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Madame la Présidente, c'est un grand plaisir de me lever et de prendre la parole aujourd'hui à la Chambre en tant que représentante des citoyennes et des citoyens de Châteauguay—Lacolle pour parler du projet de loi .
Comme on le sait déjà, le projet de loi C‑22 est une loi-cadre qui établit la prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap afin de réduire la pauvreté et de renforcer la sécurité financière des personnes de ce groupe en âge de travailler. Elle établit des dispositions générales pour l'administration de cette prestation et autorise le gouverneur en conseil à mettre en œuvre la plupart des éléments de conception de la prestation par voie de règlement. C'est un point très important. Il s'agit d'une loi-cadre. Toutes les négociations et tous les détails seront établis par la suite entre les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral et, surtout, avec les personnes qui sont les plus touchées, c'est-à-dire les personnes en situation de handicap. Cette loi apportera également une modification corrélative à la Loi de l'impôt sur le revenu.
Tels que mentionnés par mes collègues lors de ce débat, les éléments de cette prestation qui seront établis par voie réglementaire seront, entre autres: les critères d'admissibilité à une prestation canadienne pour personnes en situation de handicap; les conditions à remplir pour recevoir ou continuer à recevoir la prestation; le montant que recevront les bénéficiaires de cette prestation; la manière dont une prestation doit être indexée à l'inflation; les périodes de paiement et le montant à payer pour chaque période; et le processus de demande de la prestation.
Dans ma région, le projet de loi est de la musique aux oreilles des personnes en situation de handicap et pour toutes celles et tous ceux qui œuvrent à améliorer leur qualité de vie. Je me réjouis donc que, dans les faits, nous ayons le consentement unanime, ici à la Chambre, pour que ce projet de loi puisse progresser le plus rapidement possible. Cela démontre que tous les partis politiques comprennent l'importance de la prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap pour des Canadiennes et des Canadiens parmi les plus vulnérables au pays.
Tout le monde comprend que les personnes en situation de handicap sont confrontées à des obstacles et à des situations uniques, notamment en matière de santé, de bien-être social et de sécurité financière. D'ailleurs, j'ai été intéressée de lire dans les statistiques que presque une personne sur quatre, soit 21 % des Canadiens, souffre d'un handicap. Parmi les députés siégeant à la Chambre, nous pouvons compter quelques-unes de ces personnes et je pense que, d'une manière ou d'une autre, nous pourrions tous éventuellement vivre une telle situation. Toutefois, ici à la Chambre, nous bénéficions d'une situation financière privilégiée, ce qui n'est pas forcément le cas des personnes nées avec un handicap ou de celles qui subissent un accident en bas âge et qui sont confrontées à un handicap. Il est clair que leur autonomie financière est affectée énormément par cette situation. Il est possible de faire une différence importante dans leur vie en leur permettant de participer davantage à la société en les outillant financièrement adéquatement. C'est une question d'autonomie et de dignité humaine.
Chez nous, dans Châteauguay—Lacolle et, j'imagine, ailleurs au pays, cela fait longtemps que la communauté a constaté les difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap. Pour ce faire, nous avons créé des organismes de bénévolat et à but non lucratif pour répondre à certains de leurs besoins.
Ce sont souvent les familles qui font preuve de leadership afin d'aider leurs enfants, jeunes adultes ou parents plus âgés en situation de handicap à sortir de l'isolement et à bénéficier de supports éducatifs d'entraînement, de socialisation et d'aide avec les tâches quotidiennes.
Ce sont des gens qui se dévouent chaque jour pendant des années pour offrir une meilleure qualité de vie à leurs proches, et ils le font souvent au détriment de leur propre santé physique et de leur situation financière. C'est pourquoi je pense que le gouvernement a la responsabilité de les aider, et c'est pourquoi le projet de loi est tellement important. Je crois que d'autres députés à la Chambre croient la même chose.
Je me permets de saluer tous les bénévoles et les employés qui travaillent auprès des personnes en situation de handicap dans ma circonscription. Je tiens notamment à souligner l'apport du Centre multifonctionnel Horizon, qui se trouve à Lery. C'est une ressource non institutionnelle pour les personnes de tout handicap, et c'est le projet de vie d'une mère et militante formidable pour ces personnes vulnérables, la regrettée Mme Lyne Loiselle. Ce beau projet, le Centre Horizon, offre des activités stimulantes et des séjours de répit pour des douzaines de familles de notre région.
Près de chez moi, à Châteauguay, le Mouvement Action Découverte a comme mission depuis plus de 40 ans d'optimiser l'autonomie individuelle et collective des personnes de tous les âges ayant une déficience intellectuelle au moyen d'activités instructives afin d'aider les jeunes à devenir plus indépendants.
Les Toits d'Émile, à Châteauguay, Chez-nous solidaire, à Mercier et Vents d'espoir, à Saint-Rémi, ont également été fondés par des parents extraordinaires qui cherchaient non seulement à aider leurs propres enfants en situation de handicap, mais aussi à aider ceux des autres. Ils ne ménagent pas leurs efforts pour leur offrir des services de soutien communautaire et social, mais surtout pour leur offrir un logement afin de promouvoir leur indépendance dans une communauté inclusive.
Toutefois, ces organismes de bienfaisance, à eux seuls, ne peuvent offrir toutes les solutions. Ils peinent déjà à financer leurs propres activités. Sachant que les personnes en situation de handicap sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les personnes qui ne le sont pas, nous nous devons, en tant que membres d'une société juste et équitable, de les soutenir financièrement afin de promouvoir leur autonomie et leur capacité de participer activement à notre économie sociale. C'est pourquoi notre gouvernement a présenté une nouvelle loi qui va établir le cadre d'une nouvelle prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap.
Il est important de mentionner que cette prestation, pierre angulaire de notre plan d'action pour l'inclusion des personnes en situation de handicap, viendrait compléter, et non remplacer, les mesures de soutien fédérales, provinciales et territoriales existantes afin de permettre à des centaines de milliers de personnes en situation de handicap de sortir de la pauvreté.
Dans l'esprit du principe « Rien sans nous », nous allons continuer à travailler avec les provinces et les territoires, ainsi qu'avec la communauté des personnes en situation de handicap pour faire en sorte que cette prestation soit conçue en tenant compte de leurs besoins.
La prestation canadienne pour personnes en situation de handicap va contribuer à remédier aux difficultés financières que connaissent depuis longtemps les personnes en situation de handicap. Cela va permettre de créer une économie et une société plus ouvertes. La prestation a le potentiel de réduire considérablement la pauvreté des centaines de milliers de Canadiens et de Canadiennes se trouvant dans cette situation. Ainsi, la prestation deviendra un élément important du filet de sécuritaire social du Canada, au même titre que la Sécurité de la vieillesse, le Supplément de revenu garanti et la Prestation canadienne pour enfants.
Nous ne parlons pas ici charité, car nous avons besoin que tout le monde puisse participer à notre économie sociale. C'est un rêve chez nous à Châteauguay—Lacolle et nous voulons le réaliser.
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Monsieur le Président, je suis heureux d’avoir l’occasion de parler du projet de loi et, de façon plus générale, de la situation à laquelle sont confrontés les Canadiens qui vivent avec un handicap.
Le projet de loi propose une nouvelle prestation financière fédérale pour les Canadiens vivant avec un handicap, mais il ne définit pas vraiment de nombreux aspects de la structure de cette prestation. Je voterai en faveur du projet de loi, parce que je suis d’accord avec le principe de fournir un soutien, mais je suis préoccupé par le manque de substance quant à la façon dont cette prestation fonctionnerait réellement.
De plus en plus, nous voyons de la part du gouvernement un désir de limiter le travail réel du Parlement dans la définition de la nature et de la portée des programmes. Le gouvernement veut plutôt obtenir un chèque en blanc du Parlement, une loi qui autorise les ministres à façonner et à définir un programme de façon indépendante, selon leur bon vouloir.
En général, ce n’est pas une bonne façon pour les gouvernements de fonctionner dans une démocratie et, en particulier, je ne pense pas que le gouvernement libéral se soit montré digne de confiance lorsqu’il s’agit d’élaborer les détails de programmes essentiels.
Lorsqu’il s’agit de la structure de cette prestation, le message du gouvernement est « faites-nous confiance ». De la part d’un gouvernement qui ne sait pas comment délivrer des passeports en temps opportun, qui ne peut pas résoudre la crise de l’accessibilité financière au Canada et qui ne peut pas sécuriser nos frontières, le message « faites-nous confiance » semble plutôt creux.
J’ai deux préoccupations précises concernant la structure prospective de ce programme que je veux souligner.
Tout d’abord, je partage l’inquiétude de plusieurs quant à l’interaction de ce programme avec d’autres programmes existants, y compris ceux offerts au niveau provincial. Si une nouvelle prestation fédérale entraîne une perte d’admissibilité à d’autres prestations existantes, la situation des gens s’en trouverait aggravée dans l’ensemble. Il n’est pas inévitable que ce soit le cas, mais c’est une question qui nécessitera un dialogue prudent et respectueux avec les autres ordres de gouvernement et un travail acharné à chaque étape, travail acharné que le gouvernement n’a pas toujours été prêt à faire.
À ce stade, le gouvernement va adopter une vaste loi-cadre sans s’assurer qu’elle améliorera la situation des Canadiens handicapés dans tous les cas. Le gouvernement n’a pas besoin d’attendre l’adoption de cette loi pour entamer ces discussions et je l’encourage à engager dès maintenant ces discussions sur la protection des avantages existants, car certains aspects de ces dialogues pourraient inspirer les modifications proposées.
Ma deuxième préoccupation concerne le fait qu'il est essentiel que la structure de ce programme de prestations protège l'accès des Canadiens handicapés qui travaillent ou qui cherchent du travail. Même avec les prestations actuelles d'autres programmes, s'ils entrent sur le marché du travail, certains Canadiens handicapés se retrouvent en plus mauvaise posture. Il est essentiel de s'assurer que, dans toutes les situations, travailler ne mène pas à une moins bonne situation financière.
Aider les Canadiens, notamment les Canadiens handicapés, à trouver un travail valorisant est une priorité clé de longue date des conservateurs.
Pourquoi est-ce aussi important? En très grande majorité, les Canadiens de toutes les origines et de tous les milieux veulent travailler et ils sont plus heureux et épanouis lorsqu'ils ont un travail. Dans ce contexte, je parle de travail au sens large — pas seulement du travail marchandisé —, qui permet aux gens de contribuer de façon positive au monde qui les entoure.
La mesure de l'indice du bonheur et de la satisfaction indique que le travail rend les gens plus heureux, parce qu'il donne un sens à leur vie, qu'il leur donne plus de pouvoir et de moyens et qu'il crée une communauté autour du milieu de travail. Au-delà des propriétés évidemment importantes du travail en ce qui a trait aux revenus, le travail apporte un sens à la vie et du bonheur, peu importe qu'il soit rémunéré ou non.
Le groupe de réflexion Cardus a fait un excellent travail sur la question du travail et du handicap. Il a constaté que la plupart des Canadiens qui vivent avec un handicap souhaitent travailler ou travailler plus, mais également que la grande majorité des politiques publiques, de l’attention et de l’argent ont été axés sur le soutien au revenu, plutôt que sur les mesures qui aident les gens à trouver un emploi.
L’élément crucial des mesures de soutien à l’emploi et de soutien au revenu est qu’elles ne s’excluent pas mutuellement. En fait, souvent, elles se complètent nécessairement. Certaines personnes ont besoin d’un soutien au revenu afin de se procurer les ressources et le transport dont elles ont besoin pour trouver et obtenir un emploi en premier lieu. Si on supprime le soutien au revenu dès que les personnes travaillent ou commencent à travailler, elles risquent de ne pas pouvoir se procurer les produits de première nécessité et les choses dont elles ont besoin pour se maintenir dans leur nouvel emploi.
Avoir à la fois un travail satisfaisant et un revenu régulier est essentiel au bonheur et à l’épanouissement des êtres humains. En un sens, il est tout aussi problématique d’avoir un revenu sans avoir de travail que d’avoir un travail sans avoir de revenu.
Bien sûr, avoir un revenu n’est pas seulement une question d’épanouissement et de bonheur, c’est aussi une question de survie. Les Canadiens handicapés ont besoin d’avoir un revenu pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs proches.
Pour la plupart d’entre nous, travailler signifie gagner un revenu. Toutefois, lorsque les programmes de prestations sont mal structurés, les gens peuvent en fait être contraints de choisir entre le travail et le revenu, parce qu’ils perdent des prestations ou qu’ils perdent un revenu en travaillant. Dans de tels cas, comme le revenu est essentiel à la survie, il est compréhensible que les gens choisissent le revenu plutôt que le travail s’ils sont contraints de choisir entre les deux. Il est cruel et inutile d’obliger les gens à faire ce choix, qu'ils doivent choisir entre la satisfaction associée au travail et le soutien financier dont ils ont besoin.
Les mesures de soutien au revenu pour les Canadiens handicapés peuvent et doivent s’accompagner d’un soutien en milieu de travail, et ce n’est que lorsqu’il est clair que le soutien au revenu n’est pas nécessaire compte tenu du niveau auquel une personne handicapée est en mesure de travailler que l’on peut retirer progressivement le soutien au revenu.
Nous avons vu un exemple de cette situation terrible qui consiste à devoir choisir entre le travail et le revenu avec le programme mal conçu de la PCU pendant la pandémie. Les Canadiens sans emploi qui accédaient à la PCU et auxquels on a alors proposé un travail à temps partiel se sont souvent retrouvés dans une situation financière plus difficile s’ils acceptaient ce travail, parce que le travail à temps partiel les ferait probablement dépasser le seuil d’admissibilité à la PCU, même s’ils ne gagnaient pas un revenu proche de celui auquel ils auraient eu droit au titre de la PCU. Ainsi, des gens ont été contraints de demeurer sans emploi afin d’accéder aux ressources dont ils avaient besoin pour subvenir aux besoins de leur famille.
Non seulement cela n’a aucun sens du point de vue financier ou économique de créer une contre-incitation financière au travail, mais cela place les gens dans la pénible situation de devoir choisir entre le bonheur et la dignité que procure le travail d’une part et la sécurité financière d’autre part. C’est pourquoi nous estimons qu’il est fondamental que ce nouveau programme fédéral soit structuré de manière à ce que les Canadiens handicapés, dont beaucoup peuvent et veulent travailler, ne voient pas leur situation empirer en entrant sur le marché du travail.
Rien dans le texte du projet de loi n’indique qu’il ne pourrait pas être structuré de manière à ce que le travail soit toujours payant, mais les antécédents du gouvernement nous donnent de sérieuses raisons de nous inquiéter. Au cours de la 42e législature, le député de , qui est maintenant le chef du Parti conservateur, a proposé le projet de loi , un projet de loi spécialement conçu pour régler ce problème du travail qui entraîne parfois une perte de prestations pour les Canadiens handicapés.
Le projet de loi aurait modifié la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces pour faire en sorte que, lors des négociations sur les transferts et l’établissement de prestations pour les Canadiens en situation de handicap, les personnes handicapées ne perdent pas plus par l’imposition et la réduction des prestations que ce qu’elles gagnent en travaillant. Cela aurait protégé les Canadiens handicapés de ce genre de situations perverses où ils doivent choisir entre le bonheur que procure le travail et la sécurité financière que procurent les prestations gouvernementales.
Si le projet de loi C‑395 était devenu loi, nous pourrions alors adopter ce projet de loi, même tel qu’il est rédigé, avec la certitude que sa prestation améliorerait la situation des gens, mais lorsqu’il a fallu voter sur le projet de loi C‑395, les libéraux s’y sont opposés. Les libéraux se sont opposés à la proposition pleine de bon sens de notre chef, qui visait à faire en sorte que les Canadiens qui travaillent s’en sortent mieux grâce à l’argent qu’ils gagnent.
Malheureusement, les libéraux ne semblent pas apprécier la valeur, la dignité et le bonheur qui découlent du dur labeur. Je ne suis pas sûr que cette idée se trouve dans la portée du projet de loi tel qu’il est écrit, mais j’accueillerais avec plaisir des amendements qui captureraient l’esprit du travail passé de notre chef pour protéger les Canadiens handicapés d’être punis parce qu'ils travaillent.
Entre parenthèses, je tiens à parler directement aux employeurs au sujet de l’embauche de Canadiens handicapés. Les recherches effectuées par Cardus montrent que de nombreux employeurs ont une perception exagérée du coût associé aux accommodements. Les travaux de Cardus montrent que l’inclusion des employés handicapés et l'adaptation à leurs besoins sont souvent beaucoup moins coûteuses que ce à quoi les employeurs s’attendent au départ et que les différents ordres de gouvernement offrent des fonds aux entreprises, y compris les petites entreprises, qui cherchent à accommoder les clients et les employés vivant avec un handicap.
De plus, comme notre chef l’a déjà dit dans le contexte de son intervention sur le projet de loi , il existe de nombreux cas de Canadiens handicapés qui font des employés incroyables, dévoués et loyaux et qui apportent des compétences uniques au travail. Les gouvernements ont la responsabilité de veiller à ce que des programmes de prestations mal structurés ne nuisent pas à la capacité des Canadiens d’accéder au travail, mais les employeurs doivent aussi prendre l’initiative de repousser les stéréotypes et de reconnaître les contributions que les Canadiens handicapés peuvent apporter à leur milieu de travail. De nombreux employeurs le font déjà, et je les félicite.
Ce sont là les principaux points que je voulais soulever au sujet du projet de loi , mais il est également très important de parler du contexte qui entoure la mesure législative, c’est-à-dire les répercussions négatives majeures sur la vie des Canadiens vivant avec un handicap de l’approche radicalement capacitiste du gouvernement en matière d’euthanasie, le prétendu régime d'aide médicale à mourir. On ne peut tout simplement pas discuter de prestations financières sans reconnaître que la plus grande menace pour la vie des Canadiens vivant avec un handicap, c'est que les personnes non handicapées sont beaucoup plus susceptibles de se voir offrir des mesures de prévention du suicide et de soutien à la guérison, tandis que nos frères et sœurs, cousins, cousines et amis qui vivent avec un handicap se voient refuser ces mesures de soutien et sont activement poussés vers la mort, même s’ils disent qu’ils ne veulent pas mourir.
Parmi les partisans de l’euthanasie légale dans le monde, le Canada est de plus en plus considéré comme un exemple à ne pas suivre, un avertissement par rapport à ce qu’il ne faut pas faire. Dans cet ordre d’idées, j’aimerais commencer par un peu d’histoire. L’euthanasie au Canada a commencé avec le projet de loi , qui a été adopté au cours de la 42e législature. Cette loi a donné le nom d’« aide médicale à mourir » à ce qu’on appelait auparavant l’euthanasie, c’est-à-dire le processus par lequel un médecin tue un patient consentant. Cette loi visait à définir un régime où chacun pourrait choisir une mort hâtive si sa mort était jugée raisonnablement prévisible.
J’ai critiqué la loi à l’époque, notamment parce qu’elle n’était pas suffisamment claire sur ce que l’on entendait par « raisonnablement prévisible ». En effet, il y a eu des abus importants, même juste après l’adoption de la loi, lorsque des médecins ont déterminé que la mort d’une personne était raisonnablement prévisible en se basant sur une série d’hypothèses alors que l'état de la personne n’avait rien de terminal.
Par exemple, en 2016, j’ai mis en lumière un cas à Vancouver où un médecin a déclaré sans l'avoir examinée qu’une personne dépressive était admissible à l’euthanasie parce qu'elle « pourrait facilement faire des plaies de lit et ensuite mourir d’une infection ». La mort de quelqu'un a été, avant un examen, déclarée raisonnablement prévisible parce que la personne, si elle était clouée au lit en raison de sa dépression, pouvait théoriquement mourir d’une infection attribuable à des plaies de lit encore inexistantes. Voilà le genre d'effet pervers ayant été rendu possible, même en 2016, vu l'absence de mesures de protection et l’ambiguïté des mots « raisonnablement prévisible ».
Les règles actuelles permettent également à une personne de consulter de nombreux médecins différents avant d’en trouver deux qui approuvent l'aide à mourir. Par conséquent, si 20 ou 200 médecins disent non, les critères ne sont pas remplis, mais si deux autres disent oui, alors les critères sont respectés, et la mort du patient peut avoir lieu. L’ambiguïté et la possibilité de consulter plusieurs médecins avant d’obtenir le résultat souhaité signifient qu’en effet, les échappatoires étaient, et sont toujours, suffisamment grandes pour y faire passer un camion. Ce sont ces problèmes préexistants qui suscitaient déjà, en particulier, les inquiétudes de la communauté des personnes handicapées. Le manque de clarté quant à ce qui constituait et ne constituait pas des circonstances où la mort était raisonnablement prévisible a eu pour effet d'encourager les personnes en situation de handicap à demander l’aide médicale à mourir, même si elles ne le voulaient pas et même si elles n’y étaient pas admissibles.
Les députés n’ont pas à me croire sur parole, car la ministre responsable de cette mesure législative, la du Canada, a déclaré lors d’une discussion ultérieure sur le projet de loi : « J’entends régulièrement des familles qui sont consternées par le fait qu’elles amènent leur enfant, parfois leur aîné, pour qu'il reçoive des soins, et qu’on leur propose tout de suite l'aide médicale à mourir. Je pense que cela doit cesser. » Cela vient d’une ministre du gouvernement. On voyait déjà cette situation après l’adoption du projet de loi et avant l’adoption du projet de loi C‑7.
Le chemin menant au projet de loi a été beaucoup plus tortueux que celui menant au projet de loi . La disposition relative à la mort raisonnablement prévisible, déjà nébuleuse, a été contestée, et un tribunal inférieur d’une province a proposé d’annuler cette restriction. Le gouvernement fédéral aurait pu faire appel de cette décision du tribunal inférieur et, en fait, il avait de bonnes raisons de le faire. Un appel aurait, à tout le moins, donné aux parlementaires plus de temps pour examiner un large éventail d’options législatives. Au lieu de cela, le gouvernement a fait le choix politique d’adhérer à la décision du tribunal inférieur et au délai artificiel qu’elle a créé, encourageant ainsi l’aide médicale à mourir pour les Canadiens handicapés. Il ne s’agissait pas de respecter une décision judiciaire; le gouvernement aurait pu la porter en appel. Il s’agissait d’utiliser une décision pour défendre un objectif de longue date.
À la suite de ce processus artificiel, le gouvernement a présenté le projet de loi , auquel se sont opposées, à juste titre, toutes les principales organisations représentant les Canadiens atteints d'un handicap, ainsi que les autorités nationales et internationales en matière de droits de la personne.
Krista Carr d'Inclusion Canada a fait la déclaration suivante: « Nous plaidons en faveur de mécanismes de protection relatifs à l'aide médicale à mourir depuis notre intervention concernant l'arrêt Carter. Notre plus grande crainte a toujours été de voir une situation de handicap devenir un motif acceptable de suicide assisté par l'État. Le projet de loi C‑7 est notre pire cauchemar ». Elle a poursuivi en disant: « Comme le projet de loi C‑7 ferait en sorte que la présence d'un handicap deviendrait en soi une justification pour mettre fin aux jours d'une personne, les bases mêmes de la Charte des droits et libertés seraient ébranlées. La discrimination fondée sur le handicap serait ainsi à nouveau enchâssée dans le droit canadien ».
Elle a ajouté que le fait de « cibler un groupe particulier » de personnes sur la base de leurs caractéristiques personnelles, qui sont protégées par la Charte des droits et libertés, et de s'en servir pour justifier l'interruption de la vie des personnes qui présentent ces caractéristiques est tout simplement inacceptable, et que nous n'envisagerions jamais d'agir de la sorte pour tout autre groupe de personnes, y compris les Autochtones, les personnes racialisées ou les personnes LGBTQ.
Mme Heidi Janz du Conseil des Canadiens avec déficiences a tenu les propos suivants:
Les personnes handicapées risquent davantage de se suicider en raison du capacitisme systémique et intériorisé, mais elles se heurtent à des obstacles majeurs lorsqu'elles essaient d'accéder à des services de prévention du suicide. Les professionnels de la santé ne prennent pas en considération les sources de stress habituelles. Des problèmes causés par une rupture amoureuse, la dépression et l'isolement sont attribués à tort au handicap. La suppression du critère d'admissibilité à l'aide médicale à mourir voulant que la mort naturelle d'une personne soit « raisonnablement prévisible » fera en sorte que des personnes handicapées chercheront à bénéficier de l'aide médicale à mourir comme solution ultime, après avoir été opprimés par le capacitisme toute leur vie.
Pour finir, Bonnie Brayton du Réseau d’action des femmes handicapées a dit: « En fait, la loi proposée, le projet de loi C‑7, ne prévoit malheureusement aucune consultation publique importante auprès des personnes handicapées, alors qu’elle pourrait avoir des répercussions beaucoup plus profondes sur toute personne vivant avec un handicap ». La communauté des personnes handicapées s'est massivement opposée au projet de loi et a exprimé à plusieurs reprises ses inquiétudes quant aux pressions négatives et à la coercition qui touchent les Canadiens vivant avec un handicap.
Qu’en est-il de l’autonomie? Le gouvernement soutiendrait que le projet de loi offre aux personnes handicapées l’option d'une mort médicalement facilitée, mais qu’elles ne sont pas obligées de choisir cette option. Il s’agit simplement d’une option de plus. À cela, je répondrais que l’autonomie s’exprime toujours dans un contexte social, juridique et économique. Le contexte, c'est que de nombreux Canadiens vivant avec un handicap ont du mal à accéder aux principaux soutiens et services dont ils ont besoin.
Nous n’avons pas suffisamment de mesures de soutien en milieu de travail, et il existe des lacunes au chapitre du soutien communautaire et de soutien du revenu. Dans ce contexte, la loi et le système médical disent à une personne vivant avec un handicap qu’elle a une façon simple de s'en sortir en choisissant de mourir. Si une personne est à un point d’agonie existentielle et qu’elle a un handicap, alors le système lui proposera la mort comme supposée solution.
Concrètement, si une personne comme moi, sans handicap, éprouve une détresse existentielle et des idées suicidaires, et qu'elle discute de cette détresse avec un médecin, on lui offrira des mesures de prévention du suicide. Cependant, si une personne handicapée, identique à moi à tous les autres égards, éprouve la même détresse existentielle et les mêmes idées suicidaires, et qu’elle discute de sa détresse avec un médecin, le même système médical lui proposera des mesures de facilitation du suicide.
Cette différence dans la façon dont la loi et le système de santé traitent les personnes handicapées et non handicapées envoie évidemment à quiconque prend part à de telles interactions un message sur la vie que la loi et le système de santé jugent plus ou moins digne d’être vécue. Le gouvernement libéral a construit un escalier pour la prévention du suicide et une pente pour la facilitation du suicide.
Même si les députés d’en face aimeraient dire que c'est une question d’autonomie, le contexte social et juridique que le gouvernement a créé est non pas neutre, mais bien discriminatoire. Les groupes de défense des droits des personnes handicapées constatent massivement cette réalité; c’est pourquoi ils se sont opposés radicalement à l’approche du gouvernement tout en faisant autant valoir la règle du « rien à propos de nous sans nous ».
Les Canadiens handicapés se sentent dévalorisés par un système qui leur offre une mort facile, mais pas les soutiens indispensables pour vivre. Malheureusement, la mentalité du système médical se transforme également en réponse aux changements juridiques. La Chambre a entendu de nombreux témoins, à différents moments et dans différentes communautés, lui dire que des patients ont été poussés à répétition vers la mort et même traités d’égoïstes pour avoir rejeté cette option.
Je vais encore citer la , qui a elle-même dit: « J’entends régulièrement des familles scandalisées que le médecin qu’elles ont consulté pour leur enfant handicapé d’âge adulte ait suggéré l’aide médicale à mourir alors que ni la famille ni l’enfant n’ont manifesté l’intérêt de mettre un terme à la vie de cet enfant. Cela doit cesser. »
En réponse aux témoignages présentés, les conservateurs ont proposé d'amender le projet de loi afin de garantir qu'un médecin ou un autre travailleur de la santé ne parle pas de l'euthanasie avec un patient, à moins que le patient aborde lui-même le sujet. Cet amendement aurait garanti, par exemple, qu'on n'offre pas à l'improviste l'aide médicale à mourir à une personne handicapée qui va chez le médecin pour une autre raison. Cela aurait réglé le problème relevé par la , mais le gouvernement s'y est opposé...
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Madame la Présidente, nous venons de l'entendre de la bouche même du député. Le député de vient essentiellement de dire: « Oui, nous avons laissé progresser certaines mesures législatives qui faisaient l'unanimité. Ne sommes-nous pas les héros du jour? » Comme il l'a dit lui-même, nous étudions un projet de loi sur lequel nous sommes tous d'accord. Il a dit que nous nous entendons tous sur le sujet. Puis, il a laissé entendre que permettre l'adoption de cette mesure législative à la Chambre serait en quelque sorte une forme de cadeau pour le gouvernement parce que les conservateurs ont déjà exprimé leur accord. Il a fait valoir cet argument il y a quelques instants à peine.
Quoi qu’il en soit, je veux commencer mon discours aujourd’hui en faisant référence à ce qui s’est passé lors du dernier discours du député de et à la façon dont il s’en est pris à la présidence de cette Chambre en lui disant qu’il s’attendait à mieux. C’est extrêmement irrespectueux pour l’occupant du fauteuil. C’est un manque de respect envers la personne qui est assise à ce moment-là et, plus important encore, c’est un manque de respect envers l’institution. L’institution de notre système parlementaire repose sur une personne qui préside les réunions afin d’assurer l’équité en adoptant un point de vue impartial, malgré qu’elle puisse avoir été élue sous la bannière d’un parti donné. Nous accordons à cette personne la présomption d'impartialité et le bénéfice du doute et nous traitons tous les occupants du fauteuil comme également impartiaux.
Je sais que j’ai une excellente relation avec le vice-président qui est issu du Parti conservateur, et j’essaie d’entretenir une aussi bonne relation avec le vice-président qui appartient au NPD ainsi qu'à vous-même, Madame la Présidente. Il est extrêmement irrespectueux pour l’ensemble de l’institution qu’un député s'adresse à l'occupant du fauteuil se trouvant à présider nos débats, à un moment donné et qu'il lui dise de faire mieux.
Très franchement, le député devrait s’excuser. Je lui ai demandé de le faire lorsque cela s’est produit. Il ne l’a pas fait. Il aura d’autres occasions de présenter ses excuses. J’espère vraiment qu’il le fera. Qu'il se sente libre d’interrompre mon discours et d'invoquer le Règlement pour vous présenter des excuses, car vous le méritez, madame la Présidente. Vous n’auriez pas dû subir cela.
Nous parlons de ce projet de loi, que tous les partis semblent appuyer. Le Bloc s’y est dit favorable, tout comme le NPD, les verts et les libéraux, évidemment. Les conservateurs semblent l’appuyer aussi. C’est peut-être pour cela qu’ils passent leur temps à parler de tout sauf de ce projet de loi, comme nous l’avons vu avant mon intervention.
Si nous revenons en arrière et que nous examinons les engagements pris par tous les partis politiques dans leur programme, nous verrons qu’il y avait une certaine adhésion à l'idée de créer une prestation d’invalidité nationale. Notre société a évolué, et nous pensons aujourd'hui qu'il est temps de commencer à examiner la question des prestations d’invalidité dans une optique nationale.
À l’heure actuelle, comme c’est le cas pour bon nombre de nos programmes, il existe un assortiment décousu de projets en Ontario, comme le programme ontarien de soutien aux personnes handicapées. Il y en a aussi dans les autres provinces. Lors des dernières élections, tous les partis se sont engagés à faire quelque chose au sujet de cette question très importante, et de nombreuses personnes d'un peu partout au pays nous ont demandé de le faire, à plusieurs reprises.
Nous savons que les personnes handicapées sont confrontées à des défis uniques, des défis qui ne sont pas vus et qui ne sont pas surmontés de la même manière que ceux auxquels sont confrontées les personnes non handicapées. Nous savons également que, proportionnellement, les personnes handicapées sont surreprésentées parmi les personnes en situation de pauvreté. En fait, lorsque nous regardons les taux de pauvreté, ils peuvent être considérablement plus élevés chez les personnes handicapées.
Du point de vue du gouvernement, du point de vue du Parti libéral, du moins, il est très important de mentionner que lorsque nous nous attaquons à une question aussi vaste, car ne vous y trompez pas, il s'agit d'un très vaste programme qui comprend beaucoup d'éléments variables, nous devons travailler avec nos homologues. Ce n'est pas un programme qui est très clair, net et simple, qui peut être simplement présenté, adopté et mis en œuvre. C'est un programme sur lequel nous devons discuter avec les provinces et les régions qui offrent des prestations comme celles-ci.
Par exemple, dans ma province, l’Ontario, nous ne voudrions pas que le gouvernement fédéral crée une telle prestation et que les gouvernements provinciaux la voient comme l'occasion de diminuer les sommes versées dans le cadre des programmes existants, comme le programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, que je viens de mentionner. Si nous permettions une telle pratique, nous irions à l’encontre du but de la prestation, qui est d’offrir plus de soutien aux Canadiens en ayant vraiment besoin.
Les députés peuvent s’imaginer qu'il n'y aura pas de solution universelle s'appliquant à l'ensemble des provinces et des territoires qui devront collaborer avec le gouvernement fédéral relativement à la prestation. C’est pourquoi ce projet de loi vise à établir un cadre qui nous permettra de tenir ces discussions afin de créer les bons programmes, d’assurer l’équilibre avec les programmes existants dans les provinces et les régions et de veiller à ce qu'il résulte de la prestation un avantage réel nous aidant à sortir les personnes handicapées de la pauvreté. Ce cadre correspond aux divers objectifs du projet de loi. Ce n’est pas simple, comme je l’ai dit, et il y a beaucoup d’éléments qui interagissent.
Par exemple, qui serait admissible? Le projet de loi doit préciser clairement qui serait admissible. Le député de et d’autres qui ont pris la parole plus tôt ont dit que les détails n’étaient pas dans le projet de loi et qu’ils devraient déjà s’y trouver. Voilà ce sur quoi nous devons travailler: qui est admissible, quelles sont les conditions à remplir pour déterminer l’admissibilité et quel montant les gens recevraient, en veillant, encore une fois, à ce que la prestation fédérale ne soit pas contre-productive, c'est-à-dire qu'elle ne serve pas à diminuer l'aide déjà versée par les provinces.
Il faut indexer la prestation selon l’inflation. Nous vivons actuellement d’énormes difficultés en raison de l’inflation dans le monde, et nous constatons que les prestations devraient être ajustées d’une façon ou d’une autre pour tenir compte de l'inflation. Il faut discuter aussi des périodes ou de la fréquence des paiements, de la façon la plus avantageuse d’effectuer les paiements et de la façon dont ils seraient versés aux particuliers. Ce sont tous des éléments dont il faut tenir compte.
Il y a le processus de demande pour les personnes qui pourraient recevoir d’autres prestations d’invalidité dans leur province. Comment s’appliqueraient-elles et comment garantirions-nous l’équité dans toutes les provinces et tous les territoires, bien que de nombreuses personnes aient déjà accès à d’autres prestations? Il y a aussi les demandes au nom de personnes qui sont incapables de faire leurs propres demandes. Quel sera le processus pour s’assurer que l’on puisse s’en occuper?
Il y aura des circonstances où un demandeur ne sera pas admissible aux prestations. Nous devons donc nous assurer également de bien cibler ces situations. Bien entendu, l’autre objectif serait de dresser une liste d’infractions pour les personnes qui tentent d’abuser de la prestation, et on en parle beaucoup, notamment de la PCU et de ceux qui en ont abusé. Nous devons utiliser le temps qui nous est alloué maintenant pour nous assurer que toutes les mesures que nous mettons en place respectent et reflètent bien cette réalité.
Par exemple, certaines infractions pourraient inclure le fait de donner de faux renseignements, se faire prendre à conseiller de falsifier des renseignements dans l’intention de voler la totalité ou une partie importante de la prestation, ou faire sciemment des déclarations fausses ou trompeuses relativement à une demande. Toutes ces situations doivent être examinées attentivement.
Le problème, comme je l’ai déjà dit, c’est que nous n’examinons pas la question uniquement sous l’angle fédéral. Le projet de loi, la prestation, toucherait d’autres prestations existantes. Ainsi, pour toutes les raisons que je viens de mentionner, ce que nous proposons, c’est une loi-cadre. Il s’agit d’une mesure législative visant à établir le cadre sur lequel cette prestation sera établie, ce qui est essentiel pour une approche nationale. Nous n’avons jamais vu une telle prestation auparavant, et il est plus que temps. Beaucoup de Canadiens le méritent et, bien franchement, l’attendent depuis longtemps, mais nous devons continuer d’aller de l’avant et de faire les choses comme il se doit.
Nous savons que plus de 6 millions de Canadiens de plus de 15 ans, soit plus de 20 % des Canadiens, déclarent avoir un handicap. C'est le portrait que nous avons de la situation actuelle. Seulement 59 % des Canadiens handicapés de 25 à 64 ans occupaient un emploi en 2017, comparativement à 80 % du côté des personnes sans handicap. Les données nous disent donc que les personnes handicapées ne travaillent pas autant, en proportion, que les personnes sans handicap. C'est une donnée très importante. Les personnes handicapées qui travaillent gagnent moins que les Canadiens sans handicap, 12 % de moins dans le cas des personnes ayant une incapacité légère et 51 % de moins dans le cas des personnes ayant une incapacité grave. Ce sont les données que nous avons actuellement. Il n'est pas question des personnes qui ne travaillent pas; il s'agit uniquement de la comparaison entre les personnes handicapées qui travaillent et les personnes non handicapées, et cette comparaison montre que les personnes handicapées ont des revenus considérablement moins élevés que les personnes non handicapées.
Environ 850 000 Canadiens handicapés en âge de travailler, soit 21 %, vivent dans la pauvreté. Ces personnes vivent sous le seuil de la pauvreté et ont bien souvent déjà du mal à joindre les deux bouts, en plus du fardeau accru que leur impose leur handicap. Nous savons que la Chambre s’est prononcée à l’unanimité en faveur de la présentation d’un projet de loi sur les personnes handicapées. On le voit enfin ici aujourd’hui. Nous savons que tous les députés l’appuient, et j’espère sincèrement que nous pourrons aller de l’avant afin de pouvoir voter sur le projet de loi et le voir se concrétiser.
À certains égards, il faut éviter de faire preuve d’opportunisme politique au mieux de nos capacités, et l’un des plus importants, c'est quand il est question de prendre soin des personnes les plus vulnérables de notre pays. S’il y a bien une raison pour laquelle nous nous réunissons ici ou pour laquelle le gouvernement existe, c’est pour aider les personnes les plus vulnérables de nos collectivités. C’est exactement ce que vise ce projet de loi. Il s’agit de reconnaître que, oui, les handicaps ne sont pas ce que les gens croyaient qu’ils étaient il y a des décennies, notamment qu’ils coûtent cher, et qu’il y a beaucoup plus que les idées traditionnelles sur ce qu’était un handicap. Comme mon collègue conservateur l’a mentionné plus tôt, on parle notamment de troubles de l’ouïe et de l’incapacité de communiquer. Il est très important que le gouvernement et les parlementaires s’assurent de mettre en place les mesures de soutien nécessaires pour prendre soin des gens qui vivent des moments difficiles. J’espère donc sincèrement que nous pourrons faire adopter ce projet de loi à la Chambre et collaborer pour que le cadre soit adopté le plus rapidement possible.
Je précise que ce projet de loi exige que le Parlement examine le cadre après le troisième anniversaire de la date d'entrée en vigueur de la prestation pour les personnes handicapées, puis qu'un nouvel examen soit effectué tous les cinq ans, ce qui est exceptionnel, car, dans la plupart des cas, on prévoit seulement un examen au bout d'une période de cinq ans. Je pense que c'est important dans la mesure où le gouvernement tient absolument à ce qu'on exerce une surveillance pour pouvoir adapter, équilibrer et recadrer les choses si des ajustements sont nécessaires en cours de route.
Pour conclure, j'encourage vivement tous les députés à voter en faveur de ce projet de loi. J'espère que nous pourrons faire avancer l'étude du projet de loi rapidement. Je n'ai pas employé la totalité de mon temps de parole, et j'espère que d'autres en feront autant pour que nous puissions très rapidement mettre le projet de loi aux voix, l'adopter et élaborer ce cadre.
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Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui au sujet de ce projet de loi très important, c'est-à-dire le projet de loi , qui porte sur l'établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Je tiens à souligner le travail de ma collègue la députée néo-démocrate de et d'autres personnes qui persévèrent à faire entendre au Parlement la voix des personnes handicapées, ainsi que l'énorme travail réalisé par les personnes handicapées et leurs nombreux alliés. Il est manifeste que le gouvernement doit agir maintenant pour instaurer cette prestation qui n'a que trop tardé.
Des résidants de ma circonscription, Nanaimo—Ladysmith, qui ont un handicap et leurs alliés réclament que leur voix soit enfin entendue. Je demande aux députés de réfléchir à ce que serait leur vie s'ils vivaient avec un handicap et que les lois les entraînaient dans la pauvreté. Je pense à Jocelyn, une résidante de ma circonscription dont j'ai déjà parlé à la Chambre, qui lutte pour mettre du pain sur la table pour ses enfants et elle parce qu'elle vit avec un handicap.
Jocelyn élève seule ses deux jeunes enfants. Elle est éduquée, a de l'expérience professionnelle et souhaite contribuer et redonner à sa communauté. Malheureusement, Jocelyn a eu plusieurs accidents, ce qui l’a empêchée de travailler et l’a obligée à compter sur la pension d’invalidité minimale qu’elle reçoit pour joindre les deux bouts. Jocelyn m’a décrit les difficultés qu’elle rencontre pour couvrir les frais de subsistance de base. Jocelyn a indiqué clairement que tout ce qu’elle espérait, c’était d’avoir la certitude que ses enfants auraient de la nourriture sur la table et un endroit qu’ils pourraient appeler leur chez-soi. Le logement et la nourriture ne sont certainement pas des luxes pour elle et ses enfants. Ce sont des droits de la personne fondamentaux.
Lors de l’élection de 2015, les libéraux ont fait campagne sur un programme visant à offrir des possibilités équitables aux personnes vivant avec un handicap. Nous avons eu une lueur d’espoir avant la dernière élection déclenchée par les libéraux. Or, ce fut ensuite l'inaction. Le gouvernement libéral aurait pu tenir cette promesse au cours des sept dernières années afin que les personnes qui attendent désespérément disposent du minimum dont elles ont besoin, mais nous voici encore une fois dans l'inaction.
Pourquoi les personnes handicapées sont-elles traitées par le gouvernement comme si leur vie n’avait aucune importance? Les conséquences de cette inaction, de ce mépris total pour la vie de nos semblables, sont évidentes partout au Canada. Il est impératif que le gouvernement fédéral prenne aujourd’hui l’initiative d’accorder aux Canadiens handicapés les droits de la personne fondamentaux qu’ils méritent. Malheureusement, de plus en plus de Canadiens deviennent des sans-abri. Ils dépendent des banques alimentaires et voient leur état de santé empirer au lieu de s’améliorer faute d'avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin et à l’équipement adapté qui leur est nécessaire à un coût abordable.
Le manque de leadership fédéral se répercute de nombreuses façons. Les personnes vivant avec un handicap ont l’impression que leur vie ne compte pas. Je pense qu’il est important de raconter l’histoire d’un autre habitant de ma circonscription qui m’a décrit qu’il avait l’impression de ne pas compter et que, en raison de son handicap, sa vie était considérée comme insignifiante et qu'il était traité en conséquence par le gouvernement. Je sais que ce citoyen n’est pas le seul à vivre cette expérience. J’entends de plus en plus de personnes ayant un handicap dire qu'elles ont peu d’espoir que les choses s’améliorent pour elles, qui éprouvent de la frustration à l'égard du gouvernement et qui ont besoin d’action dès aujourd’hui.
Les personnes ayant un handicap continuent de contribuer à nos collectivités d’innombrables façons. Je pense à Anne, par exemple, une autre habitante de ma circonscription, Nanaimo—Ladysmith, et également une amie qui est handicapée. Il y a des années, une agence de placement a dit à Anne qu’elle devrait se contenter de rester assise à la maison et de regarder la télévision pendant la journée. Malgré cette recommandation manifestement malavisée et mal informée, j’ai rencontré Anne dans mes cours lorsqu’elle est revenue pour terminer ses études postsecondaires à l’Université Vancouver Island.
Une fois les obstacles à la réussite éliminés, Anne a pu s’épanouir dans ses études postsecondaires. Elle a obtenu son diplôme avec distinction et elle a poursuivi ses études jusqu’à l’obtention d’une maîtrise. Elle est maintenant auteure et elle défend ardemment les personnes handicapées, ainsi que leur droit à accéder à une éducation et à un logement sans obstacle et à participer pleinement à la société. Malgré ses réalisations, Anne demeure embourbée dans un prêt étudiant dont les paiements ne sont pas réalistes compte tenu du revenu minime qu’elle touche.
Lorsqu'on prend du recul pendant un instant, il devient évident que le fait de s’assurer que les personnes handicapées vivent, au minimum, au-dessus du seuil de pauvreté ne profite pas seulement aux personnes handicapées elles-mêmes, comme Anne et Jocelyn, mais aussi à l’ensemble des Canadiens. Réagir aux symptômes de la pauvreté coûte cher à tout le monde. Quand les gens n’ont pas les moyens de se procurer des aliments sains et nutritifs, on constate une augmentation du coût des soins de santé, pour ne citer qu’un exemple. Il en va de même lorsque les gens ne peuvent pas payer les médicaments dont ils ont besoin ou se loger dans un endroit sûr. En tant que Canadiens, nous payons plus cher lorsque nous réagissons aux symptômes de la pauvreté que si nous nous préparons et réagissons de manière proactive en fournissant à tous les moyens de vivre dans la dignité et le respect.
Si, au minimum, les besoins fondamentaux des gens sont satisfaits, notamment un endroit où se loger, une alimentation saine et suffisamment d’argent pour payer les factures, tout le monde en profite. Les personnes vivant avec un handicap ne font pas exception. La pauvreté ne profite à personne. Les économistes prévoient que la pauvreté au Canada pourrait être réduite de 40 % si on éliminait uniquement la pauvreté chez les personnes handicapées.
Une autre habitante de ma circonscription, Kate, m’a parlé de son expérience de vie avec des handicaps et de ses efforts pour joindre les deux bouts. En plus d'avoir une malformation de Chiari, une anomalie structurelle dans le crâne qui pousse une partie du cerveau dans le canal rachidien, ce qui entraîne des symptômes comme de graves maux de tête, l'engourdissement des membres, une perte de contrôle musculaire, des problèmes de coordination, des étourdissements et des évanouissements, Kate souffre d’arthrose à début précoce, de TDAH, d’anxiété, de dépression et de plusieurs allergies alimentaires et environnementales. Pour ne rien arranger, on lui a également diagnostiqué un cancer.
On pourrait penser que Kate en a bien assez dans sa vie de tous les jours. Au lieu de cela, elle a été condamnée à la pauvreté par le gouvernement, parce qu’elle vit avec un handicap. En plus de ses graves problèmes de santé, Kate n’a pas mangé plus d’un repas par jour depuis près d’un an. Elle saute le déjeuner et le dîner pour pouvoir profiter d'un repas par jour au souper. C'est tout ce qu'elle peut se permettre. En conséquence, son médecin lui a prescrit une liste de compléments alimentaires pour lutter contre la malnutrition dont elle souffre. Malheureusement, Kate ne peut pas acheter les compléments qui lui ont été prescrits avec le peu d’argent dont elle dispose pour vivre.
Avec l’augmentation du coût de la vie, le budget minimal de Kate est encore plus serré. Kate a raconté qu’elle a récemment ajouté un sac de légumes surgelés à son panier, le même sac de légumes pour lequel elle dépensait ses quelques dollars dans le passé, et qu’elle a pleuré en réalisant que le prix de ce même sac était passé de 4 $ à 5,29 $. Où pouvait-elle possiblement trouver d'autres économies, elle qui ne mangeait déjà qu'un seul repas par jour? La réalité à laquelle Kate est confrontée en essayant de joindre les deux bouts avec un handicap n’est malheureusement que trop commune. Kate décrit son expérience de la pauvreté en soulignant: « La pauvreté est implacable. C’est une force constante, lancinante, oppressante, qui ne se relâche jamais. »
On dit que la véritable mesure de toute société se trouve dans la façon dont elle traite ses membres les plus vulnérables. Dans un pays aussi riche que le nôtre, je suis triste de constater que le gouvernement n'obtient pas la note de passage pour ce qui est de la façon dont nous traitons les personnes handicapées.
Je serai claire. Certaines des personnes les plus fortes que je connaisse vivent avec un handicap. L’incroyable force dont elles font preuve, même si elles n'ont connu qu'une succession de coups durs, est formidable. Les personnes vivant avec un handicap sont des membres actifs de nos communautés, avec leur histoire, leurs talents et leurs compétences uniques. Les personnes vivant avec un handicap ont des proches, des passe-temps et des objectifs qu’elles s’efforcent d’atteindre, comme nous tous, et pourtant, parce que beaucoup d’entre elles sont incapables de contribuer au moyen d'un travail rémunéré, nous traitons les personnes vivant avec un handicap, comme l’a dit cet homme de ma circonscription, comme si elles étaient jetables.
Cependant, de nombreuses personnes vivant avec un handicap méritent ce que tout le monde mérite: des droits de la personne fondamentaux. Pourquoi les personnes vivant avec un handicap doivent-elles se battre si fort pour pouvoir satisfaire leurs besoins les plus fondamentaux? Le gouvernement libéral a laissé tomber les Canadiens vivant avec un handicap au moment où ils avaient le plus besoin de lui.
Heureusement, il existe des moyens d’aller de l’avant aujourd’hui pour commencer à traiter les personnes handicapées avec la dignité et le respect qu’elles méritent. Avec l’appui de mes collègues de la Chambre aujourd’hui, nous pouvons instaurer une prestation canadienne pour personnes handicapées. Si cette prestation est offerte dans l’intérêt supérieur des personnes handicapées et en partenariat avec les provinces et les territoires, les personnes handicapées pourront de nouveau avoir de l’espoir.
À ceux qui expriment leurs préoccupations et qui se battent depuis trop longtemps, je les entends et je leur promets que je ferai tout ce que je peux, aux côtés de mes collègues du NPD, pour faire pression afin que cela soit fait en temps voulu et que l’on commence enfin à faire ce qui est juste.