Que, à la lumière de la motion adoptée à l’unanimité en Chambre le 22 février 2021 selon laquelle le gouvernement reconnaît qu’un génocide est actuellement perpétré par la République populaire de Chine contre les Ouïghours et d’autres musulmans turciques en Chine, de l’avis de la Chambre, le gouvernement devrait:
a) reconnaître que les Ouïghours et d’autres musulmans turciques ont fui vers des pays tiers pour échapper à la pression et à l’intimidation exercées par l’état chinois pour les pousser à revenir en Chine, où ils s’exposent à des risques élevés de détentions arbitraires massives, de séparation arbitraire massive des enfants de leurs parents, de stérilisation forcée, de travail forcé, de torture et d’autres atrocités;
b) reconnaître qu’un nombre élevé de ces pays tiers subit des pressions diplomatiques et économiques de la part de la République populaire de Chine pour que ceux-ci participent à la détention et à la déportation des Ouïghours et d’autres musulmans turciques de sorte que ces derniers n’aient plus de refuge où que ce soit dans le monde;
c) tirer parti de façon urgente du programme de réinstallation des réfugiés et des personnes protégées à titre humanitaire d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada afin d’accélérer l’entrée au pays de 10 000 Ouïghours et autres musulmans turciques ayant besoin de protection pour une période de deux ans à compter de 2024;
d) déposer à la Chambre, dans les 120 jours de séance suivant l’adoption de la présente motion, un rapport sur la mise en œuvre du plan de réinstallation des réfugiés.
— Madame la Présidente, je suis très heureux d'être ici, à la Chambre, avec tous les députés aujourd'hui. J'aimerais aussi souligner que nous sommes réunis sur le territoire algonquin.
[Traduction]
Aujourd'hui est un jour important. Nous allons discuter d'un important programme contenu dans la motion M‑62, une motion qui vise à accueillir 10 000 Ouïghours victimes de génocide en Chine en ce moment même.
Cette motion demande au gouvernement du Canada de réinstaller 10 000 Ouïghours provenant de pays tiers à compter de 2024. Pourquoi des pays tiers? C'est parce que nous ne pouvons malheureusement pas accueillir les Ouïghours qui sont actuellement victimes de génocide en Chine, mais nous pouvons offrir un refuge sûr aux Ouïghours vulnérables qui se trouvent dans des pays tiers. Ces pays tiers incluent surtout, mais pas exclusivement, les pays d'Afrique du Nord et arabes. Des Ouïghours vivent actuellement dans plusieurs autres pays.
Nous avons entendu de nombreux témoignages de survivants aux comités, notamment au Sous-comité des droits internationaux de la personne. Nous avons entendu des récits cauchemardesques de personnes victimes de tortures innommables, de femmes et même d'hommes victimes de viol. On nous a parlé de travail forcé. En ce moment, plus d'un million de personnes se trouvent dans des camps de travaux forcés. On nous a raconté que des enfants, des centaines de milliers d'enfants, ont été séparés de leur famille et se retrouvent loin de leur mère et de leur père.
Nous savons que 20 % du coton mondial est produit en Chine, probablement issu du travail forcé. Nous savons que 35 % des produits à base de tomates sont également issus du travail forcé, car ils proviennent de la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Alors que le monde s'efforce de prendre le virage vert, nous savons que 45 % du polyuréthane, matériau de base des panneaux solaires, est également issu du travail forcé. C'est totalement inacceptable. C'est une situation que nous, en tant que pays et en tant que famille humaine, devons dénoncer.
Les députés d'en face ont présenté une motion en février 2021 qui demandait à la Chambre de reconnaître qu'un génocide a bel et bien lieu. Heureusement, la Chambre a adopté la motion à l'unanimité et s'est prononcée d'une seule voix sur cette question. Pas un seul député n'a voté contre la motion. Nous avons voté à l'unanimité pour reconnaître que le peuple ouïghour est victime de génocide.
Cette question n'est pas partisane. Honte à ceux qui tentent de la politiser. Ils se reconnaissent. C'est une question qui touche des personnes qui meurent, qui sont violées et qui sont maltraitées. Après la Deuxième Guerre mondiale, nous avons dit qu'une telle horreur ne se reproduirait plus. Après le conflit en Bosnie et en Yougoslavie, nous avons reconfirmé cette intention. Après ce qui s'est passé au Rwanda, nous avons fait de même, et nous l'avons fait à nouveau dans le cas des Rohingyas. Nous le savons maintenant: un génocide est en train de se produire.
Qu'allons-nous faire? Nous sommes au fait des rapports. Nous en connaissons la teneur. Bon nombre d'entre nous les ont lus, y compris les 50 pages rédigées par Michelle Bachelet, ancienne haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme. Elle a dit que ces allégations concernant les Ouïghours sont bien fondées, et qu'il pourrait s'agir de crimes internationaux et de crimes contre l'humanité. En droit international, ce sont des crimes graves, tout comme le génocide.
En 2005, la communauté internationale a dit qu'il faut prévenir les crimes internationaux de cette nature. Par conséquent, chaque pays a la responsabilité d'offrir une protection lorsque des crimes contre l'humanité se produisent ou risquent de se produire. Lorsqu'un génocide se produit ou risque de se produire, le Canada et l'ensemble des pays et de la famille humaine ont la responsabilité d'offrir une protection.
Notre responsabilité est engagée et nous devons agir, notamment en votant pour ce programme destiné à accueillir 10 000 Ouïghours au Canada. Notre pays a une fière tradition d'accueil de réfugiés et de demandeurs d'asile. C'est une fière tradition canadienne.
Ce programme ne mettra pas fin au génocide. Il l'égratignera à peine. Ce programme ne remplacera pas notre obligation, notre responsabilité de protéger. Il y répondra en partie. Il s'inscrit dans notre tradition. C'est une mesure que nous pouvons, que nous devrions, que nous devons prendre.
Par le passé, nous avons accueilli de nombreux réfugiés de diverses origines fuyant des génocides ou des crimes contre l'humanité pour sauver leur vie. Récemment, on peut songer aux yézidis, aux Syriens et aux Afghans. On peut songer aux Hongkongais. Nous avons créé des voies d'accès spéciales. Nous pouvons le refaire maintenant, aujourd'hui.
Voici quelques faits au sujet des Ouïghours. Qui sont-ils? On entend leur nom, mais on ne sait pas qui ils sont.
Comme tous les peuples, ce sont des gens fiers. Ils vivent dans la partie occidentale de la Chine, qu'ils ont toujours appelée le Turkestan oriental, et qui est maintenant connue en droit international sous le nom de Région autonome ouïghoure du Xinjiang.
Le nom du Xinjiang a une signification particulière. Dans la langue de la majorité de la population chinoise, il signifie « nouvelle frontière ». Comme je l'ai mentionné, ce territoire représente environ un sixième de la superficie de la Chine. Il compte de nombreuses et vastes étendues désertiques et montagneuses. Autrefois, ce territoire se trouvait sur la route de la soie, qui servait de lien commercial entre la Chine, l'Europe et le Moyen-Orient. Une version moderne de cette route commerciale est en train de revoir le jour, grâce à des autoroutes et à la libre circulation des marchandises.
C'est la raison pour laquelle la chaîne d'approvisionnement est un enjeu de taille. L'initiative actuelle La Ceinture et la Route traverse la Région autonome ouïghoure du Xinjiang.
Comme je l'ai mentionné précédemment, cette région assure 20 % de la production mondiale de coton. En fait, 80 % du coton en provenance de la Chine est produit dans cette région. Je le répète pour tous ceux d'entre nous qui achètent du coton. Quatre-vingts pour cent du coton en provenance de la Chine est produit dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang, tout comme 35 % des produits à base de tomates, des pâtes et des pizzas.
J'adore les pâtes et la pizza. Contrairement aux apparences, je suis en fait un quart italien et un quart sicilien. Je dis parfois pour plaisanter que mon teint provient de mon côté sicilien. C'est une mauvaise plaisanterie qu'il m'arrive de dire.
Nous savons qu'environ 45 % des matières premières servant à la fabrication des panneaux solaires proviennent également de cette région. C'est le cas de métaux tels que l'or, l'argent et le zinc. C'est une région très riche en minerais.
Cette région est également le théâtre d'essais nucléaires depuis les années 1960, ce qui vient s'ajouter à toutes les horreurs que nous avons entendues.
Ces horreurs sont bien réelles et, comme je l'ai mentionné, elles ont même amené la haut-commissaire aux droits de la personne, Michelle Bachelet, à affirmer que les allégations étaient fondées.
Heureusement, en plus de ma motion, nous avons eu cette semaine un aperçu de ce que nous pouvons faire lorsque la Chambre a débattu et adopté une motion d'adoption du rapport du comité de l'immigration qui portait sur les mesures d'immigration. Le rapport, malheureusement, ou heureusement, ne prévoyait pas de mesure précise. Ce rapport, adopté à l'unanimité cette semaine, demandait la mise en place de mesures spéciales d'immigration pour les Ouïghours et les membres d'autres minorités turciques, sans préciser le type de mesures.
C'est ce que fait la motion à l'étude. Elle vient compléter ce que nous avons déjà fait cette semaine, lorsque nous avons décidé d'agir. Elle décrit les moyens à prendre. Elle est précise et ciblée et elle prévoit un échéancier. C'est ce dont nous avions besoin.
De plus, nous avons heureusement plusieurs initiatives à la Chambre et j'aimerais qu'elles soient toutes adoptées et qu'elles aient toutes force de loi.
Tout d'abord, il y a le projet de loi , qui porte sur le travail forcé. Il s'agit d'une mesure législative très importante. Heureusement, la a déclaré que nous l'appuyons. Elle l'a mentionné en août dans le cadre de sa réponse au rapport de Michelle Bachelet, qui dit qu'il se peut que des crimes contre l'humanité soient commis dans la région. La ministre des Affaires étrangères l'a donc déjà dit. Cette initiative a débuté au Sénat et se trouve maintenant à la Chambre. Elle s'apprête à entamer l'étape de l'étude en comité.
Nous avons aussi une initiative qui touche au prélèvement d'organes: le projet de loi , qui est une autre mesure législative importante. Le prélèvement d'organes est une pratique en place dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang, mais pas exclusivement dans cette région. Nous savons que les adeptes du Falun Gong, ou Falun Dafa, en ont été victimes dans le passé. Ces cas sont bien documentés.
Voilà certaines des initiatives dont l'examen est en cours et sur lesquelles nous travaillons en ce moment même. Ce sont des initiatives que nous devrions tous appuyer.
Le gouvernement libéral a fait un certain nombre de choses. Nous avons mis en œuvre des sanctions Magnitski à l'endroit de quatre personnes et d'une entité qui jouent un rôle actif et qui sont responsables de ces crimes. C'était avant que la motion sur le génocide soit présentée, en février 2021. Nous avons aussi des avis consultatifs pour les entreprises qui exercent leurs activités dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. À titre de défenseur, j'aimerais que ces mesures soient renforcées; il faut les renforcer avec les dispositions du projet de loi .
Je tiens à souligner un point important. Pendant notre discussion franche à propos des crimes contre l'humanité et du crime de génocide qui sont commis en Chine, il faut veiller à ne pas tomber dans le piège des préjugés inconscients au sujet des Asiatiques et des Chinois. Il est essentiel d'éviter ce piège tout en défendant clairement et incontestablement les personnes touchées. Au final, je n'ai aucune gêne à dire que je cesserai de parler de cet enjeu si le gouvernement chinois met fin à ses agissements actuels, mais seulement s'il y met fin. Entretemps, nous devons tous, moi y compris, parler de cet enjeu.
Je tiens à bien insister sur le fait que nous avons tous fait front commun en faveur de ma motion. J'aimerais aussi mentionner quelque chose. C'est Rachel Bendayan, une de mes collègues, qui est ma comotionnaire.
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Madame la Présidente, je remercie le parrain de cette motion et tous ceux qui prennent part à ce débat. Je sais qu'ils sont nombreux dans l'enceinte parlementaire et en ligne.
J'ai l'honneur d'être, en compagnie de mon collègue, co-président du Groupe d'amitié parlementaire pour les Ouïghours. C'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles je suis fier d'intervenir pour appuyer la motion M‑62 et exprimer le soutien du Parti conservateur à son égard. Je m'attends à ce que, au moment du vote, le résultat soit unanime.
Je crois que l'opposition officielle a un rôle extrêmement important à jouer. Elle doit appuyer le gouvernement lorsqu'elle est d'accord avec lui et remettre ses décisions en question lorsque sa réponse laisse à désirer.
En ce qui me concerne, ce dossier revêt un aspect extrêmement personnel. Il est facile de constater que je n'ai pas de racines ouïghoures, mais ma grand-mère a survécu à l'Holocauste. Elle était une fillette juive qui a grandi en Allemagne et qui a dû se cacher, et de nombreux membres de sa famille ont été tués. J'ai été élevé en étant conscient que sa famille élargie avait été victime d'une grande injustice. En tant qu'enfant vulnérable et membre d'une minorité persécutée, elle n'avait rien pu dire ou faire au sujet de sa propre situation, mais elle a survécu à la guerre parce que des gens qui avaient voix au chapitre et la possibilité d'agir se sont insurgés contre ce qui se tramait et les injustices qui étaient commises.
Dans mon bureau, il y a un portrait du bienheureux Clemens‑August von Galen, un évêque dans la région allemande de Munster, où elle se trouvait. Cet homme a critiqué de manière audacieuse et courageuse le régime nazi. Il occupait une position de privilège dans la société et il l'a utilisée pour dénoncer les injustices.
Il y a quelques années, ma sœur et moi sommes allés à Berlin. Nous avons visité les sites de la déportation. En tant que Canadiens, nous étions stupéfaits de voir à quel point tout est rapproché en Europe. Ici, nous sommes habitués aux grands espaces. Ma sœur et moi, nous avons vu les rues sur lesquelles les Juifs ont marché pour se rendre à la gare afin d'être déplacés. C'est étonnant de réaliser que les immeubles d'habitation sont tout autour et que des gens, des Allemands ordinaires, y habitaient. Ils ont sans aucun doute pu voir par la fenêtre leurs anciens voisins et concitoyens être poussés de force vers une destination où ils ont trouvé la mort.
Lorsque j'étais là-bas avec ma sœur, nous en avons parlé, et je me suis demandé ce que pensaient ces personnes, celles qui pouvaient voir ce qui se passait. Peut-être y avait-il une diversité de points de vue. Peut-être que ces personnes savaient que c'était mal, mais qu'elles craignaient, d'une certaine manière, les conséquences d'une prise de parole en faveur de la vérité et de la justice. À quoi pensaient-elles? Pourquoi n'ont-elles pas fait plus?
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous avons fait une promesse à la génération de ma grand-mère en disant « jamais plus ». Jamais plus nous ne permettrons que des personnes soient massacrées en raison de leur origine ethnique ou religieuse. Nous ferons tout notre possible pour faire du génocide un crime et pour l'arrêter partout. Cependant, au cours des sept années où j'ai été député, nous avons reconnu et réagi non pas à un, mais à plusieurs cas de génocide en cours. Il est clair que nous n'avons pas réussi à tenir la promesse faite à la génération de ma grand-mère.
Je pense à ces immeubles d'habitation et aux personnes qui pouvaient voir l'injustice se dérouler devant elles. Aujourd'hui, nous disposons de l'imagerie par satellite. Nous n'avons pas besoin d'être dans des immeubles directement au-dessus de ce qui se passe. Nous pouvons voir les photographies. Nous pouvons regarder les chiffres et constater la chute vertigineuse du taux de natalité résultant de l'avortement forcé, de la stérilisation forcée et de la violence sexuelle systémique dont est victime la communauté ouïghoure.
Je le dois à ma grand-mère et à tous ceux qui ont été dans une situation semblable d'utiliser aujourd'hui ma voix pour dénoncer les injustices actuelles, pour reconnaître le non-respect de la promesse du « plus jamais » et pour faire en sorte que nous faisions tout en notre pouvoir pour intervenir.
La première étape devrait être la reconnaissance du crime de génocide, car, dans l'histoire de la jurisprudence d'après la Deuxième Guerre mondiale, on a essayé d'établir le crime du génocide et d'établir la responsabilité de protéger les gens. Les pays qui sont signataires de la convention sur le génocide ont une obligation. Il ne s'agit pas seulement d'une obligation à l'égard des cas où il y a des preuves concluantes de génocide, mais aussi d'une obligation à l'égard des cas où il y a des preuves qu'il pourrait y avoir génocide.
Les États parties à la convention ont ces obligations. Ces obligations ne s'appliquent pas seulement lorsqu'un organisme international détermine qu'il y a génocide. Tous les États parties à la convention ont ces obligations. Comme le Canada compte parmi les signataires, il doit remplir ces obligations. Lorsque nous voyons un génocide se produire ou que des éléments de preuve indiquent qu'un génocide pourrait être en cours, nous avons la responsabilité d'intervenir pour offrir une protection.
C'est ce qu'a clairement établi l'ancien ministre de la Justice Irwin Cotler lors de son témoignage dans le cadre de l'étude menée par le Sous-comité des droits internationaux de la personne sur cette question. Il a dit catégoriquement que non pas une, mais toutes les conditions— il y en a cinq — prévues dans la convention sur le génocide avaient été violées dans le cas des Ouïghours. Les faits étaient donc évidents, et ils le sont encore plus maintenant qu'ils ne l'étaient à l'époque. Lorsque le Parlement a voté pour la première fois sur la reconnaissance du génocide, c'était avant que nous soyons informés de certains faits qui ont été révélés depuis et que divers autres tribunaux n'établissent encore plus clairement l'état de la situation.
Le hic, c'est que depuis que les pays ont reconnu qu'ils ont l'obligation d'intervenir en cas de génocide et l'obligation de protéger ceux qui en sont victimes, ils hésitent à reconnaître l'existence d'un génocide parce que, lorsqu'ils le font, ils sont légalement tenus d'agir. Toutefois, qu'ils soient disposés ou non à admettre qu'il y a un génocide, ils savent qu'il y en a un parce que les éléments de preuve sont clairs. Pour paraphraser William Wilberforce, certains choisiront peut‑être de détourner le regard, mais face aux éléments de preuve, nous ne pourrons plus jamais dire que nous ne savions pas.
Les preuves sont bel et bien là. Pourtant, cette semaine, la Chambre était saisie encore une fois d'une motion sur la reconnaissance de ce génocide. Tous les députés qui ont voté l'ont fait en faveur de la motion. Cependant, le Cabinet s'est encore une fois abstenu. C'est extrêmement important parce que si le gouvernement avait voté en faveur de cette motion, il aurait reconnu ses obligations juridiques aux termes de la convention sur le génocide, mais il s'est encore abstenu de le faire. Je salue les députés de tous les partis qui étaient prêts à franchir ce pas malgré tout, mais l'impact aurait été bien plus grand si le Cabinet, si le gouvernement du Canada était lui aussi prêt à le faire.
Soit dit en passant, la Chambre des communes a été un précurseur dans le monde. Nous avons été la première assemblée législative démocratique au monde à reconnaître le génocide ouïghour, et de nombreuses autres assemblées législatives nous ont emboîté le pas. Paradoxalement, alors que notre assemblée législative a pris les devants, le gouvernement est encore à la traîne.
Quoi qu'il en soit, il y a encore tant de choses que nous pouvons faire et que nous devons faire. Une myriade de motions d'initiative parlementaire et de projets de loi ont été présentés par divers partis parce que, à défaut du gouvernement, des députés reconnaissent qu'un génocide est en train de se produire. Il y a la motion M‑62, qui vise à appliquer des mesures d'immigration ciblées pour soutenir les Ouïghours. Il y a divers projets de loi, comme les projets de loi et , qui visent à lutter contre le travail forcé. Il y a aussi des propositions, comme le projet de loi , qui renforcerait notre régime de sanctions et qui permettrait aux comités parlementaires de désigner des personnes à sanctionner.
Nous assistons donc aujourd'hui à ce déferlement de mesures de la part des députés et des sénateurs qui utilisent leur pouvoir de parlementaires pour reconnaître ce génocide, mais le pouvoir ultime est entre les mains du gouvernement. C'est le gouvernement qui doit agir, même dans le cas de la motion dont nous sommes saisis, une motion non contraignante qui présente une recommandation au gouvernement. C'est un outil important pour encourager le gouvernement à agir.
Évidemment, le gouvernement n'avait pas besoin d'attendre la motion M‑62 et il n'a pas besoin d'attendre son adoption. La motion lui propose un échéancier plutôt généreux, ce qui est très bien, mais j'invite le gouvernement à assumer ses responsabilités. Individuellement, les députés font ce qu'ils peuvent pour se faire la voix des sans-voix afin de faire connaître leur réalité, et le gouvernement doit faire de même.
Je crois que tous les membres du Cabinet qui ont examiné l'information disponible savent qu'un génocide est en cours et qu'ils ont une obligation. Compte tenu de ce qu'ils savent, ils devraient avoir honte de ne pas agir sans tarder.
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Madame la Présidente, je tiens à souligner que le discours de mon ami de Sherwood Park—Fort Saskatchewan était excellent, et je l'en félicite. C'est toujours un plaisir de travailler avec lui, surtout dans le dossier qui nous occupe ce soir.
Je pense que je démarre cela, justement, en étant transpartisan. Je le disais pas plus tard que la semaine dernière, à la Chambre, on a des divergences d'idées. Avec mes collègues des autres partis, ce n'est pas tout le temps facile, mais je n'ai pas l'habitude de faire dans la partisanerie. Je pense même qu'être transpartisan la plupart du temps me permet de bien faire mon travail. En politique, il y a des enjeux où la partisanerie n'a certainement pas sa place. Les enjeux des droits de la personne, sans l'ombre d'un doute, en font partie.
Je ne surprendrai donc personne en affirmant que, tout comme mes collègues du Bloc québécois, j'appuie la motion M‑62 qui vise à protéger les Ouïghours et les autres musulmans turciques de Chine en les réinstallant au Canada. Je sais d'ailleurs que, présentement, plusieurs de mes amis de la communauté ouïghoure sont dans les tribunes ce soir. Je tiens à les saluer avec mon cœur.
Le 21 octobre 2020, le Sous-comité des droits internationaux de la personne de la Chambre des communes publiait une déclaration où on pouvait lire ceci:
Le Sous-comité condamne sans réserve la persécution des Ouïghours et des autres musulmans turciques du Xinjiang par le gouvernement chinois. À la lumière des témoignages qu'il a recueillis au cours de ses audiences en 2018 et en 2020, le Sous-comité est persuadé que les gestes du Parti communiste chinois constituent un génocide aux termes de la Convention sur le génocide
La motion M‑62 est en quelque sorte une suite des positions passées de la Chambre. Elle contient quatre demandes que je vais résumer pour ceux et celles qui nous écoutent: la reconnaissance que les Ouïghours et autres minorités musulmanes de Chine ont émigré pour fuir la répression et l'intimidation exercées par l'État chinois; la reconnaissance que de nombreux pays tiers subissent des pressions de la part de la Chine pour rapatrier ceux qu'on appelle « les opposants »; la nécessité d'accueillir des réfugiés sur une période de deux ans à compter de 2024; et la nécessité pour le gouvernement de déposer un rapport avec un plan détaillé dans les 120 jours de séance suivant son adoption.
C'est la motion. Je veux néanmoins réitérer ceci. Si la motion M‑62 affirme que le Parlement a déterminé que le traitement des Ouïghours par la Chine constitue un génocide, dans les faits, on l'a dit plus tôt, le conseil des ministres s'est lâchement abstenu lors du vote sur la motion précédente. Au même moment où je me tiens debout à la Chambre, près de 2 millions d’Ouïghours et de musulmans turciques sont emprisonnés dans des camps de concentration que les autorités chinoises ont l'odieux d'appeler des « camps de formation professionnelle ».
Dans ces mêmes camps, on voit des viols collectifs qui sont commis, ainsi que de nombreux actes de torture. Les femmes sont stérilisées de force. Des adultes et des enfants sont enlevés. Des logiciels d'intelligence artificielle traquent, par l'entremise de caméras de surveillance, les Ouïghours partout autour du globe, même ici, à l'intérieur des frontières du Canada. Une véritable entreprise d'effacement culturel bat également son plein, où on endoctrine ceux et celles qui sont incarcérés et où on prive ce peuple de toute expression culturelle.
Les faits sont troublants. Des parlementaires de tous les partis peuvent les rapporter. Je ne sais pas quel sort réservera la Chambre à la motion présentée par mon collègue, mais une chose est certaine: personne ne pourra plaider l'ignorance. L'ignorance est d'ailleurs le plus grand allié des régimes totalitaires après l'aveuglement. Ne soyons pas ignorants. Ne soyons pas aveugles.
En ce moment même se déroule le crime le plus horrible que puisse perpétrer un gouvernement envers sa propre population: un génocide. Le Bloc québécois a d'ailleurs été à l'avant-plan pour dénoncer le génocide contre les Ouïghours, notamment en amendant la motion de février 2021 afin de forcer le gouvernement à exiger un déplacement des Jeux olympiques hors de la Chine. Le gouvernement s'est contenté d'un boycottage diplomatique sans effet.
À cette proposition et celle du Bloc québécois, certains nous ont dit qu'il ne fallait pas mélanger la politique et le sport. Nous avons répondu à cela que lorsqu'on est confronté à un génocide, on ne parle pas de politique, on parle de droits de la personne, on parle de crimes contre l'humanité. Cette démarche, je l'ai menée pour que justice soit faite. Nous l'avons menée pour que justice soit faite. Nous l'avons menée pour les Ouïghours et pour que les crimes du régime au pouvoir en Chine ne soient pas ignoblement récompensés par le prestige d'accueillir les meilleurs athlètes de la planète dans leur capitale.
Malheureusement, après ceux de Berlin, en 1936, l'histoire se souviendra des Jeux olympiques d'hiver de Pékin comme étant les jeux de la honte. Comme député et comme être humain, il m'est encore aujourd'hui impossible d'accepter le statu quo.
La motion de mon collègue demande au gouvernement du Canada d'accueillir 10 000 réfugiés ouïghours et autres musulmans turciques de Chine sur une période de deux ans à compter de 2024. Comme je l'ai déjà dit, le Bloc québécois appuie la motion.
Malgré tout, une partie de moi continue de croire que cette demande est un peu arbitraire. Pourquoi fixe-t-on le nombre de réfugiés à 10 000? Ce qui me dérange dans ce nombre, c'est que les groupes de défense des Ouïghours à qui je parle chaque jour nous disent que ce n'est pas suffisant, qu'il faudrait en accueillir beaucoup plus.
Le ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a encore une fois deux poids, deux mesures dans cette situation. Cela résulte probablement de décisions politiques plutôt qu'humanitaires. Je ne peux le dire, mais il faudrait revoir de fond en comble les programmes fédéraux d'immigration pour qu'à l'avenir on s'assure d'être juste en matière d'accueil des réfugiés.
Je veux souligner le fait que la motion M‑62 demande au gouvernement de déposer à la Chambre dans les 120 jours de séance suivant son adoption un rapport sur la mise en œuvre du plan de réinstallation des réfugiés. C'est une bonne chose puisqu'on sait que le gouvernement libéral a tendance à ignorer les motions de la Chambre des communes.
Le gouvernement doit répondre rapidement pour éviter que le plan se retrouve, comme bien des dossiers en matière d'immigration et de réfugiés, coincé dans les craques du plancher. Exiger que le gouvernement fasse rapport est nécessaire, voire essentiel, mais, 120 jours de séance, il me semble que c'est un délai insoutenable pour les membres de la communauté ouïghoure. Il faudrait que cette réponse soit beaucoup plus rapide.
Au risque de me répéter, je voudrais conclure mon discours en faisant un rappel. J'ai souvent la chance de prendre la parole à la Chambre au sujet de motions proposées par tous les partis et je pense à juste titre que nous sommes du même côté quand vient le temps d'apporter de l'aide. Je rappelle que, alors que je me tiens devant la Chambre aujourd'hui, un génocide est en cours. Comme parlementaires, nous devons travailler pour le bien commun en évitant la partisanerie, et c'est d'autant plus vrai quand il est question de droits de la personne. C'est dans cette optique que j'appuie la motion de mon collègue, mais c'est surtout pour des principes de justice que je le fais, et il est grand temps que justice soit faite pour mes amis ouïghours.
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Madame la Présidente, j'aimerais remercier tous mes collègues qui se sont exprimés à la Chambre ce soir pour défendre les Ouïghours. Je suis d'accord avec eux pour dire que cette question transcende la politique partisane. Ce n'est pas un dossier au sujet duquel nous devrions nous disputer. Tous les parlementaires devraient se mobiliser pour défendre cette cause.
Après que j'ai été élue en 2019, le premier comité auquel j'ai siégé était le Sous-comité des droits internationaux de la personne. Je crois qu'on m'y avait affectée parce que, presque toute ma carrière, j'ai travaillé dans le domaine des droits internationaux de la personne. L'une des premières études que ce sous-comité a entreprises portait sur la situation du peuple ouïghour au Xinjiang. Les témoignages étaient absolument poignants. Je l'ai déjà mentionné à la Chambre. Ces histoires de torture, de viol, de stérilisation forcée et de surveillance comptent parmi les plus pénibles que j'ai jamais entendues. Il était presque insupportable d'écouter les témoignages horrifiants de gens qui s'étaient échappés.
J'ai déjà mentionné ici que, à mon sens, mon travail consiste à écouter. Mon travail est d'entendre des témoignages. Je n'ai pas eu à subir ce que nous laissons les Ouïghours subir. J'ai été élue en 2019, alors je suis une parlementaire relativement nouvelle, mais cela fait déjà trois ans. Je suis députée depuis trois ans, et je n'ai vu aucune des mesures requises pour protéger les Ouïghours être prise. Le gouvernement n'a rien fait qui me laisse penser qu'il prend ce génocide au sérieux et qu'il entend agir avec l'urgence qui s'impose.
Beaucoup de gens présents ici ont des proches qui se trouvent toujours dans des camps de concentration. Ils ne savent peut-être pas où sont ces proches, mais ils savent que ceux-ci ont été torturés et qu'ils ont eu à subir des expériences horribles. En tant que parlementaire canadienne, je dois m'excuser auprès de ces gens. Je suis désolée que nous les ayons laissés tomber, que nous n'ayons pas fait tout en notre pouvoir pour mettre fin au génocide de leur peuple, que nous avons tous reconnu. Je suis désolée que nous n'ayons pas été assez forts, que nous n'ayons pas fait le nécessaire.
Nous avons déclaré qu'il s'agissait d'un génocide. Le Parlement a reconnu qu'il s'agissait d'un génocide, et cette reconnaissance s'accompagne d'obligations pour chacun de nous. Nous connaissons tous les horribles génocides qui ont eu lieu au cours de l'histoire. Nous avons dit que nous ne tolérerions plus jamais une telle chose, que nous ne laisserions plus jamais des gens en danger de mort de cette façon et que nous ne fermerions plus jamais les yeux sur l'élimination d'un peuple. Pourtant, depuis trois ans, et même plus, c'est ce que nous faisons.
Je suis extrêmement fière d'appuyer cette motion présentée par mon collègue de Pierrefonds—Dollard. Je suis ravie d'avoir pu collaborer avec lui au Sous-comité des droits internationaux de la personne. Je suis très heureuse d'avoir pu collaborer avec des députés de tous les partis pour accomplir ce travail important.
Je suis extrêmement fière de mon collègue pour ce qu'il a accompli et la motion qu'il a présentée. Bien entendu, je suis préoccupée par le fait que lorsque nous avons des votes à la Chambre, les ministres ne participent pas au débat. Bien entendu, je suis également préoccupée par le fait qu'il s'agit d'une motion. Nous savons qu'une motion n'est pas contraignante. Nous savons qu'une motion n'est pas une mesure législative. Elle ne permet pas de protéger les Ouïghours comme nous le devrions. Bien que je comprenne que c'est peut-être ce qu'il a estimé être en mesure de réaliser à ce stade-ci avec le gouvernement, ce n'est pas suffisant. C'est loin d'être suffisant. Ce n'est pas assez pour protéger la population. Pour des parlementaires, pour des personnes qui croient aux droits de la personne et à la dignité humaine, cette motion ne va pas assez loin.
En ce qui concerne l'aspect de cette motion qui a trait à l'immigration, à savoir le fait d'accueillir au Canada 10 000 personnes qui fuient la violence, j'y suis bien entendu favorable. Je ne comprendrai jamais pourquoi on limite le nombre de membres de certains groupes persécutés dans le monde qui peuvent venir au Canada alors que d'autres groupes ne se voient imposer aucune limite.
Je ne comprendrai jamais pourquoi il peut y avoir un nombre illimité de réfugiés ukrainiens. Qu'on me comprenne bien: je suis totalement pour le fait d'accueillir au Canada un nombre illimité de réfugiés ukrainiens, qui fuient la persécution de la guerre que mène la Russie dans leur pays. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi nous n'accueillons pas aussi un nombre illimité de réfugiés provenant d'autres pays. Je ne comprends pas comment on peut déterminer ce genre de valeur. Comment peut-on décider qu'on va accueillir un nombre illimité de ces réfugiés-ci, mais seulement 10 000 de ces réfugiés-là? Je suis incapable de comprendre une telle chose.
Il faut aussi absolument parler ce soir du fait que cette motion demande qu'on permette à 10 000 Ouïghours qui fuient la violence de venir au Canada, mais qu'on n'en fait pas assez pour s'assurer que les Ouïghours qui sont dans des camps de concentration, en Chine, puissent être en mesure de venir au Canada. Ils sont détenus dans des camps de concentration et torturés en Chine, et bon nombre d'entre eux sont incapables de se rendre en lieu sûr.
En tant que membre de la communauté internationale, le Canada a aussi une très grande obligation de faire son possible pour exiger des comptes du gouvernement chinois. Notre pays a déjà été une puissance diplomatique. Nous ne sommes pas une puissance. Nous ne sommes pas une puissante économie ou quelque chose du genre. Par contre, le Canada était considéré comme un facilitateur, un diplomate, un chef de file en matière de diplomatie. Notre pays réussissait à rassembler des pays et des groupes dans le but d'œuvrer ensemble et de manière concrète.
Malheureusement, je ne crois pas que le Canada possède toujours cette capacité. Je pense que le pays a miné cette capacité et qu'il a placé les relations commerciales tout en haut de sa liste de priorités au détriment des relations diplomatiques et des relations axées sur le développement. Le Canada n'a plus de relations dont il peut se servir pour faire avancer les choses.
Un exemple parfait, à mon avis, est le fait que le Conseil des droits de l'homme allait tenir un débat sur le génocide des Ouïghours. Il fallait des votes de pays de partout sur la planète. La Chine possède un immense pouvoir et elle a usé de cet immense pouvoir pour amadouer, intimider, contraindre et forcer des pays à voter en sa faveur. Elle s'est servie de différents trucs et astuces. Le Canada n'a plus la capacité de contrer ce genre d'offensive. C'est un problème. C'est un des endroits où nous n'avons pas réussi à défendre les Ouïghours.
Je voudrais que le Canada investisse dans la diplomatie. Je voudrais qu'il travaille à bâtir des relations permettant d'unir nos alliés et d'autres démocraties afin que nous puissions défendre les Ouïghours d'une seule voix. Si nous travaillons de concert, nous serons plus à même de faire pression sur le gouvernement chinois pour qu'il mette fin au génocide des Ouïghours.
Il est primordial que ces institutions multilatérales aient un accès sans entraves. C'est une démarche essentielle que le Canada peut faire pour veiller à ce que la situation en Chine fasse l'objet de rapports fiables et que les défenseurs des droits de la personne obtiennent le financement requis.
Les défenseurs des droits de la personne qui font partie de la population ouïghoure, qui dénoncent courageusement le sort des Ouïghours dans le monde, lancent depuis des années un cri du cœur pour obtenir de l'aide. Le Canada pourrait jouer un rôle important pour les protéger pendant qu'ils continuent leur lutte pour sauver leurs confrères et les membres de leur communauté.
Pour conclure, je dois dire que notre Parlement, notre gouvernement et notre pays doivent dénoncer ces atrocités et unir leurs efforts pour condamner ce que le régime communiste chinois fait subir au peuple ouïghour. Cela inclut le Cabinet, le gouvernement et chaque député dans cette enceinte. Nous devons agir ensemble, condamner ce qui se passe là-bas et déclarer d'une seule voix que nous ne passons pas le commerce avant la protection de la vie humaine, que l'argent n’est pas plus important qu'un être humain. Pas cette fois-ci. Plus jamais.
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Madame la Présidente, c'est avec un immense sens des responsabilités que je me lève à la Chambre pour intervenir au sujet d'une motion que je parraine en tant que comotionnaire.
Je me permets de ramener mes collègues en 2009. Beaucoup de choses se passaient en 2009. Le monde était toujours en proie à la grande crise financière, Barack Obama venait d'être élu président, et l'Iran était en proie à des manifestations massives de citoyens contre le régime islamique. Certaines choses changent et d'autres non.
Là où je voudrais emmener mes collègues, c'est dans la ville d'Urumqi, la capitale de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, également connue sous le nom de Turkestan oriental.
Le 5 juillet 2009, une manifestation pacifique a tourné à la violence après que la police a réprimé avec force les manifestants. Les troubles ont duré plusieurs semaines. Ces événements ont servi de déclencheur au gouvernement chinois, qui a lancé une vaste campagne d'expulsions, de détention et de torture contre ses citoyens ouïghours, sous le couvert de la lutte contre le terrorisme.
Depuis, la répression s'est très fortement amplifiée. Le gouvernement chinois a emprisonné des millions de personnes ouïghoures, presque toutes au cours des cinq dernières années. Nous avons vu des images terrifiantes de camps d'internement, construits dans un seul but: supprimer l'identité du peuple ouïghour.
Les documents dits « Xinjiang Files », publiés en 2019 par le New York Times, détaillaient les politiques chinoises de surveillance et de contrôle des musulmans ouïghours au Xinjiang. Ceux qui ne sont pas emprisonnés se retrouvent sous une surveillance toujours plus intense. Le travail forcé et les stérilisations forcées sont des deux principaux outils utilisés pour opprimer la population locale et éliminer son identité.
Conformément à son modus operandi d'utiliser une diplomatie coercitive, le gouvernement chinois exerce une pression immense sur les pays du monde entier pour qu'ils ferment les yeux sur ces graves violations au Xinjiang, et je suis désolée de dire que cela porte ses fruits.
Au début du mois, le Conseil des Nations unies chargé d'étudier les droits de l'homme dans le monde a refusé d'ouvrir un débat sur les violations des droits de l'homme commises par la Chine dans la région. Dix-sept pays sont restés du bon côté de l'histoire, tandis que 19 pays ont cédé au chantage chinois.
Cela survient quelques mois après que la Chine a exercé une pression considérable sur la haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations unies pour qu'elle enterre un rapport sur les violations des droits de l'homme commises par la Chine. Alors qu'il a été annoncé en septembre 2021 que le rapport était en cours de finalisation, il n'a été publié que le 31 août, lors des dernières minutes du mandat de la commissaire. Il existe de nombreux soupçons selon lesquels le rapport final a été édulcoré sous pression de la Chine.
[Traduction]
Dans un régime fondé sur des règles, les Nations unies devraient être un endroit où l'on fait la lumière sur ces questions. Or, je ne peux m'empêcher de me demander comment la communauté internationale ou les Canadiens peuvent faire confiance aux Nations unies, alors que, pas plus tard que l'année dernière, l'Iran a été élu au plus haut corps législatif en matière des droits des femmes des Nations unies. Les mots me manquent.
Le Canada respecte le régime international fondé sur des règles, mais nous avons aussi une longue histoire de la défense de ce qui est juste, même si cela nous rend mal à l'aise ou lorsque cela est difficile. Dans le cas qui nous occupe, il n'y a pas de zone grise. L'entente entre les partis à l'égard de cette question m'encourage beaucoup. En février de l'an dernier, comme nous l'avons dit à la Chambre, nous avons reconnu les gestes de la Chine dans le Xinjiang comme un génocide. Pas plus tard qu'hier, la Chambre a de nouveau voté à l'unanimité pour reconnaître ce génocide et pour demander que d'autres mesures soient prises pour protéger les Ouïghours et d'autres musulmans turciques dans les pays tiers, qui risquent d'être déportés et renvoyés en Chine.
La motion à l'étude est présentée par mon ami et collègue le député de , que j'ai fièrement appuyé ce soir. Elle s'inscrit dans le sillon des actions précédentes et demande l'admission, au Canada, de 10 000 Ouïghours et autres musulmans turciques qui ont besoin de protection.
Il s'agit ici de faire ce qui est juste. Il s'agit aussi de faire clairement savoir à la Chine et à tous les régimes autoritaires que le Canada ne se laissera pas intimider et qu'il continuera de défendre ses valeurs, peu importe les conséquences.
Tant que la Chine continuera de violer les droits fondamentaux de ses citoyens, tant qu'elle continuera de menacer Taïwan et de réprimer Hong Kong, tant qu'elle continuera d'intimider et de harceler des gens non seulement sur son territoire, mais aussi ici même au Canada, et tant qu'elle continuera de renforcer la position de régimes comme celui de la Russie et de l'Iran, nous tous, à la Chambre, devrons continuer de dénoncer la Chine et de collaborer avec nos alliés pour répondre efficacement.
Je profiterai du temps de parole qu'il me reste pour expliquer, de façon plus personnelle, ce qui rend cette motion si importante à mes yeux et pourquoi il m'apparaît essentiel de dénoncer la situation haut et fort.
En tant que juive de Montréal, lorsque j'étais jeune adolescente, dans les années 1990, j'ai eu le privilège de rencontrer de nombreux survivants de l'Holocauste. Je me souviens très bien de ces conversations.
À une occasion, une femme a raconté à notre groupe l'expérience éprouvante des camps de concentration. La nuit, lorsque je ferme les yeux, je repense à certaines parties de son récit, comme lorsqu'elle a dit qu'elle gardait de petites croûtes de pain dans les replis de ses haillons afin d'avoir quelque chose à donner si un enfant pleurait pendant la nuit. À la fin de son récit, je me rappelle avoir demandé en toute innocence ce que pouvait faire une fille de 15 ans comme moi qui avait été touchée par son histoire. Elle m'a regardée et m'a dit: « C'est à toi et à ta génération de veiller à ce que cela ne se reproduise jamais. »
Lors d'une autre occasion, je me souviens être montée sur scène pour rencontrer un survivant de l'Holocauste. Il venait de raconter son histoire. Je n'ai pas la force de la raconter ici, mais je me souviens avoir senti que je devais m'approcher de lui pour toucher sa main afin de savoir s'il était fait de chair et d'os comme moi. Je devais m'assurer qu'il était bien réel. Encore une fois, la seule chose que j'ai pensé dire à ce moment-là à ce survivant de l'Holocauste, c'est de lui demander ce que je pouvais faire. Il m'a jeté un regard perçant et m'a dit: « J'ai besoin de savoir que tu vas en parler. J'ai besoin de savoir avant de mourir que mes souffrances n'ont pas été vaines. J'ai besoin de savoir que "plus jamais" ait un sens pour toi. » Je l'ai regardé, ainsi que de nombreux survivants de l'Holocauste, et je me suis engagée à en parler et à veiller à ce que « plus jamais » ait un sens, et c'est ce que je fais aujourd'hui à la Chambre.