capacité ferroviaire et d’entreposage de conteneurs dans l’Est du Canada[1]. Selon Robert Ashton, président de l’International Longshore and Warehouse Union Canada, les ports de l’Ouest n’ont pas besoin d’augmenter la capacité de leurs terminaux à conteneurs, il faut plutôt s’attarder à corriger les problèmes du réseau ferroviaire, afin de veiller à ce que les conteneurs puissent circuler plus rapidement à l’intérieur du pays.
De son côté, Christopher Hall, président de la Fédération maritime du Canada a attesté que le fret « est roi », dans la mesure où les expéditeurs optent toujours pour le chemin le plus efficace et le plus abordable pour acheminer leurs marchandises à destination. Au sujet de la compétitivité des ports canadiens par rapport aux ports américains, il a insisté sur le fait que le Canada devait s’assurer d’avoir une chaîne d’approvisionnement performante, puisqu’ « une fois que le fret trouve un autre itinéraire, il ne revient pas ». David Miller, conseiller principal de l’exécutif de l’Administration portuaire de Vancouver-Fraser a réitéré que si la capacité des ports de Vancouver et de Prince Rupert n’était pas renforcée, « nos exportateurs et nos importateurs seront obligés de se rabattre sur les ports des États‑Unis ».
Les administrations portuaires canadiennes (APC) qui ont été visitées par le Comité ou qui sont venues témoigner ont parlé des projets d’expansion et d’optimisation de leurs infrastructures portuaires qui sont en cours. Soulignant l’importance pour le Canada de demeurer compétitif en investissant dans les infrastructures commerciales, telles que les ports, les chemins de fer, les routes et les aéroports, Robin Guy, vice-président et chef adjoint, Relations gouvernementales, Chambre de commerce du Canada, a insisté sur le fait qu’il ne s’agit pas uniquement de combler les besoins de capacité actuels, mais aussi ceux à long terme. À titre d’exemple, lors de sa visite du port de Montréal, le Comité a appris que celui-ci estime qu’il atteindra sa pleine capacité d’ici quelques années et c’est pourquoi il souhaite construire un nouveau terminal de conteneurs à Contrecœur[2].
De son côté, Daniel-Robert Gooch, président-directeur général de l’Association des administrations portuaires canadiennes, a fait savoir que les ports des Grands Lacs sont sous-utilisés, un constat qui a d’ailleurs également été entendu par le Comité au cours de son voyage.
L’examen des projets
« Nous avons besoin de délais prévisibles pour favoriser les investissements dans les immobilisations. L'approbation des projets d'infrastructure ne peut pas prendre 10 ans ».
Robin Guy, vice-président et chef adjoint, relations gouvernementales, Chambre de commerce du Canada
Des témoins se sont prononcés en faveur d’un processus d’examen des projets d’expansion de l’infrastructure portuaire qui soit plus prévisible, rapide et cohérent[3]. Durant son témoignage, M. Miller a donné deux exemples de projets récents au port de Vancouver qui n’ont pas eu à passer à travers le processus fédéral d’évaluation d’impact[4]. Il a indiqué que le processus interne d’évaluation fait par l’administration portuaire a fait en sorte que ceux-ci ont été approuvés en sept et seize mois respectivement, en contraste avec le projet de Terminal 2 à Roberts Bank qui « fait l’objet d’un processus fédéral d’examen environnemental depuis neuf ans et demi ».
Selon Jacques Paquin, vice-président exécutif du port de Trois-Rivières, il est « de plus en plus difficile de lancer de nouveaux grands projets portuaires au Canada », vu le défi que représente l’obtention des autorisations requises. Bonnie Gee, présidente de la Chamber of Shipping, a dit reconnaître qu’une « intervention gouvernementale » peut parfois être nécessaire pour lancer des projets, mais que le manque de coordination entre les ministères fédéraux sur « les initiatives de conservation, la réconciliation et l'approbation des projets place l'industrie dans un contexte d'exploitation difficile ». Elle a dit craindre que cela résulte en une perte de souplesse opérationnelle pour les navires, les terminaux et les expéditeurs. M. Guy a maintenu qu’il fallait trouver une façon d’accélérer le processus d’évaluation d’impact, mais a aussi insisté sur le fait qu’il ne s’agit pas de mettre en opposition l’économie et l’environnement, soulignant que ces deux éléments sont « indissociables ».
À cet effet, M. Gooch a indiqué que la décarbonisation du transport maritime est une « priorité absolue » pour les APC. D’ailleurs, durant le voyage du Comité, plusieurs administrations ont parlé de projets visant la décarbonisation, notamment en explorant les possibilités liées à l’hydrogène vert ou encore améliorant l’offre d’alimentation électrique des navires à quai. L’alimentation à quai permet à certains navires d’éteindre leur moteur et donc de diminuer leur consommation de carburant lorsqu’ils sont amarrés[5]. M. Paquin a indiqué que ce type d'initiative permettrait de réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) sur le territoire du port de Trois-Rivières, mais requiert des investissements importants, au-delà de 100 millions de dollars. Il a soutenu qu’il sera « nécessaire d'avoir de l'aide, notamment du financement provenant de programmes comme ceux du FNCC [Fonds national des corridors commerciaux] et peut-être d'autres sources ».
Limites d’emprunt et financement des projets
« [P]our faire les investissements nécessaires, les APC ont besoin d'une plus grande flexibilité financière, pour agir avec plus de souplesse tout en maintenant leur indépendance et leur nature commerciale ».
Daniel-Robert Gooch, président-directeur général, Association des administrations portuaires canadiennes
Des témoins rencontrés durant le voyage et d’autres entendus au Comité ont indiqué que les limites d’emprunt imposées aux APC dans leurs lettres patentes étaient trop basses[6] [7]. Sur ce sujet, les intervenants rencontrés par le Comité lors de la visite du port de St. John’s ont expliqué que la capacité financière de l’administration était insuffisante pour les besoins futurs du port en infrastructures.
M. Miller a précisé que le processus prévu pour augmenter les limites peut prendre plusieurs années, ce qui fait en sorte qu’il est « impossible [pour les APC] de réagir rapidement aux occasions d’affaires ». M. Paquin a émis le souhait que les limites puissent être ajustées rapidement en fonction de la rentabilité des projets proposés. Pour sa part, M. Gooch a recommandé d’éliminer les limites d’emprunt et au gouvernement du Canada d’examiner le financement des projets selon leur mérite et la solvabilité de l’APC qui présente la proposition de projet.
Durant son témoignage, M. Guy a affirmé que « l’engagement du gouvernement fédéral en faveur d'investissements majeurs et stratégiques à long terme est essentiel à la construction de l'infrastructure commerciale du Canada ». Tout comme M. Gooch, il a convenu que le FNCC était un bon programme qui a permis de financer des projets clés pour la chaîne d’approvisionnement canadienne. M. Guy s’est dit être d’avis que le gouvernement fédéral devrait réduire les délais dans lesquels les projets obtiennent leur financement, un souhait partagé par M. Gooch, soulignant que les délais peuvent être préoccupants dans « un environnement où les coûts de construction et des matériaux, ainsi que l’inflation, sont très élevés ». Dans le même ordre d’idées, PSA Halifax a suggéré que les bénéficiaires actuels du FNCC puissent demander du financement supplémentaire afin de couvrir la hausse des coûts des projets dus à l’inflation.
Main-d’œuvre et automatisation
« Elle [l’automatisation] peut jouer un rôle dans les activités des terminaux. Elle a été éprouvée, sans pour autant engendrer forcément des pertes d'emplois. »
Christopher Hall, président, Fédération maritime du Canada
Durant son témoignage, M. Paquin a fait savoir que les ports du Québec font face à un défi de recrutement et de rétention de la main-d’œuvre et il a soutenu que l’intelligence artificielle et l’automatisation sont des solutions pour pallier ce problème. Il a indiqué que le port de Trois-Rivières, en collaboration avec d’autres ports du Saint-Laurent, a entrepris la création d’un centre d’expertise en logistique portuaire et a demandé au gouvernement fédéral du soutien financier pour le centre ainsi qu’un soutien pour encourager la collaboration entre les APC.
M. Hall s’est dit préoccupé par les pénuries, mais également par l’« efficacité globale de l’organisation de la main-d’œuvre dans les grands ports du Canada ». Il a fait la remarque suivante :
Le secteur du travail a du mal à recruter, comme tous les autres secteurs. Du point de vue de la durabilité, comment allons-nous maintenir ou augmenter les volumes dans nos ports si nous n'incluons pas la technologie dans la solution?
M. Hall a soutenu que l’instauration d’un système automatisé n’engendre pas automatiquement des pertes d’emplois. Sur ce sujet, M. Ashton a dit craindre qu’une partie du travail qui serait accompli au nouveau Terminal 2 à Roberts Bank, notamment ce qu’il a appelé le « trafic horizontal », soit automatisé. Selon lui, cette automatisation pourrait entraîner des pertes d’emploi au niveau de la conduite de semi-remorques et pour l’opération de portiques sur pneus. À propos de ce projet, M. Miller a affirmé qu’il était trop tôt pour estimer le niveau d’automatisation. Il a aussi précisé que la tendance actuelle de l’industrie semble être des « terminaux partiellement automatisés qui conservent un nombre important d’emplois ».
M. Ashton a appelé le gouvernement du Canada à consulter les travailleurs lorsque des projets d’infrastructure portuaire sont susceptibles d’avoir un impact sur les conditions de travail de ceux-ci. Il a également recommandé que les syndicats des travailleurs puissent siéger au sein des conseils d’administration des APC. Questionné au sujet de cette proposition, M. Hall a dit croire qu’il s’agit d’une idée intéressante et que la participation des travailleurs à l’élaboration des grands projets portuaires « ne peut être que bénéfique pour tout le monde ».
PSA Halifax a soutenu qu’il y avait une pénurie de pilotes de catégorie A au sein de l’Administration de pilotage de l'Atlantique et a demandé au gouvernement d’allouer « plus de ressources à la formation des pilotes » afin d’accroître le bassin de pilotes disponibles pour répondre à la demande du port d’Halifax.
Relation entre les administrations portuaires et les communautés avoisinantes
« Je pense qu'il faut intégrer une certaine souplesse dans [l]e mandat [des APC], cette capacité d'agir d'une manière légèrement différente lorsque les besoins sont un peu différents ».
Herbert Pond, maire, Ville de Prince Rupert
L'état des relations entre les APC et les communautés entourant le port a été discuté lors du voyage du Comité. Alors que certaines APC ont affirmé avoir des rencontres régulières avec celles-ci, notamment par l’entremise d’un comité formé de représentants locaux, d’autres ont indiqué avoir des rencontres lorsqu’un projet est à l’étude. Les membres du Comité ont également pris connaissance des efforts déployés par les APC pour décongestionner les routes locales en construisant des infrastructures permettant de déplacer le trafic de camions ou en augmentant la capacité ferroviaire du port.
Lors de la visite du Comité au port de Prince Rupert, les représentants du port ont beaucoup parlé de la participation des communautés autochtones voisines aux activités du port. Il a notamment été question de la main d’œuvre du port où plus de 35 % des travailleurs s'identifient comme Autochtones. La participation d’entreprises dirigées par des Autochtones dans la conduite de projets d’infrastructure a aussi été évoquée. Le port a donné pour exemple le projet Fairview-Ridley Connector Corridor, une route de cinq kilomètres qui a été construite par la Coast Tsimshian Northern Contractors Alliance, une coentreprise locale des Premières nations, qui a été achevée en 2022.
M. Paquin a soutenu que la croissance du port de Trois-Rivières était étroitement liée à la relation que le port entretient avec la ville et les communautés avoisinantes. Mentionnant que le port n’avait pas beaucoup d’espaces vacants pour se développer, il a dit que la ville lui avait transféré un axe routier, ce qui a permis de gérer plus efficacement le trafic de camion qui entre et sort du port. M. Paquin a également parlé d’un projet en collaboration avec la ville qui vise le redéveloppement d’une partie des infrastructures portuaires situées près du centre-ville et du quartier historique de Trois‑Rivières. Il a indiqué que puisque ce projet est de type « récréotouristique et commercial », cela tombe à l’extérieur des pouvoirs qui lui sont conférés en tant qu’APC et c’est pourquoi l’administration ne peut pas aller de l’avant[8]. Il a demandé au gouvernement fédéral plus « d’agilité et de flexibilité » pour conduire des projets qui vont au-delà des responsabilités des APC.
Quant à Herbert Pond, maire de la ville de Prince Rupert, celui-ci s’est enquis d’expliquer le cas particulier de sa ville, qui compte environ 12 000 habitants et qui accueille le troisième port en importance au Canada, soit le port de Prince Rupert. Il a fait valoir que le corridor commercial qui passe à travers la ville « soutient des milliards de dollars d'activité économique dans tout le Canada et génère des millions de dollars de recettes pour les gouvernements provincial et fédéral », alors que la ville est aux prises avec des « infrastructures vieillissantes, des taux d’inoccupation proches de zéro et des recettes insuffisantes ». À propos des infrastructures, M. Pond a expliqué que la ville avait dû déclarer l’état d’urgence l’hiver dernier à la suite de 14 ruptures de conduites d’eau en deux semaines. Il a demandé au gouvernement fédéral de fournir une aide financière à la ville pour moderniser son « réseau d’aqueduc vieillissant ».
Se disant favorable à la croissance du port, et mentionnant que Prince Rupert a « beaucoup de terrains non aménagés dans le complexe portuaire et que la congestion [y] est très faible », M. Pond a dit souhaiter que la ville profite plus de cette croissance. Il a suggéré que pour les petites collectivités qui sont voisines de grands ports, le gouvernement fédéral devrait élargir le mandat des APC pour y inclure l'investissement dans le logement. M. Pond a également expliqué que le montant des paiements versés en remplacement d’impôts par le port de Prince Rupert à la ville est source de contention entre les deux parties, la ville cherchant à avoir un « flux de trésorerie prévisible à long terme afin d'avoir la capacité d'emprunter pour effectuer les travaux nécessaires sur son territoire ». Il a aussi suggéré qu’une partie des frais payés annuellement par les APC au gouvernement fédéral soit renvoyée aux collectivités d’accueil.
Collaboration entre les administrations portuaires
« Les projets d'expansion des infrastructures portuaires ne peuvent être évalués isolément et doivent s'inscrire dans une stratégie de croissance nationale qui englobe tous les éléments de la chaîne d'approvisionnement susceptibles d'assurer la fluidité du trafic qui passera par le projet envisagé et la porte d'entrée dans son ensemble ».
Bonnie Gee, présidente, Chamber of Shipping
Durant le voyage du Comité, les membres se sont intéressés à l’étendue de la collaboration entre les ports canadiens et ont appris que celle-ci était limitée, malgré une certaine ouverture d’esprit de la part des APC. D’ailleurs, le Comité a entendu que les ports canadiens sont davantage en concurrence avec leurs contreparties aux États-Unis, plutôt qu’entre eux.
M. Paquin a expliqué que les ports de Trois-Rivières, de Montréal et de Québec ont décidé de former un partenariat afin d’augmenter la capacité concurrentielle du Saint-Laurent. Des groupes de travail ont été créés afin de travailler sur divers sujets d’intérêts pour les trois organisations, comme l’environnement ou la gestion du trafic maritime. Il a affirmé que des travaux portent actuellement sur des « procédures uniformisées pour l’accueil des navires dans les trois ports » et a aussi parlé de la mise en place d’un « outil de communication conjoint » permettant aux utilisateurs des trois ports d’enregistrer leur passage au même endroit.
M. Paquin a soutenu que le gouvernement du Canada « doit créer des conditions favorables » à une plus grande concertation entre les ports. Il a ajouté que les trois APC impliquées dans le partenariat souhaiteraient aller plus loin dans leur collaboration, mais il a fait le constat suivant au sujet des limitations imposées par la Loi maritime du Canada :
[S]i nous voulions aborder l'optimisation de nos infrastructures et diffuser nos plans stratégiques et nos plans de développement, tenter d'établir un plan stratégique tenant compte des forces et des faiblesses de chacune des trois installations pour que le réseau, dans son ensemble, soit performant, nous ne pourrions pas le faire. Cela nous est interdit.
M. Gooch a également avancé qu’il fallait explorer des façons pour que les ports canadiens collaborent davantage, notamment pour des « projets d’infrastructures conjoints ou d’acquisitions ».
Tout comme Mme Gee, M. Hall a recommandé la mise en œuvre d’une stratégie nationale de la chaîne d’approvisionnement. Selon ce dernier, elle permettrait de « guider les décisions futures du Canada en matière d’investissement dans les infrastructures favorisant le commerce ». Visant un objectif similaire, il a aussi été question de la mise en œuvre d’une stratégie nationale pour le fret lors de la visite du Comité au port d’Halifax. M. Hall a précisé que qu’une telle stratégie devrait prendre en compte le caractère unique de chaque port.
De son côté, M. Guy a parlé de stratégie pour les corridors, nommant ceux de l’Ouest, du Saint-Laurent et de l’Arctique, et a indiqué que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de leadership dans son élaboration. Selon lui, cette stratégie rassemblerait l’ensemble des parties prenantes, dont les provinces, le secteur privé, les collectivités et les groupes autochtones.
M. Gooch a rappelé qu’à leur échelle, les administrations portuaires ont une vision stratégique de la manière dont l’ensemble des composantes de la chaîne d’approvisionnement interagissent entre elles. Il a dit qu’une stratégie nationale de la chaîne d’approvisionnement est nécessaire afin de « situer toutes ces composantes dans un contexte national ».
Dans un même ordre d’idées, M. Hall a aussi recommandé la mise en place d’une stratégie nationale de données et de numérisation de la chaîne d’approvisionnement. Durant le voyage, les membres du Comité ont appris que plusieurs ports avaient des projets visant à augmenter la visibilité des données concernant le flux de marchandise qui transige par leur port et la performance de leur corridor. Par exemple, lors de leur visite du port de Hamilton, les membres ont entendu parler d’un partenariat entre le port et l’Université McMaster pour la création d’une ressource d’analyse de données, appelée Fluid Intelligence, qui vise notamment à résoudre les défis liés à la circulation des marchandises dans le sud de l’Ontario[9].
Les membres ont constaté que les efforts déployés par les APC semblaient être faits sur une base individuelle et non dans un objectif commun d’améliorer la fluidité de la chaîne d’approvisionnement à l’échelle nationale. Ainsi, les membres ont observé un manque de standardisation entre les données collectées d’un port à l’autre. La stratégie proposée par M. Hall viserait à mettre en commun les données recueillies par les différentes plateformes. À ce sujet, Trevor Boudreau, directeur des Relations gouvernementales pour l’Administration de l’aéroport de Vancouver, a fait la recommandation suivante :
[I]l faut soutenir et privilégier l'infrastructure numérique et l’échange de données afin d'améliorer la visibilité, l'efficacité et la collaboration multimodale. Ainsi, le Canada pourra tirer le meilleur parti des infrastructures portuaires existantes et futures, donner des réponses claires aux utilisateurs finaux et améliorer les résultats en matière de climat.
M. Hall a soutenu que les « ministères et les organismes gouvernementaux doivent aussi être prêts à participer à l'effort de numérisation », notamment par l’entremise d’un « modèle de rapport misant guichet unique maritime » qui consoliderait l’ensemble des données recueillies auprès des toutes les composantes de la chaîne d’approvisionnement. Du même avis, Mme Gee a dit qu’il manquait de coordination non seulement entre les ports, mais aussi avec les ministères fédéraux. Elle a soutenu qu’il ne semblait pas y avoir de coordination au niveau de la gestion de l’arrivée des navires et de leur dédouanement.
Conclusion
Au cours de son étude, le Comité a entendu diverses administrations portuaires canadiennes parler de leurs projets d’expansion et d’optimisation de leurs infrastructures portuaires. Au sujet des défis liés à la mise en œuvre de ces projets, des témoins ont notamment parlé du temps requis pour le processus d’examen des projets, des limites d’emprunt des administrations qui sont trop basses et de la pénurie de main d’œuvre dans le secteur maritime. Il a aussi été question des défis reliés à la cohabitation entre les ports et les communautés adjacentes. Enfin, des témoins se sont montrés en faveur d’une plus grande collaboration entre les ports canadiens, notamment par l’entremise d’un plus grand partage de données sur les flux de marchandises et par la mise en place d’une stratégie nationale de la chaîne d’approvisionnement.
[1] Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités (TRAN), Témoignages, 44e législature, 1re session : Christopher Hall (président, Fédération maritime du Canada); Robert Ashton (président, International Longshore and Warehouse Union Canada [ILWU]) et David Miller (conseiller principal de l’exécutif, Administration portuaire Vancouver-Fraser [APVF]).
[2] Le projet d’agrandissement du terminal portuaire de Contrecœur vise à accueillir annuellement jusqu’à 1,15 million de conteneurs équivalent vingt pieds. Port de Montréal, « Tout savoir sur le projet », projet Contrecœur.
[3] TRAN, Témoignages : PSA Halifax (notes d’allocution); Robin Guy (vice-président et chef adjoint, Relations gouvernementales, Chambre de commerce du Canada); Christopher Hall (Fédération maritime du Canada) et Bonnie Gee (présidente, Chamber of Shipping).
[4] L’Agence d’évaluation d’impact du Canada mène les évaluations d’impact fédérales qui servent à évaluer les effets positifs et négatifs de projets proposés. Les projets désignés qui figurent dans l’annexe du Règlement sur les activités concrètes peuvent nécessiter une évaluation d’impact. En vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a aussi le pouvoir de désigner une activité. Gouvernement du Canada, « Éléments de base de l’évaluation d’impact », Agence d’évaluation d’impact du Canada.
[5] Port de Vancouver, Alimentation à quai.
[6] TRAN, Témoignages : Daniel-Robert Gooch (président-directeur général, Association des administrations portuaires canadiennes [AAPC]) et Jacques Paquin (vice-président exécutif, Port de Trois‑Rivières).
[7] En vertu de la Loi maritime du Canada, le ministre des Transports peut délivrer des lettres patentes pour la constitution d’une administration portuaire canadienne (APC) selon les conditions mentionnées à l’article 8(1) de la Loi. Les lettres patentes précisent notamment « les limites au pouvoir de l’administration portuaire d’emprunter des fonds sur son crédit pour l’exploitation du port ou le code régissant ce pouvoir ». La modification de la limite nécessite la délivrance de lettres patentes supplémentaires.
[8] Selon l’article 28(2) de la Loi maritime du Canada, les administrations portuaires canadiennes ne peuvent s’engager que dans des activités portuaires liées à la navigation, au transport de marchandises et de passagers et à l’entreposage et la manutention de marchandises. Elles peuvent également s’engager dans des activités qui sont désignées dans leur lettres patentes comme étant « nécessaires aux opérations portuaires ».
[9] Administration portuaire de Hamilton-Oshawa, Rapport sur la durabilité, 2021, p. 20.