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TRAN Rapport du Comité

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Construire un Canada plus résistant aux changements climatiques

Introduction

Les changements climatiques touchent l’ensemble des collectivités au Canada de différentes façons. Au cours des dernières années, des évènements météorologiques extrêmes, tels que des feux de forêt, des vagues de chaleur et des fortes chutes de pluie et de grêle ont eu des impacts importants sur la qualité de vie des Canadiens et ont causé des dommages matériels considérables aux infrastructures privées et publiques[1]. À la lumière de ceci, le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes (le Comité) a convenu le 7 mars 2023 d’entreprendre une étude sur « la façon de créer des communautés plus résilientes et durables face au changement climatique (infrastructure et logement), y compris la mise en œuvre d'infrastructures et de produits de construction plus résilients […] ».

Le Comité a consacré quatre réunions à cette étude entre le 4 mai 2023 et le 6 juin 2023. Il a entendu 26 témoins et a reçu trois mémoires. Les sections suivantes rendent compte des discussions tenues avec diverses parties prenantes sur les impacts des changements climatiques sur la vie des Canadiens et sur les infrastructures, l'état des connaissances des risques liés aux changements climatiques au Canada et les pistes de solutions pour améliorer la résilience des collectivités canadiennes.

Impacts des changements climatiques

« L'un des éléments clés, c'est que les collectivités de toutes tailles subissent les effets marqués des changements climatiques. »

Matt Gemmel, directeur, Politiques et recherches, Fédération canadienne des municipalités

Au cours de cette étude, divers témoins provenant du milieu municipal ont expliqué au Comité quels sont les impacts des changements climatiques sur leurs infrastructures et sur la vie de leurs citoyens. Matt Gemmel, directeur, Politiques et recherches, Fédération canadienne des municipalités (FCM), a soutenu que les divers évènements météorologiques extrêmes, tels que les vagues de chaleur, les inondations, les ouragans et les incendies de forêt, ont des effets « dévastateurs » sur les propriétés privées, les entreprises et les collectivités dans leur ensemble. À l’instar d’autres témoins, il a insisté sur le fait que les municipalités n’ont pas des moyens financiers suffisants pour assurer la résilience de leurs infrastructures[2]. Il a émis le constat suivant :

[…] il y a un décalage entre les répercussions des changements climatiques sur les infrastructures municipales et les outils de revenus dont disposent les municipalités pour s’attaquer au problème.

M. Gemmel a indiqué qu’une étude faite par la FCM en 2020 en collaboration avec le Bureau d’assurance du Canada a révélée qu’il coûtera environ 5,3 milliards de dollars par année pour éviter les « pires répercussions » des changements climatiques au niveau municipal[3].

Joanna Eyquem, directrice générale, Infrastructures résilientes au climat, Centre Intact d’adaptation au climat, a soutenu que les impacts des changements climatiques sont non seulement financiers, mais sanitaires également. Elle a mis en évidence les 619 décès qui sont survenus durant le « dôme de chaleur » dans l’Ouest canadien en 2021, de même que les effets sur la santé mentale de l’inquiétude engendrée par les changements climatiques. Mme Eyquem a aussi précisé que suite à des évènements catastrophiques, tels que des inondations, le tissu social des collectivités touchées diminue lorsque des habitations ne sont pas reconstruites. Dans un même ordre d’idées, Michael Goetz, maire, ville de Merritt, a dit que suite à la tempête de rivière atmosphérique de novembre 2021 en Colombie-Britannique, tous les logements à loyer modique de la ville ont été emportés par des inondations et qu’il n’y a plus de logement à louer depuis.

Ryan Ness, directeur, Adaptation, Institut climatique du Canada a aussi rappelé que l’impact des changements climatiques sur les infrastructures aura un impact important sur le mode de vie dans certaines régions du Canada, en particulier dans le nord du pays, avec la fonte du pergélisol.

Infrastructures relatives à l’eau et au transport maritime

Au cours de cette étude, il a beaucoup été question de l’état des infrastructures relatives à l’eau ainsi que leur résilience par rapport aux impacts actuels et anticipés des changements climatiques. Sylvain Dupuis, maire de la ville de Saint-Ours, a avancé que les infrastructures existantes ne sont pas adaptées pour les défis futurs et que des mesures d’adaptation sont nécessaires pour minimiser les refoulements d’égouts et les surverses qui nuisent à la qualité de l’eau. À l’instar d’autres témoins, il a aussi abordé les enjeux que posent l’érosion des berges et les affaissements de chaussée sur l’intégrité des infrastructures côtières, notamment les routes[4]. Il a tenu à souligner que les lacunes de communication avec le gouvernement fédéral au sujet du niveau des eaux de la rivière Richelieu amène une accélération de l’érosion des berges et des difficultés pour les exploitants de bacs pour la traversée de la rivière. Coree Tull, coprésidente, BC Watershed Security Coalition, a affirmé que les bassins hydrographiques de la Colombie-Britannique se détériorent de plus en plus et que l’on estime qu’un investissement de trois milliards de dollars sera nécessaire au cours des dix prochaines années pour « renforcer l’infrastructure naturelle et améliorer la sécurité des bassins hydrographiques en Colombie-Britannique »[5].

Antonin Valiquette, maire de la municipalité des Îles-de-la-Madeleine, s’est dit satisfait du support offert par Pêches et Océans Canada en ce qui concerne l’entretien des ports pour petits bateaux, mais a précisé que des sommes additionnelles seront nécessaires bien vite pour s’assurer qu’ils soient en mesure de faire face « aux nouvelles réalités climatiques ». Il a également avancé que le quai commercial du port de Cap-aux-Meules qui accueille de la marchandise a besoin d’investissements, car il serait « vieillissant et mal adapté à l’usage intensif actuel ».

Traitement des eaux

M. Gemmel a affirmé que la plus récente Enquête sur les infrastructures publiques essentielles avait révélé que 14 % des infrastructures de traitement des eaux usées étaient en mauvais ou en très mauvais état[6]. Andrée Bouchard, mairesse de la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu, a indiqué que le plus grand défi de sa ville est la pénurie de logements, mais qu’un des obstacles à la densification est le vieillissement des infrastructures hydrauliques de la ville qui ne permettent pas un écoulement des eaux adéquat. M. Goetz a avancé que suite à la tempête de rivière atmosphérique de novembre 2021, certaines zones de la ville de Merritt ont dû être évacuées à cause de la défaillance des systèmes d’aqueduc et de traitement des eaux usées de la ville. Il a précisé que « ces systèmes ont été inondés parce que les eaux s'y déversent par gravité et qu'ils se situent dans la partie la plus basse de la ville ».

Sydney Clarysse, chef de projet, Ressources énergétiques et équipements, municipalité de Norfolk County, a affirmé que dans le plan d’adaptation aux changements climatiques de Norfolk County, 13 des 18 risques climatiques qui ont été répertoriés dans l’évaluation de vulnérabilité étaient élevés ou très élevés. De ce nombre, huit concernent l’infrastructure de traitement des eaux usées et la qualité de l’eau. Amy Martin, mairesse, municipalité de Norfolk County, a expliqué qu’il en coûtera 390 millions de dollars pour moderniser l’infrastructure hydraulique de la municipalité, un projet qu’elle a qualifié d’« essentiel », afin d’améliorer les systèmes et de préserver la qualité de l’eau, ainsi que la quantité. À propos des défis auxquels sont confrontées les municipalités en termes de financement dans les infrastructures, elle a fait le constat suivant :

Si, en 2023, les municipalités n'ont pas les moyens de moderniser l'infrastructure d'approvisionnement en eau en 2023, je ne vois vraiment pas comment on peut nous demander de faire preuve de créativité et d'audace, et d'investir pour créer des collectivités viables pour les années à venir. Énormément d'initiatives de lutte contre le changement climatique sont liées directement aux eaux souterraines, et plus exactement à la qualité, à la quantité et à l'infrastructure avec laquelle nous pompons ces eaux.

Les ouvrages de protection contre les inondations

Des témoins ont abordé l’état des infrastructures de protection, notamment des digues, qui protègent le sud de la Colombie-Britannique des inondations[7]. Lina Azeez, directrice, Programmes d’habitat, Watershed Watch Salmon Society, a avancé qu’une évaluation faite par le gouvernement de la Colombie-Britannique en 2015 a conclu que 90 % des digues ne répondaient pas aux normes et n’étaient pas adaptées aux changements climatiques. Elle a ajouté que des vannes et des stations de pompage seraient aussi déficientes et que tout cela pris en considération fait en sorte que le bas Fraser (entre Hope et la mer des Salish) est vulnérable aux inondations. Mme Azeez a également maintenu que plusieurs ouvrages de protection actuellement en place « bloquent les chenaux latéraux, les affluents et les marécages qui devraient servir d’habitat aux saumons » et a exprimé le souhait que les habitats des saumons soient davantage considérés dans les mesures prises pour faire face aux inondations.

Spencer Coyne, maire, ville de Princeton, a expliqué au Comité qu’en Colombie-Britannique, certaines municipalités ont leur propre ouvrage de protection, mais que plusieurs kilomètres (km) sont protégés par des digues orphelines, ce qui signifie qu’elles ne sont pas entretenues par une autorité d’endiguement. Le gouvernement de la Colombie-Britannique estime qu’il y a plus de 100 ouvrages de protection dans la province qui ne sont pas activement maintenus par une autorité d’endiguement[8].

M. Goetz a expliqué que les infrastructures de protection contre les inondations n’ont pas été renforcées dans sa ville depuis la tempête de rivière atmosphérique de novembre 2021, que certaines zones n’ont pas de digues et qu’il y a un risque d’inondation dans d’autres zones peu élevées qui sont protégées par des digues temporaires qui ont été construites par des militaires. Soulevant des préoccupations similaires, M. Coyne a fait remarquer que les deux tiers de sa communauté sont toujours privés d’eau potable depuis l’événement météorologique. Il a déclaré que l’enjeu le plus immédiat pour sa ville en termes d’infrastructure est le renforcement de la digue, qui nécessite des travaux d’amélioration d’une valeur de 100 à 500 millions de dollars. MM. Goetz et Coyne ont tous deux souligné qu’il fallait faire en sorte que le système de digues soit adapté aux changements climatiques et donc à des crues qui seront possiblement plus importantes dans le futur. De plus, le chef Patrick Michell, chef à la retraite, Kanaka Bar Indian Band, a déclaré ce qui suit:

Nous avons prévenu. Nous avons demandé qu'on change la taille des ponceaux. Nous avons conseillé de dépenser 60 000 $ aujourd'hui pour économiser 6 millions de dollars demain. Nous avons demandé de ne pas opter pour le mode réaction pour notre avenir. Nous avons incité à ne pas parler tant de coût que d'investissement.

Selon M. Ness, les coûts associés à la remise à niveau et à l’entretien des digues qui sont « laissées à l’abandon » ne représentent qu’une « fraction du coût des dommages » qui résulte de leur défaillance. Ralf Nielsen, directeur, Durabilité des entreprises, TransLink, a fait le commentaire suivant :

L'importance de la stratégie de lutte contre les inondations du Lower Mainland pour l'ensemble du système réside dans le fait que ce que nous faisons dans une partie de ce bassin hydrographique pour endiguer, améliorer ou reprendre des digues orphelines ou les rendre résistantes aux séismes est vraiment important. Cela ne peut pas être fait par un seul organisme, et je crois que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à cet égard.

Les ponts de glace

M. Dupuis a expliqué qu’une des conséquences des changements climatiques dans la ville de Saint-Ours est le fait que la mise en place d’un pont de glace qui permet aux voitures de traverser la rivière Richelieu durant l’hiver depuis le 19e siècle n’est plus une solution de transport viable depuis quelques années. Durant le reste de l’année, un service de traversier assure la liaison entre la ville de Saint-Ours et Saint-Roch-de-Richelieu. Sans ce pont de glace, M. Dupuis avance que les citoyens doivent faire un détour de 30 km pour atteindre l’autre rive, ce qui a des conséquences sur le développement économique régional, l’accès aux services et le tissu social. Il a avancé que la ville propose la construction d’un pont à la hauteur de l’île Darvard, lieu historique national, depuis 1982. La ville souhaiterait que le barrage hydrographique construit dans les années 1960 soit aménagé pour accueillir du trafic routier.

Jonathan Chalifoux, maire de la municipalité de Saint-Antoine-sur-Richelieu, a fait part d’une situation similaire, alors que depuis 2018, la municipalité n’a été en mesure d’aménager un pont de glace qu’à seulement trois reprises durant l’hiver. Durant le reste de l’année, une traverse en bac à câble est offerte entre la municipalité et celle de Saint-Denis-sur-Richelieu. M. Chalifoux a avancé que la compagnie qui offre ce service « n’a aucun intérêt à [l’]offrir durant la période hivernale » et a dit souhaiter que les municipalités soient consultées à l’avenir sur l’exploitation de ces bacs et que le gouvernement du Canada leur octroie un « droit de regard sur le renouvellement des permis et des ententes en ce qui concerne la voie de traverse de la rivière [Richelieu] ». Étant située à une dizaine de km de Saint-Roch-de-Richelieu, M. Chalifoux a indiqué qu’un pont entre cette dernière et la ville de Saint-Ours serait positif pour sa municipalité, mais ne serait pas une panacée.

Puits de gaz orphelins

Lors de son témoignage, Mme Martin a brièvement abordé l’enjeu des puits de gaz orphelins, soit des puits de gaz inactifs. L’Ontario détiendrait environ 27 000 puits sur son territoire, principalement situés sur des terres privées[9] et Norfolk County en compte 2 600 selon Mme Martin. Elle a expliqué que ceux-ci peuvent poser des risques pour la santé et la sécurité, advenant une fuite et que l’équipe de gestion des urgences de la municipalité n’est pas outillée pour intervenir dans ce type de situation. Qualifiant cet enjeu d’ « énorme problème », elle a indiqué qu’à sa connaissance, la participation fédérale était actuellement limitée et que même si le gouvernement de l’Ontario avait récemment accordé des fonds, cela n’est « ni suffisant ni durable ».

Infrastructures de télécommunication

Durant son témoignage, Patrick Bousez, préfet, MRC de Vaudreuil-Soulanges, a parlé de la crise de verglas qui a frappé sa municipalité régionale de comté (MRC) en avril 2023, laissant sur son passage d’importants dégâts et privant, selon lui, 97 % de la population d’électricité pendant « une longue période ». Alors que la MRC tentait de rejoindre la population et tous les acteurs qui doivent être mobilisés durant ce type d'événement, il a été constaté que les réseaux de télécommunications étaient partiellement ou totalement hors service. Cela aurait duré plusieurs heures, voir plusieurs jours dans certains secteurs de la MRC, compliquant ainsi la livraison de services à la population pour la MRC, mais aussi pour les services essentiels. Tout en soulignant que les évènements météorologiques extrêmes sont de plus en plus fréquents, il a insisté sur le fait que durant ces épisodes d’urgence, les communications sont « le nerf de la guerre ». Ainsi, il a fait l’appel suivant au gouvernement du Canada :

Il faut s'assurer d'avoir un réseau plus robuste. Il faut que nos réseaux cellulaires, nos tours de télécommunication d'urgence et même les moyens de communication de nos services d'incendie soient plus robustes, mais également que tous les réseaux cellulaires d'un bout à l'autre du pays le soient davantage.

M. Bousez a suggéré que quelques tours de télécommunications soient munies d’un groupe électrogène qui permettrait d’assurer l’énergie requise pour le fonctionnement de celles-ci en cas de panne. Selon M. Ness, le gouvernement du Canada a un rôle à jouer dans la réglementation des systèmes de télécommunications lorsqu’il s’agit de s’assurer que ceux-ci soient conçus « pour résister au climat du futur ».

Dans son mémoire, TELUS Communications inc. a attesté qu’aucune installation de télécommunication n’est à l’abri des évènements météorologiques extrêmes, mais que la manière la plus efficace d’assurer la connectivité pendant ces évènements est d’avoir en place une « multiplicité de réseaux ». Ainsi, la compagnie a recommandé au gouvernement du Canada de « soutenir la construction de réseaux exempts de points de défaillance uniques ». TELUS Communications inc. a également recommandé l’adoption d’un cadre stratégique numérique sur le climat, dans l’objectif de « maximiser la connectivité et l’apport des technologies de réduction des émissions ».

Programme national d’assurance contre les inondations

Dans le budget de 2023, le gouvernement du Canada a exprimé son intention d’établir un programme d’assurance à coût modique contre les inondations, afin de « protéger les ménages exposés à un risque élevé d’inondation et sans accès à une assurance adéquate »[10]. Craig Stewart, vice-président, Changements climatiques et enjeux fédéraux, Bureau d’assurance du Canada (BAC), a expliqué que le BAC était en faveur de ce programme et il a ajouté qu’il serait pertinent de l’élargir éventuellement pour faire face à d’autres défis, tels que les incendies de forêt.

De son côté, M. Goetz a indiqué que la « grande majorité » des résidents des zones 3 et 4 de la ville de Merritt, soit des zones qui ont été inondées lors de la tempête de rivière atmosphérique de novembre 2021, n’avaient pas d’assurance sur les eaux de surface ou encore, étaient « totalement sous-assurés ». Tout comme MM. Stewart et Gemmel, il s’est montré favorable à la mise en œuvre du programme national, dans la mesure où cette assurance demeure abordable et accessible.

Chris Rol, responsable et conseillère principale, Adaptation climatique et politiques sur l’inondation, BAC, a dit croire que le gouvernement du Canada devrait s’inspirer du programme du gouvernement américain en veillant à ce que les primes d’assurance du nouveau programme soient calculées de manière à tenir compte des investissements faits par les collectivités dans des infrastructures qui permettent de réduire leur risque d’inondation[11].

Connaissance des risques liés aux changements climatiques

« [L]a gestion des actifs municipaux et la planification des immobilisations à long terme ont été soulignées par la communauté des municipalités au Canada comme des éléments essentiels de la planification, de l'entretien et de l'exploitation d'une infrastructure capable de résister aux changements climatiques. »

Ryan Ness, directeur, Adaptation, Institut climatique du Canada

Des acteurs du milieu municipal ont expliqué au Comité qu’ils ont des plans d’adaptation et une connaissance des risques associés aux changements climatiques sur leur territoire[12]. Le chef Michell a fait remarquer que sa communauté de Kanaka Bar avait pris conscience des changements climatiques dès 1990, a publié un plan d’occupation des sols en 2015, un plan d’évaluation et de transition climatique en 2018, ainsi qu’un plan de résilience communautaire en 2021. Il a soutenu que cette planification avait permis à la communauté de moderniser et d’adapter des infrastructures existantes et d’en construire de nouvelles qui tiennent compte des défis climatiques futurs. À cet effet, M. Nielsen a soutenu qu’il fallait considérer à la fois les connaissances autochtones et occidentales afin de trouver des « moyens d’adaptation et des solutions à long terme que nous ne verrions ou ne découvririons peut-être pas nous-mêmes ». Dans un même ordre d’idées, le chef Michell a appelé à utiliser les connaissances autochtones comme référence et à les compléter avec des données précises, notamment par l’entremise d’un nouveau réseau de stations d’observation météorologiques.

Identifier les infrastructures à risque

Selon M. Ness, bien que plusieurs autorités provinciales, territoriales et municipales ont effectué des évaluations des risques et des vulnérabilités sur leur territoire afin de déterminer quelles sont les priorités en matière d’infrastructure, nombre de ces dernières n’ont pas terminé ces évaluations par manque de capacité. Will Balser, coordonnateur, Adaptation côtière, Centre d’action écologique, a soutenu qu’il faudrait dresser un inventaire des infrastructures ou des collectivités les plus à risques, car, selon lui, il manque « beaucoup d’information » sur ce qui est le plus vulnérable au pays.

M. Gemmel a indiqué que l’investissement dans les données climatiques et les évaluations de risques au niveau local et régional avait été identifié comme étant une des priorités pour la FCM lorsque le gouvernement du Canada élaborait la Stratégie nationale d’adaptation du Canada[13]. Il a fait savoir que dans le cadre de cette stratégie, le gouvernement du Canada prévoit un nouvel investissement de 530 millions de dollars dans le Fonds municipal vert, un programme de la FCM, dont les fonds serviront notamment à soutenir la conduite de ces évaluations[14]. M. Gemmel a également noté que les plans de gestion des actifs peuvent être un moyen efficace « d’intégrer les considérations climatiques aux activités d’une administration municipale ».

Carlo Dade, directeur, Centre du commerce et de l’investissement, Canada West Foundation, a affirmé que le Canada est un des quelques pays du G‑7 et du G‑20 « qui ne font pas de planification nationale des infrastructures — une planification à long terme, de 10 à 30 ans […]». Il a expliqué que ces plans impliquent une prise de décision basée sur des critères d’importance nationale qui sont « rigoureux et qui s’appliquent sur des décennies ». Il a également précisé que ces plans comportent des analyses de risques et des mesures d’atténuation. M. Dade a invité le Comité à rédiger des recommandations dans le cadre de la présente étude en vue de l’élaboration d’un plan national d’infrastructure et pour ce faire, il a suggéré de s’inspirer d’Infrastructure Australia[15]. Dans un même ordre d’idées, Mme Rol a fait la remarque suivante au sujet de la planification des infrastructures :

Nous devons planifier dans une vision d'avenir, sans nous contenter de tenir compte du climat et des défis météorologiques passés, mais en regardant devant nous et en procédant à une évaluation du cycle de vie de l'infrastructure matérielle. Quelle fonction attendons-nous de cette infrastructure au cours des 20, 30 ou 40 prochaines années? Nous devons nous assurer de prévoir de construire des installations adaptées à l'objectif.

M. Ness a soutenu que le gouvernement du Canada devrait en faire davantage pour « diriger et coordonner l’élaboration et la publication de renseignements précis sur les risques climatiques liés aux infrastructures dans l’ensemble du pays ».

Cartographie des inondations

Selon M. Ness, l’état de la cartographie des inondations au Canada n’est pas idéal. Il a stipulé que l’âge moyen de la cartographie est de plus de 20 ans et qu’elle ne prend pas en considération l’évolution du risque d’inondation causé par les impacts des changements climatiques, puisqu’elle est basée sur le risque historique. Il a avancé que « probablement la moitié des ménages exposés à un risque élevé d’inondation au Canada ne figurent nulle part sur une carte des inondations […] ». M. Stewart a convenu que les cartes illustrent le risque actuel et non le risque futur d’inondation, mais il a tout de même soutenu que la cartographie des zones inondables s’était améliorée au Canada au cours des dernières années suite à l’innovation du secteur privé et aux investissements de Ressources naturelles Canada[16]. M. Stewart a également soutenu qu’il fallait mieux informer les Canadiens relativement au risque auquel leur propriété fait face et a rappelé que le gouvernement du Canada s’était engagé à mettre en place un portail sur les risques d’inondation qui sera accessible aux Canadiens[17].

Améliorer la résilience des collectivités canadiennes

« Ce que nous avons fait pour protéger nos routes, nos installations de traitement des eaux usées, notre eau, notre électricité et nos communications ne représente pas un coût. C'est un investissement. »

Chef Patrick Michell, Chef à la retraite, Kanaka Bar Indian Band

La Stratégie nationale d’adaptation du Canada a été publiée en novembre 2022[18]. M. Gemmel a affirmé que la FCM était favorable envers l’élaboration d’une telle stratégie, saluant cette progression vers une « approche pancanadienne en matière de résilience climatique ». M. Stewart a soutenu qu’il était essentiel que la stratégie adopte « des objectifs à court terme explicites pour réduire le risque de catastrophe et améliorer le rétablissement » et que ceux-ci soient mesurables. Il a attesté que le plan national d’adaptation de la Nouvelle-Zélande était un modèle à cet égard[19].

M. Gemmel a soutenu que tous les ordres de gouvernement devront augmenter leurs investissements en adaptation et il a convenu qu’il est dans l’intérêt de tous d’investir afin de prévenir et d’atténuer les catastrophes, au lieu de « payer les frais de nettoyage et de remise en état après » celles-ci. M. Gemmel a soutenu que chaque dollar investi en adaptation permettrait d’économiser entre 13 et 15$ en coûts futurs.

Gouvernance climatique

Des témoins ont souligné l’importance d’une collaboration efficace entre les ordres de gouvernement dans l’adaptation aux changements climatiques[20]. M. Gemmel a d’ailleurs reconnu que la répartition des coûts des changements climatiques au Canada est un défi, rappelant que bien que les municipalités soient propriétaires de la majorité des infrastructures publiques au Canada (environ 60 %[21]), leur capacité financière est limitée. M. Ness a fait la remarque suivante au sujet du rôle du gouvernement du Canada :

[L]e gouvernement du Canada devrait jouer un rôle de chef de file en veillant à ce que toutes les décisions gouvernementales en matière de dépenses et de réglementation concernant les infrastructures prennent explicitement en compte les risques climatiques et les avantages liés à l'adaptation.

Selon Mme Eyquem, il y a un manque de coordination entre les ministères fédéraux responsables de l'adaptation au climat. Elle a suggéré qu’un agent responsable similaire à la Federal Emergency Management Agency aux États-Unis soit mis en place au Canada afin de « superviser la résilience au sein du gouvernement »[22]. Mme Eyquem a dit être d’avis que la stratégie nationale d’adaptation est un bon pas en avant, mais que c’est la mise en œuvre sur le terrain qui va compter. En plus des gouvernements, elle a ajouté que le public, ainsi que le secteur privé ont également un rôle à jouer dans l’adaptation. Mme Tull et Neil Fletcher, directeur de la conservation et intendance, B.C. Wildlife Federation, BC Watershed Security Coalition, ont également parlé de partenariats avec les Premières Nations. Mme Bouchard a aussi souligné que sa ville collabore à la fois avec les autorités provinciales et fédérales, mais aussi avec les États-Unis et plus précisément l’État du Vermont, pour assurer une vigie dans le bassin international du lac Champlain et de la rivière Richelieu.

Mme Eyquem a soutenu que la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) participe aux efforts d’adaptation. Elle a suggéré que le volet d’investissement sur les infrastructures vertes de la BIC soit élargi afin d’inclure les investissements dans les infrastructures naturelles, ainsi que des mesures servant à augmenter « la résistance aux inondations, aux feux de forêt et à la chaleur »[23]. Elle a précisé que « l’adaptation climatique, l’atténuation et les solutions écologiques devraient être des objectifs visés en parallèle ». Mme Rol a également suggéré que la BIC affecte deux milliards de dollars supplémentaires à des « mesures d’atténuation de catastrophes » et trouve quatre milliards de dollars de plus en « capitaux privés de contrepartie ». M. Stewart a ajouté que la BIC est « un véhicule nécessaire pour faire en sorte que le secteur privé soit lui aussi présent à la table ».

Structure des programmes d’infrastructure

M. Gemmel a soutenu que les sources prévisibles de transferts fédéraux qui sont envoyés directement aux municipalités, sans avoir à remplir une demande, tel que le Fonds pour le développement des collectivités du Canada, sont un moyen « idéal » pour financer les infrastructures municipales[24]. Mentionnant que les agences de transports en commun planifient et construisent leurs infrastructures en fonction d’un cycle de vie de 50 à 70 ans, M. Nielsen a indiqué qu’un fonds permanent pour les transports en commun serait un « excellent moyen d’apporter le soutien nécessaire aux agences » afin de gérer les risques liés aux changements climatiques.

M. Valiquette a dit que les municipalités ont « besoin d’un soutien financier important et prévisible et d’un encadrement réglementaire flexible ». Il a affirmé qu’afin d’adapter leur territoire aux impacts des changements climatiques, les municipalités doivent pouvoir avoir accès à du financement suffisamment prévisible pour planifier convenablement les projets, mais aussi à de la flexibilité pour pouvoir modifier rapidement leurs priorités suite à un évènement météorologique extrême, sans avoir à « recommencer les longs processus d’acceptation ». D’ailleurs, M. Valiquette a fait appel à un meilleur arrimage des programmes d’infrastructure entre le gouvernement du Canada et celui du Québec.

M. Coyne a souligné que la contribution fédérale maximale pour les dépenses admissibles encourues par des municipalités dans le cadre du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes (FAAC), administré par Infrastructure Canada, est de 40 %, ce qui, selon lui, ne reflète pas la réalité des petites municipalités « qui doivent payer des centaines de millions de dollars pour moderniser leurs infrastructures après des inondations »[25]. Il a recommandé au gouvernement du Canada la mise en place d’une stratégie nationale des inondations qui prévoit un financement en fonction du risque et des coûts de remise en état et non en fonction de la population. Dans un même ordre d’idées, M. Gemmel a indiqué qu’une des recommandations de la FCM au sujet de la stratégie nationale d’adaptation était de prioriser les investissements dans les collectivités les plus à risque, ce qui, selon lui, se justifie à la fois par une analyse coûts-bénéfices, mais aussi par un souci d’équité :

[C]e sont souvent les collectivités à faible revenu, marginalisées ou racialisées qui sont les plus exposées aux risques liés aux changements climatiques.

M. Balser a aussi attesté qu’il fallait mettre l’accent sur le risque et non sur la population et prioriser les collectivités qui ont déjà souffert des impacts des changements climatiques. Mme Rol a également dit que l’allocation des fonds devrait prioriser la protection des 300 000 logements les plus à risque d’être inondés au Canada d’ici 2028. M. Gemmel a soutenu qu’un des obstacles pour les municipalités lorsqu’elles souhaitent obtenir du financement dans le cadre du FAAC est la complexité du formulaire de demande et de la procédure de demande. Plus précisément, M. Gemmel a fait remarquer que les critères de l’objectif climatique que le gouvernement applique aux demandes de financement d’infrastructures pèsent sur les petites municipalités et les municipalités rurales, nécessitant souvent des mois de planification et des dépenses de plusieurs milliers de dollars pour des consultants, simplement pour remplir la demande. M. Gemmel a noté que les critères doivent être « réaliste[s] et conforme[s] à la capacité des administrations municipales de respecter les critères» et non « au‑delà de ce qui est nécessaire pour évaluer les risques climatiques et la vulnérabilité ».

À propos du FAAC, M. Gemmel a recommandé au gouvernement du Canada une enveloppe supplémentaire de deux milliards de dollars ainsi qu’un investissement d’un milliard par année, pour les dix prochaines années. Cette recommandation est également supportée par Mme Rol.

Au sujet des programmes fédéraux d’infrastructure, M. Bousez a suggéré qu’il y a peut-être un manque de connaissance des programmes offerts aux municipalités. Il a soutenu que la mise en place d’un guichet unique qui informerait les administrations municipales sur les programmes offerts simplifierait les choses. M. Dupuis a affirmé que l’enjeu pour l’administration de la ville de Saint-Ours ne réside pas dans sa capacité de présenter des demandes de subvention. Selon lui, il faudrait que les montants accordés soient mieux équilibrés entre les municipalités de différentes tailles du Canada. Il a dit croire qu’actuellement, il s’agit d’une « joute qui favorise les municipalités qui présentent leur projet le plus rapidement, plutôt que celles qui sont les plus prêtes ».

Mme Martin a demandé au gouvernement du Canada de fournir davantage de fonds dédiés à l’adaptation des infrastructures essentielles aux administrations locales. Elle a soutenu que les municipalités urbaines et rurales de la taille de Norfolk County sont « généralement en concurrence avec la région métropolitaine de Toronto pour les financements et les ressources ». Elle a affirmé que la répartition doit être « plus équitable [et] qu’elle tienne compte de la taille de la ville » et non de la population.

Infrastructures naturelles

M. Balser a expliqué que les solutions basées sur la nature, et donc les infrastructures naturelles, visent à « tirer profit des capacités de défense des écosystèmes et des espèces indigènes et des bienfaits qu’ils apportent ». Mme Azeez a indiqué que des projets d'infrastructures naturelles sont actuellement appuyés par les programmes d’investissements en infrastructures tels que les Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC), un programme sous la responsabilité de Sécurité publique Canada[26], et le FAAC, mais qu’ils devraient être « la norme » et non pas « faire figure de nouveauté ». Mme Eyquem a également souligné qu’il fallait démarginaliser ou encore normaliser les solutions basées sur la nature, qui sont « souvent moins coûteuses », un argument aussi soulevé par Mme Tull et M. Balser.

Mme Azeez a expliqué que les solutions naturelles contre les inondations comprennent notamment la restauration des terres humides et Mme Eyquem a soulevé que tenir compte des infrastructures naturelles ne s’inscrit pas nécessairement dans un projet précis, mais plutôt dans une approche de gestion durable. Par exemple, elle a indiqué qu’une « gestion durable des zones riveraines en amont d'une collectivité inondable peut nous aider à gérer les risques d'inondation ».

Mentionnant les investissements annoncés en mars 2023 par le gouvernement de la Colombie-Britannique (100 millions de dollars) dans le fonds pour la sécurité des bassins versants[27], Mme Azeez a dit souhaiter que le gouvernement fédéral octroie également des fonds pour améliorer la santé des bassins versants. Dans un même ordre d’idées, Mme Tull a fait le commentaire suivant :

Les investissements dans l'infrastructure naturelle et la sécurité des bassins hydrographiques favoriseront l'atténuation du changement climatique, l'adaptation, la réconciliation et le développement économique durable. En outre, ils créeront des possibilités d'emploi essentielles et des retombées économiques.

M. Nielsen a également souligné qu’il fallait mieux protéger le patrimoine naturel du pays, qui constitue « souvent notre meilleure protection contre les évènements graves, mais peut aussi séquestrer le carbone, améliorer la biodiversité et ramener la nature » dans les villes et les banlieues. À cet effet, Mme Bouchard a fait la recommandation suivante auprès du gouvernement du Canada :

Au cours des prochaines années, il sera d'une importance capitale que les municipalités obtiennent du gouvernement fédéral l'appui nécessaire pour financer l'acquisition des derniers milieux naturels, poumons des milieux de vie fortement urbanisés que nous occupons.

Résilience des bâtiments

M. Ness a expliqué qu’au Canada, des codes et des normes régissent la construction des infrastructures[28]. Le Comité canadien de l’harmonisation des codes de construction élabore des codes modèles nationaux, incluant le Code national du bâtiment (CNB), qui comprend « les dispositions techniques concernant la conception et la construction de bâtiments neufs »[29]. Il s’applique également à la démolition, au changement d’usage et à la transformation de bâtiments existants. Tel que précisé par M. Gemmel, le rôle du gouvernement du Canada est limité dans l’application des codes, puisque l’adoption et la mise en œuvre relèvent des autorités compétentes provinciales et territoriales[30].

Selon M. Ness, ces codes et ces normes sont une composante « essentielle » de la construction d’infrastructure dans un pays qui souhaite avoir des infrastructures résilientes. Il a soutenu que pour s’adapter rapidement aux impacts des changements climatiques, il faudra accélérer le processus de mise à jour des codes, puisqu’il a dit croire que le temps est trop long entre le moment où la recherche est effectuée au niveau national et celui de la mise en œuvre au niveau provincial et territorial. Selon M. Gemmel, tout ce qui est construit ou reconstruit « doit respecter des normes plus élevées », qui tiennent compte des changements climatiques.

De son côté, Kevin Lee, directeur général, Association canadienne des constructeurs d’habitations (ACCH), a indiqué que l’ACCH participe activement au processus du CNB et a souligné que, bien que le CNB soit basé sur des données historiques, le défi consiste maintenant à le modifier pour tenir compte du « climat de demain ». M. Lee a aussi précisé que la modernisation du CNB n’est qu’une mesure parmi tant d’autres lorsqu’il est question de protéger les logements des risques climatiques. Il a offert les exemples suivants :

[F]aute d'aménagement forestier, il pourrait être futile de protéger les habitations contre les incendies de forêt. Faute de bassins de retenue, des mesures de protection contre les inondations comme les clapets antirefoulement seront d'une efficacité limitée.

M. Lee a aussi invité le Comité à « ne pas précipiter l’action réglementaire en négligeant une analyse transdisciplinaire convenable », et donc à considérer une maison comme un système. Il a donné l’exemple suivant :

[A]méliorer l'isolation d'une maison étanche est bénéfique en cas de chaleur extrême, mais seulement s'il y a un système de climatisation, qui gagne alors en efficacité.

À ce défi, s’ajoutent ceux de la question de la pénurie de logements, l’abordabilité du logement et les efforts pour accroître l’efficacité énergétique de ceux-ci. M. Lee suggère d’ailleurs que l’abordabilité soit ajoutée aux objectifs fondamentaux du CNB. M. Lee a insisté sur le fait que des efforts supplémentaires en recherche et développement et en innovation doivent être faits notamment pour réduire les coûts de construction et ainsi rendre les maisons écoénergétiques plus abordables.

À cet effet, Wing-On Li, directeur et président, Horizons Group, a expliqué que le groupe promoteur immobilier Horizons Group vise à construire des maisons écoénergétiques dans la ville d’Essex. Il a soutenu qu’un des défis auquel son groupe fait face est le prix élevé de ses maisons. M. Li a avancé que chaque ordre de gouvernement peut intervenir pour améliorer l’abordabilité de ces maisons et a salué la proposition annoncée dans le budget fédéral de 2023 d’élargir l’admissibilité au crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres pour y inclure les systèmes d’énergie géothermique[31]. Cela dit, il a attesté que le niveau d’intervention le plus important à son avis est à l’échelle municipale, suggérant par exemple, que les maisons carboneutres soient exemptées « des taxes d’aménagement, qui sont très nombreuses ».

M. Ness a également souligné que les Canadiens peuvent augmenter la résilience de leur logement et qu’il existe des programmes offerts par différents ordres de gouvernement pour les appuyer. Il s’agit d’un constat partagé par M. Lee qui a soutenu que des subventions peuvent permettre aux Canadiens d’améliorer l’efficacité énergétique de leur maison ou encore prévenir des pertes ultérieures, si par exemple, ils installent un toit plus résistant à la grêle.

Michael Gordon, directeur, Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de l’ajustage de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, Syndicats des métiers de la construction du Canada (SMCC), a reconnu que le gouvernement du Canada a fait des investissements dans les rénovations par l’entremise de subventions dans le cadre de l’Initiative canadienne pour des maisons plus vertes[32]. Il a recommandé au gouvernement du Canada d’augmenter les subventions à la fois pour les rénovations des maisons, mais aussi pour les bâtiments industriels et commerciaux qui souhaitent améliorer leur efficacité énergétique. Selon M. Gordon, pour atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050, il faut « adopter des normes élevées en matière d’efficacité énergétique pour tous les nouveaux bâtiments et mettre à jour l’infrastructure existante »[33].

Main-d’œuvre et formation

Rita Rahmati, spécialiste en relations gouvernementales, SMCC, a fait savoir que plusieurs syndicats de métiers spécialisés ont actuellement des problèmes de disponibilité de la main-d’œuvre, citant comme exemple l’Union internationale des journaliers d’Amérique du Nord qui pourrait avoir besoin de plus de 15 000 travailleurs uniquement en Ontario pour répondre à la demande. M. Gordon a salué le Programme pour la formation et l’innovation en milieu syndical, un programme sous la responsabilité d’Emploi et Développement social Canada, qui appuie la formation des apprentis[34].

M. Gordon a soutenu qu’il fallait mettre en place un processus permettant de s’assurer que les compétences des Néo-Canadiens qui pratiquent un métier réglementé satisfont aux exigences en vigueur au Canada. Il a suggéré que le gouvernement du Canada « collabore » avec le programme du Sceau rouge et les organismes représentants ces corps de métiers pour fournir une « feuille de route » permettant à ces Néo-Canadiens d’exercer leur métier.

Selon M. Gordon, le programme du Sceau rouge, un programme issu d’un partenariat entre les provinces et les territoires visant à établir des normes communes pour évaluer les compétences des gens de métier, est le « mieux placé pour relever les défis liés à la mobilité dans le cadre du développement et de l'entretien de l'infrastructure du Canada »[35]. Lorsqu’un sceau rouge est apposé sur un certificat d’aptitude professionnelle provincial ou territorial, cela indique que « les gens de métier ont démontré qu’ils possédaient les connaissances requises par la norme nationale dans ce métier »[36]. M. Gordon a dit souhaiter que l’équipe du programme du Sceau rouge travaille avec le gouvernement fédéral afin d’établir une base de données nationale et publique pour les certificats portant le Sceau rouge, une démarche qui, selon lui, favoriserait la mobilité de la main-d’œuvre au pays. Mme Rahmati a ajouté que des mesures de déduction pour les frais de déplacement aideraient également à la mobilité des gens de métier.

Mme Rahmati a aussi abordé la question de la formation, soulignant que dans la « transition vers la carboneutralité », il faudra s’assurer que les travailleurs aient les compétences nécessaires pour, par exemple, bâtir des immeubles qui comportent « de meilleures normes d’efficacité énergétique ». Dans son mémoire, Collèges et instituts Canada (CICan) affirme que les collèges du Canada sont «la solution idéale pour former, perfectionner et requalifier » la main-d’œuvre en fonction des besoins d’une économie verte et a ainsi insisté sur l’importance d’investir dans la formation au niveau collégial. CICan a recommandé au gouvernement du Canada de procéder à un inventaire des infrastructures qui servent à l’apprentissage de compétences stratégiques pour l’économie du pays, afin de s’assurer que l’on dispose suffisamment de capacité pour « répondre aux besoins de formation futurs dans les secteurs économiques clés », telle que la construction. CICan a dit considérer que le gouvernement du Canada devrait bonifier l’aide financière pour les apprenants en milieu de carrière par l’entremise d’un nouveau programme qui pourrait s’intituler « Tremplin professionnel ».

M. Stewart a également abordé des enjeux de manque de main-d’œuvre lorsqu’il vient le temps de déployer des évaluateurs à la suite d’évènements météorologiques extrêmes, particulièrement lorsque ceux-ci se déroulent dans l’est du pays.

Reconstruction à la suite d’une catastrophe

Durant son témoignage, M. Balser a soutenu que la meilleure façon d’adapter les infrastructures aux changements climatiques est d’éviter de construire dans les zones reconnues comme étant à risque. Il a déploré qu’une partie des fonds alloués à cet effort au Canada servent à « reconstruire des collectivités et des infrastructures dans des régions qui viennent d'être détruites par des inondations, l'érosion et des tempêtes ».

Mme Azeez a expliqué qu’en vertu des AAFCC, les collectivités doivent reconstruire selon les mêmes normes et puisque les collectivités comptent sur l’aide financière du gouvernement, elles se retrouvent donc encouragées à reconstruire dans des zones à haut risque. Elle a affirmé que cela est « intrinsèquement contraire au concept d’adaptation ». M. Goetz a soutenu que les AAFCC sont conçus de façon à ce que les fonds soient avancés aux provinces seulement lorsque le coût total des pertes liées à une catastrophe a été établi, ce qui fait en sorte que les fonds risquent d’être versés des années plus tard. Sur un point connexe, il a déclaré qu’à la suite des inondations de 2021, le programme du FAAC n’était pas disponible pour sa ville, le service d’accueil ayant été fermé pendant une période de 13 mois. Il a témoigné : « Notre demande de financement était prête, mais nous ne savions pas où l’envoyer. C’est comme si nous l’envoyions dans le néant». Il a recommandé au gouvernement du Canada d’expédier la distribution des fonds de ce programme aux provinces afin de soutenir plus rapidement des projets de restauration.

M. Goetz a également attesté que le FAAC exclut les coûts d’acquisition de terre et a émis le souhait que ce programme inclue l’acquisition de terrains et de bâtiments afin de construire des infrastructures d’atténuation. M. Coyne a souligné pour sa part que la Stratégie nationale d’adaptation du Canada ne comprend pas de « programme pour financer la relocalisation massive des gens hors des plaines inondables ». Il a spécifié que malgré le fait que les administrations locales puissent interdire les nouveaux développements dans ces zones, elles n’ont pas d’outil pour relocaliser ceux qui y sont déjà, et c’est pourquoi il a recommandé aux gouvernements des différents ordres de travailler ensemble à l’élaboration d’un programme qui permettrait de financer ce type d’initiative.

Conclusion

Au cours de l’étude du Comité, les intervenants ont mis en lumière les impacts des changements climatiques sur les infrastructures au Canada. Ils ont notamment fait valoir la nécessité d’améliorer la résilience des infrastructures relatives à l’eau et au transport maritime, des infrastructures de télécommunications et des résidences privées et ont proposé diverses solutions à cette fin. Certains ont également convenu que le gouvernement du Canada devait améliorer sa connaissance des infrastructures les plus à risque au Canada. Afin d’améliorer la résilience des collectivités canadiennes, les intervenants ont suggéré une approche concertée de tous les ordres de gouvernement et des parties prenantes.


[1]              Gouvernement du Canada, Les 10 évènements météorologiques les plus marquants au Canada en 2022.

[2]              Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités (TRAN), Témoignages, 44e législature, 1re session : Sylvain Dupuis (maire, ville de Saint-Ours); Andrée Bouchard (mairesse, ville de Saint-Jean-sur-Richelieu); Ryan Ness (directeur, Adaptation, Institut climatique du Canada); Amy Martin (mairesse, municipalité de Norfolk County) et Spencer Coyne (maire, ville de Princeton).

[3]              Fédération canadienne des municipalités, On estime que l’adaptation au climat coûte aux municipalités 5,3 milliards de dollars par année, communiqué, 27 février 2020.

[4]              TRAN, Témoignages : Antonin Valiquette (maire, municipalité des Îles-de-la-Madeleine) et Jonathan Chalifoux (maire, municipalité de Saint-Antoine-sur‑Richelieu).

[5]              Dans un document de discussion sur la création d’une stratégie et d’un fonds de sécurité des bassins versants, le gouvernement de la Colombie-Britannique indique que la sécurité des bassins hydrographiques implique la disponibilité d’une eau de bonne qualité pour des collectivités et des écosystèmes en santé. Colombie-Britannique, Ministry of Environment and Climate Change Strategy, Watershed Security Strategy and Fund, Document de discussion, p. 6 [disponible en anglais seulement].

[6]              Statistique Canada, « Enquête sur les infrastructures publiques essentielles du Canada : valeurs de remplacement, 2020 », Le Quotidien, 20 mars 2023.

[7]              TRAN, Témoignages : Ralf Nielsen (directeur, Durabilité des entreprises, TransLink); Ness (Institut climatique du Canada); Coyne (ville de Princeton) et Michael Goetz (maire, ville de Merritt).

[8]              Colombie-Britannique, Flood Protection Structures in B.C. [disponible en anglais seulement].

[10]            Ministère des Finances Canada, Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère, budget de 2023, p. 154.

[11]            United States, Federal Emergency Management Agency, What impacts flood insurance policy costs?, National Flood Insurance Program [disponible en anglais seulement].

[12]            TRAN, Témoignages : Martin (municipalité de Norfolk County); Goetz (ville de Merritt); Valiquette (municipalité des îles-de-la-Madeleine) et Bouchard (ville de Saint-Jean-sur‑Richelieu).

[13]            Gouvernement du Canada, Stratégie nationale d’adaptation du Canada.

[14]            Gouvernement du Canada, Plan d’action pour l’adaptation du gouvernement du Canada, p. 49.

[15]            Infrastructure Australia est une organisation indépendante qui conseille les gouvernements, l’industrie et les collectivités sur les investissements et les réformes requis pour améliorer le parc d’infrastructure en Australie. Elle a été établie en 2008. Australia, Infrastructure Australia, About us [disponible en anglais seulement].

[16]            Ressources naturelles Canada, Programme d’identification et de cartographie des aléas d’inondation.

[17]            Ministère des Finances Canada, Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère, budget de 2023, p. 155.

[18]            La Stratégie nationale d’adaptation du Canada a d’abord été publiée en novembre 2022. Après avoir recueilli les commentaires des organisations autochtones nationales et des gouvernements provinciaux et territoriaux, la version actuelle de la stratégie a été publiée le 27 juin 2023.

[19]            New Zealand, Ministry for the Environment, Adapt and thrive: Building a climate-resilient New Zealand – New Zealand’s first national adaptation plan, 2022 [disponible en anglais seulement].

[20]            TRAN, Témoignages : Matt Gemmel (directeur, Politiques et recherches, Fédération canadienne des municipalités); Coyne (ville de Princeton); Dupuis (ville de Saint-Ours); Coree Tull (coprésidente, BC Watershed Security Coalition); Nielsen (TransLink); Valiquette (municipalité des Îles-de-la-Madeleine) et Bouchard (ville de Saint-Jean-sur‑Richelieu).

[21]            Infrastructure Canada, Bâtir le Canada que nous voulons avoir en 2050, Document de mobilisation nationale des infrastructures, 2021, p. 15.

[22]            United States, Federal Emergency Management Agency, About us [disponible en anglais seulement].

[23]            Banque de l’infrastructure du Canada, Infrastructures vertes.

[24]            Infrastructure Canada, Fonds pour le développement des collectivités du Canada.

[26]            Sécurité publique Canada, Accords d’aide financière en cas de catastrophe.

[27]            Colombie-Britannique, Watershed strategy co-developed with First Nations, $100 million invested, communiqué, 6 mars 2023 [disponible en anglais seulement].

[28]            Conseil national de recherches Canada, Le système de construction au Canada – Le contexte des codes modèles.

[29]            Conseil national de recherches Canada, Code national du bâtiment – Canada 2020.

[30]            Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies, Adoption provinciale-territoriale des codes nationaux.

[31]            Les systèmes d’énergie géothermique inclus dans cette annonce sont ceux admissibles au régime de déduction pour amortissement des catégories 43.1 et 43.2. Ministère des Finances Canada, Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère, budget de 2023, p. 106 et Agence du revenu du Canada, Catégorie 43.1 (30 %) et catégorie 43.2 (50 %) — Catégories de biens amortissables.

[32]            Ressources naturelles Canada, Initiative canadienne pour des maisons plus vertes.

[33]            Gouvernement du Canada, La carboneutralité d’ici 2050.

[34]            Emploi et Développement social Canada, À propos du programme pour la formation et l’innovation en milieu syndical.

[35]            Sceau Rouge, Programme du Sceau rouge.

[36]            Ibid.