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TRAN Rapport du Comité

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Le rôle de la société McKinsey & Company dans la création et les débuts de la Banque de l’infrastructure du Canada

Introduction

À l’automne 2022 et à l’hiver 2023, on a pu lire dans les médias que le nombre de contrats accordés à la société de conseil McKinsey & Company (McKinsey) par le gouvernement du Canada avait augmenté de façon significative[1]. Ainsi, selon la CBC, cette société avait gagné 30 fois plus d’argent grâce à ses contrats avec le gouvernement fédéral en sept ans, soit depuis l’élection de 2015, et surtout depuis 2020, que pendant les neuf années précédentes[2].

Le 18 janvier 2023, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes (le comité OGGO) s’est réuni en application de l’article 106(4) du Règlement et a décidé de consacrer une étude aux contrats accordés à McKinsey. La vérificatrice générale du Canada et l’ombud de l’approvisionnement ont aussi chacun lancé un examen externe de la question; alors que la présidente du Conseil du Trésor et le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement ont entrepris une revue interne[3].

C’est dans ce contexte que, le 14 février 2023, le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes (le Comité[4]) a adopté la motion suivante :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude pour examiner le rôle de la société McKinsey & Company dans la création et les débuts de la Banque de l’infrastructure du Canada, y compris les décisions d’embauche relativement aux anciens employés de la Société et les contrats de services-conseils attribués à la Société par la Banque, examiner leur efficacité, leur gestion et leurs activités, y compris la valeur et les services reçus par la Banque; que les témoignages et les documents reçus par le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires dans le cadre de son étude sur les contrats de consultation octroyés par le gouvernement fédéral à la société McKinsey & Company soient pris en compte dans cette étude; que le comité prévoie des réunions pour entendre le témoignage du ministre de l’Infrastructure ainsi que de l’actuel président-directeur général et d’anciens présidents-directeurs généraux, et actuels et anciens membres du conseil d’administration de la Banque; et que quatre réunions soient consacrées à cette étude.

Le 4 mai 2023, le Comité a adopté la motion ci-dessous, portant assignation à comparaître à certains témoins, y compris aux responsables de McKinsey et de la BIC, une décision prise par le Comité après que plusieurs d’entre eux ont refusé de participer à l’étude :

Que, conformément aux articles 108(1) et 108(2) du Règlement, dans le cadre de l’étude du Comité sur le rôle de la société McKinsey & Company dans la création et les débuts de la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) :
  • a)      des assignations à comparaître soient signifiées à Dominic Barton, ancien directeur général mondial de McKinsey & Co.; à Andrew Pickersgill, ancien associé directeur de la pratique canadienne de McKinsey & Co.; à Janice Fukakusa, première présidente du conseil d’administration de la BIC; à Bruno Guilmette, ancien chef des investissements par intérim et membre du conseil d’administration de la BIC; Steven Robins, chef de la stratégie; à Bill Morneau, ancien ministre des Finances; Patrick Brown, maire de Brampton; et Lisa Raitt, vice‑présidente de Global Investment Banking à la CIBC pour exiger que chacun d’eux comparaisse à la date et à l’heure fixées par le président;
  • b)      le Comité exhorte vivement Annie Ropar, ancienne dirigeante principale des finances de la BIC; l’honorable Dominic LeBlanc, ministre de l’Infrastructure, et Aneil Jaswal, directeur du secteur des stratégies à comparaître.
  • c)       Que l’étude comporte un total de quatre réunions en plus de la réunion du mardi 2 mai 2023, et que chaque réunion compte un maximum de six témoins.

Du 2 mai 2023 au 8 juin 2023, le Comité a tenu sept réunions sur le sujet et entendu vingt-trois témoins.

L’influence des sociétés de conseil sur la politique publique

McKinsey & Company (McKinsey) est une société de gestion internationale qui, fondée en 1926, est active au Canada depuis plus de 50 ans[5] et a travaillé avec plusieurs gouvernements fédéraux[6]. Selon Robert Palter, associé principal et directeur de la pratique canadienne chez McKinsey, « McKinsey est le numéro un des sociétés d’experts-conseils en infrastructure, selon une évaluation indépendante de Kennedy Consulting ».

M. Palter a dit au comité OGGO que le gouvernement du Canada a dépensé « environ 25 milliards de dollars en services de consultants externes » pendant l’exercice 2022–2023. Selon Diane Therrien, agente principale de recherche, Syndicat canadien de la fonction publique, McKinsey aurait « obtenu au moins 116,8 millions de dollars en contrats fédéraux depuis 2015 ». Mme Therrien s’est dite très préoccupée par l’influence qu’exercent les experts-conseils sur la politique gouvernementale, étant donné qu’ils n’auraient pas d’expertise en matière d’infrastructure municipale ou de prestation des services gouvernementaux, et que leur préférence irait nécessairement aux intérêts non pas du grand public mais de leurs actionnaires.

John Cartwright, président, Conseil des Canadiens, a abondé dans le même sens. Selon lui, les cabinets internationaux de comptabilité et de conseil, pour qui « [l]a réussite se mesure en fonction des heures facturables et des accords complexes qu’on nous vante régulièrement », tentent consciemment de faire en sorte que l’infrastructure publique tombe entre les mains du secteur privé. Aneil Jaswal, directeur, Secteur des stratégies, BIC, a lui aussi fait une distinction entre la fonction publique, qui œuvre « à des travaux qui ont un impact sur le public, sur les Canadiens », et le secteur privé, où « on s’efforce parfois d’atteindre des objectifs différents qui consistent à aider une entreprise à vendre davantage de produits ou à prendre de l’ampleur ».

Andrew Pickersgill, associé senior, McKinsey, a apporté une autre perspective, faisant valoir « que le travail bénévole et le fait de redonner à la collectivité » étaient au nombre des engagements de sa société, qui s’est d’ailleurs engagée à investir 2 milliards de dollars « dans des efforts en matière de responsabilité sociale d’ici 2030 ».

Hausse des contrats fédéraux de McKinsey & Company

Pourquoi la firme McKinsey a-t-elle davantage de contrats du gouvernement fédéral depuis 2015? En réponse à cette question, M. Palter a évoqué « la complexité des défis auxquels le gouvernement est confronté » et signalé que, grâce à son « savoir-faire mondial sur la façon dont d’autres ont relevé ces défis », son entreprise peut apporter une aide utile. Mr. Palter a ajouté que les appels d’offre auxquels McKinsey a répondu « ont été lancés dans un processus concurrentiel et les offres ont été évaluées de façon indépendante par le gouvernement en vue de l’attribution de marchés. »

Il a ajouté trois précisions pour montrer que la passation des marchés au gouvernement fédéral se fait selon un processus concurrentiel. Premièrement, les contrats avec McKinsey ne représenteraient que moins de 0,5 % des dépenses totales du gouvernement fédéral en services de conseil externes. Deuxièmement, 74 % des contrats de McKinsey avec Ottawa auraient été accordés après un appel d’offres concurrentiel et une évaluation indépendante des propositions. Et troisièmement, le gouvernement fédéral rejetterait environ 60 % des soumissions qu’il reçoit de l’entreprise.

M. Barton a voulu lui aussi mettre en contexte l’ampleur des contrats fédéraux de McKinsey : « [J]e ne dis pas que 100 millions de dollars, ce n’est pas grand-chose, mais pendant l’année financière 2022, 22,2 milliards de dollars sont allés à différents cabinets d’experts-conseils. » De même, Ehren Cory, président-directeur général, et Steven Robins, chef de groupe, Stratégie, tous deux de la BIC, ont rappelé que des processus concurrentiels sont prévus dans la politique d’approvisionnement du gouvernement du Canada en général et de la BIC en particulier.

Les représentants de McKinsey ont souligné que c’était au terme d’appels d’offres lancés par le gouvernement que leur cabinet avait obtenu des contrats fédéraux[7]. Ainsi, M. Pickersgill a dit au Comité que « McKinsey ne fait pas de démarchage auprès du gouvernement du Canada. Nous répondons à des demandes de propositions. Nous décrivons notre savoir-faire. Nous nous conformons à toutes les lignes directrices en matière d’approvisionnement. »

Interrogé à savoir s’il avait pris part à des réunions pour mettre en valeur la candidature de McKinsey aux éventuels contrats du gouvernement, M. Pickersgill a répondu : « Lorsqu’on m’invite à décrire nos qualifications et notre savoir-faire, je le fais, bien sûr. » Lorsqu’on lui a demandé, dans le contexte du soutien pro bono apporté par McKinsey au Conseil consultatif sur la croissance économique, Michael Sabia, ex-membre du Conseil consultatif, a répondu qu’il n’était pas rare que des cabinets de conseil travaillent bénévolement pour le gouvernement : « Oui, je vois cela de temps en temps. »

M. Pickersgill a précisé que McKinsey n’était pas un lobbyiste enregistré, et il a confirmé qu’aucun échange entre le cabinet et le gouvernement du Canada n’a été déclaré auprès du Commissariat au lobbying du Canada[8].

Les cabinets de conseil et la BIC

Mme Therrien a souligné que les cabinets comme McKinsey rendent avant tout des comptes à leurs actionnaires. Dans ce contexte, selon elle, la BIC ne peut pas fournir, avec transparence et responsabilité, du financement à faibles coûts aux municipalités si elle embauche des experts-conseils de l’extérieur. De même, pour M. Cartwright, on doit s’attendre à ce que les entreprises privées tentent d’influer à leur avantage sur la politique publique: « [L]’argent gratuit n’existe pas. Quelqu’un ne vient pas vous donner 26 milliards de dollars gratuitement. Cette générosité est assortie de conditions. Ils veulent un énorme rendement de leur investissement. »

M. Cory a signalé que les dépenses en services de conseil externes sont ventilées, dans les états financiers de la BIC, en deux grandes catégories : les « services externes en matière d’investissements », qui comprennent par exemple les conseils sur les transactions ou le marché de l’énergie, ou encore les conseils juridiques; et les « conseils externes liés aux services généraux », qui visent les spécialistes comme les vérificateurs ou les experts en ressources humaines. Le témoin a expliqué que la « grande majorité » des dépenses relevaient de la première catégorie et concernaient des projets d’infrastructure particuliers. En effet, la BIC ne peut pas, selon M. Cory, disposer à l’interne de l’expertise nécessaire pour tous les projets, qui sont d’une grande variété.

M. Cory a donné l’exemple du projet de raccordement sous le lac Érié[9], qui a exigé une analyse réalisée par un cabinet externe. Il a confirmé que cette analyse ne peut pas être rendue publique vu les droits d’exclusivité, mais qu’on peut trouver sur le site Web de la BIC, « pour chaque investissement, […] la raison pour laquelle nous l’avons engagé ».

La conception et l’efficacité de la Banque de l’infrastructure du Canada

La Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) a été annoncée dans l’Énoncé économique de l’automne 2016. Conçue pour favoriser l’investissement privé dans l’infrastructure canadienne, elle a été établie en 2017, sous forme de société d’État, par la Loi sur la Banque de l’infrastructure du Canada (LBIC).

Au sens de l’article 6 de la LBIC, la Banque a pour mission

de faire des investissements et de chercher à attirer des investissements d’investisseurs du secteur privé et d’investisseurs institutionnels dans des projets d’infrastructures situés au Canada ou en partie au Canada qui généreront des recettes et qui seront dans l’intérêt public, par exemple en soutenant des conditions favorables à la croissance économique ou en contribuant à la viabilité de l’infrastructure au Canada.

Selon le Résumé du plan d’entreprise 2020‑2021 à 2024‑2025, les trois responsabilités de la BIC sont de conseiller, d’investir et de développer le savoir pour ce qui a trait à l’investissement dans l’infrastructure au Canada. La LBIC autorise la Banque, à hauteur de 35 milliards de dollars, à financer des projets d’infrastructure au moyen d’investissements dans le capital-actions, de prêts ou de garanties d’emprunt.

En mai 2022, le Comité a présenté un rapport, intitulé La Banque de l’infrastructure du Canada, que la Chambre des communes a adopté le 26 octobre 2023. On y trouve des témoignages selon lesquels les projets d’infrastructure de la BIC n’étaient pas réalisés assez rapidement. Une seule recommandation y est formulée : « Que le gouvernement du Canada abolisse la Banque de l’infrastructure du Canada. »

S’il a reconnu que la « mise en branle [a été] assez lente », M. Sabia a dit au Comité que, selon lui, la BIC « commence vraiment à atteindre son rythme de croisière ». Plusieurs autres témoins ont dit de même que des changements positifs s’étaient produits ces deux dernières années[10]. À ce sujet, M. Cory a rappelé que le rapport du comité TRAN cité ci‑dessus remontait, pour ce qui est de la période d’étude, à mars 2021. Il a ajouté que, au 6 février 2023, date de sa comparution devant le comité OGGO, 27 des projets de la BIC avaient atteint l’étape de la clôture financière, et 19 étaient en construction active.

S’il a reconnu qu’aucun projet n’était à ce jour achevé, M. Cory a expliqué que « [l]es projets d’infrastructure, par définition, prennent du temps à être conçus et construits ». Il a ajouté que la BIC avait pour mission de financer non pas « des projets prêts à mettre en chantier » mais des projets « qui méritaient vraiment d’être mis en chantier, mais qui étaient bloqués ». M. Cory a ajouté que certains projets sont plus longs ou plus courts que d’autres, allant de 12 mois jusqu’à plusieurs années. Il a dit explicitement : « Nous investissons dans notre pays à long terme. »

Certains témoins ont abordé l’idée selon laquelle, grâce aux prêts à faibles intérêts de la BIC, on attirerait davantage d’investissements privés, jusqu’à obtienir cinq dollars du secteur privé pour chaque dollar du secteur public[11]. Mme Therrien a fait valoir que cette insistance sur les capitaux privés ne faisait pas partie du concept de la banque d’infrastructure à l’origine; selon elle, ce changement de cap s’est fait sous l’influence des cabinets de conseil comme McKinsey et BlackRock. Quant au ratio de 5:1 promis, il serait « utopique », la Banque ayant eu du mal ces cinq dernières années « à maintenir ne serait‑ce qu’un rapport d’un pour un entre les fonds publics et les fonds privés ».

Comme l’ont clarifié Patrick Brown, maire de Brampton (témoignage à titre personnel), et M. Cory, la BIC n’accorde pas des subventions mais des prêts. Selon M. Palter, le gouvernement fédéral n’aurait pas la capacité financière d’offrir un système entièrement fondé sur les subventions. Pour l’hon. Catherine McKenna, ancienne ministre de l’Infrastructure et des Collectivités (à titre personnel) la BIC est « un modèle intelligent. Il ne peut pas servir pour tout, mais les fonds sont limités et nous devons donc trouver le moyen d’en tirer le maximum. »

De son côté, sans nier que « les coffres publics ne sont pas sans fond », M. Cartwright a soutenu que « chaque dollar qui ne sert pas à créer des infrastructures et des biens publics est mal dépensé ». Il a donc recommandé le démantèlement de la BIC ou, ce qui serait préférable selon lui, que le talent et la compétence qui s’y trouvent « s’occupe[nt] uniquement du bien public ». Mme Therrien, prônant un « optimisme prudent », s’est dite pour la réforme de la Banque plutôt que pour son abolition. Il faudrait selon elle revenir au concept initial – avant que n’entrent en scène les experts-conseils extérieurs – et recentrer l’organisme non plus sur l’obtention de capitaux privés mais sur l’octroi de financement à faibles coûts.

Par ailleurs, l’hon. Lisa Raitt, coprésidente, Coalition for a Better Future (témoignage à titre personnel), a déclaré que « le Canada doit utiliser tous les moyens possibles », y compris l’investissement public sous diverses formes, « pour assurer un financement adéquat des projets qui sont nécessaires pour notre croissance économique ». Elle a toutefois ajouté que, à son avis, « on aurait pu en accomplir bien davantage depuis 2015, en obtenant des résultats équivalents dans chaque cas, avec les mécanismes que nous offrait [Partenariats Public-Privés] Canada ».

Mesure du succès

Comment convient-il de mesurer le succès de la BIC? À cette question, Tamara Vrooman, présidente du conseil d’administration, BIC, a répondu : « Le rôle de la Banque est de faire en sorte que les infrastructures soient construites plus rapidement qu’elles ne le seraient autrement. Ultimement, la mesure de notre succès sera que les infrastructures sont utilisées par les Canadiens et dans leur intérêt. » M. Cory a proposé que la mesure combine deux dimensions : premièrement, le fait que « plus d’infrastructures sont construites », ce qu’on peut mesurer par le « flux de trésorerie » – il a signalé à cet égard que la BIC avait engagé 9,7 milliards de dollars dans des projets totalisant 27 milliards de dollars. Quant à la deuxième dimension, elle consisterait à « considérer les résultats des projets d’infrastructure ».

Processus d’approvisionnement / transparence financière de la BIC

Frédéric Duguay, avocat général et secrétaire de la société à la BIC, a expliqué que la Banque, en tant que société d’État, n’est pas assujettie aux politiques et règlements du Conseil du Trésor sur les activités d’approvisionnement. Elle s’est donc dotée de politiques internes en la matière, lesquelles, selon le témoin, « suivent les pratiques exemplaires en matière de gouvernance d’entreprise dans le secteur public pour que les achats soient effectués de manière équitable et transparente et que la BIC en ait pour son argent en ce qui concerne les biens et les services ». M. Duguay a toutefois clarifié que le processus d’approvisionnement actuel de la BIC avait été approuvé par le conseil d’administration en janvier 2019, soit après la conclusion des deux premiers contrats de la Banque avec McKinsey, dont il sera question plus loin dans ce rapport.

M. Cory, lors de sa comparution devant le comité OGGO, a affirmé que la BIC avait « des politiques d’approvisionnement très rigoureuses en matière d’optimisation des ressources ». M. Pickersgill et M. Barton ont tous deux déclaré que McKinsey avait respecté les règles d’approvisionnement de la BIC.

Politique sur les conflits d’intérêts

M. Cory a aussi décrit la politique de la BIC sur les conflits d’intérêts, laquelle s’applique à tous les employés et couvre tous les conflits d’intérêts, qu’ils soient réels ou apparents. M. Duguay a ajouté que les membres du conseil d’administration de la BIC doit sont assujettis à la Loi sur les conflits d’intérêts. Il a précisé que, comme les administrateurs ne doivent pas prendre de décisions lorsqu’ils risquent d’être en situation de conflit, ils reçoivent la liste des projets à approuver avant chaque réunion du conseil d’administration, et peuvent ainsi se récuser s’ils perçoivent un risque de conflit d’intérêts. Comme l’a précisé le témoin, l’administrateur qui se récuse ne recevra aucune documentation sur la discussion ou sur le vote.

Processus de vérification interne

M. Cory a expliqué que le processus de vérification de la BIC soumet tous les états financiers à un examen interne ainsi qu’à un audit réalisé par une tierce partie. M. Duguay a ajouté que, dans le cadre du processus interne, la Banque élabore chaque année un plan de vérification en fonction du risque qui couvre à la fois la gouvernance et la conformité avec les politiques, y compris en matière d’approvisionnement. Le témoin a aussi indiqué que, chaque année, la vérificatrice générale du Canada et un vérificateur externe examinent conjointement les états financiers de la BIC, et qu’un examen spécial a lieu tous les dix ans.

La création de la Banque de l’infrastructure du Canada

Origine

Comme plusieurs témoins l’ont dit au Comité[12], le concept d’une banque d’infrastructure figure dans la plateforme électorale de 2015 du Parti libéral du Canada[13]. L’hon. Bill Morneau, ancien ministre des Finances (témoignage à titre personnel) a précisé que « le processus a pris beaucoup de temps » puisqu’il avait lui-même, en 2012, travaillé à la mise sur pied, par le gouvernement de l’Ontario, d’un organisme indépendant qui devait investir dans l’infrastructure à partir de plusieurs petits fonds de pension réunis. Certains témoins ont aussi cité des exemples internationaux, notamment au Royaume‑Uni et en Australie[14]; pour M. Cory, l’idée de banque d’infrastructure est « vraiment très répandue ».

Toutefois, selon M. Cartwright, « [i]l ne faut pas oublier que le gouvernement libéral cherchait [par le concept de banque d’infrastructure] à remplacer Partenariats public‑privé Canada. Tombé en discrédit, cet organisme [avait été] mis en place par Stephen Harper. » M. Morneau, s’inscrivant en faux contre cette interprétation, a dit que le but était d’attirer des dépenses d’investissement dans l’infrastructure canadienne : « Il ne s’agissait pas de critiquer ce qui avait été fait dans le passé, mais d’accroître les investissements pour avoir une incidence beaucoup plus importante dans l’avenir. »

M. Palter a répondu « Non » quand les membres du Comité lui ont demandé si McKinsey avait contribué à l’élaboration de la plateforme électorale du Parti libéral du Canada en 2015.

En 2016, le ministre des Finances, qui était alors M. Morneau, a créé le Conseil consultatif en matière de croissance économique (le Conseil consultatif). Ce conseil, composé de 14 chefs d’entreprise et universitaires, a recommandé, entre autres mesures, la création d’une banque d’infrastructure[15].

Comme l’a expliqué Janice Fukakusa, première présidente du conseil d’administration de la BIC (témoignage à titre personnel), la Banque de l’infrastructure du Canada a été annoncée dans l’Énoncé économique de l’automne 2016[16] du gouvernement du Canada. La Loi sur la Banque de l’infrastructure du Canada a fait partie de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2017, laquelle a reçu la sanction royale le 22 juin 2017.

Lors de son témoignage, Mme Therrien a affirmé que la banque d’infrastructure, lorsqu’on l’a proposée en 2015, était censée avoir pour but « de fournir des prêts à faible coût aux gouvernements locaux pour financer de nouvelles infrastructures publiques et renforcer les collectivités ». Mais selon elle, lorsque la Banque de l’infrastructure du Canada a finalement été établie, sa mission avait changé :

L’intervention de McKinsey et de sa filiale BlackRock dans le développement de la BIC a été à l’origine d’un changement radical de mandat. On s’est ainsi retrouvé avec une banque axée sur la mobilisation de capitaux privés pour financer des projets d’infrastructure qui avait désormais pour mission d’investir et de chercher à attirer des investissements privés et institutionnels dans des projets d’infrastructure censés générer des recettes.

M. Cartwright a lui aussi avancé « que des hauts fonctionnaires ont rencontré en catimini des gens de McKinsey et de BlackRock pour avancer la réflexion au sujet de la BIC ». Il a aussi cité un rapport du Syndicat canadien de la fonction publique, où on peut lire ce que suit : « En effet, le gouvernement libéral a confié la conception et le développement de la BIC aux investisseurs qui en profiteraient le plus : les plus grands fonds de retraite et de placement privés au monde, comme BlackRock[17]. »

Le Conseil consultatif

M. Morneau a expliqué que le Conseil consultatif avait pour mandat de « donner son avis et des idées sur les politiques économiques à long terme susceptibles d’avantager le Canada ». Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait choisi d’obtenir cette aide auprès d’un conseil consultatif externe et non de la fonction publique, le témoin a répondu que le gouvernement « trouvai[t] important que nous veillions à recueillir l’avis d’intervenants de tous les secteurs de l’économie par rapport à nos plans ». M. Barton, pour illustrer que le recours aux avis externes n’est pas rare, a indiqué qu’il avait pris part à des conseils consultatifs de ce genre en 2010 et en 2013, à la demande respectivement du (alors) premier ministre Stephen Harper, et du (alors) ministre des Finances, Jim Flaherty.

Pour M. Sabia, l’objectif du Conseil consultatif était de « hausser le potentiel de croissance économique de notre pays, surtout au prorata de la population ». M. Morneau a confirmé que le Conseil s’est penché sur l’idée d’une banque d’infrastructure, telle qu’elle avait été proposée dans la plateforme électorale de 2015, pour déterminer les « meilleurs moyens de l[a] mettre en œuvre ».

Dominic Barton, qui était à l’époque directeur des affaires mondiales chez McKinsey, avait été choisi par le ministre Morneau pour présider le Conseil consultatif. M. Barton a clarifié qu’il avait accepté la charge à titre de particulier et non en tant que représentant de McKinsey. Il a ajouté :

Il s’agit d’un travail bénévole. Je crois que nous avons reçu un dollar par année où nous avons siégé au comité consultatif, mais c’était un honneur de servir le pays. Rien dans tout cela n’était une aubaine pour McKinsey.

Le Comité a demandé à M. Morneau depuis combien de temps il connaissait M. Barton lorsqu’il l’a choisi comme président du Conseil. Le témoin a répondu ce qui suit :

Je ne connaissais pas M. Barton personnellement, mais je savais qu’il comptait parmi les chefs d’entreprise canadiens les plus réputés à l’échelle internationale. J’avais eu très peu affaire avec lui avant le début de mon mandat. Je ne me souviens pas si je l’avais déjà rencontré, mais à n’en pas douter, j’étais ravi qu’il accepte de faire partie du conseil consultatif.

Selon M. Barton, son rôle parmi les 14 membres du Conseil consultatif « consistait à m’assurer de couvrir les bons domaines et d’être en mesure d’obtenir des programmes concrets et réalisables que le gouvernement pourrait envisager ». De l’avis du témoin, les « principales forces » du groupe en matière d’infrastructure étaient Mark Wiseman, Michael Sabia et Ken Courtis.

M. Sabia a confirmé que c’est à titre bénévole qu’il a participé au Conseil consultatif; il était à l’époque PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). M. Morneau, s’il ne se souvenait pas précisément d’avoir discuté avec M. Sabia de la possibilité qu’il se joigne au Conseil, a dit ce qui suit : « [J]’avais beaucoup d’estime pour lui et […] j’aurais soutenu sa participation au conseil consultatif étant donné l’expertise qu’il apporterait en tant qu’ancien fonctionnaire et PDG ». M. Sabia a dit ne pas se souvenir « très bien » de s’être engagé par écrit à éviter tous les conflits d’intérêts, réels ou apparents, mais qu’il a dû le faire, puisqu’il « s’agit de la procédure normale ». Lors de la discussion sur les conflits d’intérêts perçus, les membres du Comité se sont également demandé si le rôle de M. Sabia au sein du Conseil avait pu avoir une influence sur le premier investissement de la BCI dans un projet de transport en commun géré par la CDPQ. Ce point est abordé plus en détail dans la suite de ce rapport.

Le travail bénévole de McKinsey

Selon M. Pickersgill, le Comité consultatif « a contacté McKinsey [en 2016] pour voir si nous pouvions lui fournir un soutien à titre gracieux et j’ai aidé à diriger cette équipe et à coordonner notre savoir-faire à travers le monde ». M. Sabia, Dominic Barton, à l’époque directeur des affaires mondiales chez McKinsey (témoignage à titre personnel), et M. Pickersgill ont tous trois expliqué que l’équipe de McKinsey, tenant lieu de secrétariat, s’est surtout occupée de faire des recherches pour les membres du Conseil, et qu’aucun employé de McKinsey n’était chargé de faire de recommandations. M. Barton a affirmé ce qui suit : « Il a été décidé d’être transparent avec (le sous-ministre et le ministre des Finances) et de (leur) dire ce que nous faisions. [Tout] était donc très clair. »

M. Barton a ajouté que « les délibérations qui ont mené aux décisions que nous avons prises n’ont eu lieu qu’entre les membres. Aucun représentant de McKinsey n’a participé à ces séances. » On lui a fait remarquer que lui-même, président du Conseil mais aussi directeur des affaires mondiales de McKinsey, a participé aux séances de discussion, ce à quoi il a répondu :

Oui. J’étais le président du Conseil, où je faisais avancer les choses. Je ne pense pas que cela ait eu un quelconque lien avec ce que l’équipe du secrétariat faisait. Chaque membre du Conseil aurait eu un quelconque conflit potentiel, pour ainsi dire, mais je n’y voyais aucun inconvénient, pas plus que le secrétariat avec lequel nous travaillions.

M. Barton a avancé que les « discussions très animées » qu’a eues ce « groupe de personnes aux idées très arrêtées » auraient neutralisé tout conflit d’intérêts potentiel.

McKinsey a fourni les services de secrétariat bénévolement, en ce sens que c’est le cabinet qui a payé l’équipe, sans frais pour le Conseil consultatif[18]. Lorsqu’on lui a demandé combien de personnes faisaient partie de cette équipe et à combien il fallait estimer la valeur de leur travail, M. Barton a répondu : « Je ne sais pas. Je n’en ai aucune idée. Ce n’était pas l’objet de la chose. Il s’agissait simplement d’apporter un appui. Aucune analyse coût‑avantages n’a été faite. »

Les débuts de la BIC

Selon M. Sabia, une fois recommandée la création d’une banque d’infrastructure, ni le Conseil consultatif ni lui-même n’ont joué de rôle dans la mise sur pied de la Banque sur l’infrastructure du Canada. De même, M. Morneau a dit que, après la nomination de Dominic Barton à la présidence du Conseil, « je n’ai eu affaire à aucune décision prise par la Banque de l’infrastructure du Canada sur la meilleure façon de mener à bien sa mission ».

Mme Fukakusa, qui est devenue en juillet 2017 la première présidente du conseil d’administration de la BIC[19], et Bruno Guilmette, qui a siégé au conseil d’administration puis, de décembre 2017 à juin 2018, a été chef des investissements par intérim à la BIC[20], ont tous deux comparu. M. Guilmette, qui a donc été le premier et, pendant quelque temps, le seul employé de la Banque[21], a indiqué que ses « priorités étaient d’établir les fondements de la fonction des investissements de la Banque de l’infrastructure du Canada, y compris l’élaboration de critères d’investissement et d’évaluation de projets ». Mme Fukakusa a signalé que, au début de son mandat, elle a « reçu le soutien d’Infrastructure et Collectivités Canada, et notamment du Bureau de transition de la BIC », son principal interlocuteur étant le sous-ministre adjoint Glenn Campbell.

M. Guilmette et Mme Fukakusa ont tous deux expliqué qu’ils n’avaient d’autre choix que d’embaucher des experts-conseils externes, puisqu’ils étaient chargés de mettre sur pied une toute nouvelle banque d’infrastructure avec un personnel au départ très réduit. Les deux témoins ont signalé que plusieurs sociétés de conseil avaient été envisagées (Mme Fukakusa se souvenait d’avoir contacté « McKinsey & Company, le Boston Consulting Group et PricewaterhouseCoopers ») avant que le choix ne se porte sur McKinsey.

Premiers contrats avec McKinsey

Selon M. Cory et Mme Fukakusa, le processus d’approvisionnement de la BIC permettait, à ses débuts, les marchés sur invitation sans demande de propositions (DP) officielle. Mme Fukakusa a indiqué que les règles à l’origine permettaient que le nombre de soumissionnaires soit inférieur à trois « en cas d’urgence ». Or, si trois soumissions ont alors été reçues – de McKinsey, du Boston Consulting Group et de PricewaterhouseCoopers –, la témoin a expliqué que ce troisième cabinet « n’avait pas la portée ou la capacité ». Elle a justifié comme suit l’invocation du « cas d’urgence » :

parce qu’il y avait beaucoup d’argent disponible, mais sans une bonne gouvernance entourant l’affectation et la dépense des fonds, nous ne pouvions pas être sûrs que nous prenions les bonnes décisions au nom du Canada.

L’hon. Amarjeet Sohi, ex-ministre de l’Infrastructure et des Collectivités (témoignage à titre personnel), a souligné que, comme la BIC avait été conçue de manière à prendre ses décisions en toute indépendance, il n’a pas été informé du processus et n’a joué aucun rôle dans son déroulement. De même, M. Morneau a dit qu’il ignorait tout des marchés conclus par la BIC ou de processus d’approvisionnement qu’elle utilisait.

Selon Mme Fukakusa, McKinsey a été retenu à l’époque « [e]n raison des conseils avisés et de la solide expérience [du cabinet] en matière d’infrastructure ». Deux contrats ont alors été signés, d’une valeur totale de 940 000 $. Pour M. Cory, qui a également été partenaire chez McKinsey, « le choix de McKinsey n’est pas surprenant si on considère l’étendue de son expérience dans les travaux d’infrastructure et son envergure internationale ».

Contrats 1 et 2 – janvier et mars 2018

Le premier contrat entre McKinsey et la BIC, d’une valeur de 390 000 $[22], visait la prestation de conseils sur les critères d’investissement[23]. M. Duguay a expliqué que le ministre de l’Infrastructure avait fourni au conseil d’administration de la Banque un énoncé des priorités et des responsabilités qui devait servir à l’élaboration du plan d’entreprise. McKinsey a donc été embauché pour aider les administrateurs à définir les « critères d’investissement », étape nécessaire de l’établissement du plan d’entreprise, lequel permettrait à la BIC de commencer à prendre des décisions d’investissement.

Selon M. Palter, McKinsey a examiné des exemples d’organismes semblables de par le monde et a dégagé « différentes options de fonctionnement précises qui permettraient à la BIC d’accepter des propositions de projets ». Les options ont ensuite été soumises à l’approbation du conseil d’administration de la BIC.

Le deuxième contrat, attribué en mars 2018, était d’une valeur de 550 000 $[24] et visait l’élaboration de la politique de gouvernance et de gestion du risque[25]. M. Palter a expliqué que les experts-conseils de McKinsey ont passé en revue les pratiques exemplaires internationales et cerné 47 risques potentiels que les structures, systèmes et processus devraient prévoir.

Liste de noms envoyée par courriel

Certains témoins ont été interrogés à propos d’un courriel, envoyé en 2018, dans lequel M. Pickersgill a fourni à Mme Fukakusa une liste de personnes que la BIC pourrait embaucher. M. Palter a donné le contexte de ce courriel : il s’agirait d’une liste envoyée peu après la création de la Banque, à une époque où Mme Fukakusa « cherchait à recruter et elle nous a demandé si nous étions en relation avec des personnes qualifiées que la BIC pourrait éventuellement embaucher ».

M. Pickersgill et M. Palter ont tous deux souligné que les personnes ainsi recommandées n’étaient pas des employés de McKinsey, mais des « conseillers principaux » qui, forts de leur expérience, fournissaient à contrat des consultations à McKinsey; ils étaient d’ailleurs, selon l’explication de M. Palter, assujettis à la politique du cabinet sur les conflits d’intérêts. Des extraits de cet échange de courriels ont été lus à MM. Pickersgill et Palter par un membre du comité. Parmi ces extraits figurait celui dans lequel M. Pickersgill aurait suggéré à la BIC l’idée de prêter un gestionnaire de l’engagement de McKinsey pour une durée de 4 à 6 mois, ainsi que le passage suivant: « Beaucoup de façons de le faire, y compris en le gardant dans nos livres, mais en vous le prêtant, payé directement par vous et dans vos livres, avec plus de soutien de McKinsey à l’occasion, comme nous l’avons envisagé dans le travail sur le mandat concernant le risque et la phase 2, ou il vient en autonome. »

Mme Fukakusa a de son côté signalé qu’elle avait fait quelques demandes, « dans tout le réseau », pour le nom de personnes qualifiées qui pourraient former un bassin de candidats. Elle a clarifié qu’aucune des personnes proposées sur la liste de McKinsey n’a été embauchée à la BIC (M. Palter l’a confirmé) : c’est finalement par une agence de recrutement que les postes de haute direction ont été pourvus.

Conflits d’intérêts potentiels

Certains témoins ont été interrogés sur le conflit d’intérêts apparent que pourrait représenter l’octroi à McKinsey des premiers contrats de la BIC, quand on considère que le cabinet – par ses services bénévoles de secrétariat et M. Barton – a interagi avec le Conseil consultatif, lequel a recommandé la création de la Banque. À cette question, M. Morneau a répondu :

Comme je l’ai indiqué plus tôt, je me suis réjoui que Dominic Barton assume la présidence de mon conseil consultatif. Le fait qu’il l’ait fait bénévolement était important, et j’ai considéré qu’il s’agissait d’une bonne contribution à ce que nous essayions d’accomplir.
Par la suite, je n’ai eu affaire à aucune décision prise par la Banque de l’infrastructure du Canada sur la meilleure façon de mener à bien sa mission. Je ne sais rien à propos du contrat dont vous parlez, alors je ne peux vraiment pas vous répondre.

M. Cory a répondu quant à lui qu’il ne voyait « rien de répréhensible » dans l’octroi des contrats de la BIC à McKinsey. Il a ajouté : « Je ne crois pas qu’il y ait de lien direct entre le conseil consultatif en matière de croissance et l’embauche de McKinsey. » M. Palter et M. Pickersgill ont tous deux rappelé que 18 mois se sont écoulés entre la recommandation du Conseil consultatif et l’attribution du premier contrat.

Dans une proposition de marché en 2018, McKinsey a affirmé avoir une « connaissance approfondie » de la BIC. Interrogé sur ce point, M. Pickersgill a répondu :

Je pense que nous parlions de nos compétences générales, comme l’expliquait M. Palter, découlant de notre connaissance d’autres marchés. C’est pourquoi la présidente nous a contactés dans le cadre d’un processus concurrentiel, comme vous l’a dit M. Cory.

Sur le même sujet, M. Sabia a évoqué l’expérience internationale de McKinsey dans le domaine de l’infrastructure, notamment en ce qui concerne la stimulation de l’investissement : « Une telle expertise, si approfondie, était une façon pour nous de gagner beaucoup de temps pour trouver les moyens d’accélérer les activités de la Banque. »

M. Cory a voulu contextualiser : les 1,43 million de dollars versés par la BIC à McKinsey ne représentaient qu’environ 5 % des dépenses cumulatives de la Banque en services professionnels; ils visaient de plus « une analyse spécialisée que la BIC n’était pas en mesure de préparer par elle-même pendant les premiers temps de son existence ». Ce témoin et M. Guilmette se sont tous les deux dits satisfaits des services reçus de McKinsey pour le montant qu’ils ont coûté.

Contrat 3 – mai 2020

Le troisième et – à ce jour – dernier contrat entre McKinsey et la BIC remonte à mai 2020. Selon M. Cory, la Banque a accordé ce contrat, d’une valeur de 490 000 $[26], afin de déterminer comment elle pourrait « intensifier ses activités d’investissement, et le faire en fonction de l’évolution rapide de la situation à laquelle elle faisait face ». Deux enjeux contextuels principaux y étaient signalés : la pandémie de COVID-19 et la transition écologique. Il a ajouté que les conseils de McKinsey ont « servi à élaborer le plan de croissance qui a été annoncé en octobre 2020[27] et qui visait à investir 10 milliards de dollars dans d’importantes initiatives en matière d’infrastructure ».

Ce troisième contrat a été attribué directement à McKinsey dans le cadre d’un processus à un seul fournisseur, ce qui, selon M. Duguay, était conforme « aux exceptions autorisées en vertu des politiques de la BIC en vigueur à l’époque et des accords de libre-échange applicables ». M. Cory a expliqué ce qui suit :

C’était tout de suite après l’arrêt dans le monde de l’infrastructure. C’est en raison de son expertise mondiale dans le domaine de l’infrastructure, des deux premières études qu’elle avait réalisées en 2018 et de sa connaissance de l’approche d’investissement adoptée par la BIC qu’elle a été considérée comme un partenaire naturel pour ce travail. Ce contrat fut donc à fournisseur unique.

M. Sabia a maintenu que, vu l’impératif d’accélérer les progrès de la BIC, surtout dans le cadre du plan de croissance, la solution « la plus rapide et la plus économique » était de « faire appel à une partie des représentants de McKinsey qui avaient participé à la réflexion initiale sur la Banque de l’infrastructure. Il s’agissait de tirer parti des connaissances qu’ils avaient acquises en la matière afin que nous n’ayons pas à repartir à zéro. » Pour lui, les améliorations que présentait maintenant la BIC prouvaient que cette stratégie avait été la bonne.

M. Cory a clarifié que, selon les documents qu’il a consultés, McKinsey a fourni des « renseignements importants » pour l’élaboration du plan de croissance, mais que ce sont les administrateurs et les directeurs de la BIC qui en ont fourni l’idée. M. Palter, quant à lui, a formellement nié que McKinsey ait contribué au plan de croissance : le travail accompli par le cabinet en 2020 était selon lui « lié à l’arrivée de la COVID ». Il a ajouté que McKinsey n’avait pas en fait accompli la totalité des travaux prévus dans le contrat de 2020, puisque seulement une des trois phases envisagées a été menée à bien.

Nombre de contrats

On a demandé à certains témoins de clarifier combien de contrats la BIC avait accordés à McKinsey depuis sa création. M. Duguay a confirmé que, en réponse à une question inscrite au Feuilleton, qui demandait des détails sur tous les contrats passés avec McKinsey, la BIC avait produit cinq factures pour des travaux accomplis par McKinsey. S’il a reconnu qu’on pourrait en conclure à l’existence de cinq contrats, le témoin a maintenu qu’il n’y en avait que trois, mais que deux d’entre eux étaient divisés en deux phases.

Devant le comité OGGO, M. Cory a affirmé que McKinsey avait décroché « trois contrats distincts » auprès de la BIC, mais qu’« [u]n de ces contrats comportait deux volets ». Par la suite, devant le comité TRAN, il a corrigé son affirmation précédente et précisé que deux des trois contrats comportaient « une phase A et une phase B », la valeur totale des marchés pour tous les contrats s’établissant à 1,43 million de dollars. Enfin, M. Palter et M. Pickersgill ont tous deux, eux aussi, confirmé que c’étaient trois mandats que McKinsey avec remplis pour la BIC.

L’influence de McKinsey sur la BIC

Sur la question des éventuels conflits d’intérêts qui pourraient découler des interactions entre McKinsey et la BIC, M. Cory a reconnu qu’il existait des « liens », la BIC ayant embauché des ex-employés de McKinsey (comme le témoin lui-même), et le cabinet ayant fourni des services de conseil à l’époque de la mise sur pied de la Banque. Cependant, pour M. Cory, c’est un état de fait « normal » qui ne pose pas problème.

Mme Fukakusa a précisé au Comité que McKinsey n’avait pas fourni de conseils sur des projets en particulier, et que de toute façon elle ne les aurait pas acceptés.

M. Morneau a dit au Comité qu’il n’avait « participé à aucune réunion commerciale avec McKinsey pendant tout le temps qu[‘il a] été en poste », la seule exception étant son travail avec le Conseil consultatif. De même, M. Barton a dit n’avoir « participé d’aucune façon à l’attribution de quelque mandat rémunéré que ce soit à McKinsey par le gouvernement fédéral, y compris par la BIC, » depuis 1996. Il a aussi dit :

Au moment de me joindre à la fonction publique à titre d’ambassadeur en Chine en 2019, j’ai fait l’objet d’un processus rigoureux de recherche de conflit d’intérêts par le commissaire à l’éthique pour s’assurer que mes postes antérieurs au sein de McKinsey et ailleurs n’entraient pas en conflit avec mes obligations à titre de membre de la fonction publique.

Clients partagés

En réponse à une question posée par le comité OGGO, M. Cory a affirmé qu’à sa connaissance aucun client de McKinsey n’avait reçu de l’argent de la BIC, mais qu’il ne connaissait pas assez bien la liste des clients de l’entreprise pour être formel.

M. Palter a dit au Comité que « McKinsey n’a jamais examiné les investissements réalisés par la BIC ni fourni de conseils à ce sujet ». Plus précisément, il a affirmé que, à sa connaissance, le cabinet n’avait fait aucun travail pour les gouvernements du Québec et de l’Alberta qui aurait pu leur permettre d’obtenir des fonds de la BIC. Il a ajouté que « McKinsey n’a rien à voir avec aucun des investissements que la BIC a vus ou avec des promoteurs potentiels qui ont apporté des investissements à la BIC depuis sa création ». Enfin, à une question sur l’éventualité que des clients de McKinsey aient obtenu des investissements de la BIC, M. Palter a répondu que son cabinet fournit une large gamme de services – notamment en stratégie et organisation et en transformation numérique – à un grand nombre de clients variés, mais qu’il ne « fait aucun travail en appui à des promoteurs canadiens s’adressant à la BIC à propos de leurs projets d’infrastructure potentiels ».

Michael Sabia

Lorsqu’il était président-directeur général de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), M. Sabia a relaté que M. Morneau, alors ministre des Finances, lui avait demandé d’assumer la présidence de la BIC afin d’en accélérer le fonctionnement, les choses étant allées « plutôt lentement » pendant les trois premières années d’existence de l’organisme. Il a ajouté : M. Morneau « m’a demandé si, en travaillant avec la direction de la Banque et des conseillers externes, nous pouvions accélérer la réalisation des activités de la Banque et de ce que l’on appelait à l’époque le plan de croissance de la Banque ». Lorsqu’on lui a demandé s’il avait donné instruction à M. Sabia d’embaucher des experts-conseils externes, M. Morneau a répondu qu’il n’avait pas participé « à la gestion ou à la direction de la Banque de l’infrastructure du Canada. Cela ne fait pas partie des responsabilités du ministre des Finances. »

Bien qu’il ne se souvenait pas d’avoir eu cette discussion, M. Morneau a dit qu’il a probablement parlé directement à M. Sabia de la possibilité que celui-ci assume la présidence. Il a indiqué que la BIC était considérée comme la responsabilité conjointe des ministères de l’Infrastructure et des Finances, et qu’il aurait été le mieux placé pour tenir cette discussion avec M. Sabia, vu leurs interactions dans le contexte du Conseil consultatif. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il s’était engagé personnellement dans le processus d’embauche, M. Morneau a répondu que sa participation était justifiée, puisqu’il s’agissait d’un poste de direction : « [L]e recrutement consiste aussi à tenter de convaincre les gens qu’ils devraient participer à un projet. »

M. Sabia a présidé le conseil d’administration de la BIC d’avril 2020 à décembre 2020.

CDPQ

De 2008 à février 2020, M. Sabia a été PDG de la CDPQ, un fonds de placement mondial dont la mission, à l’origine, était de gérer les capitaux du Régime des rentes du Québec[28]. Comme on l’a vu ci-dessus, M. Sabia occupait ce poste à la CDPQ lorsqu’il siégeait, à titre bénévole, au Conseil consultatif.

M. Sabia a reconnu que le tout premier investissement de la BIC a été un investissement de 1,28 milliard de dollars dans le Réseau express métropolitain (REM), une entité gérée par la CDPQ. Il a soutenu, cependant, que cette décision de la Banque n’était « absolument pas liée » à son travail pour le Conseil consultatif, et il a nié qu’il y ait là apparence de conflit d’intérêts.

Il a ajouté que « le gouvernement du Canada a déterminé que la Banque de l’infrastructure du Canada était un véhicule approprié pour cet investissement ». Lorsqu’on lui a demandé si, à titre de ministre des Finances, il a joué un rôle dans la décision d’investir dans le REM, M. Morneau a répondu « Non ». Plusieurs témoins ont répété que la BIC était conçue précisément pour que son fonctionnement soit indépendant du gouvernement du Canada[29].

M. Sabia a reconnu que la CDPQ avait des contrats avec McKinsey lorsqu’il était PDG.

Réunion téléphonique avec Dominic Barton le 23 juin 2020

M. Sabia et M. Barton ont tous deux confirmé qu’ils ont participé à une réunion téléphonique le 23 juin 2020, époque à laquelle M. Barton était ambassadeur du Canada en Chine. M. Barton a indiqué que M. Sabia avait demandé sa présence, pour laquelle il n’a pas été rémunéré.

Selon M. Barton, l’appel s’est résumé à « une conversation entre Michael Sabia et Mark Wiseman au sujet de [l’]entrée [de M. Sabia] en fonctions dans son nouveau rôle de président ». Pour M. Sabia, M. Barton « nous rendait essentiellement service en nous donnant son avis au moment où nous cherchions des moyens d’accélérer les activités de la Banque de l’infrastructure du Canada ».

La BIC n’aurait-elle pas pu obtenir cet avis à l’interne? À cette question, M. Sabia a répondu ce qui suit :

[L]orsqu’on élabore une politique ou que l’on doit prendre des décisions, on consulte toujours des gens de l’extérieur. On veut toujours parler à d’autres personnes et rassembler le plus grand nombre possible d’idées et de points de vue, car le monde est complexe. Il faut toujours avoir de nouvelles idées et des perspectives différentes, car c’est ainsi que l’on prend de bonnes décisions.

Interrogé sur le rôle de McKinsey dans l’organisation et la facilitation de la réunion téléphonique, M. Barton a dit qu’il n’avait pas vu cet appel comme un « séminaire de McKinsey », mais simplement comme une conversation sollicitée par Michael Sabia. Il a aussi indiqué qu’il ignorait si des employés de McKinsey écoutaient l’appel.

M. Sabia s’est montré formel : cette conversation ne présentait « même pas […] un risque de conflit d’intérêts ». M. Barton a dit qu’il n’avait pas cru devoir signaler l’appel au commissaire à l’éthique, puisqu’il avait eu lieu à la demande de M. Sabia.

M. Sabia a confirmé qu’il avait participé à un sommet tenu par McKinsey, la « Global Infrastructure Initiative », lorsqu’il présidait toujours le conseil d’administration de la BIC. Parlant des conférences de ce genre, il a dit ce qui suit : « Il suffit de s’y rendre, d’obtenir des idées et de communiquer d’autres idées. Pour le Canada, il s’agit de participer à des conversations mondiales sur de grands enjeux, ce qui est toujours avantageux pour le pays. »

Anciens employés de McKinsey

M. Cory a confirmé que la BIC comptait quatre employés qui avaient par le passé travaillé chez McKinsey: son adjointe de direction Lisa Burkitt, Steve Robins, Aneil Jaswal et lui‑même.

Devant le comité OGGO, M. Cory a affirmé que « depuis l’embauche d’anciens employés de McKinsey par la BIC, McKinsey n’a pas obtenu le moindre contrat, pas même d’un dollar ». M. Pickersgill a de même dit au comité TRAN que le travail de McKinsey « auprès de la BIC a pris fin en 2020, avant qu’Ehren Cory n’en devienne le président‑directeur général. Nous n’avons accompli aucun travail depuis 2020 ni collaboré avec nos collègues de McKinsey qui travaillent à la BIC. »

M. Cory a dit au comité OGGO que, après son passage chez McKinsey, il avait travaillé dans la fonction publique, notamment à Infrastructure Ontario. Une agence de recrutement l’ayant contacté, il s’est porté candidat au poste de PDG de la BIC et a été retenu au terme d’un processus concurrentiel.

M. Robins a relaté qu’il a travaillé avec M. Cory d’abord chez McKinsey en 2011, puis à Infrastructure Ontario en 2013 et en 2014. Il a indiqué que c’est à la fin de 2020 que M. Cory et lui ont discuté d’un poste de chef de la stratégie à la BIC. M. Cory a confirmé qu’il a joué un rôle dans l’embauche de M. Robins.

M. Robins et M. Cory ont déclaré que M. Jaswal avait été embauché au terme d’un concours ouvert, mené sous la direction de M. Robins, et que M. Jaswal s’était joint à l’équipe de ce dernier une fois recruté. M. Jaswal a confirmé que son emploi chez McKinsey a duré d’août 2016 à février 2018, après quoi il est entré dans la fonction publique. Il a postulé à la BIC après avoir vu un avis sur LinkedIn.


[1]                Voir, par exemple, Bill Curry et Mahima Singh, « Federal contract outsourcing increased by 24 per cent to $14.6-billion last year », The Globe and Mail, mis à jour le 30 novembre 2022.

[2]                Romain Schué et Thomas Gerbet, « The value of one consulting firm’s federal contracts has skyrocketed under the Trudeau government », CBC News, 4 janvier 2023.

[3]                Les rapports suivants ont été publiés depuis la fin de l’étude du Comité: Organisation du secrétariat du conseil du trésor, Examen des marchés fédéraux attribués à McKinsey & Company (du 1er janvier 2011 au 7 février 2023) effectué par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Services publics et Approvisionnement Canada, juin 2023; Bureau de l’ombud de l’approvisionnement, Examen des pratiques d’approvisionnement relatif aux contrats attribués à McKinsey & Company, mars 2024; et Bureau de la vérificatrice générale du Canada, 2024 Rapport 5 — Les contrats de services professionnels, juin 2024.

[4]                Le terme « le Comité » désigne dans le présent rapport le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes. Lorsqu’il faut le distinguer du « comité OGGO », on précise « le comité TRAN ».

[5]                Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités (TRAN), Témoignages, 44e législature, 1re session : Robert Palter, associé principal, directeur de la pratique canadienne, McKinsey & Company.

[6]                TRAN, Témoignages : Palter.

[7]                TRAN, Témoignages : Palter; et Andrew Pickersgill, associé senior, McKinsey & Company.

[8]                Selon le site Web du Commissariat au lobbying du Canada, « [l]a Loi sur le lobbying (…) exige l’enregistrement public des particuliers qui sont rémunérés par un client ou un employeur pour communiquer avec les titulaires d’une charge publique (TCP) concernant certains objets par ailleurs décrits dans la Loi ».

[9]                M. Cory a confirmé que ce projet n’a finalement pas été approuvé parce que, vu la hausse des coûts entraînée par les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, son rendement a été jugé insuffisant.

[10]              TRAN, Témoignages : l’hon. Catherine McKenna, ancienne ministre de l’Infrastructure et des Collectivités (à titre personnel) Bruno Guilmette, ancien chef des investissements par intérim, Banque de l’infrastructure du Canada; l’hon. Lisa Raitt, coprésidente, Coalition for a Better Future (à titre personnel); Ehren Cory, président-directeur général, Banque de l’infrastructure du Canada, Palter; et Tamara Vrooman, présidente, Banque de l’infrastructure du Canada.

[11]              TRAN, Témoignages : Cory; Dominic Barton, ancien directeur général mondial de McKinsey & Co (à titre personnel); Guilmette; et l’hon. Bill Morneau, ancien ministre des Finances (à titre personnel).

[12]              TRAN, Témoignages : Cory; Palter; Pickersgill; Janice Fukakusa, première présidente du conseil d’administration de la Banque de l’infrastructure du Canada (à titre personnel); et Barton.

[13]              Parti libéral du Canada, Changer ensemble, le bon plan pour renforcer la classe moyenne, 2015, p. 15.

[14]              TRAN, Témoignages : Cory; Palter; Pickersgill; et Fukakusa

[15]              TRAN, Témoignages : Cory; Palter; Pickersgill; et Michael Sabia, membre, Conseil consultatif en matière de croissance économique.

[16]              Gouvernement du Canada, Un plan pour faire progresser la classe moyenne : Énoncé économique de l’automne 2016, 2016, p. 29.

[17]              Thomas Marois, Une banque publique pour assurer l’intérêt public : recommandations pour l’examen quinquennal de la Banque de l’infrastructure du Canada, Syndicat canadien de la fonction publique, octobre 2022, p. 7.

[18]              TRAN, Témoignages : Barton.

[19]              TRAN, Témoignages : Fukakusa.

[20]              TRAN, Témoignages : Guilmette.

[21]              TRAN, Témoignages : Cory; Guilmette; et Frédéric Duguay, avocat général et secrétaire de la société, Banque de l’infrastructure du Canada.

[22]              TRAN, Témoignages : Duguay.

[23]              TRAN, Témoignages : Fukakusa; et Guilmette.

[24]              TRAN, Témoignages : Duguay.

[25]              TRAN, Témoignages : Fukakusa; et Guilmette.

[26]              TRAN, Témoignages : Duguay.

[27]              Pour plus d’information, voir : Banque de l’infrastructure du Canada, Le premier ministre annonce un plan d’infrastructure pour créer des emplois et faire croître l’économie, 1er octobre 2020.

[28]              Pour plus d’information, voir : CDPQ, Notre histoire.

[29]              TRAN, Témoignages : McKenna; Morneau; et l’hon. Amarjeet Sohi, ancien ministre de l’Infrastructure et des Collectivités (à titre personnel).