propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.
— Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui afin de proposer la troisième lecture du projet de loi . J'en suis heureux pas seulement à cause de son importance, car il permettra de veiller à ce que nous conservions un système de justice solide, mais aussi parce qu'il bénéficiait d'un appui unanime la dernière fois que nous en avons débattu, en octobre dernier.
[Français]
Je remercie mes chers collègues de leurs contributions à cet égard. Je suis reconnaissant à tous ceux qui ont exprimé leurs points de vue relativement à ce projet de loi, ce qui nous a permis d'approfondir les questions qu'il soulève et de les aborder sous tous les angles. C'était véritablement un travail de collaboration et je suis fier d'y avoir joué un rôle.
De nos discussions préalables à propos de ce projet de loi, il est clairement ressorti que, peu importe nos divergences politiques, nous avons tous l'objectif commun de protéger l'indépendance du système judiciaire. Nous soutenons cet objectif fondamental aujourd'hui par la mise en place d'un processus rigoureux et adapté pour régler les plaintes disciplinaires contre les juges.
À l'étape où en est le projet de loi C‑9 dans son cheminement parlementaire, je présume que nous sommes tous bien au fait du contexte qui a donné lieu à son élaboration. Ce contexte a été très bien expliqué, ce qui a contribué à encadrer nos récentes discussions. Le bien-fondé du projet de loi a aussi été traité en détail au cours des séances préalables. Néanmoins, je tiens à profiter de la présente occasion pour faire ressortir un certain nombre d'aspects clés.
[Traduction]
D'entrée de jeu, il est important de souligner que les modifications au processus disciplinaire de la magistrature apportées par le projet de loi sont considérables et ont une vaste portée. Il ne s'agit pas de simples ajustements conçus pour mettre à jour un processus qui en avait besoin.
Avant d'aborder les réformes principales, je commencerai par deux éléments importants se rapportant à la conduite des juges en général.
Afin de maintenir la confiance des Canadiens dans le système de justice dans son ensemble, il est essentiel d'avoir un mécanisme robuste pour gouverner la conduite des juges. Il y a deux raisons étroitement liées à cela. Premièrement, l'existence d'un tel régime est essentielle même là où, comme au Canada, la magistrature est établie depuis longtemps et très respectée. Deuxièmement, protéger l'indépendance de la magistrature ne veut pas dire qu'il faut mettre les juges à l'abri des conséquences de l'inconduite. J'aborderai brièvement chacun de ces éléments.
Les modifications proposées par le projet de loi n'ont pas été conçues en réaction à une crise d'éthique judiciaire. C'est plutôt le contraire. L'inconduite des juges au Canada est rare. Heureusement, les allégations sont rares et les conclusions d'inconduite le sont encore plus. Nous, les Canadiens, avons le privilège de bénéficier d'une excellente magistrature, dont la qualité est largement reconnue tant au pays qu'à l'étranger. Il ne faut pas pour autant en conclure qu'il est superflu d'avoir un solide régime de déontologie judiciaire. Ce l'est. Il faut un mécanisme robuste pour traiter les plaintes contre les juges afin que la confiance du public, qui est le fondement de l'excellence de notre magistrature, ne s'effrite pas. Un tel mécanisme est essentiel pour assurer le maintien de la confiance à la fois dans la magistrature elle-même et dans le système de justice en général. Les Canadiens doivent avoir l'assurance que les cas d'inconduite judiciaire seront examinés.
Un régime de déontologie judiciaire qui fonctionne bien reste donc essentiel, même lorsque les allégations d'inconduite judiciaire sont rares. Pour protéger la confiance du public dans l'administration de la justice, il faut qu'un mécanisme soit en place pour répondre de manière appropriée aux plaintes déposées contre des membres de la magistrature au fur et à mesure qu'elles sont faites. Il s'agit d'une garantie concrète de reddition de comptes. Cela contribue à préserver la confiance dans le fait que les allégations sont prises au sérieux, tout en respectant les principes d'équité procédurale.
[Français]
Un processus disciplinaire de la magistrature qui servirait à mettre les juges à l’abri des conséquences d’une inconduite pourrait nuire tout autant à la confiance du public que l’absence complète de processus disciplinaire.
C’est pourquoi les dispositions du projet de loi proposent une approche adaptée, qui vise à assurer que les allégations seront traitées le plus justement et le plus efficacement possible. Le mécanisme prévu respecte à la fois les personnes qui déposent la plainte et celles qui en font l’objet. En fournissant une voie légitime pour l’examen attentif des allégations, nous avons l’assurance que la conduite des juges fait l’objet d’un contrôle et que ceux-ci sont tenus de rendre des comptes au besoin. Cela favorise du même coup la confiance dans l’administration de la justice à plus grande échelle.
Il importe de souligner que l’élaboration soignée d’un processus disciplinaire de la magistrature n’est pas du tout incompatible avec le principe fondamental d’indépendance du système judiciaire, garanti par l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés et par les dispositions sur la magistrature dans la Loi constitutionnelle de 1867. En fait, les deux vont de pair.
Cela dit, il faut effectivement veiller à l’équilibre délicat entre ces deux considérations importantes. Le processus que nous mettons en place pour traiter consciencieusement les allégations d’inconduite visant des juges ne doit pas contrevenir aux garanties constitutionnelles visant à assurer l’indépendance du système judiciaire.
Nous pouvons avoir confiance que ce projet de loi représente un juste équilibre. Les Canadiens peuvent avoir confiance en l’indépendance et en l’impartialité des décisions de leurs juges et, en même temps, être assurés que leur conduite demeure sujette à examen. En définitive, la confiance dans l’administration de la justice s’en trouvera améliorée, tant par rapport aux juges pris individuellement qu’à une échelle plus large.
[Traduction]
J'aimerais maintenant vous donner un aperçu des fondements juridiques et constitutionnels du processus disciplinaire de la magistrature. Au cœur de ce processus se trouve le Conseil canadien de la magistrature, l'organisme chargé de recevoir et d'examiner les plaintes déposées contre les membres de la magistrature nommés par le gouvernement fédéral et de mener une enquête en bonne et due forme. Il est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement.
La Loi sur les juges exige que le Conseil canadien de la magistrature soumette au ministre de la Justice un rapport contenant une recommandation sur la possibilité de révoquer le juge dont la conduite est en cause. Le ministre détermine ensuite s'il doit conseiller au Cabinet de soumettre la question aux deux Chambres du Parlement. Pour qu'un juge soit démis de ses fonctions, la Chambre des communes et le Sénat doivent tous deux voter en faveur de cette révocation. Le cas échéant, une demande de révocation du juge est envoyée au gouverneur général.
Comme je l'ai déjà mentionné, pour y faire contrepoids, ce processus exige des protections constitutionnelles en matière d'indépendance judiciaire. L'inamovibilité est l'un des éléments de l'indépendance judiciaire. Plus précisément, les exigences relatives à l'inamovibilité empêchent la révocation d'un juge, à part en cas d'incapacité ou d'inconduite avérée. À titre de protection supplémentaire, une audience est requise, ce qui permettra au juge de se faire entendre, de sonder la preuve et de présenter tous les éléments de preuve utiles à sa décharge. Ces impératifs sont au cœur de tout processus d'examen de la conduite des juges. Ils sont essentiels pour garantir que toutes les étapes de ce processus sont libres de toute influence indue exercée par les autres organes du gouvernement.
Tout système de justice sain trouve ses racines, du moins en partie, dans le cadre établi pour traiter les allégations d'inconduite de la part des juges. Si nous étions poursuivis en justice, nous nous attendrions tous à nous faire traiter équitablement. Cette même exigence d'équité procédurale s'applique aux juges dont on examine la conduite. Même s'il ne s'agit pas en soi d'un processus judiciaire, il doit en reprendre certains des éléments clés. Par exemple, il faut garantir l'équité tout au long du processus, tout en s'assurant que la résolution est appropriée au contexte. Le processus doit utiliser efficacement le temps et les ressources, ainsi que parvenir à une issue rapidement et à un coût raisonnable pour les contribuables.
Ces éléments sont au cœur des modifications prévues dans le projet de loi . Si notre régime actuel de déontologie judiciaire nous a bien servi pendant de nombreuses années, et qu'il a contribué à créer les conditions préalables nécessaires à la solidité du système de justice dont nous disposons aujourd'hui, il doit maintenant être amélioré. Comme je l'ai déjà dit, il ne s'agit pas de changer pour le plaisir de changer ni d'un changement motivé uniquement par la nécessité de mettre à jour un processus vieux d'un demi-siècle. En fait, c'est parce qu'il y a eu des changements fondamentaux dans le paysage juridique, associés à l'évolution des normes sociétales, qui ont révélé des lacunes particulières dans le processus existant. Les modifications proposées dans le cadre du projet de loi C-9 pourraient y remédier.
Les modifications proposées dans le cadre du projet de loi visent les domaines clés suivants: l'efficacité, la responsabilité et l'équité procédurale. Ce sont des domaines essentiels pour assurer la confiance du public, où le projet de loi nous permettrait de satisfaire aux exigences. L'efficacité du processus permettrait d'optimiser le temps et les ressources financières. La résolution rapide des affaires permettrait d'offrir des assurances aux personnes concernées. À plus grande échelle, la rapidité et l'efficacité du processus judiciaire permettraient au public de constater qu'il fonctionne comme il se doit et que les allégations sont traitées rapidement et efficacement.
À l'heure actuelle, les juges peuvent entreprendre l'examen judiciaire de décisions du Conseil canadien de la magistrature à de multiples étapes. Chacun de ces examens judiciaires, amorcés à la Cour fédérale, peut être porté en appel auprès de la Cour d'appel fédérale et, éventuellement, de la Cour suprême du Canada. Même si de telles procédures sont entamées pour des raisons tout à fait légitimes, une affaire peut trop facilement demeurer en instance pendant une période prolongée de façon déraisonnable. Évidemment, l'efficacité a également une incidence sur les coûts, et lorsque l'on se prononce rapidement à l'égard d'allégations, cela aide à éviter une hausse faramineuse des coûts.
Non seulement on risque de prolonger une affaire indûment pendant de nombreuses années, mais la confiance du public à l'égard du processus risque de diminuer si les coûts semblent excessifs. Un aspect clé du nouveau régime proposé dans le projet de loi est sa flexibilité et sa capacité d'adaptation améliorées. Le projet de loi propose un outil plus raffiné pour résoudre les affaires relatives à la conduite d'un juge qui ne sont pas assez graves pour justifier que le juge soit démis de ses fonctions: il s'agit d'un train de sanctions possibles qui permettrait d'imposer une sanction mieux adaptée au contexte et plus appropriée pour remédier à l'inconduite en question.
Sous le régime actuel, une seule sanction est expressément disponible: démettre le juge de ses fonctions. Par conséquent, cette sanction risque, d'une part, d'être excessive et, d'autre part, d'être trop peu englobante. Pensons à une conduite qui, bien qu'elle soit reconnue comme étant inappropriée, ne justifie pas qu'on déroge à l'inamovibilité protégée par la Constitution dont jouissent les juges.
Le simple fait de faire l'objet de l'enquête approfondie qui est requise, sans qu'il y ait révocation, peut causer des dommages irréparables à la réputation d'un juge. Le Conseil canadien de la magistrature nous a dit qu'il avait souvent du mal à appliquer ces deux options, c'est-à-dire à recommander la peine la plus sévère ou alors aucune peine du tout. Dans les deux cas, le public peut percevoir une injustice.
Il est également important de souligner l'idée que la justice soit rendue et qu'elle soit perçue comme telle. La confiance du public dans la magistrature repose non seulement sur la reddition de comptes des juges, mais aussi sur le fait que les juges sont perçus comme étant tenus responsables. En prévoyant des options autres que la révocation, comme la participation à un programme de formation ou la présentation d'excuses officielles, le projet de loi offrirait une approche plus équilibrée qui renforcerait la responsabilité envers les Canadiens à tous les égards. Il s'agirait d'un important pas en avant pour continuer à favoriser la confiance du public dans notre système de justice.
Il est essentiel de se rappeler que notre système juridique existe pour servir le public. Il fonctionne parce que nous avons confiance en sa légitimité, ainsi qu'en la capacité de ses membres et de ses mécanismes à administrer la justice. Il ne s'agit pas d'un accident, mais plutôt du résultat d'efforts soutenus et concertés au fil du temps. Ici, au Canada, nous avons la chance d'avoir une base solide sur laquelle nous pouvons nous appuyer. Cela exige toutefois une attention constante. Il faut veiller à ce que des mesures soient prises pour préserver la confiance du public.
À titre d'exemple, le projet de loi ouvrirait la voie à une plus grande transparence et à la participation du public dans le processus encadrant la conduite des juges. Les membres du grand public qui ne sont ni des avocats ni des juges pourraient participer à deux étapes fondamentales du nouveau processus qui est proposé.
Premièrement, ils pourraient faire partie d'un comité d'examen dont le mandat serait de déterminer si une inconduite qui n'est pas suffisamment grave pour justifier la révocation d'un juge a eu lieu, puis de choisir la sanction appropriée dans les circonstances. Deuxièmement, un non-juriste pourrait faire partie d'un comité d'audience plénier dont le mandat serait de déterminer si une inconduite grave justifie la recommandation de révocation des fonctions de juge.
Ces modifications correspondent aux commentaires reçus lors des consultations exhaustives menées auprès d'un grand éventail de groupes, y compris des membres du grand public. Non seulement ce processus assurera la reddition de comptes au public, mais il reposera sur la responsabilité judiciaire.
L'un des éléments cruciaux qui permettront de préserver le caractère légitime du processus est l'obligation des juges d'agir de manière responsable, et ce, autant dans les faits que dans la perception du public. Comme je l'ai mentionné, la perception que le système fonctionne comme il se doit est aussi importante que le fait qu'il fonctionne véritablement comme il se doit. Or, ces deux aspects seraient améliorés avec l'élargissement des options pour gérer les cas où les juges auraient eu une conduite inappropriée. Les conséquences à appliquer seraient déterminées selon chaque cas, ce qui tiendrait vraiment compte d'une plus grande variété d'inconduites. Par ailleurs, ce processus modifié favoriserait une approche créative pour résoudre les problèmes et appliquer les sanctions, en gardant à l'esprit d'infliger la sanction la plus appropriée pour une inconduite qui requiert autre chose que la révocation des fonctions.
Le dernier élément relatif à la responsabilité est d'ordre financier. Comme je l'ai indiqué précédemment, dans le régime actuel, les procédures peuvent facilement s'enliser et devenir excessivement longues et coûteuses, ce qui mine la confiance du public. En plus des modifications dont j'ai déjà parlé concernant l'efficacité, le projet de loi propose un mécanisme de financement plus stable et de nouveaux contrôles pour l'utilisation des fonds publics.
[Français]
Plus particulièrement, le financement proviendrait de deux sources: d'un côté, des fonds seraient tirés sur le Trésor, et de l'autre, ils proviendraient du crédit budgétaire du commissaire à la magistrature fédérale, obtenu dans le cadre du cycle budgétaire habituel. Les paiements sur le Trésor ne seraient possibles que pour les coûts découlant nécessairement de l'obligation de tenir des audiences publiques lorsqu'une plainte atteint une certaine étape du processus. Ces coûts sont à la fois non discrétionnaires et imprévisibles. Parallèlement, les dépenses administratives quotidiennes, plus prévisibles, seraient payées à partir des fonds obtenus par le commissaire à la magistrature fédérale dans le cadre du cycle budgétaire.
En ce qui concerne les débours sur le Trésor, des mesures de protection supplémentaires sont prévues. Les montants pouvant être facturés par les avocats des juges en cause seraient limités par une politique. Le projet de loi propose aussi une participation accrue du commissaire à la magistrature fédérale, d'une part pour contrôler les autres dépenses de procédure, et d'autre part pour collaborer avec le Conseil canadien de la magistrature à l'examen quinquennal des coûts assumés par le Trésor.
Le bilan de la magistrature canadienne est exemplaire à tous les égards. Je suis fier de nos juges, actuels et passés, qui se consacrent ou se sont consacrés à servir le mieux possible leurs concitoyens canadiens. Cependant, malgré les hauts standards que nous avons à l'égard des juges et auxquels la vaste majorité d'entre eux font honneur, il est inévitable que certains cas de conduite répréhensible surviennent. Or, comme je l'ai expliqué, même si les exemples d'inconduite sont rares, l'efficacité des mécanismes que nous mettons en place pour y répondre n'est rien de moins que déterminante pour le maintien de la confiance du public.
[Traduction]
Tout comme chaque allégation d'inconduite offre une occasion de renforcer la confiance du public dans la magistrature, il en va de même pour le projet de loi à l'étude. Nous avons le privilège unique de prendre des mesures concrètes pour renforcer l'administration de la justice. J'ai été encouragé de voir la collaboration au cours de l'étude du projet de loi , particulièrement au sein du comité, ce qui nous a permis d'arriver à l'étape actuelle de cette étude. Continuons dans cet esprit et envoyons le projet de loi à l'autre endroit, afin que nos collègues l'examinent.
:
Madame la Présidente, ce projet de loi réformerait le processus par lequel les plaintes pour inconduite à l'égard des juges sont examinées par le Conseil canadien de la magistrature. Le processus d'examen des plaintes visant les juges a été établi il y a plus de 50 ans, en 1971. Un certain nombre de problèmes en font un processus long, lourd et coûteux. Ces problèmes ont été reconnus publiquement par le Conseil canadien de la magistrature, composé de 41 membres, y compris de l'ensemble des juges en chef et des juges en chef adjoints des cours de nomination fédérale. Une réforme du processus est réclamée depuis des années.
À l'heure actuelle, le processus peut comporter jusqu'à trois examens judiciaires, soit un examen par la Cour fédérale du Canada, un examen par la Cour d'appel fédérale et, si l'autorisation est accordée, un autre examen par la Cour suprême du Canada. Ce processus peut prendre des années et peu même, dans certains cas, s'étirer sur une décennie. Ce projet de loi vise à corriger cela en simplifiant le processus, même si, selon moi, il le fait de manière imparfaite du point de vue de l'équité procédurale. Quoi qu'il en soit, le processus proposé par le gouvernement est acceptable, malgré certaines lacunes que les conservateurs ont soulevées lors de l'étude en comité.
Le projet de loi vise également à accroître la transparence en exigeant que le Conseil canadien de la magistrature publie, dans ses rapports annuels, le nombre de plaintes et la façon dont elles ont été réglées.
Le projet de loi vise à accroître la responsabilité. Selon le processus actuel, lorsque l'inconduite d'un juge n'est pas suffisamment grave pour justifier sa révocation, ce type d'affaire peut être réglé à huis clos et de façon très peu transparente. Ce projet de loi changerait cela en prévoyant des sanctions obligatoires. Ces sanctions pourraient exiger du juge qu'il présente des excuses ou l'obliger à suivre une thérapie ou une formation de perfectionnement professionnel selon la nature de l'inconduite et les circonstances de l'affaire.
Dans l'ensemble, le projet de loi protégerait l'indépendance de la magistrature, un principe essentiel à notre démocratie et à la primauté du droit, et que le gouvernement actuel, malheureusement, enfreint de temps à autre. De plus, malgré quelques imperfections, le projet de loi maintiendrait le principe de l'équité procédurale, tant du point de vue du plaignant que de celui du juge dont la conduite fait l'objet d'une plainte.
Il est bien que ce projet de loi ait été présenté. Il est le fruit de consultations qui ont eu lieu en 2016, dont la substance fait généralement consensus et se reflète dans le projet de loi. Toutefois, je dois dire qu'il a fallu aux libéraux cinq ans après la fin de ces consultations pour se décider à présenter un projet de loi. De plus, lorsque le gouvernement s'est finalement décidé à le faire en mai 2021, le projet de loi est mort au Feuilleton en raison des élections complètement inutiles et opportunistes que le a déclenchées. Après ces élections inutiles, les libéraux ont à nouveau présenté le projet de loi au Sénat en novembre dernier, avant de décider soudainement, un mois plus tard, de le retirer.
Les libéraux ont ensuite présenté de nouveau le projet de loi, le , en décembre dernier à la Chambre et l'ont laissé traîner pendant des mois. Pendant six mois, ils sont restés les bras croisés pour finalement le soumettre à un débat à l'étape de la deuxième lecture en juin, juste avant que la Chambre ne s'ajourne pour l'été, et nous voici à Noël, encore saisis de ce projet de loi.
J'insiste sur ce processus pour souligner à quel point le gouvernement libéral est dysfonctionnel. Nous avons ici une mesure législative qui fait consensus, mais il a fallu aux libéraux trois projets de loi pour aller de l'avant. Le projet de loi renforcerait la confiance du public dans le système judiciaire — et les juges sont au cœur de ce système —, mais on ne peut pas en dire autant, de façon plus générale, de la confiance du public dans notre système de justice en raison des politiques et des mesures qu'a mises en place le gouvernement libéral et pour lesquelles il n'obtient pas la note de passage.
Les libéraux accordent toujours la priorité aux criminels plutôt qu'aux victimes. Après tout, on parle d'un gouvernement qui a laissé le poste d'ombudsman des victimes vacant pendant neuf mois. Enfin, en septembre dernier, les libéraux ont décidé de pourvoir ce poste. Ce n'était pas la première fois qu'ils laissaient vacant ce poste de défenseur fédéral des victimes. Ils l'ont laissé vacant pendant près d'un an en 2017 et en 2018. En revanche, lorsque le poste d'ombudsman des prisonniers est devenu vacant, les libéraux se sont empressés de le pourvoir dès le lendemain.
C'est tout un contraste. Le poste d'ombudsman des prisonniers a été pourvu le lendemain, mais celui, essentiel, de l'ombudsman représentant les droits des victimes est resté vacant pendant près de deux ans sur les sept années que les libéraux ont passées au pouvoir.
L'actuel gouvernement vient d'adopter le projet de loi , un projet de loi laxiste envers les criminels et qui leur évite la prison, qui élimine les peines d'emprisonnement obligatoires pour des infractions graves liées aux armes à feu et pour des infractions graves liées aux drogues, y compris le trafic et la production de drogues figurant à l'annexe 1, comme la cocaïne, le fentanyl et la meth en cristaux, et ce, alors que nous sommes en pleine crise des opioïdes. Tandis que 21 Canadiens meurent chaque jour à cause de cette situation, le gouvernement choisit de laisser ceux qui font circuler ce poison dans nos rues purger leur peine chez eux, plutôt que derrière les barreaux, là où ils devraient être.
Ce même gouvernement n'a pas réussi à engager un dialogue entre le Parlement et les tribunaux, qui est pourtant si crucial. Le n'a pas répondu à la décision de la Cour suprême d'invalider la loi très raisonnable et juste adoptée par le gouvernement Harper pour donner aux juges le pouvoir discrétionnaire d'imposer des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pour les auteurs d'une série de meurtres, y compris le meurtrier qui a abattu Brian Ilesic, qui habitait dans ma circonscription. Ses parents, Mike et Dianne, sont profondément troublés par l'inaction du ministre, et je suis heureux qu'aujourd'hui, il ait au moins admis qu'il était prêt à examiner cette décision. C'est la première fois qu'il le dit.
En conclusion, je dirai simplement que le projet de loi est acceptable, mais qu'il n'est qu'une maigre consolation pour les victimes et leurs familles, lesquelles ont été laissées pour compte à maintes reprises par le gouvernement.
:
Madame la Présidente, mon intervention porte sur le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges.
En fin de compte, dans l'affaire Michel Girouard, le problème n'est même pas de savoir si le juge Girouard a acheté de la cocaïne à son ancien client, un trafiquant de drogue connu. Le comité du Conseil canadien de la magistrature chargé de l'affaire a estimé qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves, selon la prépondérance des probabilités, pour conclure que le juge avait fait du trafic de drogue.
Toutefois, il existe un enregistrement vidéo qui, malheureusement pour le magistrat, montre un échange entre lui et son client, avec de l'argent circulant dans un sens et un paquet dans l'autre. Le juge a déclaré que cet échange ne concernait pas de la drogue, mais de la pornographie. Il est clair que ce juge avait une mauvaise habitude, sinon deux, mais je suis prêt à accepter la conclusion du jury selon laquelle il n'y a pas eu trafic de drogue. En fin de compte, c'est la tentative de dissimulation qui a torpillé la courte carrière de ce juge.
Le rapport du comité d'enquête indique que le juge « a délibérément et intentionnellement tenté de dissimuler la vérité durant l'audition ». Par la suite, sa destitution a été recommandée. Cependant, le juge Michel Girouard de la Cour supérieure du Québec était un très bon juge. C'était assurément un juge très intelligent. C'était aussi un avocat très compétent. Il avait une bonne feuille de route en tant qu'avocat et il savait naviguer dans le système judiciaire probablement mieux que quiconque. Il a mis à profit l'expérience qu'il avait acquise au cours de sa carrière d'avocat pour son bénéfice personnel.
Je vais récapituler les faits. En 2010, Michel Girouard était nommé juge. En 2012, une plainte a été déposée à son endroit concernant l'achat de drogue. En 2014, le Conseil canadien de la magistrature a mené une enquête en bonne et due forme et, au terme de cette enquête, a recommandé la destitution du juge à la ministre de la Justice de l'époque.
Je vais expliquer brièvement le fonctionnement du Conseil canadien de la magistrature.
Il s'agit d'un groupe de juges nommés conformément aux dispositions de la Loi sur les juges pour examiner les plaintes déposées contre des juges par d'autres juges. Ce sont des juges qui jugent des juges. Comme c'est le cas de tous les organismes administratifs, cette structure vise à retirer les cas spécialisés du système judiciaire ordinaire. L'idée est d'être plus équitable, plus transparent et plus efficace.
En général, ce processus fonctionne, mais il est possible d'en abuser, comme ce fut le cas dans l'affaire Girouard. Cette affaire a été soumise aux longs processus d'appel du Conseil canadien de la magistrature, puis à de longues procédures de révision judiciaire. Tous ces outils étaient à la disposition du juge Girouard en vertu de la loi applicable, soit la Loi sur les juges, que nous examinons aujourd'hui. Au cours du processus, le magistrat a trouvé quelques tribunaux qui étaient bien disposés à son égard. Le jugement des tribunaux ne cessait de basculer et l'affaire a finalement abouti devant la Cour suprême du Canada en 2019, qui a refusé d'entendre l'appel.
En fin de compte, le juge Girouard a démissionné, heureusement pour nous tous, mais après avoir fait traîner l'affaire devant les tribunaux pendant huit ans alors qu'il touchait son salaire complet, même s'il n'avait pas à se présenter au travail. Ses droits à la pension de retraite se sont également accumulés pendant cette période.
Même si la Cour suprême du Canada a décidé de ne pas entendre cette affaire, le juge en chef avait ceci à dire, pas nécessairement sur cette affaire, mais en général: « Si un juge doit être démis de ses fonctions, il faut le faire rapidement, sans que cela coûte trop cher à la société. Il faut des réformes. Le Parlement doit trouver le moyen d'éviter que ces affaires ne s'étirent trop longtemps et qu'elles ne coûtent trop cher. »
Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui pour examiner le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges. Je ne veux pas donner l'impression que le projet de loi C‑9 est la réponse du Parlement à l'affaire Girouard. Ce n'est pas le cas. J'ai parlé de cette affaire seulement parce qu'elle est très visible et qu'elle constitue un bon exemple. Elle illustre la nécessité de réformes.
Le Conseil canadien de la magistrature s'occupe de nombreux dossiers. Il encadre le travail de près de 1 200 juges de nomination fédérale. La grande majorité de ces juges sont extrêmement compétents, justes, avisés, respectueux des justiciables et respectés par leurs pairs et leur milieu. Le rôle de surveillance de la conduite des juges qui incombe au Conseil canadien de la magistrature s'inscrit dans le cadre de son mandat général qui consiste à assurer l'efficacité, l'uniformité et la responsabilité du système judiciaire, un rôle dont il s'acquitte dans une large mesure avec efficacité.
Je ne souhaite pas entrer dans les détails du projet de loi car nous n'en avons pas le temps. Grosso modo, cette mesure vise à accélérer et à simplifier la procédure d'enquête, tout en s'assurant qu'elle demeure équitable pour les juges. Le projet de loi vise également à renforcer la confiance du public dans le système judiciaire. Surtout, le projet de loi vise à éviter que les affaires d'inconduite de juges se retrouvent devant les tribunaux.
La décision finale dépendra de la recommandation du Conseil au ministre de la Justice, sauf en cas d'appel devant la Cour suprême du Canada. Ce dernier scénario est peu probable sachant que la plupart des demandes d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada sont rejetées, comme dans l'affaire Girouard, qui ne franchissait pas le seuil nécessaire. Je suis certain que la plupart des demandes d'appel relatives à des affaires traitées par le Conseil canadien de la magistrature ne peuvent satisfaire aux critères nécessaires pour être accueillies par la Cour suprême du Canada.
Cet aspect ne plaira pas à tout le monde. Dans l'affaire Girouard, par exemple, qui s'est rendue au tribunal fédéral de première instance quelque part dans son parcours long et sinueux de huit ans, le juge a répondu aux arguments du Conseil canadien de la magistrature qui faisait valoir que seul le Conseil avait la compétence en matière de supervision des juges et que la Cour fédérale n'en avait aucune. Voici ce qu'a dit le juge du tribunal fédéral de première instance:
Il est indéniable qu’un rapport recommandant la révocation d’un juge a un effet grave sur la carrière du juge, sa personne et sa famille. Il est inconcevable qu’un seul organisme sans supervision indépendante et à l’abri de tout recours judiciaire puisse, à lui seul, décider de la destinée d’une personne.
Si le juge qui a écrit ce paragraphe était un député aujourd'hui, il voterait contre le projet de loi .
Au comité de la justice, comme je l'ai soulevé plus tôt dans une question posée au , les députés conservateurs ont proposé une motion pleine de bon sens visant à modifier le projet de loi afin de permettre un droit automatique d'appel à la Cour d'appel fédérale. Au lieu de passer par un tribunal de première instance où les choses peuvent s'enliser, l'affaire serait renvoyée directement à la Cour d'appel fédérale. Malheureusement, les autres députés siégeant au comité ont voté contre.
Cela dit, malgré cette lacune, que je considère comme non négligeable, c'est un bon projet de loi. Il concorde avec d'autres mesures législatives visant une réforme judiciaire qui ont été adoptées ces dernières années, et nous l'appuyons.con